Dédicaces
À ma très chère mère Fatimata, femme de bonté et de grande générosité pour tous tes
sacrifices, l’éducation et les valeurs inculquées.
À mon père Ahmad pour le soutien, les invocations et les encouragements renouvelés.
À tous mes frères et sœurs (Katoum, Mariam et Rakhia) pour votre constant soutien.
À ma très regrettée sœur ainée, Adjarata, que le Seigneur t’accueille dans Son infinie
Miséricorde.
1
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
Remerciements
Les premiers mots de remerciement vont tout naturellement à Dieu, le Tout Puissant qui
nous a accordé la force et la santé nécessaire face à l’adversité des études !
Au Professeur Samba TRAORE, homme de savoir et de sagesse pour les conseils reçus.
À mon frère et ami Zoulkarnain KOUDA, pour la relecture de ce mémoire et pour tout !!!
À tous mes frères, sœurs et ami(e)s dont la distance n’a rien enlevé à notre proximité :
Halidou SAMBARE, Yacouba BELEMVIRE, Mme Haguera ILBOUDO, Manissan
KARAMOKO, Hafsa TIENDREBEOGO, Seydou LAKOANDE, Mohamed SANA, Souleymane
MAIGA, Hassane BANDAOGO, Brahima OUEDRAOGO (IB), Boukaré KABRE, Ablassé
KABORE, Harouna KABORE, Adama YAMEOGO, Moussa ZONGO et Mannessour DRABO.
À tous les frères et sœurs de l’AEEMB, du CERFI et de l’AEEMS/SECUS pour les soutiens
multiformes.
À toutes ces personnes qui nous ont apportés leur soutien directement et indirectement,
qu’elles nous pardonnent de ne pas pouvoir les énumérer toutes ici.
Je remercie enfin tous les membres de ma famille, particulièrement mon frère Abdou-Rachid
pour son soutien sans faille à ma petite famille durant toute cette longue absence !
Qu’ALLAH vous bénisse davantage !
2
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
Sommaire
Dédicaces………………………………………………………………………………………………....1
Remerciements……………………………………………………………………………………………2
PRINCIPALES ABREVIATIONS…………………………………………………………….4
INTRODUCTION
GENERALE……………………………………………………………………………………6
3
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
PRINCIPALES ABREVIATIONS
CL : Collectivités Locales
CR : Collectivité Rurale
CT : Collectivités Territoriales
4
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
OP : Organisations Paysannes
PF : Front Populaire
TF : Titres Fonciers
5
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INTRODUCTION GENERALE
1
V. Catherine COQUERY-VIDROVITCH, « Le régime foncier rural en Afrique noire », cité dans Enjeux
fonciers en Afrique Noire, études réunies et présentées par E. LE BRIS, E. LE ROY et F. LEMDORFER,
ORSTOM-KARTHALA, 1983, P67.
2
Voir sur ce point E. LE BRIS, E. LE ROY, P. MATIEU dans « L’appropriation de la terre en Afrique
Noire », Manuel d’analyse, de décision et de gestions foncières, KARTHALA, 1991, P 29.
3
E. LE BRIS et Cie, Op.cit. P13
4
Cf. « Gouvernance foncière et sécurisation des droits dans les pays du Sud, Livre blanc des acteurs français de
la Coopération », septembre 2008, P5.
5
C’est exactement la même définition que donne le Grand Juriste et anthropologue du foncier africain, Philippe
Lavigne DELVILLE (J), in Programmes zones arides, n°107, 2001, P32, lorsqu’il dit du foncier qu’il est
constitué par «cet ensemble de règles définissant les droits d’accès, d’exploitation et de contrôle de la terre et
des ressources naturelles renouvelables. Ce n’est pas un simple rapport entre l’homme et la terre, (….) ajoutait-
il, mais surtout, un rapport aux enjeux économiques, sociaux, politiques et identitaires »
6
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
6
Notamment les lois de 2004 portant Code général des Collectivités locales, de 2009 sur le régime foncier rural
et la loi du 12 juillet 2012 portant Réorganisation agraire et foncière.
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véritables ressources pour les budgets des entités décentralisées afin qu’elles atteignent le plus
haut niveau de décentralisation: l’autonomie financière et jouer pleinement leur rôle7.
Il est clair qu’«une démocratie locale sans moyens se désertifie, et quand elle se désertifie,
elle se pervertie. Une démocratie sans moyens, c'est bien une démocratie qui s'essouffle assez
rapidement »8. Pourtant les contraintes qui se dressent aux collectivités locales en matière de
gestion des biens fonciers sont des plus énormes et les défis, considérables. Le rôle confié
aujourd’hui aux collectivités territoriales burkinabè en tant qu’attributaires et gestionnaires
d’un foncier local propre, est le résultat d’une dynamique qui a été certes lente, mais
constante. En fait, trois étapes ont jalonné la construction des collectivités territoriales en tant
qu’entités dotées d’autonomie.
La première étape qui va de la colonisation jusqu’aux indépendances, n’a pas permis une
décentralisation au vrai sens du terme en raison de la volonté du colonisateur de contrôler les
territoires pour les administrer à sa guise. Ainsi la colonie de Haute-Volta, futur Burkina
Faso, créée par décret du 1er mars 1919, a dû se suffire de son statut de bassin de main-
d’œuvre devant servir aux entreprises et aux investissements coloniaux en Côte d’Ivoire, au
Soudan et au Niger, mais aussi de la culture du coton.
Quant à la deuxième étape, elle va des indépendances (1960) jusqu’en 1990, période au cours
de laquelle, bien que les régimes successifs9 à la tête du pays aient cherché à optimiser la
gestion territoriale, les entités territoriales n’ont pas bénéficié véritablement de compétences
et de moyens d’actions conséquentes. La dernière étape qui est la plus importante, va de 1991
à nos jours et correspond à la période où les textes (constitutionnel et législatifs) vont
7
Au-delà de leur rôle classique, qui se limitait généralement à un rendement de services sociaux de base aux
citoyens, les collectivités locales (les régions surtout) doivent contribuer désormais au développement
économique des territoires, en réduisant au maximum les déséquilibre spatiaux. La région au Burkina Faso est
ainsi définie comme la CL qui a «…vocation à être un espace économique et un cadre adéquat d'aménagement,
de planification et de coordination du développement » (art.15 de la loi n°055-2004/AN du 21 décembre 2004
portant code général des collectivités territoriales au Burkina Faso). Ceci met nos collectivités face au défi de la
performance, entendu comme la capacité des entités décentralisées à satisfaire les besoins individuels et
collectifs des populations dont elles sont en charge, dans les limites des compétences légales et des moyens
budgétaires à leur disposition.
8
MALKI El Habib, « Discours d'ouverture de la journée de réflexion sur la réforme de la fiscalité locale au
Maroc » in Bulletin thématique n°31, Centre Marocain de Conjoncture, juin 2007(volume1), P7, cité par Siham
RHOUALEM dans « Les biens des collectivités locales et la décentralisation » Master 2010, Université
Mohammed V, Faculté des Sciences Juridiques et Sociales, P4.
9
A l’exception du régime transitoire que vit le pays actuellement, consécutif à l’insurrection populaire des 30 et
31 octobre 2014 ayant conduit à la chute du régime en place, le Burkina-Faso a connu, depuis les indépendances
seulement trois régimes constitutionnels sur six régimes d’exception.
8
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
10
Par les compétences et les moyens qui leur sont justement accordées, Cf. Titre I du Code Général des
Collectivités locales, qui énumèrent les domaines de compétences et le Titre II sur les moyens de ces mêmes CL.
11
Ce texte disposait dans son préambule que « le domaine public, dans son intégralité et avec ses
accroissements, appartient à la Nation(…) les droits qui en dépendent sont et demeurent inaliénables sans le
consentement et le concours de la Nation…. »
12
Cf. les arts. L2111-1 et L2111-2, du CGPPP : « les biens qui appartiennent aux personnes publiques (Etat,
Collectivités locales et leurs groupements, les Etablissements publics…) qui sont soit affectés à l’usage direct du
public, soit affectés à un service public pourvu qu’en ce cas, ils fassent l’objet d’un aménagement indispensable
à l’exécution des missions de ce service public (…) Font également partie du domaine public les biens des
personnes publiques (…) qui, concourant à l’utilisation du dit bien, en constituent un accessoire indissociable ».
13
A l’image d’André DE LAUBADERRE pour qui « cette partie du droit administratif a un pouvoir de
séduction et une facilité de renouvellement presque inépuisable » ou du doyen Jean RIVERO, avec sa formule
restée célèbre : « le domaine public est la terre d’élection des constructions doctrinales, des faiseurs de
systèmes, promptes à idéaliser et à rendre la complexité, présumée être la marque de notre époque». Sans
oublier des grands auteurs classiques, comme Henry BARCHAUSEN (Etude sur la théorie générale du domaine
public, RD. Pub.1902 et 1903) Maurice HAURIOU (Précis sur le domaine public), JEZE (Définition du domaine
public, 1931) de même que le Doyen Léon DUGUIT (Traité de Droit Constitutionnel, 3 Tomes, 1923), le
concepteur de « l’échelle de la domanialité ». On peut retenir également Maurice DUVERGER, J. Marie
AUBY (Droit administratif des biens, Dalloz), René CAPITANT ou récemment des auteurs comme Jean
DUFAU (Le Domaine public, 2 Tomes), Philippe YOLKA (qui a écrit une formidable thèse sur « La propriété
publique : éléments sur une théorie », LGDJ, 1997, Yves GAUDEMET, Philippe GODFRIN (Droit
administratif des biens, Sirey 2009, 9e édition) ou Etienne FATOME, pour ne citer que ceux-ci.
9
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de domanialité de l’État sur les « terres vacantes et sans maître »14, la création de la propriété
par l’immatriculation et le titre foncier15, et les procédures de constatation des droits fonciers
coutumiers sur déclaration individuelle16), a prévalu au Burkina-Faso jusqu’aux dernières lois
sur le foncier, quoiqu’un dualisme foncier y a toujours cours. Il est indéniable que les
collectivités territoriales, par les compétences et les moyens qui leurs sont reconnues, peuvent
et doivent être des actrices incontestables du développement local par leur « vocation à
concevoir, à programmer et à mettre en œuvre les projets de développement économique,
éducatif, social et culturel dans l’espace décentralisé »17 et garantir ainsi leur autonomie
financière face au pouvoir central. Pour remplir cette vocation, la gestion efficiente des
ressources, notamment foncières s’avère une nécessité. Il sera donc question dans cette étude
des « contraintes et des défis de la gestion du domaine foncier des collectivités
territoriales au Burkina-Faso ».
Mais il s’avère important, pour mieux appréhender le sujet de clarifier avant tout certains
concepts fondamentaux.
Les collectivités territoriales (ou locales)18 désignent organiquement la subdivision
du territoire dotée de la personnalité juridique et de l'autonomie financière. Ce sont des
personnes morales de droit public, jouissant de l’autonomie financière, d’une gestion propre
déterminées par la Constitution, les lois et décrets.
Quant au mot foncier19, il s’entend juridiquement de tout ce qui a trait ou se rattache à un
fonds de terre ou à un bien-fonds, mais aussi à autant de procédures et de règles dites
domaniales ou foncières. Selon le Professeur Samba TRAORE20, le foncier désigne «
l’ensemble constitué à la fois par la terre et les ressources naturelles qui y sont directement
14
Décret du 23 octobre 1904 établissant le régime du domaine public et des terres domaniales en AOF.
15
Décret du 26 juillet 1906 portant réorganisation de la propriété foncière en Afrique occidentale française, puis
décret du 26 juillet 1932 portant réorganisation de la propriété foncière en AOF. Ces deux décrets instituent
l’immatriculation comme procédure de création de la propriété foncière et le titre foncier comme acte
manifestant la propriété foncière.
16
Décret du 8 octobre 1925 instituant mode de constatation des droits fonciers indigènes en AOF. Ce décret crée
les régimes fonciers transitoires du certificat administratif et du livret foncier.
17
Cf. ALISOUTIN R. Ludovic, « Les défis du développement local au Sénégal », CODESRIA 2008, P6.
18
Les termes de collectivités territoriales ou locales désignent pratiquement la même réalité. Il est vrai qu’en
France, le terme de collectivités territoriales ou locales portait confusion à certains égards. C’est pourquoi dans
la réforme constitutionnelle de mars 2003, le terme territorial est définitivement consacré par la Constitution. Au
Burkina Faso, il y’a bien une indifférence quand à ces deux termes, bien que le terme consacré par le législateur
soit « locales ». Ils désignent donc la même entité.
19
Le Lexique du foncier en Afrique noire le définit comme le rapport de l’homme à son environnement par
rapport à un système d’interrelation entre d’une part, les sphères de l’action sociale, individuelle et collective
(organisation sociale, politique et religieuse), et d’autre part les dynamiques écologiques.
20
Cf. Pr S. TRAORE, Cours de Droit foncier en deuxième année de Sciences Juridiques, UGB, 2006.
10
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
Dans le cadre de la présente étude, la gestion foncière s’entendra de toutes les règles
de constitution, de cession, d’occupation, de modes d’exploitation, de protection et
d’aliénation des biens du domaine foncier local ainsi que les institutions et organes chargées
de leur mise en œuvre. Ce, dans le but d’optimiser les profits que les Collectivités territoriales
peuvent tirer de leurs biens domaniaux propres, sans remettre en cause la pérennité même des
dits biens. Les contraintes s’entendent de toutes les formes de difficultés, qu’elles soient
juridiques ou matérielles qui peuvent d’une manière ou d’une autre empêcher la bonne et
dynamique gestion des biens fonciers par les collectivités locales.
S’il est vrai que le retour à l’évolution du droit foncier au Burkina-Faso depuis les
indépendances, peut être une clé de compréhension de la présente réflexion, notre étude est
circonscrite du début des années 1990 avec la loi portant RAF de 1991 jusqu’à la dernière
grande loi de juillet 2012, quoique les premières lois aient pu inspirer cette dernière. En effet,
cette période correspond aux prémices du processus véritable de démocratisation et de
11
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
décentralisation, qui va voir émerger les collectivités locales comme entités autonomes. C’est
également la période de foisonnement des textes sur le foncier et la gestion des ressources
naturelles, dont le dernier n’a que deux ans de vie.
L’étude d’un tel sujet renferme un intérêt certain à plusieurs points de vue. Il s’agit
d’abord de faire le constat général que les autorités publiques gestionnaires n’ont jamais été
autant conscientes, de la valeur économique du domaine public, en tous les cas où il pouvait
être le support d’activités agricoles, industrielles et commerciales. Les pouvoirs publics sont
de plus en plus convaincus de ce qu’il faut rechercher la valorisation économique du domaine,
notamment lorsqu’il est mis à disposition d’activités économiques ou est le siège
d’investissements privés conséquents. Ce qui se comprend aisément car nous savons qu’il
sera pratiquement impossible aux CT d’atteindre les missions à elles assignées, si elles ne
disposent pas de ressources conséquentes. Faut-il rappeler que les ressources propres des
collectivités locales constituent le pilier même d’une politique qui se veut vraiment
décentralisatrice ? La santé économique des territoires et leur autonomie sont en effet
étroitement liées à la bonne gestion du patrimoine domanial et foncier local. Et c’est
justement à travers l'importance du patrimoine immobilier et foncier, et surtout sa capacité à
contribuer efficacement à l’essor économique et social local, qu'on apprécie le degré
d'évolution et la stature d’une collectivité. Ensuite, cette étude nous permettra de mettre
particulièrement en lumière la très grande diversité des biens des collectivités locales
burkinabè, pourtant mal exploitée. En effet, en dépit de la consistance énorme des domaines
locaux public et privé, de la règlementation en vigueur assez fournie, la gestion pratique
révèle des insuffisances considérables.
Enfin, cette étude nous permettra d’interroger les textes, l’histoire, et la pratique pour essayer
de comprendre les obstacles à la gestion efficiente du patrimoine foncier local, d’en dégager
les conséquences et les challenges à relever par nos collectivités publiques. Au fait, pour peu
que l’on s’intéresse à la mise en œuvre de la politique de décentralisation au Burkina Faso,
l’on se rendra vite compte des grandes disparités territoriales existantes de même que la
question récurrente et très actuelle de la sécurisation foncière en milieu rural, objet de toutes
les attentions ces dernières années. C’est eu égard à toutes ces considérations et dans la
perspective de poser un angle efficient d’appréhension de cette thématique, que la question
qui mérite d’être posée est quelle gestion du domaine foncier local pour un développement
harmonieux des collectivités territoriales burkinabè ?
12
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
La réponse à une telle problématique dans le contexte burkinabè semble nous imposer
deux angles d’appréhension. Il s’agit d’une part de remarquer de prime abord, que la gestion
dynamique du patrimoine foncier des collectivités locales devient de plus en plus un impératif
de finances publiques ; dans un contexte de réduction des marges de manœuvre financière de
l’Etat, de budgets vraiment austères21 et d’une exigence grandissante des administrés quant à
la gestion des affaires publiques22. En effet, même s’il semble évident que les collectivités
locales portent, à ce jour, un intérêt encore modeste à leur gestion immobilière, il est certain
que le foncier local peut et doit désormais jouer un grand rôle dans l’amélioration de la santé
financière des collectivités, partant de leur développement harmonieux. Mais au-delà de cet
aspect économique, en raison de l’urbanisation galopante et de la démographie toujours
croissante, la problématique foncière est caractérisée ces dernières années par de multiples
conflits sociaux, tant en milieu urbain que rural imposant la recherche de solutions idoines.
L’insécurité foncière, l’accaparement indu des terres rurales et la spéculation foncière urbaine
ont atteint un niveau véritablement explosif dans la plupart des collectivités locales au
Burkina-Faso.
D’autre part, il faut reconnaitre que même si les collectivités locales au Burkina-Faso
disposent désormais avec les derniers textes, de leur propre domaine foncier, sa gestion
efficace se fait toujours attendre. On a l’impression que les limites des textes sur le foncier de
1991 et de 1996 relativement au développement des territoires, aux enjeux économiques et
sécuritaires du patrimoine domanial et foncier, la résolution des conflits, semblent toujours
prégnantes dans l’action des collectivités publiques.
Toutefois nous n’avons pas la moindre prétention quand à vouloir dénouer les contours de
cette thématique, pertinente certes, mais assez complexe. Il s’agit modestement d’une ébauche
de la question, compte tenu de son actualité mais surtout du constat de la faiblesse des études
la concernant23. Ainsi donc, l’examen du cadre juridique et institutionnel de la gestion du
21
En effet, avec la situation insurrectionnelle qu’a connu le pays avec les énormes dégâts en fin octobre 2014, le
budget de l’Etat, exercice 2015 adopté par le Conseil National de la Transition (CNT) le 29 décembre 2014 est
un budget contraignant car, « ….réaliste, il se fonde sur les capacités réelles de mobilisation par les régies
financières au cours de l’année 2015 ; et dans un contexte où les recettes baissent, il faut que les dépenses soient
aussi ajustées. C’est pourquoi nous parlons de budget d’austérité, (…) presque toutes les dépenses sont revues à
la baisse » s’expliquait ainsi M. Jean Gustave SANON, le Ministre de l’économie et des finances, in Le pays du
31/12/2014.
22
En témoigne les évènements dramatiques qu’a connus le pays à la faveur de l’insurrection populaire des 30 et
31 octobre 2014, ayant conduit au renversement du régime en place.
23
En effet, il nous est revenu de remarquer que les études et autres recherches sur le domaine foncier (domaine
public/domaine privé) des collectivités locales au Burkina Faso ne sont pas très développées, voire sont rares.
13
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
domaine foncier des collectivités locales au Burkina Faso (Première partie), permettra de
mieux appréhender la problématique de sa gestion dynamique et efficiente (Deuxième
partie).
En dehors de certains mémoires de fin de cycle à l’Ecole Nationale des Régies Financières (ENAREF),
notamment celui de M. Noufou TIENDREBEOGO, « La décentralisation et la gestion du domaine public au
Burkina Faso », 2007, la majorité des écrits y afférents sont juste des rapports d’ONG et autres partenaires
techniques intervenant dans le domaine.
14
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
24
En effet, la reconnaissance d’un domaine foncier aux Collectivités territoriales et d’un pouvoir de gestion ne
s’est pas faite concomitamment avec le processus de décentralisation entamé depuis la période coloniale,
processus qui s’est seulement renforcé à partir des années 1990. Jusqu’à la loi n°034/2009, portant régime
foncier rural et la dernière loi n°034/AN du 02 juillet 2012 portant Réorganisation Agraire et Foncière (RAF),
toutes les terres relevaient de la propriété de l’Etat et étaient comprises dans le Domaine Foncier National
(DFN) ; l’Etat pouvait seulement céder, à des conditions fixes, certaines parties du territoire à titre de propriété
aux personnes physiques ou morales.
15
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
25
Voir Gabriel Massa, Y. Georges MADIEGA, « La Haute-Volta coloniale: témoignages, recherches,
regards » KARTHALA Editions Amazon France, P120.
26
La commune de plein exercice est créée par le gouvernement métropolitain, alors que la commune de moyen
exercice est créée par le gouverneur, chef du territoire colonial. Aussi, le maire de la commune de plein exercice
est élu, l’administrateur-maire de la commune de moyen exercice est lui, nommé par le pouvoir central.
17
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
organisées en conseils municipaux initiaux selon les dispositions de cette dernière loi. Que
dire du régime de gestion foncière consacrée ?
27
Ce sont entre autres, le décret du 26 juillet 1906 portant réorganisation de la propriété foncière en AOF, repris
par le décret du 26 juillet 1932, qui institue l'immatriculation des immeubles. Il y’a aussi le décret du 08
décembre 1925 qui instituait une procédure simplifiée ayant pour objet de reconnaitre les droits des détenteurs
des terres, tels qu'ils existaient d'après les coutumes indigènes, cité dans « L’évolution du droit de
l’aménagement du territoire au Burkina Faso », Mémoire de DEA/DGCL/UGB, 2013, P21 de I. COMPAORE.
28
Voir GAUTRON J.C et ROUGEVIN M., Droit public du Sénégal, Paris, Pedonne, 1977, p.133
18
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
En effet, sous la première république (de 1960 à 1966), on note la création de 4 départements,
mais la collectivité décentralisée qui a marqué cette époque fut sans conteste la Collectivité
Rurale (CR). Son ressort territorial était constitué par les anciennes structures administratives
léguées par le colonisateur à savoir le cercle, la subdivision et le poste administratif. Instituées
par la loi n°21-60 AN du 02 février 196029, on distinguait la Collectivité Rurale (CR) de plein
exercice dont le président est élu et la CR de moyen exercice, dont la présidence est assurée
par le chef de circonscription administrative. En ce qui concerne les Collectivités Rurales de
moyen exercice, elles ont par la suite été érigées en Collectivités Rurales de plein exercice,
dotées de la personnalité morale et dirigées par un conseil de collectivités dont les membres
sont élus au suffrage universel direct. Elles disposaient aussi théoriquement de l’autonomie
financière.
29
J.O ,5 Mars 1960, P165-168.
