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L’analytique de la traduction et la systématique de la déformation Je proposerai ici d’examiner briévement le systtme de défor- mation des textes — de la lettre ~ opérant dans toute traduction, et Vempéchant d’atteindre sa vraie visée. Cet examen, nous lappe- lons Panalytique de la traduction. 1 s'agit d’une analytique en un double sens : de I’analyse, partie par pattie, de ce systéme de déformation, donc d'une « analyse » au sens cartésien: Mais aussi au sens psychanalytique, dans la mesure ol ce syst8me est largement inconscient et se présente comme un faisceau de tendances, de forces qui dévient la traduc- tion de sa pure visée. L’analytique se propose de mettre ces forces a jour et de montrer les points sur lesquels elles s’exercent. Elle concerne au premier chef la traduction ethnocentrique et hyper- textuelle, od le jeu des forces déformantes s'exerce librement, étant pour ainsi dire sanctionné culturellement et littérairement, Mais en réalité, tout traducteur est exposé & ce jeu de forces. Bien Plus: celles-i font patie de son étre de traducteur et déterminent 4 priori son désir de traduire. I es illasoire de penser qu'il pour. rait s’en délivrer en en prenant simplement sore ee neutraliser', «mise en analyse » de son activité permet de ue lative, carce que Freud dans ure te neutralisation 0 ea eh éyroses ») le « défaut de traduc- tere cts appl Pope tel de Aion » parat consti dy adi TT ear anhérent fa raduction. Aguak abl dfallans. Son fondeent? Pour onde es etn Ment eae analyst asa 49 LA TRADUCTION ET La tery Crest seulement en se soumettant & des « psychanalytique) que les traducteurs peuvent oles» partiellement de ce systéme de déformation Pe same tt Vexpression intériorisée d'une longue traditi eet aussi structure ethnocentrique de toute culture et de tou, Ue Celle ®t que «langue cultivée». Les langues « cultivecn® gue el hk A traduire, mais ce sont également celles qui pen, S0Mt les set! commotion de la traduction, Celles qui censurese "Ie plus ce qu'une psychanalyse tourée vers la langue peso’ Vine ut traductologie. Mais l'approche psychanalytique at sPPoTer a dboit te V'ceuvre des analystes eux-mémes, pew qa Vexpérience de la traduction comme une dimen n Wis fon, de la psychanalyse elle-méme!, ssenti L’analytique esquissée ici : ique esquissée ici ne concer areas Mantes qui s'exercent dans le domaine de Ere 5,28 dtr. ; le la « prose lites (oman, essai, lettres, ete). Hy a cela une raison suige nate surtout expérience dela traduction de la prose littérne fit raison plus objective : ce domaine de traduction a, jucnge injustement négligg, eee La prose littéraire se caractér La p actérise en premier fi fait qu'elle capte, condense et entreméle tout Tespace pala gagier d'une communauté, Elle mobilise et active la totlilé “ant dans une langue. Cela se voit avec Bal es « langues » coexis: oaks Boyce: Faulkner, Roa Bastos, Guimaraes Ross, 2 Stc. De la qu’au point de vue de Ia forme, ce cosmos premier chef le roman, se caracté- langagier qu’est la prose, et au ris oe ar une Certaine.informité, qui résulte de I’énorme brassige des langues opéré dane 1" grande prose Pt dans V'ceuvre. Elle est caractéristique de I Traditi : 'tionnellement, cette informité est définie négativement, 1 Lite &ce propos 1982, Presses 1 Peychanalyse et traduction », Méza, vol, 27, n° 1s miss dienne de Masai de Montréal; L’Oseule, objet de la pensée et Patis, 1983; « La déciop TOM PUR coll « Bibliotheque de Psychanalyse?