Vous êtes sur la page 1sur 109

DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

Dédicaces

À ma très chère mère Fatimata, femme de bonté et de grande générosité pour tous tes
sacrifices, l’éducation et les valeurs inculquées.

À mon père Ahmad pour le soutien, les invocations et les encouragements renouvelés.

À ma chère épouse Mariam pour ton énorme sacrifice, ta patience, ta compréhension, la


confiance et le soutien.

À mon fils Mohamed Sadid Irfane pour cette longue séparation.

À tous mes frères et sœurs (Katoum, Mariam et Rakhia) pour votre constant soutien.

À ma très regrettée sœur ainée, Adjarata, que le Seigneur t’accueille dans Son infinie
Miséricorde.

À ma nièce Fatoumata, brave femme battante et aimable, suis fier de toi.

1
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

Remerciements

Les premiers mots de remerciement vont tout naturellement à Dieu, le Tout Puissant qui
nous a accordé la force et la santé nécessaire face à l’adversité des études !

Nos remerciements vont particulièrement au Dr Rosnert Ludovic ALISSOUTIN, pour avoir


accepté nous accompagner dans cette aventure, malgré ses multiples occupations.

Au Professeur Samba TRAORE, homme de savoir et de sagesse pour les conseils reçus.

Au Professeur Séni M. OUEDRAOGO pour la confiance et les encouragements reçus.

À mon frère Inoussa COMPAORE pour tout le soutien, merci encore.

Au grand frère Roland GOULLA pour toute l’assistance et le réconfort.

À mon frère et ami Zoulkarnain KOUDA, pour la relecture de ce mémoire et pour tout !!!

A Mme Traoré née Salimata GANSAGNE pour le précieux soutien !!

À mon frère et compagnon Ahmad GUIGMA, à Kadi OUEDRAOGO, Moctar SIDIBE,


Mariam Ikhlass DJARMA, Dior DIENG, Lassina KONE et Mouhamadou SYLLA pour
l’ambiance confraternelle, inoubliable.

À tous mes frères, sœurs et ami(e)s dont la distance n’a rien enlevé à notre proximité :
Halidou SAMBARE, Yacouba BELEMVIRE, Mme Haguera ILBOUDO, Manissan
KARAMOKO, Hafsa TIENDREBEOGO, Seydou LAKOANDE, Mohamed SANA, Souleymane
MAIGA, Hassane BANDAOGO, Brahima OUEDRAOGO (IB), Boukaré KABRE, Ablassé
KABORE, Harouna KABORE, Adama YAMEOGO, Moussa ZONGO et Mannessour DRABO.

À tous les compatriotes membres de l’Association des Etudiants Burkinabè à l’UGB.

À tous les frères et sœurs de l’AEEMB, du CERFI et de l’AEEMS/SECUS pour les soutiens
multiformes.

À toutes ces personnes qui nous ont apportés leur soutien directement et indirectement,
qu’elles nous pardonnent de ne pas pouvoir les énumérer toutes ici.

Je remercie enfin tous les membres de ma famille, particulièrement mon frère Abdou-Rachid
pour son soutien sans faille à ma petite famille durant toute cette longue absence !
Qu’ALLAH vous bénisse davantage !

2
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

Sommaire

Dédicaces………………………………………………………………………………………………....1
Remerciements……………………………………………………………………………………………2
PRINCIPALES ABREVIATIONS…………………………………………………………….4
INTRODUCTION
GENERALE……………………………………………………………………………………6

PREMIERE PARTIE : LE CADRE JURIDIQUE ET INSTITUTIONNEL DE LA


GESTION DU DOMAINE FONCIER LOCAL…………………………….........................14
Chapitre 1er : La consécration juridique d’un domaine foncier local…………………………14
Section 1ère : La genèse de la reconnaissance aux collectivités territoriales d’un domaine
foncier propre…………………………………………………………………………………15
Section 2ème: La consistance du domaine foncier local au Burkina-Faso…………………...23
Chapitre 2ème: Le mécanisme juridico-institutionnel de gestion du domaine foncier
local………………………………………………………………………………………………………32
Section 1ère : Le dispositif juridique de gestion du domaine foncier local………………….32
Section 2ème : Le dispositif institutionnel de gestion domaniale et foncière locale…………43
DEUXIEME PARTIE : LA PROBLEMATIQUE DE LA GESTION EFFICIENTE DU
DOMAINE FONCIER LOCAL……………………………....................52
Chapitre 1er: Les insuffisances dans la gestion du domaine foncier des collectivités
territoriales……………………………………………………………………………………………...53
Section 1ère : Les lacunes dans la gestion des collectivités de leur domaine foncier………..53
Section 2ème : Les autres difficultés liées à la gestion du domaine foncier local…………....62
Chapitre 2ème : Les implications d’une gestion déficiente du domaine foncier local et les
défis à relever…………………………………………………………………………………………...74
Section 1ère: Les implications socio-économiques et financières……………………………74
Section 2ème: Les défis de la gestion locale domaniale et foncière…………………….........83
CONCLUSION……………………………………………………………………………….95
BIBLIOGRAPHIE GENERALE……………………………………………………………..98

3
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

PRINCIPALES ABREVIATIONS

ADP : Assemblée des Députés du Peuple

ANT : Agence nationale des terres rurales

AOF : Afrique Occidentale Française

APFR : Attestation de Possession Foncière Rurale

BEA : Bail Emphytéotique Administratif

CCFV : Commissions de Conciliation Foncière Villageoise

CDR : Comités de Défense de la Révolution

CFV : Commission Foncière Villageoise

CGCT : Code Général des Collectivités Territoriales

CGPPP : Code Général de la Propriété des Personnes Publiques

CL : Collectivités Locales

CND : Commission Nationale de la Décentralisation

CNR : Conseil National de la Révolution

CONA/SFR : Comité National de Sécurisation Foncière en milieu Rural

CORE/ SFR : Comité Régional de Sécurisation Foncière en milieu Rural

CR : Collectivité Rurale

CT : Collectivités Territoriales

CVD : Conseil Villageois de Développement

DFL : Domaine Foncier Local

DFN : Domaine Foncier National

4
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

DGI : Direction Générale des Impôts

GUF : Guichet unique sur le foncier

MCA : Millenium Challenge Account

ONG : Organisation non gouvernementale

OP : Organisations Paysannes

OSC : Organisations de la Société Civile

PF : Front Populaire

PNAT : Politique Nationales d’Aménagement du Territoire

PNSFMR : Politique Nationale de Sécurisation Foncière en Milieu Rural

POS : Plan d’Occupation des Sols

PUH : Permis Urbain d’Habiter

RAF : Réorganisation Agraire et Foncière

SDAU : Schéma Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme

SFR : Services Fonciers Ruraux

SIF : Systèmes d’Information Foncière

TF : Titres Fonciers

TOD : Textes d’Orientation de la Décentralisation

UEMOA : Union Economique et Monétaire Ouest Africaine

5
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

INTRODUCTION GENERALE

La terre a toujours constitué le support matériel où se déroulent les activités


diverses de l’homme et à ce titre, fait l’objet de toutes les convoitises et attentions. La terre,
c’est «…la base et la source de la vie; sacrée, elle est aussi souveraine »1. Cela est vrai en
Afrique comme dans toutes les régions du monde où elle représente une ressource essentielle
et stratégique, tant pour les habitants des villes en termes de logement et d’activités
économiques, que pour les ménages ruraux dont c’est la principale richesse et le premier
moyen de production. Dans le cas de l’Afrique particulièrement, la terre a d’abord été un bien
commun à toute la collectivité2 et ce n’est qu’à partir de l’influence coloniale occidentale
qu’elle a connu le phénomène d’appropriation privée. Quant au foncier, resté pendant
longtemps un simple adjectif tant qu’il désignait le fonds de terre, il est vu par les chercheurs
comme cet « ensemble particulier de rapports sociaux ayant pour support la terre ou l’espace
territorial »3. Il serait même certains auteurs un critérium de caractérisation des communautés
humaines. Ainsi, « la façon dont une société définit les droits de propriété sur la terre et sur
les ressources naturelles, dont elle les distribue entre les différents acteurs, les garantit et les
administre est révélatrice de la manière dont cette société est gérée »4. Ces rapports sociaux
sont donc principalement déterminés par des facteurs économiques (accumulation de capital,
extraction de rente, ..), juridiques (normes d’appropriation, modalités de règlements de
conflits…) mais aussi socio-identitaires5.

Toutefois, au-delà de sa dimension sociale très encrée, la question de la gouvernance foncière


renvoie également aux arbitrages entre des fonctions économiques très concurrentes de la
terre. C’est en cela qu’elle est de nos jours au cœur des grandes préoccupations de la gestion
des collectivités publiques des pays au Sud du Sahara. En effet, dans le courant des années
1990, avec la décentralisation d’une part, la montée en puissance du phénomène

1
V. Catherine COQUERY-VIDROVITCH, « Le régime foncier rural en Afrique noire », cité dans Enjeux
fonciers en Afrique Noire, études réunies et présentées par E. LE BRIS, E. LE ROY et F. LEMDORFER,
ORSTOM-KARTHALA, 1983, P67.
2
Voir sur ce point E. LE BRIS, E. LE ROY, P. MATIEU dans « L’appropriation de la terre en Afrique
Noire », Manuel d’analyse, de décision et de gestions foncières, KARTHALA, 1991, P 29.
3
E. LE BRIS et Cie, Op.cit. P13
4
Cf. « Gouvernance foncière et sécurisation des droits dans les pays du Sud, Livre blanc des acteurs français de
la Coopération », septembre 2008, P5.
5
C’est exactement la même définition que donne le Grand Juriste et anthropologue du foncier africain, Philippe
Lavigne DELVILLE (J), in Programmes zones arides, n°107, 2001, P32, lorsqu’il dit du foncier qu’il est
constitué par «cet ensemble de règles définissant les droits d’accès, d’exploitation et de contrôle de la terre et
des ressources naturelles renouvelables. Ce n’est pas un simple rapport entre l’homme et la terre, (….) ajoutait-
il, mais surtout, un rapport aux enjeux économiques, sociaux, politiques et identitaires »

6
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

d’urbanisation croissante et mal contrôlée, du boom démographique et des autres grandes


crises socio-économiques et mutations d’autre part, la question foncière devient plus
qu’explosive. La maitrise de la gestion du patrimoine foncier apparait comme un facteur
indispensable au progrès économique et social. Les territoires et la gestion locale deviennent
désormais, d’enjeux considérables et d’une position, telle que beaucoup de pays se sont vus
réaliser de très bons exploits en matière de développement économique et social, pendant que
d’autres se sont retrouvés dans des situations de démembrement préjudiciable à la paix, et ont
même versé dans des guerres civiles.

Le Burkina Faso, pays enclavé d’Afrique occidentale essentiellement agricole


n’échappe pas à cette réalité. Cependant, nonobstant sa très grande diversifié du point de vue
géographique, ethnique et culturel, il a su depuis s’engager dans une politique
d’administration et de gestion décentralisée du territoire, même si cette dernière ne s’est
renforcée véritablement qu’au cours des années 1990. La véritable réforme de la gestion
foncière héritée de la colonisation date du pouvoir révolutionnaire de 1983, avec la première
loi portant Réorganisation Agraire et Foncière (RAF), même si avec cette loi, les collectivités
consacrées n’avaient pas de véritable pouvoir de gestion, pas plus que les citoyens, dont les
terres étaient désormais propriété exclusive de l’Etat. Ce sont les dernières lois sur la
décentralisation au Burkina-Faso6 qui placent les collectivités territoriales comme des centres
d’impulsion du développement économique et social à la base.

Dans cette volonté de propulser un développement local harmonieux, la maitrise de la


gestion des biens en général et plus particulièrement du patrimoine domanial et foncier fait
partie des principales préoccupations. Au fait, le manque de moyens financiers et humains
propres des collectivités locales, leur dépendance financière vis-à-vis de l’Etat, les besoins
croissants de sources de revenus propres et surtout la taille considérable de leur domaine
foncier (urbain comme rural), impose à ces dernières une gestion dynamique, sécurisée et
profitable de ces biens. D’ailleurs, c’est bien par la bonne disposition et gestion efficace des
ressources propres, que peut le mieux s'affirmer l'autonomie des collectivités décentralisées.
Les enjeux du domaine foncier local sont donc tels, qu’il doit désormais procurer de

6
Notamment les lois de 2004 portant Code général des Collectivités locales, de 2009 sur le régime foncier rural
et la loi du 12 juillet 2012 portant Réorganisation agraire et foncière.

7
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

véritables ressources pour les budgets des entités décentralisées afin qu’elles atteignent le plus
haut niveau de décentralisation: l’autonomie financière et jouer pleinement leur rôle7.

Il est clair qu’«une démocratie locale sans moyens se désertifie, et quand elle se désertifie,
elle se pervertie. Une démocratie sans moyens, c'est bien une démocratie qui s'essouffle assez
rapidement »8. Pourtant les contraintes qui se dressent aux collectivités locales en matière de
gestion des biens fonciers sont des plus énormes et les défis, considérables. Le rôle confié
aujourd’hui aux collectivités territoriales burkinabè en tant qu’attributaires et gestionnaires
d’un foncier local propre, est le résultat d’une dynamique qui a été certes lente, mais
constante. En fait, trois étapes ont jalonné la construction des collectivités territoriales en tant
qu’entités dotées d’autonomie.

La première étape qui va de la colonisation jusqu’aux indépendances, n’a pas permis une
décentralisation au vrai sens du terme en raison de la volonté du colonisateur de contrôler les
territoires pour les administrer à sa guise. Ainsi la colonie de Haute-Volta, futur Burkina
Faso, créée par décret du 1er mars 1919, a dû se suffire de son statut de bassin de main-
d’œuvre devant servir aux entreprises et aux investissements coloniaux en Côte d’Ivoire, au
Soudan et au Niger, mais aussi de la culture du coton.

Quant à la deuxième étape, elle va des indépendances (1960) jusqu’en 1990, période au cours
de laquelle, bien que les régimes successifs9 à la tête du pays aient cherché à optimiser la
gestion territoriale, les entités territoriales n’ont pas bénéficié véritablement de compétences
et de moyens d’actions conséquentes. La dernière étape qui est la plus importante, va de 1991
à nos jours et correspond à la période où les textes (constitutionnel et législatifs) vont

7
Au-delà de leur rôle classique, qui se limitait généralement à un rendement de services sociaux de base aux
citoyens, les collectivités locales (les régions surtout) doivent contribuer désormais au développement
économique des territoires, en réduisant au maximum les déséquilibre spatiaux. La région au Burkina Faso est
ainsi définie comme la CL qui a «…vocation à être un espace économique et un cadre adéquat d'aménagement,
de planification et de coordination du développement » (art.15 de la loi n°055-2004/AN du 21 décembre 2004
portant code général des collectivités territoriales au Burkina Faso). Ceci met nos collectivités face au défi de la
performance, entendu comme la capacité des entités décentralisées à satisfaire les besoins individuels et
collectifs des populations dont elles sont en charge, dans les limites des compétences légales et des moyens
budgétaires à leur disposition.
8
MALKI El Habib, « Discours d'ouverture de la journée de réflexion sur la réforme de la fiscalité locale au
Maroc » in Bulletin thématique n°31, Centre Marocain de Conjoncture, juin 2007(volume1), P7, cité par Siham
RHOUALEM dans « Les biens des collectivités locales et la décentralisation » Master 2010, Université
Mohammed V, Faculté des Sciences Juridiques et Sociales, P4.
9
A l’exception du régime transitoire que vit le pays actuellement, consécutif à l’insurrection populaire des 30 et
31 octobre 2014 ayant conduit à la chute du régime en place, le Burkina-Faso a connu, depuis les indépendances
seulement trois régimes constitutionnels sur six régimes d’exception.

8
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

reconnaitre et accorder une grande importance10 aux collectivités territoriales en tant


qu’acteurs nouveaux, porteurs du développement à la base.

La domanialité au Burkina-Faso, comme dans la plupart des ex-colonies françaises, s’est


inspirée de la législation métropolitaine, elle-même fruit d’une longue évolution. En effet, le
domaine de la Couronne devint par le code domanial français du 1er décembre 1790, domaine
de la Nation11. Ce domaine recouvre tous les biens qui ne sont pas susceptibles d’une
propriété privée ». Avec le dernier code, le Code général de la propriété des personnes
publiques (CGPPP) de 2006, le domaine public est définit comme l’ensemble des biens
appartenant aux personnes publiques, affectés à l’usage direct du public ou au service public
et ayant fait l’objet d’aménagement indispensable12. C’est une définition qui s’inspire de la
longue tradition de jurisprudences constructives des juges administratifs et constitutionnels
français mais surtout des thèses doctrinales de certains auteurs chevronnés13.
Le Burkina-Faso reconnait l’existence d’un domaine foncier national composé du
domaine foncier de l’Etat, du domaine foncier des collectivités locales et du patrimoine
foncier des particuliers. Le domaine foncier des collectivités locales, constitué du domaine
public immobilier et du domaine privé immobilier se doit d’être d’un apport considérable
pour les Collectivités locales (CL) dans leur rôle de nouveaux acteurs, porteurs de
développement à la base. Le régime foncier colonial à travers ses trois piliers (la présomption

10
Par les compétences et les moyens qui leur sont justement accordées, Cf. Titre I du Code Général des
Collectivités locales, qui énumèrent les domaines de compétences et le Titre II sur les moyens de ces mêmes CL.
11
Ce texte disposait dans son préambule que « le domaine public, dans son intégralité et avec ses
accroissements, appartient à la Nation(…) les droits qui en dépendent sont et demeurent inaliénables sans le
consentement et le concours de la Nation…. »
12
Cf. les arts. L2111-1 et L2111-2, du CGPPP : « les biens qui appartiennent aux personnes publiques (Etat,
Collectivités locales et leurs groupements, les Etablissements publics…) qui sont soit affectés à l’usage direct du
public, soit affectés à un service public pourvu qu’en ce cas, ils fassent l’objet d’un aménagement indispensable
à l’exécution des missions de ce service public (…) Font également partie du domaine public les biens des
personnes publiques (…) qui, concourant à l’utilisation du dit bien, en constituent un accessoire indissociable ».
13
A l’image d’André DE LAUBADERRE pour qui « cette partie du droit administratif a un pouvoir de
séduction et une facilité de renouvellement presque inépuisable » ou du doyen Jean RIVERO, avec sa formule
restée célèbre : « le domaine public est la terre d’élection des constructions doctrinales, des faiseurs de
systèmes, promptes à idéaliser et à rendre la complexité, présumée être la marque de notre époque». Sans
oublier des grands auteurs classiques, comme Henry BARCHAUSEN (Etude sur la théorie générale du domaine
public, RD. Pub.1902 et 1903) Maurice HAURIOU (Précis sur le domaine public), JEZE (Définition du domaine
public, 1931) de même que le Doyen Léon DUGUIT (Traité de Droit Constitutionnel, 3 Tomes, 1923), le
concepteur de « l’échelle de la domanialité ». On peut retenir également Maurice DUVERGER, J. Marie
AUBY (Droit administratif des biens, Dalloz), René CAPITANT ou récemment des auteurs comme Jean
DUFAU (Le Domaine public, 2 Tomes), Philippe YOLKA (qui a écrit une formidable thèse sur « La propriété
publique : éléments sur une théorie », LGDJ, 1997, Yves GAUDEMET, Philippe GODFRIN (Droit
administratif des biens, Sirey 2009, 9e édition) ou Etienne FATOME, pour ne citer que ceux-ci.

9
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

de domanialité de l’État sur les « terres vacantes et sans maître »14, la création de la propriété
par l’immatriculation et le titre foncier15, et les procédures de constatation des droits fonciers
coutumiers sur déclaration individuelle16), a prévalu au Burkina-Faso jusqu’aux dernières lois
sur le foncier, quoiqu’un dualisme foncier y a toujours cours. Il est indéniable que les
collectivités territoriales, par les compétences et les moyens qui leurs sont reconnues, peuvent
et doivent être des actrices incontestables du développement local par leur « vocation à
concevoir, à programmer et à mettre en œuvre les projets de développement économique,
éducatif, social et culturel dans l’espace décentralisé »17 et garantir ainsi leur autonomie
financière face au pouvoir central. Pour remplir cette vocation, la gestion efficiente des
ressources, notamment foncières s’avère une nécessité. Il sera donc question dans cette étude
des « contraintes et des défis de la gestion du domaine foncier des collectivités
territoriales au Burkina-Faso ».
Mais il s’avère important, pour mieux appréhender le sujet de clarifier avant tout certains
concepts fondamentaux.
Les collectivités territoriales (ou locales)18 désignent organiquement la subdivision
du territoire dotée de la personnalité juridique et de l'autonomie financière. Ce sont des
personnes morales de droit public, jouissant de l’autonomie financière, d’une gestion propre
déterminées par la Constitution, les lois et décrets.
Quant au mot foncier19, il s’entend juridiquement de tout ce qui a trait ou se rattache à un
fonds de terre ou à un bien-fonds, mais aussi à autant de procédures et de règles dites
domaniales ou foncières. Selon le Professeur Samba TRAORE20, le foncier désigne «
l’ensemble constitué à la fois par la terre et les ressources naturelles qui y sont directement

14
Décret du 23 octobre 1904 établissant le régime du domaine public et des terres domaniales en AOF.
15
Décret du 26 juillet 1906 portant réorganisation de la propriété foncière en Afrique occidentale française, puis
décret du 26 juillet 1932 portant réorganisation de la propriété foncière en AOF. Ces deux décrets instituent
l’immatriculation comme procédure de création de la propriété foncière et le titre foncier comme acte
manifestant la propriété foncière.
16
Décret du 8 octobre 1925 instituant mode de constatation des droits fonciers indigènes en AOF. Ce décret crée
les régimes fonciers transitoires du certificat administratif et du livret foncier.
17
Cf. ALISOUTIN R. Ludovic, « Les défis du développement local au Sénégal », CODESRIA 2008, P6.
18
Les termes de collectivités territoriales ou locales désignent pratiquement la même réalité. Il est vrai qu’en
France, le terme de collectivités territoriales ou locales portait confusion à certains égards. C’est pourquoi dans
la réforme constitutionnelle de mars 2003, le terme territorial est définitivement consacré par la Constitution. Au
Burkina Faso, il y’a bien une indifférence quand à ces deux termes, bien que le terme consacré par le législateur
soit « locales ». Ils désignent donc la même entité.
19
Le Lexique du foncier en Afrique noire le définit comme le rapport de l’homme à son environnement par
rapport à un système d’interrelation entre d’une part, les sphères de l’action sociale, individuelle et collective
(organisation sociale, politique et religieuse), et d’autre part les dynamiques écologiques.
20
Cf. Pr S. TRAORE, Cours de Droit foncier en deuxième année de Sciences Juridiques, UGB, 2006.

10
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

attachées et l’ensemble des relations entre individus ou groupes pour l’appropriation et


l’utilisation de ces ressources. Ces relations engloberaient à la fois des règles et des
principes de la maitrise, de l’appropriation et des usages de la terre ainsi que les contextes
institutionnels et relationnels qui déterminent la mise en œuvre de ces principes. Il y’a lieu de
parler dans ces circonstances de foncier agricole, de foncier pastoral, de foncier pour
l’habitat ou de foncier halieutique… ».
En ce qui concerne le domaine, il est dérivé du latin dominium, qui signifie « droit de
propriété ». En droit administratif, le Domaine de la personne publique (Etat, collectivité
locale ou Etablissement public) désigne son domaine public constitué des biens qui, par leur
nature ou leur affectation ne sont pas susceptibles d'appropriation privée, et de son domaine
privé composé des biens non affectés à un service public ou à l'usage direct du public, mais
pour lesquels le régime de la propriété privée n'est pas complètement applicable. Le groupe de
mot domaine foncier des collectivités locales (qui comprend et le domaine public et le
domaine privé) désigne l’ensemble des terres et des biens immeubles ou assimilés, situés dans
les limites du territoire local considéré. Le terme gestion, plus utilisé dans les sciences
économiques, désigne l’action d’administration, d’organisation et de contrôle d’une entreprise
privée ou publique. C’est donc la science qui détermine la meilleure combinaison possible
pour réaliser les meilleurs rendements et la plus grande productivité. Rapporté au foncier, il
s’entend d’un ensemble d’opérations qui visent l’organisation (mise à disposition des terres,
délivrance de titres réguliers à cet effet…) et la valorisation économique de la ressource sol.

Dans le cadre de la présente étude, la gestion foncière s’entendra de toutes les règles
de constitution, de cession, d’occupation, de modes d’exploitation, de protection et
d’aliénation des biens du domaine foncier local ainsi que les institutions et organes chargées
de leur mise en œuvre. Ce, dans le but d’optimiser les profits que les Collectivités territoriales
peuvent tirer de leurs biens domaniaux propres, sans remettre en cause la pérennité même des
dits biens. Les contraintes s’entendent de toutes les formes de difficultés, qu’elles soient
juridiques ou matérielles qui peuvent d’une manière ou d’une autre empêcher la bonne et
dynamique gestion des biens fonciers par les collectivités locales.

S’il est vrai que le retour à l’évolution du droit foncier au Burkina-Faso depuis les
indépendances, peut être une clé de compréhension de la présente réflexion, notre étude est
circonscrite du début des années 1990 avec la loi portant RAF de 1991 jusqu’à la dernière
grande loi de juillet 2012, quoique les premières lois aient pu inspirer cette dernière. En effet,
cette période correspond aux prémices du processus véritable de démocratisation et de

11
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

décentralisation, qui va voir émerger les collectivités locales comme entités autonomes. C’est
également la période de foisonnement des textes sur le foncier et la gestion des ressources
naturelles, dont le dernier n’a que deux ans de vie.

L’étude d’un tel sujet renferme un intérêt certain à plusieurs points de vue. Il s’agit
d’abord de faire le constat général que les autorités publiques gestionnaires n’ont jamais été
autant conscientes, de la valeur économique du domaine public, en tous les cas où il pouvait
être le support d’activités agricoles, industrielles et commerciales. Les pouvoirs publics sont
de plus en plus convaincus de ce qu’il faut rechercher la valorisation économique du domaine,
notamment lorsqu’il est mis à disposition d’activités économiques ou est le siège
d’investissements privés conséquents. Ce qui se comprend aisément car nous savons qu’il
sera pratiquement impossible aux CT d’atteindre les missions à elles assignées, si elles ne
disposent pas de ressources conséquentes. Faut-il rappeler que les ressources propres des
collectivités locales constituent le pilier même d’une politique qui se veut vraiment
décentralisatrice ? La santé économique des territoires et leur autonomie sont en effet
étroitement liées à la bonne gestion du patrimoine domanial et foncier local. Et c’est
justement à travers l'importance du patrimoine immobilier et foncier, et surtout sa capacité à
contribuer efficacement à l’essor économique et social local, qu'on apprécie le degré
d'évolution et la stature d’une collectivité. Ensuite, cette étude nous permettra de mettre
particulièrement en lumière la très grande diversité des biens des collectivités locales
burkinabè, pourtant mal exploitée. En effet, en dépit de la consistance énorme des domaines
locaux public et privé, de la règlementation en vigueur assez fournie, la gestion pratique
révèle des insuffisances considérables.

Enfin, cette étude nous permettra d’interroger les textes, l’histoire, et la pratique pour essayer
de comprendre les obstacles à la gestion efficiente du patrimoine foncier local, d’en dégager
les conséquences et les challenges à relever par nos collectivités publiques. Au fait, pour peu
que l’on s’intéresse à la mise en œuvre de la politique de décentralisation au Burkina Faso,
l’on se rendra vite compte des grandes disparités territoriales existantes de même que la
question récurrente et très actuelle de la sécurisation foncière en milieu rural, objet de toutes
les attentions ces dernières années. C’est eu égard à toutes ces considérations et dans la
perspective de poser un angle efficient d’appréhension de cette thématique, que la question
qui mérite d’être posée est quelle gestion du domaine foncier local pour un développement
harmonieux des collectivités territoriales burkinabè ?

12
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

La réponse à une telle problématique dans le contexte burkinabè semble nous imposer
deux angles d’appréhension. Il s’agit d’une part de remarquer de prime abord, que la gestion
dynamique du patrimoine foncier des collectivités locales devient de plus en plus un impératif
de finances publiques ; dans un contexte de réduction des marges de manœuvre financière de
l’Etat, de budgets vraiment austères21 et d’une exigence grandissante des administrés quant à
la gestion des affaires publiques22. En effet, même s’il semble évident que les collectivités
locales portent, à ce jour, un intérêt encore modeste à leur gestion immobilière, il est certain
que le foncier local peut et doit désormais jouer un grand rôle dans l’amélioration de la santé
financière des collectivités, partant de leur développement harmonieux. Mais au-delà de cet
aspect économique, en raison de l’urbanisation galopante et de la démographie toujours
croissante, la problématique foncière est caractérisée ces dernières années par de multiples
conflits sociaux, tant en milieu urbain que rural imposant la recherche de solutions idoines.
L’insécurité foncière, l’accaparement indu des terres rurales et la spéculation foncière urbaine
ont atteint un niveau véritablement explosif dans la plupart des collectivités locales au
Burkina-Faso.

D’autre part, il faut reconnaitre que même si les collectivités locales au Burkina-Faso
disposent désormais avec les derniers textes, de leur propre domaine foncier, sa gestion
efficace se fait toujours attendre. On a l’impression que les limites des textes sur le foncier de
1991 et de 1996 relativement au développement des territoires, aux enjeux économiques et
sécuritaires du patrimoine domanial et foncier, la résolution des conflits, semblent toujours
prégnantes dans l’action des collectivités publiques.

Toutefois nous n’avons pas la moindre prétention quand à vouloir dénouer les contours de
cette thématique, pertinente certes, mais assez complexe. Il s’agit modestement d’une ébauche
de la question, compte tenu de son actualité mais surtout du constat de la faiblesse des études
la concernant23. Ainsi donc, l’examen du cadre juridique et institutionnel de la gestion du

21
En effet, avec la situation insurrectionnelle qu’a connu le pays avec les énormes dégâts en fin octobre 2014, le
budget de l’Etat, exercice 2015 adopté par le Conseil National de la Transition (CNT) le 29 décembre 2014 est
un budget contraignant car, « ….réaliste, il se fonde sur les capacités réelles de mobilisation par les régies
financières au cours de l’année 2015 ; et dans un contexte où les recettes baissent, il faut que les dépenses soient
aussi ajustées. C’est pourquoi nous parlons de budget d’austérité, (…) presque toutes les dépenses sont revues à
la baisse » s’expliquait ainsi M. Jean Gustave SANON, le Ministre de l’économie et des finances, in Le pays du
31/12/2014.
22
En témoigne les évènements dramatiques qu’a connus le pays à la faveur de l’insurrection populaire des 30 et
31 octobre 2014, ayant conduit au renversement du régime en place.
23
En effet, il nous est revenu de remarquer que les études et autres recherches sur le domaine foncier (domaine
public/domaine privé) des collectivités locales au Burkina Faso ne sont pas très développées, voire sont rares.

13
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

domaine foncier des collectivités locales au Burkina Faso (Première partie), permettra de
mieux appréhender la problématique de sa gestion dynamique et efficiente (Deuxième
partie).

En dehors de certains mémoires de fin de cycle à l’Ecole Nationale des Régies Financières (ENAREF),
notamment celui de M. Noufou TIENDREBEOGO, « La décentralisation et la gestion du domaine public au
Burkina Faso », 2007, la majorité des écrits y afférents sont juste des rapports d’ONG et autres partenaires
techniques intervenant dans le domaine.

14
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

PREMIERE PARTIE : LE CADRE JURIDIQUE ET INSTITUTIONNEL DE LA


GESTION DU DOMAINE FONCIER LOCAL

Le raffermissement des compétences dévolues aux collectivités territoriales 24, et


la volonté renouvelée des pouvoirs publics pour une participation plus significative des
Collectivités territoriales au développement socio-économique du pays, ont conduit
indubitablement à une responsabilisation plus accrue de ces dernières, notamment dans le
domaine de la gestion des terres. Il est évident que les Collectivités territoriales, peuvent et
doivent être des actrices incontestables du développement local, tant il est vrai qu’elles ont
vocation à concevoir, à programmer et à mettre en œuvre des projets de développement
économique et social, et garantir ainsi leur autonomie financière face au pouvoir central. C’est
pourquoi la dernière loi portant Réorganisation Agraire et Foncière (RAF) a mis en place un
dispositif pour leur permettre de participer efficacement à la gestion des propriétés
domaniales et foncières. La consécration d’un domaine foncier local (Chapitre 1er) est le
résultat d’une élaboration juridique bien murie, et participe de cette volonté de rendre plus
autonome les collectivités locales. Il en est de même du mécanisme juridico-institutionnel de
gestion de ce domaine foncier local consacré (Chapitre 2ème).

Chapitre 1er : La consécration juridique d’un domaine foncier local

La consécration juridique d’un domaine foncier propre aux Collectivités


territoriales est le fruit d’un long processus. Le législateur burkinabè a surement opté pour
une décentralisation souple et progressive, ne reconnaissant aux Collectivités territoriales
certaines compétences qu’au rythme de leur niveau d’émancipation. Il est donc important
d’envisager l’étude de ce Chap. à travers l’historique de la reconnaissance aux Collectivités
territoriales burkinabè d’un domaine foncier propre à elles (Section 1ère) avant d’examiner la
consistance de ce domaine foncier local (Section 2ème).

24
En effet, la reconnaissance d’un domaine foncier aux Collectivités territoriales et d’un pouvoir de gestion ne
s’est pas faite concomitamment avec le processus de décentralisation entamé depuis la période coloniale,
processus qui s’est seulement renforcé à partir des années 1990. Jusqu’à la loi n°034/2009, portant régime
foncier rural et la dernière loi n°034/AN du 02 juillet 2012 portant Réorganisation Agraire et Foncière (RAF),
toutes les terres relevaient de la propriété de l’Etat et étaient comprises dans le Domaine Foncier National
(DFN) ; l’Etat pouvait seulement céder, à des conditions fixes, certaines parties du territoire à titre de propriété
aux personnes physiques ou morales.

15
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

Section 1ère : La genèse de la reconnaissance aux collectivités territoriales d’un domaine


foncier propre

La genèse de la reconnaissance aux Collectivités territoriales d’un domaine qui leur


est propre révèle d’abord une période d’exclusion, au cours de laquelle l’avènement des
Collectivités territoriales fut lent, et parsemé d’embuches. C’est la période de la colonisation
et même d’après, marquée beaucoup plus par une organisation très centralisée du pouvoir
(Paragraphe 1er). La consécration de ce domaine foncier local n’est intervenue que
tardivement, grâce au processus de démocratisation généralisée des années 1990, mais surtout
par la volonté des pouvoirs publics centraux de rendre plus autonomes ces Collectivités
territoriales (Paragraphe 2ème).

Paragraphe 1er: La lente reconnaissance des collectivités territoriales comme détentrices


d’un domaine foncier propre

La politique de décentralisation sous la colonisation ressemblait beaucoup plus à


une technique de contrôle plus étroite des collectivités, pour des raisons purement
économiques qu’à une décentralisation, au vrai sens, accordant une plus grande liberté
d’action aux Collectivités territoriales. Il en est résulté une émergence difficile de ces
dernières sous cette période (A). Toutefois, la réorganisation du territoire par les nouvelles
autorités d’après indépendance, qui semble avoir été plutôt un mimétisme organisationnel
imparfait, n’a pas aussi abouti à une décentralisation parfaite dans l’administration du
territoire (B).

A : Une difficile émergence des collectivités territoriales sous la colonisation

La reconnaissance aux Collectivités territoriales de pouvoirs de gestion


conséquents est tributaire du degré de décentralisation exercé par les autorités publiques
centrales. La décentralisation pratiquée par les colons en Afrique occidentale, et
particulièrement en Haute Volta rentrait plus dans le cadre de leur volonté de mieux contrôler
le territoire, et partant son économie que de leur désir de responsabilisation de ces entités.
Pour comprendre cette situation, il convient de distinguer deux étapes importantes dans
l’éclosion de la décentralisation sous la colonisation.