30
G. Benoit KAMBOU « La décentralisation au Burkina Faso : Mythe ou réalité » ? In Revue burkinabè
(semestriel) de droit, Imprimerie Presses Africaines, n°14- juillet 1988, P 380.
31
G. Benoit KAMBOU, Op.cit.
19
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
de la Révolution (CDR) des secteurs de la ville32. Quant aux autres communes, les maires
sont nommés par le Conseil National de la Révolution (CNR) sur proposition des Comités de
coordination communale qu’ils président. A partir d’octobre 1987, le) qui a succédé au
Conseil National de la Révolution apporta sa part de tentative de réorganisation du territoire
aux termes de la Zatu AN VII-10/FP-PRES du 12 octobre 1989 (avec toujours les Conseils
Révolutionnaires), avant de procéder à une nouvelle réorganisation, nécessitée par la période
transitoire qui prenait fin en 1991(notamment à travers les délégations spéciales) avec
l’adoption de la nouvelle Constitution33.
Ce qui est important à souligner, c’est que, comme déjà évoqué, la volonté d’une
décentralisation fut constante au niveau des autorités centrales. Seulement, ces collectivités ne
disposaient pas dans la pratique de ressources propres pour fonctionner, donc d’autonomie
financière, même si théoriquement elles disposaient de biens propres et même d’un domaine,
cédé par l’Etat. Il y’a donc eu un grand décalage entre la décentralisation prévue par les textes
et celle réellement vécue. Cette situation était due certes en grande partie à l’héritage
institutionnel colonial, à l’indifférence généralisée des populations (urbaines, mais surtout
rurales) vis-à-vis de l’administration, mais aussi et essentiellement à ce manque de vision
globale de développement de nos autorités postcoloniales. En effet, les pouvoirs publics,
soucieux de l’unité nationale, mais craignant surtout la ‘balkanisation’ de l’autorité centrale,
ont toujours eu une influence significative sur toutes les structures administratives. Ils avaient
donc une certaine aversion à laisser une grande latitude aux Collectivités locales. Aussi, la
déconcentration fut une réalité très vécue, comme l’explique très bien le Professeur Benoit
KAMBOU dans l’article précité. L’omniprésence du pouvoir central à tous les échelons de la
hiérarchie administrative, a eu pour conséquence principale l’absence de démocratie locale,
donc de renforcement des Collectivités territoriales décentralisées. N’ayant été dotées que très
peu de ressources et de pouvoirs d’administration et de gestion, ces dernières sont restées
marginales dans leur affirmation et dans leur construction.
Toutefois, il en sera un peu plus autrement avec la transition démocratique des années
1990 qui s’annonce, avec en toile de fond la nécessité reconnue d’une décentralisation
réellement vécue.
32
Il faut noter que la province en tant que circonscription administrative est dirigée par un Haut-Commissaire
nommé par le Président du Conseil National de la Révolution (CNR), mais à Ouagadougou, ce dernier est en
même temps, le maire de la capitale.
33
V. Daniel COULIBALY, Note d’information sur « l’évolution du cadre juridique et institutionnel de la
décentralisation au Burkina Faso », P1.
20
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
Le début des années 1990 a marqué une étape importante dans la vie du Burkina
Faso en général et particulièrement dans l’affirmation et la construction des nouveaux acteurs
institutionnels. La Constitution adoptée le 02 juin 1991 consacre en son article 143,
l’organisation de la République en « collectivités territoriales ». Elle proclame à l’article 145
« la participation démocratique des populations à la libre administration des collectivités
territoriales ». Les collectivités locales y sont définies comme des personnes morales dotées
de la personnalité juridique et de l'autonomie financière. La décentralisation est perçue
comme un facteur clef de la démocratie et de la promotion du développement local. C’est fort
de cette conception que plusieurs textes législatifs et règlementaires vont être pris pour
encadrer ce processus. Ainsi, en 1993, cinq lois dites lois de la décentralisation sont adoptées
par l’Assemblée des Députés du Peuple (ADP), lois qui fixent le cadre juridique de la
nouvelle politique de décentralisation35. Les premières élections pour la mise en place des
34
Ce dernier conditionnait désormais la poursuite de l’aide publique au développement aux pays africains par la
démocratisation des régimes en place.
35
Il s’agit précisément de :
• La loi n°003/93/ADP du 7 mai 1993 portant organisation de l’administration du territoire au Burkina Faso ;
• La loi n°004/93/ADP du 12 mai 1993 portant organisation municipale ;
• La loi n°005/93/ADP du 12 mai 1993 portant statut particulier de la province du Kadiogo et de la Commune
de Ouagadougou ;
• La loi n°006/93/ADP du 12 mai 1993 portant statut particulier de la Commune de Bobo-Dioulasso ;
21
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
conseils municipaux des 33 communes de plein exercice pouvaient se tenir le 12 février 1995.
Neuf décrets d'application seront pris pour traduire ces lois dans la réalité.
Au plan institutionnel, la Commission Nationale de la Décentralisation (CND) voit le
jour pour accompagner le nouveau processus. En 1998, d’autres textes importants vont être
adoptés à la lumière de la pratique pour orienter cette politique de reconnaissance et
d’affirmation des nouveaux acteurs. Ce sont les Textes d’Orientation de la Décentralisation
(TOD) qui portent entre autres sur l’organisation et le fonctionnement des Collectivités
territoriales, mais surtout qui fixent un échéancier quant à la mise en œuvre effective de la
politique de décentralisation,36 notamment la communalisation intégrale du territoire avec la
mise en place des organes élus dans les communes rurales. Ces textes ont été relus en 2001 et
en 2003 pour introduire dans l’organisation du territoire, respectivement la Région, comme
circonscription administrative et collectivité territoriale décentralisée à la fois, et pour
supprimer la province comme collectivité locale37. Mais le texte de loi qui sans doute,
consacre une place prépondérante aux Collectivités Territoriales dans le renouveau
démocratique du pays est la loi n°55-2004/AN du 21 décembre 2004 portant Code Général
des Collectivités Territoriales (CGCT). Ainsi, plus de dix ans après les premières lois de
décentralisation, c’est un corpus unique adopté le 21 décembre 2004 par l’Assemblée
Nationale et promulguée le 14 avril 2004, qui traite de l’ensemble des questions relatives à la
décentralisation au Burkina Faso. Elle détermine entre autres l'orientation de la
décentralisation, les organes et l'administration des collectivités territoriales, les relations
entre ces dernières et l’Etat central, ainsi que leurs compétences et moyens d'action.
L’évolution de la pratique de la décentralisation, suivant en cela le principe dit de subsidiarité
a fait reconnaitre aux Collectivités territoriales, par la loi de 2004, une dizaine de domaines de
compétences parmi lesquelles la gestion du domaine foncier et des autres ressources
• La loi n°007/93/ADP du 12 mai 1993 portant régime électoral des conseillers de village, de secteur
communal, de département et de province.
36
• La loi n°040/98-AN portant orientation de la décentralisation. Il s’agit d’une loi qui fixe les principes de base
de la décentralisation au Burkina Faso ;
• La loi n°041/98-AN portant organisation de l’administration du territoire. Cette loi distingue les
circonscriptions administratives (village- département- province) d’une part, les collectivités locales (commune,
province) d’autre part ;
• La loi n°042/98-AN portant organisation et fonctionnement des collectivités locales. Cette loi traite des
organes de gestion (exécutif et délibérant) des collectivités locales, de l’administration locale, des représentants
de l’Etat dans les collectivités locales, des organes consultatifs et de concertation ;
• La loi n°043/98-AN portant programmation de la mise en œuvre de la décentralisation. Il s’agit d’une loi qui
sert de tableau de bord avec un échéancier pour la mise en application effective des dispositions contenues dans
les T.O.D.
37
La loi n°013-2001/AN du 02 juillet 2001 portant modification des lois n°040/98/AN du 03 août 1998 ;
n°041/98/AN du 06 août 1998 ; n°043/98/AN du 06 août 1998.
22
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
38
En effet, les articles 1,2 et 3 de la RAF de 1984, repris par celle de 1996, disposent respectivement qu’il est
créé un domaine foncier national du Burkina Faso, que le domaine foncier national est constitué de toutes les
terres et des biens immeubles ou assimilés cités à l'article 34, situés dans les limites du territoire national et de
ceux acquis par l'Etat et les autres collectivités publiques à l'étranger et que le domaine foncier national est de
plein droit propriété de l’Etat.
39
Noufou OUEDRAOGO, « La décentralisation et la gestion du domaine public au Burkina Faso », Mémoire
de fin de cycle ENAREF, 2007, Ouagadougou, dans la catégorie: Droit et Sciences Politiques, Droit Fiscal, P17.
23
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
Le domaine public immobilier reconnu aux Collectivités territoriales fait partie des
ressources importantes dont elles disposent. En effet, de par l’étendue du domaine concédé
par l’Etat, on peut remarquer que c’est un domaine théoriquement très vaste (B). Toutefois, la
24
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
domanialité publique des biens en elle-même est complexe, tant elle a fait l’objet de
nombreuses controverses doctrinales et jurisprudentielles quant à la définition des critères de
cette domanialité ; si bien qu’il nous semble utile, sans vouloir faire une restitution assez
exhaustive de toutes ces controverses, de rappeler d’abord ces critères (A).
40
En effet, selon ce dernier, les articles 539 à 541 du code civil consacrés au domaine public ne sont d’aucun
secours car ils font entrer dans le domaine public, des biens de nature très différente. Voici les extraits de ces
articles du code civil : Art.538 : Les chemins, routes et rues, à la charge de l’Etat, les fleuves, les rivières
navigables ou flottables, les rivages, lais et relais de la mer, les ports, les havres, les rades et généralement toutes
les portions de territoire français qui ne sont pas susceptibles d’une propriété privée sont considérés comme des
dépendances du domaine public.
Art. 539 : Tous les biens vacants et sans maitre et ceux des personnes qui décèdent sans héritiers ou dont les
successions sont abandonnées appartiennent au domaine public.
Art.540 : Les portes, murs, fossés, remparts des places de guerre et des forteresses font aussi partie du domaine
public ; Art. 541 : Il en est de même des terrains, des fortifications, et des remparts, des places qui ne sont plus
laces de guerre ; ils appartiennent à l’Etat s’ils n’ont pas été valablement aliénés ou si la propriété n’en a pas été
prescrite contre lui.
41
En 1877 en effet, DUCROC, dans « Cours de droit administratif », écrivait que : " le domaine national se
divise en deux parties distinctes: le domaine public et le domaine de l'Etat, ou domaine privé de l'Etat ".
42
Pr M. Moustapha HAIRARA, support de cours DEA/DGCL, année académique 2013-2014.
25
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
publique et vont surtout critiquer la notion des biens dits « insusceptibles de propriété privée
». C’est pourquoi après Henri BARCKHAUSEN, qui appelait déjà les autorités publiques à se
départir de ce qu’il appelait ‘’les errements de Proudhon’’, Léon DUGUIT, après avoir réfuté
la vision binaire domaine public-domaine privé, propose ce qu’il appelle ‘’l’échelle de la
domanialité’’, démontrant que les biens domaniaux ne sont pas tous soumis aux mêmes
règles, et qu’il n’existe pas un régime juridique unique applicable au domaine public. Pendant
que BONNARD, lui, préfère utiliser parallèlement deux critères : l'affectation à l'usage direct
du public et l'affectation au service public, HAURIOU propose une synthèse : l'affectation à
« l'utilité publique ». D’autres auteurs, comme JEZE ou Marcel WALINE, dans l’objectif de
restreindre le domaine public vont proposer la notion de prépondérance du domaine au
service public et de l’aménagement spécial. Ces théories doctrinales successives ont exercé
une influence considérable sur la jurisprudence.
Pour ce qui est de la jurisprudence, elle distingue deux conditions qui doivent être
simultanément réunies pour qu’un bien fasse partie du domaine public : ce sont
l’appartenance du bien à une personne publique et son affectation à certaines destinations.
La première condition est exclusive : seules les personnes publiques ont un domaine public,
les personnes privées ne peuvent en aucune façon, être détentrices d’un domaine public. Cette
règle jurisprudentielle43 est restée constante44. L’exclusivité de la domanialité publique de
toute appropriation privée fait sortir également du domaine public, un bien en copropriété de
personnes publiques et privées, quand bien même ce bien serait considéré comme dépendance
domaniale45. Mais quelle est la nature du droit de propriété des personnes publiques sur leur
43
V. Travaux de la Commission de révision du Code civil français, 1946-1947 P 803 et svts. V. aussi CE, 13
janv. 1933, Chemins de fer, CE 27 mai 1964, Chervet, Rec. CE 300 ; 6 nov. 1970, Consorts Bertrand, Rec. CE
655.
44
Cf. CE, 28 juin 1935, Mougamadousadagnetoullah, plus connu sous l’arrêt Marécar. Cet arrêt a fait l’objet de
plusieurs commentaires de grands auteurs parmi lesquels Marcel Waline, Latournerie ou de J M Auby dans
Lebon. Il s’agissait en fait d’un cimetière israélite, propriété privée d’une association, en vertu de règles
particulières du droit local, notamment d’Alsace-Lorraine. C’est ainsi que des cimetières appartenant à des
associations se sont vues refusées ce caractère de dépendances du domaine public, alors que les cimetières
nationaux et communaux sont pourvues de ce caractère.
Voir également CE 19 oct. 1956, Société Le Béton, RD Pub. 957.316, Concl. Long.
45
Cf. CE, 19 mars 1965, Sté Lyonnaise des Eaux et de l’Eclairage, Rec. Lebon, P.184 ou JCP 1966 II 14583,
note de Jean DUFAU. En effet, DUFAU démontre ici qu’étant donné que la domanialité publique est exclusive
de toute appropriation privée, dans l’hypothèse où un seul et même bien serait la copropriété de personnes
publiques et de personnes privées, ce bien ne saurait être considéré comme une dépendance domaniale. Tel est le
sens, selon lui de l’arrêt intervenu à propos d’une canalisation d’eau potable et dont il y avait lieu de supposer
qu’elle était la copropriété de personnes publiques et d’une société privée. L’arrêt refuse de considérer cette
canalisation comme une dépendance du domaine public, en faisant observer notamment qu’elle n’avait
appartenu à aucun moment « au moins dans sa totalité, soit à l’Etat, soit à une collectivité publique territoriale »
26
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
domaine ? Cette question a fait l’objet de controverses doctrinales46 et il est aujourd’hui admis
que le droit de propriété des personnes publiques est bien réel, mais qu’il doit revêtir de
nombreuses particularités par rapport à la propriété du code civil. Au Burkina Faso, le Code
Général des Collectivités territoriales (CGCT), dispose à son article 80 que « les collectivités
territoriales disposent d'un domaine foncier propre, constitué par les parties du domaine
foncier national cédées à titre de propriété par l'Etat ». La deuxième condition est relative à
l’affectation du bien qui, pour entrer dans le domaine public, doit être affecté soit à l'usage
direct du public, soit à un service public. Il faut souligner que cette affectation à l'usage du
public n'est pas nécessairement libre et gratuite. Les dépendances domaniales affectées à des
utilisations collectives sont librement ouvertes au public, mais l'accès au public n'est pas
toujours gratuite (péage routier par exemple). Quant aux biens affectés aux services publics, le
juge administratif français à une appréhension très large du service public, c’est celle d'une
activité d'intérêt général exercée sous l'autorité d'une personne publique. Mais comme le
critère d'affectation au service public présentait l'inconvénient d'étendre à l'excès le régime de
la domanialité publique, la doctrine, suivie par le juge se sont efforcées de restreindre les
effets de ce critère en introduisant dans certains cas, la condition d'aménagement spécial.
D’abord, jurisprudentielle et simplement nécessaire, cette condition est désormais consacrée
par le législateur français qui parle maintenant d’aménagement indispensable47.
On peut donc simplement définir le domaine public immobilier comme l'ensemble des biens
immobiliers appartenant en exclusivité aux collectivités publiques, ici les Collectivités
territoriales, et en toute propriété ; ces biens doivent être affectés à l'usage direct du public ou
à un service public. Dans ces deux derniers cas, ces biens doivent parfois faire l'objet d'un
46
Sur les controverses doctrinales, on pourrait voir les auteurs suivants : H. Barthélemy, « Traité de droit
administratif », 3e éd. P 472 et s. DUCROCQ, « Cours de droit administratif », éd. 1900, titre IV, L. Duguit,
« Traité de droit constitutionnel », 2e éd. Titre II, p 61 et titre III, p 322 ou encore M. Hauriou, dans son
« Précis de droit administratif et de droit public », 1ère éd. 1892. Voir aussi, André de LAUBADERE,
« Domanialité publique, propriété administrative et affectation », in revue de droit public, 1950 p. 5 etc.
47
Le Code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP) va reprendre pratiquement à l’identique la
définition jurisprudentielle du domaine public, et notamment ; au sens du Code, le bien du domaine public est un
bien qui répond à l’un des deux critères, à savoir être affecté à l’usage de tous ou être affecté à un service public.
Le Code général de la propriété des personnes publiques va maintenir la nécessité d’un critère réducteur en le
reformulant. Il y a bien un critère réducteur qui ne joue que pour les biens affectés à un service public ; le Code
ne parle plus d’aménagement spécial, mais vise maintenant l’existence d’un aménagement indispensable. Les
rédacteurs du Code général de la propriété des personnes publiques insistent sur le fait qu’il faut restreindre le
domaine public. C’est pourquoi ils l’ont explicitement signifié dans le rapport introductif, arguant justement que
s’ils mettaient ces termes à la place de ceux utilisés par le juge jusqu’alors, c’est pour inciter ce dernier à se
montrer plus restrictif sur la qualification du domaine public.
27
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
Quant au domaine public artificiel, son contenu est vraiment important et varié ;
l’article 13 de la loi portant Réorganisation Agraire et Foncière de juillet 2012 dispose qu’il se
compose « des chemins de fer, des routes, des pistes à bétail, des câbles et équipements du
réseau de télécommunications, des voies de communication de toute nature ; des aérodromes,
des aéroports, des aérogares, des ports secs ; des ouvrages exécutés dans un but d'utilité
publique pour la maîtrise des eaux et le transport de l'énergie ; des monuments publics, des
cimetières délimités, des monuments ou sites historiques, des halles, des marchés et des
espaces verts ; des biens immobiliers de toute nature destinés à l'usage direct du public ». A
travers ces dispositions et partant également des critères déterminés par la doctrine et la
28
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
jurisprudence, nous pouvons dire que les Collectivités territoriales sont détentrices d’un vaste
domaine public artificiel. En effet, la loi sur le transfert des compétences, du fait du principe
de compensation a également transféré un nombre important de ressources et de services, dont
justement le domaine artificiel. Ce domaine public est aussi protégé par les principes
d’inaliénabilité, d’insaisissabilité et d’imprescriptibilité. Nous n’en évoquerons que quelques-
uns de ces biens, compte tenu de leur grande diversité. Des dix domaines de compétences
transférés aux Collectivités territoriales parmi lesquelles la gestion foncière, on peut aussi
retenir par exemple, qu’en matière de réseau routier, les communes, surtout urbaines
disposent de la voirie municipale ; les régions, des pistes rurales. Il faut dire que du fait des
lourdes charges financières en matière de construction des routes, c’est l’Etat seul qui
s’occupait de ces grands travaux ; mais de plus en plus certaines Collectivités territoriales, en
coopération avec des partenaires arrivent à construire des pistes, d’autant plus qu’en saison
hivernale, les populations urbaines souffrent du fait de l’état défectueux de beaucoup de
routes. En matière d’environnement, les Collectivités territoriales disposent des espaces
verts, des parcs, des zones de conservation, des bois et forêts ; en matière de santé et
d’éducation, elles disposent de toutes les infrastructures sanitaires (c'est-à-dire les centres de
santé et de promotion sociale, les dispensaires et maternités, les centres hospitaliers
régionaux, etc.) et d’éducation (infrastructures du préscolaire, du primaire, du secondaire et
du supérieur). Elles disposent et gèrent également les infrastructures sportives, culturelles et
de loisir comme les bibliothèques, stades et terrains de sport, les musées à vocation locale, les
sites et monuments d'intérêt local, les théâtres populaires48. Enfin, pour ne retenir que ceux-ci,
on peut citer les barrages et autres retenues d'eau, les puits et forages, les gares et aérodromes,
les cimetières, sans oublier surtout les marchés et Yaars, les halles et les aires de grande foire
marchande, qui représentent de véritables sources de revenus pour les Collectivités
territoriales.
Comme on le voit, en termes de domaine public immobilier, les Collectivités n’en sont
pas les moins nanties. Qu’en est-il de leur domaine privé ?
48
Voir Noufou OUEDRAOGO, « La décentralisation et la gestion du domaine public au Burkina Faso »
Mémoire de fin de cycle, ENAREF Ouagadougou, 2007 dans la catégorie: Droit et Sciences Politiques, p38-39
29
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
éléments qui composent ce domaine privé immobilier des CT burkinabè (B). Mais avant, il
y’a lieu de voir ce que recouvre en termes de caractéristiques, la notion de domaine privé des
collectivités locales (A).
Les collectivités publiques peuvent posséder certains biens qui ne sont pas affectés au
public ou au service public, de sorte qu’elles l’administrent comme l’aurait fait un simple
particulier : c’est leur domaine privé. Par exemple elles peuvent être propriétaires d’une forêt
ou même prendre des actions dans une société. Cependant, en tant que personne publique
poursuivant un but d’intérêt général, la gestion d’une forêt ou la prise d’actions dans une
société, ne sera pas seulement dominée par l’idée de se faire de gains et de garnir ses caisses
de dividendes, mais surtout de lui permettre par exemple de contrôler cette entreprise dans
l’intérêt général. Ce domaine privé n’est donc pas à confondre avec la propriété privée, ni à
s’identifier au domaine public49. C’est dire que la propriété qu’une personne publique exerce
sur ses biens présente des particularités par rapport au droit de propriété des personnes
privées50. En outre, le domaine privé des Collectivités territoriales, contrairement à leur
domaine public n’est pas toujours affecté51 ; il est soumis au droit privé et sous le contrôle des
tribunaux judicaires. Ce sont les caractéristiques spécifiques du domaine privé des
Collectivités territoriales. S’agissant de la non affectation des biens du domaine privé au
public ou au service public, cela ne signifie nullement que le public ne peut utiliser les
dépendances du domaine privé, l’affectation étant différente de l’utilisation. Par exemple, le
public peut circuler dans des forêts appartenant aux personnes publiques sans qu’elles n’aient
fait l’objet ni d’un acte de classement, ni même d’un acte de délimitation comparable à ceux
qui interviennent pour le domaine public naturel ou artificiel. Il arrive même que des services
49
Philippe GODFRIN, « Droit administratif des biens », 4ème édition, Masson, P 175.
50
Voir sur ce point la démonstration de Ph. YOLKA, « La propriété publique. Eléments d’une pour une théorie,
LGDJ, 1997, p 540 et svts.
