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INFO COM SOUS LA DIRECTION DE

AMANDINE DEGAND
BENOÎT GREVISSE
Journalisme licence
AMANDINE DEGAND
master ET BENOÎT GREVISSE

en ligne doctorat

Journalisme
Le journalisme en ligne bouscule les repères des
Historienne de l’art et journaliste de
formation, Amandine Degand est doc-
en ligne
professionnels de l’information. teur en information et communication
à l’Université catholique de Louvain
PRATIQUES ET RECHERCHES
Ce livre, rédigé par une équipe internationale (Belgique). Elle est membre de l’Obser-
vatoire du Récit Médiatique (ORM).
de scientifiques et d’acteurs de terrain, offre
une synthèse inédite des nombreuses études Docteur en communication, Benoît
qui abordent ce phénomène. Il fournit les clés Grevisse est professeur à l’Université Préface de Jane B. Singer
essentielles qui permettent de comprendre les catholique de Louvain (Belgique) où Postface de Nicolas Kayser-Bril
mutations rapides du journalisme en expliquant, il dirige l’École de journalisme de Lou-
vain (EJL). Il est également membre
d’une part, ce que sont les nouvelles pratiques de l’Observatoire du Récit Médiatique
professionnelles et en proposant, d’autre part, des (ORM). Il enseigne à l’Université de
méthodes d’analyse. Neuchâtel et l’Université de Genève
(Suisse) et intervient régulièrement
L’ouvrage décrit le quotidien des rédactions en entreprise de presse dans le cadre
Internet, précise les compétences nécessaires d’audits et conseils, comme en forma-
tion continuée de journalistes.
pour pratiquer ce journalisme de l’immédiat et les
dérives potentielles auxquelles les professionnels Professeur à l’Université d’Iowa (USA) et à l’Université centrale
sont exposés. du Lancashire (UK), Jane B. Singer a été la première “news
manager” du Prodigy Interactive Services. Elle a également

Journalisme en ligne
Les étudiants et les chercheurs trouveront ici travaillé comme reporter pour la presse écrite et comme rédac-
trice en chef.
des données empiriques recueillies au cœur des
rédactions, mais aussi de nombreuses pistes Nicolas Kayser-Bril est l’un des pionniers du journalisme de
méthodologiques pour aborder leur objet d’étude : données en France. Après avoir mis en place le pôle “datajour-
nalisme” chez OWNI, il a cofondé, en 2011, la société Jour-
de la fabrication de l’information en ligne jusqu’aux nalism++, une agence accompagnant les rédactions dans leur
produits finis présentés sur les sites Web, en passant transition vers le web des données.
par les études de réception.
Avec les contributions d’Arnaud Anciaux, Luc Bonneville, Geneviève
Bonin, Jean-Marie Charon, Daniel Cornu, Dominique Cotte, Édouard
Cruysmans, Julien Figeac, Chantal Francoeur, Samuel Gantier, Alfred
Cet ouvrage s’adresse aux étudiants et Hermida, Valérie Jeanne-Perrier, Florence Le Cam, Arnaud Mercier,
Nathalie Pignard-Cheynel, Franck Rebillard, Florence Reynier, Omar
enseignants en journalisme ainsi qu’aux Rosas, Nathalie Sonnac, Yves Thiran, Annelise Touboul.
professionnels de l’information.
Dans le cadre du nouveau
Système Européen de Transfert L
M 1-2
de Crédits (E.C.T.S.), ce manuel
couvre en France le niveau :
Master 1-2.

JOULIG
En Belgique : Master 1-2 D
En Suisse : Master 1-2
ISBN : 978-2-8041-7068-4 Au Canada : Master 1-2
www.deboeck.com
Retrouvez l'intégralité de cet ouvrage et toutes les informations sur ce titre chez le libraire
en ligne decitre.fr

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Journalisme
en ligne
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INFO COM constitue la bibliothèque de référence de l’étudiant des 1er et 2e cycles
en information-communication. La collection porte les labels EJL (École de
journalisme de Louvain) – ORM (Observatoire du récit médiatique), gages de sa
proximité avec son public étudiant et de sa renommée internationale, et offre à
l’étudiant des manuels de qualité, au contenu aussi complet que concis. Dans
cette perspective, un appareil pédagogique structure chaque ouvrage.
Ses directeurs, Benoît Grevisse et Marc Lits, sont tous deux professeurs à
l’École de journalisme de Louvain (UCL, Belgique) et membres actifs de
l’Observatoire du récit médiatique (UCL). Ils sont entourés d’un comité
scientifique international, garantie supplémentaire de la qualité de la
collection et de ses proximités avec les programmes des différentes écoles de
journalisme et de communication.

COMITÉ SCIENTIFIQUE
BELGIQUE : Jan Baetens (KUL), Daniel Biltereyst (Université de Gand)
FRANCE : Jean-Marie Charon (Ingénieur d’études CNRS, EHESS), Daniel
Deloit (École supérieure de journalisme de Lille), Yves Jeanneret (Université
d’Avignon), Guy Lochard (Université Paris 3), Jacques Noyer (Université Lille 3),
Bruno Ollivier (Université des Antilles et de la Guyane), Michael Palmer
(Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3), Rémy Rieffel (Paris 2 IFP), Denis
Ruellan (Rennes 1 - IUT Lannion), Jacky Simonin (Université de La Réunion),
Jean-Claude Soulages (Université Lyon 2), Jacques Walter (Université de
Metz), Yves Winkin (École Normale Supérieure Lyon)
ROUMANIE : Mihai Coman (Université de Bucarest)
SUISSE : Annik Dubied (Université de Genève)
CANADA : Serge Proulx (Université du Québec à Montréal), Thierry Watine
(Université Laval)
CHILI : Bernardo Amigo Latorre (Universidad de Chile)
BURKINA FASO : Serge-Théophile Balima (Université de Ouagadougou)
R. D. CONGO : François Budimbani (Facultés catholiques de Kinshasa)

TITRES PARUS
- Degand A. et Grevisse B., Journalisme en ligne
- Derèze G., Méthodes empiriques de recherche en communication
- Grevisse B., Écritures journalistiques
- Grevisse B., Déontologie du journalisme
- Jespers J.-J., Journalisme de télévision
- Koutroubas Th. et Lits M., Communication politique et lobbying
- Lallemand A., Journalisme narratif en pratique
- Lits M., Du récit au récit médiatique
- Marthoz J.-P., Journalisme international. 2e édition
- Marthoz J.-P., Couvrir les migrations
- Pasquier M., Communication publique
- Sepulchre S., Décoder les séries télévisées
- Verhaegen P., Signe et communication

À PARAÎTRE
- Derèze G. et Diana J.-Fr., Journalisme sportif
- Reyniers A., Communication interculturelle
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SOUS LA DIRECTION DE
AMANDINE DEGAND
ET BENOÎT GREVISSE

Journalisme
en ligne
PRATIQUES ET RECHERCHES

Préface de Jane B. Singer


Postface de Nicolas Kayser-Bril
Pour toute information sur notre fonds et les nouveautés dans votre domaine
de spécialisation, consultez notre site web: www.deboeck.com

Couverture et maquette intérieure : cerise.be


Mise en page : Frame

© Groupe De Boeck s.a., 2012 1re édition


Éditions De Boeck Université 
Rue des Minimes 39, B - 1000 Bruxelles

Tous droits réservés pour tous pays.
Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiel-
lement ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer
au public, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.

Imprimé en Belgique

Dépôt légal :
Bibliothèque nationale, Paris : décembre 2012 ISSN 2030-8906
Bibliothèque royale de Belgique, Bruxelles : 2012/0074/369 ISBN : 978-2-8041-7068-4
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PRÉFACE

Depuis des siècles, les journalistes considèrent que leur rôle social est essen-
tiel au débat public. Tout particulièrement au cours du XXe siècle et au début
du XXIe siècle, ils ont cru – et c’était dans une certaine mesure justifié – que,
sans les informations que les journalistes fournissaient, les populations, dis-
persées géographiquement et distinctes démographiquement, ne seraient pas
en mesure de prendre part au débat civil, lequel est indispensable à toute
société démocratique.
Au cours de cette période, les participants à ce débat sont restés cloisonnés,
au moins du point de vue des salles de rédaction. Les journalistes parlent à
d’autres journalistes, en personne ou au travers d’échanges arbitrés. Et les
journalistes s’adressent au public, principalement au moyen des produits
qu’ils ont créés et qu’ils contrôlent : journaux, magazines, programmes télé-
visés, Internet, etc.
Mais les journalistes ne parlaient jamais réellement avec leur public. Depuis
des centaines d’années, les journalistes ont rassemblé des informations, les
ont évaluées, interprétées et y ont réagi ; tout cela, ils l’ont fait dans les limi-
tes de la bulle que constitue une salle de rédaction, eux-mêmes étant à l’inté-
rieur et le public à l’extérieur. La bulle était perméable à l’information
centrifuge – des journalistes vers le public –, mais relativement imperméable
à l’information transitant dans l’autre direction. Quant au discours public, il
avait généralement lieu, lui aussi, à l’intérieur de la bulle, et seulement
lorsqu’il correspondait à la définition de “nouvelle”, définition qui, bien
entendu, dépend des professionnels en place.
Internet a fait exploser cette bulle.

1. La fin de l’isolement
De nombreux changements ont bouleversé le secteur des médias depuis au
moins dix ans, comme nous allons le voir et l’expliquer ci-après. Mais peut-
être que rien n’est plus fondamental pour ceux qui occupent des postes dans
ce secteur économique que cette évolution : d’une salle de rédaction isolée,
dont les employés sélectionnaient puis diffusaient les informations qui

Préface 5
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Journalisme en ligne

alimentaient le discours public, vers une salle de rédaction qui, au contraire,


est simplement une composante supplémentaire d’un milieu informatif non
délimité dans lequel ledit discours prend spontanément naissance en tout lieu
et se répand librement partout. Dans ce milieu, les journalistes ont perdu leur
rôle exclusif propre, leur identité professionnelle propre qui les distinguait
nettement de leur “auditoire”.
Les journalistes sont devenus une partie du public tout en restant au service
de celui-ci. L’observateur est désormais également un acteur. Le commenta-
teur est aussi un interlocuteur. Le reporter est également un assembleur et le
rédacteur en chef est aussi un homme de réseau.
Cette évolution des relations entre les journalistes et les citoyens, et par con-
séquent de la conception que les journalistes se font d’eux-mêmes, soulève un
certain nombre de questions existentielles et profondément philosophiques
s’adressant à des gens dont la place dans le tissu social et la vie publique est
si longtemps demeurée pratiquement incontestée.
N’importe qui peut-il être journaliste ? Si c’est le cas, que se passe-t-il si rien
ne distingue le professionnel de l’amateur ?
Tout le monde est-il capable de créer quelque chose qui sera unanimement con-
sidéré comme étant du journalisme ? Si c’est le cas, que se passe-t-il si aucune
valeur ne réside dans la production d’un groupe professionnel spécifique ?
Le meilleur chemin jusqu’à la “vérité” passe-t-il par la vérification de l’infor-
mation disponible avant de la diffuser, la méthode journalistique classique ?
Ou vaut-il mieux diffuser l’information disponible le plus rapidement et le
plus largement possible de telle sorte qu’elle puisse être façonnée par l’apport
et l’éclairage collectifs dans cet espace médiatique, désormais sans limites,
que nous occupons tous ?
Lorsque la connaissance généralisée de quasiment tout évènement dans le
monde est sensiblement concomitante de la survenue dudit évènement, quelle
est la nature de la responsabilité du journaliste en tant qu’homme de
communication ? Auprès de qui est-il redevable de cette responsabilité, et
comment celle-ci peut-elle être la mieux assurée ?

2. Questions pratiques
Outre ces questions majeures, il en existe un grand nombre qui sont plus con-
crètes, mais auxquelles il n’est pas nécessairement plus facile de répondre.
Comme vous le lirez tout au long de ce livre, ces questions couvrent, notam-
ment, des sujets technologiques, organisationnels et juridiques.
Comment le journaliste va-t-il concilier les différentes tâches consistant à
fournir de l’information dans des formats de plus en plus divers (écrit,

6 Préface
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Préface

photographie, infographie, vidéo, son), pour un nombre croissant de plates-


formes (médias “historiques” tels que la presse et la radio, sites Internet, télé-
phones mobiles intelligents, tablettes), et ce, tout en intervenant dans l’espace
des médias sociaux où règne la cacophonie perpétuelle (blogs, microblogs
tels que Twitter, réseaux sociaux tels que Facebook et autres nouveautés qui
seront apparues au moment où vous lirez ces lignes) ? Comment les salles de
rédaction et les individus qui y travaillent se préparent-ils à utiliser le plus
vite possible la prochaine innovation technologique dont on n’a pas encore
idée ? Et l’innovation suivante, puis celle d’après ?
Comment les organisations qui emploient traditionnellement des journalistes
continuent-elles à engranger assez de recettes pour se maintenir à flot ? L’évo-
lution vers un espace médiatique ouvert où tant d’informations sont scanda-
leusement gratuites, où tant de publicité est ridiculement bon marché et où le
comportement du public est frustrant, tant il est changeant, constitue une
menace virtuelle à l’encontre de tout modèle économique commercial qui,
jusqu’à présent, a fonctionné dans le domaine des moyens de communication
de masse. D’autres modèles de financement existent pourtant. Parmi ceux-ci :
les subventions gouvernementales qui ont traditionnellement renforcé la
presse française ; de même que les modèles de journalisme sans but lucratif
(non-profit journalism) bénéficiant du soutien de fondations philanthropi-
ques, voire de généreuses personnes physiques, et qui, ces derniers temps, en
Amérique du Nord, sont devenus plus précaires. Mais la pérennité et la viabi-
lité à long terme de tels modèles, notamment au cours des périodes économi-
ques troublées, demeurent en suspens. Un climat omniprésent d’instabilité
financière règne sur de nombreuses salles de rédaction – dans lesquelles l’aus-
térité est devenue la nouvelle norme – et s’accompagne d’effets prévisibles sur
les effectifs, la disponibilité des ressources et le moral des journalistes.
En réponse à ces défis, de nombreuses salles de rédaction se réorganisent.
Elles déplacent à la fois les meubles et les gens, définissant des postes nou-
veaux et redéfinissant les anciens. Il y a de nouvelles tâches quotidiennes à
remplir et de nouveaux délais pour les mener à bien. Pour de nombreuses
organisations agissant dans le domaine de l’information, les produits numé-
riques sont passés du rang d’accessoire à celui de clé de voûte et leur création
relève de plus en plus de la responsabilité de tous les membres de la salle de
rédaction plutôt que d’un petit groupe de gars un peu fêlés relégués dans un
coin. Le lectorat, qui faisait autrefois l’objet d’un examen mensuel (et
encore !), est désormais contrôlé une fois par minute (voire plus) ; et il est
étudié dans le détail plutôt que de manière globale. Au milieu du chaos créé
par le changement, comment reconnaître les signes du succès ? À ce jour, per-
sonne ne le sait vraiment.
En fait, la liste des questions restant sans réponse certaine, voire sans aucune
réponse du tout, s’allonge de plus en plus. Même le cadre légal relativement

Préface 7
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Journalisme en ligne

clair dans lequel les médias opèrent est devenu déroutant. Les lois, après tout,
sont issues d’un territoire, et à quelques exceptions près, leur champ d’appli-
cation s’arrête aux frontières du pays qui les a établies. Le droit français n’est
pas tout à fait le même que le droit allemand ou belge, ni que le droit cana-
dien. Les lois gouvernant les médias en France ne peuvent pas non plus être
imposées aux journaux allemands ni aux sites Internet belges, pas plus qu’aux
chaînes de télévisions canadiennes, et ce, même si ces pays ont des cadres
médiatiques comparables et une conception collective similaire du rôle du
journalisme dans la société. Comment des lois limitées aux citoyens d’un pays
particulier peuvent-elles s’appliquer à un moyen de communication planétaire
dont les utilisateurs vivent dans l’un des près de deux cents pays différents
répartis sur tout le globe, pays parmi lesquels certains ont une idée radicale-
ment différente de la fonction que la presse doit assurer ? Ces lois doivent-
elles être appliquées au-delà des frontières nationales ? Lesquelles ? Comment
est-il même possible de convenir, au niveau mondial, de lois appropriées ? Et
qui chargera-t-on de les mettre en application et de les faire respecter ?
Par conséquent, à bien des égards, nous nous apprêtons à entrer dans un
environnement médiatique qui vient d’être bouleversé par un tremblement de
terre dont l’onde de choc n’est pas encore amortie. Les journalistes et les
publics sont engagés depuis peu dans diverses formes de dialogue et soulè-
vent des questions restant sans réponse tandis que leurs rôles et relations con-
vergent et divergent. Les nouvelles technologies apparaissent rapidement et
sont intégrées aux procédures de travail avec des résultats mitigés. Les modè-
les économiques anciens ne fonctionnent plus et les nouveaux n’ont pas fait
leurs preuves à ce jour. Les tâches et structures des salles de rédaction sont
en cours de redéfinition et de reconfiguration, avec des effets inconnus à la
fois sur les professionnels qui y travaillent et sur les produits.
En résumé, nous ignorons encore en grande partie ce que l’avenir est suscep-
tible de réserver aux journalistes.

