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LE MANAGEMENT
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Voyage au centre des organisations
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Éditions d’Organisation
1, rue Thénard
75240 Paris Cedex 05
www.editions-organisation.com
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DU MÊME AUTEUR
CHEZ LE MÊME ÉDITEUR
96:1
Le manager au quotidien : les 10 rôles du cadre
Structure et dynamique des organisations
87.1
Le pouvoir dans les organisations
.75.1
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Traduit de : Henry MINTZBERG, Mintzberg on Management.
Inside Our Strange World of Organizations, New York, 1989. :
3958
© Henry Mintzberg, 1989
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ISBN : 978-2-708-13093-7
www
HENRY MINTZBERG
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LE MANAGEMENT
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Voyage au centre des organisations
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Traduit par Jean-Michel Behar
et révisé par Nathalie Tremblay
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Deuxième édition
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revue et corrigée
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Ce livre s’adresse à tous ceux qui passent
leur vie professionnelle dans les organisations,
96:1
et leur vie privée à tenter de s’en échapper.
87.1
Il est dédié à la mémoire de Jim Waters,
qui consacra toute sa carrière
.75.1
à rendre ces organisations plus humaines.
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Table des matières
1
0575
REMERCIEMENTS .................................................................. 9
6464
NOTRE MONDE FAIT D ’ORGANISATIONS ................................. 11
96:1
Ire PARTIE
87.1
À PROPOS DU MANAGEMENT 17
.75.1
Chapitre 1 – LA PROFESSION DE MANAGER ....................... 21
:196
Chapitre 2 – LA STRATÉGIE DE L’ARTISAN ......................... 55
7879
Chapitre 3 – HÉMISPHÈRE GAUCHE ET PLANIFICATION ,
HÉMISPHÈRE DROIT ET MANAGEMENT ........... 87
8889
Chapitre 4 – COUPLER ANALYSE ET INTUITION
DANS LE MANAGEMENT ............................... 111 :
3958
Chapitre 5 – FORMER DES MANAGERS
ET NON DES DIPLÔMÉS DE MBA ................. 151
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IIe PARTIE
:Non
1
Chapitre 13 – LES SYSTÈMES POLITIQUES
0575
ET L ’ORGANISATION POLITIQUE .................. 415
6464
Chapitre 14 – AU-DELÀ DES CONFIGURATIONS .................. 447
96:1
IIIe PARTIE
87.1
À PROPOS DE NOTRE SOCIÉTÉ
.75.1
FAITE D’ORGANISATIONS 535
:196
Chapitre 15 – QUI DEVRAIT CONTRÔLER
LES GRANDES ENTREPRISES ? ....................... 537
7879
Chapitre 16 – REMARQUE SUR UN BIEN VILAIN MOT :
« EFFICIENCE » .......................................... 589
8889
Chapitre 17 – UNE SOCIÉTÉ DEVENUE INGÉRABLE ,
COMME RÉSULTAT DU MANAGEMENT ........... 597
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© Éditions d’Organisation
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Remerciements
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Il est de tradition de remercier tous ceux qui ont
apporté une contribution significative à la réalisation
6464
d’un livre. Mais, comme une grande partie de ce livre
reprend bon nombre de mes écrits précédents, où j’ai
96:1
déjà remercié ceux qui m’avaient apporté cette contribu-
tion, je ne repéterai pas ici mes remerciements en ce qui
87.1
les concerne. Ils étaient des plus sincères à l’époque et il
n’y a aucune raison pour que cela change. Mais, ce que je
.75.1
voudrais faire, ici, c’est présenter ces remerciements à
une seule personne, même s’il est bien évident que je ne
:196
voudrais, pour rien au monde, passer sous silence les
rôles de mes collègues Danny Miller et Frances Westley,
7879
qui m’aidèrent de bien des façons dans mes réflexions ;
Jim Walters, un ami extraordinaire dont la contribution
8889
implicite à ce livre dépasse largement le cadre des remer-
ciements formalisés que l’on trouve au texte, et qui nous :
3958
manque à tous si profondément ; celui de mon éditeur
Bod Wallace, qui fit preuve d’une tolérance remarquable ;
1049
1
0575
changé ses critères. J’ai certainement oublié combien
l’expérience avait été atroce. Dans tous les cas, après
notre seconde expérience de rédaction commune, j’ai
6464
survécu, Billy a survécu, le livre a survécu et beaucoup
plus important : notre amitié a survécu. Billy « était
96:1
devenu » le livre pendant quelques mois d’une extrême
intensité, fouillant à l’intérieur de ma tête et me rendant
87.1
presque fou à certains moments (dans le genre : « C’est
hypocrisie qui s’écrit ici “hypo-cratie” “hippo-cratie” »)
.75.1
jusqu’à ce que je mette en ordre (du moins, c’est ce que
j’espère avoir fait) un ensemble de publications pour réa-
:196
liser le livre que je voulais. Je vous remercie de cela Bill,
mais pas seulement de cela.
7879
C’est le moment où l’auteur est supposé ajouter ici,
8889
comme si quelqu’un en doutait, que malgré toutes les
contributions merveilleuses dont il a bénéficié, il reste le
seul responsable de ce qui va suivre. En aucune façon. (Ne
:
3958
touchez pas à cela Billy !). Je peux ne pas avoir pris son
« avis » pour certains passages, avoir fait des changements
1049
LAC CASTOR
© Éditions d’Organisation
Janvier 1989
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Notre monde
fait d’organisations
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Notre monde est devenu, pour le meilleur et pour le
pire, une société faite d’organisations. Nous sommes nés
96:1
dans le cadre d’organisations et ce sont encore des orga-
nisations qui ont veillé à notre éducation de façon à ce
87.1
que plus tard, nous puissions travailler dans des organi-
sations. Dans le même temps les organisations ont pris
.75.1
en charge nos besoins et nos loisirs. Elles nous gouver-
nent et nous tourmentent (et, par moment, les deux à la
:196
fois). Et, notre dernière heure venue, ce seront encore
des organisations qui s’occuperont de nos funérailles. Et
7879
pourtant, à l’exception d’un petit groupe constitué de
chercheurs (auxquels on donne le nom de « théoriciens
8889
des organisations ») qui les étudient et, de quelques rares
managers qui sentent le besoin de saisir plus profondé- 3958
:
ment l’objet même de leur management, bien peu
comprennent réellement ces « animaux étranges », de
nature collective, qui exercent une si grande influence
1049
1
0575
ouvrages qui ne font qu’allusion aux organisations. En
Sciences Économiques, l’organisation est reçue sous la
forme d’une entité « rationnelle », mais pour le reste, mys-
6464
térieuse, qui agit, on ne sait trop comment, uniquement
pour maximiser son profit. Personnellement, je ne
96:1
connais pas une seule organisation qui ressemble à cela.
La Psychologie nous fournit des enseignements sur le
87.1
comportement des individus ou des petits groupes qui se
trouvent au sein des organisations, mais elle ne nous
.75.1
apprend rien en ce qui concerne le comportement des
organisations elles-mêmes. Les Sciences Politiques, quant
:196
à elles, considèrent une catégorie d’organisation très
importante : l’État ; mais plus sous l’aspect d’un système
7879
électoral ou politique que sous celui d’un réseau d’organi-
sations significatif. La Sociologie et l’Anthropologie s’atta-
8889
chent, bien évidemment, à l’étude des comportements
humains collectifs, mais, généralement, en termes de :
3958
société informelle, dans son cadre le plus large, plutôt
qu’à celle des organisations formalisées de taille plus
1049
modeste.
La théorie des organisations utilise toutes ces discipli-
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duits ou services.
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1
0575
organisations avec des personnes, d’horizons très divers –
y compris des professionnels établis à leur compte, des
ménagères ou encore d’autres catégories ayant relative-
6464
ment peu de contact avec le « fait organisationnel » – j’ai été
très surpris de leur intérêt pour le sujet.
