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sur les marchés de l’énergie depuis l’été, comme si


l’invasion de l’Ukraine par la Russie et les sanctions
Ce choc énergétique qui vient
PAR MARTINE ORANGE
qui lui sont infligées en représailles ne bousculaient
ARTICLE PUBLIÉ LE JEUDI 3 MARS 2022 pas tout.

Près du champ de pétrole de Nahr Bin Omar, au nord de Des pêcheurs irakiens près du champ de pétrole de Nahr Bin Omar,
l’Irak, le 21 janvier 2021. © Photo Hussein Faleh / AFP au nord de l’Irak, le 21 janvier 2021. © Photo Hussein Faleh / AFP

Pétrole, gaz, électricité… les prix des énergies en En dépit de tout cela, les pays producteurs estiment
Europe explosent depuis l’invasion de l’Ukraine qu’il n’y a pas lieu de changer de cap. « Je ne pense pas
par la Russie. Les marchés paniquent. Et l’Europe que le marché soit sous-approvisionné actuellement.
commence à mesurer l’ampleur du piège russe dans Il y a d’autres facteurs qui ne dépendent pas de nous
lequel elle s’est laissé enfermer. Le choc économique qui touchent le marché »,avait justifié par avance
qui s’annonce pourrait être de la même ampleur que le ministre émirati de l’énergie, Suhail al-Mazrouei.
celui de 1973. « Il n’y a pas besoin de produire plus de barils
L’espoir était mince. Mais jusqu’au dernier moment que prévu », avait surenchéri le ministre nigérian du
Américains et Européens avaient escompté un geste, pétrole Timipre Sylva.
un léger fléchissement des pays producteurs membres Pour les économies occidentales, c’est le scénario noir.
de l’OPEP en soutien à leur politique de sanctions La sortie chaotique de deux ans de crise sanitaire
contre la Russie à la suite de l’invasion de l’Ukraine. provoquée par le Covid-19, doublée par une flambée
La réunion du 2 mars a douché leurs attentes : l’OPEP des prix de l’énergie depuis l’été, a fait renaître des
n’a pas bougé. poussées inflationnistes inconnues depuis plus de
Les Occidentaux n’ont pas réussi à détacher les pays 30ans. En février, les prix ont augmenté de 5,8 %
producteurs de pétrole de la Russie, devenue un acteur dans la zone euro, de 4,5 % en France, selon les
important de l’OPEP+ depuis 2014. Comme l’avaient statistiques publiées le 2 mars. Selon des estimations
laissé entendre l’Arabie saoudite et les Émirats arabes publiées ces derniers jours, l’Europe pourrait connaître
unis dès le 27 février, les membres du cartel pétrolier une inflation égale ou supérieure à 5 % tout au long
ont décidé de rester à l’écart des mesures de rétorsion de 2022.
décidées par les Occidentaux, et de refuser de se Mais tous ces calculs étaient avant. Avant la guerre en
substituer à la Russie en augmentant leur production Ukraine.
pétrolière afin de soulager les économies occidentales.
Un choc énergétique comparable à celui de 1973
L’Inde, l’Égypte, le Mexique, qui ne sont pas membres
du cartel, semblent prêts à se rallier à cette position En six jours, le cours du Brent, pétrole de référence
officielle de neutralité. sur les marchés européens, a augmenté de près de
30 % pour atteindre le 2 mars 113 dollars le baril. Le
Leur position se résume en un chiffre : ils
WTI, référence pétrolière sur les marchés américains,
n’augmenteront pas leur production de plus 400 000
a flambé dans les mêmes proportions et cote à plus de
barils par jour en avril, comme cela était prévu de
106 dollars le baril. Certains analystes annoncent déjà
longue date. Comme si l’offre permettait de satisfaire
la demande, comme si les tensions n’existaient pas