* n°7, 6d. de Minuit, Prono aduire : exemple Freud », in L’Ecrit du Temps, Lacan», °13, juin 198 ges 19845, « Traduction de Freud, transcription Iytiques'sur ta taductic ay 8 Litoral, €d. Eres, Toulouse. La liste des textes #4 lone cesse daugmenter et forme un corpus fondue 50 LIANALYTIQUE DE LA TRADUCTION i « > théto- horizon de la poésie et du « beau style » 1 Nios ace Gcrit-il & propos de Montaigne : oul rique- «Dans cesyle Sead incigentes et de parentheses [...] qu'& si éclairé, a phrase est volontairement inorga- que : si longue, sic igre il n'y manque Pas ‘une cadence, mais (...] une forme’. » ut pas mieux dire. Les grandes ceuvres en prose se On ne Pett bar un certain «mal écrire», un certain « non- cartcteriset Pr situ. Boris de Schloezer, traducteur de La role» 3 carve et la Pai, OBSEIVE * i ci dire verre et la Paixest tres mal écrit {..] Soucieux de tout dire cea eutrotstot) s'embargue dans des phrases pesantes, compli- a is Jntaxiquement incorrectes... La matidre meme que traite sorred conserve [...] quelque chose de fruste qui explique et justfie gn partic le reldchement de I’éeriture?, » Ce non-contréle a trait & I’énonmité de la masse langagiére que Je prosateur doit concentrer dans son ceuvre ~ au risque de la faire formellement éclater. Plus la visée de la prose est totale, plus ce non-controle est manifeste, ft-ce dans la prolifération et le gonflement du texte, et cela méme dans des ceuvres oi le souci de Ia forme est grand comme chez Joyce, Broch, Thomas Mann, Musil ou Proust. La prose, dans sa multiplicité, ne peut jamais dire dominée, Mais son « mal écrire » est aussi sa richesse : il est la conséquence de son « polylinguisme ». Don Quichotte, par exemple, rassemble la pluralité des « langues » espagnoles de son ¢poque, du parler proverbial populaire (Sancho) a la langue des romans de chevalerie ou des romans pastoraux. Dans ce roman, ces langues s'entrelacent et s'ironisent mutuellement?. 1. Histoire de ta tinératre fr i ela literature franaise, Librairie Hachet, Paris, 1964, p. 322. ap eiitroduetion La Guerre et la Paix I, Gallimard, Folio, Paris, 1972, p. 38, Sel serait cake Seite premier niveau - analysé par Baktine ~ de la prose. Pour une {Smeaton pte radical de a prose et Ge Son rapport le pees faudrat ‘newoger Benjamin (dans Le Concer de critique exteique dans le Romantisme ~ Wad. Ph. Lacoue-Labathe et A.M Lang Flammarion, col, « La 51 LA TRADUCTION ET LA LETTRE La prolifération babélienne des langues d questions de traduction spécifiques. Si l'un des (25 Dose blames » de la traduction postique est de reapers Pas «a du potme (par exemple dans les Sonnets de Shakesae® Pol sens, cipal probleme de la traduction de la prose est eee pin, polylogie informe du roman et de l"essai, © Tespecter Dans la mesure od la prose est considérée comm, Ia poésie, les déformations de la traduction sont iet tt tées — quand elles ne passent pas inapergues. Car cig souvent sur des points difficilement décelables, 1] es voir en quoi un po&me de Hélderlin a été massacré: (11 de voir en quoi un roman de Faulkner I'a 66, surtout tion semble « bonne » (c"est-a-dire esthétique). Voila est urgent d°élaborer une analytique de la traduction iterate. rea Moi sila trade Pourquoj jy de la pre Les tendances déformantes Cette analytique part du repérage d’un certain nombre de tendances déformantes, qui forment un tout systématique, dont la fin est la destruction, non moins systématique, de la lettre des originaux, au seul profit du «sens» et de la «belle forme» Si T’on pose que I’essence de Ia prose est simultanément le rejet de cette « belle forme » et, moyennant notamment Iautonomisation de la syntaxe (ce que Lanson reproche & Montaigne), le rejet du sens (car ’arborescence indéfinie de la syntaxe dans la grande rose recouvre, masque, littéralement, le sens), on mesures mieux ce que ces tendances ont de funeste. T’évoquerai ici treize de ces tendances. Il y en a peutéie d'autres; certaines se recoupent, ou dérivent des autres ccertaines sont bien connues, ou peuvent paraitre ne concerner que nol Philosophie en tet», Paris, 1986 od il prt du « nya possi fs Eve) Paster ul puede tension wate 8 Pe en outre — et c'est essentiel pour la traduction ~ s"interroger Sur le syntaxe dans la grande prose par rapport & ce statut dans 1a ‘exemple la syntaxe chez Broch, d'un c6té, chez Hopkins, de Fautre)- 52 To Napa tee te eee e eee eee L'ANALYTIQUE DELA TRADUCTION jante. Mais en fait, elles concerment route traduc- cso fa Langue, du moins dans I'espace occidental. ‘dire que certaines tendances sont plus agis- sng iss an elle fot, oe oe