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Krapo arboricole !

CATÉGORIE : ISLAM

Les arbres dans le Coran, le folklore musulman

L’arbre inversé en Islam

LE 8 JANVIER 2020 / PAR KRAPO ARBORICOLE

/ 6 COMMENTAIRES

Des illustrations inédites de l’arbre


Thoubaa [1], représenté ici en arbre
inversé.

Manuscrit turc T 464, folio 102r, 1798 –


conservé à la Chester Beatty Library.

Manuscrit turc T 463, folio 98, 1798,


conservé Chester Beatty Library.

Un grand merci aux équipes de la Chester


Beatty Library pour leur enthousiasme et
leur aide plus que précieuse.

Crédit Images: Chester Beatty. CC BY-NC


4.0

Une curiosité de l’enfer


musulman : l’arbre
Zaqqoum

LE 3 AVRIL 2014 / PAR KRAPO ARBORICOLE

/ 4 COMMENTAIRES

En découvrant la riche iconographie du


Mi’râdj nâmeh [1], la ressemblance entre
le Zaqqoum [2] , l’arbre infernal des
musulmans, avec deux arbres fabuleux
présentés sur le blog : l’arbre Waq Waq
[3] et l’arbre du Soleil et de la Lune [4],
était évidente. Mais comment aborder ce
thème sans s’en tenir au simple lien de
parenté stylistique ?

Laissez-vous conter ces trois arbres par


Anna Caiozzo (Maître de conférences,
Université de Paris), son étude vous
mènera des enfers au paradis, sur la trace
d’anciennes légendes et de cosmologies
primitives, de simples voyageurs jusqu’à
Alexandre le Grand ; une plongée à la
découverte de ce type d’arbres dans
l’imaginaire du monde musulman proche-
oriental.

Le Zaqqoum, arbre de l’enfer

En atteignant les tréfonds de l’enfer,


Muhammad, porté par al-Burâq et
précédé de l’ange Gabriel, arrive devant le
Zaqqoum, un arbre à trois grosses
branches dotés de très longues épines, où
se dressent en guise de fruits des têtes
d’animaux sauvages ou fabuleux dont
certains sont reconnaissables : dragon,
ours, serpent, lion, éléphant, panthère,
dromadaire, renard. Un démon à peau
bleue et aux yeux rouges, la tête auréolée
d’une flamme, à demi vêtu d’un pagne
orange, portant un collier, des anneaux
aux oreilles et aux poignets, en est le
gardien. Au pied de l’arbre se dresse un
brasier dans lequel des bourreaux coupent
la langue d’hommes agenouillés, des
docteurs de la loi dont les crimes furent de
tromper le peuple en buvant du vin et en
commettant de nombreux péchés.

L’arbre

Zaqqoum est donc une créature hybride,


un végétal zoomorphe, une sorte de
curiosité ou de merveille s’offrant au
voyageur de l’au-delà, qui peut
s’interroger sur la fonction exacte de son
aspect tératomorphe : est-il prodige ou
présage, fantaisie de l’artiste ou tourment
réel de l’eschatologie musulmane ?

Si par bien des aspects, les


représentations de ce voyage relèvent du
merveilleux inhérent au texte ou de
l’imagination personnelle de l’artiste
(forme et couleurs des anges, structure et
composition des cieux, types de démons),
l’arbre Zaqqoum, lui existe bel et bien,
tant dans le Coran que dans la réalité.

Concernant l’arbre, le texte qui


accompagne la miniature raconte :


Je vis au milieu de l’enfer un
arbre qui embrassait dans ses
dimensions un espace de cinq
cents ans de route. Ses épines
étaient comme des lances et ses
fruits ressemblaient à des têtes
de div (démons). Gabriel me dit
: « Cet arbre est le Zaqqoum dont
le fruit est plus amer que le
poison. Les habitants de l’enfer le
mangent, mais il ne reste pas
dans leurs entrailles qu’il ne fait
que traverser. »

Mais l’auteur ne précise pas à quelle


catégorie de pêcheurs sont destinés les
fruits de l’arbre. En revanche, d’autres
sources nous éclairent sur ce point : le
Coran cite le Zaqqoum comme étant
l’arbre maudit, il est ensuite présenté
comme un châtiment :


N’est-ce pas un meilleur lieu de
séjour que l’arbre de Zaqqoum
Nous l’avons placé Comme une
épreuve pour les injustes ; C’est
un arbre qui sort du fond de la
fournaise ; Ses fruits sont
semblables à des têtes de
démons. Les coupables en
mangeront Ils s’en empliront le
ventre Puis ils boiront un
mélange bouillant Et ils s’en
retourneront dans la fournaise.