En premier lieu, il faut noter que le processus de décentralisation sous la


colonisation commence véritablement à prendre forme quand deux arrêtés coloniaux créent
16
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

deux communes mixtes, celle de Ouagadougou, le 4 décembre 1926 et celle de Bobo-


Dioulasso, le 1er janvier 1927. La commune mixte instituée en vertu d'un arrêté du
Gouverneur Général de l’Afrique Occidentale Française (AOF), était à la fois une entité
spécifiquement municipale, mais aussi une circonscription politique et administrative, dotée
de la personnalité morale et d'une certaine autonomie financière. Elle est dirigée par un
fonctionnaire nommé, généralement l'administrateur des services civils, lui-même assisté d'un
ou de plusieurs administrateurs adjoints et de chefs indigènes. Auprès de lui et sous sa
présidence, siège une sorte d’assemblée délibérante : c’est la Commission municipale, elle-
même constituée de citoyens français et de notables voltaïques, élus ou nommés par le
Gouverneur, Chef du territoire colonial. « La Commission municipale ainsi composée avait
certes, un pouvoir de délibération réduit ; qui lui permettait, néanmoins, d’intervenir dans la
vie de la cité en matière de police urbaine, de voirie, d’hygiène, d’entretien des cimetières et
des marchés et de création d’espaces verts » nous rappellent Gabriel MASSA et Y. Georges
MADIEGA25.

La seconde étape fut la réorganisation des municipalités par la loi n°55-1489 du 18


décembre 1955 qui permit la mise en place des communes de moyen et de plein exercice, cet
autre type de communes de l’administration coloniale. Ainsi, des villes comme Ouahigouya,
Banfora, Koudougou et Kaya sont érigées en communes de moyen exercice par trois arrêtés
du 24 mai 1958, alors que les uniques communes mixtes jusqu’alors, de Ouagadougou et de
Bobo-Dioulasso atteignaient le stade de communes de plein exercice en 1956. Les communes
de moyen exercice se distinguaient de celles de plein exercice d’abord par le niveau de
développement et ensuite, du régime juridique applicable aux deux types de communes26.
Jusqu’en 1959, Ouagadougou et Bobo-Dioulasso resteront les deux communes où les organes
sont élus au suffrage universel direct. Toutefois cette expérience sera écourtée par la loi
n°41/59/AL du 9 décembre 1959 de l’Assemblée législative, qui créa des délégations initiales
composées de notabilités locales nommées, et disposant des pouvoirs généraux
d’administration et de gestion identique à ceux d’un conseil municipal. Les villes de Banfora,
Kaya, Koudougou, Ouahigouya en plus de Bobo-Dioulasso et de Ouagadougou seront

25
Voir Gabriel Massa, Y. Georges MADIEGA, « La Haute-Volta coloniale: témoignages, recherches,
regards » KARTHALA Editions Amazon France, P120.
26
La commune de plein exercice est créée par le gouvernement métropolitain, alors que la commune de moyen
exercice est créée par le gouverneur, chef du territoire colonial. Aussi, le maire de la commune de plein exercice
est élu, l’administrateur-maire de la commune de moyen exercice est lui, nommé par le pouvoir central.

17
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

organisées en conseils municipaux initiaux selon les dispositions de cette dernière loi. Que
dire du régime de gestion foncière consacrée ?

En matière de gestion domaniale et foncière, le colonisateur introduisit la notion


d’immatriculation des terres, tirée notamment du code civil français de 1804.
L’immatriculation des terres permettait une appropriation individuelle de la terre, chose
méconnue et jamais vécue sous le régime foncier traditionnel. L’Etat colonial créa le domaine
de l’Etat constitué du domaine public et du domaine privé, l’acquisition et la gestion des
terres du domaine public étant soumises à des règles particulières. Les terres du Domaine
privé, elles, sont constituées des terres appartenant à l’Etat et aux collectivités publiques
secondaires et qui ne font pas partie du domaine public. Plusieurs actes administratifs
consacreront le régime foncier colonial dans toute l’Afrique Occidentale Française (AOF)27.
Les Collectivités territoriales d’alors n’avaient aucun rôle particulier à jouer dans la gestion
domaniale et foncière sauf, pour les membres des Commissions municipales, les notables
‘’indigènes’’, à expliquer les règles du colonisateur aux populations et à gérer les frustrations
et conflits potentiels. La terre appartenait à l’Etat colonial, même si on reconnaissait
néanmoins des droits d’usage aux détenteurs terriens coutumiers.

L’organisation des Collectivités territoriales sous la colonisation répondait donc


beaucoup plus au souci de l’administration efficace de la colonie de Haute Volta, et ne
pouvait donc permettre une affirmation conséquente de ces entités. Les autorités
postcoloniales n’en feront pas vraiment mieux que les colons, malgré leur volonté de
réorganisation et d’administration décentralisée du territoire voltaïque.

B. La réorganisation imparfaite du territoire après les indépendances

« Les Etats africains, notamment les ex-colonies françaises, au lendemain des


indépendances, ont hérité du système administratif métropolitain pour éviter tout vide
juridique que provoquerait un rejet des conceptions, structures et règles administratives du
moment… » 28. Mais après une phase d’imitation, ils seront conscients de l’inadaptation des
structures administratives allogènes à leurs réalités socio-économiques. C’est pourquoi depuis

27
Ce sont entre autres, le décret du 26 juillet 1906 portant réorganisation de la propriété foncière en AOF, repris
par le décret du 26 juillet 1932, qui institue l'immatriculation des immeubles. Il y’a aussi le décret du 08
décembre 1925 qui instituait une procédure simplifiée ayant pour objet de reconnaitre les droits des détenteurs
des terres, tels qu'ils existaient d'après les coutumes indigènes, cité dans « L’évolution du droit de
l’aménagement du territoire au Burkina Faso », Mémoire de DEA/DGCL/UGB, 2013, P21 de I. COMPAORE.
28
Voir GAUTRON J.C et ROUGEVIN M., Droit public du Sénégal, Paris, Pedonne, 1977, p.133

18
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

1960, date des indépendances, la Haute Volta va se lancer dans l’approfondissement de la


décentralisation enclenchée sous la colonisation. Cette volonté politique de décentralisation
fut vraiment constante.

En effet, sous la première république (de 1960 à 1966), on note la création de 4 départements,
mais la collectivité décentralisée qui a marqué cette époque fut sans conteste la Collectivité
Rurale (CR). Son ressort territorial était constitué par les anciennes structures administratives
léguées par le colonisateur à savoir le cercle, la subdivision et le poste administratif. Instituées
par la loi n°21-60 AN du 02 février 196029, on distinguait la Collectivité Rurale (CR) de plein
exercice dont le président est élu et la CR de moyen exercice, dont la présidence est assurée
par le chef de circonscription administrative. En ce qui concerne les Collectivités Rurales de
moyen exercice, elles ont par la suite été érigées en Collectivités Rurales de plein exercice,
dotées de la personnalité morale et dirigées par un conseil de collectivités dont les membres
sont élus au suffrage universel direct. Elles disposaient aussi théoriquement de l’autonomie
financière.

Sous la deuxième république, (de 1970 à 1974) le département et la commune étaient


les seules collectivités décentralisées. De 1974 à 1983, il n’y eut pas de changements
fondamentaux sauf l’érection des communes de plein et de moyen exercice, par la loi n°10-
79/AN du 7 juin 1979 régissant les communes de Haute Volta. Aussi, par les ordonnances n°
76-012 du 20 juillet 1976 et celle n°76-012 du 10 septembre 1976, les deux importantes
communes de plein exercice, à savoir Ouagadougou et Bobo-Dioulasso furent dotées d’un
statut particulier à l’image de l’agglomération de Paris, dont on a juste calqué le statut.
Toutefois, selon le Professeur G. Benoit KAMBOU, « …c’est à partir de 1983, sous le
Conseil National de la Révolution (CNR) que l’administration territoriale burkinabè fut
entièrement décentralisée »30. Ainsi, affirme-t-il, « ...tandis que la province et le département
sont à la fois des circonscriptions administratives déconcentrées et des collectivités publiques
décentralisées, la commune et le village sont uniquement des collectivités publiques
décentralisées »31. En effet, la Révolution créa 30 provinces et 250 départements. Chaque
chef-lieu de province est une commune dont le maire est désigné par les Comités de Défense

29
J.O ,5 Mars 1960, P165-168.
30
G. Benoit KAMBOU « La décentralisation au Burkina Faso : Mythe ou réalité » ? In Revue burkinabè
(semestriel) de droit, Imprimerie Presses Africaines, n°14- juillet 1988, P 380.
31
G. Benoit KAMBOU, Op.cit.

19
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

de la Révolution (CDR) des secteurs de la ville32. Quant aux autres communes, les maires
sont nommés par le Conseil National de la Révolution (CNR) sur proposition des Comités de
coordination communale qu’ils président. A partir d’octobre 1987, le) qui a succédé au
Conseil National de la Révolution apporta sa part de tentative de réorganisation du territoire
aux termes de la Zatu AN VII-10/FP-PRES du 12 octobre 1989 (avec toujours les Conseils
Révolutionnaires), avant de procéder à une nouvelle réorganisation, nécessitée par la période
transitoire qui prenait fin en 1991(notamment à travers les délégations spéciales) avec
l’adoption de la nouvelle Constitution33.

Ce qui est important à souligner, c’est que, comme déjà évoqué, la volonté d’une
décentralisation fut constante au niveau des autorités centrales. Seulement, ces collectivités ne
disposaient pas dans la pratique de ressources propres pour fonctionner, donc d’autonomie
financière, même si théoriquement elles disposaient de biens propres et même d’un domaine,
cédé par l’Etat. Il y’a donc eu un grand décalage entre la décentralisation prévue par les textes
et celle réellement vécue. Cette situation était due certes en grande partie à l’héritage
institutionnel colonial, à l’indifférence généralisée des populations (urbaines, mais surtout
rurales) vis-à-vis de l’administration, mais aussi et essentiellement à ce manque de vision
globale de développement de nos autorités postcoloniales. En effet, les pouvoirs publics,
soucieux de l’unité nationale, mais craignant surtout la ‘balkanisation’ de l’autorité centrale,
ont toujours eu une influence significative sur toutes les structures administratives. Ils avaient
donc une certaine aversion à laisser une grande latitude aux Collectivités locales. Aussi, la
déconcentration fut une réalité très vécue, comme l’explique très bien le Professeur Benoit
KAMBOU dans l’article précité. L’omniprésence du pouvoir central à tous les échelons de la
hiérarchie administrative, a eu pour conséquence principale l’absence de démocratie locale,
donc de renforcement des Collectivités territoriales décentralisées. N’ayant été dotées que très
peu de ressources et de pouvoirs d’administration et de gestion, ces dernières sont restées
marginales dans leur affirmation et dans leur construction.

Toutefois, il en sera un peu plus autrement avec la transition démocratique des années
1990 qui s’annonce, avec en toile de fond la nécessité reconnue d’une décentralisation
réellement vécue.

32
Il faut noter que la province en tant que circonscription administrative est dirigée par un Haut-Commissaire
nommé par le Président du Conseil National de la Révolution (CNR), mais à Ouagadougou, ce dernier est en
même temps, le maire de la capitale.
33
V. Daniel COULIBALY, Note d’information sur « l’évolution du cadre juridique et institutionnel de la
décentralisation au Burkina Faso », P1.

20
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

Paragraphe 2ème: La consécration d’un domaine foncier propre des collectivités


territoriales

L’affirmation et la consécration matérielle de pouvoirs importants d’administration


et de gestion aux Collectivités territoriales du Burkina Faso, comme d’ailleurs pour beaucoup
de pays africains, ont été concomitantes aux processus de démocratisation de leurs régimes
politiques. A la fin du XXème siècle, nombre de pays africains, francophones notamment,
encouragés ou contraints par le discours de la Baule de François Mitterrand, le Président
français d’alors34, s’engagèrent résolument dans des transitions démocratiques. Beaucoup de
pays voyaient en ce processus de décentralisation l’une des parfaites formes même de la
démocratie. Le processus démocratique venait d’être enclenché (A), ainsi que
l’affermissement des compétences des Collectivités territoriales (B).

A. Le tournant du processus démocratique des années 1990

Le début des années 1990 a marqué une étape importante dans la vie du Burkina
Faso en général et particulièrement dans l’affirmation et la construction des nouveaux acteurs
institutionnels. La Constitution adoptée le 02 juin 1991 consacre en son article 143,
l’organisation de la République en « collectivités territoriales ». Elle proclame à l’article 145
« la participation démocratique des populations à la libre administration des collectivités
territoriales ». Les collectivités locales y sont définies comme des personnes morales dotées
de la personnalité juridique et de l'autonomie financière. La décentralisation est perçue
comme un facteur clef de la démocratie et de la promotion du développement local. C’est fort
de cette conception que plusieurs textes législatifs et règlementaires vont être pris pour
encadrer ce processus. Ainsi, en 1993, cinq lois dites lois de la décentralisation sont adoptées
par l’Assemblée des Députés du Peuple (ADP), lois qui fixent le cadre juridique de la
nouvelle politique de décentralisation35. Les premières élections pour la mise en place des

34
Ce dernier conditionnait désormais la poursuite de l’aide publique au développement aux pays africains par la
démocratisation des régimes en place.
35
Il s’agit précisément de :
• La loi n°003/93/ADP du 7 mai 1993 portant organisation de l’administration du territoire au Burkina Faso ;
• La loi n°004/93/ADP du 12 mai 1993 portant organisation municipale ;
• La loi n°005/93/ADP du 12 mai 1993 portant statut particulier de la province du Kadiogo et de la Commune
de Ouagadougou ;
• La loi n°006/93/ADP du 12 mai 1993 portant statut particulier de la Commune de Bobo-Dioulasso ;

21
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

conseils municipaux des 33 communes de plein exercice pouvaient se tenir le 12 février 1995.
Neuf décrets d'application seront pris pour traduire ces lois dans la réalité.
Au plan institutionnel, la Commission Nationale de la Décentralisation (CND) voit le
jour pour accompagner le nouveau processus. En 1998, d’autres textes importants vont être
adoptés à la lumière de la pratique pour orienter cette politique de reconnaissance et
d’affirmation des nouveaux acteurs. Ce sont les Textes d’Orientation de la Décentralisation
(TOD) qui portent entre autres sur l’organisation et le fonctionnement des Collectivités
territoriales, mais surtout qui fixent un échéancier quant à la mise en œuvre effective de la
politique de décentralisation,36 notamment la communalisation intégrale du territoire avec la
mise en place des organes élus dans les communes rurales. Ces textes ont été relus en 2001 et
en 2003 pour introduire dans l’organisation du territoire, respectivement la Région, comme
circonscription administrative et collectivité territoriale décentralisée à la fois, et pour
supprimer la province comme collectivité locale37. Mais le texte de loi qui sans doute,
consacre une place prépondérante aux Collectivités Territoriales dans le renouveau
démocratique du pays est la loi n°55-2004/AN du 21 décembre 2004 portant Code Général
des Collectivités Territoriales (CGCT). Ainsi, plus de dix ans après les premières lois de
décentralisation, c’est un corpus unique adopté le 21 décembre 2004 par l’Assemblée
Nationale et promulguée le 14 avril 2004, qui traite de l’ensemble des questions relatives à la
décentralisation au Burkina Faso. Elle détermine entre autres l'orientation de la
décentralisation, les organes et l'administration des collectivités territoriales, les relations
entre ces dernières et l’Etat central, ainsi que leurs compétences et moyens d'action.
L’évolution de la pratique de la décentralisation, suivant en cela le principe dit de subsidiarité
a fait reconnaitre aux Collectivités territoriales, par la loi de 2004, une dizaine de domaines de
compétences parmi lesquelles la gestion du domaine foncier et des autres ressources

• La loi n°007/93/ADP du 12 mai 1993 portant régime électoral des conseillers de village, de secteur
communal, de département et de province.
36
• La loi n°040/98-AN portant orientation de la décentralisation. Il s’agit d’une loi qui fixe les principes de base
de la décentralisation au Burkina Faso ;
• La loi n°041/98-AN portant organisation de l’administration du territoire. Cette loi distingue les
circonscriptions administratives (village- département- province) d’une part, les collectivités locales (commune,
province) d’autre part ;
• La loi n°042/98-AN portant organisation et fonctionnement des collectivités locales. Cette loi traite des
organes de gestion (exécutif et délibérant) des collectivités locales, de l’administration locale, des représentants
de l’Etat dans les collectivités locales, des organes consultatifs et de concertation ;
• La loi n°043/98-AN portant programmation de la mise en œuvre de la décentralisation. Il s’agit d’une loi qui
sert de tableau de bord avec un échéancier pour la mise en application effective des dispositions contenues dans
les T.O.D.
37
La loi n°013-2001/AN du 02 juillet 2001 portant modification des lois n°040/98/AN du 03 août 1998 ;
n°041/98/AN du 06 août 1998 ; n°043/98/AN du 06 août 1998.

22
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

naturelles. Ce qui marque un véritable affermissement des compétences de ces collectivités


locales.

B. L’affermissement des compétences des collectivités territoriales.

Depuis le début du processus de décentralisation, les Collectivités territoriales ont


reçu multiples compétences qui devraient leur rendre plus dynamiques et plus matures. Par les
différentes lois successives sur la décentralisation, leurs pas dans la gouvernance locale se
sont raffermis. S’agissant spécialement du domaine foncier, longtemps exclues par le pouvoir
central comme détentrices et gestionnaires de la terre à part entière38, (l’Etat pouvait juste leur
céder certaines terres nationales à titre de propriété privée), il leur sera reconnu désormais un
domaine foncier propre, qu’il soit urbain ou rural. Ainsi, l'article 80 du Code Général des
Collectivités territoriales (CGCT) dispose que « les collectivités territoriales disposent d'un
domaine foncier propre, constitué par les parties du domaine foncier national cédées à titre
de propriété par l'Etat ». Aussi, la loi n°34-2009/AN qui détermine le régime domanial et
foncier applicable aux terres rurales, ainsi que les principes de sécurisation foncière de
l’ensemble des acteurs du foncier rural, distingue expressément un domaine foncier rural de
l’Etat et un domaine foncier rural des Collectivités territoriales. Il en est de même de la
dernière version de la loi sur la Réorganisation Agraire et Foncière de juillet 2012, qui
reconnait et distingue explicitement le domaine foncier national du domaine foncier local,
composé des domaines public et privé des Collectivités territoriales. Quant au pouvoir de
gestion, le Code Général de 2004 transfère entre autres aux Collectivités territoriales le
pouvoir de donner leurs avis sur le schéma d'aménagement urbain, de l’établissement et de
l’exécution des plans de lotissement, de l’attribution des parcelles et de la délivrance des titres
d'occupation des terres de leur domaine foncier propre ou des terres du Domaine Foncier
National (DFN), ayant fait l'objet de transfert de gestion. Il en est de même de la délivrance
des autorisations de construire, des certificats de conformité, de la participation à la gestion
des terres du Domaine Foncier National (DFN) situées dans leur ressort territorial et de la
délivrance des autorisations d’occupation du domaine public39.

38
En effet, les articles 1,2 et 3 de la RAF de 1984, repris par celle de 1996, disposent respectivement qu’il est
créé un domaine foncier national du Burkina Faso, que le domaine foncier national est constitué de toutes les
terres et des biens immeubles ou assimilés cités à l'article 34, situés dans les limites du territoire national et de
ceux acquis par l'Etat et les autres collectivités publiques à l'étranger et que le domaine foncier national est de
plein droit propriété de l’Etat.
39
Noufou OUEDRAOGO, « La décentralisation et la gestion du domaine public au Burkina Faso », Mémoire
de fin de cycle ENAREF, 2007, Ouagadougou, dans la catégorie: Droit et Sciences Politiques, Droit Fiscal, P17.

23
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

Comme nous le voyons, les Collectivités territoriales disposent légalement et théoriquement


d’un domaine foncier qui leur est propre. Dans un autre registre et comme nous tenterons de
le démontrer un peu plus tard, cette reconnaissance ne crée pas automatiquement dans la
pratique, un domaine propre au profit de certaines collectivités, notamment les régions, qui
pour des raisons évidentes partagent le même territoire avec les communes. En effet, la
région, à la fois circonscription administrative et collectivité territoriale, recouvre
pratiquement le même territoire que les communes qui la composent ! On se demande, si dans
ces circonstances, parler de domaine foncier propre de chaque Collectivité territoriale ne
relèverait pas plutôt d’un mythe que de la réalité. Et même lorsqu’il en existe, la gestion peut
rencontrer certaines difficultés si l’on s’en tient au fait que ces ressources sont gérées selon
qu’elles soient d’intérêt régional (pour la région) ou communal (la commune), les seules
Collectivités locales du pays. Comment distinguer ces intérêts régionaux ou communaux
quand nous savons, qu’administrativement parlant, la région et les communes partagent le
même territoire? Il est vrai que jusqu'à maintenant le tracé des limites des collectivités
territoriales fait partie des grandes difficultés non encore résolues par les pouvoirs publics au
Burkina Faso, et toujours rappelé comme un des défis à relever. En attendant de relever ce
défi, quelle est la taille reconnue aux Collectivités territoriales en termes de domaine foncier ?

Section 2ème: La consistance du domaine foncier local au Burkina-Faso

Le domaine foncier se compose essentiellement de deux éléments fondamentaux.


Il s’agit du domaine public immobilier et du domaine privé immobilier, le domaine public
immobilier étant entendu par les textes législatifs burkinabè comme l’ensemble des biens
immobiliers qui, par leur nature ou par leur destination, sont affectés ou non à l’usage direct
du public ou à un service public. Ils sont, en principe, inaliénables, imprescriptibles et
insaisissables. Quant au domaine privé immobilier, il est défini négativement comme celui qui
ne fait pas partie du domaine public. Les Collectivités territoriales au Burkina Faso disposent
légalement aussi bien d’un domaine public immobilier (Paragraphe 1er), qu’un domaine
privé immobilier (Paragraphe 2ème).

Paragraphe 1er: Le domaine public immobilier des collectivités territoriales

Le domaine public immobilier reconnu aux Collectivités territoriales fait partie des
ressources importantes dont elles disposent. En effet, de par l’étendue du domaine concédé
par l’Etat, on peut remarquer que c’est un domaine théoriquement très vaste (B). Toutefois, la

24
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

domanialité publique des biens en elle-même est complexe, tant elle a fait l’objet de
nombreuses controverses doctrinales et jurisprudentielles quant à la définition des critères de
cette domanialité ; si bien qu’il nous semble utile, sans vouloir faire une restitution assez
exhaustive de toutes ces controverses, de rappeler d’abord ces critères (A).

A. Les critères de la domanialité publique des biens

Les éléments caractéristiques de la domanialité publique sont à rechercher tant du


côté du législateur que de la doctrine, mais c’est surtout le juge administratif qui a consacré
une définition dite moderne du domaine public. La doctrine a été très critique à l’égard du
législateur, à l’image de Philippe GODFRIN qui y voyait déjà des insuffisances dans la
définition du législateur français de 190440. Il en est de même du Code du Domaine de l’Etat
de 1957 qui, selon l’auteur ne donnerait pas une définition satisfaisante en ce sens qu’il
reprend une vieille idée41, selon laquelle les biens du domaine public sont insusceptibles
d’appropriation privée, conception aujourd’hui rejetée tant par la doctrine que par la
jurisprudence. C’est pourquoi elles ont recherché de nouveaux critères, non sans controverses.
Pour faire état de ces controverses doctrinales, il faut remonter jusqu’aux anciens auteurs
comme PROUDHON et DUCROQ qui concevaient, depuis 1830 le domaine public comme
l’ensemble des biens non susceptibles de propriété privée, par nature. Selon cette conception,
qui a eu sûrement une influence dans la rédaction du code napoléonien de 1804 et a connu un
essor certain pendant près d’un siècle (1830-1920), le domaine public repose sur une fonction
d'intérêt général, une destination à l'usage de tous42. Ainsi, un régime juridique particulier
différent de celui qui est applicable aux biens susceptibles d'appropriation privée s'impose.
Ensuite les auteurs classiques d’après-guerre vont s’intéresser à la définition de la domanialité

40
En effet, selon ce dernier, les articles 539 à 541 du code civil consacrés au domaine public ne sont d’aucun
secours car ils font entrer dans le domaine public, des biens de nature très différente. Voici les extraits de ces
articles du code civil : Art.538 : Les chemins, routes et rues, à la charge de l’Etat, les fleuves, les rivières
navigables ou flottables, les rivages, lais et relais de la mer, les ports, les havres, les rades et généralement toutes
les portions de territoire français qui ne sont pas susceptibles d’une propriété privée sont considérés comme des
dépendances du domaine public.
Art. 539 : Tous les biens vacants et sans maitre et ceux des personnes qui décèdent sans héritiers ou dont les
successions sont abandonnées appartiennent au domaine public.
Art.540 : Les portes, murs, fossés, remparts des places de guerre et des forteresses font aussi partie du domaine
public ; Art. 541 : Il en est de même des terrains, des fortifications, et des remparts, des places qui ne sont plus
laces de guerre ; ils appartiennent à l’Etat s’ils n’ont pas été valablement aliénés ou si la propriété n’en a pas été
prescrite contre lui.
41
En 1877 en effet, DUCROC, dans « Cours de droit administratif », écrivait que : " le domaine national se
divise en deux parties distinctes: le domaine public et le domaine de l'Etat, ou domaine privé de l'Etat ".
42
Pr M. Moustapha HAIRARA, support de cours DEA/DGCL, année académique 2013-2014.

25
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

publique et vont surtout critiquer la notion des biens dits « insusceptibles de propriété privée
». C’est pourquoi après Henri BARCKHAUSEN, qui appelait déjà les autorités publiques à se
départir de ce qu’il appelait ‘’les errements de Proudhon’’, Léon DUGUIT, après avoir réfuté
la vision binaire domaine public-domaine privé, propose ce qu’il appelle ‘’l’échelle de la
domanialité’’, démontrant que les biens domaniaux ne sont pas tous soumis aux mêmes
règles, et qu’il n’existe pas un régime juridique unique applicable au domaine public. Pendant
que BONNARD, lui, préfère utiliser parallèlement deux critères : l'affectation à l'usage direct
du public et l'affectation au service public, HAURIOU propose une synthèse : l'affectation à
« l'utilité publique ». D’autres auteurs, comme JEZE ou Marcel WALINE, dans l’objectif de
restreindre le domaine public vont proposer la notion de prépondérance du domaine au
service public et de l’aménagement spécial. Ces théories doctrinales successives ont exercé
une influence considérable sur la jurisprudence.
Pour ce qui est de la jurisprudence, elle distingue deux conditions qui doivent être
simultanément réunies pour qu’un bien fasse partie du domaine public : ce sont
l’appartenance du bien à une personne publique et son affectation à certaines destinations.
La première condition est exclusive : seules les personnes publiques ont un domaine public,
les personnes privées ne peuvent en aucune façon, être détentrices d’un domaine public. Cette
règle jurisprudentielle43 est restée constante44. L’exclusivité de la domanialité publique de
toute appropriation privée fait sortir également du domaine public, un bien en copropriété de
personnes publiques et privées, quand bien même ce bien serait considéré comme dépendance
domaniale45. Mais quelle est la nature du droit de propriété des personnes publiques sur leur

43
V. Travaux de la Commission de révision du Code civil français, 1946-1947 P 803 et svts. V. aussi CE, 13
janv. 1933, Chemins de fer, CE 27 mai 1964, Chervet, Rec. CE 300 ; 6 nov. 1970, Consorts Bertrand, Rec. CE
655.
44
Cf. CE, 28 juin 1935, Mougamadousadagnetoullah, plus connu sous l’arrêt Marécar. Cet arrêt a fait l’objet de
plusieurs commentaires de grands auteurs parmi lesquels Marcel Waline, Latournerie ou de J M Auby dans
Lebon. Il s’agissait en fait d’un cimetière israélite, propriété privée d’une association, en vertu de règles
particulières du droit local, notamment d’Alsace-Lorraine. C’est ainsi que des cimetières appartenant à des
associations se sont vues refusées ce caractère de dépendances du domaine public, alors que les cimetières
nationaux et communaux sont pourvues de ce caractère.
Voir également CE 19 oct. 1956, Société Le Béton, RD Pub. 957.316, Concl. Long.
45
Cf. CE, 19 mars 1965, Sté Lyonnaise des Eaux et de l’Eclairage, Rec. Lebon, P.184 ou JCP 1966 II 14583,
note de Jean DUFAU. En effet, DUFAU démontre ici qu’étant donné que la domanialité publique est exclusive
de toute appropriation privée, dans l’hypothèse où un seul et même bien serait la copropriété de personnes
publiques et de personnes privées, ce bien ne saurait être considéré comme une dépendance domaniale. Tel est le
sens, selon lui de l’arrêt intervenu à propos d’une canalisation d’eau potable et dont il y avait lieu de supposer
qu’elle était la copropriété de personnes publiques et d’une société privée. L’arrêt refuse de considérer cette
canalisation comme une dépendance du domaine public, en faisant observer notamment qu’elle n’avait
appartenu à aucun moment « au moins dans sa totalité, soit à l’Etat, soit à une collectivité publique territoriale »

26
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

domaine ? Cette question a fait l’objet de controverses doctrinales46 et il est aujourd’hui admis
que le droit de propriété des personnes publiques est bien réel, mais qu’il doit revêtir de
nombreuses particularités par rapport à la propriété du code civil. Au Burkina Faso, le Code
Général des Collectivités territoriales (CGCT), dispose à son article 80 que « les collectivités
territoriales disposent d'un domaine foncier propre, constitué par les parties du domaine
foncier national cédées à titre de propriété par l'Etat ». La deuxième condition est relative à
l’affectation du bien qui, pour entrer dans le domaine public, doit être affecté soit à l'usage
direct du public, soit à un service public. Il faut souligner que cette affectation à l'usage du
public n'est pas nécessairement libre et gratuite. Les dépendances domaniales affectées à des
utilisations collectives sont librement ouvertes au public, mais l'accès au public n'est pas
toujours gratuite (péage routier par exemple). Quant aux biens affectés aux services publics, le
juge administratif français à une appréhension très large du service public, c’est celle d'une
activité d'intérêt général exercée sous l'autorité d'une personne publique. Mais comme le
critère d'affectation au service public présentait l'inconvénient d'étendre à l'excès le régime de
la domanialité publique, la doctrine, suivie par le juge se sont efforcées de restreindre les
effets de ce critère en introduisant dans certains cas, la condition d'aménagement spécial.
D’abord, jurisprudentielle et simplement nécessaire, cette condition est désormais consacrée
par le législateur français qui parle maintenant d’aménagement indispensable47.
On peut donc simplement définir le domaine public immobilier comme l'ensemble des biens
immobiliers appartenant en exclusivité aux collectivités publiques, ici les Collectivités
territoriales, et en toute propriété ; ces biens doivent être affectés à l'usage direct du public ou
à un service public. Dans ces deux derniers cas, ces biens doivent parfois faire l'objet d'un

46
Sur les controverses doctrinales, on pourrait voir les auteurs suivants : H. Barthélemy, « Traité de droit
administratif », 3e éd. P 472 et s. DUCROCQ, « Cours de droit administratif », éd. 1900, titre IV, L. Duguit,
« Traité de droit constitutionnel », 2e éd. Titre II, p 61 et titre III, p 322 ou encore M. Hauriou, dans son
« Précis de droit administratif et de droit public », 1ère éd. 1892. Voir aussi, André de LAUBADERE,
« Domanialité publique, propriété administrative et affectation », in revue de droit public, 1950 p. 5 etc.
47
Le Code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP) va reprendre pratiquement à l’identique la
définition jurisprudentielle du domaine public, et notamment ; au sens du Code, le bien du domaine public est un
bien qui répond à l’un des deux critères, à savoir être affecté à l’usage de tous ou être affecté à un service public.
Le Code général de la propriété des personnes publiques va maintenir la nécessité d’un critère réducteur en le
reformulant. Il y a bien un critère réducteur qui ne joue que pour les biens affectés à un service public ; le Code
ne parle plus d’aménagement spécial, mais vise maintenant l’existence d’un aménagement indispensable. Les
rédacteurs du Code général de la propriété des personnes publiques insistent sur le fait qu’il faut restreindre le
domaine public. C’est pourquoi ils l’ont explicitement signifié dans le rapport introductif, arguant justement que
s’ils mettaient ces termes à la place de ceux utilisés par le juge jusqu’alors, c’est pour inciter ce dernier à se
montrer plus restrictif sur la qualification du domaine public.

27
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

aménagement spécial ou, plutôt indispensable. Qu’en est-il de la consistance du domaine


public reconnu aux collectivités locales burkinabè ?

B. Un domaine public théoriquement vaste

La législation domaniale et foncière notamment la loi portant Réorganisation


Agraire et Foncière (RAF) de juillet 2012 reconnait un domaine public aux Collectivités
territoriales, composé d’un domaine public naturel et d’un domaine public artificiel.

S’agissant du domaine public naturel, l’article 23 de ladite loi dispose que: « le


domaine public naturel des collectivités territoriales est composé : des réserves de faune et
autres formations naturelles classées par les collectivités territoriales ; des bas-fonds non
aménagés d’intérêt local ; des aires classées au nom des collectivités territoriales ». Mais On
pourrait se demander valablement si ces Collectivités territoriales ne sont pas seulement des
gestionnaires du domaine public naturel de l’Etat qui est défini à l’article 13 comme composé
de « …l'espace aérien tel que défini par les textes en vigueur et les traités internationaux ;
les gîtes des mines et des carrières réglementés par le code des mines et les autres textes en
vigueur ; les aires classées au nom de l’Etat conformément aux textes en vigueur ; les
réserves de faunes et autres formations naturelles classées par l’Etat, les montagnes et les
collines. ». En effet, on est en droit de se demander s’il existerait un autre domaine public
naturel, à part celui de l’Etat, qui appartiendrait aux Collectivités territoriales. Le domaine
public naturel des Collectivités territoriales, s’il existe, doit bien être constitué d’une partie du
domaine public naturel de l’Etat et nous sommes en mesure de croire que jusqu’à maintenant,
les Collectivités territoriales ne disposent pas véritablement d’un domaine public naturel
constaté et immatriculé en leur nom.

Quant au domaine public artificiel, son contenu est vraiment important et varié ;
l’article 13 de la loi portant Réorganisation Agraire et Foncière de juillet 2012 dispose qu’il se
compose « des chemins de fer, des routes, des pistes à bétail, des câbles et équipements du
réseau de télécommunications, des voies de communication de toute nature ; des aérodromes,
des aéroports, des aérogares, des ports secs ; des ouvrages exécutés dans un but d'utilité
publique pour la maîtrise des eaux et le transport de l'énergie ; des monuments publics, des
cimetières délimités, des monuments ou sites historiques, des halles, des marchés et des
espaces verts ; des biens immobiliers de toute nature destinés à l'usage direct du public ». A
travers ces dispositions et partant également des critères déterminés par la doctrine et la

28
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

jurisprudence, nous pouvons dire que les Collectivités territoriales sont détentrices d’un vaste
domaine public artificiel. En effet, la loi sur le transfert des compétences, du fait du principe
de compensation a également transféré un nombre important de ressources et de services, dont
justement le domaine artificiel. Ce domaine public est aussi protégé par les principes
d’inaliénabilité, d’insaisissabilité et d’imprescriptibilité. Nous n’en évoquerons que quelques-
uns de ces biens, compte tenu de leur grande diversité. Des dix domaines de compétences
transférés aux Collectivités territoriales parmi lesquelles la gestion foncière, on peut aussi
retenir par exemple, qu’en matière de réseau routier, les communes, surtout urbaines
disposent de la voirie municipale ; les régions, des pistes rurales. Il faut dire que du fait des
lourdes charges financières en matière de construction des routes, c’est l’Etat seul qui
s’occupait de ces grands travaux ; mais de plus en plus certaines Collectivités territoriales, en
coopération avec des partenaires arrivent à construire des pistes, d’autant plus qu’en saison
hivernale, les populations urbaines souffrent du fait de l’état défectueux de beaucoup de
routes. En matière d’environnement, les Collectivités territoriales disposent des espaces
verts, des parcs, des zones de conservation, des bois et forêts ; en matière de santé et
d’éducation, elles disposent de toutes les infrastructures sanitaires (c'est-à-dire les centres de
santé et de promotion sociale, les dispensaires et maternités, les centres hospitaliers
régionaux, etc.) et d’éducation (infrastructures du préscolaire, du primaire, du secondaire et
du supérieur). Elles disposent et gèrent également les infrastructures sportives, culturelles et
de loisir comme les bibliothèques, stades et terrains de sport, les musées à vocation locale, les
sites et monuments d'intérêt local, les théâtres populaires48. Enfin, pour ne retenir que ceux-ci,
on peut citer les barrages et autres retenues d'eau, les puits et forages, les gares et aérodromes,
les cimetières, sans oublier surtout les marchés et Yaars, les halles et les aires de grande foire
marchande, qui représentent de véritables sources de revenus pour les Collectivités
territoriales.