96:1
L’un raconte une expérience curieuse dans un hôpital,
87.1
l’autre un incident sur un avion ou chez un concession-
naire automobile. Nous avons tous désespérement besoin
.75.1
d’appréhender ces « étranges animaux » qui ont tant de
conséquences sur nous. La compréhension conceptuelle
:196
fondamentale est là ; le seul problème c’est que jusqu’à
maintenant, elle n’était pas facilement accessible.
7879
Ce livre présente l’essentiel de mes travaux sur les
organisations de ces vingt dernières années. Il ne contient
8889
pas seulement mes propres idées sur le sujet, car un cer-
tain nombre de mes recherches se sont proposées de faire 3958
:
la synthèse de celles d’autres auteurs, en particulier en ce
qui concerne les travaux fondés sur la recherche systéma-
tique. Au fil des ans, j’ai étudié la façon dont les managers
1049
1
0575
récrire et même, dans plusieurs cas, à les écrire dans une
nouvelle version, (cela représente environ plus de la moi-
tié de ce que l’on trouvera ici). C’est pourquoi, ce livre a
6464
été conçu dans l’espoir d’élargir l’audience de ces idées
aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de la communauté
96:1
du management. Si cela vous chante, vous pourrez dire
qu’il y a là une « vulgarisation de la théorie des
87.1
organisations » à condition, toutefois, que l’on ne
sous-entende pas que j’aurais, de quelque façon que ce
.75.1
soit, essayé de banaliser les activités complexes d’une
organisation.
:196
J’ai divisé ce livre de réflexion en trois parties. La pre-
7879
mière est consacrée au management, c’est-à-dire à ces
processus par lesquels ceux qui ont la responsabilité for-
8889
melle de tout ou partie de l’organisation, essayent de la
diriger ou, du moins, de la guider dans ses activités. La
seconde partie s’attachera aux formes des organisations,
:
3958
1
0575
choisir de le feuilleter ou de l’étudier suivant vos propres
centres d’intérêt. Quoique que vous décidiez, pensez un
6464
instant à votre propre entreprise, à votre garagiste ou à
votre concessionnaire automobile, à l’hôpital où vous
96:1
vous êtes fait soigner et à l’école qui vous a rendu miséra-
ble, à la compagnie aérienne que vous utilisez, à l’associa-
87.1
tion qui se bat pour que les animaux soient vêtus ou à
celle qui œuvre pour la promotion du pop-corn. Les orga-
.75.1
nisations assurent la satisfaction de nos besoins et elles
nous exploitent, elles nous entretiennent et elles nous
:196
tourmentent. Certes, nous pouvons toujours leur échap-
per… pour un moment ; il y en a même certains, parmi
7879
nous, qui ont réussi à vivre relativement indépendam-
ment de celles-ci. Mais, la plupart d’entre nous doivent se
8889
résigner à consacrer une grande partie de leur vie publi-
que et de leur vie privée aux organisations. C’est pour-
quoi nous avons tous besoin de mieux les comprendre.
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Ire PARTIE
À propos du management
1
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96:1
On pourrait dire que, d’une certaine façon, le ving-
tième siècle sera le siècle du « Management ». Il est certain
87.1
que le monde, ayant atteint le stade de développement
économique le plus élevé de l’histoire de l’humanité, ne
.75.1
pouvait qu’être séduit par les procédures de gestion qui
ont marqué ce siècle. Henri Fayol1, célèbre industriel fran-
:196
çais, spécialiste de l’économie industrielle, a sans doute
été le premier à exprimer les principes du management,
7879
mais c’est réellement la vague des experts américains, de
Frederick Taylor en passant par Peter Drucker et Herbert
8889
Simon, entre autres, qui a créé et renforcé l’engouement
que l’Amérique connaît depuis lors pour ses managers et :
3958
leurs procédures de gestion.
Cela explique certainement les raisons du choc provo-
1049
1
0575
tellement bien compris cette leçon qu’il leur a été possi-
ble d’écrire aisément Le Défi européen et plus tard Le
Défi japonais (même si ces ouvrages ne portaient pas
6464
exactement ces titres-là au moment de leur parution).
96:1
Il n’y pas eu un tel défi communiste. Mais la gestion est
apparue, de la même façon, sous la forme d’une analyse
87.1
critique des procédures en Europe de l’Est. Car, en vérité,
malgré les promesses de déclin de l’État, il n’existe pas
.75.1
d’autres moyens de conduire une société communiste
sans recourir aux procédures de management. À cet
:196
égard, l’Amérique et l’Union soviétique ne diffèrent pas
tant dans leur obsession du management que dans leurs
7879
pratiques pour sélectionner les managers les plus impor-
tants. On doit donc comprendre que, partout, où il y a
8889
développement économique, il y a attention soutenue
pour les procédures de management.
:
3958
Évidemment, les organisations ne se réduisent pas au
management, le développement économique non plus.
En fait, il doit être possible de soutenir aujourd’hui
1049
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1
0575
bureaux à longueur de journées. Vous serez peut-être sur-
pris de ce que vous lirez – non pas surpris en termes de
votre propre expérience mais plutôt à travers ce que l’on
6464
est censé savoir du travail du manager par le biais de ses
descriptions dans la littérature spécialisée. Ce premier
96:1
chapitre aura, pour objectif, d’éclairer cette contradic-
tion, très commune et très coûteuse dans les organisa-
87.1
tions, entre ce qui se passe réellement au niveau du
management, et des notions bien vagues qui conduisent,
.75.1
souvent dans une mauvaise direction, sur ce qui est censé
se passer.
:196
Notre second chapitre continue dans la même veine,
7879
mais en s’attachant à un autre aspect du management. Il
prend en compte le processus d’élaboration de la straté-
8889
gie. Mais à nouveau, par opposition à la perception tradi-
tionnelle des procédures de planification, nous mettrons
ici, en évidence, une autre approche fondée sur une
:
3958
1
0575
peuvent être couplés afin de jouer un rôle plus efficace
dans le cadre des organisations complexes.
6464
Le dernier thème de cette partie sur le management,
écrite spécialement pour ce livre, tire une conséquence
96:1
importante de cette discussion : à savoir la tendance
actuelle de nos universités de management à former des
87.1
diplômés de MBA plutôt que des managers. Je démontre,
ici, et j’insiste à nouveau sur ce point dans la conclusion
.75.1
de ce livre, que cela n’est pas sans conséquences dramati-
ques sur nos organisations, en minant les bases mêmes de
:196
leur efficacité sociale et économique.
7879
8889:
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CHAPITRE 1
La profession de manager
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0575
Légende et réalité
6464
96:1
Lorsque nous pensons organisation, nous pensons
87.1
management. Il est certain que l’organisation ne se réduit
pas aux managers et aux systèmes de gestion qu’ils ont
.75.1
créés. Mais ce qui distingue, avant tout, une organisation
formelle d’un quelconque rassemblement d’hommes –
:196
d’une foule, d’un groupe informel – c’est la présence d’un
système d’autorité et d’administration, personnifié par un
7879
ou plusieurs managers dans une hiérarchie plus ou moins
structurée et dont la tâche est d’unir les efforts de tous
8889
dans un but donné.
Ceci étant et en considération du grand engouement :
3958
que le peuple américain entretient depuis maintenant
plus d’un siècle avec l’archétype du manager de Horatio
1049
1
0575
rents, voire pur gaspillage. Comment qui que ce soit
pourrait-il prescrire des changements dans un phéno-
mène aussi complexe que le travail de gestionnaire sans
6464
en avoir, au préalable, une profonde compréhension ?