3. S’adapter au changement
Toutefois, l’une des choses que nous savons, c’est que les journalistes vont
s’adapter et que la façon dont ils vont s’adapter va influer sur le journalisme
qu’ils vont produire. Les recherches que j’ai moi-même menées sur une
période qui remonte à l’apparition du Web comme support viable du jour-
nalisme tendent à montrer que, contrairement à ce que sous-entend l’éti-
quette galvaudée de “dinosaures” qu’on voudrait leur appliquer, le métier de
journaliste et le rôle des journalistes sont bien plus susceptibles d’évoluer que
de disparaître.
Au sein des salles de rédaction, le changement est accepté quelquefois avec
réticence, souvent avec lenteur, et presque toujours avec plus de doute que

8 Préface
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Préface

de confiance quant à ses chances de succès – et même sans avoir une image
claire de ce à quoi le “succès” peut bien ressembler. Mais, avec du recul, on
se rend compte que l’accumulation de mesures timides finit par donner des
transformations significatives, et ce, en un temps considérablement plus
court qu’une vie d’homme.
Un contenu qui, ne serait-ce qu’il y a quelques années, était transféré, moyen-
nant peu de modifications – voire aucune –, du support classique à Internet
est désormais fréquemment créé d’emblée pour la diffusion en ligne et dans
des formats novateurs qui exploitent de plus en plus subtilement les capacités
du moyen de communication concerné.
Il n’y a pas si longtemps, les professionnels des salles de rédaction considé-
raient les blogueurs comme des imposteurs et des intrus qui n’avaient pas
leur place dans le monde du journalisme ; maintenant, les reporters tiennent
leur blog et les blogueurs font du journalisme. Et tous reconnaissent qu’ils
tirent avantage de l’extension de la collecte d’information et de la multipli-
cation des options de narration.
Récemment encore, les journalistes considéraient les comptes rendus que l’on
trouvait dans les réseaux sociaux comme étant sujets à caution et narcissi-
ques, voire ineptes ; ils ont cependant rapidement réalisé que les plates-for-
mes de microblogging et de “réseautage social” sont des outils de reportage
extraordinaires. Et il est devenu difficile d’imaginer s’en passer pour suivre
les dernières nouvelles et les tendances de l’actualité.
Et les journalistes qui n’avaient que rarement, si ce n’est jamais, interagi avec
les lecteurs et les spectateurs le font désormais de manière routinière. Le large
“public” indifférencié engagé dans un “discours” vaguement conceptualisé
s’avère être constitué d’un très grand nombre d’individus ayant des choses
intéressantes à dire, pas seulement entre eux mai aussi à destination des gens
qui sont à l’intérieur de cette bulle éclatée qu’est la salle de rédaction.
Le changement est inévitable : il a lieu, que nous le voulions ou non. Mais
pour que le changement soit bénéfique, il doit résulter d’un effort délibéré,
intense et collectif.
Pour le journaliste, cet effort comprend un ajustement continu, non seule-
ment aux pratiques et aux produits, mais aussi aux perceptions enracinées
des praticiens et du public, aux rôles et aux responsabilités, aux tâches et aux
traditions… Le défi à relever est ambitieux et présente de multiples facettes,
mais il est riche de nombreuses promesses dans un monde interconnecté évo-
lutif où l’information crédible est plus importante que jamais pour ce qui est
devenu un débat civil mondial.

Jane B. SINGER
Université de l’Iowa, États-Unis d’Amérique

Préface 9
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INTRODUCTION

Le journalisme en ligne
comme objet d’étude
protéiforme
L’adaptation aux changements occasionnés par l’émergence du journalisme
numérique relève d’un effort, comme le suggère J. B. Singer dans sa préface.
L’objectif de cet ouvrage collectif sera de passer au crible quelques-uns de ces
efforts d’adaptation consentis par une frange grandissante de la population
journalistique. Il apparaît néanmoins difficile de savoir dans quelle mesure ces
efforts aboutiront à une amélioration des conditions de travail des journalis-
tes. Aussi vrai que nous savons peu de choses sur l’avenir de la profession,
nous ne savons rien du sort qui sera réservé aux études sur le journalisme en
ligne. Leur spécificité n’est-elle pas, d’ailleurs, déjà contestée ?
Pour répondre à cette question, il faut tout d’abord revenir sur quelques tra-
vaux représentatifs de l’évolution des études sur le journalisme en ligne, sans
pour autant prétendre à un état de l’art exhaustif de cet objet tentaculaire.

1. Quelques travaux marquants


Les premiers travaux sur la presse en ligne prennent corps dans la vague
d’études s’intéressant à l’informatisation de la presse (Dagiral et Parasie,
2010). Dans ce contexte, Jean-Marie Charon a tôt décelé de nouveaux pro-
fils professionnels liés à l’apparition du vidéotexte, incarné, en France, par le
Minitel (Charon et Cherki, 1984 ; Charon, 1985, 1991).
À la fin des années 1990, les journalistes prennent lentement conscience du
formidable potentiel d’Internet en tant que source d’information. La recher-
che présente alors majoritairement le Web comme une voie pour améliorer le
journalisme (Pavlik et Ross, 2000, cités par Le Cam, 2005). François Demers,
note que, si peu de gens s’informent en ligne à l’époque, le Web est
« cependant investi de grands espoirs comme média-porteur de l’information,
comme nouveau débouché commercial pour les produits journalistiques et
donc comme nouveau marché du travail pour les professionnels du journa-
lisme » (1998 : 34). Tout en s’interrogeant sur la viabilité d’un marché de
l’information en ligne, F. Demers constate les atouts de la toile en tant qu’outil
de travail journalistique dopant les capacités d’enquête, d’espionnage et de

Introduction 11
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Journalisme en ligne

collecte de données (Ibidem : 23). Dès 1998, Jane B. Singer s’interroge sur
l’avenir du rôle journalistique de gatekeeper, qui semble avoir perdu de sa
pertinence dans un univers en ligne où l’internaute est désormais en mesure
de sélectionner lui-même l’information qu’il souhaite consulter (1998). Paral-
lèlement, Mark Deuze annonce des transformations importantes dans la pra-
tique et les valeurs des journalistes qui “passent online”. Internet, tout en
mettant en danger le rôle d’intermédiaire du journaliste, invite les journalistes
à apprivoiser de nouvelles pratiques et technologies et crée, par là même, un
type spécifique de journalisme (Deuze, 1999 : 373).
L’optimisme pour les premières expériences de journalisme digital s’accom-
pagne d’un certain déterminisme technologique, d’une « utopie communau-
taire et techniciste liée à l’irruption des “nouvelles technologies” » (Maigret,
2008 : 251). Manuel Castells en est sans doute l’un des plus illustres prophè-
tes, pour sa trilogie d’ouvrages : « L’ère de l’information » (1996), « La
société en réseaux » (1997) et « Le pouvoir de l’identité » (1998). Dans cette
lignée, certains auteurs parleront de journalisme réticulaire ou network jour-
nalism, illustrant « la convergence entre un noyau de compétences et de fonc-
tions journalistiques et le potentiel civique du journalisme en ligne » 1
(Bardoel et Deuze, 2001).
Mais les prophéties technophiles tournent au vinaigre. Pour Nicolas Pélissier,
la révolution annoncée n’aura pas lieu. Il dénonce un sentiment de déjà vu
face aux prétendus bienfaits d’Internet. « Et si la technique, contrairement
aux prévisions, se révélait être un facteur d’irrationalité, de conflictualité, de
complexification, voire de repli sur soi ? » (Pélissier, 2001 : 7). La formule
est encore empreinte de technodéterminisme, mais l’un des leitmotivs de la
recherche des années à venir est déjà bien présent : la recherche des bienfaits
et méfaits d’Internet pour le journalisme. Par extension, l’impact de toutes
les nouveautés associées au webjournalisme sera questionné. Par exemple :
• Quel est l’impact du mode d’organisation convergent ou intégré sur la
qualité des productions journalistiques (Singer, 2004 ; Huang et al.,
2004 ; Bettels, 2005 ; Este et al., 2011) ?
• Que dire de l’incidence de la concentration des médias (souvent associée
aux stratégies de convergence) sur les productions journalistiques (Ber-
nier, 2008) ?
• L’Internet entraîne-t-il une uniformisation des productions (Boczkowski
et de Santos, 2006) ?
• Les transformations vécues par les professionnels de l’information et de la
communication ont-elles une influence sur le moral des journalistes (Baro-
mètre CSA 2007 ; Fion, 2008) ?
1. Traduction de l’auteur.

12 Introduction
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Introduction

• L’accélération des rythmes de production influence-t-elle la crédibilité des


contenus journalistiques en ligne (Cassidy, 2007) ?
• Quelle est l’incidence de la reconfiguration des pratiques professionnelles
sur la régulation et l’autorégulation de la profession (Friend et Singer,
2004) ?
• Face aux nouveaux supports et aux nouvelles modalités de consommation
de l’information numérique, quels sont les modèles d’affaires émergents
(Sonnac, 2009) ?
• Quels sont les enjeux du journalisme participatif et du phénomène
d’« individualisation de masse » (Gillmor, 2004 ; Bowman et Willis,
2004) des médias ?
• S’intéressant au pôle de la réception, d’autres chercheurs se demandent,
par exemple, de quelle façon les jeunes consomment de l’information dans
un environnement numérique (Mindlich, 2005). Quels sont encore les fac-
teurs d’adoption d’un mode de consommation de l’information en ligne
(Nguyen, 2010) ? Comment le public consomme-t-il l’information dans
des situations de mobilité (Figeac, 2007, 2010) ? Et la consommation des
médias en ligne se substitue-t-elle à la consommation des médias “tradi-
tionnels” (Granjon et Le Foulgoc, 2010) ?
• Comment les rôles des professionnels de l’information se trouvent-ils
reconfigurés (Cassidy, 2005) ?
Parallèlement à ces questionnements, des chercheurs se demandent si les
transformations qui affectent la profession journalistique doivent être inter-
prétées en termes de rupture ou de continuité (Pélissier, 2001 ; Estienne,
2007). Bourdieu notait déjà qu’il y a là un piège : le risque de tomber dans
« l’illusion du jamais vu », qui insiste sur l’originalité et la nouveauté des réa-
lités observées, ou, à l’inverse, dans « l’illusion du toujours ainsi » (2006 :
49). Les professionnels eux-mêmes sont confrontés à cette question : doi-
vent-ils interpréter leur vécu comme une évolution ou comme une révolution
des pratiques professionnelles ? (Degand, 2012).
Le journaliste en ligne, lui-même, doit-il être considéré, dans l’analyse,
comme un journaliste comme les autres (Ruellan, 1998) ? Ou comme une
“race” journalistique à part entière (Deuze et Dimoudi, 2002), comme une
instance productrice d’une culture particulière (Deuze, 2008b) ? Y a-t-il, en
outre, des différences notables de culture journalistique si le média est un
pure player, né en ligne, ou un acteur préexistant, mis en ligne alors qu’il
existait déjà sur d’autres supports ? Comment classifier les choses ?
Mark Deuze est l’un des premiers à s’être demandé ce qu’est, finalement, un
journaliste multimédia (2004). Un peu plus tard, il en vient à se demander
qu’est-ce que le journalisme tout court (2005). C’est que la question de la cir-
conscription du webjournalisme rejoint l’éternelle question qui taraude la

Introduction 13
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Journalisme en ligne

sociologie du journalisme de part en part. Denis Ruellan (1993) n’a-t-il pas


montré, à ce sujet, que la profession, tout en se donnant l’air de vouloir con-
trôler ses frontières, se complaît, finalement, dans une situation floue per-
mettant d’intégrer de nouveaux profils professionnels à mesure que ceux-ci
apparaissent ?
Face à ce flou du terrain, les chercheurs optent souvent pour un découpage
de la réalité. Ils distinguent, pour les besoins de leur analyse, les journalistes
Web des autres segments professionnels préexistants (que d’aucuns nom-
ment les “journalistes traditionnels”, à défaut d’une appellation plus adé-
quate). Il est pourtant difficile de croire qu’il existe encore des journalistes
qui exercent leur métier traditionnellement, sans profiter aucunement de la
technologie Internet, et sans que la présence d’une rédaction en ligne
n’influence aucunement leur travail. Une question terminologique, mais
aussi typologique, émerge alors. Par ailleurs, l’appellation “journaliste Web”
devient boiteuse à mesure que les rédactions en ligne et hors ligne se voient
intégrées, dans un processus de convergence. Dans certaines rédactions où
tous les journalistes en poste sont supposés nourrir le site en plus leurs tâches
quotidiennes, on pourrait presque conclure à la disparition de la “race” jour-
nalistique exclusivement “Web”…
L’évolution constante du jeune objet de recherche que constitue le journa-
lisme digital entraîne donc une évolution des classifications et des terminolo-
gies utilisées par les acteurs. Sans doute est-il aussi vrai, inversement, que le
regard porté sur le journalisme en ligne par les professionnels et les cher-
cheurs influence la façon dont celui-ci se structure, dans la pratique. Mais ces
évolutions symétriques ne semblent pas linéaires. En effet, les choix termino-
logiques des chercheurs et autres théoriciens dénotent certaines visions du
monde, certaines représentations implicites. C’est flagrant dans le cas de ce
journalisme tantôt appelé “journalisme citoyen”, “participatif”, “grassroot”,
“do-it-yourself”, “guerilla”, “democratic” ou encore “street journalism”.
Certains de ces termes sont plus neutres, tandis que d’autres sous-entendent
un engagement citoyen, voire politique, du public, qui instaurerait un nouvel
ordre démocratique.
Le même problème se pose face à notre objet d’étude central, qualifié, tour à
tour, de “cyberjournalisme”, de “journalisme multimédia”, “en ligne”, “Inter-
net”, “digital”, “numérique” ou encore de “webjournalisme”. Si les deux pre-
miers termes nous semblent un peu datés, nous utiliserons les autres
indistinctement. Néanmoins, la pluralité des terminologies semble aller de pair
avec une pluralité de traditions de recherche, de points de vue qui se chevau-
chent et s’interpénètrent. Parler du webjournalisme implique en effet de par-
courir, non seulement l’histoire de la toile elle-même, mais aussi l’histoire des
autres médias d’information qui, d’une façon ou d’une autre, se retrouvent
tous potentiellement agrégés sur l’espace virtuel. On ne peut pas non plus

14 Introduction
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Introduction

expliquer les pratiques de recherche, de sélection et de mise en forme de l’infor-


mation en ligne sans se référer à une sociologie globale du journalisme. De la
même manière, le datajournalism, ne peut être compris qu’en référence aux
premières expériences de computer assisted reporting qui a connu ses beaux
jours dans les années 1980. Le webdocumentaire témoigne pour sa part autant
d’une évolution des pratiques documentaires et cinématographiques que de
pratiques de narration en ligne. Et cette narration en ligne, elle-même, ne
découle-t-elle pas des premières expériences de productions de contenus via
videotexte ou Minitel ?

2. Un projet collectif
Vu la multitude des angles possibles pour aborder la question du journalisme
en ligne, un projet d’ouvrage synthétique appelait, forcément, à la collection
d’une multitude d’expertises. Cette nécessité était d’autant plus prégnante
que nous souhaitions donner une vision la plus complète possible des enjeux
qui pèsent sur la profession, en différents endroits du globe. Nous avons
donc ciblé et sollicité des auteurs, chercheurs renommés pour la plupart ou
professionnels faisant preuve d’une activité autoréflexive. Chacun d’entre
eux est spécialiste d’une facette de l’objet d’étude auquel est dédié cet
ouvrage. Les chercheurs sont principalement issus de la francophonie (Belgi-
que, France, Canada, Suisse). Mais Jane B. Singer et Alfred Hermida vien-
nent enrichir ce panorama de leur regard et de leur expertise anglo-saxonne.
En ressort un ouvrage qui s’attache à décrire, de la façon la plus didactique
possible, non pas LE journalisme en ligne, mais LES journalismes en ligne.
Dans nos propres travaux ancrés sur le terrain belge francophone (Degand,
2012), nous avons dressé le portrait d’un webjournaliste plutôt jeune et plu-
tôt déconsidéré au sein de son espace professionnel du fait de ses tâches de
desk qui, souvent, se limitent à de l’édition ou à de la recomposition de con-
tenus journalistiques préexistants. Des constats similaires ont invité certains
chercheurs à parler de journalistes « de seconde zone » (Garcia 2008 : 72 ;
Quandt 2008 : 89) ou de « pôle dominé » de la profession (Estienne, 2007).
Mais cette réalité évolue constamment. Déjà, sur le terrain belge franco-
phone, pointent des activités d’animation de communautés, de couverture en
direct d’actualités au travers d’outils tels que Cover it live, Twitter ou Storify,
voire même de reportage ou d’investigation. Ceci peut encore sembler bien
maigre en regard des activités des reporters Web et autres datajournalistes
qui œuvrent dans les rédactions les plus avant-gardistes du monde. Entre ces
extrêmes se dessine un continuum qui oppose, d’une part, un journalisme de
prestige, réalisé par des privilégiés pour un public privilégié, et d’autre part,
un journalisme grand public, réalisé à moindres frais et symboliquement peu
valorisé au sein de son espace professionnel.

Introduction 15
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Journalisme en ligne

3. Structure de l’ouvrage
En glissant constamment d’un bout à l’autre de ce continuum, cet ouvrage
entend donner une vision la plus complète possible, d’une réalité complexe
et protéiforme. Nous pourrions en structurer le propos en six parties
principales :
• Repères historiques
Pour ouvrir la réflexion, Jean-Marie Charon revient sur les principaux
jalons historiques permettant de comprendre comment le journalisme en
ligne a vu le jour et s’est organisé, imposant, successivement, différents
défis aux acteurs de terrain.
• Les stratégies organisationnelles et leurs répercussions identitaires
L’article de Chantal Francoeur et Amandine Degand, de même que celui
de Florence Le Cam montrent, chacun à leur façon, comment les stratégies
organisationnelles structurent l’expérience des acteurs de terrain et contri-
buent à façonner leur identité.
• Analyse des pratiques émergentes
Cinq chapitres sont consacrés aux mutations qui touchent directement les
pratiques professionnelles. Ils portent respectivement sur :
– l’usage des logiciels de mesure d’audience (Yves Thiran),
– les pratiques de vérification de l’information en ligne (Amandine Degand),
– le journalisme participatif (Alfred Hermida),
– l’usage des réseaux sociaux (Valérie Jeanne-Perrier)
– et enfin sur le webdocumentaire (Samuel Gantier).
• Enjeux économiques
Nathalie Sonnac examine l’un des enjeux les plus préoccupants pour les
entreprises de presse dans leur globalité : le bouleversement économique
qui voit, d’une part, l’entrée de nouveaux acteurs dans la chaîne de pro-
duction et, d’autre part, l’émergence de modèles d’affaires qui prennent en
compte les spécificités de l’économie d’Internet (concentration, fragmen-
tation des audiences, demande de gratuité).
• Régulation
Benoît Grevisse et Daniel Cornu s’intéressent à ces défis en termes d’auto-
régulation. Au-delà des réponses que tente d’apporter la déontologie à la
“révolution” du journalisme en ligne, ils montrent en quoi les trois grands
rôles journalistiques définis par l’éthique journalistique permettent
d’observer et d’évaluer l’évolution des pratiques.
Édouard Cruysmans, pour sa part, esquisse les contours des principaux
enjeux juridiques sous-jacents. Il note, entre autres, que le droit de réponse

16 Introduction
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Introduction

et la responsabilité en cascade n’ont pas encore trouvé de développements


législatifs propres à Internet. En ce contexte incertain, la doctrine et la
jurisprudence jouent un rôle extrêmement important.
• Méthodologies
Le dernier chapitre, édité par Geneviève Bonin et Luc Bonneville, s’adresse
avant tout aux chercheurs et aux étudiants qui souhaitent découvrir les
multiples options méthodologiques possibles. Il vise à donner quelques
jalons, pour inspirer, sans pour autant chercher à prescrire une voie toute
tracée.
Si l’on considère l’ensemble de cet ouvrage, son objectif est certainement de
fournir au chercheur ou au professionnel (aguerri ou en devenir) les clefs per-
mettant de s’orienter dans les concepts théoriques comme dans ces pratiques
en pleine évolution. Il s’agit enfin de rompre avec quelques clichés, souvent
très éloignés de la réalité du terrain… les rédactions en ligne ne ressemblant
bien souvent ni au bagne, ni à l’éden journalistique.