on Tout spi ale fu telle aire-de-langue. santeS nui vont étre analysées sont : la rationalisation, Les tendane®s Siongement, ennoblissement et la vulgarisa- ta clarificaltssement qualitatif, I'appauvrissement quantitatf, son, 'apPat on, la destruction des rythmes, la destruction des rhomogéne nts sous-jacents, la destruction des systématismes réseaux sig ruction (ou T'exotisation) des réseaux langagiers sexe Hes la destruction des loctions et iiotismes, fface- r , wer des superpositions de langues. La rationalisation La rationalisation porte au premier chef sur les structures syn- taxiques de original, ainsi que sur cet élément délicat du texte en prose qurest sa ponctuation. La rationalisation re-compose les phrases et séquences de phrases de manire & les arranger selon tine certaine idée de l'ordre d’un discours. La grande prose — roman, lettre, essai — a, nous l’avons britvement dit, une struc- ture en arborescence (redites, prolifération en cascade des rela~ tives et des participes, incises, longues phrases, phrases sans verbe, etc.) qui est diamétralement opposée a la logique linéaire du discours en tant que discours. La rationalisation raméne vio- Jemment l’original de son arborescence a la linéarité. Ainsi le traducteur (frangais) des Fréres Karamazov écr «La lourdeur originale du style de Dostoievski pose au traducteur lun probléme quasi insoluble. Il aurait été impossible de reproduire ses phrases broussailleuses, malgré la richesse de leur contenu... » r, Ia prose comporte par essence une part « broussailleuse », au-delA méme du phénoméne de I’arborescence syntaxique. Tout 1. Cité in Meschonnic, Pour la poétique I, op. cit. p-317. 33 LA TRADUCTION ET La Letrpe exots de forme fige Ia prose de I'es Tre imperfection > est une condition de signifiante indique que la prose s'enfone i polylogiques dela langue. La rationalisation ns f° Prot fom d'une prétendue « impossibilité », Tui ton Elle anéantt aussi un autre élément pro concrétude. Qui dit rationalisation dit abe Or, Ia prose est axée sur le concret; elle concrets les nombreux éléments abstraits eer rie dans son flot (Proust, Montaigne). La ea Wetec original du concret & Pabstait, pas seulement 02 ttpay eo ty sai ou g Possibiting 7, saique traction, Parvient ma linéairement Ia structure syntaxique, mai doin, duisant les verbes par des satetemts! en choice ‘ stantfs le plus général, etc. Yves Bonnefoy a monn ® deur sb, a Peuvre dans les traductions de Shakespeare." Process, Cette rationalisation généralisante est d°autant plus ye, ‘elle n'est pas totale. Et que son sens est de ne pa eae ente d'inverser le rapport du formel ete [a de ordonné et du désordonné, de l'abstrait et du cong vaut dans original. Cette inversion ~ typique de Is wage ethnocentrique~ fit que I'ceuvre, sans paraftre changer dene et de sens, change en fait radicalement de signe et de sani, hat 'a premitre traduction du roman Hijo de Hombre du Paraguayen Roa Bastos change-t-elle le statut de cette ceuvre en aocentiant «légerement» les éléments rationnels, offrant ainsi au lecteur une « belle » euvre classique. Résumons a rationalisation déforme original en inversant tendance de base (la concrétude) et en linéarisant ses arbores cences syntactiques. La clarification se de la rationalisation, mais qui conc rement le niveau de «clarté » sensible des m0 “ur sens. La oi loriginal se meut sans probléme (et avec ™"? I1s'agit d’un corollaire plus particuliay ou ke 54 L'ANALYTIQUE DE LA TRADUCTION la clarification tend & imposer propre) dans I'indfint pocessité ae Gu defini ix encore & propos de Dostoievski cou dre tes suggestions de Ta phrase ruse, il faut souvent la crete» a acai acon eel litle clearer than the original?. » ‘e The translation should be a clarification est inhérente & la traduction, dans la mesa rout acte de traduire est explicitant. Mais cela peut mesut ien différentes. signi deux choses tre la manifestation de quelque chose Leespiipas apparent, mais celé ou réprimé, dans 'original. La ae par son propre mouvement, met au jour cet élément. ‘Grost A