51
Elle peut seulement mettre ses dépendances privées à la disposition des services publics ou les louer à des
particuliers. Juridiquement, elle peut procéder de trois manières différentes : soit par un contrat de droit civil, soit
par un contrat administratif (en raison bien sûr du fait de la présence d’une clause exorbitante du droit commun
dans l’accord), soit par autorisation unilatérale. Et si dans le premier cas, la compétence lors d’un litige revient
au juge judiciaire, elle relève dans les deux autres cas de la juridiction administrative. En vertu des règles du
droit public, lorsqu’elles s’appliquent, l’utilisation par le service public est précaire, la collectivité territoriale
pouvant toujours y mettre fin prématurément.
Voir davantage sur ce point, René CHAPUS, « Droit administratif général », Tome 2, 14e édition, 2000,
Montchrestien, P 524 et svts, ou Ph. GODFRIN et M. DEGOFFE, « Droit administratif des biens », Domaine,
travaux, expropriation, 9e édition, Sirey, 2009, P14-15.
30
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
publics utilisent des biens du domaine privé, mais on ne peut dire en aucune façon que ces
biens concourent au fonctionnement du service. Quant à la compétence des tribunaux
judiciaires, elle est depuis très longtemps admise à l’égard du domaine privé52. Cette
compétence s’est élaborée et s’est affirmée concomitamment avec l’élaboration de la
distinction entre domaine public et domaine privé. La juridiction judiciaire a toujours
considéré que les actes de simple gestion domaniale ne constituaient pas des actes
administratifs, donc soumis à la compétence du juge judiciaire. En effet, la compétence des
tribunaux judiciaires se traduit tant au plan du contentieux contractuel qu’au plan du
contentieux de la responsabilité. Au plan contractuel, alors que les contrats portant occupation
du domaine public sont des contrats administratifs, les contrats portant acquisition53, vente54
ou de gestion55 sont des contrats de droit privé, et soumis par conséquent à la compétence des
tribunaux judiciaires. Le contentieux de la responsabilité appartient également aux tribunaux
judiciaires, que le dommage soit causé par un bien ou à un bien du domaine privé des
Collectivités territoriales56. Il en est de même des dommages résultant de travaux entrepris sur
le domaine privé des collectivités publiques57.
Au Burkina Faso, la loi portant Réorganisation Agraire et Foncière a indiqué les
différentes manières pour les Collectivités territoriales d’être détentrices d’un domaine privé
immobilier.
52
Auby et DRAGO, « Traité de contentieux administratif », 1984, tome I, n°484 et suivants.
53
Voir CE 30 mai 1951, Sempé, cité dans Droit administratif des biens de Ph. GODFRIN et M. DEGOFFE, p19
54
TC 7 déc. 1970, Marie c/ville de Granville, Rec. 894, AJDA, 1971. P292,
55
TC 7 déc. 1970, Monition et Sté Hôtelière de la Bergerie c/ville d’Hyères, rec. 894 ; CE 27 fév. 1976, Dame
Avocat, da N° 110, cité dans Droit administratif des biens de Ph. GODFRIN et M. DEGOFFE, p19.
Il faut cependant dire que de plus en plus, le régime de ce contentieux devient, des plus tourmentés. Le principe
qui est que ce contentieux relève des tribunaux judiciaires comporte de nombreuses exceptions. Comme le dit M.
Ph. GODFRIN, en matière contractuelle, « le bloc de compétences au profit du juge judiciaire qui apparaissait
sans fissures, parait maintenant fragile ». Ainsi, actuellement, la solution est tout autre ; le Tribunal des conflits
d’abord, (TC 20 avril 1959, Société nouvelle d’exploitation des plages, piscines et patinoires, Rec. 866 ; TC 26
févr. 1965, Société du Vélodrome du parc des Princes), puis le Conseil d’Etat (CE, section 6 nov. 1970, Société
touristique et hôtelière de la vallée du Lautaret, Rec. 654), ont décidé qu’à l’égard d’un contrat relatif au
domaine privé, il était nécessaire de se livrer à la même recherche que pour tout contrat conclu par une personne
publique : présence de clause exorbitante du droit commun ou l’association du cocontractant à l’exécution
du service public.
56
Voir TC 29 mai 1967, Serrurier, Rec. 654 ; CE, Section 20 juillet 1971, Consorts Bolusset, Rec. 546, AJDA
1971.P527, cité dans Droit administratif des biens de Ph. GODFRIN et M. DEGOFFE, P.21.
57
V. TC 25 juin 1973, Office national des Forets c/Béraud, AJDA, 1974 P30. La compétence est également
judiciaire lorsque le dommage résulte de l’absence de travaux : CE 28 nov. 1975, Office national des Forets
c/Abamonte, Rec. 602
31
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
Nous avons vu que comme les personnes privées, les Collectivités territoriales
peuvent être propriétaires d’un domaine privé immobilier. L’article 1458 de la loi portant
Réorganisation Agraire et Foncière de juillet 2012 détaille les modes d’acquisition du
domaine privé, mais c’est surtout l’article 26 qui énumère les éléments qui composent le
domaine privé immobilier des Collectivités territoriales. Ce sont justement : « les biens
immobiliers qui font l’objet d’un titre de propriété établi en leur nom ; les biens immobiliers
du domaine public après leur déclassement; les terrains urbains ou ruraux qui font l’objet
d’une expropriation pour cause d’utilité publique, ou acquis par l’exercice du droit de
préemption ; les biens immeubles et les terres en déshérence attribués par les textes en
vigueur ; les bas-fonds aménagés par les collectivités territoriales et ceux qui leur sont cédés
par l’Etat ». De ces dispositions, nous retenons que les Collectivités territoriales disposent de
plusieurs biens domaniaux et aussi de plusieurs modes d’acquisition des biens du domaine
privé, dont certains sont effectivement exorbitants du droit commun. Les collectivités
publiques en effet, ne sont jamais totalement assimilables aux personnes privées même
lorsqu’elles entendent se placer sous l’empire du droit privé. On distingue en effet, des modes
d’acquisition à titre onéreux des modes d’acquisition à titre gratuit.
Pour les premiers, on peut citer l’achat, où la collectivité acquiert le bien comme le
ferait une personne privée en concluant un contrat de droit civil59. Elle peut aussi, et c’est l’un
des modes d’acquisition les plus importants, procéder à une expropriation. L’expropriation est
« une procédure par laquelle une personne publique impose à un propriétaire la cession d’un
droit, le plus souvent immobilier, dans un but d’utilité publique, moyennant le paiement d’une
juste et préalable indemnité »60.On distingue également l’exercice du droit de préemption
58
Le domaine privé immobilier des collectivités territoriales est constitué selon les modes suivants : la cession
par l’Etat en vertu de la loi et du règlement ; l’acquisition selon les procédés de droit commun; l’incorporation
des dépendances du domaine public immobilier ayant fait l’objet de déclassement; l’expropriation pour cause
d’utilité publique; l’exercice du droit de préemption ; la confiscation par les tribunaux; l’incorporation des biens
en déshérence; les dons et legs faits à la collectivité territoriale et acceptés par arrêté ; tout autre mode
d’acquisition conforme au droit.
59
Toutefois l’intervention des services étatiques s’avère nécessaire, voire même indispensable. La tutelle
administrative semble toujours de mise dans cette matière ou les collectivités locales, quoiqu’on dise n’ont pas
toujours les coudées franches pour agir. Ainsi, elle doit remplir certaines formalités administratives qui font
intervenir la Direction des services du domaine, dont la consultation préalable est exigée avant tout projet
d’acquisition par la collectivité territoriale. Dans nos recherches sur ce point, nous n’avons pas eu connaissance
de projets d’acquisition de biens immobiliers privés par les CT burkinabè, ce qui est fort compréhensible vu leur
état général de précarité financière.
60
Philippe GODFRIN, « Droit administratif des biens », 4ème édition, Masson, P 301.
32
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
détenu par la collectivité publique, qui lui permet de se substituer à l’acheteur au cours d’une
transaction pour acquérir le bien qui en fait l’objet. Comme pour l’expropriation, il est exercé
dans un but d’intérêt général (politique sociale de l’habitat, réalisation de logements sociaux,
rénovation de bâtiments ou de quartiers, etc.).
Enfin, nous pouvons retenir les modes d’acquisition gratuits comme les biens vacants
et sans maitre, ainsi que les successions tombées en déshérence, de même que les libéralités
qui constituent le mode d’acquisition à titre gratuit le plus important. La loi portant
Réorganisation Agraire et Foncière parle aussi de bas-fonds aménagés par les Collectivités
territoriales ou ceux qui sont cédés. Le législateur ajoute en outre un autre mode qui est la
confiscation par une décision judiciaire61. Il faut rappeler également que tous les biens du
domaine privé des collectivités territoriales au Burkina Faso ne sont pas affectés à l’usage du
public ou aux services publics. La loi distingue les biens affectés et ceux non affectés. Les
articles 28 et 29 de la RAF disposent que « le domaine privé affecté des collectivités
territoriales est l’ensemble des terres et autres biens immobiliers de ces collectivités, occupés
par les services publics locaux ou ceux de l’Etat pour l’exécution de leurs missions alors que
le domaine privé non affecté est composé des terres et des biens immobiliers qui n’ont pas fait
l’objet d’affectation à des services publics locaux ou à ceux de l’Etat ».
Les textes législatifs et règlementaires récents sur la décentralisation n’ont pas fait que
reconnaitre un domaine foncier propre aux Collectivités territoriales burkinabè, ils ont
également consacré un dispositif tant formel qu’institutionnel, de sa gestion.
61
Article 146 de la Loi portant RAF
62
Siham RHOUALEM, Mémoire de Master, Les biens des collectivités locales et la décentralisation au Maroc,
Université Mohammed VI, Faculté des sciences juridiques et sociales, P 30.
33
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
par la consistance des textes, mais surtout par leur actualité et mise à jour63, tente de donner
les rudiments d’une gestion, mieux, d’une gouvernance foncière efficace aux collectivités
publiques. Ces outils vont du dispositif juridique consacré en matière de gestion du domaine
foncier local (section 1ère), au dispositif institutionnel (section 2ème)
La gestion du domaine public s’effectue par des mesures de protection qui lui sont
consacrées (B), mais aussi des modes de gestion, dont il convient d’abord de s’intéresser (A).
63
La dernière loi portant Réorganisation Agraire et Foncière, qui est la loi cadre en matière de gestion du
domaine date seulement de juillet 2012. Avant cette loi, d’autres textes comme la loi portant régime du foncier
rural avaient été adoptés.
64
Article 135 de la Loi du 12 juillet 2012 portant RAF.
34
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
collectivité territoriale en question, parce qu’il dispose d’un pouvoir général de police, mais
aussi d’un pouvoir de gestion étendu, accorde par arrêté, les autorisations d’exploiter les
dépendances domaniales et les dérogations aux servitudes de passage. C’est pourquoi
d’ailleurs le législateur burkinabè précise que pour motif d’utilité publique ou de non-respect
des clauses de la permission, ces autorisations et dérogations sont révocables à première
réquisition65.
Les modes de gestion du domaine public local se distinguent selon qu’ils concernent
un besoin individuel ou un besoin collectif ou général, comme le démontre cette disposition
de la loi foncière. En effet, l’article 138 de la loi portant Réorganisation Agraire et Foncière,
dispose que « lorsque l’occupation du domaine public correspond à un besoin individuel tels
que les chemins d’accès à un cours d’eau, les petites installations commerciales provisoires,
…le droit d’occupation est strictement limité aux besoins indiqués. Ce droit est révocable à
première réquisition, sans indemnisation ni compensation. Lorsqu’elle correspond à un
besoin collectif ou général en vue d’un service public tels que les entrepôts, la forme de bail
renouvelable peut être adoptée sous réserve d’une résiliation, toujours possible de la part de
la collectivité territoriale après un préavis de six mois au plus….» Il faut donc distinguer les
utilisations communes de celles privatives.
On parle d’utilisation commune ou collective lorsque le domaine est affecté à tous, à
l’usage du public en général et dans les mêmes conditions (par exemple la circulation des
piétons et des automobilistes sur les voies publiques, la navigation sur les cours d’eau ou les
promenades et baignades dans les fleuves…) Ici, l’utilisateur est anonyme, il n’a besoin
d’aucun titre juridique singulier pour exercer son droit. Les utilisations collectives présentent
les caractéristiques juridiques suivantes : elles sont libres, en principe (liberté de circuler du
piéton comme de l’automobiliste, liberté de stationnement, d’exercer des activités
industrielles ou commerciales etc.), gratuites et égalitaires entres les usagers66.
65
Article 136 de la loi portant RAF, adoptée en juillet 2012
66
Il est à noter que comme ce type d’utilisation est conforme à la destination du domaine et que l’usage de la
dépendance par une personne n’empêche pas en principe une autre personne de faire de même, l’intervention de
l’autorité de police sera limitée. Elle veillera simplement à ce que l’utilisation soit égale pour tous, à ce que
certaines personnes n’en fassent pas un usage abusif du domaine au détriment des autres. Ce qui est tout à fait
différent, s’agissant des utilisations privatives.
Voir davantage sur ce point, Ph. GODFRIN et M. DEGOFFE, « Droit administratif des biens », 9e édition,
Sirey, 2009, P 109 et svts. V. aussi G. DUPUIS, M.J GUEDON, P. CHRETIEN, « Droit administratif », 8e
édition, Armand COLIN, 2002, p380. V. enfin, J.-Marie AUBY, P. BON, J-Bernard AUBY et Ph.
TERNEYRE, « Droit administratif des biens », Dalloz, 5e édition, 2008 P 109 et svts.
35
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
67
Jean DUFAU, « Le domaine public », Collection L’Actualité Juridique, Tome 2, P104.
68
Il faut noter que pendant longtemps, les biens composant le domaine public étaient regardés comme ne
pouvant faire l’objet d’un droit de propriété et leur utilisation ne saurait être que gratuite. Ces conceptions qui
ont prévalu, en tout cas en France après la Révolution, sont aujourd’hui abandonnées et on considère au
contraire, de plus en plus que le domaine public constitue une source de richesses, qu’il présente un intérêt
économique certain et doit donc être bien géré. Les utilisations privatives, toutes les fois qu’elles sont
compatibles avec l’utilisation principale, « sont normales et doivent être encouragées, dans la mesure où elles
sont non seulement sources de revenus pour la collectivité propriétaire, mais aussi participent au développement
économique général ». Voir sur ce point, les actes du Colloque « Domaine public et activités économiques »des
20 et 21 septembre 1990, CJGE, hors-série, oct. 1991, cité dans Droit administratif des biens de Ph. GODFRIN.
On peut voir également sur ce sujet, plus que d’actualité « La gestion dynamique du patrimoine des collectivités
locales », Rapport de la Commission Secteur Public Lyon Place Financière et Tertiaire, Juin 2008, ou encore
« Les entretiens du Conseil d’Etat » en droit public économique dont le thème était La valorisation économique
36
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
En plus de ces modes de gestion consacrés et des pouvoirs de police administrative générale,
l’autorité compétente dispose d’autres pouvoirs, notamment la police de la conservation 69 du
domaine public sans oublier les mesures de protection du Domaine Foncier Local.
« Le domaine public doit être protégé puisse qu’il est affecté à l’intérêt général.
C’est d’ailleurs afin d’assurer une meilleure protection des dépendances essentielles pour le
public que la distinction entre domaine public et domaine privé a été imaginée70 ». L’une des
mesures de protection que l’on pourrait qualifier de ‘’congénital’’ avec le domaine public est
le principe d’inaliénabilité des biens du domaine public. Presque toutes les législations
domaniales et foncières l’en consacrent. L’article 97 de la loi portant Réorganisation Agraire
et Foncière dispose en effet que: « les biens immeubles du domaine public de l’Etat, en raison
de leur nature, de leur destination et de leur affectation, bénéficient de mesures particulières
de gestion et de protection. Ils sont, en principe, inaliénables, imprescriptibles et
insaisissables ».
Le principe d’inaliénabilité signifie qu’un bien est indisponible et qu’il ne peut donc
faire l’objet d’aucun transfert de propriété71. Sa portée pratique se mesure à travers trois
des propriétés des personnes publiques Rapport, 6 juillet 2011, Discours de Jean-Marc Sauvé Vice-président du
Conseil d’Etat français, consultable sur internet le site du Conseil d’Etat.
69
Cette police de la conservation qui est en réalité une police spéciale a pour objet de prévenir ou de sanctionner
les atteintes à l’intégrité physique du domaine public. Ce pouvoir de police qui ne s’étend pas à la totalité des
biens du domaine public doit avoir été prévu par les textes. Au Burkina Faso, la loi portant RAF aux articles 282,
283, 284 et svts, de même que le code pénal de 1996 aux articles 507, 508 et svts sanctionnent les atteintes aux
propriétés immobilières. L’élément le plus original dans cette police spéciale réside, selon M. Ph. GODFRIN,
dans les contraventions de grande voirie, « véritables sanctions pénales prononcées par les juridictions
administratives ». Elle sanctionne au-delà des atteintes à l’intégrité physique des dépendances domaniales, la
mauvaise utilisation de celles-ci, même lorsqu’il n’en résulte aucune déprédation. La contravention de grande
voirie se définie comme tout fait de nature à compromettre la conservation ou l’état matériel du domaine ou
nuire à l’usage auquel il est destiné. Mais elle ne protège pas la totalité du domaine public, les meubles n’étant
pas concernés. La police de la conservation est en cela utile à un double point de vue en ce sens qu’elle permet,
par les dispositions législatives et règlementaires, d’assurer tant la protection de l’intégrité matérielle des
dépendances en question que du respect de leur affectation.
Voir dans ce sens, René CHAPUS, « Droit administratif général », Tome 2, 14e édition, Montchrestien, 429 et
svts. De même que Ph. GODFRIN et M. DEGOFFE, « Droit administratif des biens », 9e édition, Sirey, 2009,
P222 ou encore J. M. AUBY, P. BON, J-B AUBY et Ph. TERNEYRE, « Droit administratif des biens »,
Dalloz, 5e édition, 2008, P 167.
70
Ph. GODFRIN et M. DEGOFFE, « Droit administratif des biens », 9e édition, Sirey, 2009, opt. Cité, P212.
71
Mais il faut reconnaitre que l’inaliénabilité ne protège maintenant que l’affectation des dépendances. Aussi,
elle commence et finit avec elle et en conséquence, elle n’empêche nullement les collectivités locales de vendre
leurs biens. Elle les oblige tout simplement à procéder au préalable au déclassement de la dépendance, destiné à
la faire sortir du domaine public pour la faire entrer dans le domaine privé. Le déclassement effectué, la
dépendance devient aliénable sous la condition cependant de procédures spéciales protégeant les collectivités
contre des aliénations irréfléchies.
37
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
conséquences majeures. D’abord, il interdit qu’un bien du domaine public soit l’objet d’une
vente ; par exemple, la délibération d’un Conseil municipal qui autoriserait la vente d’un bien
du domaine public serait annulée pour illégalité par le juge administratif de l’excès de
pouvoir. Tout contrat de vente d’un bien du domaine public est réputé nul et de nul effet.
Aussi ce principe s’oppose à la conclusion de baux commerciaux sur le domaine public, alors
que ces mêmes baux sont parfaitement légaux sur le domaine privé. La deuxième
conséquence est que l’inaliénabilité fait que l’occupation privative du domaine public reste
très précaire et révocable. Ce qui implique que la collectivité publique (la Collectivité
territoriale) a d’une part, la possibilité de décider du retrait de l’autorisation à tout moment,
et d’autre part, que le titulaire de l’autorisation n’a aucun droit au renouvellement de son
titre lorsque celui-ci arrive à expiration. La dernière conséquence est l’exclusion, de toute
évidence, de la possibilité de constituer des droits réels immobiliers sur le domaine public,
c’est-à-dire le fait pour l’occupant privatif de se voir reconnaître un droit de propriété sur la
dépendance du domaine public72.
L’imprescriptibilité est la seconde mesure de protection du domaine public. Elle
signifie tout simplement qu’aucune dépendance du domaine public ne peut être acquise par
prescription, c’est-à-dire par possession du fait de l’écoulement du temps. En aucune façon,
Voir sur ce point, H. G. HUBRECHT, «L’inaliénabilité. Passé et avenir d’un principe de droit
constitutionnel » Mélanges en l’honneur de D.-G. LAVROFF, Dalloz, 2005, cité dans Droit administratif des
biens de Ph. GODFRIN, opt. Cité. P 212.
72
Il y’a lieu de noter que cette exclusion n’est plus absolue, la constitution de droits réels sur le domaine public
est désormais reconnue sous certaines conditions. En effet, avec l’inadaptation des titres d’occupation
traditionnels pour mener à bien des investissements privés sur le domaine public, exigeant la stabilité, des
montages juridiques, bien que fragiles mais « savants » ont été trouvés. Il s’agit pour les collectivités
territoriales, en France depuis 1988, et avec la loi du 12 juillet 2012 portant RAF au Burkina-Faso, de pouvoir
conclure des baux emphytéotiques administratifs sur des portions du domaine public. En France, en vertu de la
loi du 5 janvier 1988 dite « d’amélioration de la décentralisation » (article 13) et au Burkina-Faso en vertu de la
loi du 12 juillet 2012 portant RAF (article 216 et svts.), les collectivités territoriales sont autorisées à accorder un
bail emphytéotique à une personne privée, alors même que l’immeuble donné appartient au domaine public.
C’est un contrat à longue durée (comprise entre dix-huit et quatre-vingt-dix-neuf ans) dont la particularité est
d’accorder de véritables droits réels à l’emphytéote (le preneur à bail). Le législateur burkinabè lui reconnait
plutôt un « droit de superficie ».
Voir davantage J.-M. Auby, « Le bail emphytéotique sur le domaine public local », CJEG 1991, P72 ; Voir
également Ch. Albouy pour qui « les conditions restrictives posées par la loi qui l’instituait en 1988 et les
incertitudes relatives à son régime juridique expliquent sans doutes les réticences qui se sont d’abord
manifestées à l’égard de ce nouvel outil de valorisation du domaine, qui, finalement, connait aujourd’hui un
certain succès ».cf « Le bail emphytéotique administratif ou les prémices de la valorisation économique » Thèse,
Paris I, 1995.
Il y’a aussi E. FATOME, et Ph. TERNEYRE, « Bail emphytéotique ; domanialité publique et financement
privé d’un ouvrage public », CJEG, Nov. 1994, P 584 ; des mêmes auteurs, « Droits réels sur le domaine public
de l’Etat : clarification ou multiplication des interrogations ? » Etude, AJDA, 1995, P 905.
38
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
un particulier ne peut donc exercer d’action possessoire sur le domaine public, celle-ci étant
une action tendant à faire respecter le droit de propriété sur un bien de quelqu’un. En outre, la
collectivité territoriale est tenue de l’entretien et de la conservation du domaine public; sa
responsabilité pouvant être engagée au cas où le défaut d’entretien causerait un préjudice à
autrui: c’est la responsabilité du fait des travaux publics. Un autre principe à signifier, c’est
l’insaisissabilité des biens du domaine public. Il faut préciser que ce principe concerne tous
les biens des personnes publiques, qu’ils relèvent du domaine public ou du domaine privé.