Comme on le voit, en termes de domaine public immobilier, les Collectivités n’en sont
pas les moins nanties. Qu’en est-il de leur domaine privé ?

Paragraphe 2ème : Le domaine privé immobilier des collectivités territoriales

La législation domaniale et foncière au Burkina Faso reconnait la possibilité aux CT de


détenir un domaine privé en plus du domaine public. Il est important de passer en revue les

48
Voir Noufou OUEDRAOGO, « La décentralisation et la gestion du domaine public au Burkina Faso »
Mémoire de fin de cycle, ENAREF Ouagadougou, 2007 dans la catégorie: Droit et Sciences Politiques, p38-39

29
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

éléments qui composent ce domaine privé immobilier des CT burkinabè (B). Mais avant, il
y’a lieu de voir ce que recouvre en termes de caractéristiques, la notion de domaine privé des
collectivités locales (A).

A. La notion de domaine privé immobilier local

Les collectivités publiques peuvent posséder certains biens qui ne sont pas affectés au
public ou au service public, de sorte qu’elles l’administrent comme l’aurait fait un simple
particulier : c’est leur domaine privé. Par exemple elles peuvent être propriétaires d’une forêt
ou même prendre des actions dans une société. Cependant, en tant que personne publique
poursuivant un but d’intérêt général, la gestion d’une forêt ou la prise d’actions dans une
société, ne sera pas seulement dominée par l’idée de se faire de gains et de garnir ses caisses
de dividendes, mais surtout de lui permettre par exemple de contrôler cette entreprise dans
l’intérêt général. Ce domaine privé n’est donc pas à confondre avec la propriété privée, ni à
s’identifier au domaine public49. C’est dire que la propriété qu’une personne publique exerce
sur ses biens présente des particularités par rapport au droit de propriété des personnes
privées50. En outre, le domaine privé des Collectivités territoriales, contrairement à leur
domaine public n’est pas toujours affecté51 ; il est soumis au droit privé et sous le contrôle des
tribunaux judicaires. Ce sont les caractéristiques spécifiques du domaine privé des
Collectivités territoriales. S’agissant de la non affectation des biens du domaine privé au
public ou au service public, cela ne signifie nullement que le public ne peut utiliser les
dépendances du domaine privé, l’affectation étant différente de l’utilisation. Par exemple, le
public peut circuler dans des forêts appartenant aux personnes publiques sans qu’elles n’aient
fait l’objet ni d’un acte de classement, ni même d’un acte de délimitation comparable à ceux
qui interviennent pour le domaine public naturel ou artificiel. Il arrive même que des services

49
Philippe GODFRIN, « Droit administratif des biens », 4ème édition, Masson, P 175.
50
Voir sur ce point la démonstration de Ph. YOLKA, « La propriété publique. Eléments d’une pour une théorie,
LGDJ, 1997, p 540 et svts.
51
Elle peut seulement mettre ses dépendances privées à la disposition des services publics ou les louer à des
particuliers. Juridiquement, elle peut procéder de trois manières différentes : soit par un contrat de droit civil, soit
par un contrat administratif (en raison bien sûr du fait de la présence d’une clause exorbitante du droit commun
dans l’accord), soit par autorisation unilatérale. Et si dans le premier cas, la compétence lors d’un litige revient
au juge judiciaire, elle relève dans les deux autres cas de la juridiction administrative. En vertu des règles du
droit public, lorsqu’elles s’appliquent, l’utilisation par le service public est précaire, la collectivité territoriale
pouvant toujours y mettre fin prématurément.
Voir davantage sur ce point, René CHAPUS, « Droit administratif général », Tome 2, 14e édition, 2000,
Montchrestien, P 524 et svts, ou Ph. GODFRIN et M. DEGOFFE, « Droit administratif des biens », Domaine,
travaux, expropriation, 9e édition, Sirey, 2009, P14-15.

30
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

publics utilisent des biens du domaine privé, mais on ne peut dire en aucune façon que ces
biens concourent au fonctionnement du service. Quant à la compétence des tribunaux
judiciaires, elle est depuis très longtemps admise à l’égard du domaine privé52. Cette
compétence s’est élaborée et s’est affirmée concomitamment avec l’élaboration de la
distinction entre domaine public et domaine privé. La juridiction judiciaire a toujours
considéré que les actes de simple gestion domaniale ne constituaient pas des actes
administratifs, donc soumis à la compétence du juge judiciaire. En effet, la compétence des
tribunaux judiciaires se traduit tant au plan du contentieux contractuel qu’au plan du
contentieux de la responsabilité. Au plan contractuel, alors que les contrats portant occupation
du domaine public sont des contrats administratifs, les contrats portant acquisition53, vente54
ou de gestion55 sont des contrats de droit privé, et soumis par conséquent à la compétence des
tribunaux judiciaires. Le contentieux de la responsabilité appartient également aux tribunaux
judiciaires, que le dommage soit causé par un bien ou à un bien du domaine privé des
Collectivités territoriales56. Il en est de même des dommages résultant de travaux entrepris sur
le domaine privé des collectivités publiques57.
Au Burkina Faso, la loi portant Réorganisation Agraire et Foncière a indiqué les
différentes manières pour les Collectivités territoriales d’être détentrices d’un domaine privé
immobilier.

52
Auby et DRAGO, « Traité de contentieux administratif », 1984, tome I, n°484 et suivants.
53
Voir CE 30 mai 1951, Sempé, cité dans Droit administratif des biens de Ph. GODFRIN et M. DEGOFFE, p19
54
TC 7 déc. 1970, Marie c/ville de Granville, Rec. 894, AJDA, 1971. P292,
55
TC 7 déc. 1970, Monition et Sté Hôtelière de la Bergerie c/ville d’Hyères, rec. 894 ; CE 27 fév. 1976, Dame
Avocat, da N° 110, cité dans Droit administratif des biens de Ph. GODFRIN et M. DEGOFFE, p19.
Il faut cependant dire que de plus en plus, le régime de ce contentieux devient, des plus tourmentés. Le principe
qui est que ce contentieux relève des tribunaux judiciaires comporte de nombreuses exceptions. Comme le dit M.
Ph. GODFRIN, en matière contractuelle, « le bloc de compétences au profit du juge judiciaire qui apparaissait
sans fissures, parait maintenant fragile ». Ainsi, actuellement, la solution est tout autre ; le Tribunal des conflits
d’abord, (TC 20 avril 1959, Société nouvelle d’exploitation des plages, piscines et patinoires, Rec. 866 ; TC 26
févr. 1965, Société du Vélodrome du parc des Princes), puis le Conseil d’Etat (CE, section 6 nov. 1970, Société
touristique et hôtelière de la vallée du Lautaret, Rec. 654), ont décidé qu’à l’égard d’un contrat relatif au
domaine privé, il était nécessaire de se livrer à la même recherche que pour tout contrat conclu par une personne
publique : présence de clause exorbitante du droit commun ou l’association du cocontractant à l’exécution
du service public.
56
Voir TC 29 mai 1967, Serrurier, Rec. 654 ; CE, Section 20 juillet 1971, Consorts Bolusset, Rec. 546, AJDA
1971.P527, cité dans Droit administratif des biens de Ph. GODFRIN et M. DEGOFFE, P.21.
57
V. TC 25 juin 1973, Office national des Forets c/Béraud, AJDA, 1974 P30. La compétence est également
judiciaire lorsque le dommage résulte de l’absence de travaux : CE 28 nov. 1975, Office national des Forets
c/Abamonte, Rec. 602

31
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

B. La composition du domaine privé immobilier local

Nous avons vu que comme les personnes privées, les Collectivités territoriales
peuvent être propriétaires d’un domaine privé immobilier. L’article 1458 de la loi portant
Réorganisation Agraire et Foncière de juillet 2012 détaille les modes d’acquisition du
domaine privé, mais c’est surtout l’article 26 qui énumère les éléments qui composent le
domaine privé immobilier des Collectivités territoriales. Ce sont justement : « les biens
immobiliers qui font l’objet d’un titre de propriété établi en leur nom ; les biens immobiliers
du domaine public après leur déclassement; les terrains urbains ou ruraux qui font l’objet
d’une expropriation pour cause d’utilité publique, ou acquis par l’exercice du droit de
préemption ; les biens immeubles et les terres en déshérence attribués par les textes en
vigueur ; les bas-fonds aménagés par les collectivités territoriales et ceux qui leur sont cédés
par l’Etat ». De ces dispositions, nous retenons que les Collectivités territoriales disposent de
plusieurs biens domaniaux et aussi de plusieurs modes d’acquisition des biens du domaine
privé, dont certains sont effectivement exorbitants du droit commun. Les collectivités
publiques en effet, ne sont jamais totalement assimilables aux personnes privées même
lorsqu’elles entendent se placer sous l’empire du droit privé. On distingue en effet, des modes
d’acquisition à titre onéreux des modes d’acquisition à titre gratuit.
Pour les premiers, on peut citer l’achat, où la collectivité acquiert le bien comme le
ferait une personne privée en concluant un contrat de droit civil59. Elle peut aussi, et c’est l’un
des modes d’acquisition les plus importants, procéder à une expropriation. L’expropriation est
« une procédure par laquelle une personne publique impose à un propriétaire la cession d’un
droit, le plus souvent immobilier, dans un but d’utilité publique, moyennant le paiement d’une
juste et préalable indemnité »60.On distingue également l’exercice du droit de préemption

58
Le domaine privé immobilier des collectivités territoriales est constitué selon les modes suivants : la cession
par l’Etat en vertu de la loi et du règlement ; l’acquisition selon les procédés de droit commun; l’incorporation
des dépendances du domaine public immobilier ayant fait l’objet de déclassement; l’expropriation pour cause
d’utilité publique; l’exercice du droit de préemption ; la confiscation par les tribunaux; l’incorporation des biens
en déshérence; les dons et legs faits à la collectivité territoriale et acceptés par arrêté ; tout autre mode
d’acquisition conforme au droit.
59
Toutefois l’intervention des services étatiques s’avère nécessaire, voire même indispensable. La tutelle
administrative semble toujours de mise dans cette matière ou les collectivités locales, quoiqu’on dise n’ont pas
toujours les coudées franches pour agir. Ainsi, elle doit remplir certaines formalités administratives qui font
intervenir la Direction des services du domaine, dont la consultation préalable est exigée avant tout projet
d’acquisition par la collectivité territoriale. Dans nos recherches sur ce point, nous n’avons pas eu connaissance
de projets d’acquisition de biens immobiliers privés par les CT burkinabè, ce qui est fort compréhensible vu leur
état général de précarité financière.
60
Philippe GODFRIN, « Droit administratif des biens », 4ème édition, Masson, P 301.

32
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

détenu par la collectivité publique, qui lui permet de se substituer à l’acheteur au cours d’une
transaction pour acquérir le bien qui en fait l’objet. Comme pour l’expropriation, il est exercé
dans un but d’intérêt général (politique sociale de l’habitat, réalisation de logements sociaux,
rénovation de bâtiments ou de quartiers, etc.).
Enfin, nous pouvons retenir les modes d’acquisition gratuits comme les biens vacants
et sans maitre, ainsi que les successions tombées en déshérence, de même que les libéralités
qui constituent le mode d’acquisition à titre gratuit le plus important. La loi portant
Réorganisation Agraire et Foncière parle aussi de bas-fonds aménagés par les Collectivités
territoriales ou ceux qui sont cédés. Le législateur ajoute en outre un autre mode qui est la
confiscation par une décision judiciaire61. Il faut rappeler également que tous les biens du
domaine privé des collectivités territoriales au Burkina Faso ne sont pas affectés à l’usage du
public ou aux services publics. La loi distingue les biens affectés et ceux non affectés. Les
articles 28 et 29 de la RAF disposent que « le domaine privé affecté des collectivités
territoriales est l’ensemble des terres et autres biens immobiliers de ces collectivités, occupés
par les services publics locaux ou ceux de l’Etat pour l’exécution de leurs missions alors que
le domaine privé non affecté est composé des terres et des biens immobiliers qui n’ont pas fait
l’objet d’affectation à des services publics locaux ou à ceux de l’Etat ».
Les textes législatifs et règlementaires récents sur la décentralisation n’ont pas fait que
reconnaitre un domaine foncier propre aux Collectivités territoriales burkinabè, ils ont
également consacré un dispositif tant formel qu’institutionnel, de sa gestion.

Chapitre 2ème: Le mécanisme juridico-institutionnel de gestion du domaine foncier local

« La prospérité économique des territoires et leur autonomie est étroitement liée à la


bonne gestion du patrimoine des collectivités locales. Par une meilleure gestion de leur
patrimoine, les pouvoirs décentralisés peuvent se procurer des revenus supplémentaires mais
aussi accroître la richesse économique de leurs territoires »62.Conscient des contraintes
économiques qui imposent une gestion parcimonieuse des richesses, et des enjeux d’une
bonne gestion des Collectivités territoriales de leur domaine foncier, le législateur burkinabè,

61
Article 146 de la Loi portant RAF
62
Siham RHOUALEM, Mémoire de Master, Les biens des collectivités locales et la décentralisation au Maroc,
Université Mohammed VI, Faculté des sciences juridiques et sociales, P 30.

33
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

par la consistance des textes, mais surtout par leur actualité et mise à jour63, tente de donner
les rudiments d’une gestion, mieux, d’une gouvernance foncière efficace aux collectivités
publiques. Ces outils vont du dispositif juridique consacré en matière de gestion du domaine
foncier local (section 1ère), au dispositif institutionnel (section 2ème)

Section 1ère : Le dispositif juridique de gestion du domaine foncier local

D’emblée, le législateur rend les Collectivités territoriales responsables de la bonne


gestion de leurs ressources, domaniale et foncière. L’article 133 de la loi foncière précise en
effet que « les collectivités territoriales sont garantes de la gestion rationnelle, équitable et
durable des ressources naturelles en général et des ressources foncières en particulier dans
leur ressort territorial. Et qu’à ce titre, elles créent un environnement habilitant et propice à
la sécurisation foncière, à la transparence dans la gestion foncière et à l’émergence d’un
marché foncier local sain, et qu’elles assurent le suivi et le contrôle de la gestion de leur
domaine foncier et du patrimoine foncier des particuliers » Cette obligation légale concerne
aussi bien le domaine public immobilier local (Paragraphe 1er) que le domaine privé
immobilier des collectivités locales (Paragraphe 2ème).

Paragraphe 1er : La gestion du domaine public immobilier des collectivités territoriales

La gestion du domaine public s’effectue par des mesures de protection qui lui sont
consacrées (B), mais aussi des modes de gestion, dont il convient d’abord de s’intéresser (A).

A. Les modes de gestion du domaine public immobilier des collectivités territoriales

Les Collectivités territoriales disposent pratiquement des mêmes modes de gestion


que l’Etat de leur domaine public. Tout d’abord, les dépendances du domaine public peuvent
être acquises en jouissance par toute personne physique ou morale suivant la nature de ce
bien, l’usage auquel il est destiné et suivant les conditions fixées par les règlements en la
matière64. La première obligation consiste donc à ce que l’utilisation principale projetée soit
conforme à l’affectation du bien domanial ; une utilisation accessoire qui gênerait par
exemple l’utilisation principale doit être prohibée. Dans ce cas-ci, le président du conseil de la

63
La dernière loi portant Réorganisation Agraire et Foncière, qui est la loi cadre en matière de gestion du
domaine date seulement de juillet 2012. Avant cette loi, d’autres textes comme la loi portant régime du foncier
rural avaient été adoptés.
64
Article 135 de la Loi du 12 juillet 2012 portant RAF.

34
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

collectivité territoriale en question, parce qu’il dispose d’un pouvoir général de police, mais
aussi d’un pouvoir de gestion étendu, accorde par arrêté, les autorisations d’exploiter les
dépendances domaniales et les dérogations aux servitudes de passage. C’est pourquoi
d’ailleurs le législateur burkinabè précise que pour motif d’utilité publique ou de non-respect
des clauses de la permission, ces autorisations et dérogations sont révocables à première
réquisition65.
Les modes de gestion du domaine public local se distinguent selon qu’ils concernent
un besoin individuel ou un besoin collectif ou général, comme le démontre cette disposition
de la loi foncière. En effet, l’article 138 de la loi portant Réorganisation Agraire et Foncière,
dispose que « lorsque l’occupation du domaine public correspond à un besoin individuel tels
que les chemins d’accès à un cours d’eau, les petites installations commerciales provisoires,
…le droit d’occupation est strictement limité aux besoins indiqués. Ce droit est révocable à
première réquisition, sans indemnisation ni compensation. Lorsqu’elle correspond à un
besoin collectif ou général en vue d’un service public tels que les entrepôts, la forme de bail
renouvelable peut être adoptée sous réserve d’une résiliation, toujours possible de la part de
la collectivité territoriale après un préavis de six mois au plus….» Il faut donc distinguer les
utilisations communes de celles privatives.
On parle d’utilisation commune ou collective lorsque le domaine est affecté à tous, à
l’usage du public en général et dans les mêmes conditions (par exemple la circulation des
piétons et des automobilistes sur les voies publiques, la navigation sur les cours d’eau ou les
promenades et baignades dans les fleuves…) Ici, l’utilisateur est anonyme, il n’a besoin
d’aucun titre juridique singulier pour exercer son droit. Les utilisations collectives présentent
les caractéristiques juridiques suivantes : elles sont libres, en principe (liberté de circuler du
piéton comme de l’automobiliste, liberté de stationnement, d’exercer des activités
industrielles ou commerciales etc.), gratuites et égalitaires entres les usagers66.

65
Article 136 de la loi portant RAF, adoptée en juillet 2012
66
Il est à noter que comme ce type d’utilisation est conforme à la destination du domaine et que l’usage de la
dépendance par une personne n’empêche pas en principe une autre personne de faire de même, l’intervention de
l’autorité de police sera limitée. Elle veillera simplement à ce que l’utilisation soit égale pour tous, à ce que
certaines personnes n’en fassent pas un usage abusif du domaine au détriment des autres. Ce qui est tout à fait
différent, s’agissant des utilisations privatives.
Voir davantage sur ce point, Ph. GODFRIN et M. DEGOFFE, « Droit administratif des biens », 9e édition,
Sirey, 2009, P 109 et svts. V. aussi G. DUPUIS, M.J GUEDON, P. CHRETIEN, « Droit administratif », 8e
édition, Armand COLIN, 2002, p380. V. enfin, J.-Marie AUBY, P. BON, J-Bernard AUBY et Ph.
TERNEYRE, « Droit administratif des biens », Dalloz, 5e édition, 2008 P 109 et svts.

35
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

Les utilisations privatives, à la différence des utilisations collectives, supposent


l’occupation exclusive ou privilégiée d’une dépendance domaniale. Une portion du domaine
public est soustraite à l’usage commun au profit d’un particulier déterminé (par exemple
terrasses de café et kiosques à journaux sur les trottoirs, canalisations d’eau, de gaz ou
d’électricité en dessous des voies publiques, les emplacements de vente dans les halles et
marchés, les postes de distribution de carburant au bord des voies publiques etc.). L’utilisation
privative présente les caractères suivants : d’abord l’usager privatif du domaine public est
dans une situation juridiquement individualisée, particularisée. C’est pourquoi l’utilisation ici
nécessite ce que Jean DUFAU appelle « un acte d’investiture préalable, un titre juridique
attribué à un bénéficiaire déterminé, nommément désigné67 ». L’usager privatif dispose en
outre d’un droit exclusif qui signifie qu’il est le seul à pouvoir utiliser l’emplacement qui lui a
été réservé sur le domaine public, ce qui lui permet de pouvoir interdire aux autres
administrés d’occuper le même emplacement. Enfin, le droit d’occupation est permanent, du
moins jusqu'à la révocation du titre d’autorisation d’occuper par l’autorité compétente.
Mais le droit d’occupation privative du domaine public n’est pas gratuit. Ainsi l’article 137 de
la loi portant Réorganisation Agraire et Foncière (RAF) rappelle que le permis ou
l’autorisation d’occuper un bien immeuble du domaine public des collectivités territoriales est
délivrée, après une enquête publique s’il y a lieu, et que l’occupation projetée peut être
soumise au payement d’une redevance fixée par arrêté du président du conseil de la
collectivité (c'est-à-dire le maire ou le président du conseil régional) après délibération dudit
conseil. Quant à son montant, le plus souvent, il est fonction de l'importance de la parcelle
occupée, de l'activité du bénéficiaire et des profits qu'il peut en attendre, c’est pour cela que
l’enquête publique est exigée, en plus du fait qu’elle permettra de mesurer la conformité de
l’activité envisagée à l’affectation principale de la dépendance domaniale68.

67
Jean DUFAU, « Le domaine public », Collection L’Actualité Juridique, Tome 2, P104.
68
Il faut noter que pendant longtemps, les biens composant le domaine public étaient regardés comme ne
pouvant faire l’objet d’un droit de propriété et leur utilisation ne saurait être que gratuite. Ces conceptions qui
ont prévalu, en tout cas en France après la Révolution, sont aujourd’hui abandonnées et on considère au
contraire, de plus en plus que le domaine public constitue une source de richesses, qu’il présente un intérêt
économique certain et doit donc être bien géré. Les utilisations privatives, toutes les fois qu’elles sont
compatibles avec l’utilisation principale, « sont normales et doivent être encouragées, dans la mesure où elles
sont non seulement sources de revenus pour la collectivité propriétaire, mais aussi participent au développement
économique général ». Voir sur ce point, les actes du Colloque « Domaine public et activités économiques »des
20 et 21 septembre 1990, CJGE, hors-série, oct. 1991, cité dans Droit administratif des biens de Ph. GODFRIN.
On peut voir également sur ce sujet, plus que d’actualité « La gestion dynamique du patrimoine des collectivités
locales », Rapport de la Commission Secteur Public Lyon Place Financière et Tertiaire, Juin 2008, ou encore
« Les entretiens du Conseil d’Etat » en droit public économique dont le thème était La valorisation économique

36
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

En plus de ces modes de gestion consacrés et des pouvoirs de police administrative générale,
l’autorité compétente dispose d’autres pouvoirs, notamment la police de la conservation 69 du
domaine public sans oublier les mesures de protection du Domaine Foncier Local.

B. Les mesures de protection du domaine public immobilier local

« Le domaine public doit être protégé puisse qu’il est affecté à l’intérêt général.
C’est d’ailleurs afin d’assurer une meilleure protection des dépendances essentielles pour le
public que la distinction entre domaine public et domaine privé a été imaginée70 ». L’une des
mesures de protection que l’on pourrait qualifier de ‘’congénital’’ avec le domaine public est
le principe d’inaliénabilité des biens du domaine public. Presque toutes les législations
domaniales et foncières l’en consacrent. L’article 97 de la loi portant Réorganisation Agraire
et Foncière dispose en effet que: « les biens immeubles du domaine public de l’Etat, en raison
de leur nature, de leur destination et de leur affectation, bénéficient de mesures particulières
de gestion et de protection. Ils sont, en principe, inaliénables, imprescriptibles et
insaisissables ».

Le principe d’inaliénabilité signifie qu’un bien est indisponible et qu’il ne peut donc
faire l’objet d’aucun transfert de propriété71. Sa portée pratique se mesure à travers trois

des propriétés des personnes publiques Rapport, 6 juillet 2011, Discours de Jean-Marc Sauvé Vice-président du
Conseil d’Etat français, consultable sur internet le site du Conseil d’Etat.
69
Cette police de la conservation qui est en réalité une police spéciale a pour objet de prévenir ou de sanctionner
les atteintes à l’intégrité physique du domaine public. Ce pouvoir de police qui ne s’étend pas à la totalité des
biens du domaine public doit avoir été prévu par les textes. Au Burkina Faso, la loi portant RAF aux articles 282,
283, 284 et svts, de même que le code pénal de 1996 aux articles 507, 508 et svts sanctionnent les atteintes aux
propriétés immobilières. L’élément le plus original dans cette police spéciale réside, selon M. Ph. GODFRIN,
dans les contraventions de grande voirie, « véritables sanctions pénales prononcées par les juridictions
administratives ». Elle sanctionne au-delà des atteintes à l’intégrité physique des dépendances domaniales, la
mauvaise utilisation de celles-ci, même lorsqu’il n’en résulte aucune déprédation. La contravention de grande
voirie se définie comme tout fait de nature à compromettre la conservation ou l’état matériel du domaine ou
nuire à l’usage auquel il est destiné. Mais elle ne protège pas la totalité du domaine public, les meubles n’étant
pas concernés. La police de la conservation est en cela utile à un double point de vue en ce sens qu’elle permet,
par les dispositions législatives et règlementaires, d’assurer tant la protection de l’intégrité matérielle des
dépendances en question que du respect de leur affectation.
Voir dans ce sens, René CHAPUS, « Droit administratif général », Tome 2, 14e édition, Montchrestien, 429 et
svts. De même que Ph. GODFRIN et M. DEGOFFE, « Droit administratif des biens », 9e édition, Sirey, 2009,
P222 ou encore J. M. AUBY, P. BON, J-B AUBY et Ph. TERNEYRE, « Droit administratif des biens »,
Dalloz, 5e édition, 2008, P 167.
70
Ph. GODFRIN et M. DEGOFFE, « Droit administratif des biens », 9e édition, Sirey, 2009, opt. Cité, P212.
71
Mais il faut reconnaitre que l’inaliénabilité ne protège maintenant que l’affectation des dépendances. Aussi,
elle commence et finit avec elle et en conséquence, elle n’empêche nullement les collectivités locales de vendre
leurs biens. Elle les oblige tout simplement à procéder au préalable au déclassement de la dépendance, destiné à
la faire sortir du domaine public pour la faire entrer dans le domaine privé. Le déclassement effectué, la
dépendance devient aliénable sous la condition cependant de procédures spéciales protégeant les collectivités
contre des aliénations irréfléchies.

37
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

conséquences majeures. D’abord, il interdit qu’un bien du domaine public soit l’objet d’une
vente ; par exemple, la délibération d’un Conseil municipal qui autoriserait la vente d’un bien
du domaine public serait annulée pour illégalité par le juge administratif de l’excès de
pouvoir. Tout contrat de vente d’un bien du domaine public est réputé nul et de nul effet.
Aussi ce principe s’oppose à la conclusion de baux commerciaux sur le domaine public, alors
que ces mêmes baux sont parfaitement légaux sur le domaine privé. La deuxième
conséquence est que l’inaliénabilité fait que l’occupation privative du domaine public reste
très précaire et révocable. Ce qui implique que la collectivité publique (la Collectivité
territoriale) a d’une part, la possibilité de décider du retrait de l’autorisation à tout moment,
et d’autre part, que le titulaire de l’autorisation n’a aucun droit au renouvellement de son
titre lorsque celui-ci arrive à expiration. La dernière conséquence est l’exclusion, de toute
évidence, de la possibilité de constituer des droits réels immobiliers sur le domaine public,
c’est-à-dire le fait pour l’occupant privatif de se voir reconnaître un droit de propriété sur la
dépendance du domaine public72.
L’imprescriptibilité est la seconde mesure de protection du domaine public. Elle
signifie tout simplement qu’aucune dépendance du domaine public ne peut être acquise par
prescription, c’est-à-dire par possession du fait de l’écoulement du temps. En aucune façon,

Voir sur ce point, H. G. HUBRECHT, «L’inaliénabilité. Passé et avenir d’un principe de droit
constitutionnel » Mélanges en l’honneur de D.-G. LAVROFF, Dalloz, 2005, cité dans Droit administratif des
biens de Ph. GODFRIN, opt. Cité. P 212.
72
Il y’a lieu de noter que cette exclusion n’est plus absolue, la constitution de droits réels sur le domaine public
est désormais reconnue sous certaines conditions. En effet, avec l’inadaptation des titres d’occupation
traditionnels pour mener à bien des investissements privés sur le domaine public, exigeant la stabilité, des
montages juridiques, bien que fragiles mais « savants » ont été trouvés. Il s’agit pour les collectivités
territoriales, en France depuis 1988, et avec la loi du 12 juillet 2012 portant RAF au Burkina-Faso, de pouvoir
conclure des baux emphytéotiques administratifs sur des portions du domaine public. En France, en vertu de la
loi du 5 janvier 1988 dite « d’amélioration de la décentralisation » (article 13) et au Burkina-Faso en vertu de la
loi du 12 juillet 2012 portant RAF (article 216 et svts.), les collectivités territoriales sont autorisées à accorder un
bail emphytéotique à une personne privée, alors même que l’immeuble donné appartient au domaine public.
C’est un contrat à longue durée (comprise entre dix-huit et quatre-vingt-dix-neuf ans) dont la particularité est
d’accorder de véritables droits réels à l’emphytéote (le preneur à bail). Le législateur burkinabè lui reconnait
plutôt un « droit de superficie ».
Voir davantage J.-M. Auby, « Le bail emphytéotique sur le domaine public local », CJEG 1991, P72 ; Voir
également Ch. Albouy pour qui « les conditions restrictives posées par la loi qui l’instituait en 1988 et les
incertitudes relatives à son régime juridique expliquent sans doutes les réticences qui se sont d’abord
manifestées à l’égard de ce nouvel outil de valorisation du domaine, qui, finalement, connait aujourd’hui un
certain succès ».cf « Le bail emphytéotique administratif ou les prémices de la valorisation économique » Thèse,
Paris I, 1995.
Il y’a aussi E. FATOME, et Ph. TERNEYRE, « Bail emphytéotique ; domanialité publique et financement
privé d’un ouvrage public », CJEG, Nov. 1994, P 584 ; des mêmes auteurs, « Droits réels sur le domaine public
de l’Etat : clarification ou multiplication des interrogations ? » Etude, AJDA, 1995, P 905.

38
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

un particulier ne peut donc exercer d’action possessoire sur le domaine public, celle-ci étant
une action tendant à faire respecter le droit de propriété sur un bien de quelqu’un. En outre, la
collectivité territoriale est tenue de l’entretien et de la conservation du domaine public; sa
responsabilité pouvant être engagée au cas où le défaut d’entretien causerait un préjudice à
autrui: c’est la responsabilité du fait des travaux publics. Un autre principe à signifier, c’est
l’insaisissabilité des biens du domaine public. Il faut préciser que ce principe concerne tous
les biens des personnes publiques, qu’ils relèvent du domaine public ou du domaine privé.
L’insaisissabilité signifie que le juge, judiciaire notamment, ne peut en aucune façon ordonner
la saisie des biens immeubles des collectivités publiques, comme il le ferait dans le cadre
d’une exécution forcée en droit commun.
Par ailleurs, l’autorité s’adjoint d’autres moyens de protection des dépendances
domaniales, notamment pour protéger leur intégrité physique contre les dégradations et les
occupations illégales. De façon pratique, elle le fait à travers les contraventions de grande
voierie, qui sont des sanctions à caractère pénal, (et doivent donc être prévues par un texte
spécial), et par la poursuite des occupations sans titre du domaine public.
En dehors de ces mesures de protection, le législateur burkinabè ajoute d’autres principes,
tirés essentiellement des principes généraux du droit communautaire de l’UEMOA (Union
Economique et Monétaire Ouest Africaine), en matière de gestion des ressources naturelles et
d’aménagement du territoire. Ce sont les différentes servitudes73 et la mise en œuvre des
principes édictés à l’article 374 de la loi portant Réorganisation Agraire et Foncière et
l’immatriculation. Les Collectivités territoriales disposent donc théoriquement de plusieurs
modes de protection du domaine public, même si la pratique révèle autre chose.

Qu’en est-il de la gestion de leur domaine privé immobilier ?

73
Les servitudes sont des contraintes imposées aux propriétés privées voisines des dépendances domaniales,
afin, généralement, de permettre une bonne utilisation du bien conformément à sa destination. On peut retenir
trois, principalement, parce que généralement assorties d'indemnités pour les propriétaires riverains : les
obligations de s’abstenir qui interdisent de construire, de planter ou de procéder à certains autres travaux. Il y’a
aussi les obligations de supporter et enfin, on retient les obligations de faire qui concernent surtout les voies
publiques, où les riverains ont, par exemple, l'obligation de supprimer les murs de clôture, ou de les remplacer
par des grilles,….
Voir notamment M. PIQUEMAL, « Droit des servitudes administratives » ou de M. PRIEUR, « Servitudes de
droit privé et de droit public », Edition de l’Actualité Juridique, 1976.
74
L’Article 3 dispose que : « L’aménagement et le développement durable du territoire, la gestion des
ressources foncières et des autres ressources naturelles ainsi que la réglementation des droits réels immobiliers
sont régis par les principes généraux ci-après : Principe d’agrégation, Principe d’anticipation, Principe
d’efficacité économique, Principe d’équilibre entre le développement urbain et le développement rural, Principe
d’équité, Principe de bonne gouvernance, …………et le principe d’innovation et d’unité nationale »

39
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

Paragraphe 2ème : la gestion du domaine privé immobilier des collectivités territoriales

Les règles relatives à la gestion du domaine privé des Collectivités territoriales


sont dans une large mesure, identiques à celles de gestion du domaine privé de l’Etat, elles-
mêmes semblables aux règles de droit commun. Nous analyserons successivement les modes
de gestion et de protection (A) et les titres de jouissance du domaine privé immobilier des
collectivités locales (B).