Amandine DEGAND
Université de Louvain, Belgique

Introduction 17
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CHAPITRE 1

Historique
du journalisme en ligne
Jean-Marie CHARON
CNRS – École des Hautes Études en Sciences Sociales
à Paris, France

1. Les prémices................................................................................... 20
2. Les médias à la découverte du Web .................................................... 23
3. La bulle ?....................................................................................... 26
4. Web 2.0 et nouveaux acteurs ............................................................ 26
5. Intégration et “bi-média” ................................................................. 29
6. À la recherche du modèle économique ................................................ 30
7. L’invention d’une/de nouvelle(s) forme(s) de journalisme...................... 32

Les premières ébauches d’un journalisme en ligne s’enracinent dans l’informa-


tisation de la fabrication des journaux au début des années 1970. Dans ces
moments initiaux, qui précèdent l’apparition d’Internet, ce ne sont que quel-
ques journaux qui s’aventureront sur la voie des médias numériques. Les uns
parlent de “banques d’information” (New York Times), les autres adoptent
la terminologie de “journal électronique” (presse européenne), ailleurs il sera
question de journaux télétextes ou cablotextes (Time Inc. ou Newsday), etc.
Il n’est d’ailleurs pas toujours certain, à ce moment, que la presse en ligne soit
affaire de journalistes, le New York Times, s’appuyant plutôt alors sur ses
documentalistes. Lorsqu’Internet s’ouvre au grand public, au tout début des
années 1990, des journaux vont s’engager sur le nouveau réseau de commu-
nication. Les versions numériques de ceux-ci hésitent entre la reprise des con-
tenus de l’imprimé et la recherche d’une présentation de l’actualité en temps
réel. L’arrivée du Web 2.0, avec sa dimension “communicative”, au moment
où les débits disponibles deviennent importants, au milieu de la décennie
2000, transforme la conception du journalisme en ligne. Désormais celui-ci
peut donner toute son ampleur à une écriture multimédia combinant texte,
son, vidéo, liens hypertextes, en même temps que l’interrelation avec le public
peut devenir permanente via les commentaires ou les échanges sur les réseaux
sociaux. C’est ce cheminement qui est retracé dans ce chapitre.

Chapitre 1 19
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Journalisme en ligne

1. Les prémices
Les premiers pas d’un journalisme en ligne découlent d’un double mouve-
ment interne à la presse (l’informatisation de la fabrication) et externe à
celle-ci, émanant des secteurs de l’informatique, des télécommunications, de
l’audiovisuel sous la forme du teletexte, du vidéotex et du “câble à haut
débit 1”. Ces deux phénomènes mûrissent, souvent modestement, dans le
courant des années 1970, en Amérique du Nord, en Europe et au Japon. Ils
donnent lieu à une accélération et à de multiples réalisations accessibles au
grand public dans les années 1980. Les éditeurs de presse écrite sont alors
très présents qu’il s’agisse de titres réputés (comme le New York Times, le
Wall Street Journal, la Frankurter Allgemeine Zeitung, etc.) ou de très grands
groupes (Time inc., Bertelsmann, Nikkei, etc.).

1.1 Banques d’information


La première manifestation d’une presse en ligne prend la forme de “banques
d’information” dans un contexte où la notion de banque de données émerge
et s’impose dans le débat public comme enjeu de connaissance, mais aussi de
maîtrise des contenus culturels. Plusieurs conceptions se font jour dans la
presse. La première, la plus répandue, concerne la valorisation du contenu
du journal lui-même. Numérisé et archivé, il pourra être vendu ou revendu à
des publics professionnels ou semi-professionnels (étudiants). Une deuxième
conception qu’illustreront le New York Times et le groupe Dow Jones (Wall
Street Journal et Barron) se propose de valoriser le travail de traitement
documentaire de diverses sources d’information (plusieurs dizaines de titres
pour le New York Times), et de suivi de l’actualité (notamment les indica-
teurs économiques pour Dow Jones ou Nikkei) par les rédactions des titres
concernés.
Le New York Times engage les travaux préliminaires à la création d’une
“banque d’information” dès 1968 (Charon 1991). Elle est opérationnelle en
1972, commercialisée par NYTIS, une filiale créée à cet effet, sous le nom de
The Information Bank. Au départ il s’agit d’un outil fournissant des référen-
ces permettant d’identifier des articles (de plusieurs dizaines de publications
traitées par le service de documentation), enrichis de résumés de ceux-ci. Par
la suite (1980), le New York Times créera d’autres banques d’information,
avec accès au texte intégral, en ligne (New York Times On Line). Au début
des années 1980, l’IFRA (Burkhardt 1984) identifie pas moins d’une dou-
zaine de quotidiens américains (dont le Boston Globe, le Christian Science
Monitor, etc.) proposant des banques d’information. Le phénomène va alors
toucher les quotidiens européens et japonais qui s’engagent dans cette voie,
1. Au sens de réseaux de télévision câblée proposant des dizaines, voire centaines de chaînes.

20 Chapitre 1
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Historique du journalisme en ligne

même si c’est en la recentrant sur le public professionnel (Rizzoli – Corriere,


Le Monde, etc.), en s’appuyant sur des sous-traitants, suite à l’échec annoncé
par le New York Times en 1983 qui confie alors cette activité au groupe
Mead.

La dimension professionnelle en direction de publics ciblés sera rapidement


confirmée par la place que vont occuper les éditeurs de presse économique
dans le développement des banques d’information. Ceux-ci combineront
alors banques de références et banques factuelles en temps réel (cotations
boursières, cours des matières premières, valeur des monnaies, commerce
international, etc.) Deux groupes vont jouer un rôle pionnier, l’américain
Dow Jones et le japonais Nikkei (Nihon Keizai Shimbun) (Burkhardt 1984).
L’un et l’autre sont construits autour d’un ensemble puissant de banques de
données économiques ayant vocation à nourrir différentes publications. Ils
s’engagent tous deux, à la fin des années 1970, dans la commercialisation de
leurs premières banques de données, qu’ils n’auront de cesse d’enrichir, en
même temps qu’ils multiplient les versions spécialisées. NEEDS et QUICK
pour Nikkei, Dow Jones/Retrieval. Cette dernière compte 50 000 abonnés
en 1980 et franchit le cap des 200 000 deux ans plus tard. Par la suite ils
s’emploieront, pour conforter le développement de cette diversification, à
saisir toutes les opportunités technologiques (développements de logiciels
pour leurs abonnés) ou en matière de réseaux (vidéotex Captain pour Nikkei
ou réseaux de micro-ordinateurs connectés pour Dow Jones).

1.2 Télétexte
Le tournant des années 1970-1980 est riche en expérimentations de nou-
veaux supports. Le secteur de l’audiovisuel hertzien ou par câble lance le
Télétexte, un mode d’information, texte et illustration très sommaire, acces-
sible sur le téléviseur grâce à un décodeur. Les diffuseurs de télévision hert-
zienne proposent une information nationale qu’ils nourriront eux-mêmes
(BBC, TF1, A2, RTB 2 et BRT 3, ORF 4, etc.). Certains l’ouvrent à des
regroupements de journaux ou des titres, comme en Allemagne où cinq quo-
tidiens (Frankfurter Allgemeine Zeitung, Frankfurter Runschau, die Welt,
Süddeutsche Zeitung, Handelsblatt) disposent chaque jour de 3 pages cha-
cun sur un total de 75. La difficulté de relations entre organismes de télévi-
sion et éditeurs de journaux, doublée par les faibles performances du système
conduiront à l’arrêt de ces expériences à l’arrivée d’Internet.
2. La RTB devient la RTBF (Radio-Télévision belge de la Communauté française) en 1977, suite à la fédéralisation
de la Belgique.
3. En 1991, La BRT devient la BRTN (Belgische Radio- en Televisieomroep Nederlandstalige Uitzendingen). Elle
change encore de nom en 1998 pour devenir la VRT (Vlaamse Radio- en Televisieomroep).
4. Österreichischer Rundfunk (Radiodiffusion autrichienne).

Chapitre 1 21
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Journalisme en ligne

Les câblo-opérateurs nord-américains, proposent une formule de télétexte,


dite “plein canal” sur leurs réseaux qui, à cette époque, ont des capacités
dépassant les cent chaînes. Ce télétexte aux capacités beaucoup plus impor-
tantes (jusqu’à 5000 pages) permet des éditions locales, ou “nationales”
comme se proposera de le développer le groupe Time inc., éditeur de presse
magazine (Time, Life, People, Fortune, etc.) et câblo-opérateur (HBO). Time
Inc. fait travailler à blanc une rédaction qui dépasse un temps la centaine de
journalistes. En 1983 des tests ont lieu à Orlando (Floride) et San Diego
(Californie). Le passage en vraie grandeur n’aura jamais lieu, le groupe déci-
dant d’arrêter son service, faute de la moindre ébauche de modèle économi-
que. Localement, Newsdays (périphérie de New York), du groupe Time
Mirror, testera sur un canal du câble un service de texte au graphisme affiné,
en alternance avec la diffusion d’un journal d’information vidéo. Newsday
organisera sa rédaction sous une forme intégrée, les journalistes situés sur un
même plateau réalisant au jour le jour le quotidien imprimé, le journal vidéo
et les pages télétexte. Au milieu des années 1980, le journal séparera les
rédactions pour éviter la gêne occasionnée aux équipes du print par leur col-
lègue de l’électronique et surtout de la vidéo.

1.3 Vidéotex
Le vidéotex apparaît dans la même période à l’initiative des opérateurs de
télécommunications qui sont alors en Europe des émanations des États,
entreprises publiques (British Telecom) ou administrations (DGT en
France 5). Selon les pays, le vidéotex sera accessible sur le téléviseur muni
d’un décodeur et d’un clavier (Prestel en Grande Bretagne, Bildschirmtext en
Allemagne, Videotel en Italie) ou à partir d’un terminal dédié (Minitel en
France). La norme d’affichage est pauvre (4 à 500 caractères par page écran
et graphisme mosaïque grossier). En revanche la capacité de stockage est infi-
nie, offrant un accès par mode arborescent ou par mot clé, il permet la con-
sultation des banques de données même si sa vocation principale est grand
public. Partout en Europe, la presse quotidienne, périodique, comme les
médias audiovisuels, participeront aux expérimentations et tentatives de
développement commercial. Ils devront finalement renoncer, faute de voir le
nouveau média séduire un public suffisant. Le groupe britannique Birmin-
gham Post and Mail fut le premier à créer un “journal électronique” (Viewtel
202) en 1978. Sa filiale télématique comptera jusqu’à une trentaine de per-
sonnes. Le Financial Times créait quant à lui Fintel avec un contenu proche
de celui proposé par Dow Jones. Il renoncera quatre ans plus tard, à peu près
en même temps que le New York Times, confiant lui aussi ses contenus à des
groupes spécialisés dans les banques de données professionnelles. La France
sera le seul pays où le vidéotex deviendra un véritable média grand public
5. Direction Générale des Télécommunications.

22 Chapitre 1
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Historique du journalisme en ligne

durant un peu plus d’une décennie, grâce à la combinaison d’une distribution


gratuite de plusieurs millions de terminaux par la DGT et la mise en place
d’un système de rémunération des éditeurs, appelé “kiosque télématique” 6
exploité directement par l’opérateur de télécommunication.
En France, toutes les formes de presse proposeront des contenus pour le
Minitel, quelques titres se distinguant particulièrement, comme Libération
(Libe), Le Parisien (PL), Le Nouvel Observateur (Obs), Sud ouest (SO), les
Dernières Nouvelles d’Alsace, La Cote Desfossés, etc. La plupart créeront
pour l’occasion des rédactions au sein desquelles cohabitaient rédacteurs,
graphistes et opérateurs de saisie (Charon, 1991). La question même de
l’écriture et du mode de traitement de l’information fera l’objet d’études, de
formations et de recommandations (Cfpj, 1983). Le contenu initial du “jour-
nal électronique” consistait en une reprise factuelle des contenus des versions
imprimées. Cependant les goûts du public conduisirent les éditeurs à déve-
lopper des combinaisons d’information, de jeux et de messageries instanta-
nées (se rapprochant des chats actuels), ces deux derniers contenus assurant
l’excellente rentabilité de ces services télématiques.
Les quotidiens – qui ont d’ailleurs inventé les “messageries instantanées”
(Les Dernières Nouvelles d’Alsace) – acquerront, au fil des années, une maî-
trise éditoriale dans la combinaison de l’information chaude, le suivi d’évé-
nements (sportifs, institutionnels, politiques), les banques de données (cours
de bourses, indicateurs économiques, performances sportives), les services
(météo, programmes des spectacles), les petites annonces, etc. Certains sau-
ront adapter les techniques des messageries afin d’en faire le cadre de dialo-
gues avec des personnalités ou de débats sur l’actualité. Il est probable que
sans le succès mondial du Web à partir de la seconde moitié des années 1990,
la télématique de presse appuyée sur le Minitel aurait pu se maintenir, voire
prospérer encore, en France, de nombreuses années, même si le terminal et
les contenus peuvent apparaître pauvres. Cependant nombre de types de con-
tenus qui prendront naissance sur le Web avaient trouvé des formes
embryonnaires sur le Minitel, favorisant le passage de l’un à l’autre pour les
éditeurs, des responsables de sites de presse ayant fait leurs armes dans la
télématique grand public ou professionnelle.

2. Les médias à la découverte du Web


Quelques journaux vont accompagner les premiers pas d’Internet. Le Chi-
cago Tribune, hébergé par AOL, fournit ses premières pages d’information
6. Les éditeurs ont la possibilité de choisir parmi plusieurs niveaux de taxations qui vont leur permettre d’être
rémunérés différemment. L’utilisateur connaît ce niveau de taxation qui correspond à un numéro d’appel (3615,
3617, etc.). La taxation se fait à la durée. Les recettes sont perçues directement par l’opérateur de télécommunica-
tion, qui reverse automatiquement les sommes correspondantes aux éditeurs.

Chapitre 1 23
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Journalisme en ligne

en 1992, l’année de la création d’Internet Society, alors même que n’existent


que quelques dizaines de sites à travers le monde. Le San Jose Mercury News
est le premier quotidien en libre accès sur le Net en 1993. Rapidement
d’autres journaux se joindront à ces pionniers en Amérique du Nord, ainsi
qu’en Europe. Pour la France, 1995 est l’année décisive avec l’ouverture des
sites de quotidiens tant nationaux (Le Monde, Libération, L’Humanité, etc.)
que régionaux (Dernières Nouvelles d’Alsace, Nice Matin, Ouest France,
etc.). En Belgique, Le Soir crée le premier site d’information de la presse fran-
cophone, en 1996. Les structures sont modestes, mêlant informaticiens, jour-
nalistes, parfois documentalistes ou “concepteurs télématiques” pour les
journaux français. Aux États-Unis, 1995 voit également la naissance du pre-
mier pure player généraliste d’information, le site Salon. Il sera suivi l’année
suivante par Slate lancé à l’initiative de Microsoft.
Dans cette période initiale d’Internet les entreprises de presse et principale-
ment les groupes plurimédias s’interrogent sur les rôles qu’ils peuvent jouer
sur le nouveau média. Très vite les quotidiens américains se verront aussi
bien fournisseurs d’informations que portails, accueillant activités distracti-
ves, commerciales ou de service. L’idée de portail coïncide alors avec
l’inquiétude, quant à l’avenir des petites annonces dont certaines vont migrer
très tôt sur de nouveaux venus (Monster, Craigslist, etc.) Créer de puissants
portails semblait constituer un gage d’attractivité pour les utilisateurs et donc
pour conserver les petites annonces. L’activité de fournisseur d’accès (FAI)
pouvait également apparaître comme s’inscrivant naturellement dans de
grands groupes de communication plurimédias. Tel fut le pari de Lagardère
avec Club Internet, de Time Warner qui fusionnera avec AOL. Bertelsmann
de son côté s’allie dès 1995 avec AOL pour créer AOL/Bertelsmann Online
Europa. Il s’agit alors de développer une activité de serveur (1996) puis la
création de services d’information, de divertissement, etc. à commencer par
RTL aktuell on-line (mars 1997), avec la perspective de canaux sport, jeu,
etc. Il sera également question de mettre au point un système de navigation
propre et de moteur de recherche. Symbole de l’importance prise par cette
stratégie, c’est Thomas Middelhoff, responsable de la direction Strategie und
New Media, qui prend la tête du groupe en 1998. Il ralliera Vivendi à son
projet de conquête du Web européen. La fusion AOL Time Warner ruinera
ce partenariat plutôt fructueux 7. De fait, plus aucun de ces groupes n’est pré-
sent comme FAI, tout comme les portails de presse ne figurent pas parmi les
leaders mondiaux. Le métier de la presse en ligne s’est recentré sur l’informa-
tion et l’activité de ses rédactions.
Dans cette première période de découverte d’Internet, la presse quotidienne
américaine, puis européenne, procède à une transposition de son contenu sur
le nouveau support, associée à quelques services (accès aux archives, petites
7. La vente de la participation de 50 % de Bertelsmann dans AOL Europe a lieu en 2001.