L’insaisissabilité signifie que le juge, judiciaire notamment, ne peut en aucune façon ordonner
la saisie des biens immeubles des collectivités publiques, comme il le ferait dans le cadre
d’une exécution forcée en droit commun.
Par ailleurs, l’autorité s’adjoint d’autres moyens de protection des dépendances
domaniales, notamment pour protéger leur intégrité physique contre les dégradations et les
occupations illégales. De façon pratique, elle le fait à travers les contraventions de grande
voierie, qui sont des sanctions à caractère pénal, (et doivent donc être prévues par un texte
spécial), et par la poursuite des occupations sans titre du domaine public.
En dehors de ces mesures de protection, le législateur burkinabè ajoute d’autres principes,
tirés essentiellement des principes généraux du droit communautaire de l’UEMOA (Union
Economique et Monétaire Ouest Africaine), en matière de gestion des ressources naturelles et
d’aménagement du territoire. Ce sont les différentes servitudes73 et la mise en œuvre des
principes édictés à l’article 374 de la loi portant Réorganisation Agraire et Foncière et
l’immatriculation. Les Collectivités territoriales disposent donc théoriquement de plusieurs
modes de protection du domaine public, même si la pratique révèle autre chose.
73
Les servitudes sont des contraintes imposées aux propriétés privées voisines des dépendances domaniales,
afin, généralement, de permettre une bonne utilisation du bien conformément à sa destination. On peut retenir
trois, principalement, parce que généralement assorties d'indemnités pour les propriétaires riverains : les
obligations de s’abstenir qui interdisent de construire, de planter ou de procéder à certains autres travaux. Il y’a
aussi les obligations de supporter et enfin, on retient les obligations de faire qui concernent surtout les voies
publiques, où les riverains ont, par exemple, l'obligation de supprimer les murs de clôture, ou de les remplacer
par des grilles,….
Voir notamment M. PIQUEMAL, « Droit des servitudes administratives » ou de M. PRIEUR, « Servitudes de
droit privé et de droit public », Edition de l’Actualité Juridique, 1976.
74
L’Article 3 dispose que : « L’aménagement et le développement durable du territoire, la gestion des
ressources foncières et des autres ressources naturelles ainsi que la réglementation des droits réels immobiliers
sont régis par les principes généraux ci-après : Principe d’agrégation, Principe d’anticipation, Principe
d’efficacité économique, Principe d’équilibre entre le développement urbain et le développement rural, Principe
d’équité, Principe de bonne gouvernance, …………et le principe d’innovation et d’unité nationale »
39
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
75
Article 153 de la RAF
40
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
occupation, sans titre, des terres urbaines du domaine privé des collectivités territoriales est
interdite et le déguerpissement ne donne lieu ni à recasement ni à indemnisation. Une autre
question se pose tout de même à savoir si les Collectivités locales peuvent-elles aliéner leurs
biens du domaine privé ? Bien évidemment, en vertu du principe exactement inverse de celui
applicable au domaine public, le domaine privé immobilier des Collectivités territoriales est
aliénable et prescriptible. Parfois même, leur aliénation devient obligatoire compte tenu du
fait que les biens du domaine privé, comme déjà évoqués, sont utilisés soit par la personne
publique propriétaire, soit louée pour éviter de gérer un bien improductif. Seulement,
certaines règles doivent être respectées comme l’interdiction des aliénations purement
gratuites et sans contrepartie76, ou le fait que c’est après décision du conseil délibérant de la
Collectivité territoriale que son organe exécutif (en l’occurrence le maire ou le président du
Conseil régional), peut procéder à la vente du bien en question. Le contentieux de la gestion
du domaine privé77 et des aliénations78 relève normalement de la compétence du juge
judiciaire.
En ce qui concerne les mesures de protection, la loi de juillet 2012 en son article 3 en
prévoit essentiellement deux qui sont : le principe de l’immatriculation des terres du domaine
privé et le principe de bonne gouvernance. L’immatriculation est l’attribution d’un numéro de
titre foncier, tiré d’un registre, après notamment un levé topographique et l’accomplissement
76
Il est vrai que contrairement aux biens du domaine public, les biens du domaine privés sont, conformément
aux droits communs, aliénables et prescriptibles. Mais il est tout de même assorti de certaines exceptions : il peut
arriver en premier lieu que des textes édictent l’inaliénabilité ou l’imprescriptibilité à propos de certains biens
relevant du domaine privé, (les forêts par exemple). De même certaines formes d’aliénations (la gratuité) sont
interdites sans oublier le principe constitutionnel qui interdit que les biens des personnes publiques soient à des
prix dérisoires. Cf. Cons. const., 25-26 juin 1986, AJDA 1986-575, note de Jean RIVERO, où le Conseil
Constitutionnel français affirme que « la Constitution s’oppose à ce que des biens ou des entreprises faisant
partie de patrimoines publics soient cédés à des personnes poursuivant des fins d’intérêt privé pour des prix
inférieurs à leur valeur », (même si le Conseil d’Etat a assorti ce principe d’une exception remarquable en 1997
dans sa décision Communes de Fougerolles en l’admettant pour « motif d’intérêt général et après contreparties
suffisantes »)
77
Voir, J. M. AUBY, P. BON, J-B AUBY et Ph. TERNEYRE, « Droit administratif des biens », Dalloz, 5e
édition, 2008, P 184. En effet, les dommages qui ont leur origine dans le domaine privé échappent en principe au
régime particulier de la responsabilité de la puissance publique et relèvent de la juridiction judiciaire. Il en va
ainsi notamment, des dommages résultant d’actes de gestion domaniale, des dommages causés par des
immeubles domaniaux ou des animaux, des accidents subis sur un terrain domanial ou du dommage résultant du
défaut d’entretien des pistes rurales. Mais cette compétence du juge judiciaire n’est pas exclusive. En effet, il y’a
des limites, notamment dans les cas où les immeubles domaniaux font l’objet d’affectation d’intérêt général.
Dans cette hypothèse, les travaux d’entretien constituent des travaux publics et la responsabilité pour les
dommages qu’ils peuvent causer relèvent du juge administratif. C’est ce qui ressort d’une jurisprudence du TC
du 24 octobre 1942, Préfet des Bouches-du-Rhône, S.1945, III. P10. Il en est de même pour la compétence du
juge administratif du dommage résultant de l’exécution d’un service public sur le domaine privé.
78
Cf. par exemple pour la vente d’un bateau, CE, 22 juillet 1977, Sté Cantieri Navali Santa Maria, réserve
cependant faite du cas où la présence de clauses exorbitantes du droit commun mettrait en présence d’un contrat
administratif.
41
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
d’une procédure minutieuse et contradictoire donnant à la propriété une base de départ sûre,
exclusive de toute contestation. L’immatriculation peut être regardée comme un mode absolu
et définitif de consécration de la propriété immobilière, à l’égard de toutes les parties comme
des tiers. Aucune action en éviction n’est recevable contre une propriété immatriculée et la
production en justice d’une copie de titre foncier forme un obstacle absolu à la poursuite qui
sera intentée contre la personne propriétaire79. C’est parce qu’elle assure une certaine
sécurisation foncière qu’elle est protectrice du domaine privé.
Le principe de bonne gouvernance est le deuxième moyen de protection des biens du domaine
privé immobilier local. Ce principe prescrit l’obligation pour les personnes publiques de gérer
les biens suivant leur véritable affectation, dans le respect des normes en la matière et proscrit
donc les actes de corruption ,de concussion et de clientélisme, de spéculation qui ont toujours
entouré la gestion des terres, notamment urbaines au Burkina Faso.
Les titres de jouissance exigés en ce qui concerne le domaine privé immobilier participent
aussi et à coup sûr de sa bonne gestion.
La possibilité d’occuper, d’en jouir ou même de disposer des biens du domaine privé
immobilier local suit des règles, qui participent aussi de sa gestion. La cession de terres par la
Collectivité territoriale doit respecter les principes cités un peu plus haut à l’article 3 de la loi
foncière, notamment les principes du respect de genre, car s’il est vrai que la femme
burkinabè travaille suffisamment la terre, elle n’en est presque jamais propriétaire de la plus
petite des portions. Parlant des modes de cession par adjudication ou de gré à gré, il faut noter
que les administrations locales burkinabè se sont illustrées fort négativement dans la gestion
presque calamiteuse de distribution des terres du domaine privé local. Dans ce domaine, la
corruption, le clientélisme politique et la gabegie ont été telles que le gouvernement a pris la
décision en 2011 de suspendre toute opération de lotissement jusqu’à ce que des audits sur la
gestion soient menés80. Mais nous y reviendrons plus amplement dans la deuxième partie de
notre réflexion. Quels sont donc les titres de jouissance exigés pour l’occupation des terres du
79
L’article 238 de la loi portant Réorganisation Agraire et Foncière dispose que: « … l’immatriculation consiste
à désigner un terrain par un numéro chronologique du livre foncier, à la suite d’une opération de bornage. Elle
aboutit à la création du titre de propriété inscrit sur le livre foncier, appelé titre foncier. L’immatriculation est
obligatoire avant toute cession définitive de terre par l’Etat ou par les collectivités territoriales ».
80
Le 21 avril 2011, le Premier Ministre du Burkina Faso annonçait la suspension de toutes les opérations de
lotissement sur toute l’étendue du territoire afin de pencher sur les problèmes qui ont toujours émaillé ce
domaine si sensible au Burkina Faso, et les 24 et 25 octobre 2013 se tenaient à Ouagadougou les états
généraux des lotissements.
42
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
domaine privé immobilier local. Il faut distinguer les titres de jouissance et les titres de
propriété.
Relativement aux titres de jouissance, l’article 176 de la loi foncière dispose que « tout
occupant d’une terre du domaine privé immobilier des collectivités territoriales doit être
titulaire de l’un des titres de jouissance suivants : un arrêté d’affectation, un arrêté de mise à
disposition, un bail emphytéotique, un permis d’occuper ou un permis d’exploiter ». Les titres
de jouissance sont délivrés à titre onéreux mais certains peuvent exceptionnellement l’être à
titre gratuit. Le permis d’occuper est défini comme étant un titre de jouissance précaire et
révocable. Il est délivré aux personnes physiques ou aux personnes morales, pour l’exercice
d’une activité lucrative sur des terres du domaine privé immobilier des collectivités
territoriales qui, par leur nature ou leur destination ou pour toute autre raison d'opportunité, ne
peuvent être concédées en jouissance privative de longue durée81. Le permis d'occuper
confère à son titulaire le seul droit d'usage personnel, précaire et révocable sans indemnité ;
le permissionnaire a uniquement le droit d'occuper la dépendance du domaine qui lui est
accordé, conformément aux normes techniques d'installations prévues par la collectivité
publique mais il a aussi l'obligation de payer une redevance fixée par le conseil délibérant de
la collectivité82. Quant au permis urbain d’habiter (PUH), c’est un titre de jouissance
permanent, délivré aux personnes physiques ou aux personnes morales pour l'occupation des
terres à usage d'habitation avec possibilité d'aliénation définitive desdites terres à certaines
conditions. L’arrêté d’affectation concerne l’occupation des biens du domaine privé
immobilier local par les services publics, il est prononcé par le conseil municipal ou régional
et fait l’objet d’une publicité foncière. S’agissant de l’arrêté de mise à disposition, c’est un
titre de jouissance permanent délivré aux personnes physiques ou morales pour l’occupation
des terres du domaine privé de l’Etat ou des collectivités locales. Elles ont sur la terre, objet
de l’affectation un droit de superficie83. Enfin, en ce qui concerne l’emphytéose ou bail
emphytéotique, exclue en principe sur les dépendances du domaine public, parce que
insusceptibles de constitution de droits réels, elle est possible en ce qui concerne le domaine
privé. L’emphytéose est selon l’article 182 de la loi foncière « un contrat de longue durée de
dix-huit ans au minimum et de quatre- vingt-dix-neuf ans au maximum, qui confère aux
81
Article 19 de la loi portant RAF de 1996, repris par l’article 177 de la dernière version de la RAF.
82
Article 145 du Décret N°97-050/PRES/PM/MEF portant application de la RAF de 1996.
83
Article 181 de la RAF de juillet 2012
43
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
personnes physiques et aux personnes morales de droit public ou privé, un droit de jouissance
sur des terres du domaine privé immobilier de l’Etat ou des collectivités territoriales…».
Dans le souci de sécuriser davantage les acteurs du foncier rural, il est créé depuis la loi de
2009, portant régime foncier rural l’Attestation de Possession Foncière Rurale (APFR). C’est
un document légal, un titre de jouissance, qui atteste d’une possession incontestée en milieu
rural. Cette reconnaissance de la possession foncière rurale est le pouvoir de fait légitimement
exercé sur une terre rurale en référence aux us et coutumes. C’est une sorte de conciliation
entre le droit coutumier et le droit moderne (légitimité et légalité) qui ont toujours eu du mal à
cohabiter dans le domaine du foncier rural. Nous y reviendrons sur ce nouvel outil de
sécurisation foncière en milieu rural burkinabè. La délivrance des titres comme le permis
urbain d’habiter (PUH), le permis d’exploiter, l’APFR, la mise à disposition est subordonnée
à la mise en valeur dûment constatée des terres qui en sont l'objet, et au paiement intégral des
droits et taxes dus. Tout titulaire de l'un des titres précédemment cités des terres du domaine
privé des collectivités territoriales peut, sous réserve des limites relatives à la publicité
foncière, affecter son droit à la garantie d'emprunts de sommes d'argent ou de toute autre
obligation.
S’agissant du titre de propriété, il fait suite à la cession définitive d’une dépendance du
domaine privé local non affecté.
La gestion du domaine foncier local ne se limite pas à au dispositif juridique consacré
mais également à l’aspect institutionnel, notamment les structures d’accompagnement et de
gestion prévues par les textes.
44
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
négligence pourrait compromettre le développement local. Les derniers textes sur le foncier
au Burkina Faso reconnaissent et prévoient des structures d’administration (Paragraphe 1er)
de même que des outils de gestion du domaine foncier local (Paragraphe 2ème).
Les structures de gestion du domaine foncier local peuvent être analysées entre celles
qui sont propres aux Collectivités ; ce sont celles relatives à la gestion du domaine public
immobilier des Collectivités territoriales (A), et celles qui intéressent aussi bien l’Etat que les
collectivités territoriales; ce sont celles relatives à la gestion du domaine privé immobilier des
Collectivités territoriales (B).
84
C’est la clause générale de compétences des collectivités locales dans presque toutes les législations africaines
sur la décentralisation, notamment d’inspiration française. En France pourtant, le débat s’est posé sur le maintien
de cette clause, parce que comme le disent certains auteurs, cette clause, contrairement à ce qu’elle laisse
apparaitre en termes de larges libertés accordées aux CL, est en réalité une limite considérable à leurs
compétences. Et on ne doute plus assez quant à la suppression prochaine de cette clause des textes français.
45
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
85
Article 78 de la loi sur le régime foncier rural.
86
Les Organisations non gouvernementales notamment, des acteurs de la coopération internationale intervenant
dans le monde rural comme l’AFD (Agence française de développement), de Projets et Programmes comme
Négos-GRN Burkina-Mali-Sénégal, le GRET, le Graf (Groupe de recherche et d’action sur le foncier) ou du
Laboratoires Citoyennetés.
Cf. notamment, AFD, Comité technique Foncier et développement, Notes de synthèse n°14 de juin 2014
« Avancées, limites et défi s de la réforme foncière rurale du Burkina Faso » ; ou INOUSSA MAIGA, « sur le
foncier rural : cinq ans après » ? Publié dans Défis Sud, juillet 2014, consultable sur www.sosfaim.org.
46
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
47
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
comme celle qui « est chargée de vérifier que la mise en valeur des terres a été réalisée dans
les délais prescrits et que les investissements ou réalisations sont conformes à la destination
pour laquelle elles ont été cédées et aux clauses et conditions du cahier des charges, s'il y a
lieu. Elle intervient sur réquisition de la collectivité territoriale ou à la demande du
bénéficiaire… ». Il faut dire que beaucoup de citoyens burkinabè, pour plusieurs raisons,
parmi lesquelles la pauvreté des ménages, n’arrivent pas toujours à mener les travaux
nécessaires de mise en valeur des terres du domaine privé à eux, cédés. Des investissements
qui sont pourtant nécessaires pour se voir délivrer définitivement le titre de propriété. Mais les
raisons de l’absence de mise en valeur ne sont pas toujours dues à la pauvreté; certains
citoyens, se font le plaisir d’être attributaires par des moyens souvent très douteux, de
plusieurs parcelles qu’ils ne sont pas en mesure de mettre en valeur. Dans de telles conditions,
la spéculation foncière aidant, et surtout la pratique de corruption développée dans ce
domaine, il ne peut en être autrement en ce qui concerne cette situation de non mise en valeur
des terres cédées du domaine privé local. C’est pour cela que la loi prévoit la possibilité de
retrait des terres et même l’octroi d’un délai supplémentaire pour la mise en valeur. En effet,
la commission de retrait des terres à usage d’habitation décide, sur la base des procès-verbaux
dressés par la commission d'évaluation et de constat de mise en valeur des terres, et sur
rapport du service chargé de la gestion de ce domaine, du retrait des terrains à usage
d'habitation ou de l'octroi d’un délai supplémentaire pour leur mise en valeur.
Comme on le voit, les textes sur le foncier, en plus de l’encadrement juridique par les
multiples dispositions, prévoient également la mise en place de structures qui, si elles étaient
normalement fonctionnelles, auraient pu résoudre de nombreux problèmes constatés jusqu’ici
dans la gestion de ces ressources non moins importantes.
En plus des structures de gestion du domaine foncier local, les CL sont tenues de
mettre en œuvre certains outils de gestion, pour améliorer davantage la sécurité foncière et
aussi permettre une grande accessibilité de l’information foncière, juste. Sont de ces outils, le
système cadastral, quasi indispensable dans la gestion du foncier (A) auquel la loi foncière
ajoute la nécessité d’un système d’information foncière (B).
A. Le système cadastral
48
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
Suivant la finalité assignée au cadastre, nous pouvons avoir trois types de cadastres :
le cadastre fiscal, légal ou polyvalent90, chacun requiert un certain type d'information. En ce
qui concerne le cadastre fiscal, c’est un système qui permet d'assurer la gestion des données et
informations nécessaires à l'évaluation des biens fonciers, en vue de la détermination des
taxes foncières ou afférentes au foncier (taxe foncière sur les propriétés bâties et non bâties,
taxes d'habitation, taxes sur les mutations domaniales, certaines taxes liées aux activités,
comme la patente...). L'information requise porte sur les éléments permettant d'apprécier la
89
Selon l’article 203 de la loi portant RAF, « la documentation cadastrale est composée de la matrice cadastrale
qui énumère les parcelles appartenant à chaque propriétaire ou groupe de propriétaires dans la commune, les
états de section qui donnent les renseignements sur chaque parcelle et constituent à cet effet une sorte de
répertoire permettant la consultation du plan, et le plan cadastral à proprement parler qui est une carte à
grande échelle ».
90
C’est l’article 199 de la loi portant RAF, qui reconnait ces trois fonctions au cadastre : la fonction fiscale, la
fonction technique qui permet justement l'identification de la propriété et ses attributs techniques notamment les
coordonnées des limites, la surface, et les constructions ou la nature des cultures existantes ; et enfin la fonction
juridique par l'attestation des droits d'occupation en ce qui concerne les limites et les contenances des propriétés
foncières.
Voir, « Etude diagnostique pour la modernisation des secteurs du cadastre et des domaines », Banque Africaine
de Développement, Fonds africain de développement, Cameroun, Département régional centre, (ORCE)
Novembre 2009,65p. Cf. également Alain Durand-LASSERVE, « Conditions de mise en place des systèmes
d'information foncière dans les villes d'Afrique sub-saharienne francophone », publié pour le Programme de
gestion urbaine, Banque mondiale, Washington, D.C. 1994, p21.
49
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
91
Art.199 de la loi de juillet 2012 portant Réorganisation Agraire et Foncière.
50
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
que son contenu permet aux personnes physiques ou morales de détenir les informations
exactes sur leurs propriétés, mais surtout à la collectivité de disposer d’une base de données
solides sur ses terres afin de prendre les dispositions qui conviennent, notamment fiscales et
managériales. Pour ce qui est de sa mise en place dans toutes les Collectivités territoriales,
toutes les personnes ressources sont mises à contribution et le législateur oblige les services
de l’Etat ou des CT et toute personne, physique ou morale de droit privé ou public, de fournir
toutes documentations et informations en leur possession. En réalité, si le législateur oblige la
mise sur pied d’un cadastre dans toutes les Collectivités territoriales, c’est qu’il en a toujours
été absent dans ces administrations, mais nous y reviendrons amplement dans la deuxième
partie de notre réflexion. Quid des systèmes d’information foncière prévus par le législateur ?
92
Alain Durand-LASSERVE, « Conditions de mise en place des systèmes d'information foncière dans les
villes d’Afrique sub-saharienne francophone », Publié pour le Programme de gestion urbaine, Banque mondiale,
Washington, D.C. 1994, p 20.
51
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
A l’analyse, nous nous rendons compte qu’effectivement les SIF poursuivent presque
les mêmes objectifs qu’un cadastre c'est-à-dire assurer des ressources fiscales aux collectivités
locales, garantir les droits sur le sol et assurer l'aménagement et l'équipement des villes. Ainsi,
le fait de recenser, identifier et décrire les terrains et les immeubles, constater leur mise en
valeur, désigner leurs propriétaires sont les conditions préalables à la mise en place d'une
fiscalité foncière. Cette dernière constitue le plus souvent, avec la taxation des activités
économiques, l'une des principales sources de revenus pour les collectivités locales. Le
deuxième objectif des SIF est d’assurer la garantie des droits par la sécurité de la tenure mais
aussi et surtout par le développement d'un système de financement sur hypothèque pour les
ménages et les entreprises. L'immatriculation et l'existence de procédures de publication93 et
de conservation permettent d'accéder à l'information foncière, d'assurer et de garantir sa mise
à jour.
Le troisième objectif d’outil au service de l’aménagement urbain se justifie par le fait que la
programmation et l'exécution des opérations d'aménagement, d'équipement, de logement, etc.
suppose une connaissance minimale des structures foncières et du statut du sol, de la
configuration du parcellaire existant, de sa mise en valeur et de son occupation.
Dans le même ordre d’idées, les SIF sont susceptibles de contribuer à l'identification des
usagers des services urbains. Ils constituent ainsi un élément central dans la mise en œuvre
d'une politique parafiscale et tarifaire visant à recouvrer les coûts des équipements et des
services. Au Burkina Faso, les modalités de la mise en place de ces SIF doivent être précisées
par décret pris en Conseil des ministres, décret qui se fait toujours attendre, plus de deux ans
après l’adoption de la dernière loi foncière. En tout état de cause, dans un pays ou de plus en
plus, l’accaparement indu des terres tant urbaines que rurales tend à se généraliser, tous les
moyens et outils de gestion performante doivent être déployés pour contrôler et réguler ce
nouveau marché foncier, qui fait des mécontents dans les zones rurales, particulièrement avec
les grands investisseurs privés agricoles, pompeusement appelés agro businessmen.