96:1
Au milieu des années 60, James Webb, qui dirigeait la
NASA, eut le désir d’« être étudié ». La NASA avait senti le
87.1
besoin de justifier son existence par les retombées
d’applications pratiques de ses recherches (innovations)
.75.1
et Webb comptait ses principes de gestion parmi ces
innovations. Webb s’ouvrit de cette idée avec un de mes
:196
professeurs de la Sloan School of Management du MIT, et
comme j’étais le seul étudiant en doctorat qui s’était spé-
7879
cialisé dans le management (par opposition aux systèmes
informatiques, aux modèles mathématiques ou encore
8889
aux motivations des consommateurs etc.), il me demanda
d’étudier Webb comme sujet pour ma thèse de doctorat.
Je déclinai cette proposition qui m’apparut comme une
:
3958
1
0575
deux jours, ils tournèrent en rond, à peine effleurèrent-ils,
dans leurs discussions, le fait que l’usage de l’informati-
que par les managers est fonction de la difficulté à
6464
« programmer » (quel que soit le sens que l’on peut sup-
poser donner à ce terme) leurs tâches. Je fus frappé de ce
96:1
qu’il manquait à tous ces spécialistes un cadre de pensée
cohérent pour saisir la réalité du travail du manager. Ils ne
87.1
manquaient, toutefois, certainement pas d’une connais-
sance intrinsèque du phénomène ; ils travaillaient tous
.75.1
avec des managers et bon nombre d’entre eux étaient des
managers. Mais, ce qui leur manquait, c’était une base
:196
conceptuelle pour appréhender ce sujet.
7879
J’ai appris deux choses à cette conférence. La première
chose fut que le savoir explicite était très différent du savoir
8889
implicite et que les deux ont des conséquences importan-
tes dans la conduite des organisations. La seconde chose fut
de considérer qu’il existait une nécessité urgente d’une
:
3958
1
0575
terme. Ma thèse était achevée en 1968 et le livre en 1973 ;
deux ans plus tard la Harvard Business Review publiait
l’article que l’on trouve ici (avec quelques changements
6464
mineurs).
96:1
Tout aussi bien dans ses orientations et le ton que j’y
adoptais que dans le thème central que j’y traitais, cet arti-
87.1
cle fut réellement la base de tous mes travaux postérieurs.
Le New York Times – 29 octobre 1976 – (1) utilisa à pro-
.75.1
pos de ma description du « travail du manager » les termes
de « chaos calculé » ou encore de « désordre contrôlé » . Il
:196
usait également d’une expression que j’en suis venu à pré-
férer, à beaucoup d’autres, pour caractériser mes
7879
travaux : « la célébration de l’intuition ».
Si vous demandez à des managers ce qu’ils font, ils
8889
vous répondront vraisemblablement qu’ils planifient,
organisent, coordonnent et contrôlent. Alors, observons 3958
:
ce qu’ils font. Et personne ne sera surpris de constater
que leurs activités peuvent difficilement être décrites au
moyen des quatre mots ci-dessus.
1049
1
0575
font réellement les managers. Au mieux, décrivent-ils
quelques vagues objectifs que des managers peuvent
avoir lorsqu’ils travaillent.
6464
Mon but, ici, est très simple : briser les chaînes qui
96:1
retenaient le lecteur aux quatre termes fondamentaux de
Fayol et l’introduire à une vision plus supportable, et que
87.1
je considère comme plus utile, du travail du manager.
Cette vision est fondée sur ma propre étude du travail de
.75.1
cinq managers dirigeants, corroborée par un petit nom-
bre d’autres travaux sur la façon dont divers managers uti-
:196
lisent leur temps.
Dans certains de ces travaux, les managers sont soumis
7879
à une observation intensive (« dans leur ombre » est le
terme que l’on y trouve employé), dans d’autres, on tient
8889
un journal détaillé de leurs activités, et dans un petit nom-
bre, on analyse même leurs dossiers. Bien des genres dif- 3958
:
férents de managers sont ainsi étudiés ; les contremaîtres,
les directeurs d’usines, les managers de direction géné-
rale, les managers commerciaux, les administrateurs de
1049
1
0575
autour du manager et je montrerai les contrastes entre
celle-ci et les résultats de recherches systématiques – les
6464
faits bruts qui décrivent comment les managers utilisent
leur temps. Puis dans un second temps, je présenterai une
96:1
synthèse des conclusions de ces recherches en décrivant
les dix rôles du manager tels qu’ils semblent le mieux
87.1
dépeindre l’essentiel de la profession du manager. Pour
conclure, je discuterai un certain nombre des implica-
.75.1
tions de cette synthèse pour ceux qui tentent d’appro-
cher une gestion plus efficace.
:196
7879
LÉGENDE ET RÉALITÉ
8889
DU TRAVAIL DE GESTIONNAIRE
:
3958
Il y a quatre idées reçues sur la profession du manager
qui ne résistent pas à une analyse soigneuse des faits.
1049
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1. LÉGENDE :
LE MANAGER EST UN PLANIFICATEUR
:Non
SYSTÉMATIQUE, RÉFLÉCHI
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1
0575
Considérons ainsi cette idée :
6464
● La moitié des activités des cinq managers dirigeants
que j’ai observés durant mon étude durait moins de
96:1
9 minutes et il n’y en avait que 10 pour cent qui excé-
daient 1 heure (2). Une étude faite sur cinquante-six
87.1
contremaîtres américains montrait qu’ils exerçaient,
environ, 583 activités différentes, par période de huit
.75.1
heures, soit une activité différente toutes les
48 secondes (3). Le rythme de travail, aussi bien des
:196
managers dirigeants que des contremaîtres, était donc
implacable. Les managers dirigeants avaient à faire
7879
face à un flot constant d’appels et de courrier à partir
du moment où ils arrivaient le matin à leur bureau et
8889
ce jusqu’à ce qu’ils le quittassent dans la soirée. Les
pauses-café et les déjeuners étaient, inévitablement, 3958
:
consacrés à des rapports de travail, et même la pré-
sence de subordonnés semblait être une usurpation du
moindre moment de liberté.
1049
1
conque méthode systématique dans la façon dont les
0575
managers planifient leur emploi du temps. Ils sem-
blent, ainsi, sauter d’un sujet à l’autre, sans arrêt,
6464
n’ayant comme motivation que de répondre aux sol-
licitations du moment.
96:1
Est-ce là, la planification de la littérature classique ?
87.1
On peut en douter. Comment peut-on, alors, expliquer
ce comportement ? Le manager ne fait que répondre aux
.75.1
pressions de sa profession. J’ai, ainsi, remarqué que les
managers dirigeants, objets de mon étude, interrom-
:196
paient d’eux-mêmes beaucoup de leurs activités, quittant
même souvent une réunion avant son terme ou abandon-
7879
nant leur occupation pour appeler un subordonné. Un
des managers supérieurs de mon étude avait non seule-
8889
ment placé son bureau de façon à pouvoir observer, en
contrebas, un long couloir, mais encore laissait-il cons- 3958
:
tamment sa porte ouverte quand il était seul ; une invite
pour ses subordonnés à venir le trouver et à interrompre
son travail.
1049
1
0575
ter que dans leur tête ; des plans aux intentions flexibles,
même si, bien souvent, très spécialisés. Malgré la littéra-
ture traditionnelle sur ce sujet, la profession d’encadre-
6464
ment ne donne pas forcément naissance à des experts en
planification doués d’un grand pouvoir de réflexion ; le
96:1
manager ne fait que répondre, en temps réel, aux stimuli
qu’il reçoit, c’est un homme, ou une femme, conditionné
87.1
par sa profession et qui préfère les actions immédiates à
celles à long terme.
.75.1
:196
2. LÉGENDE : LE VRAI MANAGER N’A PAS
7879
DE TÂCHES ROUTINIÈRES À ACCOMPLIR
8889
Les managers ne cessent de se faire dire de passer plus
de temps à planifier et à déléguer de leurs pouvoirs qu’à :
3958
voir leurs clients et à engager des négociations. Ce qui
n’est pas, après tout, la véritable tâche d’un manager. En
1049
exceptionnel et imprévisible.
Mais à nouveau cette belle construction théorique ne
larvo
1
0575
ainsi l’organisation à son environnement.