24 Chapitre 1
DBU12145.book Page 25 Mardi, 6. novembre 2012 11:57 11

Historique du journalisme en ligne

annonces, etc.). Les textes numérisés, avant d’être imprimés, sont repris et
adaptés à la mise en forme du nouveau support (Rebillard, 2006). Le débit
encore assez bas n’interdit pas les dessins et photos, soit un avantage au
regard des supports télématiques, notamment le Minitel pour les journaux
français. La disponibilité permanente du nouveau support et les délais rapi-
des de traitement de l’information permettent également de proposer un suivi
de l’actualité en continu, avec des délais très courts – en “temps réel” – sous
forme de brèves, quasiment au rythme des agences (Pélissier, 2003). Un autre
attrait réside dans la possibilité de proposer des liens hypertextes vers la
documentation et les archives du journal (lorsqu’elles sont numérisées), ou
vers des sites externes. Lors de la guerre des Balkans, Liberation.fr donne
ainsi accès, via ces liens externes, aux sources contradictoires serbes, albanai-
ses, américaines, ainsi qu’à des documents officiels (Pélissier, 2003). En théo-
rie la fourniture de son est possible dès 1995, mais ne trouvera sa place qu’à
partir de 1997-1998. La vidéo est en revanche inexploitable tant les temps
de téléchargement sont longs. Même certains des concepteurs des nouveaux
contenus, notamment issus de l’informatique, cherchent à définir des modes
de présentation et d’écriture qui soient propres au nouveau média. Dans ses
grandes lignes, la présentation de l’information reste proche de celle de
l’imprimé.
Les premières équipes chargées de développer les versions Internet des jour-
naux associent pour la plupart informaticiens, journalistes, graphistes et
documentalistes. Les informaticiens sont souvent les plus nombreux, les plus
actifs et les plus enthousiastes. Dans les pays où la télématique, voire les ser-
vices destinés aux micro-ordinateurs en ligne, avaient conduit à spécialiser
des journalistes dans l’édition de contenus électroniques, tels la France ou les
États-Unis, ce sont ces journalistes qui feront le lien entre cette préhistoire du
journalisme en ligne et la presse sur le Web. Dès ce moment commencent à
cohabiter au sein des équipes des journalistes expérimentés, parfois âgés, qui
se sentent un peu sur la touche pour certains, et des jeunes attirés tant par
Internet lui-même, que la perspective d’inventer de nouvelles formes édito-
riales et manières de pratiquer le métier. Il n’empêche que, dès ce moment, le
journalisme Internet, qualifié alors de “cyberjournalisme”, offre une image
décalée, voire dégradée de la profession : il est “assis”, à forte dimension
technique, en même temps qu’il doit souvent assumer des fonctions commer-
ciales (Pélissier, 2003). Les choix d’externalisation (juridiques ou physi-
ques 8) des rédactions Internet produisent une coupure entre journalistes
traditionnels et cyberjournalistes qui ne se connaissent et ne se croisent même
pas. Partout la tendance est, en effet, à constituer des équipes “dédiées” à
Internet. Aux États-Unis, nombre de journaux ou groupes de presse (Dow
Jones, New York Times, Tribune Company, CNN, etc.) créent des filiales
8. Amandine Degand rappelle que l’équipe du Lesoir.be est installée dans d’anciens locaux du journal, dans un
local appelé “La piscine” parce qu’entièrement carrelé.

Chapitre 1 25
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Journalisme en ligne

Web dont ils attendent une rentabilité rapide et substantielle (Smyrnaios


2009). En Europe Pearson, Editorial l’Espresso, Il Sole 24 Ore adoptent des
structures comparables. En France, Le Monde s’inspirera de cette approche
en s’associant au groupe Lagardère pour créer Le Monde Interactif.

3. La bulle ?
Rapidement les uns et les autres vont connaître un emballement qui conduira
à l’éclatement de la bulle Internet, en mars 2000. À la veille de celui-ci, les
équipes dédiées au Web sont souvent devenues nombreuses. CNN interactive
emploie 750 salariés. Dans la presse américaine, il y a soixante journalistes
dans l’équipe Web du Wall Street Journal, cinquante dans celle de USA Today,
quarante dans celle du New York Times (de Tarlé 2006). En Europe FTcom
emploie cent personnes. Il y en a autant à eTF1 (Vernadet, 2004) et 90 à M6
Web. La presse quotidienne française est un peu plus prudente avec soixante
personnes au Monde Interactif, comme aux Échos ou trente à Libération. Les
investissements sont importants et comme les ressources sont faibles, les défi-
cits se creusent. En 1999 le déficit du New York Times sur le Web est de
50 millions de dollars alors que le chiffre d’affaires ne s’élève qu’à 25 millions.
Pour le Washington Post c’est encore pire, avec un déficit de 85 millions de
dollars pour 20 millions de chiffre d’affaires. L’éclatement de la bulle est un
véritable cataclysme qui oblige les éditeurs à faire marche arrière. Les équipes
fondent brutalement. Un titre comme Le Parisien n’a plus de cyberjournalis-
tes, se contentant de proposer une version numérisée des éditions papier. Ce
n’est qu’avec le l’arrivée combinée du Web 2.0 et la généralisation de débits
plus élevés (ADSL) que les éditeurs reviendront progressivement dans un pay-
sage de l’information en ligne substantiellement transformé.

4. Web 2.0 et nouveaux acteurs


La référence à la notion de Web 2.0 n’ignore pas les critiques faites à celle-ci,
notamment sa dimension d’idéologie à forte connotation techniciste (Rebillard,
2007 ; Bouquillon et Matthews, 2010). Elle prend simplement un repère assez
communément retenu pour situer une nouvelle période d’Internet qui s’ouvre
dans les années 2003-2005. Celle-ci est marquée par la conjonction de plusieurs
facteurs qui vont profondément modifier le contexte dans lequel les entreprises
de presse en ligne vont progressivement reconstruire et repenser leur activité.
Le premier de ces facteurs tient à la montée en puissance, l’élargissement de
l’ADSL dans le grand public. Désormais celui-ci peut recevoir aisément pho-
tographies et vidéo, alors même que de nombreuses applications participati-
ves deviennent faciles d’accès. Simultanément une sorte de masse critique est
franchie avec le milliard d’internautes à travers le monde.

26 Chapitre 1
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Historique du journalisme en ligne

Un second facteur est constitué par la montée en puissance des moteurs de


recherche et le rôle particulier joué par Google. Ceux-ci ramènent vers l’uti-
lisateur, désormais en toute simplicité et sans effort de sa part, une multitude
de données et d’informations puisées aux sources les plus diverses.
Un troisième facteur tient aux nombreux intervenants nouveaux dans le
domaine de l’échange de contenus et de services, à commencer par les plate-
formes de musique, de vidéos, de photos, etc. (Myspace, YouTube, Flickr…).
Au-delà, le e-commerce ou les services prennent leur essor dans le grand
public avec des intervenants tels que eBay ou Amazon. Les internautes
apportent leurs expériences, idées, émotions, créations ou informations à des
sites sociaux tels que Doctissimo ou Aufeminin.com. Très vite arriveront les
réseaux sociaux, principalement Facebook, puis Twitter, qui transforment,
à nouveau, les conditions dans lesquelles une part importante des internautes
accède aux contenus même de la presse en ligne, au travers des “recomman-
dations”, des liens proposés avec un article, une reproduction de la Une,
“d’amis à amis” ou d’abonnés à abonnés.
C’est dire que la presse en ligne doit trouver son chemin et sa place dans un
environnement plus diversifié, comportant davantage d’acteurs, parfois puis-
sants, dans des domaines d’où elle pensait pouvoir tirer une part de ses recet-
tes à commencer par l’e-commerce et les services. L’information elle-même
ne semble plus lui être réservée, puisque les portails des FAI comme les
moteurs de recherche offrent celle-ci 9 à de très larges audiences (Rebillard,
2006). Intervient simultanément la notion de “journaliste citoyen”.

Le journalisme citoyen
Il s’appuie sur la combinaison de deux phénomènes : d’une part les blogs,
qui vont fleurir par dizaines de milliers. Ils sont déjà plusieurs millions en
2004. Cette réalité nouvelle va s’illustrer spectaculairement en 2005 en
France, lors du référendum sur la Convention Européenne, qui voit un blo-
gueur (Étienne Chouard), amateur et en même temps expert, retenir
l’attention d’un public large, alors que ses analyses du projet de texte sont
reprises par les médias (Cardon, 2010). D’autre part des sites d’informa-
tion communautaires, tels que le coréen Ohmynews, les américains Indy-
media ou HuffingtonPost, le français Agoravox, font leur apparition,
gagnant une audience significative, en même temps qu’une authentique
crédibilité. Aux États-Unis l’audience du HuffingtonPost dépasse celle du
New York Times en 2011.

9. Dans un sondage de décembre 2011 (IPSOS MSN) sur les médias pour s’informer sur la présidentielle française
de 2012, les portails devancent sensiblement les sites de médias.

Chapitre 1 27
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Journalisme en ligne

Dans ce contexte inédit, la presse en ligne a de nouveaux concurrents. Elle


voit surtout s’intercaler, entre elle et son public, des intermédiaires toujours
plus nombreux : fournisseurs d’accès (FAI), moteurs de recherche, réseaux
sociaux, voire même fabricants de matériel, lorsque Apple lance successive-
ment l’iPhone, puis la tablette iPad. Or ces intermédiaires ou “infomédiaires”
(Rebillard et Smyrnaios, 2010) sont de puissants groupes internationaux
bénéficiant de positions dominantes tels Google, YouTube, Facebook,
Twitter, etc. Outre le fait qu’ils bouleversent les conditions d’accès aux con-
tenus, ils interfèrent profondément dans les modèles économiques à recons-
truire pour la presse en ligne qu’elle soit pure player ou rattachée à un média
“traditionnel”.

Au moment de la relance des stratégies sur le Web la presse en ligne est


souvent réduite à des structures minimum, parfois limitée à des noyaux
d’informaticiens chargés de maintenir de simples sites vitrines ou “sites com-
pagnons”. En France, à Libération, l’équipe d’une trentaine de personnes est
ramenée à neuf. La rédaction Web elle-même passe de 15 à 6 journalistes. En
Belgique, l’équipe Web de la RTBF passe de 12 à 3 journalistes, jusqu’en
2008. Le redémarrage est partout très progressif et les approches sont beau-
coup plus prudentes. Le Web est installé au sein de l’entreprise éditant le
journal (Smyrnaios, 2009). Les recherches d’économies et de synergies sont
à tous les étages. Dans l’univers anglo-saxon, l’idée “d’intégration des rédac-
tions” fait son chemin. En revanche, si chacun des sites paraît beaucoup plus
limité dans ses ambitions, avec des moyens très réduits, simultanément se
produit une généralisation de la démarche, chaque publication se devant
d’avoir désormais sa version numérique. À l’intérieur de ce mouvement,
quelques sites se détachent et s’imposent dans chaque pays comme leaders en
matière d’audience. Ce sont pour la plupart des quotidiens de référence, tels
que le New York Times, le Guardian, La Repubblica, Le Soir, Le Monde,
etc. Plus rarement des news magazines se sont également installés parmi ces
leaders, tel le Spiegel en Allemagne. Parallèlement, dans quelques pays émer-
gent des pure players, dont certains échouent rapidement, faute de moyens
financiers suffisants (NetZeitung en Allemagne, Soitu en Espagne). La
France, elle, connaît, à partir de 2007, une situation assez unique avec la
multiplication de pure players d’information générale (Rue89, LePost,
Mediapart, Owni, Atlantico, etc.), soit près d’une dizaine de sites dotés de
rédactions employant des journalistes professionnels 10.

Les contenus de la presse en ligne dans ce contexte de relance du milieu des


années 2000 se modifient substantiellement. La dimension de l’information
chaude et en continu se confirme et s’amplifie – “information permanente”
selon l’expression de Roselyne Ringoot (2002) – au sens où l’amplitude
10. Une loi de 2009 crée, en France, un statut d’éditeur de presse en ligne, défini précisément par l’emploi de
« journalistes professionnels » (Derieux, 2010).

28 Chapitre 1
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Historique du journalisme en ligne

horaire couverte quotidiennement augmente pour atteindre une vingtaine


d’heures. Des équipes se relaient au sein des desks pour fournir flashs, sélec-
tions de dépêches, articles de dernière minute. L’approfondissement des prin-
cipaux sujets d’information est à la charge de pôles qui proposent aussi bien
un développement de l’actualité politique, que des dossiers dans des domai-
nes qui vont de l’économie à la culture, en passant par les sciences ou la vie
pratique. L’actualité va être le premier domaine à voir s’exprimer la recher-
che d’une écriture multimédia qui combine le texte, le son, la vidéo, ainsi que
toutes formes d’images (dessin, infographie, photo), en même temps que les
liens internes et externes. Dans sa version 2005, Lemonde.fr, par exemple,
accentue sensiblement la place de l’image photographique, mais également
vidéo. Cette écriture multimédia va également intégrer des modes d’applica-
tions permettant des formes d’organisation et de présentation inédits de
l’information à l’image des live tweet et autres Storify. Des traitements iné-
dits émergent au travers du datajournalism (Joannès, 2010), des webdocu-
mentaires ou des news games. Un dernier volet très riche, bien que lent à
s’installer dans les rédactions concerne l’intégration des contenus produits
par les internautes. C’est l’UGC ou User Generated Content qui dans ses
modalités les plus basiques s’exprime au travers des “commentaires”, des
votes et classements des articles. C’est également la coopération au travail
des rédactions par la participation aux chats et forums. Les plus attirés par
l’expression créent leurs blogs sur les plateformes ouvertes par les sites
d’information. Progressivement l’échange avec les journalistes peut devenir
permanent au travers des pages Facebook et des comptes Twitter. Quelques
sites intègrent plus intimement encore le public dans des formes éditoriales
spécifiques telles que les enquêtes participatives (Guardian, Owni) ou encore
la programmation éditoriale (conférence de presse en ligne de Rue89 11, open
newslist au Guardian).

5. Intégration et “bi-média”
Dès la relance de l’après-bulle, les rédactions anglo-saxonnes s’engagent dans
la voie des rédactions dites “intégrées” (Smyrnaios, 2009). Les filiales Inter-
net étant dissoutes, quelques-uns des professionnels, notamment journalistes,
sont installés au sein des entreprises éditant les quotidiens. Progressivement
s’impose l’idée selon laquelle une même rédaction a vocation à servir l’ensem-
ble des supports. La newsroom de Blick (édité à Zurich par le groupe suisse
Ringier) alimente ainsi les contenus du quotidien Blick, de l’hebdomadaire
Sontag Blick, du gratuit du soir Blick am Abend et du site Blick.ch. Tout du
moins tel est le principe affirmé par les tenants de ce modèle. Les journalistes
de l’imprimé, notamment locaux, traitent l’information pour chacun des
11. Hebdomadaires, chaque jeudi matin et ouvertes à l’ensemble des internautes qui le souhaitent.

Chapitre 1 29
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Journalisme en ligne

supports. Ils sont équipés et formés de manière à présenter celle-ci selon sa


nature par le texte, la photographie, le son ou la vidéo. De leur côté, les spé-
cialistes du Web sont invités à écrire également pour l’imprimé. La traduction
la plus palpable de cette nouvelle organisation est la disparition des doublons
de services (politique, international, économie, information générale, culture,
etc.) pour chacun des supports.
Dans les faits, un modèle de rédaction tend à se généraliser. Il opère un com-
promis entre la nécessité de rationaliser les structures, de maîtriser les coûts
et les impératifs visant à proposer pour chaque support un contenu
spécifique ; ce à quoi renvoie la notion de “bi-média”. À l’imprimé revien-
nent le long, le fond, l’approfondissement : ce qu’il est convenu de qualifier
d’information à valeur ajoutée. En tout cas il s’agira de contenus qui se trou-
vent valorisés pour le public par leur présentation sur le papier. Aux diffé-
rents supports numériques reviennent les contenus que servent le mieux ces
derniers, qu’il s’agisse de l’immédiateté, de l’interrelation avec le public ou
de la combinaison des récits par le texte, le son, l’image et les liens. La ques-
tion est d’autant plus cruciale, alors que la part qui reviendra à chacun des
supports est difficile à anticiper, où des titres penchent nettement pour une
production principalement numérique sur le modèle du Christian Science
Monitor, quotidien de Boston, qui n’imprime plus qu’un magazine hebdo-
madaire après avoir abandonné sa version quotidienne papier en 2009. Le
modèle concret de rédaction, encore en évolution, comporte un noyau cen-
tral de traitement de l’ensemble des domaines d’information, avec ses servi-
ces traditionnels. Articulé à celui-ci des pôles sont chargés de l’adaptation-
finalisation des contenus à chacun des supports, comme des pôles fonction-
nels propres à un support particulier, tel que le desk alimentant les supports
numériques en actualité instantanée, souvent aussi un atelier vidéo (avec ou
sans studio), ainsi qu’une équipe composée des différents spécialistes de la
relation aux internautes (community managers, social media editor, etc.). Le
Guardian, qui fait pourtant partie des plus fervents tenants de l’intégration
des rédactions, a créé un tel pôle chargé de la relation au public, qu’il convie
désormais à lui soumettre idées de sujets et hiérarchisation de ceux-ci.

6. À la recherche du modèle économique


À l’origine, la presse écrite investit dans le Net pour compenser ce qu’elle
craint de perdre en ressources, au travers des petites annonces, aisément
valorisables par des pure players. Le norvégien Schibstedt s’engage, dès
1996, dans la création de sites d’annonces (classified) très profitables. Ouest
France réussit le développement des réseaux Leboncoin 12 et Maville. La
rentabilité du Figaro dans les médias numériques est directement issue des
12. Développé conjointement avec Schibstedt, qui a racheté la totalité de celui-ci en 2010.