A. Les modes de gestion et de protection du domaine privé immobilier.

La gestion des terres du domaine privé des Collectivités locales burkinabè


s’effectue suivant la distinction entre les terres du domaine privé affecté et celles non
affectées. De prime abord, la délimitation du domaine privé immobilier local se fait selon la
procédure du bornage qui met à égalité les deux voisines, la collectivité publique et la
personne privée. Et sauf lorsque des textes le prévoient explicitement, la collectivité publique,
contrairement au propriétaire privé, est tenue d’utiliser les dépendances de son domaine privé,
ou de les louer ou encore de les aliéner et ne peut les conserver si ce sont des biens
improductifs de revenus. Elle peut donc les mettre à la disposition des services publics ou les
louer à des particuliers. L’article 148 de la loi portant Réorganisation Agraire et Foncière
dispose que « tout service public de l’Etat ou des collectivités territoriales désireux d’occuper
un terrain du domaine privé des collectivités territoriales doit, après accord de l’autorité
dont il relève, en faire la demande au président du conseil de la collectivité territoriale
concernée » La Collectivité locale peut procéder de trois manières différentes à savoir soit par
contrat de droit civil, soit par contrat administratif (en raison notamment de la présence d’une
clause exorbitante du droit commun dans l’accord) soit enfin par autorisation unilatérale.
Les dépendances du domaine privé immobilier peuvent être également utilisées par de
simples citoyens sous la forme d’un contrat ou d’un simple acte unilatéral. Les dépendances
du domaine privé local affectées font l’objet de publicité par leur inscription dans les livres
fonciers, comme le précise l’article 150 de la loi portant réorganisation agraire et foncière au
Burkina Faso.
Quant au domine privé non affecté des collectivités territoriales, pour ne pas le laisser
improductif, il est géré selon les modes ci-après : la cession provisoire à titre de recasement,
le bail de courte ou de longue durée ou la cession définitive75. Tout compte fait, toute

75
Article 153 de la RAF

40
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

occupation, sans titre, des terres urbaines du domaine privé des collectivités territoriales est
interdite et le déguerpissement ne donne lieu ni à recasement ni à indemnisation. Une autre
question se pose tout de même à savoir si les Collectivités locales peuvent-elles aliéner leurs
biens du domaine privé ? Bien évidemment, en vertu du principe exactement inverse de celui
applicable au domaine public, le domaine privé immobilier des Collectivités territoriales est
aliénable et prescriptible. Parfois même, leur aliénation devient obligatoire compte tenu du
fait que les biens du domaine privé, comme déjà évoqués, sont utilisés soit par la personne
publique propriétaire, soit louée pour éviter de gérer un bien improductif. Seulement,
certaines règles doivent être respectées comme l’interdiction des aliénations purement
gratuites et sans contrepartie76, ou le fait que c’est après décision du conseil délibérant de la
Collectivité territoriale que son organe exécutif (en l’occurrence le maire ou le président du
Conseil régional), peut procéder à la vente du bien en question. Le contentieux de la gestion
du domaine privé77 et des aliénations78 relève normalement de la compétence du juge
judiciaire.
En ce qui concerne les mesures de protection, la loi de juillet 2012 en son article 3 en
prévoit essentiellement deux qui sont : le principe de l’immatriculation des terres du domaine
privé et le principe de bonne gouvernance. L’immatriculation est l’attribution d’un numéro de
titre foncier, tiré d’un registre, après notamment un levé topographique et l’accomplissement

76
Il est vrai que contrairement aux biens du domaine public, les biens du domaine privés sont, conformément
aux droits communs, aliénables et prescriptibles. Mais il est tout de même assorti de certaines exceptions : il peut
arriver en premier lieu que des textes édictent l’inaliénabilité ou l’imprescriptibilité à propos de certains biens
relevant du domaine privé, (les forêts par exemple). De même certaines formes d’aliénations (la gratuité) sont
interdites sans oublier le principe constitutionnel qui interdit que les biens des personnes publiques soient à des
prix dérisoires. Cf. Cons. const., 25-26 juin 1986, AJDA 1986-575, note de Jean RIVERO, où le Conseil
Constitutionnel français affirme que « la Constitution s’oppose à ce que des biens ou des entreprises faisant
partie de patrimoines publics soient cédés à des personnes poursuivant des fins d’intérêt privé pour des prix
inférieurs à leur valeur », (même si le Conseil d’Etat a assorti ce principe d’une exception remarquable en 1997
dans sa décision Communes de Fougerolles en l’admettant pour « motif d’intérêt général et après contreparties
suffisantes »)
77
Voir, J. M. AUBY, P. BON, J-B AUBY et Ph. TERNEYRE, « Droit administratif des biens », Dalloz, 5e
édition, 2008, P 184. En effet, les dommages qui ont leur origine dans le domaine privé échappent en principe au
régime particulier de la responsabilité de la puissance publique et relèvent de la juridiction judiciaire. Il en va
ainsi notamment, des dommages résultant d’actes de gestion domaniale, des dommages causés par des
immeubles domaniaux ou des animaux, des accidents subis sur un terrain domanial ou du dommage résultant du
défaut d’entretien des pistes rurales. Mais cette compétence du juge judiciaire n’est pas exclusive. En effet, il y’a
des limites, notamment dans les cas où les immeubles domaniaux font l’objet d’affectation d’intérêt général.
Dans cette hypothèse, les travaux d’entretien constituent des travaux publics et la responsabilité pour les
dommages qu’ils peuvent causer relèvent du juge administratif. C’est ce qui ressort d’une jurisprudence du TC
du 24 octobre 1942, Préfet des Bouches-du-Rhône, S.1945, III. P10. Il en est de même pour la compétence du
juge administratif du dommage résultant de l’exécution d’un service public sur le domaine privé.
78
Cf. par exemple pour la vente d’un bateau, CE, 22 juillet 1977, Sté Cantieri Navali Santa Maria, réserve
cependant faite du cas où la présence de clauses exorbitantes du droit commun mettrait en présence d’un contrat
administratif.

41
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

d’une procédure minutieuse et contradictoire donnant à la propriété une base de départ sûre,
exclusive de toute contestation. L’immatriculation peut être regardée comme un mode absolu
et définitif de consécration de la propriété immobilière, à l’égard de toutes les parties comme
des tiers. Aucune action en éviction n’est recevable contre une propriété immatriculée et la
production en justice d’une copie de titre foncier forme un obstacle absolu à la poursuite qui
sera intentée contre la personne propriétaire79. C’est parce qu’elle assure une certaine
sécurisation foncière qu’elle est protectrice du domaine privé.
Le principe de bonne gouvernance est le deuxième moyen de protection des biens du domaine
privé immobilier local. Ce principe prescrit l’obligation pour les personnes publiques de gérer
les biens suivant leur véritable affectation, dans le respect des normes en la matière et proscrit
donc les actes de corruption ,de concussion et de clientélisme, de spéculation qui ont toujours
entouré la gestion des terres, notamment urbaines au Burkina Faso.
Les titres de jouissance exigés en ce qui concerne le domaine privé immobilier participent
aussi et à coup sûr de sa bonne gestion.

B. Les titres de jouissance du domaine privé immobilier local

La possibilité d’occuper, d’en jouir ou même de disposer des biens du domaine privé
immobilier local suit des règles, qui participent aussi de sa gestion. La cession de terres par la
Collectivité territoriale doit respecter les principes cités un peu plus haut à l’article 3 de la loi
foncière, notamment les principes du respect de genre, car s’il est vrai que la femme
burkinabè travaille suffisamment la terre, elle n’en est presque jamais propriétaire de la plus
petite des portions. Parlant des modes de cession par adjudication ou de gré à gré, il faut noter
que les administrations locales burkinabè se sont illustrées fort négativement dans la gestion
presque calamiteuse de distribution des terres du domaine privé local. Dans ce domaine, la
corruption, le clientélisme politique et la gabegie ont été telles que le gouvernement a pris la
décision en 2011 de suspendre toute opération de lotissement jusqu’à ce que des audits sur la
gestion soient menés80. Mais nous y reviendrons plus amplement dans la deuxième partie de
notre réflexion. Quels sont donc les titres de jouissance exigés pour l’occupation des terres du

79
L’article 238 de la loi portant Réorganisation Agraire et Foncière dispose que: « … l’immatriculation consiste
à désigner un terrain par un numéro chronologique du livre foncier, à la suite d’une opération de bornage. Elle
aboutit à la création du titre de propriété inscrit sur le livre foncier, appelé titre foncier. L’immatriculation est
obligatoire avant toute cession définitive de terre par l’Etat ou par les collectivités territoriales ».
80
Le 21 avril 2011, le Premier Ministre du Burkina Faso annonçait la suspension de toutes les opérations de
lotissement sur toute l’étendue du territoire afin de pencher sur les problèmes qui ont toujours émaillé ce
domaine si sensible au Burkina Faso, et les 24 et 25 octobre 2013 se tenaient à Ouagadougou les états
généraux des lotissements.

42
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

domaine privé immobilier local. Il faut distinguer les titres de jouissance et les titres de
propriété.
Relativement aux titres de jouissance, l’article 176 de la loi foncière dispose que « tout
occupant d’une terre du domaine privé immobilier des collectivités territoriales doit être
titulaire de l’un des titres de jouissance suivants : un arrêté d’affectation, un arrêté de mise à
disposition, un bail emphytéotique, un permis d’occuper ou un permis d’exploiter ». Les titres
de jouissance sont délivrés à titre onéreux mais certains peuvent exceptionnellement l’être à
titre gratuit. Le permis d’occuper est défini comme étant un titre de jouissance précaire et
révocable. Il est délivré aux personnes physiques ou aux personnes morales, pour l’exercice
d’une activité lucrative sur des terres du domaine privé immobilier des collectivités
territoriales qui, par leur nature ou leur destination ou pour toute autre raison d'opportunité, ne
peuvent être concédées en jouissance privative de longue durée81. Le permis d'occuper
confère à son titulaire le seul droit d'usage personnel, précaire et révocable sans indemnité ;
le permissionnaire a uniquement le droit d'occuper la dépendance du domaine qui lui est
accordé, conformément aux normes techniques d'installations prévues par la collectivité
publique mais il a aussi l'obligation de payer une redevance fixée par le conseil délibérant de
la collectivité82. Quant au permis urbain d’habiter (PUH), c’est un titre de jouissance
permanent, délivré aux personnes physiques ou aux personnes morales pour l'occupation des
terres à usage d'habitation avec possibilité d'aliénation définitive desdites terres à certaines
conditions. L’arrêté d’affectation concerne l’occupation des biens du domaine privé
immobilier local par les services publics, il est prononcé par le conseil municipal ou régional
et fait l’objet d’une publicité foncière. S’agissant de l’arrêté de mise à disposition, c’est un
titre de jouissance permanent délivré aux personnes physiques ou morales pour l’occupation
des terres du domaine privé de l’Etat ou des collectivités locales. Elles ont sur la terre, objet
de l’affectation un droit de superficie83. Enfin, en ce qui concerne l’emphytéose ou bail
emphytéotique, exclue en principe sur les dépendances du domaine public, parce que
insusceptibles de constitution de droits réels, elle est possible en ce qui concerne le domaine
privé. L’emphytéose est selon l’article 182 de la loi foncière « un contrat de longue durée de
dix-huit ans au minimum et de quatre- vingt-dix-neuf ans au maximum, qui confère aux

81
Article 19 de la loi portant RAF de 1996, repris par l’article 177 de la dernière version de la RAF.
82
Article 145 du Décret N°97-050/PRES/PM/MEF portant application de la RAF de 1996.
83
Article 181 de la RAF de juillet 2012

43
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

personnes physiques et aux personnes morales de droit public ou privé, un droit de jouissance
sur des terres du domaine privé immobilier de l’Etat ou des collectivités territoriales…».
Dans le souci de sécuriser davantage les acteurs du foncier rural, il est créé depuis la loi de
2009, portant régime foncier rural l’Attestation de Possession Foncière Rurale (APFR). C’est
un document légal, un titre de jouissance, qui atteste d’une possession incontestée en milieu
rural. Cette reconnaissance de la possession foncière rurale est le pouvoir de fait légitimement
exercé sur une terre rurale en référence aux us et coutumes. C’est une sorte de conciliation
entre le droit coutumier et le droit moderne (légitimité et légalité) qui ont toujours eu du mal à
cohabiter dans le domaine du foncier rural. Nous y reviendrons sur ce nouvel outil de
sécurisation foncière en milieu rural burkinabè. La délivrance des titres comme le permis
urbain d’habiter (PUH), le permis d’exploiter, l’APFR, la mise à disposition est subordonnée
à la mise en valeur dûment constatée des terres qui en sont l'objet, et au paiement intégral des
droits et taxes dus. Tout titulaire de l'un des titres précédemment cités des terres du domaine
privé des collectivités territoriales peut, sous réserve des limites relatives à la publicité
foncière, affecter son droit à la garantie d'emprunts de sommes d'argent ou de toute autre
obligation.
S’agissant du titre de propriété, il fait suite à la cession définitive d’une dépendance du
domaine privé local non affecté.
La gestion du domaine foncier local ne se limite pas à au dispositif juridique consacré
mais également à l’aspect institutionnel, notamment les structures d’accompagnement et de
gestion prévues par les textes.

Section 2ème : Le dispositif institutionnel de gestion domaniale et foncière locale

La gestion efficace du domaine foncier des Collectivités locales (CL) ne peut se


faire sans structures et outils viables ; elle requiert des organismes capables d’accompagner
les exécutifs locaux dans le développement des territoires décentralisés. Depuis longtemps et
en ce qui concerne le domaine foncier de l’Etat, c’est le ministère de l’économie,
spécifiquement la Direction générale des impôts et le service de conservation du patrimoine,
qui étaient chargés de sa gestion et aussi d’ailleurs de celui des Collectivités locales. Il y’avait
aussi, dans les communes urbaines notamment, les services fonciers, qui, avec d’autres
commissions, contribuaient aux opérations foncières, notamment les lotissements, les
attributions et le suivi de la mise en valeur. A côté des structures de gestion, les instruments
choisis pour accompagner ces dernières, jouent un rôle tellement primordial que leur

44
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

négligence pourrait compromettre le développement local. Les derniers textes sur le foncier
au Burkina Faso reconnaissent et prévoient des structures d’administration (Paragraphe 1er)
de même que des outils de gestion du domaine foncier local (Paragraphe 2ème).

Paragraphe 1er : Les structures de gestion du domaine foncier local.

Les structures de gestion du domaine foncier local peuvent être analysées entre celles
qui sont propres aux Collectivités ; ce sont celles relatives à la gestion du domaine public
immobilier des Collectivités territoriales (A), et celles qui intéressent aussi bien l’Etat que les
collectivités territoriales; ce sont celles relatives à la gestion du domaine privé immobilier des
Collectivités territoriales (B).

A. Les structures de gestion du domaine public immobilier local

La construction de Collectivités territoriales, matures et autonomes exige qu’elles


puissent disposer d’organes de gestion, de suivi et d’évaluation de leurs politiques. C’est en
cela que les organes locaux jouent un grand rôle et montrent leur importance, même si jusqu’à
présent, nombre de contraintes matérielles et financières limitent sensiblement les capacités
d’action des collectivités territoriales. Au Burkina Faso, les organes délibérants des
Collectivités territoriales sont les conseils municipal et régional. Les exécutifs locaux sont
représentés par le maire et le président du conseil régional. S’agissant des structures de
gestion consacrées du domaine public immobilier, la loi foncière dispose à son article 145 que
« le domaine public immobilier des collectivités territoriales est géré par leurs conseils. Ces
conseils peuvent concéder à leur tour la gestion de ces dépendances à des personnes morales
de droit public ou privé ». Les premiers responsables donc de la gestion du domaine public
immobilier local sont les conseils délibérants de ces collectivités, qui par leurs délibérations
gèrent les affaires dites locales84. Mais ils peuvent se dessaisir et confier la gestion à des
personnes morales de droit public ou de droit privé, à l’image de ce que fait l’Etat dans cette
matière.
Au niveau rural, les collectivités locales disposent d’un domaine foncier rural et à cet
effet, sont tenues, avec l’accompagnement des services étatiques, du recensement, de la

84
C’est la clause générale de compétences des collectivités locales dans presque toutes les législations africaines
sur la décentralisation, notamment d’inspiration française. En France pourtant, le débat s’est posé sur le maintien
de cette clause, parce que comme le disent certains auteurs, cette clause, contrairement à ce qu’elle laisse
apparaitre en termes de larges libertés accordées aux CL, est en réalité une limite considérable à leurs
compétences. Et on ne doute plus assez quant à la suppression prochaine de cette clause des textes français.

45
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

délimitation et de l’immatriculation au nom de la collectivité territoriale concernée. Deux


structures méritent d’être présentées dans cette partie, tant elles interviennent dans la gestion
du domaine foncier, qu’il soit public ou privé des Collectivités territoriales. Ce sont les
Services Fonciers Ruraux (SFR) et les Commissions Foncières villageoises. La loi 34/2009
portant régime foncier en milieu rural définit le Service Foncier Rural comme le service
chargé, d’une part, de l’ensemble des activités de gestion et de sécurisation du domaine
foncier de la commune rurale, y compris les espaces locaux de ressources naturelles
d’utilisation commune, et d’autre part, des activités de sécurisation foncière du patrimoine
foncier rural des particuliers sur le territoire communal. C’est un service qui concourt
également à la préservation, à la sécurisation et à la gestion du domaine foncier de la région et
de l’Etat, situé sur le ressort territorial de la commune concernée. Quant à ses attributions, il
est précisé qu’il est chargé, et ce, en collaboration avec la commission foncière villageoise de
la tenue régulière des registres fonciers ruraux, notamment le registre des possessions
foncières rurales, le registre des transactions foncières rurales, le registre des chartes foncières
locales et le registre des conciliations foncières rurales85. Si on ne pouvait s’en tenir qu’à la
théorie, notamment des dispositions textuelles en la matière, on se serait volontiers réjouit.
Malheureusement, selon des acteurs non étatiques86, la pratique révèle déjà un hiatus entre ce
que les textes prévoient et ce que la réalité quotidienne montre. Néanmoins, nous pouvons
espérer qu’avec la volonté affichée des pouvoirs publics d’améliorer la gestion foncière et
aussi de l’intervention de nouveaux acteurs comme le Millenium Challenge Account (MCA),
ce programme américain, bien qu’à terme, qui a choisi de contribuer à l’efficacité dans la
gestion des terres rurales au Burkina Faso, puissions maitriser enfin cette question qui reste
toujours comme un goulot d’étranglement tant pour les autorités centrales que locales. Quant
à la Commission foncière villageoise, elle est en réalité une sous-commission du Conseil
villageois de développement (CVD) ; chapeauté par ce dernier et composé essentiellement et
de plein droit, des autorités coutumières et traditionnelles villageoises chargées du foncier ou
leurs représentants, l’article 82 de la loi sur le régime foncier la définit comme une
commission qui « …est chargée de faciliter la mise en œuvre effective des missions du service

85
Article 78 de la loi sur le régime foncier rural.
86
Les Organisations non gouvernementales notamment, des acteurs de la coopération internationale intervenant
dans le monde rural comme l’AFD (Agence française de développement), de Projets et Programmes comme
Négos-GRN Burkina-Mali-Sénégal, le GRET, le Graf (Groupe de recherche et d’action sur le foncier) ou du
Laboratoires Citoyennetés.
Cf. notamment, AFD, Comité technique Foncier et développement, Notes de synthèse n°14 de juin 2014
« Avancées, limites et défi s de la réforme foncière rurale du Burkina Faso » ; ou INOUSSA MAIGA, « sur le
foncier rural : cinq ans après » ? Publié dans Défis Sud, juillet 2014, consultable sur www.sosfaim.org.

46
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

foncier rural en contribuant d’une part à la sécurisation et la gestion du domaine foncier de


la commune et en participant d’autre part, à la sécurisation foncière de l’ensemble des
acteurs ruraux de la commune. En particulier la commission foncière villageoise assure
l’information et la sensibilisation de la population en matière foncière, est responsable de
l’identification des espaces locaux de ressources naturelles d’utilisation commune, participe
à la constatation des droits fonciers locaux et en général, œuvre à la prévention des conflits
fonciers ruraux ».
D’autres organismes purement consultatifs peuvent être créés par les Collectivités
territoriales ,ce sont les instances locales de concertation foncière, chargées à la demande de
la commune, d’examiner toutes questions relatives à la sécurisation foncière des acteurs
locaux, à la gestion et à la gouvernance foncières locales, aux questions d’équité foncière et
d’utilisation durable des terres rurales et de faire toutes propositions qu’elles jugent
appropriées87.

B. Les structures de gestion du domaine privé immobilier local

S’agissant des structures de gestion du domaine privé immobilier des Collectivités


territoriales, nous avons le bureau domanial pour les communes urbaines et le service foncier
rural pour les communes rurales sans oublier les autres commissions qui interviennent tant
pour les terres de l’Etat que pour celles des Collectivités territoriales. En ce qui concerne le
bureau domanial ou le service foncier rural de la collectivité, il assure des missions foncières,
domaniales, topographiques et de communication. Le bureau domanial est assisté
généralement dans ses missions par les services techniques étatiques en la matière,
notamment les services d’urbanisme et de lotissement, les services domaniaux de la Direction
Générale des Impôts (DGI) etc. Les services fonciers ruraux ne sont pas encore mis sur pied
dans les communes rurales, sauf dans les zones pilotes désignées par le MCA pour son projet
de sécurisation foncière, notamment dans les 17 communes pilotes couvertes par la première
phase de ce projet88. Pour s’assurer de la mise en valeur et surtout du respect de l’affectation
des terres, il est créé deux commissions à savoir les Commissions d’évaluation et de constat
de mise en valeur des terres du domaine privé ainsi que la commission de retrait des terres. La
Commission d’évaluation et de constat de mise en valeur des terres est définie à l’ article 167
87
Article 83 de la loi portant régime foncier rural au Burkina Faso
88
Les interventions se limitent pour la première phase à 17 communes pilotes, et sera étendue dans la seconde
phase à 30 autres communes. Ces interventions visent notamment à améliorer l’occupation et la gestion du
foncier local.

47
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

comme celle qui « est chargée de vérifier que la mise en valeur des terres a été réalisée dans
les délais prescrits et que les investissements ou réalisations sont conformes à la destination
pour laquelle elles ont été cédées et aux clauses et conditions du cahier des charges, s'il y a
lieu. Elle intervient sur réquisition de la collectivité territoriale ou à la demande du
bénéficiaire… ». Il faut dire que beaucoup de citoyens burkinabè, pour plusieurs raisons,
parmi lesquelles la pauvreté des ménages, n’arrivent pas toujours à mener les travaux
nécessaires de mise en valeur des terres du domaine privé à eux, cédés. Des investissements
qui sont pourtant nécessaires pour se voir délivrer définitivement le titre de propriété. Mais les
raisons de l’absence de mise en valeur ne sont pas toujours dues à la pauvreté; certains
citoyens, se font le plaisir d’être attributaires par des moyens souvent très douteux, de
plusieurs parcelles qu’ils ne sont pas en mesure de mettre en valeur. Dans de telles conditions,
la spéculation foncière aidant, et surtout la pratique de corruption développée dans ce
domaine, il ne peut en être autrement en ce qui concerne cette situation de non mise en valeur
des terres cédées du domaine privé local. C’est pour cela que la loi prévoit la possibilité de
retrait des terres et même l’octroi d’un délai supplémentaire pour la mise en valeur. En effet,
la commission de retrait des terres à usage d’habitation décide, sur la base des procès-verbaux
dressés par la commission d'évaluation et de constat de mise en valeur des terres, et sur
rapport du service chargé de la gestion de ce domaine, du retrait des terrains à usage
d'habitation ou de l'octroi d’un délai supplémentaire pour leur mise en valeur.
Comme on le voit, les textes sur le foncier, en plus de l’encadrement juridique par les
multiples dispositions, prévoient également la mise en place de structures qui, si elles étaient
normalement fonctionnelles, auraient pu résoudre de nombreux problèmes constatés jusqu’ici
dans la gestion de ces ressources non moins importantes.

Paragraphe 2ème: les instruments de gestion du domaine foncier local

En plus des structures de gestion du domaine foncier local, les CL sont tenues de
mettre en œuvre certains outils de gestion, pour améliorer davantage la sécurité foncière et
aussi permettre une grande accessibilité de l’information foncière, juste. Sont de ces outils, le
système cadastral, quasi indispensable dans la gestion du foncier (A) auquel la loi foncière
ajoute la nécessité d’un système d’information foncière (B).

A. Le système cadastral

48
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

Le cadastre se définit comme l'inventaire de la propriété foncière et immobilière


comprenant les parcelles de terrains ou locaux (maisons individuelles, appartements,
commerces, usines, etc.). Cet inventaire revêt trois caractéristiques fondamentales : en effet,
il doit d’abord être descriptif, c'est-à-dire qu’il doit fournir les éléments nécessaires à la
localisation du bien, à sa délimitation, à son statut juridique, et à l'identification de son
propriétaire ou de son occupant. La localisation et l'identification de la propriété doivent
pouvoir se faire sans ambiguïté. Il doit ensuite être exhaustif, c'est-à-dire qu’il doit couvrir la
totalité du secteur géographique concerné et enfin être permanent, toujours mis à jour. A ces
trois caractéristiques, on ajoute généralement le fait qu’il doit être aussi évaluatif, en ce sens
qu’il doit pouvoir fournir les éléments permettant de déterminer la valeur du bien (l’enjeu
étant fiscal). Les Services du cadastre, s’ils existent, sont traditionnellement responsables de
l'exécution d'au moins quatre tâches à savoir le recensement de toutes les parcelles et de tous
les locaux, l'identification de chacune de ces unités foncières (immatriculation permettant de
les individualiser sans ambiguïté), la recherche de leurs propriétaires ou de leurs occupants, et
l'enregistrement des principaux éléments de leur désignation (noms, prénoms, etc.); enfin, la
description physique des propriétés, généralement sous la forme d'un plan à grande échelle89.

Suivant la finalité assignée au cadastre, nous pouvons avoir trois types de cadastres :
le cadastre fiscal, légal ou polyvalent90, chacun requiert un certain type d'information. En ce
qui concerne le cadastre fiscal, c’est un système qui permet d'assurer la gestion des données et
informations nécessaires à l'évaluation des biens fonciers, en vue de la détermination des
taxes foncières ou afférentes au foncier (taxe foncière sur les propriétés bâties et non bâties,
taxes d'habitation, taxes sur les mutations domaniales, certaines taxes liées aux activités,
comme la patente...). L'information requise porte sur les éléments permettant d'apprécier la

89
Selon l’article 203 de la loi portant RAF, « la documentation cadastrale est composée de la matrice cadastrale
qui énumère les parcelles appartenant à chaque propriétaire ou groupe de propriétaires dans la commune, les
états de section qui donnent les renseignements sur chaque parcelle et constituent à cet effet une sorte de
répertoire permettant la consultation du plan, et le plan cadastral à proprement parler qui est une carte à
grande échelle ».
90
C’est l’article 199 de la loi portant RAF, qui reconnait ces trois fonctions au cadastre : la fonction fiscale, la
fonction technique qui permet justement l'identification de la propriété et ses attributs techniques notamment les
coordonnées des limites, la surface, et les constructions ou la nature des cultures existantes ; et enfin la fonction
juridique par l'attestation des droits d'occupation en ce qui concerne les limites et les contenances des propriétés
foncières.
Voir, « Etude diagnostique pour la modernisation des secteurs du cadastre et des domaines », Banque Africaine
de Développement, Fonds africain de développement, Cameroun, Département régional centre, (ORCE)
Novembre 2009,65p. Cf. également Alain Durand-LASSERVE, « Conditions de mise en place des systèmes
d'information foncière dans les villes d'Afrique sub-saharienne francophone », publié pour le Programme de
gestion urbaine, Banque mondiale, Washington, D.C. 1994, p21.

49
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

valeur, locative ou vénale de la propriété et l'identification du contribuable qui peut être le


propriétaire ou simplement son occupant.

Quant au cadastre légal, il a pour objectifs l'identification du propriétaire d'une


parcelle et la détermination des droits qu'il peut faire valoir sur cette parcelle. Il suppose donc
que le statut juridique, l'état et les limites exactes de la parcelle soient clairement établis ainsi
que les droits et servitudes afférents. La mise en place d'un cadastre à finalité légale exige une
plus grande rigueur que celle d'un cadastre à but strictement fiscal. Une autre finalité du
cadastre est qu’il permet d’assurer une bonne programmation et la gestion de réseaux, des
services et des équipements dans un but d’urbanisme.
Enfin, le cadastre polyvalent (ou à buts multiples) poursuit, comme son nom l'indique,
plusieurs objectifs: fiscal, légal et/ou technico-urbanistique. Il est à la fois un instrument
permettant d'attester et de garantir des droits sur les terrains et les immeubles et de déterminer
des valeurs, et un instrument de gestion du foncier et des équipements, donc un outil d'aide à
la décision en matière d'urbanisme et d'aménagement. Le législateur burkinabè va dans le
même sens en définissant le cadastre comme « … un inventaire de la propriété foncière et
immobilière. Il est le système unitaire des archives techniques, fiscales et juridiques de toutes
les terres du territoire national. Il constitue un ensemble de techniques ou d’outils
d'identification, d'enregistrement, de description et d’évaluation des terres. Il doit être
descriptif, exhaustif et permanent »91. Il précise en outre que le cadastre est créé dans toutes
les collectivités territoriales et que le ministère qui en a la charge est tenu de sa mise sur pied
dans toutes les Collectivités territoriales, c'est-à-dire dans les 13 régions, les 49 communes
urbaines et les 302 communes rurales que compte le pays.
Le cadastre est donc un instrument indispensable pour les CT notamment pour les communes
burkinabè en ce qu’il leur fournit des informations sur la valeur des immeubles, ce qui leur
permet de fixer la base imposable tant pour les immeubles bâtis que ceux non bâtis, comme
suggérés aux derniers états généraux des lotissements d’octobre 2013.
Néanmoins, au regard de l’état général de pauvreté dans lequel se trouvent la plupart de nos
communes, surtout rurales, l’on mesure déjà le travail gigantesque qui attend le ministère
abritant les services cadastraux. Il n’est donc pas étonnant qu’au sortir des états généraux des
lotissements, tenus les 25 et 26 octobre 2013 à Ouagadougou, le processus de mise en place
rapide des cadastres dans toutes les Collectivités territoriales soit retenue comme une
recommandation majeure. Le cadastre est donc important à un double point de vue par le fait

91
Art.199 de la loi de juillet 2012 portant Réorganisation Agraire et Foncière.

50
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

que son contenu permet aux personnes physiques ou morales de détenir les informations
exactes sur leurs propriétés, mais surtout à la collectivité de disposer d’une base de données
solides sur ses terres afin de prendre les dispositions qui conviennent, notamment fiscales et
managériales. Pour ce qui est de sa mise en place dans toutes les Collectivités territoriales,
toutes les personnes ressources sont mises à contribution et le législateur oblige les services
de l’Etat ou des CT et toute personne, physique ou morale de droit privé ou public, de fournir
toutes documentations et informations en leur possession. En réalité, si le législateur oblige la
mise sur pied d’un cadastre dans toutes les Collectivités territoriales, c’est qu’il en a toujours
été absent dans ces administrations, mais nous y reviendrons amplement dans la deuxième
partie de notre réflexion. Quid des systèmes d’information foncière prévus par le législateur ?

B. Les systèmes d’information foncière (SIF)

En plus du cadastre qui est un outil presqu’indispensable, la loi foncière burkinabè


prévoit la mise en place d’un véritable système d’information foncière. La définition qui est
donnée à ces systèmes peut prêter à confusion avec celle du cadastre. En effet, l’article 206 de
la loi portant Réorganisation Agraire et Foncière dispose que : « les systèmes d’information
foncière sont un ensemble de procédés et de mécanismes permettant de collecter et traiter les
informations, de stocker, d’analyser et de diffuser les données relatives à la propriété
foncière et ses démembrements. Ils permettent de gérer l’information foncière ». Le système
d'information foncière (SIF) s’entend donc de cet « environnement qui regroupe une base de
données relative aux parcelles ainsi que les procédures, les techniques et les équipements
permettant de recueillir ces données, de les mettre à jour, de les traiter, de les corréler, en vue
de produire et de restituer une information »92. Dans son acception large, le terme de SIF
recouvre les divers types de cadastre à but fiscal, légal, ou polyvalent déjà évoqués. De même,
les fichiers fonciers (appelés aussi registres fonciers) visant à repérer l'occupation d'un
ensemble de parcelles et à identifier ses occupants ou propriétaires peuvent être considérés
comme des SIF. A bien des égards, le fichier foncier peut être considéré comme « une forme
simplifiée et principalement littérale d'identification des parcelles, l'information
cartographique n'ayant pour objectif que le repérage de l'occupation et la mise au point d'un
système d'adressage. Mais à quoi servent les Systèmes d’information foncière (SIF)?

92
Alain Durand-LASSERVE, « Conditions de mise en place des systèmes d'information foncière dans les
villes d’Afrique sub-saharienne francophone », Publié pour le Programme de gestion urbaine, Banque mondiale,
Washington, D.C. 1994, p 20.

51
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

A l’analyse, nous nous rendons compte qu’effectivement les SIF poursuivent presque
les mêmes objectifs qu’un cadastre c'est-à-dire assurer des ressources fiscales aux collectivités
locales, garantir les droits sur le sol et assurer l'aménagement et l'équipement des villes. Ainsi,
le fait de recenser, identifier et décrire les terrains et les immeubles, constater leur mise en
valeur, désigner leurs propriétaires sont les conditions préalables à la mise en place d'une
fiscalité foncière. Cette dernière constitue le plus souvent, avec la taxation des activités
économiques, l'une des principales sources de revenus pour les collectivités locales. Le
deuxième objectif des SIF est d’assurer la garantie des droits par la sécurité de la tenure mais
aussi et surtout par le développement d'un système de financement sur hypothèque pour les
ménages et les entreprises. L'immatriculation et l'existence de procédures de publication93 et
de conservation permettent d'accéder à l'information foncière, d'assurer et de garantir sa mise
à jour.
Le troisième objectif d’outil au service de l’aménagement urbain se justifie par le fait que la
programmation et l'exécution des opérations d'aménagement, d'équipement, de logement, etc.
suppose une connaissance minimale des structures foncières et du statut du sol, de la
configuration du parcellaire existant, de sa mise en valeur et de son occupation.
Dans le même ordre d’idées, les SIF sont susceptibles de contribuer à l'identification des
usagers des services urbains. Ils constituent ainsi un élément central dans la mise en œuvre
d'une politique parafiscale et tarifaire visant à recouvrer les coûts des équipements et des
services. Au Burkina Faso, les modalités de la mise en place de ces SIF doivent être précisées
par décret pris en Conseil des ministres, décret qui se fait toujours attendre, plus de deux ans
après l’adoption de la dernière loi foncière. En tout état de cause, dans un pays ou de plus en
plus, l’accaparement indu des terres tant urbaines que rurales tend à se généraliser, tous les
moyens et outils de gestion performante doivent être déployés pour contrôler et réguler ce
nouveau marché foncier, qui fait des mécontents dans les zones rurales, particulièrement avec
les grands investisseurs privés agricoles, pompeusement appelés agro businessmen.

93
Parlant des procédures de publication, nous notons la publicité foncière qui est prévue dans la législation
foncière du Burkina Faso comme un outil de communication sur le foncier et qui permet au grand nombre,
surtout aux propriétaires comme aux tiers d’avoir l’information foncière, même si après tout son défaut ou
absence n’entache en rien les droits de propriété ou de jouissance des titulaires sur les dépendances du domaine
foncier local. La publicité foncière est très importante puisse qu’elle permet d'informer l'Etat, les collectivités
territoriales et les particuliers à tout moment sur leur situation immobilière et sur celle de toute personne
physique ou morale. En outre, elle permet d'informer les parties et plus généralement, toute personne intéressée
sur l'état des droits réels immobiliers de leurs contractants ou de leurs débiteurs et vise enfin à garantir le
titulaire contre des actes ou faits frauduleux ou dolosifs.

52
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

Au terme de cette première partie, nous constatons qu’effectivement les Collectivités


territoriales n’ont pas toujours été propriétaires d’un domaine à elles reconnu formellement.
D’ailleurs, leur construction depuis la période coloniale a été jalonnée de multiples difficultés
et surtout, elles ont évolué au rythme de la vie politique nationale marquée par de remous
divers, notamment plusieurs régimes d’exception, chacun s’employant à contrôler davantage
les territoires pour mieux les diriger. Avec les dernières lois sur la décentralisation et
particulièrement des lois foncières, les Collectivités territoriales acquièrent leur domaine
foncier propre. Malgré l’encadrement consacré, tant juridique qu’institutionnel, la gestion
rationnelle des ressources locales, de manière générale et plus particulièrement des ressources
foncières locales, demeure un défi majeur pour les Collectivités territoriales.

53
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

DEUXIEME PARTIE : LA PROBLEMATIQUE DE LA GESTION EFFICIENTE DU


DOMAINE FONCIER LOCAL

Les collectivités territoriales au Burkina Faso, bien que titulaires d’un vaste
domaine foncier n’ont pas su toujours trouver les voies et moyens pour sa gestion rationnelle
et bénéfique pour tous. La gestion est l’action d’administrer, de diriger ou de coordonner
quelque chose, elle s’entend de la science qui permet de déterminer la meilleure combinaison
pour réaliser les meilleurs rendements possibles, la plus grande productivité des moyens
matériels et ce, au moyen d’une bonne administration et valorisation de la ressource sol. Les
collectivités locales burkinabè font face aujourd’hui au défi de la performance tant
administrative que politique, mais surtout économique. Le patrimoine d’une collectivité
territoriale pouvant refléter l'image de santé économique de cette dernière, on ne peut en
même temps qu’approuver l'idée selon laquelle le patrimoine constitue un facteur dynamisant
du développement économique des collectivités de base. Les nombreux cas de mauvaise
gestion de nos Collectivités, dont la presse et les acteurs de la société civile ont régulièrement
dénoncé, révèlent de sérieuses insuffisances dans la gestion des ressources foncières. Les
implications de cette situation sont généralement préjudiciables tant pour les collectivités
territoriales elles-mêmes que pour l’ensemble de la société, du fait de la sensibilité de la
question foncière ; imposant du même coup la recherche de solutions satisfaisantes. Les
diverses insuffisances liées à la gestion du domaine foncier des collectivités méritent dans
cette deuxième partie, une analyse approfondie (Chapitre 1er) ; il en est de même des
implications de cette gestion déficiente du domaine foncier local et des défis à relever
(Chapitre 2ème).