quoi fat allusion Heidegger pour la philosophie : ‘, » Certes, 1a Ce pouvoir d’éclairage, de manifestation, nous verrons avec Holderlin que c’est le supréme pouvoir de la traduction. Mais en un sens négatif, "explication vise & rendre « clair» ce qui ne I'est pas et ne veut pas Iétre dans l’original. Le passage de lapolysémie & la monosémie est un mode de clarification. La tra- duction paraphrasante ou explicative, un autre. Et cela nous améne & la troisime tendance. Op. cit. p. 317-318, «ad, C€ Dar Michel Gresset, in «De la traduction de la métaphor itéaire Bla cauction comme métaphore de I'écriture », Revue francaise d' études améri- Gals novembre 1983, AREA, Pais ST hie», Paris, 1968, p. 100 Gallimard, coll. «Classiques de 1a philoso- 55 LA TRADUCTION ET La LETTRE 5 Le Toute traduction est tendanci ‘tong nal. C’est la une coasegitaen ot ae plus long —~ dances évoquées. Rationalisation et clang 2 Premign fgement, un dépliement de ce qui; don sat” exigent Mais cet allongement, du point de vue dy rh et epi qualifié de «vide », et coexister avec diverses tt wie tives 'appauvrissement, Je veux dire par aust a rien, qu'il ne fait qu’accrottre la make bee a rae tout augmenter sa parlance ou sa signif ute du texte, snegt rendent peut-étre I’ceuvre plus « claire » sak oe XD fait son mode propre de clarté, Lallongement obscuisent relachement portant atteinte & la rythmique d ecu estan qu'on appelle souvent la « surtraduction >, dont uncas yr le Moby Dick d’Armel Guerne. Moby Dick « allonge eet nique devient boursouflé et inutilement titane me Tat ment, ic, aggrave linformité originaire de Tevuvee, a fat ne d’une informité pleine & une informité creuse. Aun ‘autre boat Vunivers de la prose, les Fragments de Novalis, tradut park méme Guerne, et qui, en allemand, ont une bridveté pariculi, une bribveté qui capte une infinité de sens et les rend dum certaine manigre « longs », mais verticalement, comme des pis, s'Gtirent démesurément et sont aplatis. L'allongement, i, ba zontalise ce qui est vertical chez Novalis! Notons que 'llon- ment se produit ~ a des degrés divers — dans toutes les lanes traduisantes, et qu’il n’a pas essentiellement une base Finguis- oe tad 1 il s’agit d'une tendance inhérente au traduire en Que Y, 1. A. Gueme, traducteur du 0 fiqué sur sa 050" st reste dig le t, s’est expliqué de traduire Novalis: it Sane on oem element « angas” OT, chez. auteur. Intéessante explication, mais il n’en roe pas moins Mi traduction des Fragments de Novas es han des BOMB 2, waduton en France, Non Seulement Gur dal ; st «terminologie mystique » (POU T : AW, Shep aintctrnsceanil devine «transendat 56 [PANALYTIQUE DE LA TRADUCTION L'ennoblissement inant de la traduction platonicienne, dont la traduction (I’a-traduction) classique. On duction est « plus belle » (formellement) fe qu’estimait, 2 propos de la nt culmil i yee est 1a i onal aque Ia tra spout Fginal. Crest du reste Ce 4 f ve Hovis Ancien, l'un des peres du classicisme frangais, des sigue vient ici complétr la logigue de a ratio- estas doit ire un beau dscours. En poése ation postition >; Pou Fa prose, une thétorisation >. Gla dome te it plus hau, ft allusion 2 ce processus bos traduction de la poésie anglaise: sexerce a traduire en frangais un pome de Shelley, selon la coutume de nos poétes qui sont ji stespacera d’abord, : i ge tous un peu top orateurs Prenant done mesure d’apres les rege la déclamation publique il posera ses quiet 28 a, enfin Fale eso de syntaxe qui font appui, et qui empéchent, si je puis cen biessmots cubstantels de mordre Jes uns sur tes autres. Fe ne siprse point cet art darticuler[...] Mais enfin ce n'est plus Pam ‘Mtns de dire, si serré et ramassé, brillant, précieuse et forte énigme!.» «Si quelgu’un 5) La rhétorisation embellissante consiste & produire des phrases « élégantes » en utilisant pour ainsi dire l’original comme matiere premiére?. L’ennoblissement n'est donc qu'une ré-écriture, un scexercice de style » & partir (et aux dépens) de original. Cette procédure est active dans le champ littéraire, mais