30 Chapitre 1
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Historique du journalisme en ligne

produits de sa filiale Aden Classified et ses sites spécialisés (Keljob, Cadreem-


ploi, Explorimo,...).
Une seconde menace concernait la publicité commerciale qui pouvait être
aspirée par le nouveau support en proportion des audiences générées par
celui-ci. La seule option possible était de créer des sites de contenus, les plus
attractifs possibles ; ce qui a semblé être le cas dans la période qui précède
l’éclatement de la bulle Internet, alors que les sites de la presse ou des médias
étaient partout leaders de l’audience. Cette situation a basculé alors que la
presse avait réduit la voilure, et que les nouveaux venus prenaient leur essor.
Désormais, les audiences de la presse en ligne arrivent loin derrière celles des
moteurs de recherche, des grands portails ou des réseaux sociaux. En France,
les cinq premiers sont respectivement 13 Google, Facebook, MSN, YouTube,
Orange. En France, le premier site de presse est celui du Figaro. Il se classe
en vingt-sixième place. C’est dire que la presse en ligne est loin d’être la
mieux placée pour capter les recettes de la publicité commerciale sur le Web.
Enfin la question se posait du point de vue de la lecture des journaux, le public
jeune pouvant être séduit par un mode de présentation de l’information en
adéquation avec la découverte des potentialités des supports numériques,
d’autant que ceux-ci se trouvaient majoritairement proposés gratuitement. La
presse se devait donc d’accompagner son public sur le nouveau support.
Dès l’origine, une hésitation se faisait jour quant aux recettes que pouvait
attendre la presse en ligne. Des titres forts tels que le Wall Street Journal
optèrent pour l’abonnement. Le courant dominant fut en faveur d’un modèle
mixte, avec un accès gratuit à l’actualité, générant les audiences nécessaires
pour attirer les annonceurs, en même temps qu’y était associée une gamme
de services, à commencer par le e-commerce. Un volet abonnement, voire
achat d’articles 14, pouvait compléter cette approche donnant la priorité à
une conquête de l’audience basée sur la gratuité. Concrètement les stratégies
des journaux varieront, selon leur contenu et leur lectorat. Les quotidiens de
référence développeront davantage l’abonnement à l’image du New York
Times, même si des retournements ont pu s’opérer notamment vers la fin de
la décennie 2000. La crise économique qui s’ouvre en 2007 va ruiner l’orien-
tation basée sur le “tout gratuit” proclamée un temps par Rupert Murdoch.
L’effondrement du marché publicitaire rend patent le fait que les progres-
sions substantielles de l’audience ne permettent pas de faire progresser les
ressources publicitaires, voire ne peuvent empêcher leur recul pour la presse
en ligne en 2009. Dès lors il devient évident qu’un modèle économique est à
construire, basé sur un équilibre entre des coûts strictement maîtrisés et des
recettes, issues de l’addition de différents modes de rémunération, de la vente
13. Source Mediamétrie/Netrating pour le mois de septembre 2011.
14. Le quotidien économique Les Échos pratique cette forme de “micro-paiement” bien avant que cette notion ne
devienne une priorité affichée pour les journaux à partir de 2009.

Chapitre 1 31
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Journalisme en ligne

de l’audience aux annonceurs, à la vente par anticipation d’un contenu aux


internautes (crowdfunding), en passant par la commercialisation des infor-
mations concernant le public, le e-commerce, les services, etc.
Pour les rédactions, le modèle économique qui se cherche et se construit à
tâtons n’est pas neutre. La maîtrise toujours plus drastique des coûts a
d’abord poussé à l’intégration entre imprimé et numérique. Elle se traduit
aussi par une tendance à employer moins de journalistes. Elle va de plus en
plus obliger à repenser dans la production, l’emploi des journalistes salariés
des rédactions, la coopération avec des journalistes indépendants ou pigistes
travaillant pour plusieurs sites ou titres, mais aussi avec des non-journalistes,
spécialistes des sujets présents dans l’actualité (Estienne, 2007). La recherche
de recettes plus importantes et plus diversifiées s’est traduite, avec l’entrée en
lisse des moteurs de recherche, par l’obligation d’une collaboration plus ser-
rée entre rédaction et marketing afin d’optimiser le référencement des arti-
cles. Le poids de la recommandation sur les réseaux sociaux, évident depuis
2008, impose de réserver des postes de journalistes au profil très particulier
pour la relation avec les internautes. Enfin, le développement du “freemium”
exige une innovation forte en matière de contenu (datajournalism, webdocu-
mentaires, etc.) qui ne peut être obtenue sans une coopération intime entre
journalistes et développeurs. C’est ainsi qu’une rédaction telle que celle du
pure player Owni.fr fut d’emblée organisée à partir de trios : journaliste,
développeur, graphiste.

7. L’invention d’une/de nouvelle(s)


forme(s) de journalisme
À l’origine, les sites de presse en ligne emploient peu de journalistes, dont on
ne reconnaît pas toujours le statut professionnel 15. Dans leur majorité, il
s’agit de profils de secrétaires de rédaction dont le rôle est de transférer les
contenus de l’imprimé sur le nouveau support. Progressivement vont s’agré-
ger des rédacteurs produisant des articles originaux ou chargés de sélection-
ner et adapter les dépêches d’agences. À ce stade, le journalisme sur le Web,
comme l’avait été le journalisme télématique, est essentiellement “assis”.
L’apparition progressive, qui s’accélère à la fin de la décennie 1990, de
rédactions dédiées, parfois nombreuses, conduit à une diversification des
profils. De nombreux journalistes produisent des flashs d’actualité à partir
de dépêches, voire d’une amorce de veille sur le Web. À leur côté des pôles
se constituent sur les grands domaines de l’information, reproduisant à petite
15. En France la Commission de la Carte d’Identité Professionnelle des Journalistes refusera de leur attribuer la
“carte de presse” jusqu’en 1998 (cf. Da Lage, O., Obtenir sa carte de presse et la conserver, Paris, Guide Légipresse,
2003, p. 99).

32 Chapitre 1
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Historique du journalisme en ligne

échelle les services des rédactions imprimées. Lorsque s’amorce la dimension


participative avec les premiers chats, forums et commentaires, des journalis-
tes seront spécifiquement affectés à ceux-ci avant qu’il ne soit encore ques-
tion de community manager. Les rédactions sont organisées, alors, autour du
desk employant les effectifs les plus nombreux, qui vont finir par se relayer
près de 24 heures sur 24. Les journalistes des pôles spécialisés peuvent sortir,
mais sont le plus souvent très sédentaires. Lorsque les équipes participatives
se développeront, elles seront, elles aussi, rivées à leurs ordinateurs, confor-
tant l’image d’un journalisme Web devant renoncer au terrain, comme à la
relation directe avec ses sources et ses différents interlocuteurs engagés dans
le participatif (Estienne, 2007).
L’invention progressive des rédactions intégrées accompagne une diversifica-
tion, plus importante des rôles. Le pivot de l’équipe rédactionnelle est désor-
mais constitué de journalistes polyvalents intervenant à des degrés divers
(selon leur fonction) aussi bien sur l’imprimé que les supports numériques. Le
grand reporter de l’Express, Vincent Hugeux, par exemple, lorsqu’il inter-
vient sur un terrain africain en crise, prépare ses articles pour le news maga-
zine, parallèlement à plusieurs textes, photos, vidéos qui seront disponibles
sur le site Lexpress.fr. Aux côtés des polyvalents, les différents pôles font
cohabiter des spécialités ou formes d’emplois très différents, à commencer par
les rédacteurs des desks, panachant suivi des dépêches et veille intensive de
l’actualité sur le Net ; mais aussi, des spécialistes de datajournalism familiari-
sés à la collaboration avec les développeurs ; des webdocumentaristes davan-
tage créatifs ; des professionnels de la relation aux internautes dont les formes
se diversifient, alors qu’un pure player récemment créé, NewsRing, ose le néo-
logisme “journaliste-animateur Web”. La validation et la mise en forme finale
des contenus occupent des professionnels qui actualisent les fonctions tradi-
tionnelles des secrétaires de rédaction et editors, tels les Front Page Editor…
Les rédactions intégrées sont tendanciellement moins nombreuses que celles
qui pouvaient être observées à la fin des années 1990 à l’image des baisses
d’effectifs dans la presse nord-américaine. Les emplois journalistiques loin de
se standardiser, se cloisonner ou s’appauvrir vont plutôt dans le sens d’une
diversification. Pour les emplois qui se dessinent, les journalistes doivent con-
firmer les compétences traditionnelles qui étaient celles de la profession tout
en en acquérant de nouvelles, qu’il s’agisse du rapport à la technique et ceux
qui la mettent en œuvre ; à un marketing très spécifique au numérique, per-
mettant d’optimiser l’accès aux internautes ; au public lui-même aussi bien
pour modérer ses commentaires et ses blogs, susciter son expression sur les
réseaux sociaux, l’associer à la production de nouveaux concepts éditoriaux.
Ces journalistes seront employés en permanence au sein d’une rédaction,
alors que d’autres, sur des statuts d’indépendants (pigistes, free-lance, etc.)
ou en petits collectifs (agences), collaboreront en sous-traitance de plusieurs
rédactions.

Chapitre 1 33
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Journalisme en ligne

En résumé

L’histoire du journalisme en ligne court sur une quarantaine d’années.


Celui-ci fut d’abord marginal et limité à quelques pays. C’est avec la
généralisation d’Internet qu’il prend une place toujours plus significa-
tive au cœur de la profession. Les premiers pas du journalisme en ligne
furent surtout affaire de transposition des anciens contenus dans de
nouvelles normes techniques. Une fois digérées les conséquences de
« la bulle », le Web 2.0 s’imposant, le journalisme en ligne pouvait
inventer ses spécificités. Les interrogations à propos du modèle écono-
mique constituent une contrainte forte qui confronte chaque rédac-
tion à des choix difficiles d’organisation. Quelles que fussent les
options retenues trois dimensions propres au journalisme en ligne
s’imposent : veille de l’information appuyée sur les sources et ressour-
ces numériques ; écriture et narration “multimédias” (combinant
texte, son, image, liens) ; interrelation en continu avec le public.

Références essentielles
Bouquillon, P. et Matthews, J., Le Web collaboratif. Mutation des industries de la cul-
ture et de la communication. Saint-Martin d’Hères, PUG, 2010.
Cardon, D., La démocratie Internet. Promesses et limites, Paris, Seuil, 2010.
Charon, JM., La presse en France de 1945 à nos jours, Paris, Seuil, 1991.
Charon, JM., Le Floch, P., La presse en ligne, Paris, La Découverte, 2011.
Scherer, E., A-t-on encore besoin des journalistes ? Manifeste pour un journalisme aug-
menté, Paris, PUF, 2011.
Smyrnaios, N., “Les groupes de presse américains sur l’Internet : une approche écono-
mique”, Les Cahiers du journalisme n° 20, 2009.
De Tarlé, A., Presse et Internet. Une chance, un défi : enjeux économiques, enjeux
démocratiques, Paris, En Temps Réel, 2006.

34 Chapitre 1
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CHAPITRE 2

L’organisation interne
des rédactions en ligne
Amandine DEGAND
Université de Louvain, Belgique
Chantal FRANCOEUR
Université du Québec à Montréal, Canada
Avec la participation d’Arnaud ANCIAUX
et de François DEMERS
Université Laval, Canada

1. Les équipes Web.............................................................................. 36


2. L’idéal de convergence ..................................................................... 45
3. Les effets de la convergence sur l’environnement de travail ................... 56
4. Impact sur la qualité du journalisme et la satisfaction des journalistes.... 57

Ce chapitre retrace la façon dont les rédactions en ligne se sont progressive-


ment structurées et organisées au sein des entreprises médiatiques traditionnel-
les. Il détaille la composition des équipes qui travaillent dans les salles de
rédaction en ligne, les différents postes occupés, mais aussi les zones de ten-
sions qui s’y développent. Les journalistes Web, bien souvent confinés dans des
tâches symboliquement peu valorisées dans leur espace professionnel, souf-
frent en effet d’un manque de considération persistant. Dans ce contexte, les
tentatives de synergies cross-médiatique tardent à voir le jour : les journalistes
traditionnels affichent une certaine résistance face aux demandes de collabo-
ration avec les équipes Web. Différents exemples de modèles organisationnels,
plus ou moins “convergents”, sont décrits. Pour relater ces réalités, les auteurs
se basent sur leurs études empiriques réalisées lors d’immersions dans des
rédactions belges (Degand, 2012) et canadiennes (Francoeur, 2012).

Chapitre 2 35
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Journalisme en ligne

1. Les équipes Web


Les premières équipes Web ont généralement été installées en marge des rédac-
tions traditionnelles, dans des locaux séparés. Elles bénéficient alors de bud-
gets spécifiques, qui fluctuent au fil de vagues successives d’engouement et de
désintérêt par rapport au Web. Ces premiers pas sur le Net sont interprétés
par les acteurs de la presse comme un « jeu sans véritable enjeu » (Estienne,
2007 : 57). Mais la montée rapide des audiences et de la concurrence en ligne,
couplée à une crise de la presse, a très vite incité les rédactions à établir de véri-
tables politiques éditoriales, organisationnelles et commerciales en ligne. C’est
dans ce contexte que les premières stratégies de convergence verront le jour,
au départ de fusions entre les rédactions Web et traditionnelles.
Le Web est donc incontestablement un moteur du changement organisation-
nel des salles de rédaction. Plus aucun média aujourd’hui ne pourrait préten-
dre se passer du Net et des nouveaux supports médiatiques. Et pourtant, les
investissements financiers ne suivent pas toujours. Et les équipes Web souf-
frent encore d’un manque de reconnaissance de la part de leurs pairs. « Le
Web est considéré comme essentiel, mais il n’a jamais obtenu sa place à part
entière » (Journaliste Web, Radio Canada, mai 2010). L’ancienne organisa-
tion, qui a vu le journalisme Web se structurer de manière satellite, en tant
que vitrine des supports historiques, a donc encore une incidence sur les
représentations actuelles. Elle entretient cette vision du Web en tant que
« pôle dominé du champ journalistique » (Estienne, 2007 : 139). Cette per-
sistante position d’infériorité du Web transparaît à différents niveaux : l’âge,
le salaire, le statut, les conditions de travail ou encore l’intégration symboli-
que des journalistes Web.

1.1 Des équipes jeunes


Dans son enquête menée auprès de 750 journalistes belges, Céline Fion
remarque que la principale particularité des journalistes Web réside dans leur
âge : 30 % d’entre eux ont moins de 30 ans. Dans les rédactions belges étu-
diées (Degand, 2012), la plupart des webjournalistes se situent effectivement
dans la fourchette d’âge des 20-30 ans, quand ils font de l’édition. Les chefs
de service Web et autres responsables multimédia se situent le plus souvent
dans la fourchette supérieure, celle des 30-40 ans. Ces constats ne sont que
des estimations visant à donner une idée de la composition des rédactions
Web. Il y a bien entendu des exceptions. Des sites comme Politico, Pro-
Publica, Mediapart ou encore Rue89 ont tous été lancés par des journalistes
expérimentés, plus âgés. Mais là encore, il semble que les dernières recrues
soient plus jeunes. De manière générale, nous pouvons donc conclure que la
moyenne d’âge de ces rédactions Web est, à ce stade, largement inférieure à
la moyenne d’âge des rédactions traditionnelles qui leur sont associées.

36 Chapitre 2
DBU12145.book Page 37 Mardi, 6. novembre 2012 11:57 11

L’organisation interne des rédactions en ligne

Ceci amènerait à penser que les cellules Web ont volontairement engagé du
personnel dit “Web-native”, tombé tout petit dans le bain informatique. Des
recruteurs belges ont d’ailleurs indiqué que la tenue d’un blog, de même que
l’activité sur des réseaux comme Twitter ou Facebook, était un “plus” à
l’embauche. Mais, le fait que les rédactions Web soient peuplées de jeunes
montre qu’elles ne sont en rien perçues comme l’eldorado journalistique. La
plupart des journalistes traditionnels confient d’ailleurs qu’ils ne souhaite-
raient pas passer vers le Web. « Ce n’est pas une promotion », dira même un
journaliste belge. Pire encore, le responsable d’une cellule Internet belge con-
fie, en parlant des journalistes traditionnels transférés vers le Web, qu’il a
« un peu hérité de la poubelle ». Dans le contexte canadien, les webjourna-
listes plus âgés peuvent aussi être d’anciens reporters dont les postes ont dis-
paru suite à des compressions budgétaires. Certains ont eu le choix de
travailler “au Web” ou de perdre leur emploi. Le journalisme en ligne serait
donc encore perçu, par de nombreux acteurs de la presse, comme le bagne
où l’on vient se faire la main et où l’on échoue en dernier recours. Dans ce
contexte, il n’est pas étonnant que les résistances face aux changements occa-
sionnés par le Web soient légion. Nous verrons néanmoins que certaines stra-
tégies de convergence bouleversent cette logique.

Les résistances au changement


Pour faire image de façon humoristique, un cadre supérieur de l’informa-
tion dit que la plus grande difficulté dans l’intégration de nouvelles tâches
journalistiques est « la résistance au changement. Si on pouvait en capter
l’énergie, on pourrait se passer de “Hydro-Québec” » (Cadre, salle multimé-
dia, Radio-Canada, mars 2010). Mais pourquoi les journalistes “tradition-
nels” sont-ils si résistants face aux invitations à collaborer avec leurs
collègues du Web ? En réponse à cette question, Marc-François Bernier
avait déjà identifié plusieurs éléments explicatifs lors d’une étude menée
au Canada en 2008. À partir d’immersions menées en Belgique, nous avons
relevé pas moins de 23 arguments de résistance (Degand, 2012). Plusieurs
d’entre eux trouvent un écho dans les rédactions canadiennes. Nous les
classons ici selon la typologie de Céline Bareil (2004 : 5-6). L’auteur dis-
tingue en effet six catégories de résistance au changement :

1) Causes individuelles
• Il faut se réinventer en fin de carrière
Plusieurs journalistes manifestent la crainte de redevenir néophytes, de
devoir réapprendre un métier qu’ils ont appris à maîtriser au fil des années.