54
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

Chapitre 1er: Les insuffisances dans la gestion du domaine foncier des collectivités
territoriales

Les collectivités territoriales burkinabè dans leur grande majorité traversent des
difficultés qui constituent des obstacles à une gestion saine et dynamique du patrimoine
foncier local. Certaines insuffisances sont propres à elles du fait de leur ‘’immaturité’’,
d’autres sont presque communes à toutes les personnes publiques désirant valoriser davantage
leur domaine foncier, plus spécifiquement leur domaine public, soumis à une protection
particulière, rigide. Il est important de s’intéresser dans un premier temps aux lacunes
constatées et vécues par les CT dans la gestion de leur domaine foncier (Section 1ère) avant de
voir les autres facteurs contraignants, non moins importants liés à la gestion du domaine
foncier des collectivités locales (Section 2ème).

Section 1ère : Les lacunes dans la gestion des collectivités de leur domaine foncier

La gestion du domaine foncier comme pour toute gestion d’ailleurs, requiert des
instruments fiables, des moyens matériels et surtout humains. L’absence de certains
instruments presqu’indispensables et de ressources humaines bien qualifiées, semble être la
source principale des multiples désagréments constatés depuis, dans ce domaine. Il est vrai
que les communes et régions au Burkina Faso sont assez jeunes, ce qui peut expliquer
raisonnablement certaines failles dans la gestion des ressources foncières, mais certaines
pratiques répréhensibles sont imputables à la mauvaise qualité des ressources humaines qui
animent la vie de ces collectivités publiques. C’est eu égard à cet état de fait que sera analysée
dans un (Paragraphe 2ème), la gestion inefficace du domaine foncier local. Mais avant, il
importe de s’intéresser à la maitrise insuffisante de ce domaine foncier local (Paragraphe
1er).

Paragraphe 1er: Une maitrise insuffisante du domaine foncier local

La maitrise insuffisante du domaine des collectivités territoriales se manifeste à


plusieurs niveaux mais c’est surtout d’abord sur l’absence d’un cadastre foncier fiable (A),
dont la conséquence directe est l’ignorance sur la nomenclature de leurs biens domaniaux (B),
qui apparait plutôt préoccupante.

55
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

A. L’absence d’un cadastre foncier fiable

La mission d’administration et de gestion foncière assignée aux collectivités


territoriales est une mission importante et exigeante. Des outils mis en œuvre pour réussir
cette mission, dépendent aussi de la saine gouvernance des ressources, imposée à ces mêmes
nouveaux acteurs. C’est ce principe là même, rappelé à l’article 3 de la RAF, qui impose aux
collectivités les meilleures pratiques en matière de consommation, de gestion, de préservation
mais surtout de transmission des ressources foncières aux futures générations. Il faut noter
que la plupart des pays au sud du Sahara, notamment francophones ont procédé à des
relectures de leurs législations nationales domaniale et foncière94, même s’il leur aurait fallu
plutôt l’adoption d’une véritable politique foncière, se donnant les meilleurs moyens de la
réussir. En clair, nous voulons juste signifier que les insuffisances constatées dans la maitrise
du domaine foncier par l’Etat d’abord, puis par les CT sont en grande partie liées à
l’inapplication des textes de façon générale, comme nous aurons l’occasion d’y revenir
amplement sur cette situation. En effet, le fait de disposer d’un cadastre pour les collectivités
publiques est une obligation légale. L’article 33 de la RAF de 1996, repris par l’article 198 de
la dernière loi foncière stipule qu’« il est créé un cadastre dans toutes les collectivités
territoriales et que le ministre en charge du cadastre procède à sa mise en place dans les
dites collectivités ». On peut s’interroger sur les raisons de la non application des textes
fonciers, particulièrement de la mise sur pied de cet outil de gestion par les pouvoirs publics.
En réalité, pour comprendre cette situation, il faut analyser les craintes de l’Etat central en
Afrique subsaharienne à confier la gestion des terres aux collectivités locales. Les questions
foncières sont très sensibles et éminemment politiques, disent certains auteurs. Aussi, les
mécanismes en place d’extraction d’informations précises, sur qui possède quoi sur quel
terrain, sur l’identité correcte des parcelles sur les cartes, et sur leur nature, sont très rares
dans beaucoup de pays africains95. Cette absence d’un système d’information foncière
efficace et précis ne permet pas un urbanisme et une utilisation des ressources foncières de
façon convenable.

94
A l’image du Burkina Faso qui vient d’adopter la RAF, version 2012 après celles de 1984, de 1991 et de 1996.
95
Voir Jacques FAYE, « Foncier et décentralisation : l’expérience du Sénégal », 25p, Le Hub Rural, Réussir
la décentralisation, consultable sur le site www.hubrural.org.Voir aussi Pape Mor N’DIAGNE, Chercheur et
spécialiste de la décentralisation, ancien Directeur général de la Décentralisation au Sénégal, dans
« Décentralisation Fiscale », CADDEL, P82.

56
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

La décentralisation du cadastre pourrait faire perdre le contrôle des terres par le pouvoir
central, nous assistons donc de facto à une concentration de cet outil, s’il en existe, entre les
mains des services de l’Etat. Même quand ils sont dits décentralisés, en réalité ces services
sont gérés par les services déconcentrés de l’administration centrale. C’est pourquoi d’ailleurs
nous pouvons comprendre qu’aux derniers ‘’Etats généraux sur les opérations de
lotissements’’, tenus à Ouagadougou les 25 et 26 octobre 2013, les maires en viennent à
demander la possibilité de disposer de leurs propres services cadastraux. En termes de
matériel technique, les services cadastraux peinent à avoir les outils comme les appareils
topographiques, la logistique et surtout des logiciels informatiques performants pour la mise à
jour des données cadastrales. De sorte qu’on pourrait dire que comme la plupart des cadastres
dans nos pays africains, le cadastre national n’échappe pas à la situation de dégradation de ses
données, de vétusté des plans cadastraux et le risque tout simplement est grand, quant à la
perte de ces données. En vérité, ces problèmes ne sont pas propres à quelques pays africains,
encore moins à nos collectivités territoriales qui peinent à trouver tant bien que mal leurs
marques. Cette situation résulte de la négligence qu’ont faite preuve la plupart des pays
africains dans l’administration foncière. Comme le résume si bien le Professeur Okoth
OGENDO, « les systèmes d’administration foncière africains sont généralement incapables
de remplir les missions pour lesquelles ils ont été conçus. Ils ont même plutôt eu tendance à
les pervertir. Ces systèmes sont précisément souvent la cause d’une grave insécurité en
matière de droits foncier, à la suite, entre autres, d’un manque d’archivage convenable,
d’imprécisions persistantes des informations ayant trait à l’enregistrement foncier, »96.
Cet état des choses engendre pour beaucoup de collectivités territoriales burkinabè, une
grande méconnaissance de la situation juridique de plusieurs de leurs propriétés domaniales et
foncières.

B. L’ignorance sur la nomenclature foncière

En plus de l’absence d’un cadastre fiable, régulièrement mis à jour, les


collectivités territoriales souffrent d’un manque de connaissances précises sur leurs propriétés
foncières, à l’image d’ailleurs de l’Etat, qui, bien qu’ayant diligenté un inventaire général de

96
H.W. Okoth. OGENDO, « L’administration foncière : le facteur négligé dans la réforme foncière en
Afrique », P6.

57
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

ses propriétés en 200697, n’est pas toujours en mesure d’avoir de chiffres précis, fiables et
actuels. Nous avons déjà évoqué un peu plus haut la possibilité de confusion importante entre
les ressources foncières appartenant aux communes et celles appartenant aux régions, parce
que partageant administrativement les mêmes espaces terriens. En réalité, rares sont les
communes qui disposent d’informations justes et vérifiables sur leur nomenclature foncière.
Cela semble être le corollaire direct de l’absence du fichier cadastral fiable. Cette situation
peut se comprendre par le fait, qu’à la manière de l’Etat qui avait justement abandonné la
pratique de la tenue des sommiers de consistance du colonisateur, (sommiers qui permettaient
de recenser toutes les appartenances de l’Etat), les collectivités territoriales, à travers leurs
responsables se sont plus préoccupées du comment profiter des terres, (notamment urbaines à
travers les lotissements), que de leur inventaire aux fins d’une gestion profitable pour tous. En
effet, qui peut bien gérer un domaine, dont il n’a connaissance ni de la taille, ni même de son
existence juridique ; nous parlons notamment de l’immatriculation. Or, le fait de disposer
pour les collectivités locales d’informations sur leur domaine foncier immobilier à travers un
inventaire fiable98 est une obligation juridique. En effet, l’article 99 du décret n°2006 - 204
/PRES/PM/MFB/MATD du 15 mai 2006 portant régime financier et comptable des
collectivités territoriales du Burkina Faso impose à ces dernières (plus précisément à
l’ordonnateur), de disposer d’un état annuel fiable de leurs ressources foncières et ce, dans le
cadre de la comptabilité matière. Il est vrai que ce texte semble récent, « mais le principe
même de l'inventaire existait dans l'ancien régime financier des collectivités territoriales au
Burkina Faso »99. L’importance de l’inventaire réglementaire du patrimoine est qu’il peut
permettre la connaissance des quantités (unités, mètres carrés), des valeurs comptables mais

97
L’inventaire général des biens immobiliers de l’Etat a été effectué en 2006 et complété en 2008 par d’autres
inventaires, notamment celui sur les possessions mobilières mais d’autres actions de recensement sont encore en
cours pour avoirs de chiffres probants sur les propriétés immobilières et mobilières de l’Etat. Cf.www.mef.bf
98
Il faut toutefois noter que cette lacune dans la gestion n’est pas seulement du fait des collectivités africaines,
même leurs consœurs du Nord n’en sont pas épargnées. En témoigne le rapport de la Commission Secteur
Public, Lyon Place Financière et Tertiaire en France, « La gestion dynamique du patrimoine des collectivités
locales » juin 2008, 102p, où il est clairement établi que la majorité des CL françaises n’ont que des
connaissances fragmentaires sur l’étendue de leur domaine foncier et ne disposeraient qu’ « un inventaire
comptable déconnecté des caractéristiques physiques des biens et de leur valeur économique. Un tel inventaire
est évidemment insuffisant lorsqu’il s’agit de réaliser des arbitrages de gestion. En outre, il est rare que cet
inventaire fasse l’objet d’une actualisation régulière. Et à cela s’ajoute un suivi imparfait des contrats et
conventions d’occupation du domaine privé ou public ainsi que des acquisitions et cessions. Il en résulte une
connaissance non exhaustive du patrimoine local et de ses occupants. Une mauvaise connaissance qui cache le
plus souvent une utilisation subie ou non optimisée des biens locaux ».
99
OUEDRAOGO NOUFOU, « La décentralisation et la gestion du domaine public au Burkina Faso »,
Mémoire de fin de cycle A, ENAREF Ouagadougou, 2007 ; Dans la catégorie: Droit et Sciences Politiques,
Droit Fiscal, P44.

58
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

aussi des utilisateurs. Les collectivités territoriales burkinabè devraient donc faire de
l'inventaire un outil essentiel de gestion100.
En outre, un autre constat est que certaines des collectivités locales au Burkina Faso
ignorent complètement la situation juridique de biens domaniaux censés pourtant les
appartenir. C’est le cas de la commune de Koudougou101, dans la région du centre-ouest qui,
selon une étude commanditée par Impact Plus en 2012, un bureau d’études intervenant sur les
questions foncières au Burkina Faso, montre qu'elle a un certain nombre d'immeubles censés
lui appartenir, et dont elle ne dispose pourtant d’aucun titre, sans oublier qu’elle semble avoir
sur certains biens une copropriété avec la province, circonscription administrative. Il est vrai
que le domaine foncier provincial, dans la plupart des cas échoit à la région, collectivité
locale, mais la confusion entre le domaine foncier communal et le domaine foncier régional
reste prégnante, pour des raisons déjà évoquées. Une clarification de la situation juridique des
biens s'impose donc. Avec les nouveaux textes fonciers et domaniaux de 2009 et 2012102, on
pourrait espérer que cette confusion prenne fin et que les collectivités territoriales prennent
effectivement conscience de l’obligation pour elles, de disposer d’un recueil fiable de leurs
propriétés foncières, mais aussi que l’Etat et les autres acteurs les accompagnent dans ce
processus. En attendant cette prise de conscience des différents acteurs par rapport à la
maitrise effective et efficiente du domaine foncier, d’autres aspects moins reluisants de la
gestion locale méritent une analyse.

Paragraphe 2ème : Une gestion inefficace du domaine foncier local

Les lacunes au niveau de la gestion du domaine foncier des collectivités territoriales


se manifestent à d’autres niveaux, notamment en ce qui concerne le phénomène de la
spéculation foncière, exacerbé par la volonté des citadins de disposer chacun, d’un droit de
propriété sur les terres. De ce fait, la tendance en vogue est l’érection des habitats spontanés,
communément appelés ‘’non lotis’’, où chacun se proclame résident et réclame un lot de
parcelle au moment des lotissements. L’une des conséquences de cette situation est
l’incapacité des collectivités locales à assurer un minimum de services sociaux comme la
distribution d’eau courante, de l’énergie ou du téléphone. La persistance de la spéculation
foncière (A) en milieu urbain, péri urbain ou rural constitue une faiblesse considérable dans la

100
OUEDRAOGO N. opt. cite, p45.
101
Et nous sommes certains qu’il n’y a pas que Koudougou qui vit cette situation mais beaucoup d’entre les CL.
102
Nous parlons précisément des lois sur le régime foncier rural et de celle portant RAF.

59
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

gestion du foncier local. Il en est dans ce même registre, des insuffisances constatées quant à
la mise sur pied des services sociaux, concomitants aux aménagements urbains (B).

A. La persistance de la spéculation foncière

L’une des difficultés que rencontrent les collectivités territoriales dans la gestion
de leur domaine foncier en Afrique est sans nul doute la spéculation foncière.
L'expression spéculation foncière désigne toutes les formes de spéculations103 relatives à un
fonds de terre, à son exploitation ou à son imposition104. Le constat dans nos collectivités est
tout simplement rebutant et laisse perplexe tout observateur du marché foncier local, urbain
comme rural. En effet, les différentes pressions sociales constatées ces dernières années, la
démographie galopante dans les villes, facilitée en partie par l’exode rural, la ruée vers les
régions minières ou vers les terres agricoles plus fertiles etc., ont eu raison d’un espace
foncier de plus en plus indisponible. Il faut dire que les besoins en terrains à bâtir dans les
villes ont poussé bon nombre de néo-citadins ou de citadins dans une spéculation foncière
effrénée. Nous savons que sous le régime foncier coutumier, sous forme d’usufruit, la terre
n’avait qu’une valeur symbolique, et tout demandeur se la faisait octroyer par le chef de terre
contre un simple cadeau. De nos jours, la pression foncière, urbaine notamment, mais pas
seulement, a rendu les usufruitiers et même les respectables chefs de terre105, de véritables
spéculateurs de la terre « sacrée » d’antan.

Que dire des responsables politiques locaux et même des agents de l’administration publique?
Les maires au Burkina Faso sont régulièrement indexés et mis en cause dans de nombreuses
opérations de lotissement. En effet, les opérations de lotissement ne sont pas toujours faites
pour répondre à un besoin pressant de parcelles d’habitation. En d’autres termes, la pression
n’est pas très généralement, telle qu’il faut conduire une opération de lotissement pour

103
C’est « l'activité consistant à tirer profit par anticipation de l'évolution à court, moyen ou long terme du
niveau général des prix ou d'un prix particulier en vue d'en retirer une plus-value ou un bénéfice. La hausse des
valeurs notamment sur le marché à terme se prête bien à la spéculation » cf. Lexique DALLOZ Economie, Paris
1995
104
Et cela quand des agences immobilières ou foncières, des banques ou simplement des propriétaires fonciers
(mais aussi les acheteurs de foncier) cherchent à tirer des avantages financiers, fiscaux et/ou politiques de leur
propriété foncière, d'un bien immobilier existant, ou potentiellement existant.
105
Les chefs de terre sont ces dignitaires traditionnels, qui, dans la gestion des terres rurales sont les dépositaires
des connaissances et coutumes consacrées. Ils procèdent généralement aux sacrifices nécessaires aux ancêtres et
leurs avis sont toujours prépondérants dans toutes les transactions foncières (dons et prêts notamment). Ils ne
dépendent pas du chef du village mais tirent leur légitimité de leurs connaissances des traditions qui se
transmettent héréditairement.

60
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

satisfaire des demandes en question, d’autant plus que les exigences en matière
d’aménagement urbain sont importantes pour les collectivités. En réalité, les opérations de
lotissements sont devenues une source d’enrichissement personnel pour certains individus, en
premier lieu les maires. L’appât du gain les conduit très généralement à procéder à des
lotissements irréguliers, c'est-à-dire soit sans autorisation légale préalable, soit dépasser les
surfaces consenties à aménager. Aussi, avec la complicité de certains agents de
l’administration publique ou privée, en quête aussi de gain facile et en violation des textes
règlementaires, certains exécutifs locaux n’hésitent pas à susciter des lotissements, allant
jusqu’à rencontrer la diaspora à l’étranger pour lui proposer de soutenir l’opération, sur le
plan financier et de souscrire pour des lots de terre. Que dire des doubles attributions de
parcelles, de retraits abusifs aussi, du déclassement dans les grandes agglomérations
d’espaces verts et même de réserves foncières administratives, et leur transformation en
parcelles d'habitation ou de commerce. L'argent issu de ces ventes va bien sûr dans les poches
des maires et leurs acolytes. Et en termes d’acolytes, ils sont nombreux, allant de simples
agents publics aux plus hautes autorités politiques de l’Etat. Il faut dire que l’autre aspect de
ces scandales à répétition autour des lotissements urbains et des terres rurales, c’est d’une part
la ‘’politique politicienne’’ qui entoure ces lotissements, notamment de la volonté de certains
hommes politiques, de se former une base électorale, et d’autre part c’est la protection, (du
moins implicite), dont jouissent les acteurs de cette besogne non glorifiante. La spéculation
est amplifiée par le fait donc que le clientélisme politique, le favoritisme semble être la règle
et la justice ne semble pas non plus sanctionner les violations du droit. Par exemple,
l’appartenance à un parti politique, généralement le parti au pouvoir peut faciliter l’acquisition
d’une parcelle et certains maires vont jusqu’à en attribuer à des responsables politiques qui
n’ont même pas demandé de parcelles106. Dans ces conditions, on ne s’étonne pas que les
conflits fonciers vont, en augmentant ; les tensions entre les populations et les maires aussi107.

Mais ceci n’est que la face immergée de l’iceberg, pourrait on tenter de dire, car en milieu
rural, les mêmes pratiques ont cours et des ministres de la République, des Directeurs
généraux, des présidents d’institutions, des grands commis de l’Etat, ou de simples opérateurs

106
In Mutations, un bimensuel burkinabè, Spéculation foncière : Le mensonge des maires, Publication du 5
janvier 2014.
107
A titre d’illustration, en 2011, les maires de Koudougou, de Koubri, des arrondissements de Boulmiougou et
de Bogodogo ont été épinglés pour fraudes dans les opérations de lotissements et mauvaise gestion. Ceux de
Koubri et de Boulmiougou ont même été révoqués par l’autorité avec des poursuites judiciaires.

61
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

économiques disposent de vastes propriétés, des fermes, dans la partie sud, est et ouest du
pays, obtenues auprès des paysans, souvent par de simples promesses108.

Dans une récente étude menée par Jade Production en septembre 2012 dans la partie sud du
pays, il est ressorti que beaucoup de paysans sont désemparés suite à l’accaparement de leurs
terres par les nouveaux acteurs agricoles, venus faire l’expérience de l’agrobusiness, cette
nouvelle politique encouragée par l’Etat pour augmenter la production agricole109. Et dans
cette course effrénée à l'accaparement des terres, les collectivités territoriales dans leur
ensemble n’y peuvent rien, les maires, les agents de l’environnement sont soumis, malgré eux
à des pressions immenses pour diverses formalités d’appropriation de la terre. Il faut craindre
certaines situations dramatiques dues à cette spéculation, elle-même consécutive de ce saut
dans l’inconnu qu’est la politique d’agrobusiness encouragée par les pouvoirs publics.

Enfin, cette spéculation est accentuée par le fait que lors des opérations de lotissements,
les propriétaires terriens, les chefs de village ou de terre se montrent très exigeants et
‘’n’hésitent plus à pousser le bouchon trop loin’’. En effet, ils revendiquent très souvent des
compensations en parcelles pour la perte de leurs terres de culture. Des exigences démesurées
qui sont parfois à l’origine des manques à gagner lors du processus d’attribution des parcelles
dégagées.

Le manque d’aménagements conséquents, consécutif au phénomène de construction


d’habitats spontanés, sans aucun schéma d’aménagement et d’urbanisme constitue également
un écueil majeur pour les collectivités territoriales dans leur gestion du foncier, urbain
notamment.

108
Ces derniers ne deviennent parfois que de simples ouvriers agricoles sur leurs propres terres, ce qui les plonge
dans une véritable impasse.
109
Il faut dire qu’au Burkina Faso, le développement de ce processus de concentration des terres rurales entre les
mains d’entrepreneurs ruraux est la conséquence d’une politique agricole qui remonte à une quinzaine d’années.
Déjà, SALIF Diallo, ministre de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources halieutiques, dans une
interview accordée au journal ‘Le Pays’ le 18 juillet 2002, déclarait : « Nous sommes dans un monde capitaliste.
C’est quand notre agriculture emploiera peut-être 5 ou 15% de la population pour produire pour l’ensemble du
pays que nous aurons réussi notre mutation », Avant d’ajouter ces mots, qui choquèrent plus d’un, en son temps
: « Ces exploitations familiales dont on parle aujourd’hui, toutes regroupées, ne produisent pas plus que deux ou
trois fermiers européens ou américains. Le paysannat, c’est bien beau, mais il lui faut une autre dimension, celle
de l’entreprenariat agricole pour aller de l’avant. » La suite, on la connait, la course effrénée aux terres rurales
est ainsi lancée, sans véritable préparation, sans aucun encadrement.

62
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

B. Des insuffisances dans l’aménagement urbain

La loi portant réorganisation agraire et foncière de 1996 prescrivait que les « zones
urbaines à aménager sont déterminées par le schéma directeur d'aménagement et
d'urbanisme. Les différents types d'interventions à mener sont : le lotissement, la
restructuration, le remembrement, la rénovation et la restauration. » Les instruments
d’aménagements sont le schéma national, les schémas régionaux, provinciaux d'aménagement
du territoire et les schémas directeurs d'aménagement. A ces outils d’aménagement, la
dernière RAF, s’inspirant des concepts de développement durable (le principe de conservation
de la diversité biologique et le principe de la conservation des eaux et des sols) parle
maintenant des schémas national, régional, provincial et directeur d’aménagement et de
développement durable du territoire. Normalement toute collectivité doit donc disposer d’un
Schéma Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme (SDAU) et d’un Plan d’Occupation des
Sols (POS)110. Le Schéma Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme (SDAU) est un
instrument qui permet aux collectivités urbaines de planifier la croissance de la ville111.
Quant au POS, c’est l’outil qui détermine l’affectation du sol selon l’usage principal et fixe la
règlementation selon les affectations. Malheureusement la plupart des communes ne disposent
pas de ces instruments d’aménagement urbain et même celles qui en disposent, à l’image des
deux plus grandes villes (Ouagadougou et Bobo-Dioulasso) ne les appliquent pas
convenablement. L’expansion démographique et territoriale des collectivités locales dépasse
très largement la capacité de bien d’autorités à faire face à ses conséquences. Le problème,
selon M. Roger NAMA, « c’est que la plupart des autorités (centrales comme locales)
impliquées dans l’aménagement urbain pensent que développer une ville c’est l’étendre en
longueur, même si les conditions de vie (notamment un logement décent avec toutes les
commodités, une circulation routière fluide, l’emploi pour le grand nombre, l’éducation et la
santé accessibles, etc.) y deviennent difficiles »112. C’est pourquoi il faut arrêter ce gâchis
foncier, (qui sonne en réalité comme un aveu de la mauvaise gouvernance urbaine au sein de
nos CL), par la mise en application véritable des SDAU et la mise à disposition de ces
instruments aux collectivités qui en sont privées. Aujourd’hui, il semble plus que jamais
110
La loi 2006 portant Code de l’urbanisme et de la construction à son article 18 indique que « … toutes les
communes rurales sont tenues de disposer d’un plan d’occupation des sols conforme aux schémas provincial,
régional et national d’aménagement du territoire »
111
Il renforce en effet les fonctions urbaines, projette les infrastructures primaires et les équipements, permet de
maîtriser la croissance de la ville, donc, d’éviter l’étalement urbain, permet de concilier aussi le développement
urbain, économique, et la protection de l’environnement.
112
Roger NAMA, Etas généraux des lotissements au Burkina Faso : «On ne donne plus de parcelles, mais des
logements », In L’Evènement, bimensuel burkinabè, publication du 27 novembre 2013, P5.

63
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

indispensable de mettre un frein à cette politique de lotissement qui conduit à l’extension


urbaine et n’améliore aucunement les conditions de vie sociales des citadins. Au Burkina Faso
c’est l’Etat qui continue de jouer un rôle prépondérant dans la fourniture des services urbains
de base malgré le contexte de décentralisation qui prévoit le transfert d’un certain nombre de
compétences et de ressources aux collectivités locales. Ainsi les services sociaux essentiels
comme l’eau courante ou l’électricité sont assurés par des sociétés d’Etat. Ce sont les services
comme l’assainissement, la voierie, l’éducation, la santé ou les transports qui connaissent de
plus en plus une implication significative des communes urbaines ; services dont la qualité
dépend toutefois de la taille économique, politique, mais surtout du dynamisme des instances
locales. C’est pourquoi certains pensent que « la densification des villes, les constructions
judicieuses en hauteur pourraient être la solution car elles permettent d’absorber le croît
démographique et de rendre la ville plus fonctionnelle et agréable à vivre car équipée et
sécurisée»113 . En réalité, les collectivités territoriales n’ont pas matériellement les capacités
nécessaires pour procéder à des aménagements urbains conséquents et judicieux. Elles ne
maîtrisent pas les normes de construction des villes qui fournissent et la sécurité et un cadre
de vie décent. Nous pensons que l’existence et l’application des outils d’aménagements,
imposés par les textes en vigueur, auraient permis tout de même de maîtriser certaines
carences qu’on observe dans les aménagements actuels telles l’extension démesurée des villes
qui traduit, encore une fois le gaspillage du foncier local, la construction dans des zones non
constructibles (notamment dans les bas-fonds). Ce qui expose sensiblement les populations
concernées aux risques d’inondation. Nous comprenons donc qu’aux derniers Etats généraux
sur les lotissements au Burkina Faso, il soit vivement préconisé à l’Etat d’aider les communes
à se doter de SDAU et de POS. D’ores et déjà, l’initiative du gouvernement, déterminé à
accompagner les collectivités locales dans l’acquisition, la mise en œuvre et le suivi de ces
SDAU114 mérite d’être saluée. Car c’est seulement l’utilisation de ces instruments qui devrait
permettre d’améliorer la qualité de l’aménagement, le développement urbain et la
construction de villes agréables à vivre pour les habitants.

113
Roger NAMA Opt. Cité.
114
Le gouvernement burkinabè s’est engagé avec l’appui financier de la Banque Mondiale de doter toutes les
capitales régionales de SDAU. Ainsi, après le SDAU de la ville de Gaoua, capitale su Sud-ouest présenté le jeudi
22 juillet 2014, c’est autour de Ouahigouya, la capitale du Nord de recevoir le sien le 29 septembre 2014. Bobo-
Dioulasso, la deuxième ville a reçu son deuxième schéma le samedi 18 octobre 2014. La volonté est bien là,
mais encore faut-il qu’il (SDAU) soit effectivement bien appliqué sur le terrain et qu’il n’y ait aucune
compromission quant à son suivi.

64
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

Ces difficultés et insuffisances ne sont pas les seules qui affectent la gestion des
collectivités locales de leur domaine foncier. D’autres contraintes et facteurs qu’on pourrait
qualifier, certaines d’intrinsèques et d’autres d’extrinsèques, viennent gonfler la liste des
préoccupations posées aux Collectivités.

Section 2ème : Les autres difficultés liées à la gestion du domaine foncier local

L’administration et la gestion efficace du domaine foncier est un challenge pour les


collectivités publiques, particulièrement pour les collectivités locales. Il est vrai que des
instruments de gestion sont prévus dans les législations foncières, mais malheureusement leur
mise en œuvre fait souvent défaut. La mauvaise assimilation de l’héritage colonial, et surtout
l’ignorance sur les enjeux d’une bonne gouvernance foncière peuvent expliquer cette situation
de négligence et de non applicabilité des règles sur le foncier. Mais d’autres contraintes,
particulièrement liées à la nature juridique même du domaine foncier, (public immobilier)
expliquent que les collectivités publiques soient moins efficaces dans la gestion, notamment
quand il s’agit de sa valorisation économique. C’est fort de ce constat que sera d’abord
analysée la faible application de la règlementation domaniale et foncière (Paragraphe 1er)
avant de voir en quoi la nature des biens domaniaux peut constituer une entrave à leur mise en
valeur (Paragraphe 2ème).

Paragraphe 1er : La faible application de la règlementation domaniale et foncière

La faible application des règles en matière de gestion domaniale et foncière se


manifeste tant au niveau de l’opérationnalisation des structures de gestion des biens fonciers,
qui reste insuffisante (A) qu’au niveau des outils de gestion, des titres, droits d’usage et de
jouissance des terres (B).

A. L’opérationnalisation insuffisante des structures de gestion du domaine foncier

Sous nos cieux, il n’est pas rare de constater que les institutions et autres structures
de gestion foncière prévues par le législateur, notamment au niveau local ne voient jamais le
jour. Elles sont si souvent coûteuses que l’Etat n’arrive pas à faire face aux charges qui
résulteraient de leur mise en place. C’est le cas au Burkina Faso où la décentralisation depuis
1991 jusqu’en 2006, semblait être un phénomène essentiellement urbain, tant les efforts
fournis sur le terrain et les structures mises en place pour la conduite du processus se

65
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

limitaient sensiblement aux zones urbaines. C’est ainsi que les bureaux domaniaux115 et les
autres commissions d’attribution, de constat de mise en valeur et de retrait des terres ont plus
ou moins bien fonctionné dans les communes urbaines. Même si certaines actions de ces
commissions (présidée généralement par les maires) révèlent une gestion plutôt opaque de la
chose foncière. Pour ce qui concerne les communes rurales, cinq ans après l’adoption de la loi
sur le régime foncier rural, le bilan est mitigé quant à son effectivité, spécifiquement sur le
fonctionnement effectif des institutions de gestion et de sécurisation foncière prévues. Nous
retenons néanmoins quelques réalisations, parmi lesquelles les efforts faits pour le
déploiement du cadastre sur l’ensemble du territoire national116. Aussi, l’ Agence nationale
des terres rurales (ANTR), définie comme « un organisme public spécialisé chargé de la
constitution, de l’aménagement et de la gestion des terres du domaine foncier rural de l’Etat,
fait l’objet de textes préparatoires à son opérationnalisation »117. En dehors de ces
réalisations, les structures communales et villageoises de gestion et de sécurisation foncière
ne sont que partiellement mises en place. En effet, les Services Fonciers Ruraux (SFR) qui
sont présentés comme le bras technique des communes en matière foncière ne sont
fonctionnels que dans les 17 communes pilotes qui bénéficient du projet de sécurisation
foncière du MCA. Il en est de même de la Commission Foncière Villageoise (CFV) qui est
une autre structure de gestion de proximité prévue par la loi. En effet, la loi portant régime
foncier rural dispose en son article 81 qu’ « il est créé dans chaque village, sous l’égide du
Conseil villageois de développement, une sous-commission spécialisée chargée des questions
foncières, dénommée commission foncière villageoise... ». Les registres fonciers ruraux et les
chartes foncières locales118 ne sont également opérationnels, que dans les communes

115
Il y’a lieu de signifier que les bureaux domaniaux sont présents et fonctionnels dans les chefs-lieux des 45
provinces que compte le pays.
116
ZERBO ISSAKA, rapport final de la Direction générale de la promotion de l’économie rurale, « Accès à la
terre et régime foncier » élaborée avec l’appui de la GIZ/PDA, juillet 2013, p7.
117
Opt. Cité. Le rôle de l’ANTR est de recenser, faire délimiter et immatriculer les terres rurales de l’Etat et de
promouvoir leur aménagement. Il peut intervenir au profit des collectivités territoriales à leur demande.
118
Les chartes foncières locales, sont cette trouvaille du législateur burkinabè, qui, dans un souci d’efficacité de
la loi, permet aux communautés à la base de préciser et d’adapter la législation nationale à leur milieu spécifique,
et ce, en suivant un certain nombre de conditions. Ainsi l’article 11 de la loi portant régime foncier rural dispose
que « dans les conditions ci-dessous définies, les dispositions de la présente loi peuvent être précisées et/ou
adaptées aux particularités du milieu rural et à la spécificité des besoins locaux, à travers l’élaboration de
chartes foncières locales ». L’article 12 précise que les collectivités locales doivent contribuer à l’application
effective de la présente loi, en favorisant la responsabilisation des populations locales dans la gestion des
ressources naturelles de leurs terroirs.
Quant à leur contenu, il est précisé qu’elles « déterminent au niveau local, les règles particulières relatives :
au respect des usages locaux positifs liés à l’accès et à l’utilisation de la terre rurale; au respect et à la
préservation d’espèces végétales, animales, fauniques et halieutiques particulières sur des espaces

66
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

d’intervention des projets et programmes de développement du MCA. Quant au Fonds


national de sécurisation foncière prévu par la loi, aucune diligence n’est faite pour sa mise en
œuvre et opérationnalisation.
Enfin, s’agissant des instances de concertation, comme le Comité national de
sécurisation foncière en milieu rural119 (CONA/SFR) et les Comités régionaux de sécurisation
foncière en milieu rural (CORE/SFR), ils sont tous mis en place (arrêtés de création des 13
Gouverneurs de région) mais peinent à être efficacement opérationnels.
Ce bref tour sur la mise en place effective des structures de gestion foncière locale montre
bien que s’il est vrai que la gestion des terres et des ressources naturelles profite aussi bien
aux CL qu’aux populations, il est clair que le rôle de l’Etat, est de les aider quant à la mise sur
pied de ces structures.
Mais ce qu’on constate est tout autre car l’Etat semble être prompt à adopter des politiques
nationales de gestion foncière mais ne se donne pas toujours les moyens réels de leur
concrétisation. En effet, faut-il pour cette question combien sensible de sécurisation des terres
en milieu rural s’attendre toujours, et nécessairement à l’accompagnement des Organisations
non gouvernementales (ONG) et autres partenaires extérieurs ? Aujourd’hui, la mise en
œuvre des lois sur le foncier semble totalement conditionnée à l’arrivée de projets dans les
différentes régions du pays et dotés des financements nécessaires. On ne peut donc qu’être
d’accord avec ce spécialiste de la question foncière qui disait qu’au Burkina Faso, « …le
transfert de la compétence de gestion foncière et de son exercice restent encore du domaine
du possible, non de la certitude ».120 Ceci pour signifier que malgré la volonté de l’Etat de
décentraliser la gestion foncière, on n’est jamais sûr de l’effectivité des compétences
transférées.

B. L’exécution limitée de la législation sur les outils et le régime foncier

Les limites se situent à plusieurs niveaux parmi lesquelles le fonctionnement


déficient des instruments de gestion et la sécurisation des droits et titres de propriété. Nous
avons déjà montré un peu plus haut que le système cadastral au Burkina Faso était inopérant

déterminés….. » Elles ne peuvent toutefois déroger aux prescriptions de la présente loi et des autres textes en
vigueur. Elles doivent être élaborées dans le respect des droits humains, de l’ordre public et des bonnes mœurs.
119
Le comité national de sécurisation foncière en milieu rural est une instance de concertation, de suivi et
d’évaluation de la mise en œuvre de la loi et de la politique sur le foncier rural.
120
Voir Dr Saidou SANOU, « La Construction d’institutions locales légitimes de gestion foncière en milieu
rural au Burkina Faso : assiste-t-on à une esquive des enjeux de pouvoirs et une méprise du jeu des acteurs »?
juin 2008, P2, consultable sur www.graf-bf.org.