6464
sur ce sujet :
96:1
● Une étude, portant sur les présidents de petites entre-
prises, a montré qu’ils étaient engagés, la plupart du
87.1
temps, dans des activités routinières parce que leur
entreprise ne pouvait s’offrir les services de spécialis-
.75.1
tes de l’encadrement au niveau de la présidence et
qu’elle était si pauvre en personnel opérationnel
:196
qu’une seule absence obligeait souvent le président à
prendre la place du manquant (5).
7879
● Une étude concernant les managers commerciaux et
8889
une autre sur les managers dirigeants suggèrent qu’il
est naturel pour ces deux professions de voir des :
clients importants, si l’on part bien sûr de l’hypothèse
3958
1
0575
3. LÉGENDE : LE MANAGER SUPÉRIEUR
A BESOIN D’INFORMATIONS AGRÉGÉES,
6464
CE QUE SEUL UN SYSTÈME D’INFORMATION
DE GESTION PEUT LUI FOURNIR
96:1
87.1
Dans l’optique de la vision classique du manager qui
est ainsi un homme perché au sommet d’un système hié-
.75.1
rarchique bien réglé, la littérature sur le manager indique
qu’il reçoit toute son information d’un gigantesque et très
complet système formalisé d’information de gestion. Mais
:196
un simple regard sur la façon dont les managers procè-
7879
dent réellement pour trouver leurs informations donne
une image très différente. Les managers ont cinq moyens
de communication à leur disposition : les documents, les
8889
appels téléphoniques, les réunions formelles et informel-
les et les tournées d’inspection. :
3958
1
0575
documents arrivés par le courrier, en juste trois heures
« pour se débarrasser de tout ce fatras ». Ce même
manager avisant un gros rapport qu’il avait reçu par
6464
fascicules tout au long de la semaine et portant sur une
étude de coût, le mit immédiatement de côté avec
96:1
pour simple commentaire : « Je ne regarde jamais ce
genre de chose. »
87.1
● Ces mêmes cinq managers dirigeants n’ont répondu
.75.1
immédiatement qu’à deux rapports sur les 40 qu’ils
recevaient habituellement pendant les 5 semaines de
:196
mon enquête et à 4 articles sur les quelque 104 pério-
diques reçus. Ils feuilletaient la plupart de ces périodi-
7879
ques en quelques secondes, d’une façon presque
rituelle. Pendant toute la période de mon étude, ces
8889
cinq chefs d’organisations de taille assez conséquente,
ne furent à l’origine – c’est-à-dire de leur propre initia- :
3958
tive, sans répondre à un quelconque document ou let-
tre – que de 25 expéditions de courrier en 25 jours
1049
d’observation.
geants n’est pas sans intérêt : on trouve ainsi qu’il n’y avait
que 13 pour cent de ce courrier qui concernait des sujets
:Non
© Éditions d’Organisation
1
0575
bavardage aujourd’hui peut être réalité demain. Le mana-
ger qui ne peut être atteint par le téléphone qui l’avertirait
que son plus gros client a été vu en train de jouer au golf
6464
avec son principal concurrent risque de voir le résultat de
ce match de golf dans le prochain rapport trimestriel sous
96:1
la forme d’une chute brutale des ventes. Mais évidem-
ment, à ce moment-là, il sera trop tard.
87.1
Considérons, encore, les propos de Richard Neustadt
.75.1
qui a étudié les habitudes de collecte de l’information
chez trois présidents américains :
:196
« Ce n’est pas l’information générale qui permet au
président de se faire une opinion : ce ne sont ni les
7879
rapports, ni les études, ni les amalgames insipides…
c’est l’accumulation des détails tangibles et dispara-
8889
tes, puis la structuration qu’il en fait dans son esprit,
qui illuminent la face cachée des questions soumises 3958
:
à son jugement. Pour réussir dans ce domaine, il
doit ratisser aussi largement qu’il le peut tous les élé-
ments de faits, d’opinions et de rumeurs qui sont liés
1049
kée dans les cerveaux. Il n’y a que lorsque l’on écrit cette
information qu’elle peut être stockée dans les dossiers de
larvo
1
0575
derniers sont si réticents à déléguer leurs tâches. Lorsque
l’on prend conscience que la plupart des informations
6464
importantes, dont peuvent disposer les managers, vien-
nent sous une forme verbale et qu’elles se stockent dans
96:1
leur tête, on peut beaucoup mieux apprécier cette réti-
cence. Ce n’est pas juste comme s’ils pouvaient tendre un
87.1
dossier à quelqu’un, ils doivent prendre le temps de vider
leur mémoire pour transmettre à l’autre tout ce qu’ils
.75.1
savent sur le sujet. Mais cela pourrait prendre bien du
temps, de sorte que les managers trouvent plus simple de
:196
remplir eux-mêmes la tâche qu’ils auraient pu déléguer.
C’est ainsi que le manager est condamné par son propre
7879
système d’information au « dilemme de la délégation » : en
faire trop tout seul ou déléguer à un subordonné insuffi-
8889
samment mis au courant.
:
3958
1
0575
Réalité : Les programmes des managers – pour leur
emploi du temps, pour leur accès à l’information,
6464
pour prendre des décisions etc. – restent totalement
« bouclés » à l’intérieur de leur cerveau.
96:1
C’est ainsi que pour décrire ce type de programmes
nous devons constamment employer des mots comme :
87.1
jugement ou intuition, sans nous rendre compte qu’ils ne
.75.1
font que révéler, bien souvent, notre ignorance. Je fus
frappé de constater, durant mon étude, le fait que les
managers dirigeants que j’observais, bien que tous très
:196
compétents selon tous les critères en usage, ne se distin-
7879
guaient pratiquement pas de leurs homologues d’il y a un
siècle. L’information dont ils avaient besoin était diffé-
rente, mais ils la cherchaient de la même façon, par le bou-
8889
che à oreille. Leurs décisions concernent des technologies
modernes, mais les procédures qu’ils suivent pour les :
3958
prendre ne diffèrent guère de celles que suivait le manager
du dix-neuvième siècle. Même l’ordinateur, pourtant si
1049
1
0575
rer. Mais comme résultat, les scientifiques de la gestion
ont concentré leurs efforts sur les fonctions spécifiques
de l’organisation où ils pouvaient plus facilement analyser
6464
les procédures et quantifier les informations pertinentes.
On peut donc considérer que le premier pas, pour fournir
96:1
au manager une aide substantielle, est de mettre en évi-
dence la véritable nature de sa profession.
87.1
.75.1
RETOUR
:196
À UNE DESCRIPTION FONDAMENTALE
7879
DU TRAVAIL DE GESTIONNAIRE
8889
Essayons d’assembler ici quelques-unes des pièces de
ce puzzle. Le manager peut se définir comme ayant la res- :
3958
ponsabilité d’une organisation ou d’une des unités de
cette dernière. Aux côtés des managers de la direction
1049
il a la responsabilité.
LA PROFESSION DE MANAGER 37
1
0575
rôles.
6464
Figure 1-1 – Les rôles du manager
96:1
Autorité
87.1
formalisée
et statut
.75.1
:196
7879
8889
Les rôles Les rôles liés Les rôles
interpersonnels à l’information décisionnels :
3958
de liaison Négociateur
:Non
x.com
© Éditions d’Organisation
1
0575
un groupe de personnalités en visite dans l’entreprise, le
contremaître se doit d’assister au mariage d’un tourneur
de son équipe et le directeur des ventes doit inviter un
6464
important client à déjeuner.
96:1
Les managers dirigeants de mon étude consacraient
12 pour cent de leur temps en cérémonies de toutes sor-
87.1
tes, 17 pour cent du courrier qu’ils recevaient avait trait à
des remerciements ou à des sollicitations liées à leur sta-
.75.1
tut. Par exemple, une lettre expédiée au président d’une
société pour demander des produits gratuits pour un éco-
:196
lier handicapé ou bien les diplômes placés sur le bureau
d’un directeur de collège pour qu’il y appose sa signature.