aussi dans Opie 56 «1 domaines de traduction, I< légance» et posée comme ne nome spn, qe es ongna stent oy ron ‘Fegan Cela vau aussi four un texte technique que pour un texte lira ‘Mais qu’est-ce donc que {ete légance’H nat pastas imporane, Mtge, ue Ie ae thdioneae ‘arfois traité de Ia traduction et de ses normes dans le cadre de la Gaaau, Four ater cone ete endanee ‘embelissane» des traductons, Ua? 7 Gee propos que it wadoction de avene soit une « traduction 37 La TRaDUCT TON ET. celui des scien an i ces humai a «brillants », «enlevés >, débor sine au profit du «sens -prenant — mai: es creat nals Pour les banaliser i. geette «les elements metoriques meng dom Mel oua ce ct Rotscn Chay a sbde effectivement ses lence ne ate © sn a 4 et rt Populaire ou cultivé. Mais cx (en eeSSe. ic au parler elle produ, barra: uit S65 de leurs fo85 inal A sonore erm : expressions, tournures, i i ions, tournures, n’ayant mons , ayant esse signifiante ou — mi " z > Produit qui, lu — mieux — fait allusion & cena une Conscience de ween i terete ress reat, «Un mot qui desi ses Etudes para Spitzer aisément de manitre taccdt® . angues du monde, j fantaisiste, 2o4 2¥€ les mots, aman ad: es emes quot, me, dans tours Ie loscope |» “Ssignent le papitins coues les pillon changent & Hosoi E Martinewy, «a langue, créatiy oe Philologie?», Podsiesn*9, Belin . Paris, deux ae itr tive ou : me mes ot peur dela 58 +P. 102, Cet Teurs « joat® «li He 16-€critune co OUrdeun ths, S¢ justig n'a rien a yo; Per LEANALYTIQUEDE LA TRADUCTION « signfie pas que le mot « papillon » ressemble au 2 qui Re SEIS que dans sa substance sonore ot corporelle, mais ‘Je mot, il nous semble y avoir quelque chose sretnant du papillon Prose ct poésie _chacune & jt}on «9p ai "produisent ce qu'on peut appeler des surfaces a je 1etre Pe jer mat Giconicte gut le péruvien chuchumeca par « ute» o0 8 Lvs ens, mas nullement La vit sonore ct signifnte serge mot. Then va ainsi de tous les termes qualifigs ordinaire- Be fo RAV OUFEUK y «US vifs >, colorés», te, épithétes nent envoient&cete comport feonigue du mot. Et quand aul torque de emplacement (qui paves la désignation aux cate Pr iconiqe) = applique au tout d'une uve, 2 la toalité dépens res diconicté, elle détut dv coup une Ponne partie de se nifiance, et de sa parlance’. L’appauvrissement quantitatif i renvoie une déperdition lexicale. Toute prose présenee Oe certaine prolifération de signifiants et de chaines (syntaxiques) de signifiants. La grande prose romanesquc 00 épistolaire est c pondante ». Elle présente, par exemple, des signifiants non finés, dans la mesure ob ce qui importe, c'est ve, Pour signi fig, il y ait une multiplicité de signifiants, ‘Ainsi le romancier argentin Roberto Arlt? emploie+-il povr Te signifié « visage > semblante, rostro et cara, Sans justifier l'emploi de tel ou tel de ces signifiants dans tel ou tel contexte Lressentiel, c’est que l'im- portance de la réalité du « visage» dam son ceuvre soit indiquée par l'emploi de crois signifiants. 12 traduction qu ne respecte Pas tettetriplicité rend le « visage 4° 5°8 ‘euvres méconnaissable. ance le du ot td 8 neal propose pa Beni : real, out Le Seal cal Pte eee pt Fos, Bete Greoble, 1985 [eaions Com DAES Gre: “et Antoine Berman. 1s a une ressemb ju concept para iconicité — 4 vere 59 LA TRADUCTION ET La Ler RE y a déperdition, puisqu’ 1, puisqu’on a moi Mon que dans Vriginal, C'est tetas ‘mode de lexicalité, le foisonne fort bien coexi masse Brats du texte, avec Lane Eajouer des eles wig eyongement. C quate gn eet encore des signifiants la», «les », des «qui ‘ar Celui-cj aa la Voir avee le tissu lenges atts et omemer » et des «ques donne un texte ala fois shoe eee PeMaUX mayan gg ser souvent & masquer I depends es ron eg ue, pour la prose, | ition quanti on, , la quantité est chose Gan ate (tan 'gement se importante) nt mena ite), lu le signifian its: aU ti rau seu lexical Phan . ette déperditign ion Lhomogénéisation ceuvre he sles noeee ae Tewteer men précédentes. Face 8 une Pordre de de eenaance 8 unifie ‘est presque tou ‘ @ tendance & unfier, &homogéneiser ce aon ow de térogtne, crest ee ee dispar: \ogénéiser ce qui est ce disparate, La non qui est de inherent ta traducton &© Schloezer atridig ° le le peignage «Le traducte a, qu'il cong ea gi vei ou tommy ene on, est obi urmure défectueuse [ Spam dtccmen ne come sera d' rection, une de celles de Vor Guerre + | original. Ainsi a retinal Ain s'aténue nécesainonenen s eguvalent "ment un cOté de La De fait, Ih dances , Phomogénéisatic du systéme de Ger aero la majeure nH Partic moins ie des ten- Ter comme une ; tenda : Fer comme une tendanee en soi, qui 8 dans I’étre du traducteun tt long i tla considé- ws fondément se: s 1. Op. cit. p.40, 60 LANALYTIQUEDE LA ‘TRADUCTION La destruction des rythmes se passera rapidement sur cet aspect, pourtant fondamental. passere' ga Alemann, Meschonnic = ont étudié la rythmique fe, Le roman: Ta lettre, T’essai, ne sont pas moins ryth~ ‘ue la poésie. Ils sont méme multiplicité entrelacée de .. La masse de la prose étant ainsi en mouvement, Ja tra- adu mal (heureusement) A briser cette tension rythmique. Dod vient que, meme < ‘mal » traduit, un roman continue & nous ‘entrainer. Cependants 1a déformation peut affecter considérable- nent la rythmique, Par exemple en sattaquant & la ‘ponctuation. Claude Duneton, ‘dans Parler Croquant, ‘a montré comment Vinay et Darbelnet, dans leur Stylistique comparée de Tanglais ‘et du francais, ont ‘a la fois enjolivé et brisé la rythmique d'un fexte de Lawrence (pris dans England, my England). Lienjolive- qnent fait passer ce texte | d’une tonalité & une autre, et le morcelle- ment de Ia phrase opéré “e scientifiquement > par les auteurs rompt le rythme mimi (son « allant » qui imite le Pays de Galles). Gresset, dans ion d'un texte Pallant du petit train traversant Trartcle cite plus haut, a montré comment Jt traduct tre [a 02 original ne compte due de Faulkner brise sa rythmiq! . {quatre signes de ponctuation, Ia traduction en compte vingt-deles dont dix-huit virgules ! La destruction des réseaie signifidnts sous-jacents un texte «sous-jacent™, 00 certains fenchainent, forment des sire : du texte mani- qui constitue i de Ia signifiance de 'ceuvre- stains mots qui forment, Ne ‘mode de visée, un réseau signifiants clef 8 réseaux sous 1a «su feste, donné & la simple lect. Pang des faces de lanythmigns ane des Tennent de Ton er 7 par ressemblance OU oA fit-ce que Pa Heo trouve =F mei cao : F dvassez grandes distances les s différents), et sans qUe Na LA TRADUCTION ET LA LeTTRE le contexte justi justifie leur emploi, ane perception particulidve: Airel aoe bah at n particuligre, ‘inside la série dog © 08 Atte QuUgmentay st Matifs suit i ortalén —alén ~ jauls (portail) - Jaulén ~ portén — ) ~ (ale) ~ (cage) — (stb) (gen io" ~ (passage) Ce qui donne un réseau : wa Ue aile a cage géant Pe _isstbute passage ee La simple mi ple mise en ré enchainement fait eee ® i fai ces au 5 sions essenilles des Sep, Pyne symbars montre que leur tats, et ca n'est pas page yee Sgnifi lise l'une des dimen- taine’ dimension dannencet Ly enfants sont des augmen- etl, ants et augmentatvit: dans ce roman, une cer- ichemars. La €8 y acquidrers sails, détruit traduction qui nt la tai cages, raat mos a majeurs d'un air avec la teats ‘ceuvre, tels réseaux lance. Par cone! ‘ceux autour dese rou domains Un auteur Is ell autres La tadutontadiomselene perso me it mér 62 LIANALYTIQUE DE LA TRADUCTION La destruction des systémaiismes gystémaisme d'une COV dépasse le niveau des signifiants: _ basset type de Pases, de constons utilisées, L'enple ‘ T’un de ces systématismes ; Je recours & tel ou tel type an nnée aussi (comme le because de Faulkner). C'est tout tome qua ic Spitzer & propos de Provst ov de Racine. ationalisation, ‘clarification et allongement détruisent ce sys- ‘ame en y introduisant des éléments que, par essence, il exclut. toa une curieuse consequence alors que le texte de Ia traduc- Drewes on 1’. dit, plus hamagene gue celui de l’original, lest galement plus incohérent Pins hétérogene et plus inconsisiant. Gest un