Chapitre 2 37
DBU12145.book Page 38 Mardi, 6. novembre 2012 11:57 11

Journalisme en ligne

• Refus des changements horaires


Le Web impose une organisation par shifts horaires successifs, soit une
organisation du temps de travail à laquelle les journalistes traditionnels
ne sont pas habitués.
• Refus d’apparaître en face-caméra
Ce sont bien sûr surtout les journalistes de la presse imprimée, mais aussi
ceux issus de la radio qui expriment cette résistance.
• Refus de travailler avec une caméra
Pour certains, le fait de devoir filmer un interlocuteur change complète-
ment le discours de celui-ci, et son rapport au journaliste.
• Refus de tâches additionnelles
Certains journalistes craignent de voir leurs tâches se démultiplier. « Est-
ce qu’on peut faire tout ? Ça a une implication en termes de charge de
travail. On entend souvent le discours “sur le Net, ça te prend une demi-
heure, ça ne te distrait pas de ton travail”. Ça moi je ne suis absolument
pas d’accord » (journaliste presse imprimée, Le Vif/L’Express, janvier
2010). Ce point de vue est partagé outre-Atlantique : « J’ai encore de la
misère à comprendre ce qu’on attend d’un journaliste radio-télé-Web.
Penser pour trois médias, faut penser comme trois journalistes ? ! C’est
assez ! Les journées ont vingt-quatre heures, dans notre tête il y a des
limites » (journaliste radio, Radio-Canada, mars 2010).
• Refus de laisser manipuler son travail journalistique par d’autres
Dans les médias audiovisuels plus qu’ailleurs, les journalistes expriment la
crainte de voir leurs rushs traités par un journaliste Web, sans que ce der-
nier ne soit au fait du contexte de tournage, des “offs” éventuels. À ces
craintes s’ajoutent celles de possibles poursuites en diffamation. Les jour-
nalistes veulent contrôler toutes les étapes de production : « Quand on a
une histoire qui peut être délicate au plan légal, au plan politique, c’est
essentiel qu’on s’occupe de la rédaction de tous les éléments de cette his-
toire-là. Moi j’ai essayé les autres méthodes et j’ai toujours eu des
problèmes » (journaliste télé, Radio-Canada, mai 2010).
• Refus de brader ses scoops sur un support gratuit
« Il y a toujours une réticence […] parce que quand un journaliste de
quotidien obtient une information qu’il juge exclusive, il a toujours un
peu tendance à garder cette information et à ce qu’elle demeure un scoop
ou une primeur pour le journal du lendemain, plutôt que tout de suite
confier cette information-là afin qu’elle soit diffusée sur le Web. Mais les
choses sont en train de changer parce que maintenant, […] leur égo est
servi puisqu’on n’hésite plus à attribuer la paternité d’une information au
site du journal, qui est donc relié au quotidien » (journaliste presse impri-
mée, La Libre Belgique, novembre 2009)

38 Chapitre 2
DBU12145.book Page 39 Mardi, 6. novembre 2012 11:57 11

L’organisation interne des rédactions en ligne

• Préférence/priorité accordée au support d’origine


Plusieurs journalistes admettent qu’ils travaillent toujours pour leur
média avant de s’investir dans des tâches supplémentaires pour le Net.
• Audience moindre sur le Net
Certains journalistes estiment que leur support leur octroie une “garantie
d’exposition”, un audimat qu’ils ne retrouveraient pas sur le Net.

2) Causes collectives/culturelles
• Nature de l’homme hostile au changement
Certains journalistes considèrent la résistance au changement comme un
phénomène général, qui ne se limite ni au Web, ni au journalisme.
• Travail moins intéressant sur le Web
La plupart des journalistes refuseraient de ne plus sortir pour rencontrer
leurs interlocuteurs ou encore de voir leur créativité limitée à du copié-collé
de dépêches. « [le Web] C’est plutôt un journalisme de canal de diffusion,
alors que nous […] sommes un peu plus un canal de production » (journa-
liste presse imprimée, Le Soir, juin 2009). Un journaliste canadien l’exprime
de façon imagée : « T’es cloué à ton pupitre. À un moment donné, c’est
comme une chape de plomb » (journaliste Web, Radio-Canada, mai 2010).
• Support moins attrayant
« Le Web c’est pas sexy ! Quelle est l’image du mec qui bosse sur
Internet ? C’est un geek, il a des lunettes […] C’est pas Albert Londres !
C’est pas avec le Web que tu vas gagner des Pulitzer… J’exagère, mais le
Web je pense est un média trop jeune, qui n’a aucune lettre de
noblesse… » (journaliste Web, RTBF, août 2009).

3) Causes politiques
• Dégradation de la qualité de l’information
Si les journalistes ont plus de médias à alimenter, ils ne peuvent plus
peaufiner leurs reportages comme avant. Ils passent plus de temps à
transformer leur reportage plutôt qu’à l’enrichir. Ceci entraîne inévitable-
ment une dilution de la qualité des reportages. Par ailleurs, certains jour-
nalistes reprochent au support Internet de véhiculer des contenus peu
qualitatifs, parce que trop racoleurs par exemple.
• Déclin de la valeur attribuée à l’information
« L’information a une valeur, et ça, par l’espèce de frénésie qu’il y a eu de
mettre tout sur le site gratuitement, on a un petit peu perverti la valeur
de l’info. […] j’y vois une raison de m’inquiéter pour l’avenir » (Journa-
liste de presse imprimée, Le Soir, juin 2009).

Chapitre 2 39
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Journalisme en ligne

4) Causes associées à la mise en œuvre du changement


• Manque de moyens accordés au Web
Un journaliste estime par exemple que, dans l’absolu, il accepterait de
consacrer plus de temps au Web… « Mais le problème, c’est qu’on va nous
dire “vous faites ça à effectifs constants”. Donc ça veut dire que le travail
qu’on n’accomplira pas le jour où on est en train de faire du Web ou du
chat, ce sera soit d’autres journalistes qui devront s’en charger, soit on
remplira avec des dépêches… » (journaliste presse imprimée, La Libre Bel-
gique, novembre 2009). De manière générale, les journalistes hésitent à
s’investir dans le Web tant qu’ils ne savent pas dans quelles conditions ils
seront amenés à y travailler.
• Volonté d’un cadre de collaboration égalitaire
Les journalistes ont peur, s’ils collaborent avec le Web, d’être perçus
comme volontaires, et d’être ensuite “toujours de la revue” pour réaliser
des tâches de collaboration dont aucun de leurs collègues ne voudra.
• Désimplication au profit des autres
On peut concrétiser cette attitude par la réaction de ce journaliste qui
prône les collaborations avec le Web, tant qu’elles ne le concernent pas :
« Normalement, ce sont les anciens secrétaires de rédaction qui sont
devenus ce qu’on appelle les responsables bi-média. […] Mais moi je m’en
détache le plus possible, c’est impossible que je fasse ça en plus » (jour-
naliste presse imprimée, Le Soir, juin 2009)
• Manque de clarté de la ligne éditoriale
Certains journalistes estiment que les consignes de collaboration avec le
Web ne sont pas suffisamment claires : ils ne savent pas toujours quels
contenus fournir au Web, ni sous quelles modalités (Faut-il donner l’inté-
gralité de l’article ? Le mettre sous cadenas pour qu’il ne soit accessible
qu’aux abonnés ?).

5) Causes liées au système organisationnel


• Crainte de la cannibalisation
Il s’agit de l’inquiétude de voir les supports traditionnels s’effondrer à cause
de l’apparition de leurs sites Web, concurrents le plus souvent gratuits.
• Manque de temps
Les journalistes ont toujours l’impression de manquer de temps pour bien
faire leur travail. C’est pourquoi ils n’aiment pas devoir en consacrer à
l’adaptation Web de leurs contenus. De plus, les sources d’information ont
plus de contrôle sur le produit final quand les journalistes manquent de
temps (Cottle et Ashton, 1999).

40 Chapitre 2
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L’organisation interne des rédactions en ligne

6) Causes associées au changement lui-même


• Structure différente et difficile à s’approprier
Les journalistes qui travaillent parfois pour un même support depuis des
années peuvent éprouver des difficultés à s’approprier un nouveau média
si celui-ci est structuré différemment de leur support d’origine.
• Peur de l’échec
Si les journalistes traditionnels ont fait l’effort de s’investir sur le Net, et
que leurs initiatives n’ont pas été couronnées de succès – parce qu’elles
ont remporté très peu de clics par exemple –, les journalistes peuvent
exprimer un certain découragement.
• Barrière technique
Certains journalistes évoquent leurs faibles connaissances informatiques.
L’ampleur du phénomène de résistance est notable. Stevens (2002) a
d’ailleurs remarqué que certains journalistes du Tampa Tribune (Floride)
ont préféré quitter leur emploi plutôt que de s’adapter au Web et à
d’autres plateformes de diffusion. Dans ce type de cas, il y a fort à parier
que la transition vers le multimédia s’est effectuée sans que les arguments
de résistance des journalistes n’aient été pleinement pris en compte.

1.2 Une organisation par shifts


Dénombrer les personnes qui travaillent pour un site Web est plus compliqué
qu’il n’y paraît. En effet, à côté des journalistes salariés qui travaillent régu-
lièrement pour les sites d’information, nous trouvons des pigistes, qui tra-
vaillent essentiellement le week-end, et des stagiaires, qui se joignent aux
équipes existantes pour quelques semaines ou quelques mois.

Par ailleurs, les journalistes Web ne sont pas forcément tous présents en
même temps dans la rédaction puisqu’ils décalent leurs horaires de travail
afin d’actualiser le site durant une fourchette horaire la plus large possible.

Ainsi, Le Vif/L’Express est la rédaction qui possède le moins d’effectifs en


Belgique. Moins de trois “temps pleins” journalistiques s’y relaient pour cou-
vrir l’actualité entre 8h et 18h environ. La plupart des grands sites belges
structurent leurs équipes en deux shifts, un shift du matin (qui couvre une
période allant de 6/7h à 14/15h) et un shift du soir (14/15h à 21/22h). Plus
rares sont les médias qui optent pour trois shifts. Notons encore l’option ori-
ginale pour laquelle a opté le groupe flamand Het Persgroep, qui envoie des
correspondants à Sydney ou à Montréal afin d’étendre sa couverture aux
heures nocturnes grâce au décalage horaire.

Chapitre 2 41
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Journalisme en ligne

1.3 Des statuts précaires


Une enquête menée auprès de 750 journalistes belges (Fion, 2008) révèle que
7 % travaillent dans une rédaction Web. À l’image de l’échantillon général,
il s’agit principalement d’hommes issus de l’enseignement supérieur
(65,5 %), tout comme dans l’échantillon général. Seuls 60 % de ces webjour-
nalistes déclarent être salariés, proportion relativement faible par rapport
aux 76 % de journalistes traditionnels salariés, au sein du corpus étudié.

À propos des salaires, Anthony Cawley remarquait pour sa part, suite à son
observation au sein du The Irish Times « This is embodied institutionaly in
their general employment status : lower pay, fewer benefits, fewer perma-
nent positions » (2008 : 53). Dans certaines rédactions, le statut du journa-
liste Web a fait l’objet de luttes sociales qui ont abouti, comme au Guardian,
à l’égalité salariale entre les différents segments professionnels (Colson et
Heinderyckx, 2008 : 144). Malgré cela, dans la plupart des rédactions, un
écart salarial subsiste entre journalistes Web et journalistes traditionnels.

1.4 Des tâches symboliquement peu valorisées


Les journalistes Web souffrent d’un statut officieux de journaliste de seconde
zone (Garcia 2008 : 72) ou de seconde main (Quandt 2008 : 89). Leur travail
est découpé en micro-séquences d’activité de 2 minutes 14 secondes en
moyenne, contre près de 5 minutes pour un journaliste radio (Idem : 86). Les
journalistes en ligne sont plus souvent appelés à éditer des contenus tout
prêts, plutôt qu’à en produire de nouveaux de bout en bout. L’essentiel de
leur travail consiste à alimenter le site grâce à des dépêches d’agence légère-
ment retravaillées. Ils doivent en outre transposer sur le Net des contenus ini-
tialement réalisés pour d’autres supports. « On traite de l’information créée
par d’autres journalistes. Ça crée de la frustration » explique une journaliste
Web de Radio Canada (mai 2010). Dans certaines organisations, les journa-
listes en ligne sont explicitement perçus comme des personnes au service des
autres journalistes. Confinés à leurs tâches de veille sur écran, les journalistes
en ligne consacrent peu ou pas de temps à la recherche d’information ou à la
réalisation de reportages originaux. Contrairement à leurs collègues tradi-
tionnels, ils ont donc un rapport aux sources et au terrain très limité (Deuze,
2008b). Nous pouvons donc en conclure que les journalistes Web sont majo-
ritairement exclus des tâches symboliquement valorisées dans la profession,
telles que le reportage, l’investigation ou l’écriture. C’est en tout cas vrai
pour la plupart des journalistes Internet, ceux qui sont souvent qualifiés
“d’éditeurs Web”. Mais il existe différents types de postes au sein des rédac-
tions en ligne.

42 Chapitre 2
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L’organisation interne des rédactions en ligne

1.5 Les postes du Web


Chaque rédaction a son propre organigramme et ses propres terminologies
pour distinguer les postes de chacun. Nous pouvons toutefois relever quel-
ques régularités.
Tout d’abord, les salles de rédaction Web semblent être moins hiérarchisées
que les rédactions traditionnelles, parce que les relations y sont plus infor-
melles et parce que la publication en ligne comprend moins d’étapes d’appro-
bation des supérieurs. Les responsables des médias en ligne sont par ailleurs
le plus souvent situés au cœur même de la rédaction. Or, Anthony Cawley
remarquait à ce sujet, dans son étude d’Ireland.com, que la possession d’un
bureau fermé impose une barrière physique et symbolique (2008 : 55), qui
n’existe pas dans les rédactions en ligne. Les responsables des sites Web sont
donc plus accessibles que les responsables éditoriaux (ou rédacteurs en chefs)
des autres supports médias. Mais en réalité, ils sont le plus souvent eux-
mêmes situés sous l’autorité d’un directeur de rédaction ou du rédacteur en
chef qui dirige le média “historique” de la marque.
Anciennement, le rédacteur en chef s’occupait avant tout d’un support média
précis dont il assurait la direction éditoriale. Désormais, il s’occupe avant
tout d’une marque, et assure la déclinaison de l’information selon des diffé-
rents canaux disponibles. Généralement, le rédacteur en chef a donc un droit
de regard et une responsabilité sur les contenus produits par la rédaction
Web.
Au cran hiérarchique inférieur, on trouve donc le responsable multimédia,
parfois dénommé New media manager. C’est lui qui avalise, in fine, la sélec-
tion des articles effectuée par les journalistes Web, même s’il peut déléguer
cette fonction. Dans les plus petites rédactions, cette personne combine géné-
ralement les fonctions du New media manager et du chef de service Web. Ce
dernier est un journaliste Web qui, le plus souvent, remplit des tâches sup-
plémentaires telles que la gestion des horaires de l’équipe.
Parmi les journalistes Web, nous pouvons distinguer deux types de postes
particuliers. Premièrement, les éditeurs sont chargés d’alimenter les sites Web
des médias d’information sur la base, principalement, de bâtonnage de dépê-
ches et de réécritures diverses. En second lieu, les rédacteurs ont pour rôle de
produire des contenus spécifiques pour le Web, d’apporter de la “valeur
ajoutée”. Cette distinction entre les postes d’édition et ceux d’écriture est peu
courante en Europe. Mais Klaus Meier rappelle qu’elle a toujours été de mise
dans les rédactions anglo-saxonnes (2007 : 5).
C’est au sein de cette catégorie de rédacteurs que l’on pourrait classer ce que
Quinn appelle les News Resourcers, ajoutant du contexte et de la profondeur
à des reportages produits par d’autres. Parce qu’ils trouvent rapidement de
l’information complémentaire, Quinn les décrit comme un mélange entre un

Chapitre 2 43
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Journalisme en ligne

bibliothécaire et un spécialiste de l’information journalistique (Quinn,


2005 : 94). Un secrétaire de rédaction appelle cela « apporter une valeur
ajoutée à la nouvelle brute » (Radio-Canada, mai 2010). Les salles de presse
apprécient ces initiatives, reconnaissant que le Web est un média en cons-
tante évolution et toujours en développement.
À côté de ces postes d’éditeurs et de rédacteurs, il est de plus en plus fréquent
que des profils webjournalistiques se spécialisent dans le reportage où la
récolte d’images via une petite caméra ou même un téléphone haute techno-
logie. D’autres profils s’orientent davantage vers des charges d’animateurs de
communauté (voir également chapitre 3). Mais ces postes ne sont pas encore
systématiquement intégrés dans les rédactions étudiées, du moins pas forcé-
ment sous la forme d’un poste à temps plein. Dans plusieurs rédactions, les
journalistes Web se partagent les tâches de modération des commentaires et
d’animation des pages communautaires (la page Facebook du journal par
exemple). D’autres rédactions, plus nanties, possèdent un ou plusieurs ani-
mateurs de communautés. D’autres encore externalisent la modération vers
des firmes spécialisées (comme Conciléo en France).
Par contre, dans toutes les rédactions considérées, de plus en plus de journa-
listes traditionnels produisent, eux aussi, des contenus pour Internet. Nous
ne les avons pas considérés comme appartenant à la structure des rédactions
Internet puisqu’ils sont, à ce stade, encore largement perçus comme des ren-
forts ponctuels. Néanmoins, dans la plupart des rédactions en ligne, les jour-
nalistes issus des autres supports sont mobilisés, sur le Net, en tant
qu’experts ou en tant que fournisseurs de contenus journalistiques. Et dans
des rédactions comme celle du quotidien d’actualité économique belge
L’Écho – qui a complètement éclaté la structure de sa rédaction Web –, nous
ne pouvons désormais plus considérer la cellule Web comme une unité indé-
pendante de l’ensemble de la rédaction. Les structures du Web et du papier
sont dans ce cas imbriquées.
Notons enfin que les journalistes Web sont rarement spécialisés du point de
vue des sujets qu’ils traitent. Certains néanmoins, ont en charge une matière
précise, telle que le sport ou l’actualité “people”. De la même manière, il
existe parfois des journalistes spécialisés dans la prise d’image pour le Web.
Il s’agit souvent de profils de caméraman ou de photographes.
À ces postes s’ajoute également du personnel technique (webmasters, experts
informatiques, etc.), aux marges de la profession journalistique (et souvent
installés en dehors des locaux attribués à la “rédaction” à proprement par-
ler). Ils ont néanmoins un poids considérable dans la bonne tenue d’une édi-
tion en ligne. Ainsi, un journaliste Web raconte que la créativité associée aux
nouveaux médias est souvent ralentie par des considérations techniques :
« On n’a pas de développeurs dans l’équipe Web. Ils sont au huitième étage,
nous sommes au rez-de-chaussée. Ils travaillent pour tous les services, pas

44 Chapitre 2
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L’organisation interne des rédactions en ligne

seulement pour l’information. On ne peut pas réagir rapidement » (Radio-


Canada, mai 2010).
En réalité, dans la plupart des rédactions, les journalistes Web ont d’abord
été installés dans les mêmes espaces que les informaticiens et les webmasters.
C’est encore le cas dans certaines rédactions. En Belgique, nous pouvons citer
le cas d’IPM et Het Persgroep qui ont expressément choisi de conserver une
organisation où les pôles Web et papier sont séparés. Cette option du regrou-
pement présente un avantage technique, mais elle a pour inconvénient de dis-
socier symboliquement les journalistes Web du pôle rédactionnel, pour les
associer aux pôles techniques de la marque. Or, cette option semble incohé-
rente par rapport aux stratégies qui entendent stimuler les collaborations et
réduire l’écart symbolique qui sépare les journalistes Web et non-Web.