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des cours à 120- 125 dollars le baril. Le litre d’essence Des mesures bienvenues mais qui risquent d’être
à deux euros à la pompe est désormais plus qu’une insuffisantes par rapport au choc à venir, préviennent
probabilité. cependant certains économistes. Ces dernières
semaines, ceux-ci évoquaient de plus en plus souvent
le retour de la stagflation, un environnement marqué
par une stagnation économique accompagnée par une
forte inflation, comparable à celle de la fin des années
1970, au vu de la résurgence d’une inflation forte dans
des économies qui ne se sont pas relevées de la crise
du Covid.
Après l’invasion de l’Ukraine, le scénario s’est encore
Cours du Brent sur un an ( en dollars par baril). © Boursorama noirci: un choc énergétique – car le gaz compte
D’autant que le gouvernement américain agite autant que le pétrole dans les circonstances actuelles
maintenant la menace d’étendre les sanctions et de – équivalent au moins à celui de 1973, au moment de
frapper le secteur énergétique russe, ce qu’il avait la guerre du Kippour. Un choc qui ne pourrait, selon
exclu jusqu’à présent. Le 2 mars, l’attachée de presse eux, conduire qu’à une récession de grande ampleur
de la Maison-Blanche, Jen Psaki, a déclaré dans un dans les économies occidentales, et peut-être même à
entretien sur la chaîne MSNBCque « le sujet était une dépression, avec l’éclatement de toutes les bulles
sur la table ». «Mais nous avons besoin d’évaluer d’actifs et des fausses valeurs qui se sont formées
tous les impacts que cela pourrait avoir. Nous n’allons depuis la crise financière de 2008.
pas nous faire mal. Nous essayons de faire mal au Pour tenter de contrer le danger,tous les expédients
président Poutine et à l’économie russe », a-t-elle sont requis. Le 1er mars, l’Agence internationale de
précisé. l’énergie (AIE) a ainsi annoncé la mise sur le marché
« Les sanctions contre la Russie auront un prix aussi d’une partie des réserves des stocks stratégiques
pour nous »,a prévenu Emmanuel Macron dans son mondiaux « afin d’envoyer un message fort aux
allocution du 2 mars, tout en cherchant à en minimiser marchés mondiaux pétroliers qu’il n’y aura pas
l’ampleur réelle à venir. Alors que la question de la de rupture dans les approvisionnements en dépit
menace de l’inflation sur le pouvoir d’achat s’est déjà de l’invasion russe en Ukraine ». Un dispositif
invitée dans les débats, les gouvernements européens exceptionnel que l’AIE n’a pas utilisé depuis 2011 au
commencent à annoncer des séries de mesures – allant moment de la guerre en Libye. Cette annonce a eu le
de la baisse de la fiscalité à des chèques énergie même effet que la décision prise en décembre par Joe
pour les ménages les plus précaires – pour limiter Biden de mettre sur le marché une partie des stocks
l’impact de cette nouvelle flambée. La politique stratégiques américains, afin d’endiguer la flambée du
du « quoi qu’il en coûte », instaurée au moment prix de l’essence : elle a duré dix minutes. Dans la
des premiers confinements de mars 2020, est de foulée, le prix du baril a augmenté de 6 %.
retour à pleine puissance. Déjà, la Banque centrale
Chaos sur les marchés pétroliers
européenne a annoncé qu’elle n’était plus en position
de « normaliser » sa politique monétaire avant 2023, Chaos. C’est le terme qui revient le plus fréquemment
tandis que la Commission européenne prévoit aussi chez les intervenants sur le marché pétrolier pour
d’allonger les exemptions aux règles budgétaires définir ce qui se passe aujourd’hui. L’annonce des
européennes pour une durée encore indéterminée. sanctions occidentales contre la Russie à la suite de
l’invasion de l’Ukraine a eu un effet de souffle sur le
négoce mondial de l’énergie. Même si Américains et
Européens ont pris la peine de souligner que les achats