93
Parlant des procédures de publication, nous notons la publicité foncière qui est prévue dans la législation
foncière du Burkina Faso comme un outil de communication sur le foncier et qui permet au grand nombre,
surtout aux propriétaires comme aux tiers d’avoir l’information foncière, même si après tout son défaut ou
absence n’entache en rien les droits de propriété ou de jouissance des titulaires sur les dépendances du domaine
foncier local. La publicité foncière est très importante puisse qu’elle permet d'informer l'Etat, les collectivités
territoriales et les particuliers à tout moment sur leur situation immobilière et sur celle de toute personne
physique ou morale. En outre, elle permet d'informer les parties et plus généralement, toute personne intéressée
sur l'état des droits réels immobiliers de leurs contractants ou de leurs débiteurs et vise enfin à garantir le
titulaire contre des actes ou faits frauduleux ou dolosifs.
52
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
53
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
Les collectivités territoriales au Burkina Faso, bien que titulaires d’un vaste
domaine foncier n’ont pas su toujours trouver les voies et moyens pour sa gestion rationnelle
et bénéfique pour tous. La gestion est l’action d’administrer, de diriger ou de coordonner
quelque chose, elle s’entend de la science qui permet de déterminer la meilleure combinaison
pour réaliser les meilleurs rendements possibles, la plus grande productivité des moyens
matériels et ce, au moyen d’une bonne administration et valorisation de la ressource sol. Les
collectivités locales burkinabè font face aujourd’hui au défi de la performance tant
administrative que politique, mais surtout économique. Le patrimoine d’une collectivité
territoriale pouvant refléter l'image de santé économique de cette dernière, on ne peut en
même temps qu’approuver l'idée selon laquelle le patrimoine constitue un facteur dynamisant
du développement économique des collectivités de base. Les nombreux cas de mauvaise
gestion de nos Collectivités, dont la presse et les acteurs de la société civile ont régulièrement
dénoncé, révèlent de sérieuses insuffisances dans la gestion des ressources foncières. Les
implications de cette situation sont généralement préjudiciables tant pour les collectivités
territoriales elles-mêmes que pour l’ensemble de la société, du fait de la sensibilité de la
question foncière ; imposant du même coup la recherche de solutions satisfaisantes. Les
diverses insuffisances liées à la gestion du domaine foncier des collectivités méritent dans
cette deuxième partie, une analyse approfondie (Chapitre 1er) ; il en est de même des
implications de cette gestion déficiente du domaine foncier local et des défis à relever
(Chapitre 2ème).
54
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
Chapitre 1er: Les insuffisances dans la gestion du domaine foncier des collectivités
territoriales
Les collectivités territoriales burkinabè dans leur grande majorité traversent des
difficultés qui constituent des obstacles à une gestion saine et dynamique du patrimoine
foncier local. Certaines insuffisances sont propres à elles du fait de leur ‘’immaturité’’,
d’autres sont presque communes à toutes les personnes publiques désirant valoriser davantage
leur domaine foncier, plus spécifiquement leur domaine public, soumis à une protection
particulière, rigide. Il est important de s’intéresser dans un premier temps aux lacunes
constatées et vécues par les CT dans la gestion de leur domaine foncier (Section 1ère) avant de
voir les autres facteurs contraignants, non moins importants liés à la gestion du domaine
foncier des collectivités locales (Section 2ème).
Section 1ère : Les lacunes dans la gestion des collectivités de leur domaine foncier
La gestion du domaine foncier comme pour toute gestion d’ailleurs, requiert des
instruments fiables, des moyens matériels et surtout humains. L’absence de certains
instruments presqu’indispensables et de ressources humaines bien qualifiées, semble être la
source principale des multiples désagréments constatés depuis, dans ce domaine. Il est vrai
que les communes et régions au Burkina Faso sont assez jeunes, ce qui peut expliquer
raisonnablement certaines failles dans la gestion des ressources foncières, mais certaines
pratiques répréhensibles sont imputables à la mauvaise qualité des ressources humaines qui
animent la vie de ces collectivités publiques. C’est eu égard à cet état de fait que sera analysée
dans un (Paragraphe 2ème), la gestion inefficace du domaine foncier local. Mais avant, il
importe de s’intéresser à la maitrise insuffisante de ce domaine foncier local (Paragraphe
1er).
55
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
94
A l’image du Burkina Faso qui vient d’adopter la RAF, version 2012 après celles de 1984, de 1991 et de 1996.
95
Voir Jacques FAYE, « Foncier et décentralisation : l’expérience du Sénégal », 25p, Le Hub Rural, Réussir
la décentralisation, consultable sur le site www.hubrural.org.Voir aussi Pape Mor N’DIAGNE, Chercheur et
spécialiste de la décentralisation, ancien Directeur général de la Décentralisation au Sénégal, dans
« Décentralisation Fiscale », CADDEL, P82.
56
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
La décentralisation du cadastre pourrait faire perdre le contrôle des terres par le pouvoir
central, nous assistons donc de facto à une concentration de cet outil, s’il en existe, entre les
mains des services de l’Etat. Même quand ils sont dits décentralisés, en réalité ces services
sont gérés par les services déconcentrés de l’administration centrale. C’est pourquoi d’ailleurs
nous pouvons comprendre qu’aux derniers ‘’Etats généraux sur les opérations de
lotissements’’, tenus à Ouagadougou les 25 et 26 octobre 2013, les maires en viennent à
demander la possibilité de disposer de leurs propres services cadastraux. En termes de
matériel technique, les services cadastraux peinent à avoir les outils comme les appareils
topographiques, la logistique et surtout des logiciels informatiques performants pour la mise à
jour des données cadastrales. De sorte qu’on pourrait dire que comme la plupart des cadastres
dans nos pays africains, le cadastre national n’échappe pas à la situation de dégradation de ses
données, de vétusté des plans cadastraux et le risque tout simplement est grand, quant à la
perte de ces données. En vérité, ces problèmes ne sont pas propres à quelques pays africains,
encore moins à nos collectivités territoriales qui peinent à trouver tant bien que mal leurs
marques. Cette situation résulte de la négligence qu’ont faite preuve la plupart des pays
africains dans l’administration foncière. Comme le résume si bien le Professeur Okoth
OGENDO, « les systèmes d’administration foncière africains sont généralement incapables
de remplir les missions pour lesquelles ils ont été conçus. Ils ont même plutôt eu tendance à
les pervertir. Ces systèmes sont précisément souvent la cause d’une grave insécurité en
matière de droits foncier, à la suite, entre autres, d’un manque d’archivage convenable,
d’imprécisions persistantes des informations ayant trait à l’enregistrement foncier, »96.
Cet état des choses engendre pour beaucoup de collectivités territoriales burkinabè, une
grande méconnaissance de la situation juridique de plusieurs de leurs propriétés domaniales et
foncières.
96
H.W. Okoth. OGENDO, « L’administration foncière : le facteur négligé dans la réforme foncière en
Afrique », P6.
57
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
ses propriétés en 200697, n’est pas toujours en mesure d’avoir de chiffres précis, fiables et
actuels. Nous avons déjà évoqué un peu plus haut la possibilité de confusion importante entre
les ressources foncières appartenant aux communes et celles appartenant aux régions, parce
que partageant administrativement les mêmes espaces terriens. En réalité, rares sont les
communes qui disposent d’informations justes et vérifiables sur leur nomenclature foncière.
Cela semble être le corollaire direct de l’absence du fichier cadastral fiable. Cette situation
peut se comprendre par le fait, qu’à la manière de l’Etat qui avait justement abandonné la
pratique de la tenue des sommiers de consistance du colonisateur, (sommiers qui permettaient
de recenser toutes les appartenances de l’Etat), les collectivités territoriales, à travers leurs
responsables se sont plus préoccupées du comment profiter des terres, (notamment urbaines à
travers les lotissements), que de leur inventaire aux fins d’une gestion profitable pour tous. En
effet, qui peut bien gérer un domaine, dont il n’a connaissance ni de la taille, ni même de son
existence juridique ; nous parlons notamment de l’immatriculation. Or, le fait de disposer
pour les collectivités locales d’informations sur leur domaine foncier immobilier à travers un
inventaire fiable98 est une obligation juridique. En effet, l’article 99 du décret n°2006 - 204
/PRES/PM/MFB/MATD du 15 mai 2006 portant régime financier et comptable des
collectivités territoriales du Burkina Faso impose à ces dernières (plus précisément à
l’ordonnateur), de disposer d’un état annuel fiable de leurs ressources foncières et ce, dans le
cadre de la comptabilité matière. Il est vrai que ce texte semble récent, « mais le principe
même de l'inventaire existait dans l'ancien régime financier des collectivités territoriales au
Burkina Faso »99. L’importance de l’inventaire réglementaire du patrimoine est qu’il peut
permettre la connaissance des quantités (unités, mètres carrés), des valeurs comptables mais
97
L’inventaire général des biens immobiliers de l’Etat a été effectué en 2006 et complété en 2008 par d’autres
inventaires, notamment celui sur les possessions mobilières mais d’autres actions de recensement sont encore en
cours pour avoirs de chiffres probants sur les propriétés immobilières et mobilières de l’Etat. Cf.www.mef.bf
98
Il faut toutefois noter que cette lacune dans la gestion n’est pas seulement du fait des collectivités africaines,
même leurs consœurs du Nord n’en sont pas épargnées. En témoigne le rapport de la Commission Secteur
Public, Lyon Place Financière et Tertiaire en France, « La gestion dynamique du patrimoine des collectivités
locales » juin 2008, 102p, où il est clairement établi que la majorité des CL françaises n’ont que des
connaissances fragmentaires sur l’étendue de leur domaine foncier et ne disposeraient qu’ « un inventaire
comptable déconnecté des caractéristiques physiques des biens et de leur valeur économique. Un tel inventaire
est évidemment insuffisant lorsqu’il s’agit de réaliser des arbitrages de gestion. En outre, il est rare que cet
inventaire fasse l’objet d’une actualisation régulière. Et à cela s’ajoute un suivi imparfait des contrats et
conventions d’occupation du domaine privé ou public ainsi que des acquisitions et cessions. Il en résulte une
connaissance non exhaustive du patrimoine local et de ses occupants. Une mauvaise connaissance qui cache le
plus souvent une utilisation subie ou non optimisée des biens locaux ».
99
OUEDRAOGO NOUFOU, « La décentralisation et la gestion du domaine public au Burkina Faso »,
Mémoire de fin de cycle A, ENAREF Ouagadougou, 2007 ; Dans la catégorie: Droit et Sciences Politiques,
Droit Fiscal, P44.
58
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
aussi des utilisateurs. Les collectivités territoriales burkinabè devraient donc faire de
l'inventaire un outil essentiel de gestion100.
En outre, un autre constat est que certaines des collectivités locales au Burkina Faso
ignorent complètement la situation juridique de biens domaniaux censés pourtant les
appartenir. C’est le cas de la commune de Koudougou101, dans la région du centre-ouest qui,
selon une étude commanditée par Impact Plus en 2012, un bureau d’études intervenant sur les
questions foncières au Burkina Faso, montre qu'elle a un certain nombre d'immeubles censés
lui appartenir, et dont elle ne dispose pourtant d’aucun titre, sans oublier qu’elle semble avoir
sur certains biens une copropriété avec la province, circonscription administrative. Il est vrai
que le domaine foncier provincial, dans la plupart des cas échoit à la région, collectivité
locale, mais la confusion entre le domaine foncier communal et le domaine foncier régional
reste prégnante, pour des raisons déjà évoquées. Une clarification de la situation juridique des
biens s'impose donc. Avec les nouveaux textes fonciers et domaniaux de 2009 et 2012102, on
pourrait espérer que cette confusion prenne fin et que les collectivités territoriales prennent
effectivement conscience de l’obligation pour elles, de disposer d’un recueil fiable de leurs
propriétés foncières, mais aussi que l’Etat et les autres acteurs les accompagnent dans ce
processus. En attendant cette prise de conscience des différents acteurs par rapport à la
maitrise effective et efficiente du domaine foncier, d’autres aspects moins reluisants de la
gestion locale méritent une analyse.
100
OUEDRAOGO N. opt. cite, p45.
101
Et nous sommes certains qu’il n’y a pas que Koudougou qui vit cette situation mais beaucoup d’entre les CL.
102
Nous parlons précisément des lois sur le régime foncier rural et de celle portant RAF.
59
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
gestion du foncier local. Il en est dans ce même registre, des insuffisances constatées quant à
la mise sur pied des services sociaux, concomitants aux aménagements urbains (B).
L’une des difficultés que rencontrent les collectivités territoriales dans la gestion
de leur domaine foncier en Afrique est sans nul doute la spéculation foncière.
L'expression spéculation foncière désigne toutes les formes de spéculations103 relatives à un
fonds de terre, à son exploitation ou à son imposition104. Le constat dans nos collectivités est
tout simplement rebutant et laisse perplexe tout observateur du marché foncier local, urbain
comme rural. En effet, les différentes pressions sociales constatées ces dernières années, la
démographie galopante dans les villes, facilitée en partie par l’exode rural, la ruée vers les
régions minières ou vers les terres agricoles plus fertiles etc., ont eu raison d’un espace
foncier de plus en plus indisponible. Il faut dire que les besoins en terrains à bâtir dans les
villes ont poussé bon nombre de néo-citadins ou de citadins dans une spéculation foncière
effrénée. Nous savons que sous le régime foncier coutumier, sous forme d’usufruit, la terre
n’avait qu’une valeur symbolique, et tout demandeur se la faisait octroyer par le chef de terre
contre un simple cadeau. De nos jours, la pression foncière, urbaine notamment, mais pas
seulement, a rendu les usufruitiers et même les respectables chefs de terre105, de véritables
spéculateurs de la terre « sacrée » d’antan.
Que dire des responsables politiques locaux et même des agents de l’administration publique?
Les maires au Burkina Faso sont régulièrement indexés et mis en cause dans de nombreuses
opérations de lotissement. En effet, les opérations de lotissement ne sont pas toujours faites
pour répondre à un besoin pressant de parcelles d’habitation. En d’autres termes, la pression
n’est pas très généralement, telle qu’il faut conduire une opération de lotissement pour
103
C’est « l'activité consistant à tirer profit par anticipation de l'évolution à court, moyen ou long terme du
niveau général des prix ou d'un prix particulier en vue d'en retirer une plus-value ou un bénéfice. La hausse des
valeurs notamment sur le marché à terme se prête bien à la spéculation » cf. Lexique DALLOZ Economie, Paris
1995
104
Et cela quand des agences immobilières ou foncières, des banques ou simplement des propriétaires fonciers
(mais aussi les acheteurs de foncier) cherchent à tirer des avantages financiers, fiscaux et/ou politiques de leur
propriété foncière, d'un bien immobilier existant, ou potentiellement existant.
105
Les chefs de terre sont ces dignitaires traditionnels, qui, dans la gestion des terres rurales sont les dépositaires
des connaissances et coutumes consacrées. Ils procèdent généralement aux sacrifices nécessaires aux ancêtres et
leurs avis sont toujours prépondérants dans toutes les transactions foncières (dons et prêts notamment). Ils ne
dépendent pas du chef du village mais tirent leur légitimité de leurs connaissances des traditions qui se
transmettent héréditairement.
60
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
satisfaire des demandes en question, d’autant plus que les exigences en matière
d’aménagement urbain sont importantes pour les collectivités. En réalité, les opérations de
lotissements sont devenues une source d’enrichissement personnel pour certains individus, en
premier lieu les maires. L’appât du gain les conduit très généralement à procéder à des
lotissements irréguliers, c'est-à-dire soit sans autorisation légale préalable, soit dépasser les
surfaces consenties à aménager. Aussi, avec la complicité de certains agents de
l’administration publique ou privée, en quête aussi de gain facile et en violation des textes
règlementaires, certains exécutifs locaux n’hésitent pas à susciter des lotissements, allant
jusqu’à rencontrer la diaspora à l’étranger pour lui proposer de soutenir l’opération, sur le
plan financier et de souscrire pour des lots de terre. Que dire des doubles attributions de
parcelles, de retraits abusifs aussi, du déclassement dans les grandes agglomérations
d’espaces verts et même de réserves foncières administratives, et leur transformation en
parcelles d'habitation ou de commerce. L'argent issu de ces ventes va bien sûr dans les poches
des maires et leurs acolytes. Et en termes d’acolytes, ils sont nombreux, allant de simples
agents publics aux plus hautes autorités politiques de l’Etat. Il faut dire que l’autre aspect de
ces scandales à répétition autour des lotissements urbains et des terres rurales, c’est d’une part
la ‘’politique politicienne’’ qui entoure ces lotissements, notamment de la volonté de certains
hommes politiques, de se former une base électorale, et d’autre part c’est la protection, (du
moins implicite), dont jouissent les acteurs de cette besogne non glorifiante. La spéculation
est amplifiée par le fait donc que le clientélisme politique, le favoritisme semble être la règle
et la justice ne semble pas non plus sanctionner les violations du droit. Par exemple,
l’appartenance à un parti politique, généralement le parti au pouvoir peut faciliter l’acquisition
d’une parcelle et certains maires vont jusqu’à en attribuer à des responsables politiques qui
n’ont même pas demandé de parcelles106. Dans ces conditions, on ne s’étonne pas que les
conflits fonciers vont, en augmentant ; les tensions entre les populations et les maires aussi107.
Mais ceci n’est que la face immergée de l’iceberg, pourrait on tenter de dire, car en milieu
rural, les mêmes pratiques ont cours et des ministres de la République, des Directeurs
généraux, des présidents d’institutions, des grands commis de l’Etat, ou de simples opérateurs
106
In Mutations, un bimensuel burkinabè, Spéculation foncière : Le mensonge des maires, Publication du 5
janvier 2014.
107
A titre d’illustration, en 2011, les maires de Koudougou, de Koubri, des arrondissements de Boulmiougou et
de Bogodogo ont été épinglés pour fraudes dans les opérations de lotissements et mauvaise gestion. Ceux de
Koubri et de Boulmiougou ont même été révoqués par l’autorité avec des poursuites judiciaires.
61
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
économiques disposent de vastes propriétés, des fermes, dans la partie sud, est et ouest du
pays, obtenues auprès des paysans, souvent par de simples promesses108.
Dans une récente étude menée par Jade Production en septembre 2012 dans la partie sud du
pays, il est ressorti que beaucoup de paysans sont désemparés suite à l’accaparement de leurs
terres par les nouveaux acteurs agricoles, venus faire l’expérience de l’agrobusiness, cette
nouvelle politique encouragée par l’Etat pour augmenter la production agricole109. Et dans
cette course effrénée à l'accaparement des terres, les collectivités territoriales dans leur
ensemble n’y peuvent rien, les maires, les agents de l’environnement sont soumis, malgré eux
à des pressions immenses pour diverses formalités d’appropriation de la terre. Il faut craindre
certaines situations dramatiques dues à cette spéculation, elle-même consécutive de ce saut
dans l’inconnu qu’est la politique d’agrobusiness encouragée par les pouvoirs publics.
Enfin, cette spéculation est accentuée par le fait que lors des opérations de lotissements,
les propriétaires terriens, les chefs de village ou de terre se montrent très exigeants et
‘’n’hésitent plus à pousser le bouchon trop loin’’. En effet, ils revendiquent très souvent des
compensations en parcelles pour la perte de leurs terres de culture. Des exigences démesurées
qui sont parfois à l’origine des manques à gagner lors du processus d’attribution des parcelles
dégagées.
108
Ces derniers ne deviennent parfois que de simples ouvriers agricoles sur leurs propres terres, ce qui les plonge
dans une véritable impasse.
109
Il faut dire qu’au Burkina Faso, le développement de ce processus de concentration des terres rurales entre les
mains d’entrepreneurs ruraux est la conséquence d’une politique agricole qui remonte à une quinzaine d’années.
Déjà, SALIF Diallo, ministre de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources halieutiques, dans une
interview accordée au journal ‘Le Pays’ le 18 juillet 2002, déclarait : « Nous sommes dans un monde capitaliste.
C’est quand notre agriculture emploiera peut-être 5 ou 15% de la population pour produire pour l’ensemble du
pays que nous aurons réussi notre mutation », Avant d’ajouter ces mots, qui choquèrent plus d’un, en son temps
: « Ces exploitations familiales dont on parle aujourd’hui, toutes regroupées, ne produisent pas plus que deux ou
trois fermiers européens ou américains. Le paysannat, c’est bien beau, mais il lui faut une autre dimension, celle
de l’entreprenariat agricole pour aller de l’avant. » La suite, on la connait, la course effrénée aux terres rurales
est ainsi lancée, sans véritable préparation, sans aucun encadrement.
62
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
La loi portant réorganisation agraire et foncière de 1996 prescrivait que les « zones
urbaines à aménager sont déterminées par le schéma directeur d'aménagement et
d'urbanisme. Les différents types d'interventions à mener sont : le lotissement, la
restructuration, le remembrement, la rénovation et la restauration. » Les instruments
d’aménagements sont le schéma national, les schémas régionaux, provinciaux d'aménagement
du territoire et les schémas directeurs d'aménagement. A ces outils d’aménagement, la
dernière RAF, s’inspirant des concepts de développement durable (le principe de conservation
de la diversité biologique et le principe de la conservation des eaux et des sols) parle
maintenant des schémas national, régional, provincial et directeur d’aménagement et de
développement durable du territoire. Normalement toute collectivité doit donc disposer d’un
Schéma Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme (SDAU) et d’un Plan d’Occupation des
Sols (POS)110. Le Schéma Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme (SDAU) est un
instrument qui permet aux collectivités urbaines de planifier la croissance de la ville111.
Quant au POS, c’est l’outil qui détermine l’affectation du sol selon l’usage principal et fixe la
règlementation selon les affectations. Malheureusement la plupart des communes ne disposent
pas de ces instruments d’aménagement urbain et même celles qui en disposent, à l’image des
deux plus grandes villes (Ouagadougou et Bobo-Dioulasso) ne les appliquent pas
convenablement. L’expansion démographique et territoriale des collectivités locales dépasse
très largement la capacité de bien d’autorités à faire face à ses conséquences. Le problème,
selon M. Roger NAMA, « c’est que la plupart des autorités (centrales comme locales)
impliquées dans l’aménagement urbain pensent que développer une ville c’est l’étendre en
longueur, même si les conditions de vie (notamment un logement décent avec toutes les
commodités, une circulation routière fluide, l’emploi pour le grand nombre, l’éducation et la
santé accessibles, etc.) y deviennent difficiles »112. C’est pourquoi il faut arrêter ce gâchis
foncier, (qui sonne en réalité comme un aveu de la mauvaise gouvernance urbaine au sein de
nos CL), par la mise en application véritable des SDAU et la mise à disposition de ces
instruments aux collectivités qui en sont privées. Aujourd’hui, il semble plus que jamais
110
La loi 2006 portant Code de l’urbanisme et de la construction à son article 18 indique que « … toutes les
communes rurales sont tenues de disposer d’un plan d’occupation des sols conforme aux schémas provincial,
régional et national d’aménagement du territoire »
111
Il renforce en effet les fonctions urbaines, projette les infrastructures primaires et les équipements, permet de
maîtriser la croissance de la ville, donc, d’éviter l’étalement urbain, permet de concilier aussi le développement
urbain, économique, et la protection de l’environnement.