7879
Les obligations qui concernent les rôles interperson-
nels peuvent être parfois purement routinières, impli-
8889
quant alors une communication à un faible niveau
d’information et aucune prise de décision importante. 3958
:
Elles n’en demeurent pas moins nécessaires au bon fonc-
tionnement sans à-coup d’une organisation et elles ne
pourraient être méconnues du manager.
1049
e:21
nisation.
Ses activités, dans ce cadre, constituent le rôle du lea-
x.com
© Éditions d’Organisation
1
0575
intéressé par une part du marché que par le profit ? »
L’influence du manager est la plus évidente dans son
6464
rôle de leader. Son autorité formelle l’investit d’un grand
pouvoir potentiel, son leadership détermine en grande
96:1
partie la façon dont il peut, en fait, l’employer.
87.1
3. La littérature sur la gestion a toujours reconnu le
rôle du leader et, en particulier, ceux de ses aspects qui
.75.1
sont directement liés à la motivation. En comparaison, et
jusqu’à une période récente, il y a eu peu de travaux sur
:196
son rôle d’agent de liaison, décrivant les contacts que le
manager prend à l’extérieur de la traditionnelle chaîne de
7879
relations verticales. C’est un des résultats remarquables
de chaque étude sur le travail de gestionnaire que de
8889
constater que les managers passent beaucoup plus de
temps avec leurs pairs et d’autres personnes extérieures à :
3958
leur organisation qu’avec leurs propres subordonnés, et il
est même surprenant de se rendre compte qu’ils passent
1049
1
0575
rieur d’informations du manager -- informel, privé et ver-
bal mais néanmoins très efficace.
6464
96:1
LES RÔLES LIÉS À L’INFORMATION
87.1
En vertu de ses relations interpersonnelles, à la fois
avec ses subordonnés et le réseau de ses contacts, le
.75.1
manager apparaît comme au centre du système nerveux
de son organisation. Le manager ne sait pas toujours tout,
:196
mais il en sait souvent plus que n’importe lequel de ses
subordonnés.
7879
De nombreuses études ont montré que cela était vala-
ble pour tous les leaders, des chefs de bandes de jeunes
8889
aux présidents des USA. Dans son livre The human group
(le groupe humain), C. Homans en explique la raison, :
3958
pour ce qui concerne les chefs de bandes de jeunes : c’est
parce qu’ils sont au centre du réseau d’informations de
1049
1
0575
mations mais quand il vous avait placé deux ou
trois fois dans ce type de situation, vous deveniez
diablement attentif à la qualité de vos informa-
6464
tions” (10). »
96:1
On peut deviner facilement d’où Roosevelt « avait ses
informations » lorsque l’on considère les relations entre
87.1
les rôles interpersonnels et ceux liés à l’information. En
tant que leader, les managers ont un accès formel et facile
.75.1
à chacun de leurs subordonnés. D’où, ainsi que nous
l’avons vu plus haut, ils tendent à en savoir plus sur leur
:196
organisation que n’importe qui d’autre. De plus, leurs
contacts comme agent de liaison leur permettent d’avoir
7879
accès à des informations extérieures auxquelles leurs
subordonnés ne peuvent souvent prétendre. Bon nombre
8889
de ces contacts ont lieu avec d’autres managers de même
statut et qui sont eux-mêmes au centre du système ner-
veux de leur propre organisation. En ce sens, les mana-
:
3958
1
0575
pas demandées, et bon nombre d’entre elles sont un résul-
tat du réseau de contacts personnels qu’il a su mettre en
place. Il faut se souvenir qu’une bonne partie des informa-
6464
tions, que le manager collecte dans son rôle d’observateur
actif, lui parvient sous forme verbale, bien souvent comme
96:1
bavardages, potins ou spéculations. Grâce à ses contacts, le
manager a un avantage naturel pour collecter ces informa-
87.1
tions informelles pour le compte de son organisation.
.75.1
5. Les managers doivent encore répartir et diffuser une
:196
grande partie de ces informations. Celles-ci, qu’ils ont gla-
nées grâce à leurs contacts personnels extérieurs, peu-
7879
vent se révéler très utiles au sein même de leur
organisation. Dans leur rôle de diffuseur, les managers
8889
passent quelques-unes de leurs informations privilégiées
directement à leurs subordonnés qui n’auraient pas, 3958
:
autrement, accès à ces dernières. De plus lorsque leurs
subordonnés n’ont pas de contacts faciles entre eux, les
managers se voient parfois contraints de faire circuler
1049
1
0575
obligations envers la société, etc.
6464
LES RÔLES DÉCISIONNELS
96:1
L’information n’est pas, bien sûr, une fin en soi ; c’est
87.1
la base du processus de prise de décision. Une chose
émerge clairement de l’étude du travail de gestionnaire :
.75.1
le manager joue le rôle principal dans l’élaboration de son
système de prise de décision. Comme conséquence de
:196
son autorité formelle, seul le manager peut engager son
organisation dans une nouvelle direction d’activités, et
7879
comme centre du système nerveux de l’organisation, il
est, encore, seul à accéder à des informations actuelles,
8889
aussi complètes que possible, afin de mettre en place
l’ensemble des décisions qui déterminera la stratégie de 3958
:
son organisation. Il y a quatre rôles qui décrivent le mana-
ger dans cette optique décisionnelle.
1049
1
0575
temps. On a l’impression que les managers dirigeants pro-
longent chaque projet de sorte qu’ils peuvent ainsi, petit
morceau par petit morceau, le glisser dans leur emploi du
6464
temps, déjà trop dense, afin de pouvoir graduellement
assimiler le sujet, si, bien sûr, ce dernier est d’une nature
96:1
complexe.
87.1
Ensuite, les managers dirigeants que j’ai étudiés super-
visaient pratiquement près de cinquante de ces projets en
.75.1
même temps. Certains projets concernaient de nouveaux
produits ou procédés ; d’autres avaient trait à des campa-
:196
gnes de relations publiques, à la solution d’un problème
moral dans une division étrangère, à l’intégration d’opéra-
7879
tions informatiques, ou encore à diverses acquisitions,
etc. Les managers dirigeants apparaissent entretenir une
8889
sorte d’inventaire des projets dont ils supervisent
eux-mêmes le développement, les différentes étapes de
ce développement, ceux qui sont en cours de réalisation
:
3958
© Éditions d’Organisation
1
0575
qui est supérieur à la somme des parties, une entité
productive dont il sort plus que la somme des res-
6464
sources qu’on y a mises. C’est l’analogie avec le chef
d’orchestre qui vient à l’esprit, par ses efforts, sa
96:1
vision et son leadership, des parties instrumentales
individuelles, qui ne sont en elles-mêmes que des
87.1
bruits, deviennent une totalité vivante : la musique.
Mais le chef d’orchestre dispose de la partition écrite
.75.1
par le compositeur : il n’est qu’un interprète. Le
manager, lui, est à la fois compositeur et chef
:196
d’orchestre (11). »
Considérons maintenant les commentaires de Leonard
7879
R. Sayles qui réalisa une approche systématique de la pro-
fession de manager. Le manager
8889
« … est comme le chef d’un orchestre symphonique
qui s’efforce d’obtenir une prestation mélodieuse :
3958
dans laquelle les contributions des divers instru-
ments sont coordonnées, espacées, harmonisées et
1049
1
0575
au point de générer une crise mais aussi parce qu’il
n’existe pas de bon manager capable d’anticiper toutes
les conséquences des actions qu’il a initiées.
6464
96:1
9. Le troisième rôle décisionnel est celui de réparti-
teur des ressources. C’est au manager que revient la res-
87.1
ponsabilité de ce qui doit être attribué, et à qui, dans
l’organisation. Il est possible que la principale répartition
.75.1
des ressources, à laquelle contribue le manager, est celle
de son propre temps. L’accès au manager constitue un
:196
accès au centre du système nerveux et du processus de
prise de décision de l’organisation. Le manager est, aussi,
7879
chargé de l’élaboration de la structure de l’organisation,
cette configuration de relations formelles qui détermine
8889
comment le travail doit être divisé et coordonné.