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de pétrole et de gaz russes ne seraient pas concernés la fiabilité des fournitures énergétiques russes sont
par les interdictions, afin de ne pas trop pénaliser les devenues un sujet dominant du marché au cours de
économies occidentales, le bannissement des banques la semaine dernière », préviennent des analystes de
russes du système Swift – messagerie mondiale qui la banque Standard Chartered dans une note. « Bien
permet de sécuriser les transactions et les transferts de que les sanctions soient conçues pour éviter un choc
fond – a tout gelé. des prix de l’énergie, nous pensons que cette position
agressive mais non maximaliste n’est peut-être pas
Alors que les autorités américaines et européennes
durable, les ruptures dans les livraisons de gaz et de
ont tardé à donner des règles claires sur l’étendue
pétrole semblent de plus en plus inévitables », écrit
des sanctions – le nom des banques russes exclues,
de son côté la société de conseil en investissement
les modalités des transactions qui pourraient être
Evercore Isi dans une note.
autorisées –, on assiste à un arrêt quasi général des
achats de pétrole russe sur le marché. Faute de savoir Lestatu quo de l’OPEP
quelles étaient les contreparties, comment pouvait Ils n’osent même pas imaginer ce que représenterait
être transféré l’argent, s’ils n’étaient pas passibles de l’effacement de la production russe des marchés
poursuites en cas d’achat, les négociants ont choisi pétroliers: la Russie est le deuxième producteur
de se tenir à l’écart du pétrole russe, devenu soudain mondial de pétrole après les États-Unis, avant l’Arabie
hautement radioactif. saoudite. Elle extrait en moyenne 10,8 millions de
L’histoire a fait le tour du petit monde des négociants barils par jour, soit 10 % de la production mondiale
(100 millions de barils par jour). Elle en exportait
d’énergie le 1er mars. Trafigura, la plus grande société
environ 6 millions.
de courtage pétrolier au monde, a proposé le 1er
mars l’achat d’une livraison d’un tanker russe arrivé Même si l’Iran revient sur les marchés pétroliers –
en mer Noire à un prix défiant toute concurrence : l’hypothèse de la levée des sanctions contre Téhéran
la décote était de plus de 20 % par rapport aux dans le cadre d’un accord sur le nucléaire est de plus
cours mondiaux. Pourtant, la cargaison n’a pas trouvé en plus évoquée –, cela ne peut suffire à compenser la
preneur. « Environ 70 % du négoce pétrolier russe perte de l’approvisionnement russe. Selon la banque
est gelé. La plupart des grands acteurs pétroliers ne JPMorgan, les capacités disponibles représentent 2,6
veulent pas toucher au pétrole russe. Il n’y a plus que millions de barils supplémentaires. Un niveau qui
quelques raffineurs et sociétés de négoce européennes était déjà jugé – avant même la guerre d’Ukraine –
sur ce marché », a expliqué un consultant d’Energy comme très insuffisant pour garantir la sécurité des
Aspects à Bloomberg. approvisionnements mondiaux: ces capacités étaient à
plus de 4 millions de barils avant la crise sanitaire.
Alors que la crainte de voir la Russie fermer les
robinets de gaz et de pétrole dominait dans les C’est un des casse-tête des spécialistes des marchés
conversations des intervenants sur les marchés de pétroliers : pourquoi l’offre ne réussit-elle pas à
l’énergie, cette dernière, même si elle subsiste, est répondre à la demande ? La consommation pétrolière a
remplacée par une autre peur : celle d’un accident de certes rebondi après la paralysie économique de 2020
marché, provoqué par l’arrêt complet des exportations mais pas dans des proportions aussi importantes que
russes faute d’une sécurité financière minimum, qui se certains veulent le dire. Après quelques mois de remise
répercuterait sur l’ensemble. en route, la production pétrolière aurait dû être en état
de pouvoir répondre. Or elle ne l’est pas. Le déficit de
« L’hypothèse selon laquelle les flux [d’exportations production est persistant.
pétrolières et gazières russes – ndlr] continueront
d’être à l’écart des sanctions prises par la Russie est Les interruptions liées au Covid, les difficultés de
devenue beaucoup moins tenable. [...] la sécurité et trouver les équipements et les pièces nécessaires,
sont mises en avant. Certains avancent d’autres