2. L’idéal de convergence
2.1 Des rédactions séparées à l’intégration physique
Les rédactions Web, d’abord installées en marge des rédactions “tradition-
nelles”, y ont progressivement été intégrées. Nous pouvons citer l’exemple
précoce de la BBC qui, en 1996, dans une vague de développements techno-
logiques, a réuni dans un newscenter à Bristol des équipes de télévision, de
radio, de presse écrite et en ligne (Cottle, 1999 : 30).
À la même époque, en Belgique, le quotidien de référence Le Soir se dote
d’une équipe Web autonome, installée dans un local à l’écart de la salle de
presse historique. Mais il faudra attendre 2007 pour que le management se
décide à fusionner celle-ci avec la rédaction du journal. À ce moment, “casser
les murs” apparaît comme un signal fort : « C’est une grande étape vers une
rédaction “intégrée”… Mais ce n’est pas parce que la rédaction est intégrée
que les journalistes sont intégrés. Il y a une grande différence. L’idée c’était
vraiment que la mise en ligne se fasse là où circule l’info, dans le nœud
central » (Responsable multimédia, Lesoir.be, avril 2009). Radio-Canada
n’a, pour sa part, réalisé l’intégration de ses équipes journalistiques qu’en
2010. Son vis-à-vis anglophone, CBC, l’avait réalisée un an plus tôt. Cha-
cune de ces rédactions entendait créer des synergies entre les équipes journa-
listiques et à assurer une présence multiplateforme cohérente.
Cette phase de fusion ou d’intégration “physique” des rédactions Web et tra-
ditionnelles apparaît comme une étape d’évolution déterminante, un pas en
avant dans l’adoption des nouveaux médias. Cette intégration “physique”
d’une rédaction dans une autre peut également prendre la forme d’un ras-
semblement à trois, lorsque, comme dans les groupes audiovisuels, deux
médias étaient déjà rassemblés sous une même enseigne. Quoi qu’il en soit,
l’intégration est, dans de nombreux cas, perçue à la fois comme un symbole

Chapitre 2 45
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Journalisme en ligne

fort du passage au pluri-média et comme un moyen concret de rapprocher


les différents segments journalistiques, de les amener à collaborer dans le but
de réaliser, in fine, des économies.

2.2 Vers une collaboration entre les segments


professionnels ?
Si les synergies entre deux segments professionnels sont difficiles à mettre en
place sans intégration physique, cette dernière, une fois établie, ne déclenche
pas automatiquement les synergies espérées. Les journalistes Web ont beau
se trouver géographiquement dans la rédaction historique, celle-ci ne colla-
bore pas pour autant avec eux.
Reprenons l’exemple du quotidien généraliste belge Le Soir. Fin 2009, on
pouvait y voir les équipes Web et papier travaillant côte à côte, se parlant,
s’échangeant de l’information et collaborant ponctuellement sur des évène-
ments à médiatisation forte, tels que les élections américaines. Les responsa-
bles incitaient les journalistes traditionnels à collaborer au Web. Mais on
pouvait encore constater une certaine résistance au changement de la part
des journalistes traditionnels. Une structure en “silos” 1 tendait à persister,
bien que des passerelles entre les différents supports existaient et se multi-
pliaient déjà. Dès 2010, on observait sur le site Web du Soir des interventions
de plus en plus nombreuses de la part de journalistes issus de la presse écrite,
sous la forme d’articles ou de capsules vidéo, par exemple. Mais ceci
n’excluait pas le maintien d’une équipe Web alimentant le site de façon réac-
tive, avec de l’information relativement brute. Durant cette période, les jour-
nalistes issus du papier rechignaient toujours à considérer le travail des
éditeurs Web comme un travail journalistique à part entière. Or, les mana-
gers voulaient – et veulent toujours – pousser le processus de convergence un
cran plus loin.

La convergence, buzzword de la recherche


La recherche académique a souvent axé son approche de l’adaptation des
rédactions aux nouveaux médias sur la notion de convergence, soit la
mise en place de synergies au sein d’une rédaction pluri-média. Henry
Jenkins, par exemple, voit dans le buzzword convergence l’idée absurde
d’une fusion de tous les médias en un seul. Et de le définir comme
« un processus continu, qui se produit, dans les médias, au croisement de

1. Où les journalistes se regroupent en fonction de leur support médiatique premier, du support pour lequel ils
travaillent.

46 Chapitre 2
DBU12145.book Page 47 Mardi, 6. novembre 2012 11:57 11

L’organisation interne des rédactions en ligne

2 3 4 5

différentes technologies, industries, contenus et audiences ; et qui n’est


pas une fin en soi » 2 (2001 : 93). Pour l’auteur, il existe une confusion
autour du concept de convergence, qui provient du fait que le terme syn-
thétise au moins 5 processus :
1. Technological Convergence : soit « la digitalisation de tous les conte-
nus médiatiques ».
2. Economic Convergence : il s’agit de l’intégration horizontale de l’indus-
trie de l’entertainment, dont le résultat a été la restructuration des
productions culturelles autour des potentielles synergies.
3. Social or Organic Convergence : soit les stratégies multitâches des con-
sommateurs leur permettant de naviguer dans le nouvel environne-
ment informationnel.
4. Cultural Convergence : « L’explosion de nouvelles formes de créativité
au croisement de différentes technologies médiatiques, industries et
consommateurs ». Henry Jenkins comprend dans cette catégorie le
journalisme participatif, transmédia et crossmédia.
5. Global Convergence : « L’hybridité culturelle qui résulte de la circula-
tion internationale de contenus médiatiques » 3 (2001 : 93).
Colson et F. Heinderyckx ajoutent un sixième type qu’ils nomment :
6. convergence éditoriale « qui implique une collaboration équilibrée entre
les journalistes du Web et du papier, de même qu’une représentation
réciproque positive du travail et du rôle de chacun » 4 (2008, p. 152).
Selon Jane B. Singer, le terme convergence est donc problématique puis-
que, d’une part, les chercheurs s’en sont détournés ces dernières années
et que, d’autre part, il regroupe, sous une même appellation, des réalités
diverses, des activités et des lieux de travail différents. L’auteur utilise le
terme pour décrire « le passage d’un journalisme “mono-plateforme” –
création de contenus pour un journal imprimé ou pour un programme de
télévision par exemple – vers un journalisme “cross-plateforme” impli-
quant plus d’un support médiatique » 5 (2008 : 157).
Si le mode de travail convergent entraîne son lot de résistances parmi les
professionnels, plusieurs chercheurs estiment qu’il permet de maintenir
un journalisme de qualité (Meier, 2007 ; Huang et al., 2004).
Notons également l’apport de Dailey et de ses collaborateurs (2005) qui
ont élaboré un modèle décrivant différents niveaux de convergence que
les médias peuvent adopter : du niveau le plus simple à mettre en œuvre
où sont clonés, sur le Web, des contenus prévus pour d’autres supports

2. Traduction de l’auteur.
3. Traductions de l’auteur.
4. Traduction de l’auteur.
5. Traduction de l’auteur.

Chapitre 2 47
DBU12145.book Page 48 Mardi, 6. novembre 2012 11:57 11

Journalisme en ligne

(shovelware) jusqu’au niveau le plus intégré dans lequel une seule rédac-
tion produit du contenu pour différents médias. Leur approche de la con-
vergence se structure en 5 paliers :
1. Cloning : niveau le plus basique où les journalistes Web recopient des
contenus produits pour d’autres supports média.
2. Coopetition : stade où les différentes rédactions échangent des
savoirs, tout en continuant de produire leurs contenus indépendam-
ment l’une de l’autre.
3. Content Sharing : rencontres régulières entre journalistes issus de dif-
férents supports pour échanger des idées et des contenus relatifs à un
sujet donné.
4. Convergence : création de sujets communs en usant des atouts de cha-
que support pour générer une histoire commune.
5. Cross Promotion : promotion des contenus produits par le partenaire
(Dailey et al., 2005 : 25). Notons que la position des acteurs n’est pas
fixée une fois pour toutes à un palier de ce continuum, mais elle
dépend de la nature des nouvelles à traiter et de l’engagement des tra-
vailleurs en regard du processus de convergence.
Josep Micó, Pere Masip et Suzanna Barbosa reprendront les concepts clefs
de Dailey et de ses collaborateurs, tout en rejetant l’idée que l’intégration
éditoriale est un objectif en soi. Ils indiquent que, dans les stratégies
développées par les médias, « la convergence est vue comme un processus
linéaire qui culmine dans une intégration complète, perçue comme le scé-
nario optimal »6 (2009 : 127). Or, poursuivent les auteurs, l’intégration
n’est pas toujours la meilleure solution (2009 : 132). La convergence
notent-ils, offre de nombreux avantages : réduction des coûts, producti-
vité dopée, fidélisation des audiences aux différents médias de la marque,
diversification du business risk, augmentation des revenus publicitaires,
augmentation du contrôle et de la liberté du journaliste par rapport à une
information à traiter. Mais la convergence remporte aussi son lot de
critiques : standardisation du discours et perte de pluralisme, déclin de la
qualité du journalisme, réduction des effectifs de la rédaction et déni de
l’augmentation des charges de travail additionnelles que la convergence
réclame (2009 : 135-136).

2.3 Différentes modalités pour pratiquer la convergence


Dans les premiers efforts de convergence, les managers ont bien souvent tenté
d’instaurer les réformes en comptant sur la bonne volonté des journalistes,
6. Traduction de l’auteur.

48 Chapitre 2
DBU12145.book Page 49 Mardi, 6. novembre 2012 11:57 11

L’organisation interne des rédactions en ligne

appelés à collaborer entre eux. Mais la sauce n’a pas toujours pris. Différentes
résistances empêchent les synergies de se développer. Les managers rivalisent
alors d’astuces pour susciter les collaborations. Par exemple, des leaders
d’opinion sont engagés. Il s’agit généralement de journalistes blogueurs, dont
l’aura est susceptible de rayonner et d’avoir un impact positif sur les journa-
listes alentours. En Belgique, on observe notamment ce type d’engagements à
la RTBF et au sein de Sudpresse. C’est en réalité l’idée de la “contagion”,
explicitement adoptée au Soir. Les journalistes Web, parce qu’ils sont au cen-
tre de la salle de rédaction, influeraient sur le travail de leurs collègues.
Autre astuce connue de tous les gestionnaires : la carotte et le bâton. Au sein
du quotidien L’Écho par exemple, les journalistes ont été encouragés à col-
laborer avec le Web. Ils ont été informés que ces collaborations pèseraient
significativement lors de leurs évaluations de fin d’année. Il est à noter que,
dans ce cas, la perspective de récompense/punition ne semble pas avoir porté
ses fruits 7.
Malgré ces astuces, force est de constater que les collaborations restent mar-
ginales dans nombre de rédactions. Plusieurs responsables de rédactions
envisagent dès lors de rendre les collaborations obligatoires. Différentes
options s’offrent en effet aux managers pour gérer ces résistances. Il s’agit
d’un aspect particulier de la mise en œuvre de la convergence, que nous qua-
lifierons ici de “stratégies d’implication” des journalistes traditionnels dans
le Web. Sur le terrain, on repère quatre degrés d’implication distincts :

2.3.1 Aucune requête


Si la plupart des rédactions traditionnelles ont reçu des consignes visant à
promouvoir la collaboration entre les différents segments professionnels,
certaines font exception. Par exemple, en Belgique, au sein du Persgroep
(7sur7, De Morgen, Het Laaste Nieuws, etc.), les quotidiens et leurs équiva-
lents en ligne sont considérés comme des médias tout à fait différents, voire
concurrents. Les contacts entre les journalistes de la presse imprimée et
d’Internet ne sont absolument pas encouragés.

2.3.2 Incitation
Le management se contente d’inciter aux collaborations. Il ne contrôle pas
explicitement, et de manière généralisée, les efforts que chaque journaliste
traditionnel consent envers le Web. C’est l’approche adoptée à Radio-
Canada notamment : « On ne veut rien forcer. On veut que ça se fasse sur
une base volontaire. Ça va se réaliser au jour le jour » explique un cadre
(Radio-Canada, avril 2010). Cela n’empêche pas que des demandes explici-
tes et contrôlées soient émises occasionnellement, envers certains journalistes ;
7. Il a fallu attendre une totale réorganisation de l’organisation de travail pour que les collaborations se multiplient.

Chapitre 2 49
DBU12145.book Page 50 Mardi, 6. novembre 2012 11:57 11

Journalisme en ligne

ce qui fut le cas au Soir, à la RTBF ou encore aux Éditions de l’Avenir par
exemple. Les gestionnaires du Washington Post ont également adopté cette
stratégie. Ils ont résumé leur approche de la façon suivante : « Habiliter et
équiper, mais ne pas insister » 8 (Heald, 2010).

2.3.3 Demande contrôlée


Dans cette configuration, le management va contrôler l’implication de tous
les journalistes d’une rédaction traditionnelle censés collaborer au Web.
Néanmoins, les plus réticents sont encore en mesure d’y échapper. Avant que
la stratégie de la rotation au Web ne soit instaurée à l’Écho, le management
avait ainsi promis aux journalistes traditionnels que les collaborations avec
le Web seraient le point le plus important dans leur évaluation de fin d’année.
Néanmoins, les journalistes ne se sont pas impliqués. Et la rédaction a donc
revu complètement son organisation afin d’obliger tous les journalistes à col-
laborer effectivement.

2.3.4 Obligation
Le stade “d’obligation” est atteint lorsque la structure mise en place au sein
d’une entreprise médiatique est telle que plus aucun journaliste ne peut
détourner ses obligations envers le Web. C’est le cas de la structure tournante
mise en place à l’Écho. Il oblige tous les journalistes de la rédaction à tra-
vailler occasionnellement sur le support Web (voir encadré pp. 52-54).
Cette dernière option implique généralement la nomination d’un ou plu-
sieurs responsables d’édition qui centralise(nt) les informations à traiter dans
un central desk et qui décide(nt) des traitements qui seront proposés sur cha-
que support, en fonction des possibilités narratives de ces différents supports.
Les journalistes reçoivent des consignes, voire une affectation sur un support
spécifique, en conséquence. Deux modalités organisationnelles sont en effet
possibles.
Premièrement, un même journaliste va devoir décliner une même informa-
tion pour différents supports. Il devient multicompétent. C’est ce qui s’est
passé au Daily Telegraph (Angleterre) qui a complètement bouleversé son
organisation interne pour faire de la plupart de ses employés des journalistes
multimédias (Poulet, 2009, p. 29). J. A. García Avilés et M. Carvajal parlent,
dans ce cas, d’un modèle intégré. Nous préférons pour notre part parler
d’intégration complète (full integration) pour éviter tout malentendu avec
l’intégration physique ou fusion de deux salles de rédaction.
Deuxièmement, le travail convergent peut passer par un partage de matériel
entre des journalistes qui continuent, chacun, de travailler pour leur propre
support médiatique. Par exemple, un extrait sonore d’entrevue réalisé pour
8. Traduction de l’auteur.

50 Chapitre 2
DBU12145.book Page 51 Mardi, 6. novembre 2012 11:57 11

L’organisation interne des rédactions en ligne

un média télévisé peut être repiqué par un journaliste de la radio, pour le


besoin de l’un de ses reportages. L’entrevue peut également être intégrale-
ment reprise par un journaliste Web qui en déposera la version longue sur le
site. L’échange repose donc sur des éditeurs multimédia. Et les journalistes
“traditionnels” ne sont pas forcément multicompétents. Dans ce cas, García
Avilés et Carvajal parlent de modèle Cross media (2008, p. 235).

Radio Canada : Intégration et incitation


aux synergies
Chantal FRANCOEUR

Radio-Canada a réalisé l’intégration physique de ses équipes de journalis-


tes télé, radio et Web au printemps 2010. Tous les journalistes ont été
réunis dans une seule salle des nouvelles au Centre de l’information. Ce
“CDI” est un espace ouvert de près de 3000 m2 comptant 226 postes de
travail, 7 plateaux de tournage de télévision, deux studios radio et
17 bureaux de travail fermés au rez-de-chaussée.
Suite à ce processus d’intégration, les trois bureaux d’affectation ont été
fusionnés en un seul, appelé le “CAPE”, ou Centre d’affectation, de plani-
fication et d’expertise. Le fonctionnement uni-média où chaque journa-
liste alimentait un seul support – radio, télé ou Web – s’est transformé en
structure “multiplateforme”. Les journalistes de la télévision sont désor-
mais appelés à faire de la radio, les journalistes radio font aussi de la télé-
vision, enfin, chacun produit des textes et des reportages pour le Web.
Les décisions quant à la couverture d’une actualité se prennent au cas par
cas : certains sujets sont uniquement radio, Web ou télé. D’autres sont
couverts pour plusieurs plateformes simultanément. Le travail multiplate-
forme n’est pas systématique, aussi « chaque journaliste garde sa
majeure ». C’est l’expression utilisée par les gestionnaires de Radio-
Canada pour décrire le nouveau fonctionnement de la salle : chaque jour-
naliste continue de travailler pour son média d’origine, radio, télé ou
Web. Selon les couvertures à réaliser, chaque journaliste peut aussi être
appelé à alimenter un autre média. Toutes les combinaisons sont
possibles : « Ici l’intégration est asymétrique, souple, selon une logique
propre à chaque domaine », explique un cadre de Radio-Canada
(hiver 2010). Un journaliste résume quant à lui la façon dont l’intégration
change son travail : « les reporters deviennent des “producteurs de con-
tenu” et dans la mesure du possible ils essaient de décliner ce contenu
sur plusieurs plateformes » (Journaliste multiplateforme, originaire de la
radio, Radio Canada, avril 2010).