112
Roger NAMA, Etas généraux des lotissements au Burkina Faso : «On ne donne plus de parcelles, mais des
logements », In L’Evènement, bimensuel burkinabè, publication du 27 novembre 2013, P5.
63
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
113
Roger NAMA Opt. Cité.
114
Le gouvernement burkinabè s’est engagé avec l’appui financier de la Banque Mondiale de doter toutes les
capitales régionales de SDAU. Ainsi, après le SDAU de la ville de Gaoua, capitale su Sud-ouest présenté le jeudi
22 juillet 2014, c’est autour de Ouahigouya, la capitale du Nord de recevoir le sien le 29 septembre 2014. Bobo-
Dioulasso, la deuxième ville a reçu son deuxième schéma le samedi 18 octobre 2014. La volonté est bien là,
mais encore faut-il qu’il (SDAU) soit effectivement bien appliqué sur le terrain et qu’il n’y ait aucune
compromission quant à son suivi.
64
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
Ces difficultés et insuffisances ne sont pas les seules qui affectent la gestion des
collectivités locales de leur domaine foncier. D’autres contraintes et facteurs qu’on pourrait
qualifier, certaines d’intrinsèques et d’autres d’extrinsèques, viennent gonfler la liste des
préoccupations posées aux Collectivités.
Section 2ème : Les autres difficultés liées à la gestion du domaine foncier local
Sous nos cieux, il n’est pas rare de constater que les institutions et autres structures
de gestion foncière prévues par le législateur, notamment au niveau local ne voient jamais le
jour. Elles sont si souvent coûteuses que l’Etat n’arrive pas à faire face aux charges qui
résulteraient de leur mise en place. C’est le cas au Burkina Faso où la décentralisation depuis
1991 jusqu’en 2006, semblait être un phénomène essentiellement urbain, tant les efforts
fournis sur le terrain et les structures mises en place pour la conduite du processus se
65
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
limitaient sensiblement aux zones urbaines. C’est ainsi que les bureaux domaniaux115 et les
autres commissions d’attribution, de constat de mise en valeur et de retrait des terres ont plus
ou moins bien fonctionné dans les communes urbaines. Même si certaines actions de ces
commissions (présidée généralement par les maires) révèlent une gestion plutôt opaque de la
chose foncière. Pour ce qui concerne les communes rurales, cinq ans après l’adoption de la loi
sur le régime foncier rural, le bilan est mitigé quant à son effectivité, spécifiquement sur le
fonctionnement effectif des institutions de gestion et de sécurisation foncière prévues. Nous
retenons néanmoins quelques réalisations, parmi lesquelles les efforts faits pour le
déploiement du cadastre sur l’ensemble du territoire national116. Aussi, l’ Agence nationale
des terres rurales (ANTR), définie comme « un organisme public spécialisé chargé de la
constitution, de l’aménagement et de la gestion des terres du domaine foncier rural de l’Etat,
fait l’objet de textes préparatoires à son opérationnalisation »117. En dehors de ces
réalisations, les structures communales et villageoises de gestion et de sécurisation foncière
ne sont que partiellement mises en place. En effet, les Services Fonciers Ruraux (SFR) qui
sont présentés comme le bras technique des communes en matière foncière ne sont
fonctionnels que dans les 17 communes pilotes qui bénéficient du projet de sécurisation
foncière du MCA. Il en est de même de la Commission Foncière Villageoise (CFV) qui est
une autre structure de gestion de proximité prévue par la loi. En effet, la loi portant régime
foncier rural dispose en son article 81 qu’ « il est créé dans chaque village, sous l’égide du
Conseil villageois de développement, une sous-commission spécialisée chargée des questions
foncières, dénommée commission foncière villageoise... ». Les registres fonciers ruraux et les
chartes foncières locales118 ne sont également opérationnels, que dans les communes
115
Il y’a lieu de signifier que les bureaux domaniaux sont présents et fonctionnels dans les chefs-lieux des 45
provinces que compte le pays.
116
ZERBO ISSAKA, rapport final de la Direction générale de la promotion de l’économie rurale, « Accès à la
terre et régime foncier » élaborée avec l’appui de la GIZ/PDA, juillet 2013, p7.
117
Opt. Cité. Le rôle de l’ANTR est de recenser, faire délimiter et immatriculer les terres rurales de l’Etat et de
promouvoir leur aménagement. Il peut intervenir au profit des collectivités territoriales à leur demande.
118
Les chartes foncières locales, sont cette trouvaille du législateur burkinabè, qui, dans un souci d’efficacité de
la loi, permet aux communautés à la base de préciser et d’adapter la législation nationale à leur milieu spécifique,
et ce, en suivant un certain nombre de conditions. Ainsi l’article 11 de la loi portant régime foncier rural dispose
que « dans les conditions ci-dessous définies, les dispositions de la présente loi peuvent être précisées et/ou
adaptées aux particularités du milieu rural et à la spécificité des besoins locaux, à travers l’élaboration de
chartes foncières locales ». L’article 12 précise que les collectivités locales doivent contribuer à l’application
effective de la présente loi, en favorisant la responsabilisation des populations locales dans la gestion des
ressources naturelles de leurs terroirs.
Quant à leur contenu, il est précisé qu’elles « déterminent au niveau local, les règles particulières relatives :
au respect des usages locaux positifs liés à l’accès et à l’utilisation de la terre rurale; au respect et à la
préservation d’espèces végétales, animales, fauniques et halieutiques particulières sur des espaces
66
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
déterminés….. » Elles ne peuvent toutefois déroger aux prescriptions de la présente loi et des autres textes en
vigueur. Elles doivent être élaborées dans le respect des droits humains, de l’ordre public et des bonnes mœurs.
119
Le comité national de sécurisation foncière en milieu rural est une instance de concertation, de suivi et
d’évaluation de la mise en œuvre de la loi et de la politique sur le foncier rural.
120
Voir Dr Saidou SANOU, « La Construction d’institutions locales légitimes de gestion foncière en milieu
rural au Burkina Faso : assiste-t-on à une esquive des enjeux de pouvoirs et une méprise du jeu des acteurs »?
juin 2008, P2, consultable sur www.graf-bf.org.
67
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
pour ne pas dire inexistant, car n’étant mis en place que dans les seuls chefs-lieux de
provinces, c'est-à-dire dans les 45 communes urbaines, et ne disposent pas des outils
performants de fonctionnement. En rappel, le cadastre burkinabè n’est pas informatisé et cette
absence de systèmes efficace de saisie de la situation foncière des contribuables, constitue un
grand facteur de perte de ressources financières pour l’Etat et les collectivités locales. En
effet, l’administration foncière se retrouve généralement incapable, à la suite des opérations
massives d’attribution de parcelles, de recouvrer les taxes foncières dues par les bénéficiaires.
Ce qui bloque les opérations d’aménagement des parcelles ainsi attribuées121.
En outre la fiabilité des titres émis dépend aussi, en dehors du facteur cadastre, de la
qualification du personnel, et surtout des conditions d’archivage. Dans un entretien paru dans
Fisc-Infos, M. Moussa O. SAWADOGO, Directeur du Cadastre affirme : « Nous sommes
confrontés à certaines difficultés parmi lesquelles le problème de personnel, (...) l’inexistence
de locaux appropriés. Pour un service qui doit conserver les archives cadastrales, il lui faut
une salle adaptée et appropriée pour éviter la détérioration des documents cadastraux »122. Il
est clair qu’en présence d’un personnel défaillant, et des outils presque rudimentaires, on ne
peut garantir l’absence d’immatriculation frauduleuse, d’erreur de bornage, de création de
titres sur d’autres titres, ou de titres fonciers créés sur un domaine public non désaffecté ; tout
cela dans les formes de procédures ou de publicité tronquées. Dans de telles conditions, un
titre foncier peut-il encore bénéficier de la force probante de son caractère inattaquable ?
C’est pourquoi, régulièrement il est fait cas de plusieurs personnes, détentrices d’un titre
foncier valable qui se disputent le même terrain. Les conditions d’archivage quand elles sont
mauvaises rendent donc propices la perte d’informations, une exploitation déficiente et des
manipulations frauduleuses du fait de l’insécurité qui caractérise les conservations.
Aussi, les administrations foncières locales n’échappent pas au mal général des
administrations publiques de façon globale à savoir la routine, les lourdeurs administratives,
la complexité bureaucratique et l’opacité dans la gestion. Le professeur Okoth OGENDO
résume bien cette situation quand il affirme que « …la plupart des systèmes légaux
d’administration foncière sont inaccessibles au public ordinaire en quête de droits fonciers,
au bénéfice duquel ils ont été conçus ou établis. L’opacité de la gestion est à la fois fonction
de l’inaccessibilité, et du fait que la plupart des missions de l’administration foncière sont
généralement enveloppées de secret. Même l’information la plus simple et la plus routinière
121
Hubert M. G. OUEDRAOGO, « Gestion foncière: le facteur oublié des reformes foncières en Afrique »,
p15
122
Un bimestriel de la Direction Générale des Impôts du Burkina Faso, de juillet-août 2009.
68
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
est souvent dissimulée derrière le sceau des dossiers «confidentiel» ou «secret», sans compter
les procédures de transaction, qui sont souvent couchées dans un indéchiffrable jargon
juridique »123. Par ailleurs, un autre aspect de la faible application de la règlementation
domaniale et foncière concerne l’occupation irrégulière des sols par les populations citadines
en violation des textes en vigueur124. La législation foncière est également peu appliquée du
fait des longues procédures et coûteuses qui excluent une catégorie importante de la
population. Mais cette situation semble connaitre un dénouement heureux pour les usagers, du
moins pour les populations et investisseurs potentiels dans les deux grandes villes
(Ouagadougou et Bobo-Dioulasso), par la mise en place d’un Guichet unique sur le foncier
(GUF), chargé de faciliter l’entrée et la sortie (en un même lieu) des dossiers de demande de
titres, et des opérations de sécurisation des terres (délimitation, bornage, immatriculation…).
Avec ce nouveau service, les délais pour se faire délivrer un titre foncier semblent
sensiblement réduits125.
Enfin, l’un des facteurs et probablement le plus important de cette faible application
de la règlementation domaniale et foncière demeure sans conteste la confrontation, entre le
droit positif et les pratiques locales coutumières. En effet, nul n’ignore le poids que le droit
foncier coutumier exerce toujours au Burkina Faso et partout d’ailleurs en Afrique
subsaharienne. Dans certaines circonstances, le droit foncier règlementaire ne s’est même pas
accommodé au régime foncier traditionnel, il a simplement été supplanté. Ceci s’explique
entre autres par le fait que les textes fonciers (législatifs et réglementaires), ont été adoptés
aux indépendances suivant la conception occidentale de gestion foncière, fruit d'un héritage
colonial encore prégnant et surtout d’un mimétisme inapproprié126, sans tenir compte des
123
H.W.O. Okoth OGENDO, « L’Administration foncière : le facteur négligé dans la réforme foncière en
Afrique », Rapport Banque Mondiale, P6.
124
Dans les grandes villes particulièrement, on pourrait dire que certains burkinabè ont vraiment la peau dure. En
effet, malgré la règlementation en vigueur, les services locaux font fréquemment face à des occupations
irrégulières du domaine public local, les déguerpissements sont courants, les frustrations aussi.
125
Le Guichet Unique du Foncier de Ouagadougou est un service situé en amont de la chaîne de traitement des
dossiers relatifs au foncier. Il est chargé de la réception des dossiers de demande de terrains à usage autre que
d’habitation, de titres, et de transfert immobiliers, de la transmission des dossiers aux partenaires opérationnels
pour traitement ou pour avis, du suivie des délais impartis pour le traitement, de la délivrance des titres et actes
aux demandeurs, de l’exécution des évaluations et des constats de mise en valeur des terrains, de la légalisation
des actes liés au foncier et la certification des signatures des requérants.
Selon M. Kassoum TRAORE, Directeur du Guichet Unique du Foncier de Ouagadougou, 18 jours sont
désormais suffisants pour se faire délivrer par exemple un titre foncier comparativement à des mois que l’usager
pouvait avoir comme délais avant.
126
Ce mimétisme juridique est évoqué et dénoncé également par Dr R. Ludovic ALISSOUTIN, lorsqu’il dit,
dans « Les défis du développement local au Sénégal », CODESRIA, 2008, p81 que « Cette influence française
dans les politiques de décentralisation des anciennes colonies est encore perceptible dans le contenu des textes
69
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
qui organisent cette décentralisation ». Citant le Professeur Antony ALLOT, il note que: « Qu’elles aient été
inchangées ou remplacées par une législation adoptée après l’indépendance, les lois en vigueur actuellement
dans les États africains maintenant indépendants, sont la reprise des dispositions antérieures à l’indépendance »
(ALLOT, 1998). La reproduction automatique du système métropolitain est une donnée constante dans la plupart
des États africains. En Afrique subsaharienne, « cette tendance à la reproduction du système français témoigne
de la défaillance de l’inventivité juridique ». Non contents d’avoir construit le système actuel sur les ruines du
système colonial, les États africains, pour la plupart, continuent de s’inspirer du dispositif décentralisé
actuellement en vigueur chez l’ancienne puissance coloniale, se contentant ainsi d’une « décentralisation
importée ».
127
Jean Marie OUATTARA, Spécialiste de l’aménagement du territoire, Magistrat, actuel Directeur Général de
l’Aménagement du Territoire et du Développement Local (ATDL), In le quotidien, « Le pays », n° 3956 du
mardi 18 septembre 2007, page 12.
128
Pr Séni M. OUEDRAOGO, « L’évolution du droit des contrats administratifs au Burkina Faso et au
Sénégal », Revue électronique Afrilex, 2013.p 2.
70
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
De plus en plus, il n’est plus question de gestion du domaine sous le seul angle de la
satisfaction de l’intérêt général. Le domaine public apparait aujourd’hui pour les collectivités
locales propriétaires, une ressource et une source d’enrichissement. Les enjeux économiques
et financiers autour du domaine public sont tellement énormes que les collectivités cherchent
tous les moyens et instruments juridiques pour se soustraire du régime rigide et protecteur qui
l’entourent. En effet, il faut reconnaitre qu’il y’a nécessité de valoriser les propriétés des
personnes publiques, d’une part parce que ces biens doivent générer des ressources
financières, indispensables à l’autonomie financière des Collectivités territoriales, d’autre part
parce que ces mêmes biens ont besoin de rénovation, de reconstruction et de financement,
outre le fait qu’ils peuvent même servir de support à des activités économiques. Cette
nécessité s’est renforcée avec la logique de performance129 qui s’impose de plus en plus aux
collectivités territoriales. Cependant des contraintes, notamment juridiques s’imposent à la
collectivité désireuse de valoriser son domaine public. Dans le cas burkinabè, la tutelle
administrative sur les collectivités constitue un facteur contraignant (A). Il en est également
du régime même de la domanialité publique (B).
129
Cette performance est entendue au sens de la capacité de ces entités décentralisées à satisfaire les besoins
individuels et collectifs des populations dont elles sont en charge, dans les limites des compétences légales et des
moyens budgétaires à leur disposition.
71
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
Au niveau des organes de gestion, les organes étatiques ont la prééminence sur les
organes locaux, qui dans la pratique n’influent pas sur la gestion des terres de productions,
levier du développement économique. Il faut donc reconnaitre que cette prééminence de l’Etat
130
Ainsi, du 17 au 19 juin 2013, une formation initiée par le Ministère de la décentralisation a permis de former
les autorités décentralisées et déconcentrées sur cette notion de tutelle rapprochée, permettant aux Gouverneurs
de régions et les Hauts commissaires des provinces de mieux exercer les dits contrôles, et aux élus locaux
d’assimiler davantage les outils de la performance.
72
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
Mais la tutelle n’est pas le seul obstacle juridique à la gestion dynamique du domaine
foncier local, le régime rigide de la domanialité y est aussi pour quelque chose.
131
Cf., PALENFO (Y), L’impact des conflits fonciers sur les politiques de décentralisation et le développement
local au Burkina-Faso, Mémoire de Maitrise UGB/DGCL, 2013-2014, P14.
73
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
l'utilisation principale est également prohibée132. L’idée est que le souci de valoriser le
domaine public n’entraîne une gestion excessivement patrimoniale et mercantiliste,
conduisant à oublier que l'affectation au public ou au service public doit rester la fonction
première du domaine public. La contrainte tenant à l’affectation du domaine s’articule
particulièrement autour de quelques principes clés, à savoir le principe de continuité du
service public133 et le principe de l’interdiction de la cession à vil prix134. Le Conseil
constitutionnel français a ainsi pu affirmer, et ce de manière constante que « le déclassement
d'un bien appartenant au domaine public ne saurait avoir pour effet, de priver de garanties
légales les exigences constitutionnelles qui résultent de l'existence et de la continuité des
services publics auxquels il reste affecté »135. L’intérêt de cette jurisprudence se comprend
aisément, car elle concourt à la sauvegarde de l’assise immobilière des services publics.
Ensuite, en ce qui concerne la contrainte tenant au régime de la domanialité publique,
il implique un mode exorbitant de protection du domaine public et constitue de ce fait, une
contrainte déterminante pour les collectivités locales dans la valorisation et la bonne
administration foncière qui leur sont imposées. En rappel la domanialité publique renferme
les principes tels que l’inaliénabilité et l’imprescriptibilité du domaine public. L’inaliénabilité
signifie tout simplement qu’un bien est indisponible et qu’il ne peut donc faire l’objet d’aucun
transfert de propriété. Même si la valeur de ce principe fait l’objet d’un débat doctrinal très
avancé et une partie de la doctrine136 demande même sa suppression, il n’empêche que c’est
132
Voir Ph. GODFRIN et M. DEGOFFE, « Droit administratif des biens », Domaine, travaux, expropriation,
9e édition, Sirey, 2009, p.105 et svts.
133
Ce principe joue à cet égard un rôle prépondérant, notamment en ce qui concerne la maîtrise de la sortie des
biens du domaine public, lorsqu’ils sont affectés à un service public.
134
CE, 3 novembre 1997, Commune de Fougerolles, Rec. p. 391 ; CE, 25 novembre 2009, Commune de Mer c/
Pépin et Raoul, n°310208, Rec. p. 472. Ce principe d’incessibilité à vil prix des propriétés publiques, d’origine
jurisprudentielle, rejoint la prohibition plus générale des libéralités pour les personnes publiques, et permet de
garantir que le patrimoine des collectivités n’est pas bradé.
135
Voir Décision n° 2005-513 DC du 14 avril 2005, Loi relative aux aéroports.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 6 avril 2005, par plus de soixante députés, de la loi relative aux
aéroports. Les députés requérants contestaient son article 6, relatif à la société " Aéroports de Paris ", et son
article 9, relatif aux redevances aéroportuaires. Selon ces derniers, le premier de ces articles méconnaissait le
principe de continuité du service public et les deux étaient entachés d'incompétence négative. Le CC répond
qu’il n’en est rien de cela quant à la valeur du principe d’inaliénabilité.
En France, par exemple, le débat a cours depuis une quinzaine d’années ; il porte sur la valeur
136
constitutionnelle ou non de ce principe alors même que la valeur constitutionnelle du droit de propriété ne
souffre d’aucun débat. Certains auteurs pensent que ce principe n’a pas valeur constitutionnelle, et s’appuient sur
deux éléments concomitants : premièrement sur le fait qu’aucune disposition de la Constitution française, ni
aucune décision du Conseil constitutionnel ne l’indique ; deuxièmement sur le fait qu’il y a des décisions du
Conseil constitutionnel où celui-ci va répondre à un argument de requérants, notamment des députés soulevant
ce principe, en retenant la formule «principe qui, selon eux, a valeur constitutionnelle» (le “selon eux”
74
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
un principe qui a su résister au temps et a toujours été repris par les législations nationales
foncières137.
Avec les conséquences138 qu’on sait de ces principes, il apparaît clairement qu'il est difficile
de garantir les investissements sur le domaine public. La technique habituellement utilisée sur
la propriété privée en garantie du crédit, est l'hypothèque (droit réel). Or, aucun droit réel ne
peut être constitué sur le domaine public. L’insécurité juridique qui règne sur les éventuels
investissements économiques sur le domaine public des collectivités locales constitue la
principale contrainte quant à leur valorisation. C’est pourquoi pour limiter les effets de cette
protection du domaine public sur sa valorisation, et vu surtout les enjeux économiques et
financiers des investissements sur le domaine public, le droit français a par exemple trouver
certains instruments juridiques. Il est reconnu ainsi à l’occupant domanial certains droits réels,
droits qui sont « le langage du droit de propriété », selon l’expression du professeur Yves
GAUDEMET139. La loi française du 5 janvier 1988, autorise par ailleurs les collectivités
territoriales à consentir sur leur domaine public des baux emphytéotiques administratifs
(BEA), censés faciliter le financement privé d'équipements publics. Ils doivent décharger
normalement la collectivité territoriale de l'investissement initial, tout en permettant au
cocontractant d'amortir cet investissement en l'autorisant à occuper pendant de très longues
périodes le domaine public qu'il contribue à valoriser. Au Burkina Faso, le bail emphytéotique
soulignerait cette absence de valeur constitutionnelle). Mais d’autres auteurs considèrent que ce principe a
bien indirectement valeur constitutionnelle ; le domaine public est toujours et nécessairement le siège de
l’exercice de libertés publiques ou de services publics, or, l’affectation au service public ou à une liberté
publique est constitutionnellement protégée ; par conséquent, l’inaliénabilité du domaine public est elle aussi
indirectement constitutionnellement protégée. Quant à la jurisprudence, elle en fait état à travers la formule de
principe retenue par le Conseil constitutionnel dans plusieurs décisions, notamment celles des 21 juillet
1994 et 26 juin 2003, qui a plusieurs fois affirmé que «le législateur ne doit pas priver de garantie légale les
exigences constitutionnelles qui résultent de l’existence et de la continuité des services publics auxquels le
domaine public est affecté, ainsi que des droits et libertés à l’usage desquelles il est affecté». La valeur du
principe n’est donc pas tranchée en droit positif.
137
Articles 11 et 21 de la loi portant RAF au Burkina Faso, article L.1311-1du CGPPP français.
138
En rappel, les conséquences principales de ce principe sont que premièrement les aliénations sur les biens du
domaine public sont purement et simplement interdites. La délibération d’un Conseil municipal qui autoriserait
par exemple la vente d’un bien du domaine public serait annulée pour illégalité par le juge administratif de
l’excès de pouvoir. Tout contrat de vente d’un bien du domaine public est réputé nul et de nul effet. La deuxième
conséquence est la précarité de l’occupant du domaine public, de ce fait, ce dernier n’a aucun droit au
renouvellement de son titre lorsque celui-ci arrive à expiration et l’administration a le droit de décider du retrait
de l’autorisation à tout moment. Par ailleurs, il est interdit la constitution d’un droit réel de type privé sur le
domaine public. Les actions possessoires des particuliers, les baux commerciaux et la copropriété sont en
principe aussi interdits. Enfin l’imprescriptibilité du domaine public signifie que celui-ci ne peut pas être acquis
par prescription, c’est-à-dire par possession prolongée.