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arguments : «Le marché pétrolier est artificiellement L’envolée actuelle des prix pétroliers ne peut que
tendu », accusait ces derniers jours le chroniqueur les satisfaire : après avoir connu sept ans de chute
de Reuters George Hay. « L’OPEP+ pompe environ (2013-2020), leurs revenus pétroliers ont plus que
3 millions de barils par jour de moins de ce qu’elle triplé en 2021.
pourrait produire. Et l’essentiel de ces capacités Mais les producteurs non membres de l’OPEP ne sont
supplémentaires est en Arabie saoudite et aux Émirats pas plus enclins à prendre le relais. Depuis plusieurs
arabes unis. » mois, le gouvernement américain lance des appels
Ce dernier pariait cependant que les deux pays, en de plus en plus insistants pour que les producteurs
raison des relations anciennes et étroites avec les États- américains augmentent leurs productions, afin de faire
Unis, libéreraient des productions supplémentaires, baisser les cours. En vain. Même à 100 dollars le baril,
si Washington le leur demandait. Erreur : l’Arabie ils ne se précipitent pas.
saoudite et les Émirats arabes unis ont été les chefs de Car l’heure est à la revanche. Critiqués pour leur
file pour défendre le statu quo au sein de l’OPEP. inaction contre les dérèglements climatiques, leur
Les politiques de transition énergétique en rôle dans les pollutions diverses, les groupes
danger pétroliers ont bien l’intention de profiter de ce
Car le temps de l’amitié indéfectible est révolu. nouveau rapport de force pour revenir sur nombre
Désormais, les deux États sont en concurrence directe de mesures prises pour encadrer leur activité.
avec les États-Unis, devenus le premier producteur Le sous-investissement dans l’exploration et la
pétrolier mondial avec l’avènement de l’industrie production pétrolières, qui conduit au manque de
de la fracturation hydraulique. En 2014, le prince pétrole aujourd’hui, est dû, expliquent-ils, à toutes
héritier saoudien Mohammed ben Salmane avait les pressions mises par les gouvernements, les
lancéune guerre des prix farouche dans l’espoir organisations environnementales, l’opinion publique.
de réimposer la puissance saoudienne face aux Si le monde veut du pétrole, rajoutent-ils, il doit
producteurs américains. Cela se termina par un échec accepter de supprimer les contraintes qui leur ont été
ruineux. imposées et qui font peser un risque financier majeur
sur leur activité : quelque 500 milliards de dollars
Depuis, l’Arabie saoudite a changé de cap et l’OPEP
d’actifs sont condamnés à plus ou moins long terme.
avec elle. Sans en être un membre officiel, la Russie
a été appelée à rejoindre le cartel devenu OPEP+.
La Chine, et dans une moindre mesure l’Asie, est
devenue la destination privilégiée des exportations
pétrolières du Moyen-Orient, d’autant qu’elle accepte,
à la différence des pays occidentaux, d’inscrire ses
approvisionnements dans le cadre de contrats de long
terme, assurant à tout le monde une visibilité et des
prix fixes.
Et une nouvelle stratégie a été définie : les prix plutôt
que les volumes. L’année 2020, au cours de laquelle
est descendu en dessous de 20 dollars le baril, les a
confortés dans cette voie. À la sortie du confinement,
tous se sont ralliés à la stratégie de la rareté, afin que
les cours se redressent.

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Compte tenu des tensions qui existent sur les marchés Résultat ? Le prix du gaz à Amsterdam, la plateforme
pétroliers et des risques qui planent sur l’économie néerlandaise qui sert de référence pour le gaz
mondiale, il y a tout à craindre pour les politiques de européen, a augmenté de 60 % le 3 mars, pour atteindre
transition énergétique dans les mois à venir. 194 euros le MWh. Dans les premiers échanges ce
jeudi 3 mars, il a augmenté encore de 2 %, à 198 euros
le MWh. Par effet de contagion, le prix de l’électricité
en Europe – établi sur le coût marginal du gaz – flambe
à son tour : il oscille entre 300 et 500 euros le MWh.
Avec des prix dix fois supérieurs à la normale,
« nous sommes entrés dans le territoire de destruction
de la demande », dit Ole Hanse, le responsable
Une tête de puits coulant sur le champ de gaz naturel liquéfié
d'Utrenneye, sur la côte de la mer de Kara dans le cercle arctique, en
matières premières à Saxo Bank. La contrainte
Russie, le 30 novembre 2021. © Photo Natalia Kolesnikova / AFP exercée par cette flambée des prix de toutes les
Le piège de la dépendance européenne au gaz énergies (pétrole, gaz, électricité) sur les ménages,
russe les entreprises, l’économie tout entière, va bientôt se
Ce qui se passe sur les marchés pétroliers n’est rien par révéler insupportable, amenant les uns et les autres à
rapport aux marchés gaziers. La Russie est le premier de nombreux renoncements – produire, se chauffer,
fournisseur gazier mondial. À elle seule, elle fournit se déplacer. Avant même le début de la guerre
40 % de la consommation gazière en Europe. Cela peut en Ukraine, des entreprises d’aluminium, de papier,
atteindre 100% pour des pays comme l’Autriche, 60 % d’engrais chimiques avaient déjà renoncé à certaines
en Allemagne, un peu plus de 50 % pour l’Italie. productions, estimant impossible de faire face à une
telle hausse de leurs coûts de production.
Conformément aux sanctions adoptées par les
Américains et les Européens, le gaz russe continue La panique s’est installée sur les marchés gaziers
d’arriver par les gazoducs qui passent par l’Ukraine, européens : tout le monde cherche d’autres sources
l’Europe centrale et Nord Stream 1. Depuis une d’approvisionnement susceptibles de remplacer le gaz
semaine, les Européens en ont même jamais autant russe. Les uns se tournent vers l’Algérie, d’autres
acheté : la facture s’élève à 700 millions de dollars par vers le Qatar, certains aussi tapent à la porte des
jour, selon les calculs de Bloomberg. producteurs américains pour importer du gaz de
schiste jusqu’alors banni en Europe.
Les négociants de gaz russe cependant sont sur les
dents : ils redoutent une interruption des livraisons à Troisième producteur mondial, le Qatar a déclaré
tout moment, soit pour des problèmes financiers en être prêt à vendre du gaz naturel liquéfié (GNL)
raison de l’exclusion des banques russes du système supplémentaire à l’Europe. Mais en ajoutant tout de
Swift, soit par décision de Vladimir Poutine de tout suite que ses capacités étaient limitées, l’essentiel de sa
arrêter, soit à cause d’éventuelles destructions des production étant déjà vendu dans le cadre de contrats
infrastructures gazières en Ukraine. long terme, avec la Chine notamment. L’Algérie a
donné à peu près la même réponse.
Comble de malchance : l’hiver est plus long et
plus rigoureux que les précédents. Et la production L’aveuglement de l’Europe
d’électricité par les éoliennes est au point le plus bas, En dehors de Gazprom, les ressources gazières
en raison d’une succession d’anticyclones en Europe inexploitées ne sont pas légion, selon les connaisseurs
du Nord. du marché. À cela s’ajoute un autre problème :
le manque criant de moyens de transport,
d’infrastructures gazières pour acheter du gaz ailleurs.
Même si quelques bateaux sont détournés pour venir