pot-pourri de divers tyes a écritures. Si bien que latra- Scation tend toujours @ apparalire cover hhomogene et incehé- aoa la fois. Meschonnic I'a moni 3 Pope de Ia traduction TeCelan. Menée 2 fond, I’analyse d'un original et de sa tradue~ ec montrerait que I’éeiture-de-a-aductin est aesystématigue, tone elle de ces néophytes dont les eco, des maisons d’édition rejettent les te? we page. Sauf que, dans Ie cas de la traduction, cette a jcité reste cachée, dissi- mulée par ce qui reste de Ia systema ide original. Le lecteur pergoit cependant I’inc texte de [a traduction, dans fe rmesure od il Iui accorde rarement * confance, ete Te Vit pas comme le « vrai > texte, ni COMME 2 a Paes réjupés, il n'a pas tort: ce n'est Fee be east a ene at homoge néisation ne peut pas plus dissimuler Pa-systématicité que I'ak Ps spl purse quant Jongement ne peut ¢ mn ou I’exotisation La destructor iers vernaculaires des réseaux langagi que toute grande prose centrtient des aye Vermaculaites. « Que le g9s000 veer! », disait Montaigne. ee ee a LA TRADUCTION ET LA LETTRE En premier lieu, la visée polyli iew, polyl ment une plural 'léments emmaccle a prose ino} oa ne ey = Ca gue vernaculaire oe"! ieee bine iconique que la ein an st parent Levies fagals eseelage nae Te frangaae catvee tillais « dérespecter crclge» pls riche que srelone is «despre» lus direct que notre mang rcelletie Te wee To Pett com bal "une bonne Partie de mae. C'est te oe one bonne pate des litératures Tatino-amérieaine. po sidele ‘effacem : *Naleae textualité ae ues est done une a des diminutfs, du remplacement des es de le ite As lacement des verbes actfs par dee oo wnarse » devenant case ja /enant «se trans fore, former en | agune >) aires comme a uen0s Aires», Traditionnel llement, naculaires en les ex» Diabord, aon es €20 jére de con: ui, dang erie tion prend aia ete i fo Seonpate, (es dnigec aire & partir dy ur « faire o Plus insidieusement ion sur-arabis ‘oulignant " L'exoti le celui-ci. le vernacu- naculaire /uits par Mardi at Ia traduc- duit le da arisation en renda Paysans russes o, te local : argoy lant un ver- eut étre traduit Parier tt de Paris tra- angus « culie veusement, Je "and » celui des win ead | enurennae: Sues e Pee iculiser Vorigi e. Ung les aL a C2lui du deg lle exotisa- i De Bs hex un pe 's, n’aboutit sms fori aan eat aus sur le mode i « classique Sti dete IU ie 7 ‘Vemaculaire, brew, re MEU néoto- 64 YvoN ~ QUE DELA TRADUCTION ANALYTE La destruction des locutions abonde en images, locutions, fournyres, proverbes, aire. La plupart d’entre eux rose i La pros’ ent en partie du vemachla i se retrouvent dans des etc Gent un sens ou UNE ‘expérience qui cule wien, anes Lanes : idiotismes » du Typhon de Conrac tinker curse | Damne, if this ship isn't worse «He did not care a than Bedlam! » ai cite ces deux idiotismes et leur traduction Tes ait traduits presque littéralement : ble m’em- Le comparatiste! 4 par Gide s’étonne que celui -omme du juron d’un éameur / que le dial ‘pas & Bedlam !> Car le premier pouvait se rendre par: «il s’en fichait comme «rane guigne », et le second semblait imposer le emplacement de o pediam > incompréhensible pour un Frangais — par & Charen- eaeanpediam étant un célebre asile anglais. Or, meme si le sens etiemtique, remplacer un idiotisme par son équivalent eo 1 eth- nocentrisme qui, répété a grande aboutirait & cette absur- dité que, dans Typhon, les personages ‘S’exprimeraient avec des images frangaises ! Jouer de I’équivalence est ‘attenter 2 Ia parlance de Feeuvre. Les équivalents dune locution ou d’un proverbe ne Tes remplacent pas. Traduire n'est pas cherchcr des équivalences. En outre, vouloir les remplacer est ignorer qu'il existe en nous une wra tout de suite, dans Je nouveau: conscience-de-proverbe qui perce’ des proverbe, le frére d'un proverbe ‘du cru. Ainsi de la, chaine > “eLe monde apprtent ceux qui se event Ot» ange) 4g mond Pin a de or dans la bouche» (allemand) all s'en fichait c porte siI’on ne se croi 1. Jn an der fe fideting et de qualité», 07. €it Meerschen, « La traduction francaise, problemes ds p. 60. 