67
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

pour ne pas dire inexistant, car n’étant mis en place que dans les seuls chefs-lieux de
provinces, c'est-à-dire dans les 45 communes urbaines, et ne disposent pas des outils
performants de fonctionnement. En rappel, le cadastre burkinabè n’est pas informatisé et cette
absence de systèmes efficace de saisie de la situation foncière des contribuables, constitue un
grand facteur de perte de ressources financières pour l’Etat et les collectivités locales. En
effet, l’administration foncière se retrouve généralement incapable, à la suite des opérations
massives d’attribution de parcelles, de recouvrer les taxes foncières dues par les bénéficiaires.
Ce qui bloque les opérations d’aménagement des parcelles ainsi attribuées121.
En outre la fiabilité des titres émis dépend aussi, en dehors du facteur cadastre, de la
qualification du personnel, et surtout des conditions d’archivage. Dans un entretien paru dans
Fisc-Infos, M. Moussa O. SAWADOGO, Directeur du Cadastre affirme : « Nous sommes
confrontés à certaines difficultés parmi lesquelles le problème de personnel, (...) l’inexistence
de locaux appropriés. Pour un service qui doit conserver les archives cadastrales, il lui faut
une salle adaptée et appropriée pour éviter la détérioration des documents cadastraux »122. Il
est clair qu’en présence d’un personnel défaillant, et des outils presque rudimentaires, on ne
peut garantir l’absence d’immatriculation frauduleuse, d’erreur de bornage, de création de
titres sur d’autres titres, ou de titres fonciers créés sur un domaine public non désaffecté ; tout
cela dans les formes de procédures ou de publicité tronquées. Dans de telles conditions, un
titre foncier peut-il encore bénéficier de la force probante de son caractère inattaquable ?
C’est pourquoi, régulièrement il est fait cas de plusieurs personnes, détentrices d’un titre
foncier valable qui se disputent le même terrain. Les conditions d’archivage quand elles sont
mauvaises rendent donc propices la perte d’informations, une exploitation déficiente et des
manipulations frauduleuses du fait de l’insécurité qui caractérise les conservations.
Aussi, les administrations foncières locales n’échappent pas au mal général des
administrations publiques de façon globale à savoir la routine, les lourdeurs administratives,
la complexité bureaucratique et l’opacité dans la gestion. Le professeur Okoth OGENDO
résume bien cette situation quand il affirme que « …la plupart des systèmes légaux
d’administration foncière sont inaccessibles au public ordinaire en quête de droits fonciers,
au bénéfice duquel ils ont été conçus ou établis. L’opacité de la gestion est à la fois fonction
de l’inaccessibilité, et du fait que la plupart des missions de l’administration foncière sont
généralement enveloppées de secret. Même l’information la plus simple et la plus routinière

121
Hubert M. G. OUEDRAOGO, « Gestion foncière: le facteur oublié des reformes foncières en Afrique »,
p15
122
Un bimestriel de la Direction Générale des Impôts du Burkina Faso, de juillet-août 2009.

68
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

est souvent dissimulée derrière le sceau des dossiers «confidentiel» ou «secret», sans compter
les procédures de transaction, qui sont souvent couchées dans un indéchiffrable jargon
juridique »123. Par ailleurs, un autre aspect de la faible application de la règlementation
domaniale et foncière concerne l’occupation irrégulière des sols par les populations citadines
en violation des textes en vigueur124. La législation foncière est également peu appliquée du
fait des longues procédures et coûteuses qui excluent une catégorie importante de la
population. Mais cette situation semble connaitre un dénouement heureux pour les usagers, du
moins pour les populations et investisseurs potentiels dans les deux grandes villes
(Ouagadougou et Bobo-Dioulasso), par la mise en place d’un Guichet unique sur le foncier
(GUF), chargé de faciliter l’entrée et la sortie (en un même lieu) des dossiers de demande de
titres, et des opérations de sécurisation des terres (délimitation, bornage, immatriculation…).
Avec ce nouveau service, les délais pour se faire délivrer un titre foncier semblent
sensiblement réduits125.
Enfin, l’un des facteurs et probablement le plus important de cette faible application
de la règlementation domaniale et foncière demeure sans conteste la confrontation, entre le
droit positif et les pratiques locales coutumières. En effet, nul n’ignore le poids que le droit
foncier coutumier exerce toujours au Burkina Faso et partout d’ailleurs en Afrique
subsaharienne. Dans certaines circonstances, le droit foncier règlementaire ne s’est même pas
accommodé au régime foncier traditionnel, il a simplement été supplanté. Ceci s’explique
entre autres par le fait que les textes fonciers (législatifs et réglementaires), ont été adoptés
aux indépendances suivant la conception occidentale de gestion foncière, fruit d'un héritage
colonial encore prégnant et surtout d’un mimétisme inapproprié126, sans tenir compte des

123
H.W.O. Okoth OGENDO, « L’Administration foncière : le facteur négligé dans la réforme foncière en
Afrique », Rapport Banque Mondiale, P6.
124
Dans les grandes villes particulièrement, on pourrait dire que certains burkinabè ont vraiment la peau dure. En
effet, malgré la règlementation en vigueur, les services locaux font fréquemment face à des occupations
irrégulières du domaine public local, les déguerpissements sont courants, les frustrations aussi.
125
Le Guichet Unique du Foncier de Ouagadougou est un service situé en amont de la chaîne de traitement des
dossiers relatifs au foncier. Il est chargé de la réception des dossiers de demande de terrains à usage autre que
d’habitation, de titres, et de transfert immobiliers, de la transmission des dossiers aux partenaires opérationnels
pour traitement ou pour avis, du suivie des délais impartis pour le traitement, de la délivrance des titres et actes
aux demandeurs, de l’exécution des évaluations et des constats de mise en valeur des terrains, de la légalisation
des actes liés au foncier et la certification des signatures des requérants.
Selon M. Kassoum TRAORE, Directeur du Guichet Unique du Foncier de Ouagadougou, 18 jours sont
désormais suffisants pour se faire délivrer par exemple un titre foncier comparativement à des mois que l’usager
pouvait avoir comme délais avant.
126
Ce mimétisme juridique est évoqué et dénoncé également par Dr R. Ludovic ALISSOUTIN, lorsqu’il dit,
dans « Les défis du développement local au Sénégal », CODESRIA, 2008, p81 que « Cette influence française
dans les politiques de décentralisation des anciennes colonies est encore perceptible dans le contenu des textes

69
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

réalités socioculturelles, notamment la place de la tenure coutumière foncière au sein de la


société. Comme le disait M. Jean-Marie TRAORE à propos des problèmes d’aménagement
urbain, « l'un des inconvénients relatifs aux modes d'aménagement employés par l'Etat
provient du fait que ces modes sont restés fondamentalement basés sur des principes
d'aménagement européens, français en particulier, la plupart des concepteurs étant toujours
influencés par le mode de penser occidental. Les textes législatifs et réglementaires en
matière d'aménagement urbain ont été également conçus à partir de textes français, sans
tenir réellement compte des modes de vie de la société concernée... »127. Dr Séni M.
OUEDRAOGO ne dit pas autre chose lorsqu’il affirme « que les mutations les plus récentes
du droit Français trouvent toujours un écho favorable dans les pays d’Afrique francophone
»128.
Cependant avec les dernières lois sur le foncier, les pouvoirs publics burkinabè ont
opté pour une reconnaissance officielle des propriétés basées sur le droit foncier coutumier.
Mieux, plus qu’une gestion, le pays fait vraiment œuvre de gouvernance par l’association et la
responsabilisation des communautés à la base, notamment le niveau village ou inter-village.
Le Burkina Faso fait partie de ces pays en Afrique subsaharienne ayant franchi ce pas, et sur
ce point, on ne peut que espérer qu’il fasse école pour les autres pays confrontés à l’insécurité
foncière, notamment au niveau des terres rurales, à l’image du Sénégal dont le régime foncier
rural présente, à quelques exceptions près , des similitudes.
D’autres paramètres, notamment extrinsèques, peuvent contraindre les collectivités
publiques dans les orientations sur la gestion, du moins dans la volonté de valoriser le
domaine foncier, notamment public immobilier.

qui organisent cette décentralisation ». Citant le Professeur Antony ALLOT, il note que: « Qu’elles aient été
inchangées ou remplacées par une législation adoptée après l’indépendance, les lois en vigueur actuellement
dans les États africains maintenant indépendants, sont la reprise des dispositions antérieures à l’indépendance »
(ALLOT, 1998). La reproduction automatique du système métropolitain est une donnée constante dans la plupart
des États africains. En Afrique subsaharienne, « cette tendance à la reproduction du système français témoigne
de la défaillance de l’inventivité juridique ». Non contents d’avoir construit le système actuel sur les ruines du
système colonial, les États africains, pour la plupart, continuent de s’inspirer du dispositif décentralisé
actuellement en vigueur chez l’ancienne puissance coloniale, se contentant ainsi d’une « décentralisation
importée ».
127
Jean Marie OUATTARA, Spécialiste de l’aménagement du territoire, Magistrat, actuel Directeur Général de
l’Aménagement du Territoire et du Développement Local (ATDL), In le quotidien, « Le pays », n° 3956 du
mardi 18 septembre 2007, page 12.
128
Pr Séni M. OUEDRAOGO, « L’évolution du droit des contrats administratifs au Burkina Faso et au
Sénégal », Revue électronique Afrilex, 2013.p 2.

70
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

Paragraphe 2ème: Les contraintes juridiques sur la valorisation du domaine

De plus en plus, il n’est plus question de gestion du domaine sous le seul angle de la
satisfaction de l’intérêt général. Le domaine public apparait aujourd’hui pour les collectivités
locales propriétaires, une ressource et une source d’enrichissement. Les enjeux économiques
et financiers autour du domaine public sont tellement énormes que les collectivités cherchent
tous les moyens et instruments juridiques pour se soustraire du régime rigide et protecteur qui
l’entourent. En effet, il faut reconnaitre qu’il y’a nécessité de valoriser les propriétés des
personnes publiques, d’une part parce que ces biens doivent générer des ressources
financières, indispensables à l’autonomie financière des Collectivités territoriales, d’autre part
parce que ces mêmes biens ont besoin de rénovation, de reconstruction et de financement,
outre le fait qu’ils peuvent même servir de support à des activités économiques. Cette
nécessité s’est renforcée avec la logique de performance129 qui s’impose de plus en plus aux
collectivités territoriales. Cependant des contraintes, notamment juridiques s’imposent à la
collectivité désireuse de valoriser son domaine public. Dans le cas burkinabè, la tutelle
administrative sur les collectivités constitue un facteur contraignant (A). Il en est également
du régime même de la domanialité publique (B).

A. La contrainte tenant à la tutelle administrative

La construction de la démocratie locale repose en grande partie sur la notion


fondamentale qu’est la libre administration des collectivités locales. Il est vrai que cette
question soulève des débats toujours renouvelés au sein de la doctrine quant au contenu et à
l’étendue qu’il convient de donner à ce principe de libre administration. Le Conseil
constitutionnel français avait néanmoins déjà reconnu à ce principe de libre administration,
depuis 1979 une valeur constitutionnelle. La constitution du Burkina Faso dispose en son
article 143 que le pays est organisé en collectivités territoriales et que la loi (art.145), organise
la participation démocratique des populations à la libre administration des collectivités
territoriales. Le principe de la libre administration est consacré également par l’article 2 du
Code général des collectivités territoriales de 2004. Quoi qu’il en soit, la décentralisation

129
Cette performance est entendue au sens de la capacité de ces entités décentralisées à satisfaire les besoins
individuels et collectifs des populations dont elles sont en charge, dans les limites des compétences légales et des
moyens budgétaires à leur disposition.

71
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

suppose un minimum d’indépendance à l’égard du pouvoir central, d’une autonomie de


gestion et d’un pouvoir de décision. Ce dernier élément supposant l’aptitude juridiquement
reconnue à la personne morale d’édicter des actes qui produisent des effets de droit et qui crée
des situations nouvelles. Contrairement en France où la tutelle a disparu au profit d’un
contrôle judiciaire, et même au Sénégal où le contrôle à priori n’est que partiel et exceptionnel
sur les actes des collectivités territoriales, la tutelle au Burkina-Faso reste presque pleine et
entière, même sur des actes de gestion. Il est vrai aussi que ces derniers temps, il est plus
question du développement d’une tutelle rapprochée130, néanmoins, la tutelle demeure au
Burkina Faso un facteur qui comprime et annihile les efforts d’épanouissement des CL. En
effet, s’agissant plus particulièrement de la gestion de leur domaine foncier, les Collectivités
locales font face à ce que l’on pourrait appeler « les ambitions démesurées de l’Etat ». L’Etat
burkinabè s’est toujours voulu propriétaire exclusif des terres alors qu’il n’a pas les moyens
nécessaires de gestion. Jusqu’à loi de 2009 portant régime foncier rural et de la RAF de
juillet 2012, la terre est de plein droit propriété de l’Etat. La terre rurale constitue le
patrimoine de la nation et à ce titre l’Etat en tant que garant de l’intérêt général en assure la
gestion rationnelle et durable. Ce dernier peut tout de même céder à titre de propriété, une ou
plusieurs parties du domaine foncier national aux collectivités territoriales. Les collectivités
locales ont donc désormais un domaine foncier propre, comme développé plus haut.
Toutefois, tout acte de gestion entrepris par les CL sur ce domaine requiert l’avis préalable de
l’autorité de tutelle. L’article 84 du CGCT, est clair : « l’aménagement et la gestion du
domaine foncier transféré sont soumis à l’autorisation préalable de la tutelle ». L’Etat semble
l’acteur principal des questions foncières, qui, lorsqu’elles ne pas soumises à la tutelle, les
collectivités locales sont justes réduites au simple rôle de donneur d’avis. Ce qui suscite
incompréhension, car comment comprendre que les CL qui ont vocation à gérer leurs affaires
propres s’en trouvent à se contenter d’exécuter ce que l’Etat a conçu. Comment parler de libre
administration des Collectivités locales alors qu’elles sont totalement démunies d’initiatives
devant de simples actes de gestion et d’aménagement ?

Au niveau des organes de gestion, les organes étatiques ont la prééminence sur les
organes locaux, qui dans la pratique n’influent pas sur la gestion des terres de productions,
levier du développement économique. Il faut donc reconnaitre que cette prééminence de l’Etat

130
Ainsi, du 17 au 19 juin 2013, une formation initiée par le Ministère de la décentralisation a permis de former
les autorités décentralisées et déconcentrées sur cette notion de tutelle rapprochée, permettant aux Gouverneurs
de régions et les Hauts commissaires des provinces de mieux exercer les dits contrôles, et aux élus locaux
d’assimiler davantage les outils de la performance.

72
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

dans la conduite des affaires locales, fausse la logique décentralisatrice, encouragée et


reconnue comme telle : « seules les autorités locales sont les mieux habilitées et nanties pour
gérer efficacement les affaires locales du fait de leurs connaissances des réalités locales »131.
Ce point de vue ne veut toutefois pas signifier que la tutelle n’est pas importante, son
maintien peut se comprendre par le fait qu’autant la décentralisation consacre le droit aux
Collectivités locales de s’administrer par elles-mêmes, autant elle consacre le devoir
d’assistance et de contrôle de l’Etat sur les collectivités. Mais elle est inopportune dans
certaines matières et d’ailleurs, les pays qui l’ont abandonné, à l’image de la France, ne s’en
plaignent pas pour autant. C’est pourquoi les autorités gouvernementales travaillent à
minimiser les effets de cette tutelle sur le rendement des collectivités locales et atténuer la
mauvaise image qui est la sienne. On parle de plus en plus de « tutelle rapprochée » c’est-à-
dire de faire en sorte que le contrôle hiérarchique se fasse le plus vite possible en rapprochant
les collectivités locales des organes administratifs chargés du contrôle. Ainsi, les gouverneurs,
chefs de région, circonscription administrative contrôlent la région (collectivité locale) et les
Hauts commissaires, la commune. Ces efforts sont certes à saluer mais il faut aller un peu plus
loin en consacrant tout simplement un contrôle à posteriori ou un contrôle judiciaire pour tous
les actes des organes locaux. De toutes les façons, la faiblesse des autorités locales ne fait que
bénéficier aux autorités coutumières, qui, malgré les textes sur le foncier restent les maitres
incontournables de la gestion des terres en milieu rural.

Mais la tutelle n’est pas le seul obstacle juridique à la gestion dynamique du domaine
foncier local, le régime rigide de la domanialité y est aussi pour quelque chose.

B. La contrainte tenant à l’affectation et au régime de la domanialité publique

En ce qui concerne la contrainte tenant à l’affectation, on peut relever d’abord que


le domaine public, qu’il soit affecté à l’usage du public ou à celui du service public répond en
premier lieu à la satisfaction d’un intérêt général. C’est pourquoi, l’affectation est lourdement
protégée. Valoriser économiquement les biens publics ne doit pas conduire à sacrifier les
exigences d’intérêt général, telles que la préservation de leur intégrité ou de leur valeur
patrimoniale ou encore leur affectation à un service public. L'utilisation, même privative du
domaine doit être conforme à son affectation, et une utilisation accessoire qui gênerait

131
Cf., PALENFO (Y), L’impact des conflits fonciers sur les politiques de décentralisation et le développement
local au Burkina-Faso, Mémoire de Maitrise UGB/DGCL, 2013-2014, P14.

73
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

l'utilisation principale est également prohibée132. L’idée est que le souci de valoriser le
domaine public n’entraîne une gestion excessivement patrimoniale et mercantiliste,
conduisant à oublier que l'affectation au public ou au service public doit rester la fonction
première du domaine public. La contrainte tenant à l’affectation du domaine s’articule
particulièrement autour de quelques principes clés, à savoir le principe de continuité du
service public133 et le principe de l’interdiction de la cession à vil prix134. Le Conseil
constitutionnel français a ainsi pu affirmer, et ce de manière constante que « le déclassement
d'un bien appartenant au domaine public ne saurait avoir pour effet, de priver de garanties
légales les exigences constitutionnelles qui résultent de l'existence et de la continuité des
services publics auxquels il reste affecté »135. L’intérêt de cette jurisprudence se comprend
aisément, car elle concourt à la sauvegarde de l’assise immobilière des services publics.
Ensuite, en ce qui concerne la contrainte tenant au régime de la domanialité publique,
il implique un mode exorbitant de protection du domaine public et constitue de ce fait, une
contrainte déterminante pour les collectivités locales dans la valorisation et la bonne
administration foncière qui leur sont imposées. En rappel la domanialité publique renferme
les principes tels que l’inaliénabilité et l’imprescriptibilité du domaine public. L’inaliénabilité
signifie tout simplement qu’un bien est indisponible et qu’il ne peut donc faire l’objet d’aucun
transfert de propriété. Même si la valeur de ce principe fait l’objet d’un débat doctrinal très
avancé et une partie de la doctrine136 demande même sa suppression, il n’empêche que c’est

132
Voir Ph. GODFRIN et M. DEGOFFE, « Droit administratif des biens », Domaine, travaux, expropriation,
9e édition, Sirey, 2009, p.105 et svts.
133
Ce principe joue à cet égard un rôle prépondérant, notamment en ce qui concerne la maîtrise de la sortie des
biens du domaine public, lorsqu’ils sont affectés à un service public.
134
CE, 3 novembre 1997, Commune de Fougerolles, Rec. p. 391 ; CE, 25 novembre 2009, Commune de Mer c/
Pépin et Raoul, n°310208, Rec. p. 472. Ce principe d’incessibilité à vil prix des propriétés publiques, d’origine
jurisprudentielle, rejoint la prohibition plus générale des libéralités pour les personnes publiques, et permet de
garantir que le patrimoine des collectivités n’est pas bradé.
135
Voir Décision n° 2005-513 DC du 14 avril 2005, Loi relative aux aéroports.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 6 avril 2005, par plus de soixante députés, de la loi relative aux
aéroports. Les députés requérants contestaient son article 6, relatif à la société " Aéroports de Paris ", et son
article 9, relatif aux redevances aéroportuaires. Selon ces derniers, le premier de ces articles méconnaissait le
principe de continuité du service public et les deux étaient entachés d'incompétence négative. Le CC répond
qu’il n’en est rien de cela quant à la valeur du principe d’inaliénabilité.

En France, par exemple, le débat a cours depuis une quinzaine d’années ; il porte sur la valeur
136

constitutionnelle ou non de ce principe alors même que la valeur constitutionnelle du droit de propriété ne
souffre d’aucun débat. Certains auteurs pensent que ce principe n’a pas valeur constitutionnelle, et s’appuient sur
deux éléments concomitants : premièrement sur le fait qu’aucune disposition de la Constitution française, ni
aucune décision du Conseil constitutionnel ne l’indique ; deuxièmement sur le fait qu’il y a des décisions du
Conseil constitutionnel où celui-ci va répondre à un argument de requérants, notamment des députés soulevant
ce principe, en retenant la formule «principe qui, selon eux, a valeur constitutionnelle» (le “selon eux”

74
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

un principe qui a su résister au temps et a toujours été repris par les législations nationales
foncières137.
Avec les conséquences138 qu’on sait de ces principes, il apparaît clairement qu'il est difficile
de garantir les investissements sur le domaine public. La technique habituellement utilisée sur
la propriété privée en garantie du crédit, est l'hypothèque (droit réel). Or, aucun droit réel ne
peut être constitué sur le domaine public. L’insécurité juridique qui règne sur les éventuels
investissements économiques sur le domaine public des collectivités locales constitue la
principale contrainte quant à leur valorisation. C’est pourquoi pour limiter les effets de cette
protection du domaine public sur sa valorisation, et vu surtout les enjeux économiques et
financiers des investissements sur le domaine public, le droit français a par exemple trouver
certains instruments juridiques. Il est reconnu ainsi à l’occupant domanial certains droits réels,
droits qui sont « le langage du droit de propriété », selon l’expression du professeur Yves
GAUDEMET139. La loi française du 5 janvier 1988, autorise par ailleurs les collectivités
territoriales à consentir sur leur domaine public des baux emphytéotiques administratifs
(BEA), censés faciliter le financement privé d'équipements publics. Ils doivent décharger
normalement la collectivité territoriale de l'investissement initial, tout en permettant au
cocontractant d'amortir cet investissement en l'autorisant à occuper pendant de très longues
périodes le domaine public qu'il contribue à valoriser. Au Burkina Faso, le bail emphytéotique

soulignerait cette absence de valeur constitutionnelle). Mais d’autres auteurs considèrent que ce principe a
bien indirectement valeur constitutionnelle ; le domaine public est toujours et nécessairement le siège de
l’exercice de libertés publiques ou de services publics, or, l’affectation au service public ou à une liberté
publique est constitutionnellement protégée ; par conséquent, l’inaliénabilité du domaine public est elle aussi
indirectement constitutionnellement protégée. Quant à la jurisprudence, elle en fait état à travers la formule de
principe retenue par le Conseil constitutionnel dans plusieurs décisions, notamment celles des 21 juillet
1994 et 26 juin 2003, qui a plusieurs fois affirmé que «le législateur ne doit pas priver de garantie légale les
exigences constitutionnelles qui résultent de l’existence et de la continuité des services publics auxquels le
domaine public est affecté, ainsi que des droits et libertés à l’usage desquelles il est affecté». La valeur du
principe n’est donc pas tranchée en droit positif.

137
Articles 11 et 21 de la loi portant RAF au Burkina Faso, article L.1311-1du CGPPP français.
138
En rappel, les conséquences principales de ce principe sont que premièrement les aliénations sur les biens du
domaine public sont purement et simplement interdites. La délibération d’un Conseil municipal qui autoriserait
par exemple la vente d’un bien du domaine public serait annulée pour illégalité par le juge administratif de
l’excès de pouvoir. Tout contrat de vente d’un bien du domaine public est réputé nul et de nul effet. La deuxième
conséquence est la précarité de l’occupant du domaine public, de ce fait, ce dernier n’a aucun droit au
renouvellement de son titre lorsque celui-ci arrive à expiration et l’administration a le droit de décider du retrait
de l’autorisation à tout moment. Par ailleurs, il est interdit la constitution d’un droit réel de type privé sur le
domaine public. Les actions possessoires des particuliers, les baux commerciaux et la copropriété sont en
principe aussi interdits. Enfin l’imprescriptibilité du domaine public signifie que celui-ci ne peut pas être acquis
par prescription, c’est-à-dire par possession prolongée.

139
Yves GAUDEMET, « La circulation des propriétés publiques », JCP N, 2006, étude n°1343.

75
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

administratif est reconnu depuis les lois de 1996 aux articles 152 et suivants, et repris à
l’article 182 de la loi de juillet 2012 : « Le bail emphytéotique est un contrat de longue durée
de dix-huit ans au minimum et de quatre- vingt-dix-neuf ans au maximum. Il confère aux
personnes physiques et aux personnes morales de droit public ou privé, un droit de jouissance
sur des terres du domaine privé immobilier de l’Etat ou des collectivités territoriales… ». Le
bail emphytéotique administratif devrait pouvoir faciliter les investissements du secteur privé
sur le domaine des collectivités locales et de façon générale renforcer la collaboration
partenariat public-privé, voulu et encouragé par le législateur de 2004. En effet, le Code
général des collectivités territoriales (CGCT) de 2004 dispose en son article 46 que « les
collectivités territoriales peuvent passer des contrats entre elles ou avec des personnes
physiques ou morales qu'elles soient privées ou publiques pour l'exécution de tâches relevant
de leurs compétences ». Du reste, le code a déjà décrit le cadre de la collaboration entre
collectivités territoriales et secteur privé. Il s'agit des structures de concertation et de
coopération prévues aux articles 134 et suivants dudit code. Malheureusement pour le
moment, ce partenariat n’est pas développé entre les Collectivités territoriales et le secteur
privé burkinabè.
Les différentes contraintes et difficultés, (qu’elles soient intrinsèques ou extrinsèques,
matérielles ou juridiques) que rencontrent les collectivités locales dans la gestion, mieux dans
la gouvernance foncière quotidienne, ne manquent pas d’occasionner de multiples
conséquences et obligent à proposer de solutions. C’est ce à quoi nous nous attèlerons dans ce
dernier chapitre.

Chapitre 2ème : Les implications d’une gestion déficiente du domaine foncier local et les
défis à relever

Les conséquences des insuffisances dans la gestion du domaine foncier des


collectivités territoriales sont importantes à plusieurs points de vue. Ces implications
intéressent non seulement le champ économique, en ce sens que les biens fonciers constituent
une source de ressources considérables pour les collectivités locales mais aussi le champ
social. Cet état de fait ne manque pas de poser des défis à relever par les collectivités locales
du Burkina Faso. Nous analyserons d’abord dans une (section 1ère) les implications socio-
économiques et financières de la gestion insuffisante des ressources foncières et domaniales
locales, avant de nous pencher dans une (section 2nde), aux divers défis qui s’imposent à nos
Collectivités.

76
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

Section 1ère: Les implications socio-économiques et financières

Avant de voir les implications sociales de la gestion déficiente du domaine foncier local
(Paragraphe 2ème), il parait intéressant, d’éplucher d’abord, les implications économiques et
financières (Paragraphe 1er).

Paragraphe 1er : Les implications économiques et financières

Malgré les enjeux économiques et financiers importants liés à la bonne gouvernance


du domaine foncier local, l’absence de système d’information fiable sur le foncier des
collectivités, ne facilite pas une mise en place d’une assiette fiscale efficace (A). Ce qui a
pour conséquence de limiter sensiblement les ressources financières qu’on pouvait attendre de
la gestion domaniale et foncière (B).

A. Une assiette fiscale défaillante et un recouvrement limité

L’assiette fiscale désigne le montant qui sert de base au calcul d'un impôt ou
d'une taxe. Par exemple, pour l’impôt foncier, l'assiette fiscale est la valeur locative
cadastrale. Au Burkina Faso, comme d’ailleurs dans la plupart des pays francophones
d’Afrique subsaharienne, la fiscalité locale propre s’appuie essentiellement sur les quatre
impôts locaux de base que sont l’impôt sur le foncier bâti, l’impôt sur le foncier non bâti, la
taxe d'habitation et la patente. Or, nous savons que le cadastre joue un rôle prépondérant dans
la gestion de la chaine des impôts fonciers. En effet, l’une des missions fondamentales du
cadastre est la gestion de l’assiette, la liquidation et le contentieux des impôts fonciers.
Comme déjà évoqué plus haut, la Direction du Cadastre au Burkina Faso rencontre de
nombreux problèmes parmi lesquels le manque criard de ressources humaines qualifiées et
d’un matériel performant et adapté. Cette situation de manque a engendré un cadastre
obsolète, à peine visible dans les grandes villes et totalement absent du monde rural. La
conséquence est que le territoire national n’est pas cadastré. Il n’y a pas de plan cadastral au
Burkina où figure commune par commune, ou région par région chaque parcelle de terrain,
faisant l’objet d’une occupation et d’une mise en valeur140. Les conséquences de l’inexistence
de plan cadastral pour les collectivités locales sont d’une part les mauvais aménagements

140
Ce qui explique en partie les récurrents problèmes liés aux limites territoriales entre collectivités locales,
puisque leurs territoires qui constituent les unités d’action du cadastre ne sont même pas délimités pour faire
l’objet de plan de base.

77
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

fonciers et urbains, d’autre part la faiblesse de l’assiette des impôts fonciers, leur
recouvrement limité ainsi que leur manque d’équité.
Un autre aspect qui induit la défaillance de l’assiette fiscale locale est la non maîtrise
du fichier des occupants du domaine public local c'est-à-dire les occupations autres que les
besoins de service public, celles faites par des personnes privées en vue d'y exercer des
activités marchandes. Les collectivités territoriales ne sont pas en mesure de fournir des
informations précises et exactes sur les occupants de leur domaine public. Pourtant la maîtrise
d’un tel fichier pourrait améliorer à coup sûr le taux de recouvrement des impôts dus.
Mais cette situation se comprend par le fait que l’on vit une certaine dissymétrie du
niveau d'information sur les finances publiques locales entre l’Etat et les collectivités
territoriales, comme cela se vérifie d’ailleurs dans d’autres pays africains. En effet, selon M.
Pape Mor N’DIAGNE, le dialogue sur le partage des ressources financières est inégal dans
nos pays parce que l'Etat a l'information sur le montant du produit de la plupart des impôts,
alors que les collectivités locales ne l'ont pas. Ceci vient en premier lieu, selon ce dernier, de
ce que la décentralisation de certains impôts au niveau local n'a pas impliqué la maîtrise de
l'information les concernant par les collectivités locales, loin s'en faut. C’est pourquoi dans
beaucoup de pays, notamment francophones d'Afrique, « la chaîne fiscale reste encore
l'affaire des services déconcentrés et centraux de l'Etat. De ce point de vue les collectivités
locales sont des acteurs passifs des différentes étapes allant des travaux d'assiette au
recouvrement, en passant par l'émission des rôles. Or, l'on sait que les services fiscaux de
l'Etat sont surtout mobilisés pour faire rentrer les impôts d'Etat »141, regrette-t-il.
Aussi, les systèmes d'information à mettre en place pour collecter ces impôts locaux
étant complexes à concevoir et à maintenir, ajouté à la réalité de l'application du principe de
l'unicité de caisse, poussent l'Etat à maîtriser de bout en bout l'information sur la fiscalité. Les
collectivités locales n'ont que très rarement les outils et l'expertise nécessaires en cette
matière. En raison de ces défaillances dans la collecte des statistiques au niveau des
collectivités locales et autres démembrements de l’Etat, les données statistiques disponibles
en matière fiscale se limitent fréquemment aux seules recettes publiques centrales.
Tout ceci fait qu’une grande proportion des propriétés bâties et non bâties échappent à
l’imposition parce qu’elles ne sont pas correctement identifiées142. C’est en cela qu’une bonne

141
Pape Mor N’DIAGNE, Chercheur et spécialiste de la décentralisation, ancien Directeur général de la
Décentralisation au Sénégal, « Décentralisation Fiscale », CADDEL, P82.
142
Voir sur ce point, Moussa ZAKI, « les entraves à l’autonomie financière des collectivités locales au
Sénégal », Revue électronique Afrilex, 2012, 32p.

78
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

administration des dépendances du domaine public va nécessairement conduire à une maîtrise


du portefeuille des contribuables exerçant sur ce domaine. En conséquence, elle va contribuer
à une maîtrise de l'assiette fiscale et améliorer le recouvrement des impôts. Le domaine
foncier, public surtout, au-delà de son rôle traditionnel de support de services publics, devient
un catalyseur de ressources financières pour les collectivités territoriales. « Son inertie
traditionnelle fait place au dynamisme de la valorisation économique et de la rentabilisation
financière et contribue donc à asseoir l'autonomie financière des collectivités territoriales.
Dans ce contexte, il devient un véritable support de la décentralisation à un double point de
vue: support des missions de service public, support financier »143.

B. Un manque financier considérable à gagner

La gestion approximative du patrimoine foncier local a indubitablement un coût


financier sur les budgets des collectivités locales. Ceci est vrai pour plusieurs raisons parmi
lesquelles nous retenons celles qui semblent les plus importantes. Il y’a d’abord les mauvaises
pratiques des élus et des structures de gestion du patrimoine foncier, qui ont cours, pratiques
fréquemment décriées et relayées par les organes de presse. En effet, les irrégularités
constatées dans les opérations de lotissement, les détournements de parcelles, la corruption
généralisée dans le milieu et la spéculation foncière à outrance profitent à tous, sauf au budget
de la collectivité locale. Ces irrégularités qui se manifestent principalement à travers la
superposition de Titres Fonciers (TF), des détournements des recettes foncières, de la
minoration des prix de cession de terrains aux copains et aux amis politiques, au non-
recouvrement de redevances et à la création de doubles titres sur les même espaces,
constituent de véritables goulots pour nos collectivités. Ajouté à cela la difficulté à recouvrer
l’intégralité des impôts locaux, on peut dire que la mobilisation optimale des ressources
fiscales reste un défi majeur, voire une gageure pour nos pouvoirs publics.

Ensuite le manque de maitrise de la situation des biens publics complique davantage


les démarches, en termes de mobilisation de ressources autour de la gestion domaniale et
foncière. Il est vrai que l’objectif initial dans la gestion de ces biens par les collectivités n’est
pas forcément de se faire de l’argent, (mais de satisfaire avant tout un intérêt général), mais
personne ne doute de l’enjeu financier qui se rattache au patrimoine foncier, surtout quand il
est rationnellement maitrisé. Nous avons déjà évoqué dans la première partie le fait que les

143
N. OUEDRAOGO, La décentralisation et la gestion du domaine public au Burkina Faso déjà cité.

79
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

collectivités locales au Burkina Faso n’ont pas une maitrise suffisante de la situation de leur
domaine foncier. Elles ont une connaissance fragmentaire et limitée de ces ressources, et ce
pour plusieurs facteurs, déjà rappelés. Cette connaissance lacunaire du patrimoine foncier
local ne permet pas de dégager des marges de manœuvre, aux fins d’augmenter la capacité
financière et d’investissement des collectivités. Or une gestion non dynamique, purement
administrative, aura plutôt tendance à grever les finances locales, par le fait notamment
qu’elle pourrait entrainer la CL à conserver des biens inutiles, qui devront néanmoins être
chèrement entretenus. Même si, encore une fois, la remarque est que les collectivités, en
matière de gestion patrimoniale foncière, ne doivent pas être forcément motivées par des
considérations économiques et financières, ce qui les empêchera bien souvent d’optimiser leur
budget.

Mais dans un environnement de crises multiples où l’Etat a du mal à assurer


convenablement les transferts de fonds aux Collectivités locales, où la tendance générale est à
la multiplication des partenaires et la mise en valeur des propriétés foncières, la mauvaise
connaissance des ouvrages dont la personne publique est propriétaire va à l’encontre de cet
objectif nouveau de valorisation des biens publics. En effet, non seulement la collectivité
n’utilise pas ce dont elle est comptable à bon escient mais en plus, cette mauvaise
connaissance peut bénéficier à une personne tierce qui occuperait indûment ce bien. L’impact
sur les finances locales est donc considérable, dans ce contexte de réduction des marges de
manœuvre financière des collectivités locales et de plus en plus, d’une plus grande exigence
des administrés quant à la qualité des services publics. Une gestion trop administrative des
patrimoines immobiliers locaux entraîne des surcoûts ou, à tout le moins, ne permet pas de
dégager des économies d’échelle. Or, le patrimoine immobilier des collectivités locales
devrait d’abord et avant tout être un levier financier de l’action publique pour celles-ci, elles
qui n’ont pas vocation à être propriétaires, mais qui le sont pour poursuivre des missions de
service public. Qu’en est-il des implications à caractère social ?