Dans son rôle de répartiteur des ressources, le mana- :
3958
ger autorise, aussi, les décisions importantes de son orga-
nisation avant qu’elles ne soient mises en œuvre. Étant à
1049
tré que ces derniers devaient faire face à des choix d’une
© Éditions d’Organisation
1
0575
bation d’une proposition venant d’une autre source que
de lui-même. Dans le même instant, cependant, les délais
peuvent faire perdre du temps, tandis qu’une approbation
6464
trop rapide peut être mal reçue et un rejet, tout aussi
rapide, pourrait décourager un subordonné qui a passé
96:1
plusieurs mois à mettre au point son projet favori. Une
des solutions communes à ce problème de l’approbation
87.1
d’un nouveau projet semble avoir été celle de choisir
celui qui présente le projet plutôt que le projet lui-même.
.75.1
C’est-à-dire, encore, que les managers ont tendance à
approuver un projet qui leur est présenté par une per-
:196
sonne en laquelle ils ont confiance. Mais il est évident
qu’ils ne peuvent pas toujours utiliser une astuce aussi
7879
simpliste.
1
0575
UNE PROFESSION INTÉGRÉE
6464
Il devrait être clair désormais que les dix rôles du
96:1
manager que je viens de décrire ne sont pas facilement
dissociables. Ils forment une Gestalt1, un tout intégré. On
87.1
ne peut supprimer aucun de ces rôles, sans modifier pro-
fondément la nature de la profession de manager. Par
.75.1
exemple, un manager qui ne voudrait pas jouer son rôle
d’agent de liaison manquerait d’information extérieure.
:196
Ce qui aurait pour résultat qu’il ne pourrait ni transmettre
l’information dont ses subordonnées auraient besoin ni
7879
prendre des décisions reflétant les conditions extérieures
(d’ailleurs c’est le problème qui se pose à ceux qui vien-
8889
nent de prendre nouvellement leur fonction de manager
et qui tant qu’ils n’ont pu mettre en place leur propre 3958
:
réseau de contacts ne peuvent prendre aucune décision
réelle).
1049
© Éditions d’Organisation
1
0575
de nature essentiellement verbale, l’équipe se brisera
d’elle-même. Un seul poste de manager ne peut être arbitrai-
rement découpé, par exemple, entre des rôles internes et
6464
externes car l’information provenant de ces deux sources
doit être rassemblée au moment de la prise de décision.
96:1
Dire que les dix rôles forment une Gestalt ne veut pas
87.1
dire que chaque manager accorde le même intérêt à cha-
cun de ces rôles. En fait, j’ai montré dans mes analyses cri-
.75.1
tiques de diverses études que :
:196
●
de temps dans leurs rôles interpersonnels, ce qui est
7879
sans doute une des conséquences de la nature extra-
vertie des activités du marketing.
8889
● Les managers chargés de la production s’attachent
plus à leurs rôles décisionnels, ce qui découle sans :
3958
doute de leur attention pour les questions d’effi-
cience.
1049
1
peut bénéficier à partir de cette description ? Je crois, en
0575
premier lieu et avant tout, que cette description du travail
de gestionnaire devrait apporter plus aux managers que
6464
toutes les recommandations que l’on pourrait extraire de
celles-ci. C’est-à-dire que l’efficacité des managers est
96:1
influencée de façon significative par leur regard
d’introspection sur leur propre travail. Leur efficacité
87.1
dépend de la façon dont ils comprennent et répondent
aux pressions et aux dilemmes de leur profession.
.75.1
Considérons trois domaines spécifiques qui concer-
nent ce sujet. Dans la plupart des cas, les impasses de la
:196
gestion – le dilemme de la délégation de pouvoir, la ban-
que de données stockée dans un seul cerveau et les pro-
7879
blèmes du travail avec les analystes scientifiques de la
gestion – découlent de la nature verbale de l’information
8889
des managers. Il y a un grand danger à centraliser les ban-
ques de données de l’organisation dans les esprits de ses :
3958
managers. Quand ils quittent l’organisation, ils emportent
leur mémoire avec eux. Et un subordonné qui est hors de
1049
© Éditions d’Organisation
1
0575
regard de ce à quoi peuvent s’exposer ses subordonnés
dans des prises de décision inefficaces.
6464
S’il y a un seul thème commun à toute cette descrip-
tion, c’est bien celui des pressions qui s’exercent sur le
96:1
manager et qui le conduisent à être superficiel dans ses
actions – à être surchargé de travail – ce qui encourage les
87.1
interruptions, des réponses trop rapides à chaque stimu-
lus, une recherche du concret contre l’abstrait, la prise de
.75.1
décision par petites étapes successives et une façon de
tout faire dans la précipitation.
:196
2. Ici, à nouveau, le manager est mis au défi d’agir
7879
sous la pression de la superficialité en accordant
sérieusement son attention aux sujets qui l’exigent
8889
et en se reportant aux éléments tangibles d’infor-
mation afin d’en avoir une vision plus large grâce :
à l’utilisation de données analytiques.
3958
1
0575
entre les deux hommes pourra être efficace lorsque le
manager aura appris à partager ses informations avec
l’analyste et ce dernier aura appris à s’adapter aux besoins
6464
du manager. Pour ce qui concerne l’analyste, j’entends
par adaptation, qu’il se soucie moins de l’élégance de ses
96:1
méthodes et plus de rapidité et de flexibilité.
87.1
3 . Le cadre est mis au défi d’avoir un meilleur contrôle
.75.1
sur son temps, pour transformer ses obligations en
avantages et, a contrario, transformer les objectifs
:196
qu’il désire atteindre en obligations.
7879
Les managers dirigeants que j’ai observés dans ma pro-
pre étude n’étaient à l’origine que de trente-deux pour
cent de leurs contacts (et il y avait cinq pour cent qui pro-
8889
venait des contacts établis d’un commun accord). Et pour-
tant, ils semblaient être entièrement maîtres de leur :
3958
emploi du temps. Deux facteurs-clefs expliquent en fait
ce phénomène.
1049
1
0575
contemplation ou à la planification générale, c’est autant
dire espérer que les pressions, qui sont dans la nature de
sa profession, pourraient disparaître. Le manager qui veut
6464
innover, prendra l’initiative d’un projet et obligera
d’autres personnes, en retour, à lui communiquer un
96:1
rapport ; le manager qui a besoin de certaines informa-
tions établira pour cela des réseaux qui le tiendront auto-
87.1
matiquement informé ; le manager qui veut faire la
tournée des installations doit le faire savoir autour de lui
.75.1
afin que son désir se transforme en obligation vis-à-vis des
autres.
:196
Il n’y a aucune autre profession qui est aussi vitale
7879
pour notre société que celle de manager. C’est le manager
qui détermine si nos institutions sociales nous servent
8889
bien ou si, au contraire, elles gaspillent nos talents et nos
ressources. Il est donc temps de rejeter la légende qui
entoure le travail de gestionnaire afin de nous plonger
:
3958
larvo
.scho
www
www
.scho
larvo
x.com
:Non
e:21
1049
3958
:8889
7879
:196
.75.1
87.1
96:1
6464
0575
1
CHAPITRE 2
La stratégie de l’artisan
1
0575
6464
Une des tâches les plus importantes qui est dévolue au
96:1
manager consiste en la détermination de la stratégie de son
organisation – ou du moins dans la supervisation des pro-
87.1
cessus par lesquels d’autres personnes et lui-même élabo-
rent une stratégie. Stricto sensu, l’élaboration d’une
.75.1
stratégie se veut concentrée sur le positionnement d’une
organisation eu égard aux créneaux qui existent sur le mar-
:196
ché, en d’autres termes, elle a pour but de décider quel
type de produits devra être fabriqué et pour qui. Mais, dans
7879
une acception plus large, l’élaboration de la stratégie fait
également référence à la façon dont un système collectif,
8889
nommé organisation, établit ses orientations fondamenta-
les et, si nécessaire, ses changements de cap. L’élaboration :
3958
de la stratégie doit encore prendre en compte le thème
complexe de l’intention collective – comment une organi-
1049
1
0575
certain nombre d’étudiants de doctorat et de collègues,
en particulier Jim Waters, notre intention était d’étudier la
6464
façon dont les organisations s’engagent dans ce processus
en « traquant » les stratégies qu’elles ont suivies au cours
96:1
des dernières décennies de leur histoire.