L’artiste a respecté l’esprit du texte sacré


en représentant les fruits comme des têtes
d’animaux fabuleux, sans pour autant les
dessiner en démons. Serait-ce parce que
ces derniers sont les bourreaux officiels de
l’enfer ou parce qu’il s’inspire d’un modèle
d’arbre en particulier ? L’arbre Zaqqoum
dont les fruits brûlent l’estomac et
engendrent la soif est un tourment destiné
à une catégorie de pêcheurs mal identifiés
et dont on ne connaît pas les crimes
précis. Ibn ‘Abbâs dans sa relation du
Mi’râj donne une information
supplémentaire :


Puis je vis des femmes accrochées
par leurs cheveux dans l’arbre de
zaqqoum, de l’eau chaude se
déversant sur elles si bien que
leurs chairs se cuisaient, et je dis
: « Qui sont celles-là ? Ô mon
frère ! Ô Djibrail ! » Il dit : « Ce
sont des femmes qui absorbaient
des remèdes afin de tuer leurs
enfants, par crainte d’avoir à les
nourrir et à les élever ».

L’arbre de Zaqqoum aux fruits dangereux


aux propriétés abortives serait donc le
supplice des femmes infanticides, qui
avaient avorté, ou qui étaient susceptibles
de l’utiliser pour avorter, ce qui dénote un
lien direct entre le crime et le supplice
comme c’est le cas des autres supplices de
l’enfer musulman.

On pourrait penser à la vue de l’arbre


hybride, qu’il relève du registre des
animaux fabuleux tourmenteurs (tels les
scorpions géants ou les serpents
venimeux) appartenant aux temps
eschatologiques. or, d’un point de vue
naturaliste, au vu de la flore de l’Arabie de
l’époque du Prophète et des espèces
végétales croissant en milieu semi-
désertique, deux espèces végétales au
moins correspondent au Zaqqoum. Il
s’agit d’une part d’une variété d’euphorbe
résineuse cactoïde (euphorbia resinifera)
répandue au Maghreb, dont la sève,
irritante au contact de la peau, a des
propriétés purgatives avérées dans les
pharmacopées traditionnelles. L’autre
espèce végétale, qui s’en approche
davantage par l’aspect extérieur, serait la
variété d’acacia capparis spinosa, un
câprier à grandes épines lui aussi très
répandu dans le monde méditerranéen et
dont les fruits oblongs présentent une
certaine analogie avec de petites têtes de
démons.

On
peut

remarquer que le Zaqqoum est l’une des


rares espèces végétales peuplant les
enfers, alors que les arbres abondent
comme il se doit au paradis. Le plus
notable est, à cet égard, son nom exact
contraire, l’arbre de la félicité appelé
Thoubaa et décrit comme étant le lotus ou
le jujubier de l’extrême limite, le Sidrat al-
Muntahâ. Il est l’arbre de vie par
excellence apparenté à l’arbre cosmique
ou axe du monde décrit entre autres par le
mystique Ibn ‘Arabi qui, lui, fait de l’arbre
de vie un rameau de l’arbre du monde :


Puis le Lotus de la Limite fut
déterminé comme étant l’un des
rameaux issus de cet Arbre sous
lequel se tient celui qui respecte le
service dû à cette branche […]

Cet arbre au pied duquel coulent les


quatre grands fleuves du paradis, dont les
branches sont d’émeraude et de perles,
porte des fruits exquis réservés aux
bienheureux. Il est à la limite du septième
ciel et on le représente souvent comme
étant inversé et ayant ses racines dans les
cieux.

On peut noter que les deux arbres sont


disposés en vis-à-vis, aux extrémités des
cieux et des terres (c’est-à-dire les enfers),
l’un étant l’arbre des supplices qui punit,
affame et assoiffe, l’autre l’arbre de vie et
d’éternité.

L’arbre Waq-Waq du royaume des


femmes

Le second arbre qui présente une analogie


visuelle avec le Zaqqoum est l’arbre Waq-
Waq dont, comme le dit fort justement
Marthe Bernus-Taylor dans la notice du
Catalogue L’étrange et le merveilleux en
terre d’Islam, s’inspire visiblement le

peintre du Zaqqoum. LIRE LA SUITE !