65 an w LA TRADUCTION ET LA Ler E «L'oiseau du matin chante plus fort «Al que 3a, Dios le ayuda » (espagnol que madruga, Dios le ays (conn i ). Le effacement des superpositio ns de La m8ue; Dans une cuvre superpositions de lane soot premier chet coexistent aver une tee yon oe deux a eomanesque Le premier cay cet ah plusieurs Koinai sortes : des dialect par le Trans Banderas Ge ws ronan as Cae lectes «castillan » di ras de Valle- Gadda, Guimardes Rosa, of penne, tating tis gui coifie ee Gu Bread Pees classique et ains, par Voeuvre de Bastos, dont lespay brent Le second, par J Ape du Nordeste modifié syntaxiq juedas, A, Roa enfin ~ cas li mite —le Fi Dans les deun can id oumegans We I °s deux cas, la 8 Wake de Toy latadcion. Crapo deen langues iginal entre le vernaenh ion et a inte $ est menacée par bel tangue de surface ulaire et la koing Ea z Roa Bastos la rancid 8 eff Ia langue sous-jacent nol deepens tension guaran facer. Comment préserver eras? Cree esPABNOIs lati espagnol? Le rapport earn . t peut-é latino-améric Tapport espa- traduction defen og vrateamésesins dans Zrano Ban. CAF Toute prose se caratsorhe pet 5 ‘actérise par des discursifs), i ursifs), « he térologie » (di Phonie » Cine englosie » (Gene > (Giversité des types Pasiue Se Thomas Sah ia eel, La 25 Mann oti thetEFoBlossie, La Me ee . La Montagne teur, Maurice ° B re un a suen pari esr els ae le tad de V’Allemand n'est pas ne a cos ERE ba etn Line 7 isco Bode fiaesigue. uv dee, > Paris, 1981, p.g9, °° Evite de 66 oY jalettre taque le 5) une certaine fis! duit de principe’ tion sur cette figures Po que cela. To destruction nous ne pou La traduction régie par ement iconoclaste. El institué entre 1a let ccabsorbe » le sens. Elle le défait pots isloquée jallit un Se ‘oh des ruines de la lettre dislogue® © 3 ede nécessité. Car il se pourrait rapports ane ewvre Ql" lla aussi cette des! ‘La libération et l'ex} rées par la systém: A'ailleurs d'autees LANALYTIQUE DELA TRADUCTION ceune Russe. Ces deux frangais, dans la sui de la j , Te frangais de celle-ci. Maurice Betz 2 ce me ont encades Pa cent faissé résonner | ‘allemand de Mann pour que les se distinguer et garder, chacun, leur éran- car, la plupart du temps, la traduc- vais puisseat te troublante superposition. re. Réussite rare, que d'effacer ce nous venons d’analyser sommairement tet tout, qui dessine en ofeuy oe Oe nous entendons par woettre, ce sont routes les dimensions cxquelles s'at- Meme de déformation. Ce system, } 0 1 defini eee traditionnelle du traduire, Ines PS Te pro- ur’ goriques. Bien plutt les tries dea tradue- qgissent-elles de ce ‘sol, pour sanctionner idéologiquement ‘sée comme évidente. Bt elles 16 peuvent faire duction est la théorisation de la 1 un point que ute théorie de la tra t du sens. C’est 5 tendances que de la lettre au profit rons développer ici. ces forces et le défait le rappor sul 8 tendances est fondamenta- jeneris que V'@euvTe 8 Mapport ot est fa lettre qui stituer un rapport inverse, ns « plus pur» ttre et Te sens, n'y icune « erreur” ‘sens banal. n bee Cal it que la destruction soit [un de nos ft que euvre aml cpression ‘du sens ope ate ‘sont pas rien. Tl existe atigue d&form ane euvre: 18 parodies Ie fagons ne eu fagone yrtout — 1a critique jonet ce nrare desta de I se eos, st oe, ta essent ety a horse a des & "a 9 argue, sur We mode iéar ame al sme allem cion tat 8 eH ion, ance» (Potenceru 6 im aoeeeeeeeee au =) LA TRADUCTION ET LA LETTRE De fait, critique et traduction (axée sur Ie sens) sont les modes fondamentaux de la destruction des ceuvres. Mais si cette destruc. tion posséde sa nécessité, il ne s’ensuit pas qu'elle doive étre le seu! mode de rapport une euvre. Ni le mode prépondérant. Lorsque nous « critiquons » le systéme des tendances défor. martes, nous le faisons au nom d'une autre essence du traduire. Car si, sous certains rapports, la lettre doit étre détruite, sous 4 autres — plus essentiels ~ elle doit étre sauvée et maintenue, cy |

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