Tout au long des douze années qui suivirent, ou à peu
87.1
près, nous réalisâmes une série complète d’études sur ce
sujet – sur une chaîne de supermarchés, sur une grande
.75.1
compagnie aérienne, sur un organisme gouvernemental
s’occupant de cinéma, une société de presse éditant un
:196
petit quotidien, notre propre université et encore bien
d’autres. Comme le projet touchait à son terme, je
7879
commençai à chercher une façon de présenter les conclu-
sions à un public général de managers.
8889
Pendant tout le temps de mes travaux, ma femme fai-
sait de la poterie dans notre cave. Un jour, elle décida de :
3958
faire une exposition rétrospective de ses œuvres et sou-
dain, je vis la « stratégie » évoluer devant mes yeux. Une
1049
1
0575
« grands plans bibliques » et de « l’évolution darwinienne »),
mais vous trouverez également, ici, un ton similaire à celui
6464
que j’ai adopté dans l’article « La profession de manager ».
Ce que je veux exposer dans cet article, c’est une descrip-
96:1
tion de la façon dont les managers qui travaillent dans un
« chaos calculé » utilisent le processus, complexe et néces-
87.1
sairement collectif, d’élaboration de la stratégie.
Imaginons quelque stratégie planifiée. Ce qui saute
.75.1
immédiatement à l’esprit, c’est l’image d’une pensée bien
ordonnée : un manager supérieur ou un groupe de mana-
:196
gers supérieurs siégeant dans un bureau et formulant les
modes d’action que les autres membres de l’organisation
7879
devront suivre selon le calendrier prévu. La note domi-
nante est la raison – un contrôle rationnel, une analyse
8889
systématique des concurrents et des marchés, des forces
et des faiblesses de la société – la combinaison de ces ana- 3958
:
lyses conduisant à des stratégies claires, explicites et cer-
tifiées.
1049
1
0575
de ce processus et a pour conséquence d’égarer les orga-
nisations qui l’ont adoptée sans réserves.
6464
En développant cette thèse, je ferai état des expérien-
ces d’un artiste solitaire, un potier, et je les comparerai aux
96:1
résultats d’une recherche qui a poursuivi les stratégies de
nombre de grandes organisations, à travers des décennies
87.1
de leur histoire. Comme ces deux contextes semblent à
l’évidence si différents, on pourrait, au premier abord,
.75.1
considérer que ma métaphore, à l’instar de mes assertions,
est pour le moins gratuite. Toutefois, si nous envisageons
:196
notre potier sous l’aspect d’une organisation, nous consta-
terons qu’il a, de la même façon qu’une organisation, à
7879
faire face au principal défi, que mettent en évidence les
spécialistes de la stratégie – connaître suffisamment bien
8889
les capacités de l’organisation afin de réfléchir, en profon-
deur, à ses orientations stratégiques. En considérant, l’éla-
boration d’une stratégie, dans la perspective d’un seul
:
3958
© Éditions d’Organisation
placé sur le tour. Son esprit est concentré sur l’argile mais
il est également conscient de se situer entre ses expérien-
larvo
tacite. Tout cela fonctionne dans son esprit alors que ses
mains pétrissent l’argile. L’œuvre qui, peu à peu, émerge
du tour a toutes les chances de s’inscrire dans la ligne de
la tradition de ses précédentes réalisations. Mais il peut
1
0575
s’en échapper et suivre de nouveaux sentiers. Et, toute-
fois, en agissant ainsi, le passé n’en demeure pas moins
présent, se projetant dans l’avenir.
6464
Dans ma métaphore, les managers deviennent des
96:1
artistes, des potiers, et la stratégie est leur argile. De la
même façon que le potier, ils sont situés entre un passé
87.1
fait des capacités de leur société et un futur reflétant les
opportunités du marché. Et s’ils sont de vrais artistes, ils
.75.1
apportent à leur travail une égale connaissance intime des
matériaux dont ils auront à se servir. C’est là l’essence de
:196
la stratégie du potier.
Nous allons fouiller cette métaphore pour mettre en
7879
évidence la façon dont les stratégies sont réellement éla-
borées par opposition à ce que l’on suppose générale-
8889
ment sur ce sujet. Pour cela, je tirerai mes analyses des
deux sources que j’ai déjà mentionnées plus haut. La pre- 3958
:
mière sera le projet de recherche sur les conditions de for-
mation de la stratégie, qui débuta en 1971 sous ma
direction, dans le contexte de l’université de McGill ; la
1049
en 1967.
:Non
1
0575
souvent d’une autre, sans réaliser la différence.
La raison de cette attitude est simple. Malgré la défini-
6464
tion formelle de la stratégie et ses origines militaires grec-
ques, nous devons utiliser ce mot à la fois pour expliquer
96:1
les actions du passé et pour décrire les comportements
projetés du futur. Après tout, si les stratégies peuvent être
87.1
planifiées et projetées dans l’avenir, elles peuvent aussi
être mises en œuvre et réalisées (ou non, suivant les évé-
.75.1
nements). Et le mode d’action du passé, ou ce que
j’appelle une stratégie réalisée, reflète cette volonté. Par
:196
ailleurs, de la même façon qu’un plan n’a pas besoin de
devenir un mode d’action (certaines stratégies projetées
7879
ne sont jamais réalisées), un mode d’action n’a pas besoin
de résulter d’un plan. Une organisation peut développer
8889
un mode d’action (une stratégie réalisée) sans le savoir,
seule la réalisation de la stratégie étant alors explicite, non
sa formulation.
:
3958
© Éditions d’Organisation
1
0575
montage). Si l’on considère, par exemple, les modèles
Volkswagen de la fin des années 1940 à la fin des années
1970, on découvre un mode d’action clair focalisé sur la
6464
Coccinelle. Il sera suivi, à la fin des années 1960, par une
recherche frénétique de changements à travers soit de
96:1
nouvelles acquisitions, soit le lancement de nouveaux
modèles. Ce sera le cas jusqu’à la réorientation stratégi-
87.1
que du milieu des années 1970, construite autour du
thème de véhicules plus design à refroidissement par eau
.75.1
et à traction avant.
:196
Mais que dire à propos des stratégies que l’on projette
de réaliser, de ces plans formels qui sont autant de décla-
7879
rations d’intention auxquels nous pensons à chaque fois
que nous prononçons le mot stratégie ? C’est là que, par
8889
ironie, nous nous enfonçons dans toutes sortes de problè-
mes. Même dans le cas d’un simple potier, comment pou-
vons-nous connaître les stratégies réelles qu’il projette ? Si
:
3958
larvo
Si vous croyez que tout cela a plus à voir avec une ana-
lyse freudienne de l’esprit d’un potier qu’avec la réalité
www
62 À PROPOS DU MANAGEMENT
1
0575
sont en elles-mêmes. Pouvons-nous simplement poser
comme hypothèse que, dans ce contexte collectif, les
stratégies projetées par cette société ne sont représentées
6464
que par ses plans formels et d’autres rapports émanant du
bureau de la direction générale ? Ne sont-ils que de vains
96:1
espoirs ou des options rationnelles ou encore des strata-
gèmes pour égarer la concurrence ? Et même s’il existe
87.1
une telle déclaration d’intention, jusqu’à quel point
est-elle partagée par les autres membres de
.75.1
l’organisation ? Comment peut-on lire dans l’esprit collec-
tif d’une organisation ? Et qui est, en fin de compte, celui
:196
qui élabore la stratégie ?