Mi’râdj nâmeh – Le Livre de


l’ascension du Prophète

LE 26 JUIN 2010 / PAR KRAPO ARBORICOLE

/ 20 COMMENTAIRES

Lorsque je vous avais présenté les arbres


dans le Coran [1], j’avais illustré mon
article d’une calligraphie de Lassaâd
Métoui car je n’avais pu retrouver de
représentation de ces arbres mythiques. Il
y a peu, sur le site de la Bibliothèque
Nationale de France, j’ai découvert un
magnifique manuscrit timouride, le
manuscrit supplément turc 190,
comportant deux textes rédigés en langue
turque tchaghataï et calligraphiés en
écriture ouighoure par le copiste Harû
Malek Bakhshi ; le premier intitulé Mi’râj
Nameh, est un texte anonyme
relatant L’Ascension céleste du Prophète
Muhammad, le second est un
compendium de biographies de soufis
célèbres, Le Mémorial des Saints du
persan Farid al-Din Attar. Ce manuscrit
fut copié à Hérat en Asie centrale en 1436
sous le règne du souverain timouride
Shâh Rukh, petit-fils du grand Timûr
Leng, mécène éclairé et amateur d’art.

Outre la remarquable qualité des


illustrations qui l’accompagnent, le texte
du Mi’râj Nâmeh est une traduction d’un
ouvrage persan intitulé Le chemin du
paradis. Les 57 miniatures, qui, pour
l’essentiel, n’ont jamais été étudiées,
retracent les étapes de l’ascension
nocturne du Prophète Muhammad
mentionnée dans quelques sourates du
Coran (XVII,1 et LIII).
Une nuit de l’an 618, l’ange Gabriel vint
chercher dans son sommeil le Prophète
Muhammad à La Mecque et, lui offrant
comme monture al-Burâq, l’accompagna à
Jérusalem, sur l’esplanade du temple de
Salomon ; après avoir été reçu par les
prophètes bibliques, ses prédécesseurs, il
s’envola vers les cieux depuis les rochers
dont les califes omeyyades firent un
martyrium, la Qubbat al-Sakhrah ou
Dôme du Rocher. Ascension mystique ou
voyage réel, les autorités religieuses du
monde musulman eurent du mal à se
prononcer sur ce point bien que
l’Ascension du Prophète demeure
fondatrice pour l’Islam.

Si le manuscrit supplément turc 190 nous


présente des éléments relevant du
merveilleux, voire issus de l’imagination
de peintre, d’autres sont des faits
reconnus de l’eschatologie musulmane et
mentionnés dans le Coran. Deux
enluminures ont retenu mon attention,
l’une décrit l’arbre Thoubaa, le sidrat al-
muntahâ (folio 73) ;

la seconde décrit l’arbre infernal, le


Zaqqoum, al-shajara al-mal’unâ (folio
112).

Si vous aimez les enluminures, découvrez


le site de l’association Enluminor, une
sorte de musée virtuel spécialement dédié
à l’enluminure ; vous verrez le choix de
pays, d’époques et/ou de manuscrits est
assez impressionnant, c’est par ici.

Sans oublier Mandragore, la collection


des manuscrits enluminés de la
Bibliothèque Nationale de France ;
actuellement la base de données contient
plus de 50.000 notices accompagnées
d’une image numérisée, à consulter par
ici.

Les arbres dans le Coran

LE 6 MAI 2010 / PAR KRAPO ARBORICOLE

/ 26 COMMENTAIRES

Le terme shajar (ashjâr au pluriel) désigne


dans le vocabulaire coranique aussi bien
les arbres proprement dits que tout
végétal, plus précisément « ce qui pousse
avec une tige grosse ou fine ». Certains
arbres sont désignés, comme l’olivier, le
palmier dattier, le grenadier, l’acacia et le
figuier, mais d’autres comme l’arbre du
paradis n’y sont pas identifiés.

Le Coran affirme qu’ils sont une grâce


dont Dieu a fait don aux hommes, grâce à
l’eau qu’il répand et qui est le plus souvent
associée à la vie. Cette grâce est de deux
ordres : elle est la manifestation
miraculeuse de la beauté et le don divin de
la subsistance accordée aux hommes. Les
arbres sont aussi le signe de l’impuissance
des hommes à produire d’eux-mêmes la
beauté de la nature, comme le rappelle la
sourate al-naml (27,60).

La Tradition considère que les végétaux


furent créés en troisième après la terre et
les montagnes, et comme toutes les choses
créées, les arbres sont supposés se
prosterner devant Dieu, se remémorer
Dieu et proclamer sa gloire. Ils ont parfois
été utilisés par le Prophète comme
métaphores pour décrire les hommes, et

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