Paragraphe 2ème: Les implications sociales

Si les implications économiques de la gestion lacunaire du domaine foncier local


sont nettement plus perceptibles, les implications sociales ne sont tout de même pas
négligeables. Elles ont trait d’une part à la recrudescence des conflits fonciers (A), d’autre
part à la légère accessibilité des populations aux services sociaux nécessaires (B).

80
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

A. La recrudescence des conflits fonciers

« Sur toute la planète, le foncier constitue une ressource essentielle et stratégique,


tant pour les habitants des villes, en termes de logement et d’activités économiques, que pour
les ménages ruraux dont c’est la principale richesse et le premier moyen de production, celui
qui conditionne souvent l’alimentation et les revenus de la famille »144.
Mais en Afrique subsaharienne, particulièrement au Burkina Faso, les marges de
manœuvre deviennent de plus en plus faibles en raison de taux de croissance démographiques
toujours très élevés. La question foncière au Burkina est une problématique transversale, qui
touche aussi bien à des enjeux de sécurité alimentaire, de gestion durable des ressources
naturelles, de gouvernance démocratique, qu’à des enjeux de maintien de la paix et de
croissance économique. Dans ces conditions, vu aussi la mauvaise gestion ambiante dans ce
secteur, on ne s’étonne pas du nombre élevé des conflits portant directement ou non sur le
foncier. Les conflits sur le foncier sont favorisés par un certain nombre de dynamiques, de
facteurs et n’ont pas toujours la même nature145.
S’agissant des dynamiques et facteurs favorisant les conflits fonciers, il y’a d’abord la
croissance démographique et urbaine. Ainsi la densification et l’étalement irrégulier des
agglomérations existantes sont telles que les espaces périurbains des villes comme
Ouagadougou, Bobo-Dioulasso, Koudougou etc. tendent à disparaitre et semblent se
confondre désormais à ces grandes communes. Il y’a aussi le fait que les crises financières et
alimentaires ont engendré un mouvement général d’investissements dans le foncier,
notamment à des fins agricoles et par des acteurs divers146, aux pratiques fréquemment
dénoncées. « La terre devient un bien de plus en plus précieux pour réduire la dépendance
alimentaire des États et elle fait donc l’objet de transactions entre les États ou collectivités

144
Voir, http://www.inter-reseaux.org/IMG/pdf/GdS57-final.pdf, Aurore MANSON et Cécile BROUTIN,
« Quelles politiques foncières en Afrique subsaharienne ? Défis, acteurs et initiatives contemporaines », P 5.
Voir aussi « Le foncier, un enjeu crucial aux multiples dimensions » paru en janvier 2012 dans la revue Grain de
sel numéro, produite en partenariat entre le CTFD, le Hub rural et Inter-Réseaux, toujours sur le même site
internet, Page consultée le 15 octobre 2014.
145
Les problèmes sur le foncier étant transversaux, voir sur ce point, pour une étude comparée avec la situation
au Sénégal, Ibrahima DIALLO, « Le droit des collectivités locales au Sénégal », L’Harmatan, 2007, p320 et
svts. Voir aussi, SAMBA TRAORE et A. KA., «Etude sur la gestion alternative des conflits dans la zone
sylvopastorale du Sud-Ferlo » PRASET, PAPF, PAPEL, 1996 ou enfin, Etienne LEROY, « L’émergence d’un
droit foncier local au Sénégal » in Dynamiques et finalités des droits africains. Paris : Économica, Recherches,
Panthéon Sorbonne, Série Sciences Juridiques, p. 575
146
De plus en plus, les terres au Burkina Faso, comme partout d’ailleurs en Afrique subsaharienne sont prisés
par des investisseurs étrangers comme les indiens, les turcs, etc.

81
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

locales et de nouveaux opérateurs privés, nationaux ou étrangers, qui accroissent la pression


foncière »147.
En outre, la baisse des surfaces fertiles exploitables, causée notamment par « la
dégradation des ressources naturelles sous l’effet des incidents climatiques et, plus
globalement, des impacts du changement climatique qui ne sont compensés ni par les
aménagements hydro-agricoles, ni par des pratiques de préservation ou de restauration de la
fertilité, n’améliore pas la situation148 ».
Ce panorama des dynamiques participant à la pression foncière et des analyses sur la
disponibilité foncière met en évidence la compétition croissante entre acteurs ayant des usages
différents du foncier, usages porteurs de conflits.

En ce qui concerne la nature des conflits, ils sont aussi divers que variés. Nous pouvons
retenir d’abord le type de conflits entre les autochtones et allochtones. Les installations,
parfois très anciennes, d’agriculteurs provenant d’autres régions du pays ou de pays voisins
peuvent être remises en cause lorsque la terre prend de la valeur (aménagement, expansion
urbaine) ou qu’elle devient insuffisante par rapport aux besoins des ménages autochtones, du
fait de la croissance démographique ou de la baisse de fertilité des sols. Il y’a ensuite le type
de conflits portant sur les espaces, notamment aménagés où la valeur de la terre est plus
élevée et offre des perspectives de production plus importantes. Cette situation suscite des
convoitises de la part des leaders locaux et peut les conduire à remettre en cause les usages
concédés aux allochtones149. Enfin, et c’est le type de conflits le plus important, c’est les
conflits entre agriculteurs et éleveurs. Les conflits entre agriculteurs et éleveurs sont les plus
élevés parce que le Burkina Faso est un pays à vocation essentiellement agricole.
L’agriculture, pratiquée essentiellement en milieu rural occupe 86% de la population active.
Son poids dans l’économie nationale est de 40% du PIB. La terre est source de tensions car
elle est la première ressource et le support indispensable en matière de production agricole et
animale. Malgré l’existence d’un nombre important de textes sur le foncier et la gestion des

147
Aurore MANSON et Cécile BROUTIN, Op. Cité. P 9
148
MELVILLE P., SERPENTIE G., « Intensification et durabilité des systèmes agricoles en Afrique soudano-
sahélienne » in Promotion de systèmes agricoles durables dans les pays d'Afrique soudano-sahélienne,
Wageningen : CTA, 1994 p. 33-45.
149
Il en a été ainsi par exemple de l’aménagement hydro-agricole du périmètre irrigué de la commune de Di,
dans la région de la Boucle du Mouhoun, qui a entraîné des conflits, lorsque des terres ont été attribuées à des
allochtones et à des investisseurs privés, au détriment des agriculteurs vivant à proximité.

82
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

ressources naturelles150, les chiffres officiels sur les conflits151, parfois tragiques laissent tout
simplement perplexes. Certains auteurs et acteurs du monde rural ont tenté de donner des
explications à ce triste constat. Nous pouvons retenir d’abord la non-application des textes, la
corruption, et l’action des politiques, disons les politiciens. Ainsi « malgré la multiplication
en milieu rural des actions de sensibilisation et de conscientisation de certaines
Organisations de la Société Civile (OSC) et Organisations paysannes (OP), … le constat
général est qu’une grande partie des propriétaires terriens et autres populations ne
connaissent pas les textes »152. C’est tout cette pression foncière qui peut conduire à la
multiplication des conflits entre communautés, entre villages, entre exploitants et entre
générations, toutes choses qui portent des menaces graves sur le devenir de l’exploitation
familiale.

Les implications sociales de la gestion inefficace sur le foncier ne portent pas


seulement sur les conflits potentiels et réels, mais aussi dans une certaine mesure, l’accès aux
services sociaux de base par les populations, notamment celles des plus démunies.

B. La faible accessibilité aux services sociaux de base.

Le faible accès aux services sociaux de base est le résultat de la conjugaison de


plusieurs facteurs. Parmi ces facteurs, on ne peut passer sous silence les nombreuses failles
constatées, de façon générale, dans la mise en œuvre de l’aménagement du territoire, doublée
d’une gouvernance inefficace du foncier. Nous avons déjà indiqué le fait que beaucoup de
communes, urbaines comme rurales se sont lancées dans une course effrénée au lotissement,

150
Il en est ainsi de la loi portant Réorganisation Agraire et Foncière (RAF) de 1984, relue en 1991, en 1996 et
tout dernièrement en début juin 2012 , aussi de la loi 034-2009/RAF portant Régime Foncier Rural, de la loi
n°002/2001/AN du 08 Février 2001 portant Loi d’Orientation relative à la gestion de l’Eau, de la loi 05/97/ADP
portant code de l’environnement, de la loi 006/97/ADP portant code forestier, et de la loi 034/2002/AN portant
loi d’orientation relative au pastoralisme etc.

151
Entre 2005 à 2012, les services techniques du Ministère des ressources animales ont enregistré au moins 3
872 conflits dont 318 au titre du premier semestre 2011. Ces conflits ont entrainé 62 pertes en vie humaine et de
nombreux blessés, des dégâts matériels avec la destruction de biens privés. Les cas les plus graves ont été
enregistrés dans la province du Zoundwéogo à Gogo en 2007 et dans la province du Poni à Perkoura, un village
de la commune de Loropéni en 2008, avec 18 morts et en décembre 2012 à Zabré dans le Centre-est avec 7
morts et de nombreux blessés, notamment les éleveurs peulhs qui sont généralement les cibles et les victimes.

152
Voir Charles DALLA, Chargé de Programme de la Coalition des Organisations de la Société Civile pour un
Développement Durable et Equitable, CODDE, Publication SORY, consultable sur le site http/www.codde-
bf.org.

83
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

généralement sans aucun respect des textes en la matière, notamment les schémas, plans
directeurs d’aménagement et d’occupation des sols. Les pouvoirs publics ayant fait preuve
d’un certain laxisme dans le contrôle de l’aménagement du territoire par les communes, ces
dernières ont réalisé d’opérations massives de lotissement, sans aucune disposition de
viabilisation. En effet, la loi n°034-2012 portant RAF, reprenant presque coup pour coup
d’anciennes prescriptions légales153, dispose que « les terres urbaines non aménagées ou
terres suburbaines ne peuvent être occupées qu’à titre exceptionnel et sur autorisation de
l’administration. Toute occupation sans titre est interdite et le déguerpissement ne donne lieu
ni à recasement ni à indemnisation ». Or pourtant, lors des lotissements, il est procédé au
recensement systématique des occupants des zones non aménagées. L’impact d’une telle
conduite des autorités, est que, certaines personnes s’étant rendues compte que « construire
une "bicoque" en zone non lotie "ouvre droit" à une parcelle en cas de lotissement de la zone,
ont jeté leur dévolu sur cette pratique spéculative. Cela a eu pour effet induit, une
démultiplication des zones d’occupation spontanée de la périphérie des centres urbains.
L’aménagement urbain, au Burkina Faso, semble donc pris en otage par ce phénomène des
habitats spontanés »154. Dans de telles conditions, les autorités ont du mal à assurer un accès
acceptable des services sociaux de base à la population. Ces services sociaux sont
essentiellement l’éducation155, les infrastructures sanitaires et d’assainissement, la fourniture
en eau courante, en énergie pour cuisine, les logements décents et des transports en commun
accessibles. En effet, l’échec dans la gouvernance foncière, conjuguée avec la croissance

153
Les lois portant RAF de 1984, de 1991 et de 1996 notamment.
154
I. COMPAORE., L’évolution du droit de l’aménagement du territoire au Burkina Faso, Mémoire de DEA,
UGB, 2012-2013, P 176.
155
Sur la problématique particulière de l’éducation, il faut retenir que même s’il est juste de reconnaitre que des
efforts immenses ont été faits par l’Etat et les collectivités locales pour assurer une bonne éducation, nous ne
sommes pas encore au bout du tunnel. En effet, outre le manque toujours croissant d’infrastructures scolaires
adéquates et d’un personnel qualifié, il faut ajouter désormais l’aspect orientation politique, du système
d’éducation; avec notamment ce qui est officiellement appelé ‘continuum’. Le continuum est la nouvelle
politique des autorités chargées de l’éducation au Burkina Faso qui consiste à mettre désormais sous la coupe du
Ministère de l’éducation nationale et de l’alphabétisation (MENA), le préscolaire et le post primaire de sorte à
former désormais un cycle complet 155. Mais cette réforme qui se veut un système cohérent, qui réunira en un seul
cycle, le préscolaire, le primaire et le post primaire (collège) avec en sus, l’obligation et la gratuité de l’éducation
jusqu’à 16 ans, semble ne pas emporter la compréhension de tous. D’ores et déjà, avec la rentrée 2014-2015 qui
voit la mise en œuvre de cette réforme, les difficultés comme l’insuffisance des salles de cours, se font
constatées désagréablement sur le terrain, seuls 75% des élèves admis au Certificat primaire 2014 ont pu être
‘casés’ dans les Collèges publics. Les chiffres officiels du Ministère de l’Education Nationale de fin Octobre
2014 indiquent que seulement 25% ont été affectés, soit plus de 20000 élèves, dans des établissements privés
dans le cadre du partenariat Ministère-secteur privé.

84
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

démographique et urbaine, quasi exponentielle dans nos villes156, fait que les pouvoirs
publics, centraux comme locaux, n’arrivent pas à assumer convenablement leur rôle en
matière de fourniture de services sociaux. Ainsi, s’agissant de l’accès par exemple à l’eau
dans la ville de Ouagadougou, la capitale, on estime à seulement 27% des logements qui sont
raccordés au réseau de distribution ; les autres ménages doivent consacrer une grande part de
leur journée ou de leur budget à la recherche du précieux liquide157. Les quartiers les plus
‘’abandonnés’’ sont bien sûr en majorité ces quartiers dits spontanés ou précaires. Il en est de
même des infrastructures sanitaires et d’assainissement ; dans ces quartiers démunis, très
souvent le minimum de propreté et d’assainissement n’est pas assuré, phénomène qui se
complexifie davantage en période hivernale par le manque de canalisations des eaux usées et
de pluies. Ce qui en fait également des nids de plusieurs maladies, notamment le paludisme
qui touche sensiblement les femmes et les enfants. En matière d’assainissement, il faut aussi
déplorer l’usage exagéré du plastique et d’autres sacs, sources de déchets non dégradables qui
envahissent nos villes et campagnes. Ces matériaux nouveaux créent de nombreux déchets
qui nécessitent des techniques et installations de traitement encore mal connues et peu
développées. Les sacs plastiques jonchent les rues et remplissent les caniveaux des villes; ils
polluent, plus que d’autres matières, l’environnement.
Beaucoup d’efforts ont été faits ces dernières années par les pouvoirs publics pour
améliorer la gestion foncière tant en milieu rural qu’urbain. En effet, de par les différentes
reformes sur les lois foncières, visant à assurer une grande sécurité foncière afin d’attirer des
investissements considérables sur les fonds de terre, mais aussi de réduire les conflits en cette
matière, nous notons une volonté de mieux faire dans cette gouvernance sur le foncier.
Seulement, dans ce domaine et comme dans bien d’autres, la seule volonté ne saurait être
suffisante ; et les challenges qui se posent à ce niveau ne sont pas les moins négligeables.

156
En effet, selon Bernard GRANOTIER, in « La planète des bidonvilles, Perspectives de l’explosion urbaine
dans le tiers monde », Ed. Le Seuil, 1980, p88, le taux de croissance démographique des pays en voie
développement oscille depuis les années 1970 entre 2,5 et 3%. Il en est de même de l’augmentation de
l’habitation précaire ou spontanée, le taux annuel d’extension de ces taudis varierait en Afrique subsaharienne
entre 10 et 12%.
157
Cf. IRD, Institut de Recherche pour le Développement, Enquête, Octobre 2013, L’accès à l’eau courante, un
luxe non garanti à Ouagadougou.

85
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

Section 2ème: Les défis de la gestion locale domaniale et foncière

Le challenge aujourd’hui des collectivités territoriales par rapport à la gestion de


leur domaine foncier est étroitement lié aux objectifs qu’elles se donnent à atteindre, depuis
qu’il leur est reconnu officiellement un patrimoine foncier propre à administrer. En d’autres
termes, des enjeux liés à cette gestion, dépendent aussi la taille des écueils à surmonter, les
défis à relever. Il est clair que l’atteinte d’une sécurité foncière constitue pour les pouvoirs
publics, centraux comme locaux, l’une des finalités essentielles en rapport avec les dernières
réformes. Mais, le domaine foncier constitue également un patrimoine considérable dont la
gestion rationnelle procure sûrement des ressources financières importantes. Encore faut-il
que les collectivités se donnent les moyens propices et la bonne méthodologie pour atteindre
le résultat escompté. La gestion du patrimoine local devrait, à notre sens, relever ces deux
défis majeurs : le souci de l’efficience (Paragraphe 1er) et le défi de sa contribution à un
développement local harmonieux (Paragraphe 2ème).

Paragraphe 1er: le souci d’une gestion rationnelle et efficiente du domaine foncier local

Les objectifs des dernières reformes sur la gouvernance foncière au Burkina Faso
ne pourront être atteints que si un certain nombre de conditionnalités sont remplies. Sont de
celles-là, la volonté politique qui accompagne toujours une reforme de cette envergure. En
effet, en matière de gestion domaniale et foncière, on ne peut faire l’économie de la volonté
politique qui doit impulser et donner les grandes orientations. Une remarque générale qui se
dégage après étude de ce sujet, est que les normes en cette matière restent largement
inappliquées. La conséquence en est que même les éléments indispensables à la bonne gestion
sont ignorés, voire négligés et relégués au dernier plan. C’est pourquoi, devront être relevés
dans le futur, dans cette gouvernance foncière locale, les défis de la gestion dynamique,
gestion qui passe, selon nous, d’une part par l’application effective et rigoureuse de la
règlementation domaniale (A) et d’autre part par la mise à disposition de l’information
foncière (B).

A. L’application rigoureuse de la règlementation domaniale et foncière

La question de l’effectivité des lois nationales dans nos pays reste une grande
préoccupation. En effet, on a comme l’impression que beaucoup de lois, même les plus
élaborées ont du mal à s’appliquer sur le terrain. Ceci est d’autant plus visible s’agissant des

86
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

lois foncières. Ces dernières, à l’exception notable de la première loi portant Réorganisation
agraire et foncière, adoptée en 1984 par le pouvoir révolutionnaire de l’époque158 , semblent
connaitre une léthargie ambiante. Elles ont été tellement ignorées, même par ceux qui
devraient se charger de leur applicabilité, qu’on en arrive à se demander s’il faut élaborer les
lois, juste pour combler un vide juridique, ou au contraire, il faut donner à chaque loi les
moyens de son effectivité. Il ne sera pas question de présenter ici encore, de façon détaillée
les causes de cette faible application de la loi foncière, mais relever seulement celles dont
nous pensons les plus essentielles, afin de mieux situer les challenges qui attendent nos
pouvoirs publics, centraux comme locaux.

Il s’agit notamment des insuffisances constatées au niveau de l’aménagement du


territoire, de la mise en place des structures et des outils de gestion du domaine foncier, ainsi
que des instances de régulation des conflits sur le foncier etc. Cela est dû essentiellement à
l’ignorance des acteurs même sur la loi foncière, à l’insuffisance surtout de
l’accompagnement financier et à la volonté de citoyens, de certains élus et fonctionnaires, de
poursuivre un gain facile; ce qui est à l’origine de la spéculation foncière et le bradage d’un
espace important des terres rurales. Néanmoins, il faut reconnaitre que la principale raison de
la faiblesse de l’effectivité de la loi foncière, et même de sa validité159, constitue
indubitablement la dualité des régimes de tenure foncière. En effet, la législation foncière
coutumière a bravé toutes les tentatives de la supprimer, de la période coloniale à nos jours,
de sorte que la dualité des systèmes de gestion des terres, très prégnante, s'est imposée à tous
les régimes politiques. Même après la suppression légale des droits fonciers coutumiers,
l'ensemble de la population burkinabè, décideurs politiques en tête, et citoyens ordinaires
continuent de faire recours aux autorités coutumières dès qu'ils envisagent acquérir une terre
aussi bien pour l'usage communautaire (pour les autorités communales par exemple) que pour

158
Il faut noter qu’effectivement la loi portant RAF de 1984 est la première loi qu’on pourrait qualifier vraiment
de nationale, tant depuis les indépendances, ce sont des textes épars, adoptés, pour la plupart sous la colonisation
qui continuaient à être appliqués et, surtout, en déphasage. Le pouvoir révolutionnaire, en nationalisant les terres,
diminuait du même coup l’autorité traditionnelle, bien ancrée dans ce domaine ! C’est vrai qu’il a connu une
application assez satisfaisante et a introduit pour la première fois des outils de l’aménagement du territoire dans
la loi, mais elle s’est aussi illustrée par la suppression de la propriété individuelle, à savoir que les titres fonciers
émis jusqu’à présents étaient annulés. C’est pourquoi, à la relecture de cette même loi, sous l’autorité du régime
post-Révolution, en 1996, on a vite fait de reconnaitre les titres fonciers individuels.
159
Ce que certains auteurs, anthropologues du droit, appellent la validité axiologique, à l’image de François
OST et Van de KERCHOVE (in « théorie pour une étude critique du droit »). La validité d’une norme, selon
ces derniers, doit se mesurer à travers trois caractéristiques nécessaires. Il s’agit de sa légalité, de son effectivité
et de sa légitimité. Ces trois caractéristiques correspondent à trois formes de validité à savoir, à la validité
formelle correspond la légalité et à la validité empirique répond l’effectivité, tandis que sa légitimité renvoie à sa
validité axiologique.

87
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

l'usage individuel. C’est dire que le droit foncier coutumier a toujours le vent en poupe devant
la législation foncière règlementaire. Le schéma est le même et il consiste à s'adresser, «
directement ou par l'intermédiaire d'une tierce personne, aux ‘’propriétaires terriens’’. Ainsi,
tous ceux qui s'intéressent au foncier, y compris les intellectuels, accèdent aux conditions à
remplir, notamment les offrandes aux ancêtres pour implorer leur pardon et leur protection
dans l'utilisation des terres concédées »160.

Le grand défi des autorités aujourd’hui, alors que nous sommes maintenant à notre
quatrième reforme sur la loi foncière, et en présence de nombreuses lois spécifiques et
sectorielles161, est d’arriver à concilier forcément les deux systèmes de gestion foncière. Il
faut dépasser désormais cette idée qui ne voit dans la tenure traditionnelle, qu’insécurité
foncière alors que celle légale, parait plus sécurisant. Pour cela, les droits fonciers coutumiers
doivent être reconnus et valorisés, afin d’opérer un rapprochement salutaire entre légalité
formelle et légitimité incontestée. Un effort est fait à ce niveau ces dernières années pour
mieux sécuriser la terre rurale, nous y reviendrons dans le dernier point de ce mémoire. En
outre, il convient à l’autorité de s’attaquer véritablement au mal de corruption qui ronge ce
secteur, pourtant porteur de ressources considérables à la collectivité. Le copinage, le
favoritisme et le clientélisme politique sur la base du foncier doivent cesser ; ici également, on
ne peut faire l’économie d’une véritable volonté politique, résolue à sanctionner s’il le faut.

Par ailleurs, l’Etat central avec les collectivités locales doit s’engager à la construction
véritable de logements sociaux162, ou à tout au moins encourager la construction d’immeubles
d’habitation collective. Il faut amener les populations à se départir de l’idée que chacun peut
et doit avoir un lot de parcelles dans nos villes. Le droit à un logement décent n’implique pas

160
Moussa OUEDRAOGO « Le foncier dans les politiques de développement au Burkina Faso : enjeux et
stratégies », page 13.

161
La loi d’orientation relative au pastoralisme, adoptée en 2002 ; la loi portant Code de l’urbanisme et de la
construction, adoptée en 2006, La politique nationale de sécurisation foncière en milieu rural, adoptée en 2007,
qui est l’ancêtre de la loi portant régime foncier en milieu rural de 2009.
162
Il faut dire que la production publique de logements sociaux a considérablement chuté et est presque
inexistante aujourd’hui. L’inadéquation entre la demande et l’offre en logement ne fait que s’aggraver. Aussi, la
problématique du logement décent reste-t-elle une préoccupation majeure et l’objectif d’un logement décent pour
tous, reste à atteindre. Au Burkina Faso, les logements sont réalisés dans 90% des cas par les ménages eux-
mêmes. Au regard des moyens limités de ceux-ci, ces logements sont le plus souvent en matériaux précaires, en
banco ou en banco amélioré. Dans les centres urbains, ces matériaux sont également utilisés dans les zones
d’habitat non loties dans un contexte socio-économique défavorisé. Cf. Document de Politique Nationale de
l’Habitat et du Développement urbain du Ministère de l’urbanisme, Mars 2008, p 19.

88
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

que chaque citoyen se voit forcément propriétaire d’une parcelle. Cette conception doit
changer, d’abord dans les orientations des dirigeants, mais aussi dans l’imaginaire collectif. Il
faudra du temps pour que les burkinabè se départissent de cette manière de voir, mais il le faut
inéluctablement, pour que les villes ne submergent pas totalement les zones suburbaines avec
les conséquences qu’on connait du gâchis domanial.

Enfin, il est important que l’autorité centrale aille plus vite dans la mise en place des
structures de gestion du foncier rural dans toutes les communes, notamment les Commissions
de conciliation foncière villageoise afin de réduire les conflits mortels entre agriculteurs et
éleveurs. Ce défi doit être relevé incessamment avec l’accompagnement des partenaires et
autres ONG intervenant dans le domaine.

Il en est de même du défi combien pressant et sécurisant de disposer d’un système


efficace d’information foncière.

B. La mise à disposition d’une information foncière fiable

« Sans cadastre, c'est-à-dire sans propriété clairement définie, comment bâtir le


progrès » ?s’interrogeait déjà Erik Orsenna, dans L’exposition coloniale163. Jacques ATTALI
ne dit pas autre chose quand il affirme qu’il n’y a pas de démocratie sans droit de propriété,
sans règles claires de qui possède quoi. Il estime qu’il ne peut y avoir de démocratie sans
cadastre et sans mode d’application, ce dernier étant un critère fondamental de la démocratie
(Interview, revue géomètre de 2012). Il n’est pas aisé de croire que les collectivités publiques
(Etat et collectivités locales) puissent compter sur le foncier, non seulement en ce qui
concerne ses aspects économiques que sociaux, sans un système d’information foncière
efficace et fiable. La confusion qui règne entre les patrimoines de l’Etat, des Collectivités
locales et des particuliers peuvent être sources de tension, préjudiciable pour tous. Il est tout à
fait urgent que l’Etat et les collectivités travaillent à surmonter les écueils qui se dressent sur
la mise en place de cadastres efficients. Au-delà de la volonté politique, ces obstacles sont
d’abord d’ordre financier. En effet, il est connu aujourd’hui que ‘’les coûts de production d’un
système d’informations fiable sont très élevés, si l’on s’en tient seulement à ses composantes
techniques(le matériel et les logiciels), aux actions liées au développement du système, à la

163
Cité dans L’appropriation de la terre en Afrique noire, P331, Ed. Karthala, Etienne Le Roy, Associer l’usager
à ne gestion foncière paritaire et décentralisée.

89
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

production de la cartographie de base et de formation des utilisateurs’’164. Il est vrai que le


pays est pauvre, et pourrait sûrement avoir du mal à mobiliser les ressources indispensables,
mais il est clair que passés les premiers investissements importants des premières années, le
système génèrerait des ressources nouvelles compensatrices, puisse qu’il serait avant tout,
nous le supposons, à but fiscal. Le pays a du mal à couvrir les impôts sur les immeubles bâtis
et non bâtis parce qu’il ne maitrise pas forcément leur emplacement. C’est pourquoi il est
primordial, avec les aides multi et bilatérales, qu’il se dote d’un cadastre efficient qu’il mettra
à la disposition de tous les acteurs. Ce cadastre qui se veut d’abord physique, comptable et
économique après, ouvrira la porte à une informatisation de la gestion immobilière. La mise
en place de cet inventaire physique permanent passe forcément par l’acquisition d’un logiciel
ou d’un progiciel, recensant l’ensemble des biens des collectivités locales et offrant plusieurs
fonctionnalités en fonction de leurs besoins.
En outre, il est indispensable que l’Etat « décentralise » réellement le système de
décision en cette matière, car sa grande centralisation, entre seulement les mains de
l’administration, constitue un obstacle majeur au recueil et à la mise à jour de l’information
foncière ainsi qu’au recouvrement de l’impôt sur la propriété. Par ailleurs, il est important de
souligner que la définition d’une stratégie en matière de mise à disposition de l’information
foncière doit s’appuyer sur l’offre existante (même si elle est lacunaire) mais aussi sur la
capacité des administrations concernées à la mettre effectivement en œuvre. Ceci pour éviter
d’importer un système « clés en mains »165 pour ensuite chercher à le simplifier. Il faut plutôt
travailler à une large concertation entre les acteurs, publics et privés mais aussi avec les
populations concernées.
Pour l’heure, les autorités semblent avoir compris la nécessité d’un système cadastral
dynamique et disponible pour l’ensemble des communes, puisse qu’elles travaillent à une
décentralisation effective des services domaniaux, mais il est certain que beaucoup d’efforts
restent à mener dans ce sens. Ces efforts sont indispensables si l’objectif est tel, qu’il nous
faut des territoires viabilisés, porteurs d’un développement économique et surtout social pour
l’ensemble des citoyens, qu’ils vivent en zone urbaine ou rurale. Le challenge actuel est donc
d’arriver à faire de la ressource foncière locale, un véritable tremplin pour ce développement
socio-économique, harmonieux et équilibré.

164
Alain DURAND-LASSERVE, « l’expérimentation de systèmes d’information foncière en milieu urbain »,
tiré du manuel, L’appropriation de la terre en Afrique noire Ed. Karthala, P319.
165
Alain Durand LASSERVE, Op. Cité. P329

90
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

Paragraphe 2ème : Le souci d’un développement local harmonieux à travers le foncier

Dans l’optique de réussir un développement socio-économique équilibré et équitable,


l’organisation rationnelle du territoire local est une exigence fondamentale. C’est à cet effet
que les documents d’urbanisme et d’aménagement rural doivent permettre d’une part un
développement urbain maîtrisé, mais d’autre part une sécurisation du foncier rural. Les
collectivités locales au Burkina Faso, malgré les dernières reformes, le soutien des pouvoirs
centraux, et cette volonté affichée de satisfaire les besoins présents et futurs en matière
d’habitat, d’activités socio-économiques viables, culturelles et de préservation des milieux
naturels, n’arrivent pas à surmonter certaines difficultés et discordances, qui semblent
annihiler tous ces efforts. Le développement durable, ‘’chanté’’ dans la dernière loi foncière
ressemble plutôt à un vœu pieux, de sorte qu’on pourrait se demander légitimement si derrière
« cette rhétorique des bons sentiments, le discours sur le "développement durable" n’a pas,
finalement, pour principale qualité de gommer les contradictions qu’il énonce, pour ne pas
avoir à les résoudre »166. La maitrise véritable de l’aménagement urbain (A) de même que la
sécurisation foncière en milieu rural (B), nous semble-t-il, les autres principaux challenges
que doivent relever les collectivités publiques au Burkina.

A. La maitrise de l’aménagement du territoire urbain

L’aménagement et le développement durable du territoire est défini par la loi


portant RAF de juillet 2012 à son article 3, comme « la politique de planification spatiale qui
consiste en une meilleure répartition des populations et des activités en tenant compte des
potentialités du milieu naturel, des contraintes techniques, socio-économiques et
environnementales du territoire ». S’il y’a bien un domaine où les collectivités publiques sont
impuissantes, c’est bien à ce niveau de l’aménagement du territoire. Les défis sont énormes et
nous n’en retiendrons ici que ceux dont nous estimons les plus saillants.

Le premier défi qu’il convient de relever est de limiter ce qu’il est convenu d’appeler
la ‘’bidonvilisation’’ des grandes villes burkinabè. En effet, comme dans la plupart des
grandes métropoles d’Afrique sub-saharienne, la gestion des grandes villes pose d’énormes
difficultés, en raison notamment de la croissance rapide de la population urbaine pauvre. La
forte recrudescence de l’habitat spontané, constitué le plus souvent de quartiers insalubres

166
Jacques THEYS, « L’approche territoriale du " développement durable ", condition d’une prise en compte
de sa dimension sociale », Développement durable et Territoire, Dossier 1, 2002.

91
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

couvre des superficies importantes dans les zones urbaines167 ; bien évidemment, les services
publics sont quasi-inexistants, l’accès à l’eau potable très limité, les ordures ne sont pas
ramassées et les eaux usées stagnent. Dans ces conditions, fournir, à chacun, un habitat décent
et un accès convenable aux services sociaux demeure une priorité, pour ne pas dire une
gageure pour les gouvernants. Il faut donc relever ce défi de l’occupation anarchique du
domaine foncier urbain, qui est en fait la conséquence logique de la croissance
démographique urbaine ; mais beaucoup plus par le fait des ménages pauvres. En fait, dans
bien de municipalités en Afrique subsaharienne, l’absence d’aménagement urbain est
exacerbée par l’impossibilité pour les ménages pauvres d’obtenir un titre foncier, donc
d’obtenir un crédit immobilier. Et c’est ce qui justifie aussi leur installation sur des zones
insalubres ou impropres à l’habitation, et par extension, la prolifération des habitats précaires.
Il y’a une sorte de dilemme qui se pose à nos autorités de nos jours ; c’est celui de choisir
entre une politique ambitieuse des logements sociaux pour les familles à faibles revenus, avec
toutes les implications financières considérables, mais qui a l’avantage de réduire ‘’l’habitat
sauvage’’, ou de ne rien faire et laisser perdurer le statut quo. Pour l’heure, les choix
politiques sur les logements sociaux sont orientés vers des actions, très en deçà des besoins
potentiels des populations, comme déjà évoqué plus haut.

Le défi de la maitrise de l’aménagement urbain passe aussi par la réduction de la


détérioration avancée de l’environnement urbain. En effet, quoi qu’on dise, l’urbanisation
rapide a forcément des impacts majeurs sur la qualité de l’environnement urbain. La qualité
de vie des populations vivant en milieu urbain dépend pour beaucoup de la capacité des villes
à leur procurer un environnement sanitaire de qualité. La gestion des déchets solides est au
cœur de cette problématique. Mettre en place un système de gestion et de traitement efficace
des déchets, est un des défis majeurs d’une bonne gestion urbaine et répondrait à un souci de
protéger un environnement en danger, dû à la densité démographique et industrielle. C’est en
cela qu’il faut saluer l’adoption par l’Assemblée Nationale du Burkina Faso le 20 mai 2014,
d’une loi interdisant la production, l’importation, la commercialisation et la distribution des
emballages et sachets plastiques non biodégradables, faisant ainsi son entrée dans le cercle
encore restreint des pays africains, ayant légiféré en bonne et due forme sur cette question du

167
Selon le Programme des Nations Unies pour les Etablissements Humains (PNUEH), également appelé ONU-
Habitat, une agence onusienne spécialisée, créée en 1978 et dont le siège est à Nairobi, au Kenya, 72 % des
citadins d’Afrique subsaharienne vivent dans des bidonvilles, ce qui classe la région au deuxième rang dans ce
domaine après l’Asie centrale méridionale.

92
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

péril plastique168. Le délai des six mois comme période transitoire, devrait permettre aux
principaux concernés d’écouler leurs stocks résiduels et de se conformer à l’usage des
emballages plastiques biodégradables. Mais les difficultés résideront beaucoup plus dans
l’application de cette loi, dont le début est prévu pour janvier 2015.