Chapitre 2 51
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TABLE DES MATIÈRES

Préface de Jane B. Singer ...................................................................................... 5

1. La fin de l’isolement ........................................................................................... 5

2. Questions pratiques ............................................................................................ 6

3. S’adapter au changement ................................................................................. 8

Introduction
Le journalisme en ligne comme objet d’étude protéiforme ................ 11

1. Quelques travaux marquants ....................................................................... 11

2. Un projet collectif .............................................................................................. 15

3. Structure de l’ouvrage ..................................................................................... 16

CHAPITRE 1
HISTORIQUE DU JOURNALISME
EN LIGNE ....................................................... 19

1. Les prémices ....................................................................................................... 20

1.1 Banques d’information ............................................................................. 20


1.2 Télétexte ........................................................................................................ 21
1.3 Vidéotex ........................................................................................................ 22

2. Les médias à la découverte du Web ........................................................... 23

3. La bulle ? .............................................................................................................. 26

4. Web 2.0 et nouveaux acteurs ....................................................................... 26

5. Intégration et “bi-média” .............................................................................. 29

6. À la recherche du modèle économique ..................................................... 30

7. L’invention d’une/de nouvelle(s) forme(s) de journalisme ............... 32

Table des matières 357


DBU12145.book Page 358 Mardi, 6. novembre 2012 11:57 11

Journalisme en ligne

CHAPITRE 2
L’ORGANISATION INTERNE DES RÉDACTIONS
EN LIGNE ....................................................... 35

1. Les équipes Web ................................................................................................ 36

1.1 Des équipes jeunes ..................................................................................... 36


1.2 Une organisation par shifts ..................................................................... 41
1.3 Des statuts précaires .................................................................................. 42
1.4 Des tâches symboliquement peu valorisées ....................................... 42
1.5 Les postes du Web ..................................................................................... 43

2. L’idéal de convergence .................................................................................... 45

2.1 Des rédactions séparées à l’intégration physique ............................. 45


2.2 Vers une collaboration entre les segments professionnels ? ......... 46
2.3 Différentes modalités pour pratiquer la convergence ..................... 48
2.3.1 Aucune requête ..................................................................................... 49
2.3.2 Incitation ............................................................................................... 49
2.3.3 Demande contrôlée .............................................................................. 50
2.3.4 Obligation ............................................................................................. 50

3. Les effets de la convergence sur l’environnement de travail ............ 56

4. Impact sur la qualité du journalisme et la satisfaction


des journalistes ................................................................................................... 57

CHAPITRE 3
UNE IDENTITÉ TRANSNATIONALE
DES JOURNALISTES EN LIGNE ? ............................ 61

1. Propos explicatifs : repérer des traits identitaires communs ........... 62

2. Les configurations de travail dans les salles de rédaction


en ligne ................................................................................................................... 66

2.1 L’organisation interne : des équipes jeunes et dédiées ................... 66


2.2 Un profil Web ? .......................................................................................... 68
2.3 Les outils ....................................................................................................... 69
2.4 La configuration des lieux : des espaces de travail ouverts
et hiérarchisés .............................................................................................. 71

2.5 Polyvalence et pluriactivité ..................................................................... 73

358 Table des matières


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Table des matières

3. La temporalité comme élément structurant de l’identité .................. 76

3.1 Le temps ressenti, un horlogisme flagrant ? ...................................... 77


3.2 Le temps encadré ....................................................................................... 80

4. Quelques nœuds identitaires transnationaux ........................................ 83

CHAPITRE 4
USAGE DES OUTILS AUDIMÉTRIQUES ..................... 87

1. La culture du clic ............................................................................................... 88

Des outils de plus en plus performants ............................................... 88

2. Une floraison d’indicateurs ........................................................................... 89

3. Une dissémination progressive et durable ............................................... 90

4. L’impact organisationnel ............................................................................... 91

5. L’impact sur le métier de journaliste ......................................................... 91

6. L’impact éditorial .............................................................................................. 93

7. L’impact sur le modèle économique .......................................................... 93

8. Quelles conséquences à long terme ? ........................................................ 94

CHAPITRE 5
LA VÉRIFICATION DE L’INFORMATION
EN LIGNE ....................................................... 97

1. La fiabilité ............................................................................................................ 98

2. Une information en ligne moins fiable ? .................................................. 99

3. En cas d’erreur .................................................................................................. 103

4. De la décision de diffuser .......................................................................... 105

5. Datajournalism et fiabilité ? ....................................................................... 106

Techniques de vérification spécifiques au Web .............................. 109

CHAPITRE 6
DES PROMESSES AUX PRATIQUES
DU JOURNALISME PARTICIPATIF ........................ 115

1. Définir le journalisme participatif ............................................................ 116

Table des matières 359


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Journalisme en ligne

2. L’évolution du journalisme participatif ................................................. 119

Des professionnels réticents .................................................................. 122

3. Gérer la participation .................................................................................... 124

3.1 La curation ................................................................................................. 125


3.2 Approches novatrices du journalisme participatif ......................... 126
3.3 L’agrégation de contenus ....................................................................... 127
3.4 Perspectives ................................................................................................ 130

CHAPITRE 7
JOURNALISTES ET RÉSEAUX SOCIAUX .................. 133

1. Les réseaux sociaux, des coquilles vides ? ............................................. 134

2. Les outils, mimant des gestes éminemment journalistiques ........... 135

2.1 Les formes discursives et éditoriales de quelques marques


de réseaux sociaux ................................................................................... 135

2.2 De l’injonction à l’intégration dans les gestes


journalistiques ........................................................................................... 141

2.3 Après les blogs et les microblogs ......................................................... 142

3. La rapide institutionnalisation par les formateurs-passeurs .......... 145

3.1 Des réseaux, comme moyens de feedback sur les usages


et la “demande” ........................................................................................ 145

3.2 Le journaliste vigie, veilleur, curateur ............................................... 146


3.3 Rappel à l’ordre ........................................................................................ 147

4. Fluidifier les processus professionnels, accélérer les tempos


de l’information ? ............................................................................................ 148

4.1 Mettre en visibilité des relations plus informelles .......................... 149


4.2 Relais et partage de documents ........................................................... 150
4.3 Applications dérivées .............................................................................. 154

5. Des réseaux sociaux, comme des médias d’information


en devenir ........................................................................................................... 155

CHAPITRE 8
LE WEBDOCUMENTAIRE .................................. 159

1. L’émergence d’un format éditorial innovant ? .................................... 160

360 Table des matières


DBU12145.book Page 361 Mardi, 6. novembre 2012 11:57 11

Table des matières

2. Un document(aire) hypermédia ................................................................. 161

2.1 Question terminologique ....................................................................... 161


2.2 Cartographie du webdocumentaire francophone .......................... 162

3. Approche historique : du cinéma documentaire


au webdocumentaire ...................................................................................... 163

3.1 Techniques d’enregistrement et écriture du réel ............................. 164


3.2 Support vidéo et écriture cinématographique ................................. 165
3.3 Équipement de prise de vue communicant
et dématérialisation des supports vidéo ............................................ 166

3.4 Innovation technique et webdocumentaire ...................................... 166

4. Acteurs et représentations du réel ............................................................ 167

4.1 Démarche cinématographique vs démarche journalistique ........ 167


4.2 Contexte économique ............................................................................. 170

5. L’expérience utilisateur ................................................................................. 172

5.1 Le pôle de la réception vu par le concepteur ................................... 172


5.2 Approches quantitatives et qualitatives de la réception
d’un documentaire hypermédia ........................................................... 172

5.3 Une posture spectatorielle dichotomique ......................................... 173


5.4 Désorientation cognitive pour l’usager ............................................. 174
5.5 La télévision connectée : favorable au développement
du documentaire hypermédia ? ............................................................ 174

CHAPITRE 9
INFORMATION, MODÈLES D’AFFAIRES
ET CONCURRENCE ......................................... 179

1. Une économie de la presse en ligne en mutation ................................ 180

2. Les tendances lourdes du secteur de la presse écrite ......................... 181

2.1 Érosion du lectorat : un effet générationnel .................................... 181


2.2 Une structure organisationnelle fragilisée ........................................ 183
2.3 Un modèle d’affaires traditionnel non rentable ............................. 184

3. Les nouveaux acteurs du secteur de la presse écrite .......................... 185

3.1 La presse gratuite d’information ......................................................... 185


3.2 Les acteurs de la presse en ligne .......................................................... 186

Table des matières 361


DBU12145.book Page 362 Mardi, 6. novembre 2012 11:57 11

Journalisme en ligne

4. Révolution de l’information ........................................................................ 190

4.1 “L’information en réseau” .................................................................... 190


4.2 Non-rivalité de l’information, droit d’auteur
et bien expérientiel ................................................................................... 191

5. Une nouvelle fabrique de l’information ................................................. 193

5.1 Une structure de coûts renouvelée ...................................................... 193


5.2 De nouveaux modes de production de l’information ................... 194
5.3 Vers de nouvelles formes d’information ........................................... 195

6. Chaîne de valeur et concurrence ............................................................... 196

6.1 Désintermédiation de la filière de production ................................ 196


6.2 Incidences des géants (Google, Apple) sur la structure
du marché ? ................................................................................................ 197

7. Une multiplicité de modèles d’affaires .................................................... 199

7.1 Marchés à deux versants et effets de réseaux .................................. 199


7.2 Les principaux modèles d’affaires ...................................................... 200
7.3 Publicité en ligne et tarifs publicitaires ............................................. 203

8. Au-delà des stratégies sur Internet : tablettes numériques


et téléphones mobiles ..................................................................................... 204

9. Les défis lancés par la presse en ligne ..................................................... 205

CHAPITRE 10
DÉONTOLOGIE ET ÉTHIQUE DU JOURNALISME
EN LIGNE ..................................................... 209

1. Une évolution, plutôt qu’une révolution ............................................... 210

2. Un observateur entre inventions et routines ......................................... 213

3. Un journaliste interprète déboussolé ....................................................... 217

4. De nouveaux narrateurs ............................................................................... 218

CHAPITRE 11
LA PRESSE EN LIGNE ET LE DROIT ....................... 221

1. Pour un aperçu de quelques notions clés applicables


au journalisme sur Internet ......................................................................... 222

362 Table des matières


DBU12145.book Page 363 Mardi, 6. novembre 2012 11:57 11

Table des matières

2. Le devoir de vérité ........................................................................................... 223

3. Le droit de réponse ......................................................................................... 225

4. Le droit à l’oubli .............................................................................................. 228

5. Le droit à l’image .......................................................................................... 231

6. Le droit d’auteur .............................................................................................. 233

6.1 Protection de ses propres droits .......................................................... 233


6.2 Respect des droits d’auteur existant ................................................... 235

7. Le journaliste, les forums et les blogs ..................................................... 236

8. Responsabilité des médias en ligne .......................................................... 239

8.1 Le délit de presse ..................................................................................... 239

8.2 La responsabilité en cascade ................................................................. 240

9. Déterminer le juge compétent et la loi compétente ........................... 243

9.1 Déterminer le juge compétent .............................................................. 243


9.2 Déterminer la loi applicable ................................................................. 243

CHAPITRE 12
MÉTHODOLOGIES DE RECHERCHE ADAPTÉES
AU JOURNALISME NUMÉRIQUE .......................... 247

1. Les défis méthodologiques liés au journalisme en ligne .................. 249

2. L’emploi des méthodes numériques dans l’analyse quantitative


de l’information en ligne .............................................................................. 254

2.1 La constitution de larges corpus et leur cartographie .................. 254


2.2 De nouveaux paliers dans l’analyse quantitative
et automatisée ........................................................................................... 257

3. Étudier l’appropriation de la presse en ligne


par la confrontation des utilisateurs à leurs traces d’usage ........... 261

4. La réception de l’information en ligne via les réseaux sociaux .... 266

4.1 L’observation participante .................................................................... 267


4.2 Le recrutement des informateurs via les réseaux sociaux ........... 267
4.3 La collecte de données en ligne ............................................................ 267

5. Étude “ethnographique” des rédactions Web ..................................... 270

5.1 Le point de vue des acteurs ................................................................... 270

Table des matières 363


DBU12145.book Page 364 Mardi, 6. novembre 2012 11:57 11

Journalisme en ligne

5.2 Les choix méthodologiques et leurs conséquences ........................ 271


5.3 Échantillonnage ........................................................................................ 271
5.4 Type de questions ..................................................................................... 272
5.5 Nombre d’interviews ............................................................................... 272
5.6 Codage ......................................................................................................... 273
5.7 Comparaison ............................................................................................. 273
5.8 Degré de participation ............................................................................ 274
5.9 Durée passée sur le terrain .................................................................... 274

6. Sélectionner des corpus d’interfaces dans une perspective


sociosémiotique et ethnographique .......................................................... 276

6.1 Analyser l’architecture des possibles .................................................. 276


6.2 La fiche de profil identitaire ................................................................. 277
6.3 L’observation participante .................................................................... 278

7. Analyser un site de média : entre filiation et nouveauté,


comment relever le défi de la complexité de l’information
en ligne ? ............................................................................................................. 281

7.1 Trois niveaux d’analyse : sémiotique, technique,


communicationnelle ................................................................................ 281

7.2 Sémiotique et diversité des signes ........................................................ 283

8. L’étude des architectures des pages d’accueil de sites


d’information en ligne : une manière de mesurer
leur degré d’innovation ................................................................................. 286

8.1 La page d’accueil, un révélateur de l’identité et de la stratégie


d’un site ....................................................................................................... 286

8.2 Les sites Web d’information : des analyses axées


essentiellement sur les fonctionnalités ............................................... 287

8.3 Observer la structure, les formats et contenus


des pages d’accueil ................................................................................... 288

8.4 Méthodes et limites des études sur la structure


des pages d’accueil ................................................................................... 288

9. Étudier les internautes par des questionnaires en ligne


sur site de presse .............................................................................................. 292

9.1 Préalables méthodologiques ................................................................. 292


9.2 Enquête sur des publics généralistes .................................................. 293

364 Table des matières


DBU12145.book Page 365 Mardi, 6. novembre 2012 11:57 11

Table des matières

9.3 Atouts du questionnaire en ligne pour étudier


les infonautes ............................................................................................. 294

9.4 Les difficultés à surmonter pour ce type de méthodologie ......... 295

10. Les modèles d’affaires des médias numériques ................................... 298

10.1 La volatilité du “modèle d’affaires” .................................................. 298


10.2 Deux approches de recherche .............................................................. 299

11. La recherche évaluative dans le contexte du journalisme


en ligne ................................................................................................................. 303

11.1 L’approche organisationnelle ............................................................... 303


11.2 Quelle évaluation ? .................................................................................. 304
11.3 L’évaluation normative .......................................................................... 305
11.4 Recherche évaluative ............................................................................... 307
11.5 Limites de la méthode ............................................................................. 307

Postface de Nicolas Kayser Bril ...................................................................... 309

Présentation des auteurs ................................................................................... 313

Glossaire ..................................................................................................................... 319

Bibliographie ........................................................................................................... 329

Table des matières ................................................................................................ 357

Table des matières 365


DBU12145.book Page 366 Mardi, 6. novembre 2012 11:57 11
&
INFO COM SOUS LA DIRECTION DE

AMANDINE DEGAND
BENOÎT GREVISSE
Journalisme licence
AMANDINE DEGAND
master ET BENOÎT GREVISSE

en ligne doctorat

Journalisme
Le journalisme en ligne bouscule les repères des
Historienne de l’art et journaliste de
formation, Amandine Degand est doc-
en ligne
professionnels de l’information. teur en information et communication
à l’Université catholique de Louvain
PRATIQUES ET RECHERCHES
Ce livre, rédigé par une équipe internationale (Belgique). Elle est membre de l’Obser-
vatoire du Récit Médiatique (ORM).
de scientifiques et d’acteurs de terrain, offre
une synthèse inédite des nombreuses études Docteur en communication, Benoît
qui abordent ce phénomène. Il fournit les clés Grevisse est professeur à l’Université Préface de Jane B. Singer
essentielles qui permettent de comprendre les catholique de Louvain (Belgique) où Postface de Nicolas Kayser-Bril
mutations rapides du journalisme en expliquant, il dirige l’École de journalisme de Lou-
vain (EJL). Il est également membre
d’une part, ce que sont les nouvelles pratiques de l’Observatoire du Récit Médiatique
professionnelles et en proposant, d’autre part, des (ORM). Il enseigne à l’Université de
méthodes d’analyse. Neuchâtel et l’Université de Genève
(Suisse) et intervient régulièrement
L’ouvrage décrit le quotidien des rédactions en entreprise de presse dans le cadre
Internet, précise les compétences nécessaires d’audits et conseils, comme en forma-
tion continuée de journalistes.
pour pratiquer ce journalisme de l’immédiat et les
dérives potentielles auxquelles les professionnels Professeur à l’Université d’Iowa (USA) et à l’Université centrale
sont exposés. du Lancashire (UK), Jane B. Singer a été la première “news
manager” du Prodigy Interactive Services. Elle a également

Journalisme en ligne
Les étudiants et les chercheurs trouveront ici travaillé comme reporter pour la presse écrite et comme rédac-
trice en chef.
des données empiriques recueillies au cœur des
rédactions, mais aussi de nombreuses pistes Nicolas Kayser-Bril est l’un des pionniers du journalisme de
méthodologiques pour aborder leur objet d’étude : données en France. Après avoir mis en place le pôle “datajour-
nalisme” chez OWNI, il a cofondé, en 2011, la société Jour-
de la fabrication de l’information en ligne jusqu’aux nalism++, une agence accompagnant les rédactions dans leur
produits finis présentés sur les sites Web, en passant transition vers le web des données.
par les études de réception.
Avec les contributions d’Arnaud Anciaux, Luc Bonneville, Geneviève
Bonin, Jean-Marie Charon, Daniel Cornu, Dominique Cotte, Édouard
Cruysmans, Julien Figeac, Chantal Francoeur, Samuel Gantier, Alfred
Cet ouvrage s’adresse aux étudiants et Hermida, Valérie Jeanne-Perrier, Florence Le Cam, Arnaud Mercier,
Nathalie Pignard-Cheynel, Franck Rebillard, Florence Reynier, Omar
enseignants en journalisme ainsi qu’aux Rosas, Nathalie Sonnac, Yves Thiran, Annelise Touboul.
professionnels de l’information.
Dans le cadre du nouveau
Système Européen de Transfert L
M 1-2
de Crédits (E.C.T.S.), ce manuel
couvre en France le niveau :
Master 1-2.

JOULIG
En Belgique : Master 1-2 D
En Suisse : Master 1-2
ISBN : 978-2-8041-7068-4 Au Canada : Master 1-2
www.deboeck.com

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