139
Yves GAUDEMET, « La circulation des propriétés publiques », JCP N, 2006, étude n°1343.
75
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
administratif est reconnu depuis les lois de 1996 aux articles 152 et suivants, et repris à
l’article 182 de la loi de juillet 2012 : « Le bail emphytéotique est un contrat de longue durée
de dix-huit ans au minimum et de quatre- vingt-dix-neuf ans au maximum. Il confère aux
personnes physiques et aux personnes morales de droit public ou privé, un droit de jouissance
sur des terres du domaine privé immobilier de l’Etat ou des collectivités territoriales… ». Le
bail emphytéotique administratif devrait pouvoir faciliter les investissements du secteur privé
sur le domaine des collectivités locales et de façon générale renforcer la collaboration
partenariat public-privé, voulu et encouragé par le législateur de 2004. En effet, le Code
général des collectivités territoriales (CGCT) de 2004 dispose en son article 46 que « les
collectivités territoriales peuvent passer des contrats entre elles ou avec des personnes
physiques ou morales qu'elles soient privées ou publiques pour l'exécution de tâches relevant
de leurs compétences ». Du reste, le code a déjà décrit le cadre de la collaboration entre
collectivités territoriales et secteur privé. Il s'agit des structures de concertation et de
coopération prévues aux articles 134 et suivants dudit code. Malheureusement pour le
moment, ce partenariat n’est pas développé entre les Collectivités territoriales et le secteur
privé burkinabè.
Les différentes contraintes et difficultés, (qu’elles soient intrinsèques ou extrinsèques,
matérielles ou juridiques) que rencontrent les collectivités locales dans la gestion, mieux dans
la gouvernance foncière quotidienne, ne manquent pas d’occasionner de multiples
conséquences et obligent à proposer de solutions. C’est ce à quoi nous nous attèlerons dans ce
dernier chapitre.
Chapitre 2ème : Les implications d’une gestion déficiente du domaine foncier local et les
défis à relever
76
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
Avant de voir les implications sociales de la gestion déficiente du domaine foncier local
(Paragraphe 2ème), il parait intéressant, d’éplucher d’abord, les implications économiques et
financières (Paragraphe 1er).
L’assiette fiscale désigne le montant qui sert de base au calcul d'un impôt ou
d'une taxe. Par exemple, pour l’impôt foncier, l'assiette fiscale est la valeur locative
cadastrale. Au Burkina Faso, comme d’ailleurs dans la plupart des pays francophones
d’Afrique subsaharienne, la fiscalité locale propre s’appuie essentiellement sur les quatre
impôts locaux de base que sont l’impôt sur le foncier bâti, l’impôt sur le foncier non bâti, la
taxe d'habitation et la patente. Or, nous savons que le cadastre joue un rôle prépondérant dans
la gestion de la chaine des impôts fonciers. En effet, l’une des missions fondamentales du
cadastre est la gestion de l’assiette, la liquidation et le contentieux des impôts fonciers.
Comme déjà évoqué plus haut, la Direction du Cadastre au Burkina Faso rencontre de
nombreux problèmes parmi lesquels le manque criard de ressources humaines qualifiées et
d’un matériel performant et adapté. Cette situation de manque a engendré un cadastre
obsolète, à peine visible dans les grandes villes et totalement absent du monde rural. La
conséquence est que le territoire national n’est pas cadastré. Il n’y a pas de plan cadastral au
Burkina où figure commune par commune, ou région par région chaque parcelle de terrain,
faisant l’objet d’une occupation et d’une mise en valeur140. Les conséquences de l’inexistence
de plan cadastral pour les collectivités locales sont d’une part les mauvais aménagements
140
Ce qui explique en partie les récurrents problèmes liés aux limites territoriales entre collectivités locales,
puisque leurs territoires qui constituent les unités d’action du cadastre ne sont même pas délimités pour faire
l’objet de plan de base.
77
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
fonciers et urbains, d’autre part la faiblesse de l’assiette des impôts fonciers, leur
recouvrement limité ainsi que leur manque d’équité.
Un autre aspect qui induit la défaillance de l’assiette fiscale locale est la non maîtrise
du fichier des occupants du domaine public local c'est-à-dire les occupations autres que les
besoins de service public, celles faites par des personnes privées en vue d'y exercer des
activités marchandes. Les collectivités territoriales ne sont pas en mesure de fournir des
informations précises et exactes sur les occupants de leur domaine public. Pourtant la maîtrise
d’un tel fichier pourrait améliorer à coup sûr le taux de recouvrement des impôts dus.
Mais cette situation se comprend par le fait que l’on vit une certaine dissymétrie du
niveau d'information sur les finances publiques locales entre l’Etat et les collectivités
territoriales, comme cela se vérifie d’ailleurs dans d’autres pays africains. En effet, selon M.
Pape Mor N’DIAGNE, le dialogue sur le partage des ressources financières est inégal dans
nos pays parce que l'Etat a l'information sur le montant du produit de la plupart des impôts,
alors que les collectivités locales ne l'ont pas. Ceci vient en premier lieu, selon ce dernier, de
ce que la décentralisation de certains impôts au niveau local n'a pas impliqué la maîtrise de
l'information les concernant par les collectivités locales, loin s'en faut. C’est pourquoi dans
beaucoup de pays, notamment francophones d'Afrique, « la chaîne fiscale reste encore
l'affaire des services déconcentrés et centraux de l'Etat. De ce point de vue les collectivités
locales sont des acteurs passifs des différentes étapes allant des travaux d'assiette au
recouvrement, en passant par l'émission des rôles. Or, l'on sait que les services fiscaux de
l'Etat sont surtout mobilisés pour faire rentrer les impôts d'Etat »141, regrette-t-il.
Aussi, les systèmes d'information à mettre en place pour collecter ces impôts locaux
étant complexes à concevoir et à maintenir, ajouté à la réalité de l'application du principe de
l'unicité de caisse, poussent l'Etat à maîtriser de bout en bout l'information sur la fiscalité. Les
collectivités locales n'ont que très rarement les outils et l'expertise nécessaires en cette
matière. En raison de ces défaillances dans la collecte des statistiques au niveau des
collectivités locales et autres démembrements de l’Etat, les données statistiques disponibles
en matière fiscale se limitent fréquemment aux seules recettes publiques centrales.
Tout ceci fait qu’une grande proportion des propriétés bâties et non bâties échappent à
l’imposition parce qu’elles ne sont pas correctement identifiées142. C’est en cela qu’une bonne
141
Pape Mor N’DIAGNE, Chercheur et spécialiste de la décentralisation, ancien Directeur général de la
Décentralisation au Sénégal, « Décentralisation Fiscale », CADDEL, P82.
142
Voir sur ce point, Moussa ZAKI, « les entraves à l’autonomie financière des collectivités locales au
Sénégal », Revue électronique Afrilex, 2012, 32p.
78
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
143
N. OUEDRAOGO, La décentralisation et la gestion du domaine public au Burkina Faso déjà cité.
79
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
collectivités locales au Burkina Faso n’ont pas une maitrise suffisante de la situation de leur
domaine foncier. Elles ont une connaissance fragmentaire et limitée de ces ressources, et ce
pour plusieurs facteurs, déjà rappelés. Cette connaissance lacunaire du patrimoine foncier
local ne permet pas de dégager des marges de manœuvre, aux fins d’augmenter la capacité
financière et d’investissement des collectivités. Or une gestion non dynamique, purement
administrative, aura plutôt tendance à grever les finances locales, par le fait notamment
qu’elle pourrait entrainer la CL à conserver des biens inutiles, qui devront néanmoins être
chèrement entretenus. Même si, encore une fois, la remarque est que les collectivités, en
matière de gestion patrimoniale foncière, ne doivent pas être forcément motivées par des
considérations économiques et financières, ce qui les empêchera bien souvent d’optimiser leur
budget.
80
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
144
Voir, http://www.inter-reseaux.org/IMG/pdf/GdS57-final.pdf, Aurore MANSON et Cécile BROUTIN,
« Quelles politiques foncières en Afrique subsaharienne ? Défis, acteurs et initiatives contemporaines », P 5.
Voir aussi « Le foncier, un enjeu crucial aux multiples dimensions » paru en janvier 2012 dans la revue Grain de
sel numéro, produite en partenariat entre le CTFD, le Hub rural et Inter-Réseaux, toujours sur le même site
internet, Page consultée le 15 octobre 2014.
145
Les problèmes sur le foncier étant transversaux, voir sur ce point, pour une étude comparée avec la situation
au Sénégal, Ibrahima DIALLO, « Le droit des collectivités locales au Sénégal », L’Harmatan, 2007, p320 et
svts. Voir aussi, SAMBA TRAORE et A. KA., «Etude sur la gestion alternative des conflits dans la zone
sylvopastorale du Sud-Ferlo » PRASET, PAPF, PAPEL, 1996 ou enfin, Etienne LEROY, « L’émergence d’un
droit foncier local au Sénégal » in Dynamiques et finalités des droits africains. Paris : Économica, Recherches,
Panthéon Sorbonne, Série Sciences Juridiques, p. 575
146
De plus en plus, les terres au Burkina Faso, comme partout d’ailleurs en Afrique subsaharienne sont prisés
par des investisseurs étrangers comme les indiens, les turcs, etc.
81
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
En ce qui concerne la nature des conflits, ils sont aussi divers que variés. Nous pouvons
retenir d’abord le type de conflits entre les autochtones et allochtones. Les installations,
parfois très anciennes, d’agriculteurs provenant d’autres régions du pays ou de pays voisins
peuvent être remises en cause lorsque la terre prend de la valeur (aménagement, expansion
urbaine) ou qu’elle devient insuffisante par rapport aux besoins des ménages autochtones, du
fait de la croissance démographique ou de la baisse de fertilité des sols. Il y’a ensuite le type
de conflits portant sur les espaces, notamment aménagés où la valeur de la terre est plus
élevée et offre des perspectives de production plus importantes. Cette situation suscite des
convoitises de la part des leaders locaux et peut les conduire à remettre en cause les usages
concédés aux allochtones149. Enfin, et c’est le type de conflits le plus important, c’est les
conflits entre agriculteurs et éleveurs. Les conflits entre agriculteurs et éleveurs sont les plus
élevés parce que le Burkina Faso est un pays à vocation essentiellement agricole.
L’agriculture, pratiquée essentiellement en milieu rural occupe 86% de la population active.
Son poids dans l’économie nationale est de 40% du PIB. La terre est source de tensions car
elle est la première ressource et le support indispensable en matière de production agricole et
animale. Malgré l’existence d’un nombre important de textes sur le foncier et la gestion des
147
Aurore MANSON et Cécile BROUTIN, Op. Cité. P 9
148
MELVILLE P., SERPENTIE G., « Intensification et durabilité des systèmes agricoles en Afrique soudano-
sahélienne » in Promotion de systèmes agricoles durables dans les pays d'Afrique soudano-sahélienne,
Wageningen : CTA, 1994 p. 33-45.
149
Il en a été ainsi par exemple de l’aménagement hydro-agricole du périmètre irrigué de la commune de Di,
dans la région de la Boucle du Mouhoun, qui a entraîné des conflits, lorsque des terres ont été attribuées à des
allochtones et à des investisseurs privés, au détriment des agriculteurs vivant à proximité.
82
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
ressources naturelles150, les chiffres officiels sur les conflits151, parfois tragiques laissent tout
simplement perplexes. Certains auteurs et acteurs du monde rural ont tenté de donner des
explications à ce triste constat. Nous pouvons retenir d’abord la non-application des textes, la
corruption, et l’action des politiques, disons les politiciens. Ainsi « malgré la multiplication
en milieu rural des actions de sensibilisation et de conscientisation de certaines
Organisations de la Société Civile (OSC) et Organisations paysannes (OP), … le constat
général est qu’une grande partie des propriétaires terriens et autres populations ne
connaissent pas les textes »152. C’est tout cette pression foncière qui peut conduire à la
multiplication des conflits entre communautés, entre villages, entre exploitants et entre
générations, toutes choses qui portent des menaces graves sur le devenir de l’exploitation
familiale.
150
Il en est ainsi de la loi portant Réorganisation Agraire et Foncière (RAF) de 1984, relue en 1991, en 1996 et
tout dernièrement en début juin 2012 , aussi de la loi 034-2009/RAF portant Régime Foncier Rural, de la loi
n°002/2001/AN du 08 Février 2001 portant Loi d’Orientation relative à la gestion de l’Eau, de la loi 05/97/ADP
portant code de l’environnement, de la loi 006/97/ADP portant code forestier, et de la loi 034/2002/AN portant
loi d’orientation relative au pastoralisme etc.
151
Entre 2005 à 2012, les services techniques du Ministère des ressources animales ont enregistré au moins 3
872 conflits dont 318 au titre du premier semestre 2011. Ces conflits ont entrainé 62 pertes en vie humaine et de
nombreux blessés, des dégâts matériels avec la destruction de biens privés. Les cas les plus graves ont été
enregistrés dans la province du Zoundwéogo à Gogo en 2007 et dans la province du Poni à Perkoura, un village
de la commune de Loropéni en 2008, avec 18 morts et en décembre 2012 à Zabré dans le Centre-est avec 7
morts et de nombreux blessés, notamment les éleveurs peulhs qui sont généralement les cibles et les victimes.
152
Voir Charles DALLA, Chargé de Programme de la Coalition des Organisations de la Société Civile pour un
Développement Durable et Equitable, CODDE, Publication SORY, consultable sur le site http/www.codde-
bf.org.
83
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
généralement sans aucun respect des textes en la matière, notamment les schémas, plans
directeurs d’aménagement et d’occupation des sols. Les pouvoirs publics ayant fait preuve
d’un certain laxisme dans le contrôle de l’aménagement du territoire par les communes, ces
dernières ont réalisé d’opérations massives de lotissement, sans aucune disposition de
viabilisation. En effet, la loi n°034-2012 portant RAF, reprenant presque coup pour coup
d’anciennes prescriptions légales153, dispose que « les terres urbaines non aménagées ou
terres suburbaines ne peuvent être occupées qu’à titre exceptionnel et sur autorisation de
l’administration. Toute occupation sans titre est interdite et le déguerpissement ne donne lieu
ni à recasement ni à indemnisation ». Or pourtant, lors des lotissements, il est procédé au
recensement systématique des occupants des zones non aménagées. L’impact d’une telle
conduite des autorités, est que, certaines personnes s’étant rendues compte que « construire
une "bicoque" en zone non lotie "ouvre droit" à une parcelle en cas de lotissement de la zone,
ont jeté leur dévolu sur cette pratique spéculative. Cela a eu pour effet induit, une
démultiplication des zones d’occupation spontanée de la périphérie des centres urbains.
L’aménagement urbain, au Burkina Faso, semble donc pris en otage par ce phénomène des
habitats spontanés »154. Dans de telles conditions, les autorités ont du mal à assurer un accès
acceptable des services sociaux de base à la population. Ces services sociaux sont
essentiellement l’éducation155, les infrastructures sanitaires et d’assainissement, la fourniture
en eau courante, en énergie pour cuisine, les logements décents et des transports en commun
accessibles. En effet, l’échec dans la gouvernance foncière, conjuguée avec la croissance
153
Les lois portant RAF de 1984, de 1991 et de 1996 notamment.
154
I. COMPAORE., L’évolution du droit de l’aménagement du territoire au Burkina Faso, Mémoire de DEA,
UGB, 2012-2013, P 176.
155
Sur la problématique particulière de l’éducation, il faut retenir que même s’il est juste de reconnaitre que des
efforts immenses ont été faits par l’Etat et les collectivités locales pour assurer une bonne éducation, nous ne
sommes pas encore au bout du tunnel. En effet, outre le manque toujours croissant d’infrastructures scolaires
adéquates et d’un personnel qualifié, il faut ajouter désormais l’aspect orientation politique, du système
d’éducation; avec notamment ce qui est officiellement appelé ‘continuum’. Le continuum est la nouvelle
politique des autorités chargées de l’éducation au Burkina Faso qui consiste à mettre désormais sous la coupe du
Ministère de l’éducation nationale et de l’alphabétisation (MENA), le préscolaire et le post primaire de sorte à
former désormais un cycle complet 155. Mais cette réforme qui se veut un système cohérent, qui réunira en un seul
cycle, le préscolaire, le primaire et le post primaire (collège) avec en sus, l’obligation et la gratuité de l’éducation
jusqu’à 16 ans, semble ne pas emporter la compréhension de tous. D’ores et déjà, avec la rentrée 2014-2015 qui
voit la mise en œuvre de cette réforme, les difficultés comme l’insuffisance des salles de cours, se font
constatées désagréablement sur le terrain, seuls 75% des élèves admis au Certificat primaire 2014 ont pu être
‘casés’ dans les Collèges publics. Les chiffres officiels du Ministère de l’Education Nationale de fin Octobre
2014 indiquent que seulement 25% ont été affectés, soit plus de 20000 élèves, dans des établissements privés
dans le cadre du partenariat Ministère-secteur privé.
84
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
démographique et urbaine, quasi exponentielle dans nos villes156, fait que les pouvoirs
publics, centraux comme locaux, n’arrivent pas à assumer convenablement leur rôle en
matière de fourniture de services sociaux. Ainsi, s’agissant de l’accès par exemple à l’eau
dans la ville de Ouagadougou, la capitale, on estime à seulement 27% des logements qui sont
raccordés au réseau de distribution ; les autres ménages doivent consacrer une grande part de
leur journée ou de leur budget à la recherche du précieux liquide157. Les quartiers les plus
‘’abandonnés’’ sont bien sûr en majorité ces quartiers dits spontanés ou précaires. Il en est de
même des infrastructures sanitaires et d’assainissement ; dans ces quartiers démunis, très
souvent le minimum de propreté et d’assainissement n’est pas assuré, phénomène qui se
complexifie davantage en période hivernale par le manque de canalisations des eaux usées et
de pluies. Ce qui en fait également des nids de plusieurs maladies, notamment le paludisme
qui touche sensiblement les femmes et les enfants. En matière d’assainissement, il faut aussi
déplorer l’usage exagéré du plastique et d’autres sacs, sources de déchets non dégradables qui
envahissent nos villes et campagnes. Ces matériaux nouveaux créent de nombreux déchets
qui nécessitent des techniques et installations de traitement encore mal connues et peu
développées. Les sacs plastiques jonchent les rues et remplissent les caniveaux des villes; ils
polluent, plus que d’autres matières, l’environnement.
Beaucoup d’efforts ont été faits ces dernières années par les pouvoirs publics pour
améliorer la gestion foncière tant en milieu rural qu’urbain. En effet, de par les différentes
reformes sur les lois foncières, visant à assurer une grande sécurité foncière afin d’attirer des
investissements considérables sur les fonds de terre, mais aussi de réduire les conflits en cette
matière, nous notons une volonté de mieux faire dans cette gouvernance sur le foncier.
Seulement, dans ce domaine et comme dans bien d’autres, la seule volonté ne saurait être
suffisante ; et les challenges qui se posent à ce niveau ne sont pas les moins négligeables.
156
En effet, selon Bernard GRANOTIER, in « La planète des bidonvilles, Perspectives de l’explosion urbaine
dans le tiers monde », Ed. Le Seuil, 1980, p88, le taux de croissance démographique des pays en voie
développement oscille depuis les années 1970 entre 2,5 et 3%. Il en est de même de l’augmentation de
l’habitation précaire ou spontanée, le taux annuel d’extension de ces taudis varierait en Afrique subsaharienne
entre 10 et 12%.
157
Cf. IRD, Institut de Recherche pour le Développement, Enquête, Octobre 2013, L’accès à l’eau courante, un
luxe non garanti à Ouagadougou.
85
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
Paragraphe 1er: le souci d’une gestion rationnelle et efficiente du domaine foncier local
Les objectifs des dernières reformes sur la gouvernance foncière au Burkina Faso
ne pourront être atteints que si un certain nombre de conditionnalités sont remplies. Sont de
celles-là, la volonté politique qui accompagne toujours une reforme de cette envergure. En
effet, en matière de gestion domaniale et foncière, on ne peut faire l’économie de la volonté
politique qui doit impulser et donner les grandes orientations. Une remarque générale qui se
dégage après étude de ce sujet, est que les normes en cette matière restent largement
inappliquées. La conséquence en est que même les éléments indispensables à la bonne gestion
sont ignorés, voire négligés et relégués au dernier plan. C’est pourquoi, devront être relevés
dans le futur, dans cette gouvernance foncière locale, les défis de la gestion dynamique,
gestion qui passe, selon nous, d’une part par l’application effective et rigoureuse de la
règlementation domaniale (A) et d’autre part par la mise à disposition de l’information
foncière (B).
La question de l’effectivité des lois nationales dans nos pays reste une grande
préoccupation. En effet, on a comme l’impression que beaucoup de lois, même les plus
élaborées ont du mal à s’appliquer sur le terrain. Ceci est d’autant plus visible s’agissant des
86
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
lois foncières. Ces dernières, à l’exception notable de la première loi portant Réorganisation
agraire et foncière, adoptée en 1984 par le pouvoir révolutionnaire de l’époque158 , semblent
connaitre une léthargie ambiante. Elles ont été tellement ignorées, même par ceux qui
devraient se charger de leur applicabilité, qu’on en arrive à se demander s’il faut élaborer les
lois, juste pour combler un vide juridique, ou au contraire, il faut donner à chaque loi les
moyens de son effectivité. Il ne sera pas question de présenter ici encore, de façon détaillée
les causes de cette faible application de la loi foncière, mais relever seulement celles dont
nous pensons les plus essentielles, afin de mieux situer les challenges qui attendent nos
pouvoirs publics, centraux comme locaux.
158
Il faut noter qu’effectivement la loi portant RAF de 1984 est la première loi qu’on pourrait qualifier vraiment
de nationale, tant depuis les indépendances, ce sont des textes épars, adoptés, pour la plupart sous la colonisation
qui continuaient à être appliqués et, surtout, en déphasage. Le pouvoir révolutionnaire, en nationalisant les terres,
diminuait du même coup l’autorité traditionnelle, bien ancrée dans ce domaine ! C’est vrai qu’il a connu une
application assez satisfaisante et a introduit pour la première fois des outils de l’aménagement du territoire dans
la loi, mais elle s’est aussi illustrée par la suppression de la propriété individuelle, à savoir que les titres fonciers
émis jusqu’à présents étaient annulés. C’est pourquoi, à la relecture de cette même loi, sous l’autorité du régime
post-Révolution, en 1996, on a vite fait de reconnaitre les titres fonciers individuels.