Enfin, de notre point de vue, le dernier défi majeur pour les autorités, centrales
notamment, est de travailler à réduire le fossé abyssal qui sépare les villes capitales au reste
des autres collectivités. En effet, l’urbanisation accélérée due au fort taux de croissance
incontrôlée se traduit, il est vrai, par des problèmes de besoins en équipements et services
essentiels, d’assainissement, d’habitat, d’emploi, bref de la qualité de la vie, dans les villes
capitales. Mais elle s’illustre aussi par le fait que ces grandes villes, à elles seules, concentrent
toutes les fonctions économiques, politiques et administratives et constituent, de ce fait, de
véritables écrans au développement des autres villes intérieures. La suprématie de ces
métropoles (Ouagadougou et Bobo-Dioulasso notamment) est telle qu’on a l’impression que
le pays n’a de véritables villes que ces capitales, politique ou économique, préjudiciable
pourtant aux activités économiques qui ne peuvent s’épanouir pleinement sans un minimum
d’organisation spatiale. Le territoire national se doit d’être aménagé en fonction des avantages
comparatifs des différentes régions, d’autant plus que l’aménagement du territoire est par
définition, une régulation, une répartition des hommes et de leurs activités en fonction des
avantages et des contraintes des localités. Il faut arriver à faire de la région au Burkina Faso,
« un véritable pôle de croissance et de développement, au triple plan économique, social et
environnemental »169. D’ailleurs c’est ce que la loi portant Code général des collectivités
locales au Burkina indique du rôle de la région : « la région a vocation à être un espace
économique et un cadre adéquat d'aménagement, de planification et de coordination du
développement »170. S’il est vrai que beaucoup d’efforts sont entrepris ces derniers temps pour
réduire ce hiatus entre capitales politiques et villes de l’intérieur, il reste qu’ils sont
véritablement marginaux171. Les défis en milieu rural ne sont pas les moins importants.

168
Cf. Le faso.net, Journal en ligne du 22 mai 2014, Interdiction de sachets plastiques au Burkina : Première
bataille gagnée par S. OUEDRAOGO, Ministre de Chargé l’Environnement.
169
Cf. I. COMPAORE, L’évolution du droit de l’aménagement du territoire au Burkina Faso, Mémoire de
DEA/DGCL à l’Université Gaston Berger, 2012-2013, P 90.
170
Art 15 de la loi n°055-2004/AN du 21 décembre 2004 portant code général des collectivités territoriales au
Burkina Faso.
171
Les efforts étatiques ces dernières années sont tournés, vers la construction, et seulement dans les chefs-lieux
des régions, d’infrastructures d’habitations. Cela, par le moyen de la ‘’décentralisation’’ des cérémonies
commémoratives, dans toutes les régions, de la fête de l’indépendance chaque 11 décembre. Ainsi, l’Etat, la

93
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

B. La sécurisation foncière en milieu rural

Les échecs successifs de la politique foncière au Burkina Faso notamment la loi de


1996 (qui était restée silencieuse sur le régime des terres rurales non aménagées), du fait aussi
qu’elle n’avait pas su anticipé l’arrivée des nouveaux acteurs fonciers, les « agro
businessmen », ont conduit le pays à revoir sa législation domaniale et foncière, notamment
rurale. En effet, la situation en ce milieu, était restée longtemps marquée par une insécurité
juridique non propice à une occupation productive des terres. Aussi du fait de
l’analphabétisme et du poids des traditions et habitudes sociales, le réflexe des acteurs
fonciers ruraux n’a pas toujours été porté vers la preuve écrite. Seule une infime minorité
s’avisait d’obtenir un permis d’exploiter ; la grande majorité des acteurs ne disposant d’aucun
titre leur permettant de se prémunir contre d’éventuels troubles juridiques. La politique
nationale de sécurisation foncière en milieu rural, qui a consacré en fait la loi sur le régime
foncier rural de 2009, devrait permettre, dans ses enjeux, l’accès équitable et sécurisé à la
terre, la promotion de la paix et le renforcement du cadre institutionnel de la gestion foncière.

Dans le but de mettre un terme aux nombreux risques d’insécurité foncière, d’autant plus que
le problème n’est pas tant un manque de terre mais plutôt une question d’organisation et de
répartition rationnelle des superficies exploitables, la loi s’est donnée pour objet principal, le
renforcement de la sécurisation des acteurs fonciers ruraux et la promotion des
investissements en milieu rural. Pour ce faire, les innovations majeures apportées par cette
loi, sont la reconnaissance de la possession foncière rurale qui confère à son titulaire un titre
d’occupation (Attestation de possession foncière rurale), la création de structures de gestion
foncière au niveau local (les services fonciers ruraux, les commissions foncières villageoises,
les commissions de conciliation foncière etc.) et au niveau national, la création d’une agence
nationale des terres rurales.

La possession foncière rurale est définie comme le pouvoir de fait légitimement exercé sur
une terre rurale en référence aux us et coutumes foncières locaux. Cette possession foncière
rurale peut être exercée à titre individuel ou collectif. Elle est exercée à titre individuel
lorsque la terre qui est en fait l’objet relève du patrimoine d’une seule personne,

Région, en tant que collectivité territoriale, les fils-ressortissants de la localité, investissent dans les
infrastructures afin d’embellir la ville pour mieux accueillir les différents hôtes. Seulement, il faut souligner que
ce qu’il faut au Burkina Faso est plus qu’un développement lié aux manifestations d’ordre cérémonial.

94
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

ou à titre collectif lorsque la terre concernée relève du patrimoine commun de plusieurs


personnes, notamment d’une famille.

Pour plus de transparence, les faits de possessions foncières sont constatés par deux moyens :
d’abord la reconnaissance unanime de la qualité de propriétaire de fait d’une personne ou
d’une famille sur une terre rurale par la population locale, notamment les possesseurs voisins
et les autorités coutumières ; ensuite de la mise en valeur continue, publique et non
équivoque, et à titre de propriétaire de fait pendant trente ans au moins, de terres rurales aux
fins de production rurale. Tout détenteur d’une attestation de possession foncière rurale
(APFR)172 peut demander la délivrance d’un titre de propriété de sa terre rurale. Quant aux
transactions foncières, les prêts de terres rurales sont reconnus ; toutefois, qu’ils soient
verbaux ou écrits, la commission foncière villageoise doit en être informée pour le faire
enregistrer par la commune. Les locations simples de terres sont également reconnues mais
elles ne sont possibles en deçà de cinq ans. En ce qui concerne les ventes, dans l’objectif de
lutter contre la spéculation foncière, elles sont règlementées comme suit : de 0 à 10 hectares,
elles sont libres à condition de prouver légitimement et légalement qu’on est propriétaire, et
que la vente est un consensus de l’ensemble des ayants droits y compris le ou la conjointe. A
partir de 10 à 50 hectares, il faut l’autorisation du conseil municipal ; de 50 à 100 hectares le
vendeur doit avoir l’autorisation en même temps du ministre qui s’occupe des terres et celui
qui s’occupe de l’activité que veut mener l’entrepreneur rural. Enfin au-delà de 100 hectares,
seul le conseil des ministres est compétent pour autoriser la cession.

Cinq ans après l’adoption de la loi sur le foncier rural, quel bilan peut-on faire de son
application ? En d’autres termes, quels sont les enjeux et les défis actuels de la sécurisation
foncière rurale au Burkina Faso ? A ce jour (octobre 2014), 19 décrets d’application de la loi
ont été adoptés, sur un total de 23 prévus, on peut donc dire que « L’arsenal juridique en
matière du foncier rural au Burkina Faso est presque complet »173. Des actes et outils

172
Est-ce que l’APFR, en tant que document officiel, permet-elle d’avoir des prêts au niveau des institutions
financières comme les banques? L’Attestation de Possession Foncière Rurale est sur le plan légal, un document
qui a la valeur d’un titre de jouissance, lequel ne donne pas en principe un pouvoir de propriété. Cela veut dire
que son acquisition n’a pas exigé une procédure de bornage et d’enregistrement (immatriculation) dans le livre
foncier. Or, l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) impose aux
banques de n’accepter que l’hypothèque des terres immatriculées. Donc, l’APFR n’est pas suffisant pour avoir
un prêt dans les institutions financières comme les banques, c’est là une limite considérable, de notre point de
vue, de ce document de sécurité.
173
Blaise YODA, Directeur de la Législation, de la Réglementation et de la Sécurisation foncière au ministère de
l’Agriculture et de la Sécurité Alimentaire.

95
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

d’application de la loi sont également disponibles. L’application expérimentale dans quarante-


sept communes du pays a permis que différentes structures locales de gestion foncière soient
mises en place : le Service foncier rural (SFR) à l’échelle communale, la Commission
foncière villageoise (CFV), la Commission de Conciliation foncière villageoise (CCFV). Quid
de l’accaparement indu des terres des paysans ? S’il est vrai que la mise en œuvre n’est pas
suffisamment avancée pour permettre une telle appréciation (plusieurs structures prévues par
la loi n’étant pas encore mis en place), on peut quand même reconnaitre que « cette loi a eu le
mérite de décourager les trafiquants de terres rurales. Beaucoup de gens aujourd’hui hésitent
à engager des sommes importantes pour acheter des terres parce qu’ils savent qu’ils risquent
de perdre leur argent »174. Aussi, la loi en elle-même, marque un véritable tournant dans la
gestion des terres. On passe ainsi « d’une gestion informelle non documentée à une gestion
foncière documentée qui donne le départ d’une sorte de cadastre, d’un historique des
parcelles en milieu rural. Cela est très important pour la gestion des conflits fonciers »175. On
note également un début d’apprentissage de la mise en œuvre de la loi dans les 47 communes
pilotes puisse que les populations comprennent de mieux en mieux l’importance de la
sécurisation foncière. La loi a permis une prise de conscience sur l’importance de la ressource
terre. Cependant, si le Burkina Faso semble être l’un des pionniers dans la sous-région ouest
africaine à consacrer une telle loi, la difficulté majeure demeure sa mise en œuvre car
confrontée à un certain nombre de défis parmi lesquels des problèmes de coordination liés à la
multiplicité des intervenants. A ces problèmes de coordination, il faut ajouter surtout le
manque de ressources disponibles pour la mise en œuvre de cette loi. Son application
repose « à près de 99% sur les communes, or ces dernières ne disposent pas des ressources
nécessaires »176

174
REMI T. TEBI, Maire de la commune rurale de Cassou dans le centre-ouest du Burkina Faso, très convoitée
pour ses réserves foncières et forestières, cité dans le Bimestriel septembre- octobre 2014, de SOS-FAIM, Défis
–Sud, Dossier P13.
175
OUEDRAOGO SAYOUBA, consultant en foncier et administrateur général du bureau d’études Géo-
Services et Développement (GSD), cité dans le bimestriel septembre- octobre 2014, de SOS-FAIM, Défis –Sud,
Dossier P15.
176
Opt. Cité, p15.

96
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

CONCLUSION

Au terme de notre étude, nous pouvons retenir que la construction des collectivités
locales au Burkina Faso et leur reconnaissance comme véritables entités territoriales disposant
de pouvoirs autonomes et des biens propres, a connu plusieurs étapes. Il y’a d’abord la
période d’exclusion qui correspond à la période au cours de laquelle les collectivités locales,
bien qu’existantes n’étaient détentrices d’aucun véritable pouvoir : c’est la période coloniale
et même d’après indépendance. Il s’agit ensuite de la période correspondant à une grande
responsabilisation de ces collectivités en tant que nouveaux acteurs du développement à la
base, qu’il convient de promouvoir. A partir des années 1995, et ce jusqu’à maintenant, les
collectivités locales au Burkina Faso acquièrent un statut considérable dans le paysage
institutionnel national. Mieux, de plus en plus, par les compétences qui sont désormais les
leurs et les biens qui sont mis à leur disposition, une certaine maturité semble leur être
reconnue. Les textes juridiques qui reconnaissent un tel statut aux collectivités locales sont
des plus divers et variés. C’est dans cette logique que les collectivités territoriales disposent
d’un domaine foncier propre à elles et qu’elles sont amenées à gérer avec la plus grande
efficacité. En pratique, cette maturité de plus en plus affirmée des Collectivités locales se
devrait d’être confirmée tant au niveau institutionnel que fonctionnel, notamment dans la
gestion des ressources mises à leur disposition. Ce, d’autant plus que les enjeux d’une gestion
efficiente du patrimoine foncier local, en termes de richesses à pourvoir, sont énormes.
Seulement, pour plusieurs raisons les collectivités locales n’arrivent pas à surmonter les
écueils qui se dressent devant elles. Pire ces dernières, à travers certains élus locaux, se sont
tellement illustrées dans une gestion très préjudiciable de la ressource sol. Les raisons d’une
telle situation sont à rechercher tant dans les difficultés matérielles, managériales et juridiques
que rencontrent les collectivités dans leur gestion domaniale.

Du point de vue matériel et managérial, il s’agit d’incriminer d’une part l’exécution


limitée de la législation domaniale et foncière constatée depuis les premières lois portant
RAF, qui a eu pour conséquence notable l’absence d’un cadastre et d’un système foncier
fiable et d’autre part la persistance condamnable de la spéculation foncière rurale et urbaine.
S’il y’a un domaine où la gestion foncière a failli, c’est bien de n’avoir pas su juguler et
réduire à sa plus simple expression le phénomène de la spéculation foncière urbaine et du
bradage des terres rurales. Du point de vue théorico-juridique, il faut noter les contraintes
tenant à la tutelle administrative, à l’affectation et au régime de la domanialité publique. La

97
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

tutelle dans le dispositif juridique actuel constitue, à n’en pas douter un obstacle dans la
gestion locale.

Toutes ces contraintes, insuffisances et difficultés ont pour conséquences le fait d’accroitre les
risques de conflits sociaux (notamment fonciers) entre populations, et surtout un manque
financier important à gagner par les collectivités, détentrices d’un vaste domaine foncier.

Le grand défi des collectivités territoriales publiques, l’Etat en premier, demeure donc
la question de l’effectivité du droit de la gestion domaniale et foncière qui, bien que
laborieusement élaboré se retrouve en déphasage total avec la réalité du terrain. Il faut une
application rigoureuse et rationnelle de la règlementation domaniale, qui passe par la mise à
disposition des instruments indispensables de gestion comme le cadastre. L’autre défi majeur
concerne la maitrise de l’aménagement du territoire urbain et la sécurisation foncière en
milieu rural. Il est vrai que de plus en plus les autorités centrales mettent à la disposition des
grandes communes urbaines, les Schémas Directeurs d’Aménagement et d’Urbanisme
(SDAU), qu’elles imposent le respect, et travaillent parallèlement, sous les auspices de
certains partenaires (le MCA notamment), à une plus grande sécurisation foncière en milieu
rural. Mais force est de constater qu’en la matière, la volonté, seule, bien que nécessaire, ne
saurait être suffisante. Si tel est que le développement local équilibré des territoires, à travers
leur aménagement adéquat semble devenir un enjeu fondamental et un leitmotiv politique, la
volonté doit s’accompagner d’actes concrets. Les politiques nationales d’aménagement du
territoire (PNAT) et de sécurisation foncière (loi portant régime foncier rural de 2009) dont
l’objectif essentiel est la maitrise de l'aménagement urbain, l’accès équitable et sécurisé à la
terre, la promotion de la paix sociale et le renforcement du cadre institutionnel de la gestion
foncière, doivent tenir leurs promesses. En même temps, il faut travailler sérieusement à
extirper nos collectivités, surtout rurales, de l’immobilisme économique et social dans lequel
plusieurs d’entre elles sont plongées, et cela passe indubitablement en grande partie par la
maitrise de l’administration foncière. Pour l’heure, bien qu’il puisse paraitre malséant de
dresser un bilan global de la gestion foncière locale, seulement deux ans après la dernière
RAF, un examen à mi-parcours donne un résultat mitigé.

On est bien partagé entre l’espoir d’une gestion dynamique et efficiente du foncier
local et l’amertume de la continuité de certaines tares, si bien qu’il y’a lieu de se demander si
dans de telles circonstances, une telle gestion du domaine foncier local peut-elle véritablement

98
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

et efficacement impacter le développement harmonieux des collectivités territoriales


burkinabè ?

99
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

BIBLIOGRAPHIE GENERALE

OUVRAGES GENERAUX

 ALLISOUTIN ROSNERT (L), 2008, Les défis du développement local au Sénégal,


CODESRIA, 176p.
 CHAPUS (R), Droit Administratif Général, Tome 2, 11e édition, Montchrestien,
1998, 748p.
 DE LAUBADERE (A), VENEZIA (J C), GAUDEMET (Y), Traité de Droit
Administratif, Tome 2, 8e édition, LGDJ, 1986, 515p.
 DE LAUBADERE (A), VENEZIA (J C), GAUDEMET (Y), Traité de Droit
Administratif, Tome 2, 9e édition, LGDJ, 1992, 693p.
 DIAGNE (M), Le Droit des Collectivités Locales en Afrique, L’exemple du Sénégal,
Panafrika, Silex/Nouvelles du Sud, 2e édition, 2011, 247p.
 DIALLO (I), Le Droit des Collectivités Locales au Sénégal, L’Harmattan,
2007,378p.
 FAURE (B), Droit des collectivités territoriales, Dalloz, 1ere édition, Précis, Coll.
Droit public et Science Politique, 2009, 701p.
 LE ROY (E), 1997, La sécurité foncière dans un contexte africain de
marchandisation imparfaite de la terre, in Terre, terroir, territoire. Les tensions
foncières, Coll. Dynamiques des systèmes agraires, Paris, ORSTOM, 455 pages.
 MICHEL (V), Le Droit des Collectivités territoriales, Collection MAJOR, 1ere
édition, 2005,312p.
 PETIT (J), Les Collectivités Locales, Mélanges en l’honneur de Jacques MOREAU,
Economica, 2003, 491p.

OUVRAGES SPECIFIQUES
 AUBY J-M, BON (P), AUBY JEAN (B), TERNEYRE (P), Droit administratif des
biens, Précis, 6e édition, Dalloz 2011, 742p.
 AUBY J-M, BON (P), Droit administratif des biens, Domaine, travaux publics,
expropriation pour cause d’utilité publique, Précis, 3e édition, Dalloz, 1995,
 DEGOFFE (M), GODFRIN (P), Droit administratif des biens, Domaine, travaux,
expropriation, 9e édition, Sirey, 2009,499p.

100
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

 DIOP (D), Décentralisation et Gouvernance locale au Sénégal, Quelle pertinence


pour le développement local? L’Harmattan, 2006, 267p.
 DUFAU (J), Le domaine public, Tomes 1,2 4e édition, Le Moniteur, Coll. L’Actualité
Juridique, 1993, 462p.
 GODFRIN (P) Droit administratif des biens, 4e édition, Masson, Droit et Sciences
Economiques, 1994, 412p.
 GODFRIN (P) Droit administratif des biens, 6e édition, Arman Colin, 2004, 504p.
 MORAND-DEVILLIER (J), Cours de droit administratif des biens, Cours, Thèmes
de réflexion, Commentaires sur l’expropriation et les travaux publics, 3e édition,
Montchrestien, 2003 P10-350,840p.

THESES ET MEMOIRES

 CAMUS AURELIEN, « Le pouvoir de gestion du domaine public», Thèse,


Université Paris Ouest Nanterre La Défense, 2013, 713p.
 COMPAORE INOUSSA, « Evolution du droit de l’aménagement du territoire au
Burkina Faso », Mémoire DEA/UGB 2012-2013,104p.
 DABONE PAUL, « Quelle législation foncière comme outil de cohésion sociale et de
développement économique, adaptée aux réalités socio -culturelles du Burkina » ?
Mémoire de fin d’études, ENAREF, 2008, 96p.
 DARGA BASILE, « Les moyens fonciers de la décentralisation au Burkina Faso »,
Mémoire de Master Spécialisé, Toulouse 2004, 103p.
 ILBOUDO YELBA PATRICE, « Le développement local face à la politique de
décentralisation » Mémoire Master II, Université de Ouagadougou, 2009, 83p.
 OUEDRAOGO NOUFOU, « La décentralisation et la gestion du domaine public au
Burkina Faso » ENAREF Ouagadougou, Mémoire de fin d’Etudes, 2007, 95p.
 OUOBA CLARISSE, « L'occupation du domaine public par le secteur informel au
Burkina Faso », Mémoire de Maîtrise, Faculté de Droit de l'Université de
Ouagadougou, 1994,87p.
 RHOUALEM SIHAM, « Les biens des collectivités locales et la décentralisation »,
Mémoire Master II, Université Mohammed V, Faculté des Sciences Juridiques et
Sociales, 2010, 112p.

101
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

 SAMBA AMINETA SARR, « La domanialité des biens de l’Administration


publique à l’épreuve des régimes fonciers traditionnels : ‘’le cas du Mali’’ »,
Université de Grenoble, Thèse 2012, 495p.

RAPPORTS, ETUDES ET SEMINAIRES

 Etude diagnostique pour la modernisation des secteurs du cadastre et des domaines au


Cameroun, Banque Africaine de Développement et Fonds Africain de
Développement, Novembre 2009, 65P.
 Gestion dynamique du patrimoine, « De nouvelles marges de manœuvre pour les
villes moyennes », Fédération des Maires des Villes Moyennes de France, Septembre
2008, 117p.
 Gouvernance foncière et sécurisation des droits dans les pays du Sud, Synthèse du
Livre blanc des acteurs français de la Coopération, Septembre 2008, 35p.
 La gestion dynamique du patrimoine des collectivités locales en France, Commission
Secteur Public Lyon Place Financière et Tertiaire, Juin 2008, 102p.
 Rapport final de l’Étude sur la Gouvernance du foncier agro-sylvo-pastoral dans les
régions de Louga, Saint-Louis et Matam, Conseil des Organisations Non
Gouvernementales d’Appui au Développement (CONGAD), Novembre 2012, 187p.
 Séminaire Régional sur « Gérer le foncier rural en Afrique de l’Ouest », Gorée,
Sénégal, UGB/GRET (Groupe de Recherche et d’Echanges Technologiques), 18-22
Novembre 1996, 364p.

ARTICLES

 AURORE (M), CECILE (B), Quelles politiques foncières en Afrique subsaharienne:


Défis, acteurs et initiatives contemporaines, Janvier 2012, publié dans la revue Grain
de sel, 22p.
 DEVOLVE (P), « Le code général de la propriété des personnes publiques (CG3P),
regards extérieur sur le code », RFDA, sept-oct. 2006, Dossier, P899 et svts.
 FATOME (E), « A propos des bases constitutionnelles du droit du domaine public »,
AJDA, 2003, Dossier, P1192-1200 ;
 FATOME (E), « La consistance du domaine public immobilier : évolutions et
questions », AJDA mai 2006, Dossier, P1087-1093.

102
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

 FATOME (E), « Le régime juridique des biens affectés au service public, à propos de
la décision du Conseil Constitutionnel du 14 avril 2005 », AJDA, janvier 2006, P178-
183.
 GAUDEMET (Y), « La circulation des propriétés publiques », JCP N° 2006, étude
n°1343.
 GAUDEMET (Y), « Les droits réels sur le domaine public », AJDA, mai 2006,
Dossier, P1094-1097.
 GAUTRON (J.C) et ROUGEVIN (M), « Droit public du Sénégal », Paris, Pedonne,
1977, p.133.
 KAMBOU G. (B) « La décentralisation au Burkina Faso : Mythe ou réalité ? » In
Revue burkinabè de droit, Imprimerie Presses Africaines, n°14- juillet 1988, P 380.
 LAGET-ANNAMAYER (A), « Occupation du domaine public et intérêt général :
d’un pouvoir de gestion étendu des autorités domaniales à une liberté d’action
encadrée », AJDA, 2003, Dossier, P1202 ;
 LASSERVE A. (D), « Conditions de mise en place des systèmes d'information
foncière dans les villes d’Afrique sub-saharienne francophone », Publié pour le
Programme de gestion urbaine par la Banque mondiale, Washington, D.C. p 20.
 LLORENS (F) et SOLER COUTEAUX (P), « Les occupations privatives du
domaine public : un espoir déçu », in RFDA 2006, P935 et svts.
 MAUGUE (C) et BACHELIER (G), « Genèse et présentation du Code général de la
propriété des personnes publiques (CG3P) », AJDA, mai 2006 Dossier P1073-1086.
 MAYLIS (D), « L’inaliénabilité du domaine public, de la nécessité de revoir la règle
de l’indisponibilité des dépendances domaniales entre personnes publiques », AJDA
2006, P238-246.
 MELLERAY (F), « Définitions et critères du domaine public », RFDA sept-oct.
2006, P906-915.
 OUATTARA (J.M), Présentation sur : La problématique de la gestion foncière, quels
rôles pour les collectivités territoriales, 29 avril 2010.
 OUEDRAOAO (G), « La problématique de la décentralisation en milieu rural au
BF », in Décentralisation en Afrique de l'ouest : Entre politique et développement,
2003, pp 296-297.

103
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

 PAMPHILE (S), « Acteurs et enjeux de la décentralisation et du développement


local: Expérience d'une commune du Burkina Faso », Document de réflexion ECDPM
n°21, novembre 2000 45p.
 PEYRICAL JEAN (M), « Le transfert des biens entre collectivités publiques : pour
un assouplissement du droit de la domanialité publique », AJDA, novembre 2002,
P1157-1162.
 PISIANI (C) et BOSGIRAUD (C), « Premières réflexions sur le Code général de la
propriété des personnes publiques », AJDA 2006, P1099.
 SAWADOGO (S) « La nécessité d’organisation du droit de propriété : la politique de
la sécurisation foncière du gouvernement du Burkina-Faso » in Revue juridique et
politique des Etats francophones, Editions JURIS AFRICA, 2009, P364-375.
 SAWADOGO RAOGO (A), « Etat, pouvoir et citoyenneté en Afrique », in
Décentralisation en Afrique de l'ouest : Entre politique et développement, 2003 p96.
 TARDIVEL BORIS, « L’indépassable théorie des mutations domaniales », AJDA,
2003, Dossier, P1209-1214

LEGISLATION

 Ordonnance n°83-020 du 1er novembre 1983 portant réorganisation de


l’administration territoriale de la République de Haute-Volta.
 Zatu177 n° 84 050/CNR/PRES du 4 août 1984, portant Réorganisation Agraire et
Foncière, c’est le premier véritable texte sur le foncier depuis les indépendances ;
 Constitution du 02 juin 1991 ;
 Zatu nº AN VIII-0039 BIS-FP-PRES du 4 juin 1991 portant Réorganisation Agraire et
Foncière au Burkina Faso ;
 Ordonnance n° 91-0048 du 7 août 1991 portant organisation de l’administration du
territoire au Burkina Faso durant la période de transition ;
 Loi n° 014/96/ADP du 23 mai 1996 portant Réorganisation Agraire et Foncière au
Burkina Faso ;
 Loi n° 005/97/ADP du 30 janvier 1997 portant Code de l’Environnement ;
 Décret n° 97-054/PRES/PM/MEF du 6 février 1997 portant conditions et modalités
d’application de la RAF ;
 Loi n° 041/98/AN du 6 août 1998, portant Organisation de l’administration ;

177
C’est l’ordonnance sous la Révolution de 1983, qui avait force de loi.

104
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

 Loi n° 042/98/AN du 6 août 1998, portant organisation et fonctionnement des


collectivités locales ;
 Loi n° 002-2001/AN du 8 février 2001 portant loi d’Orientation relative à la Gestion
de l’Eau
 Loi n°034-2002/AN du 14 novembre 2002 portant loi d’Orientation relative au
Pastoralisme ;
 Loi n° 055-2004/AN du 21 décembre 2004 portant Code Général des Collectivités
Territoriales au Burkina Faso ;
 Loi n° 017-2006/AN du 18 mai 2006 portant Code de l’urbanisme et de la
construction.
 Décret du 26 juillet 1906 portant réorganisation de la propriété foncière en Afrique
occidentale française ; Décret du 26 juillet 1932 portant réorganisation de la propriété
foncière en AOF. Ces deux décrets instituent l’immatriculation comme procédure de
création de la propriété foncière et le titre foncier comme acte manifestant la propriété
foncière.
 Décret du 15 novembre 1935 portant réglementation des terres domaniales en AOF ;
 Décret du 8 octobre 1925 instituant mode de constatation des droits fonciers indigènes
en AOF. Ce décret crée les régimes fonciers transitoires du certificat administratif et
du livret foncier ;
 Kiti178 n° 85-404/CNR/PRES du 4 août 1985, portant application de la
Réorganisation Agraire et Foncière au Burkina Faso ;
 Décret n°2007-032/PRES/PM/MATD du 22 janvier 2007 portant organisation,
composition et fonctionnement des Conseils Villageois de Développement (CVD) ;
 Décret n° 2007-610/PRES/PM/MAHRH du 4 octobre 2007 portant adoption de la
Politique nationale de sécurisation foncière en milieu rural ;
 Loi n° 034-2009/AN du 16 juin 2009 portant régime foncier rural au Burkina Faso ;
 Loi n° 034-2012/AN du 2 juillet 2012 portant Réorganisation Agraire et Foncière au
Burkina Faso ;
 Décret n° 2012-1042/PRES/PM/MEF/MATDS du 31 décembre 2012 portant fixation
de la taxe pour délivrance de l’Attestation de Possession Foncière (APF);

178
C’est le décret sous la Révolution de 1983.

105
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

 Décret n°2014-156/PRES/PM/MATD/MEF du 10 mars 2014 portant création,


attribution, organisation et fonctionnement des Agences régionales de développement
(ARD) ;
 Décret no 2012-263/PRES/PM/MATDS/MJ/MAH//MRA/MEDD/MEF du 3 avril
2012 portant distribution, composition, organisation et fonctionnement de la
Commission de conciliation foncière villageoise (CCFV).
 Kiti nº AN 0328 TER-FP-PLAN-COOP du 4 juin VIII- 1991 portant application de la
Réorganisation Agraire et Foncière au Burkina Faso ;
 Décret n° 2010-403/PRES/PM/MAHRH/MRA/ MECV/MEF/MATD du 29 juillet
2010 portant conditions particulières applicables aux cessions de possessions
foncières rurales ;
 Décret no 2010-404/PRES/PM/MAHRH/MRA/MECV/MEF/MATD du 29 juillet
2010 portant attributions, composition, organisation et fonctionnement des structures
locales de gestion foncière ;
 Décret-loi n° 55-580 20 mai 1955 portant réorganisations foncières et domaniales en
AOF et AEF. Loi n°77/60/AN du 12 juillet 1960 portant réglementation des terres du
domaine privé ;
 Décret n° 2006-209/PRES/PM/MATD/MFB/MS/MEBA/MASSN/MJE/MCAT/MSL
du 15 mai 2006 portant transfert des compétences et des ressources aux communes
urbaines, dans les domaines du préscolaire, de l’enseignement primaire, de la santé, de
la culture, de la jeunesse, des sports et des loisirs ;

SITES INTERNET UTILES


 www.légiburkina.bf
 www.sig.gov.bf
 www.hubrural.org
 www.justice.gov.bf
 www.foncier-developpement.fr
 www.droit-afrique.com
 www.legifrance.gouv.fr
 www.sggcm.gov.bf

106
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

Table des matières

Dédicaces ................................................................................................................................... 1
Remerciements ........................................................................................................................... 2
Sommaire ................................................................................................................................... 3
INTRODUCTION GENERALE................................................................................................ 6
PREMIERE PARTIE : LE CADRE JURIDIQUE ET INSTITUTIONNEL DE LA
GESTION DU DOMAINE FONCIER LOCAL ............................................................... 15
Chapitre 1er : La consécration juridique d’un domaine foncier local ...................................... 15
Section 1ère : La genèse de la reconnaissance aux collectivités territoriales d’un domaine
foncier propre ........................................................................................................................... 16
Paragraphe 1er: La lente reconnaissance des collectivités territoriales comme détentrices d’un
domaine foncier propre .......................................................................................................... 16
A : Une difficile émergence des collectivités territoriales sous la colonisation ....................... 16
B. La réorganisation imparfaite du territoire après les indépendances .................................... 18
Paragraphe 2ème: La consécration d’un domaine foncier propre des collectivités territoriales 21
A. Le tournant du processus démocratique des années 1990 ................................................... 21
B. L’affermissement des compétences des collectivités territoriales. ..................................... 23
Section 2ème: La consistance du domaine foncier local au Burkina-Faso ................................ 24
Paragraphe 1er: Le domaine public immobilier des collectivités territoriales .......................... 24
A. Les critères de la domanialité publique des biens ............................................................. 25
B. Un domaine public théoriquement vaste ............................................................................. 28
Paragraphe 2ème : Le domaine privé immobilier des collectivités territoriales ..................... 29
A. La notion de domaine privé immobilier local .................................................................. 30
B. La composition du domaine privé immobilier local ......................................................... 32
Chapitre 2ème: Le mécanisme juridico-institutionnel de gestion du domaine foncier local ..... 33
Section 1ère : Le dispositif juridique de gestion du domaine foncier local .............................. 34
Paragraphe 1er : La gestion du domaine public immobilier des collectivités territoriales ....... 34
A. Les modes de gestion du domaine public immobilier des collectivités territoriales ........ 34
B. Les mesures de protection du domaine public immobilier local ...................................... 37
Paragraphe 2ème : la gestion du domaine privé immobilier des collectivités territoriales ........ 40
A. Les modes de gestion et de protection du domaine privé immobilier. ............................. 40
B. Les titres de jouissance du domaine privé immobilier local ............................................. 42
107
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

Section 2ème : Le dispositif institutionnel de gestion domaniale et foncière locale ............... 44


Paragraphe 1er : Les structures de gestion du domaine foncier local. ..................................... 45
A. Les structures de gestion du domaine public immobilier local ......................................... 45
B. Les structures de gestion du domaine privé immobilier local .......................................... 47
Paragraphe 2ème: les instruments de gestion du domaine foncier local .................................... 48
A. Le système cadastral ......................................................................................................... 48
B. Les systèmes d’information foncière (SIF) ......................................................................... 51
DEUXIEME PARTIE : LA PROBLEMATIQUE DE LA GESTION EFFICIENTE DU
DOMAINE FONCIER LOCAL ........................................................................................... 54
Chapitre 1er: Les insuffisances dans la gestion du domaine foncier des collectivités
territoriales ............................................................................................................................... 55
Section 1ère : Les lacunes dans la gestion des collectivités de leur domaine foncier ............... 55
Paragraphe 1er: Une maitrise insuffisante du domaine foncier local ..................................... 55
A. L’absence d’un cadastre foncier fiable ............................................................................. 56
B. L’ignorance sur la nomenclature foncière ........................................................................ 57
Paragraphe 2ème : Une gestion inefficace du domaine foncier local ...................................... 59
A. La persistance de la spéculation foncière .......................................................................... 60
B. Des insuffisances dans l’aménagement urbain .................................................................... 63
Section 2ème : Les autres difficultés liées à la gestion du domaine foncier local ..................... 65
Paragraphe 1er : La faible application de la règlementation domaniale et foncière ................. 65
A. L’opérationnalisation insuffisante des structures de gestion du domaine foncier ............ 65
B. L’exécution limitée de la législation sur les outils et le régime foncier ........................... 67
Paragraphe 2ème: Les contraintes juridiques sur la valorisation du domaine............................ 71
A. La contrainte tenant à la tutelle administrative ................................................................. 71
B. La contrainte tenant à l’affectation et au régime de la domanialité publique ................... 73
Chapitre 2ème : Les implications d’une gestion déficiente du domaine foncier local et les défis
à relever .................................................................................................................................... 76
Section 1ère: Les implications socio-économiques et financières ............................................. 77
Paragraphe 1er : Les implications économiques et financières ................................................. 77
A. Une assiette fiscale défaillante et un recouvrement limité................................................ 77
B. Un manque financier considérable à gagner........................................................................ 79
Paragraphe 2ème: Les implications sociales .............................................................................. 80
A. La recrudescence des conflits fonciers ............................................................................. 81
B. La faible accessibilité aux services sociaux de base. ........................................................... 83

108
DEA/DGCL Contraintes et défis de la gestion du domaine foncier des CT au Burkina Faso

Section 2ème: Les défis de la gestion locale domaniale et foncière .......................................... 86


Paragraphe 1er: le souci d’une gestion rationnelle et efficiente du domaine foncier local ....... 86
A. L’application rigoureuse de la règlementation domaniale et foncière .............................. 86
B. La mise à disposition d’une information foncière fiable ..................................................... 89
Paragraphe 2ème : Le souci d’un développement local harmonieux à travers le foncier ........ 91
A. La maitrise de l’aménagement du territoire urbain ............................................................. 91
B. La sécurisation foncière en milieu rural ............................................................................. 94
CONCLUSION ........................................................................................................................ 97
BIBLIOGRAPHIE GENERALE ........................................................................................... 100

109

Vous aimerez peut-être aussi