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Projet « Hélios » remplace « Desertec » ?

: un plan ambitieux de
coopération gréco-allemande pour créer la centrale solaire de
l’Europe en Grèce, y-a-t-il un « colonialisme vert » ?

La crise de la dette grecque qui a plongé le pays dans la récession la plus longue et la plus profonde de son économie depuis
des décennies, ainsi que l’objectif contraignant de 20% d’énergie renouvelable en Europe en 2020 a conduit à l’annonce du
« mariage » du soleil (« hélios » en grec) de Grèce et des investisseurs allemands. Les « fruits » de ce « mariage » seraient
impressionnants selon l’ex ministre grec de l’Écologie, de l’Énergie et du Changement climatique qui a présenté ledit projet en
septembre 2011 au cours d’une conférence organisée à Hambourg: 20 000 hectares de terrains qui devraient être couverts de
panneaux solaires, nécessitant un budget conséquent de près de 20 milliards d’euros qui permettrait de faire passer la
production grecque d’énergie solaire de 206 mégawatts (MW) en 2010 à 2,2 gigawatts (GW) d’ici 2020 et jusqu’à 10 GW d’ici
2050 et de créer 60 000 emplois.

Toutefois, le nouveau gouvernement grec et le gouvernement allemand en doutant de la faisabilité dudit projet, actuellement ,

ne visent plus à la réalisation d’un projet de grande envergure, mais plutôt de type projet –pilote d’une capacité de production

de 500 MW. L’avancée lente du projet DESERTEC illustre bien les difficultés de coopération entre États inégalement

développés. Il nous semble que tel est le cas aussi du projet Hélios bien que l’Allemagne et la Grèce fassent partie de l’UE.

BESOIN D’INVESTISSEMENTS

Même si Grèce bénéficie d’environ 50% de radiation solaire plus que l’Allemagne, la production d’énergie solaire est en Allemagne 80

fois plus importante qu’en Grèce. La raison principale pour le manque de développement de la filière photovoltaïque mais aussi

éolienne est qu’il est entravé par des barrières administratives et juridiques. Ainsi, des investisseurs fiables, depuis 2007, attendent le

déblocage de leurs dossiers. Pour récupérer le retard accumulé, le projet « Hélios » envisage d’attirer des investisseurs allemands qui

ont accès à des banques privilégiant des investissements sur le long terme avec un retour sur investissement régulier et garanti

pendant 20 ou 25 ans, contrairement aux particuliers en Grèce qui en raison de la crise de dette du pays ne peuvent plus en bénéficier,

même si un fonds stratégique d’investissement est en train de se créer en Grèce.

LA MISE EN OEUVRE DES NOUVEAUX MECANISMES EUROPEENS

Les deux pays feront usage des mécanismes de transfert statistique d’énergie renouvelable institués par la directive 2009/28/CE du 23

avril 2009, et l’énergie solaire produite en Grèce sera prise en compte pour le respect par l’Allemagne de l’exigence de produire 20%

d’énergie renouvelable. La directive prévoit en effet la possibilité de « vendre » statistiquement à un autre État membre sa production

d’énergie renouvelable ou de cofinancer des projets communs en partageant statistiquement la production énergétique. Toutefois,

même si l’article 7 de la directive en cause prévoit qu’un « transfert statistique ne compromet pas la réalisation de l’objectif national de

l’État membre qui procède au transfert », rien ne garantit cela dans les faits.

De plus, l’Allemagne en renonçant à l’énergie nucléaire et en se tournant davantage vers les carburants fossiles, verra sa demande en

permis d’émissions de CO2 dans le cadre du marché européen de permis d’émissions augmentée, ce qui entraînera une hausse des

prix des quotas CO2. Or, le projet « Hélios » pourrait générer des crédits d’émission de gaz utilisables par les investisseurs par le biais

du mécanisme de la mise en œuvre conjointe (MOC) du Protocole de Kyoto. Encore plus important, le projet « Hélios » ambitionne

de devenir un projet complémentaire mais aussi concurrentiel en termes de recherche d’investisseurs sur le court et moyen

terme par rapport au projet « Desertec ». Ce dernier est remis en question à cause de l’instabilité politique de l’Afrique du Nord,

aggravée par les évolutions politiques récentes dans certains de ces pays. Le renforcement du réseau européen de transport de

l’énergie produite du sud vers le nord est nécessaire pour exporter en Europe Centrale plus de 2.5 GW d’énergie solaire qui est la

quantité des gigawatts qui sont exportables actuellement


Statut privilegié mais à quel prix ? Afin d’attirer les investisseurs allemands, l’État grec promeut la levée des barrières administratives

et l’accélération dans la réalisation de ces investissements et envisage de louer des terrains publics propices à l’implantation des parcs

photovoltaïques, à l’instar des mines de lignite abandonnés. Néanmoins, le respect du principe de concurrence et de l’égalité des

chances contrevient à cette pratique qui peut représenter un favoritisme de la part de l’État grec au détriment des autres investisseurs

intéressés. De plus, les projets de ces derniers se situeront dans des terres moins propices au développement des énergies

renouvelables et seront ainsi susceptibles d’être annulés par les tribunaux ou d’occuper des terres agricoles à productivité élevée au

détriment de la production alimentaire en Grèce.

En dernier lieu, les investisseurs allemands en misant sur les énergies renouvelables dans un pays qui ne dispose pas de réel avantage

concurrentiel en matière de nouvelles technologies vont ainsi consolider les exportations allemandes dans ce secteur. Or, dans la

mesure où l’aide publique nationale et européenne à ces investissements ne serait pas réductible à un soutien public aux entreprises

allemandes à l’exportation, il devient possible de faire référence à une augmentation des recettes de l’État grec et à la création de

l’emploi au pays dans les années à venir. Pour ce faire, le gouvernement grec devrait négocier sérieusement avec les investisseurs

allemands, afin que ce projet puisse contribuer à une renaissance de son industrie qui serait inscrite dans la stratégie européenne pour

une politique industrielle intégrée à l’ère de la mondialisation.

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