159
Ce que certains auteurs, anthropologues du droit, appellent la validité axiologique, à l’image de François
OST et Van de KERCHOVE (in « théorie pour une étude critique du droit »). La validité d’une norme, selon
ces derniers, doit se mesurer à travers trois caractéristiques nécessaires. Il s’agit de sa légalité, de son effectivité
et de sa légitimité. Ces trois caractéristiques correspondent à trois formes de validité à savoir, à la validité
formelle correspond la légalité et à la validité empirique répond l’effectivité, tandis que sa légitimité renvoie à sa
validité axiologique.
87
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
l'usage individuel. C’est dire que le droit foncier coutumier a toujours le vent en poupe devant
la législation foncière règlementaire. Le schéma est le même et il consiste à s'adresser, «
directement ou par l'intermédiaire d'une tierce personne, aux ‘’propriétaires terriens’’. Ainsi,
tous ceux qui s'intéressent au foncier, y compris les intellectuels, accèdent aux conditions à
remplir, notamment les offrandes aux ancêtres pour implorer leur pardon et leur protection
dans l'utilisation des terres concédées »160.
Le grand défi des autorités aujourd’hui, alors que nous sommes maintenant à notre
quatrième reforme sur la loi foncière, et en présence de nombreuses lois spécifiques et
sectorielles161, est d’arriver à concilier forcément les deux systèmes de gestion foncière. Il
faut dépasser désormais cette idée qui ne voit dans la tenure traditionnelle, qu’insécurité
foncière alors que celle légale, parait plus sécurisant. Pour cela, les droits fonciers coutumiers
doivent être reconnus et valorisés, afin d’opérer un rapprochement salutaire entre légalité
formelle et légitimité incontestée. Un effort est fait à ce niveau ces dernières années pour
mieux sécuriser la terre rurale, nous y reviendrons dans le dernier point de ce mémoire. En
outre, il convient à l’autorité de s’attaquer véritablement au mal de corruption qui ronge ce
secteur, pourtant porteur de ressources considérables à la collectivité. Le copinage, le
favoritisme et le clientélisme politique sur la base du foncier doivent cesser ; ici également, on
ne peut faire l’économie d’une véritable volonté politique, résolue à sanctionner s’il le faut.
Par ailleurs, l’Etat central avec les collectivités locales doit s’engager à la construction
véritable de logements sociaux162, ou à tout au moins encourager la construction d’immeubles
d’habitation collective. Il faut amener les populations à se départir de l’idée que chacun peut
et doit avoir un lot de parcelles dans nos villes. Le droit à un logement décent n’implique pas
160
Moussa OUEDRAOGO « Le foncier dans les politiques de développement au Burkina Faso : enjeux et
stratégies », page 13.
161
La loi d’orientation relative au pastoralisme, adoptée en 2002 ; la loi portant Code de l’urbanisme et de la
construction, adoptée en 2006, La politique nationale de sécurisation foncière en milieu rural, adoptée en 2007,
qui est l’ancêtre de la loi portant régime foncier en milieu rural de 2009.
162
Il faut dire que la production publique de logements sociaux a considérablement chuté et est presque
inexistante aujourd’hui. L’inadéquation entre la demande et l’offre en logement ne fait que s’aggraver. Aussi, la
problématique du logement décent reste-t-elle une préoccupation majeure et l’objectif d’un logement décent pour
tous, reste à atteindre. Au Burkina Faso, les logements sont réalisés dans 90% des cas par les ménages eux-
mêmes. Au regard des moyens limités de ceux-ci, ces logements sont le plus souvent en matériaux précaires, en
banco ou en banco amélioré. Dans les centres urbains, ces matériaux sont également utilisés dans les zones
d’habitat non loties dans un contexte socio-économique défavorisé. Cf. Document de Politique Nationale de
l’Habitat et du Développement urbain du Ministère de l’urbanisme, Mars 2008, p 19.
88
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
que chaque citoyen se voit forcément propriétaire d’une parcelle. Cette conception doit
changer, d’abord dans les orientations des dirigeants, mais aussi dans l’imaginaire collectif. Il
faudra du temps pour que les burkinabè se départissent de cette manière de voir, mais il le faut
inéluctablement, pour que les villes ne submergent pas totalement les zones suburbaines avec
les conséquences qu’on connait du gâchis domanial.
Enfin, il est important que l’autorité centrale aille plus vite dans la mise en place des
structures de gestion du foncier rural dans toutes les communes, notamment les Commissions
de conciliation foncière villageoise afin de réduire les conflits mortels entre agriculteurs et
éleveurs. Ce défi doit être relevé incessamment avec l’accompagnement des partenaires et
autres ONG intervenant dans le domaine.
163
Cité dans L’appropriation de la terre en Afrique noire, P331, Ed. Karthala, Etienne Le Roy, Associer l’usager
à ne gestion foncière paritaire et décentralisée.
89
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
164
Alain DURAND-LASSERVE, « l’expérimentation de systèmes d’information foncière en milieu urbain »,
tiré du manuel, L’appropriation de la terre en Afrique noire Ed. Karthala, P319.
165
Alain Durand LASSERVE, Op. Cité. P329
90
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
Le premier défi qu’il convient de relever est de limiter ce qu’il est convenu d’appeler
la ‘’bidonvilisation’’ des grandes villes burkinabè. En effet, comme dans la plupart des
grandes métropoles d’Afrique sub-saharienne, la gestion des grandes villes pose d’énormes
difficultés, en raison notamment de la croissance rapide de la population urbaine pauvre. La
forte recrudescence de l’habitat spontané, constitué le plus souvent de quartiers insalubres
166
Jacques THEYS, « L’approche territoriale du " développement durable ", condition d’une prise en compte
de sa dimension sociale », Développement durable et Territoire, Dossier 1, 2002.
91
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
couvre des superficies importantes dans les zones urbaines167 ; bien évidemment, les services
publics sont quasi-inexistants, l’accès à l’eau potable très limité, les ordures ne sont pas
ramassées et les eaux usées stagnent. Dans ces conditions, fournir, à chacun, un habitat décent
et un accès convenable aux services sociaux demeure une priorité, pour ne pas dire une
gageure pour les gouvernants. Il faut donc relever ce défi de l’occupation anarchique du
domaine foncier urbain, qui est en fait la conséquence logique de la croissance
démographique urbaine ; mais beaucoup plus par le fait des ménages pauvres. En fait, dans
bien de municipalités en Afrique subsaharienne, l’absence d’aménagement urbain est
exacerbée par l’impossibilité pour les ménages pauvres d’obtenir un titre foncier, donc
d’obtenir un crédit immobilier. Et c’est ce qui justifie aussi leur installation sur des zones
insalubres ou impropres à l’habitation, et par extension, la prolifération des habitats précaires.
Il y’a une sorte de dilemme qui se pose à nos autorités de nos jours ; c’est celui de choisir
entre une politique ambitieuse des logements sociaux pour les familles à faibles revenus, avec
toutes les implications financières considérables, mais qui a l’avantage de réduire ‘’l’habitat
sauvage’’, ou de ne rien faire et laisser perdurer le statut quo. Pour l’heure, les choix
politiques sur les logements sociaux sont orientés vers des actions, très en deçà des besoins
potentiels des populations, comme déjà évoqué plus haut.
167
Selon le Programme des Nations Unies pour les Etablissements Humains (PNUEH), également appelé ONU-
Habitat, une agence onusienne spécialisée, créée en 1978 et dont le siège est à Nairobi, au Kenya, 72 % des
citadins d’Afrique subsaharienne vivent dans des bidonvilles, ce qui classe la région au deuxième rang dans ce
domaine après l’Asie centrale méridionale.
92
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
péril plastique168. Le délai des six mois comme période transitoire, devrait permettre aux
principaux concernés d’écouler leurs stocks résiduels et de se conformer à l’usage des
emballages plastiques biodégradables. Mais les difficultés résideront beaucoup plus dans
l’application de cette loi, dont le début est prévu pour janvier 2015.
Enfin, de notre point de vue, le dernier défi majeur pour les autorités, centrales
notamment, est de travailler à réduire le fossé abyssal qui sépare les villes capitales au reste
des autres collectivités. En effet, l’urbanisation accélérée due au fort taux de croissance
incontrôlée se traduit, il est vrai, par des problèmes de besoins en équipements et services
essentiels, d’assainissement, d’habitat, d’emploi, bref de la qualité de la vie, dans les villes
capitales. Mais elle s’illustre aussi par le fait que ces grandes villes, à elles seules, concentrent
toutes les fonctions économiques, politiques et administratives et constituent, de ce fait, de
véritables écrans au développement des autres villes intérieures. La suprématie de ces
métropoles (Ouagadougou et Bobo-Dioulasso notamment) est telle qu’on a l’impression que
le pays n’a de véritables villes que ces capitales, politique ou économique, préjudiciable
pourtant aux activités économiques qui ne peuvent s’épanouir pleinement sans un minimum
d’organisation spatiale. Le territoire national se doit d’être aménagé en fonction des avantages
comparatifs des différentes régions, d’autant plus que l’aménagement du territoire est par
définition, une régulation, une répartition des hommes et de leurs activités en fonction des
avantages et des contraintes des localités. Il faut arriver à faire de la région au Burkina Faso,
« un véritable pôle de croissance et de développement, au triple plan économique, social et
environnemental »169. D’ailleurs c’est ce que la loi portant Code général des collectivités
locales au Burkina indique du rôle de la région : « la région a vocation à être un espace
économique et un cadre adéquat d'aménagement, de planification et de coordination du
développement »170. S’il est vrai que beaucoup d’efforts sont entrepris ces derniers temps pour
réduire ce hiatus entre capitales politiques et villes de l’intérieur, il reste qu’ils sont
véritablement marginaux171. Les défis en milieu rural ne sont pas les moins importants.
168
Cf. Le faso.net, Journal en ligne du 22 mai 2014, Interdiction de sachets plastiques au Burkina : Première
bataille gagnée par S. OUEDRAOGO, Ministre de Chargé l’Environnement.
169
Cf. I. COMPAORE, L’évolution du droit de l’aménagement du territoire au Burkina Faso, Mémoire de
DEA/DGCL à l’Université Gaston Berger, 2012-2013, P 90.
170
Art 15 de la loi n°055-2004/AN du 21 décembre 2004 portant code général des collectivités territoriales au
Burkina Faso.
171
Les efforts étatiques ces dernières années sont tournés, vers la construction, et seulement dans les chefs-lieux
des régions, d’infrastructures d’habitations. Cela, par le moyen de la ‘’décentralisation’’ des cérémonies
commémoratives, dans toutes les régions, de la fête de l’indépendance chaque 11 décembre. Ainsi, l’Etat, la
93
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
Dans le but de mettre un terme aux nombreux risques d’insécurité foncière, d’autant plus que
le problème n’est pas tant un manque de terre mais plutôt une question d’organisation et de
répartition rationnelle des superficies exploitables, la loi s’est donnée pour objet principal, le
renforcement de la sécurisation des acteurs fonciers ruraux et la promotion des
investissements en milieu rural. Pour ce faire, les innovations majeures apportées par cette
loi, sont la reconnaissance de la possession foncière rurale qui confère à son titulaire un titre
d’occupation (Attestation de possession foncière rurale), la création de structures de gestion
foncière au niveau local (les services fonciers ruraux, les commissions foncières villageoises,
les commissions de conciliation foncière etc.) et au niveau national, la création d’une agence
nationale des terres rurales.
La possession foncière rurale est définie comme le pouvoir de fait légitimement exercé sur
une terre rurale en référence aux us et coutumes foncières locaux. Cette possession foncière
rurale peut être exercée à titre individuel ou collectif. Elle est exercée à titre individuel
lorsque la terre qui est en fait l’objet relève du patrimoine d’une seule personne,
Région, en tant que collectivité territoriale, les fils-ressortissants de la localité, investissent dans les
infrastructures afin d’embellir la ville pour mieux accueillir les différents hôtes. Seulement, il faut souligner que
ce qu’il faut au Burkina Faso est plus qu’un développement lié aux manifestations d’ordre cérémonial.
94
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
Pour plus de transparence, les faits de possessions foncières sont constatés par deux moyens :
d’abord la reconnaissance unanime de la qualité de propriétaire de fait d’une personne ou
d’une famille sur une terre rurale par la population locale, notamment les possesseurs voisins
et les autorités coutumières ; ensuite de la mise en valeur continue, publique et non
équivoque, et à titre de propriétaire de fait pendant trente ans au moins, de terres rurales aux
fins de production rurale. Tout détenteur d’une attestation de possession foncière rurale
(APFR)172 peut demander la délivrance d’un titre de propriété de sa terre rurale. Quant aux
transactions foncières, les prêts de terres rurales sont reconnus ; toutefois, qu’ils soient
verbaux ou écrits, la commission foncière villageoise doit en être informée pour le faire
enregistrer par la commune. Les locations simples de terres sont également reconnues mais
elles ne sont possibles en deçà de cinq ans. En ce qui concerne les ventes, dans l’objectif de
lutter contre la spéculation foncière, elles sont règlementées comme suit : de 0 à 10 hectares,
elles sont libres à condition de prouver légitimement et légalement qu’on est propriétaire, et
que la vente est un consensus de l’ensemble des ayants droits y compris le ou la conjointe. A
partir de 10 à 50 hectares, il faut l’autorisation du conseil municipal ; de 50 à 100 hectares le
vendeur doit avoir l’autorisation en même temps du ministre qui s’occupe des terres et celui
qui s’occupe de l’activité que veut mener l’entrepreneur rural. Enfin au-delà de 100 hectares,
seul le conseil des ministres est compétent pour autoriser la cession.
Cinq ans après l’adoption de la loi sur le foncier rural, quel bilan peut-on faire de son
application ? En d’autres termes, quels sont les enjeux et les défis actuels de la sécurisation
foncière rurale au Burkina Faso ? A ce jour (octobre 2014), 19 décrets d’application de la loi
ont été adoptés, sur un total de 23 prévus, on peut donc dire que « L’arsenal juridique en
matière du foncier rural au Burkina Faso est presque complet »173. Des actes et outils
172
Est-ce que l’APFR, en tant que document officiel, permet-elle d’avoir des prêts au niveau des institutions
financières comme les banques? L’Attestation de Possession Foncière Rurale est sur le plan légal, un document
qui a la valeur d’un titre de jouissance, lequel ne donne pas en principe un pouvoir de propriété. Cela veut dire
que son acquisition n’a pas exigé une procédure de bornage et d’enregistrement (immatriculation) dans le livre
foncier. Or, l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) impose aux
banques de n’accepter que l’hypothèque des terres immatriculées. Donc, l’APFR n’est pas suffisant pour avoir
un prêt dans les institutions financières comme les banques, c’est là une limite considérable, de notre point de
vue, de ce document de sécurité.
173
Blaise YODA, Directeur de la Législation, de la Réglementation et de la Sécurisation foncière au ministère de
l’Agriculture et de la Sécurité Alimentaire.
95
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174
REMI T. TEBI, Maire de la commune rurale de Cassou dans le centre-ouest du Burkina Faso, très convoitée
pour ses réserves foncières et forestières, cité dans le Bimestriel septembre- octobre 2014, de SOS-FAIM, Défis
–Sud, Dossier P13.
175
OUEDRAOGO SAYOUBA, consultant en foncier et administrateur général du bureau d’études Géo-
Services et Développement (GSD), cité dans le bimestriel septembre- octobre 2014, de SOS-FAIM, Défis –Sud,
Dossier P15.
176
Opt. Cité, p15.
96
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
CONCLUSION
Au terme de notre étude, nous pouvons retenir que la construction des collectivités
locales au Burkina Faso et leur reconnaissance comme véritables entités territoriales disposant
de pouvoirs autonomes et des biens propres, a connu plusieurs étapes. Il y’a d’abord la
période d’exclusion qui correspond à la période au cours de laquelle les collectivités locales,
bien qu’existantes n’étaient détentrices d’aucun véritable pouvoir : c’est la période coloniale
et même d’après indépendance. Il s’agit ensuite de la période correspondant à une grande
responsabilisation de ces collectivités en tant que nouveaux acteurs du développement à la
base, qu’il convient de promouvoir. A partir des années 1995, et ce jusqu’à maintenant, les
collectivités locales au Burkina Faso acquièrent un statut considérable dans le paysage
institutionnel national. Mieux, de plus en plus, par les compétences qui sont désormais les
leurs et les biens qui sont mis à leur disposition, une certaine maturité semble leur être
reconnue. Les textes juridiques qui reconnaissent un tel statut aux collectivités locales sont
des plus divers et variés. C’est dans cette logique que les collectivités territoriales disposent
d’un domaine foncier propre à elles et qu’elles sont amenées à gérer avec la plus grande
efficacité. En pratique, cette maturité de plus en plus affirmée des Collectivités locales se
devrait d’être confirmée tant au niveau institutionnel que fonctionnel, notamment dans la
gestion des ressources mises à leur disposition. Ce, d’autant plus que les enjeux d’une gestion
efficiente du patrimoine foncier local, en termes de richesses à pourvoir, sont énormes.
Seulement, pour plusieurs raisons les collectivités locales n’arrivent pas à surmonter les
écueils qui se dressent devant elles. Pire ces dernières, à travers certains élus locaux, se sont
tellement illustrées dans une gestion très préjudiciable de la ressource sol. Les raisons d’une
telle situation sont à rechercher tant dans les difficultés matérielles, managériales et juridiques
que rencontrent les collectivités dans leur gestion domaniale.
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DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
tutelle dans le dispositif juridique actuel constitue, à n’en pas douter un obstacle dans la
gestion locale.
Toutes ces contraintes, insuffisances et difficultés ont pour conséquences le fait d’accroitre les
risques de conflits sociaux (notamment fonciers) entre populations, et surtout un manque
financier important à gagner par les collectivités, détentrices d’un vaste domaine foncier.
Le grand défi des collectivités territoriales publiques, l’Etat en premier, demeure donc
la question de l’effectivité du droit de la gestion domaniale et foncière qui, bien que
laborieusement élaboré se retrouve en déphasage total avec la réalité du terrain. Il faut une
application rigoureuse et rationnelle de la règlementation domaniale, qui passe par la mise à
disposition des instruments indispensables de gestion comme le cadastre. L’autre défi majeur
concerne la maitrise de l’aménagement du territoire urbain et la sécurisation foncière en
milieu rural. Il est vrai que de plus en plus les autorités centrales mettent à la disposition des
grandes communes urbaines, les Schémas Directeurs d’Aménagement et d’Urbanisme
(SDAU), qu’elles imposent le respect, et travaillent parallèlement, sous les auspices de
certains partenaires (le MCA notamment), à une plus grande sécurisation foncière en milieu
rural. Mais force est de constater qu’en la matière, la volonté, seule, bien que nécessaire, ne
saurait être suffisante. Si tel est que le développement local équilibré des territoires, à travers
leur aménagement adéquat semble devenir un enjeu fondamental et un leitmotiv politique, la
volonté doit s’accompagner d’actes concrets. Les politiques nationales d’aménagement du
territoire (PNAT) et de sécurisation foncière (loi portant régime foncier rural de 2009) dont
l’objectif essentiel est la maitrise de l'aménagement urbain, l’accès équitable et sécurisé à la
terre, la promotion de la paix sociale et le renforcement du cadre institutionnel de la gestion
foncière, doivent tenir leurs promesses. En même temps, il faut travailler sérieusement à
extirper nos collectivités, surtout rurales, de l’immobilisme économique et social dans lequel
plusieurs d’entre elles sont plongées, et cela passe indubitablement en grande partie par la
maitrise de l’administration foncière. Pour l’heure, bien qu’il puisse paraitre malséant de
dresser un bilan global de la gestion foncière locale, seulement deux ans après la dernière
RAF, un examen à mi-parcours donne un résultat mitigé.
On est bien partagé entre l’espoir d’une gestion dynamique et efficiente du foncier
local et l’amertume de la continuité de certaines tares, si bien qu’il y’a lieu de se demander si
dans de telles circonstances, une telle gestion du domaine foncier local peut-elle véritablement
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99
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BIBLIOGRAPHIE GENERALE
OUVRAGES GENERAUX
OUVRAGES SPECIFIQUES
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expropriation pour cause d’utilité publique, Précis, 3e édition, Dalloz, 1995,
DEGOFFE (M), GODFRIN (P), Droit administratif des biens, Domaine, travaux,
expropriation, 9e édition, Sirey, 2009,499p.
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THESES ET MEMOIRES
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ARTICLES
102
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso
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la décision du Conseil Constitutionnel du 14 avril 2005 », AJDA, janvier 2006, P178-
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GAUDEMET (Y), « La circulation des propriétés publiques », JCP N° 2006, étude
n°1343.
GAUDEMET (Y), « Les droits réels sur le domaine public », AJDA, mai 2006,
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GAUTRON (J.C) et ROUGEVIN (M), « Droit public du Sénégal », Paris, Pedonne,
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LEGISLATION
177
C’est l’ordonnance sous la Révolution de 1983, qui avait force de loi.
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178
C’est le décret sous la Révolution de 1983.
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Dédicaces ................................................................................................................................... 1
Remerciements ........................................................................................................................... 2
Sommaire ................................................................................................................................... 3
INTRODUCTION GENERALE................................................................................................ 6
PREMIERE PARTIE : LE CADRE JURIDIQUE ET INSTITUTIONNEL DE LA
GESTION DU DOMAINE FONCIER LOCAL ............................................................... 15
Chapitre 1er : La consécration juridique d’un domaine foncier local ...................................... 15
Section 1ère : La genèse de la reconnaissance aux collectivités territoriales d’un domaine
foncier propre ........................................................................................................................... 16
Paragraphe 1er: La lente reconnaissance des collectivités territoriales comme détentrices d’un
domaine foncier propre .......................................................................................................... 16
A : Une difficile émergence des collectivités territoriales sous la colonisation ....................... 16
B. La réorganisation imparfaite du territoire après les indépendances .................................... 18
Paragraphe 2ème: La consécration d’un domaine foncier propre des collectivités territoriales 21
A. Le tournant du processus démocratique des années 1990 ................................................... 21
B. L’affermissement des compétences des collectivités territoriales. ..................................... 23
Section 2ème: La consistance du domaine foncier local au Burkina-Faso ................................ 24
Paragraphe 1er: Le domaine public immobilier des collectivités territoriales .......................... 24
A. Les critères de la domanialité publique des biens ............................................................. 25
B. Un domaine public théoriquement vaste ............................................................................. 28
Paragraphe 2ème : Le domaine privé immobilier des collectivités territoriales ..................... 29
A. La notion de domaine privé immobilier local .................................................................. 30
B. La composition du domaine privé immobilier local ......................................................... 32
Chapitre 2ème: Le mécanisme juridico-institutionnel de gestion du domaine foncier local ..... 33
Section 1ère : Le dispositif juridique de gestion du domaine foncier local .............................. 34
Paragraphe 1er : La gestion du domaine public immobilier des collectivités territoriales ....... 34
A. Les modes de gestion du domaine public immobilier des collectivités territoriales ........ 34
B. Les mesures de protection du domaine public immobilier local ...................................... 37
Paragraphe 2ème : la gestion du domaine privé immobilier des collectivités territoriales ........ 40
A. Les modes de gestion et de protection du domaine privé immobilier. ............................. 40
B. Les titres de jouissance du domaine privé immobilier local ............................................. 42
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