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livrer du gaz de schiste américain en Europe, le polonais n’ont jamais été aussi élevés depuis des
nombre de méthaniers susceptibles d’acheminer du années. En trois jours, les prix ont plus que doublé,
GNL est insuffisant pour compenser ne serait-ce que passant de 200 à 435 dollars la tonne. Et toutes
partiellement les livraisons de gaz russe. De même, en les belles promesses de lutte contre les dérèglements
dehors de l’Espagne et de la France, aucun autre pays climatiques sont brusquement renvoyées aux calendes
européen n’a les capacités portuaires et les capacités grecques.
de stockage suffisantes pour accueillir de larges Même si certains continuent à espérer que ces
cargaisons de GNL. moments de folie seront passagers, beaucoup disent
L’Allemagne a ainsi soudain découvert qu’elle n’avait déjà avoir enterré cette illusion. Ils redoutent que la
pratiquement aucune capacité de stockage disponible situation n’empire encore sur les marchés de l’énergie,
– la plupart ont été fermées au cours de ces quinze avec des contre-coups vertigineux sur l’ensemble
dernières années au nom de la bonne gestion. Surtout, de l’économie européenne. L’hiver à venir leur fait
elle n’a aucun port méthanier. Parmi les grands particulièrement peur.
revirements de la politique allemande cette dernière Malgré tous les avertissements, l’Europe se retrouve
semaine, il y a aussi celui-là : le chancelier Olaf Scholz prise au piège savamment calculé et anticipé par
s’est engagé à construire un port méthanier d’ici trois Vladimir Poutine. En dépit de grandes déclarations
ans. sur le climat, elle reste totalement dépendante d’une
économie totalement carbonée bâtie sur des prix de
l’énergie le plus bas possibles. Elle s’est refusée depuis
des décennies à penser en termes de sécurité et de
stratégie énergétiques. Comme elle a renoncé à toute
planification de la transition énergétique afin d’offrir
un cadre et des objectifs clairs et prévisibles pour tous
les acteurs.
Par aveuglement idéologique, par incurie, elle s’est
Cours du charbon en Europe sur un mois ( en dollars par tonne) © Boursorama persuadée que la bienheureuse « main invisible »
«Il faudra au moins cinq ans pour que l’Europe sorte du marché serait la plus à même de satisfaire à la
de la dépendance du gaz russe», prévient une étude fois les besoins immédiats au meilleur prix et de
de la Banque mondiale. En attendant, chacun essaie définir les meilleures stratégies pour l’avenir. Cette
de faire feu de tout bois. À défaut de trouver d’autres dernière s’avère désormais n’être capable de faire ni
sources d’approvisionnement gazières, l’Allemagne et l’un ni l’autre, laissant les populations européennes
les pays de l’Europe centrale remettent en route leurs démunies, exposées à tous les vents de l’histoire. La
vieilles centrales à charbon. Les achats de charbon facture de ces erreurs risque d’être exorbitante.

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