7879
La conception traditionnelle de la gestion stratégique
résout ces problèmes tout à fait simplement, par le sys-
8889
tème que les théoriciens de l’organisation appellent
« attribution ». On voit constamment cette explication
employée dans la presse économique. Lorsque General
:
3958
© Éditions d’Organisation
1
0575
complexité artificielle que nous avons élevée autour du
processus d’élaboration de la stratégie – nous devons
6464
retourner à quelques concepts de base. Le concept le plus
fondamental de tous est l’intime connexion qui existe
96:1
entre la pensée et l’action. C’est la clef de l’art du potier
et aussi celle de l’art de la stratégie.
87.1
Les stratégies n’ont pas besoin d’être délibérées –
.75.1
elle peuvent aussi émerger, plus ou moins, des
actions entreprises.
:196
Tout ce qui a été écrit au sujet de l’élaboration de la
7879
stratégie expose, en fait, ce processus comme totalement
délibéré. En premier lieu nous pensons, puis nous agis-
8889
sons. Nous formulons une idée puis nous l’exécutons. La
chaîne logique paraît parfaitement identifiable. Pourquoi :
quelqu’un voudrait-il procéder différemment ?
3958
1
0575
potier. Dans une organisation constituée par un seul indi-
vidu, le réalisateur est également celui qui donne l’ordre,
6464
aussi les innovations peuvent-elles être intégrées à la stra-
tégie rapidement et facilement. Dans les grandes organisa-
96:1
tions, celui qui découvre une innovation peut se trouver
à, au moins, dix niveaux hiérarchiques du leader qui est
87.1
supposé dicter la stratégie et il peut aussi avoir à vendre
son idée à des douzaines de pairs qui font le même travail
.75.1
que lui.
Certains commerciaux, bien sûr, peuvent agir de leur
:196
propre chef, modifiant les produits à la convenance de
leurs clients et convaincre les « gratte-papier » de l’usine
7879
d’intégrer ces modifications aux produits. Ils poursuivent
alors, en effet, leurs propres stratégies. Peut-être per-
8889
sonne d’autre n’y prêtera-t-il jamais attention. Parfois, il
peut arriver que leurs innovations provoquent l’intérêt, 3958
:
quelques années plus tard, quand les stratégies prédomi-
nantes de la société sont tombées « en panne » et que ses
leaders tâtonnent à la recherche de quelques nouveautés.
1049
celle de l’organisation.
:Non
1
0575
se révèla, de façon inattendue, devenir un long métrage.
Pour distribuer son film, l’ONF se tourna vers les cinémas
et acquit ainsi, sans le prévoir, une solide expérience du
6464
marketing des longs métrages. D’autres réalisateurs saisi-
rent l’occasion et l’ONF se trouva ainsi avoir mis en place
96:1
une stratégie pour les longs métrages, un mode d’action
pour produire de tels films.
87.1
Mon point de vue est simple, désespérement simple :
.75.1
les stratégies peuvent aussi bien se former qu’être formu-
lées. Une stratégie réalisée peut survenir en réponse à une
:196
situation changeante, ou elle peut être délibérément
adoptée à travers un processus de formulation qui sera
7879
suivi par une réalisation. Mais lorsque ce n’est pas le cas,
c’est-à-dire lorsque les intentions programmées ne produi-
8889
sent pas les actions désirées, les organisations se retrou-
vent alors avec des stratégies non réalisées.
:
3958
De nos jours, on entend souvent mentionner ce phé-
nomène de stratégies n’ayant débouché sur rien, et on
remarquera qu’à chaque fois, on assiste à des commentai-
1049
1
0575
mais pas seulement en concevant des stratégies plus
intelligentes. Quelquefois, ils peuvent être plus intelli-
gents en laissant les stratégies se développer graduelle-
6464
ment, en prenant en compte les actions et les
expériences de l’organisation. Un spécialiste intelligent
96:1
de la stratégie doit savoir reconnaître qu’il ne peut être
toujours assez intelligent pour penser, par avance, à tout
87.1
ce qui peut se produire dans l’avenir.
.75.1
:196
LA MAIN ET LA TÊTE
7879
Il n’existe pas de potier qui pense un jour et travaille
8889
un autre. L’esprit du potier va constamment au rythme de
sa main. Pourtant, dans les grandes organisations, on tente
de séparer le travail de la tête de celui de la main. En agis-
:
3958
1
0575
tions – les stratégies émergentes. Les actions convergent,
ainsi, vers des modes d’action. Ils peuvent être délibéré-
6464
ment adoptés, si, bien sûr, ils sont reconnus pour tels et
légitimés par la direction générale. Mais cela se produit
96:1
après coup.
Tout cela peut sembler bizarre. Je le sais. Les stratégies
87.1
qui émergent ? Les managers qui reconnaissent des straté-
gies déjà formées ? À travers les années, notre groupe de
.75.1
recherche de McGill a rencontré beaucoup de résistances
de la part de ceux qui furent sidérés par ce qu’ils perçu-
:196
rent être notre définition passive d’un mot qui était pour
eux si étroitement lié à la notion de comportement actif
7879
et de totale volonté. Le terme stratégie ne signifit-il pas,
après tout, contrôle, et la Grèce de l’Antiquité
8889
n’employait-il pas ce mot pour décrire l’art d’un général
d’armée. 3958
:
1049
L’APPRENTISSAGE DE LA STRATÉGIE
e:21
d’action.
Notre potier essaye de faire une forme sculpturale sur
.scho
1
0575
En pratique, bien sûr, tous les processus d’élaboration
de la stratégie marchent sur deux jambes, celle de la stra-
6464
tégie délibérée et celle de la stratégie émergente. Car, un
processus d’élaboration de la stratégie émergente exclu-
96:1
rait le contrôle, de la même façon qu’un processus d’éla-
boration de la stratégie purement délibéré exclurait
87.1
l’apprentissage. Poussées dans leurs extrêmes limites,
aucune de ces deux approches n’a beaucoup de sens.
.75.1
L’apprentissage doit être couplé au contrôle. C’est pour-
quoi, le groupe de recherche de McGill utilise le terme
:196
stratégie pour désigner aussi bien les comportements
émergents que les comportements délibérés.
7879
De la même façon, il n’existe pas une stratégie de type
délibéré pur ou de type émergent pur. Il n’existe aucune
8889
organisation – pas même, celles commandées par les géné-
raux de la Grèce antique – qui puisse avoir une connais- 3958
:
sance suffisante afin de prévoir tout par avance, pour
ignorer le rôle de l’apprentissage en cours de route. Et il
n’en existe pas une seule – pas même un potier solitaire –
1049
© Éditions d’Organisation
1
endroits les plus étranges et se développer à travers les
0575
moyens les plus inattendus. Il n’existe pas « une seule
bonne façon » pour élaborer une stratégie.
6464
La silhouette d’un chat s’effondre sur le tour, et notre
potier aperçoit un taureau qui prend forme. L’argile, en
96:1
tournant, est marquée par un ébauchoir et il en résulte
87.1
une série de formes cylindriques. Des formes très subtiles
apparaissent à cause d’un manque d’argile sur le tour et
.75.1
de la petitesse du four, parce que notre potier travaille
temporairement dans un autre atelier que le sien, en
France. De telles erreurs deviennent des opportunités et
:196
leurs limites stimulent la créativité, la propension natu-
7879
relle à l’expérience ou parfois juste l’ennui encouragent,
de la même façon, les changements stratégiques.
8889
Ces organisations qui « modèlent » leurs stratégies
connaissent des expériences similaires. Rappelons-nous, :
l’exemple de l’Office national du film qui, par inadvertance,
3958
1
0575
que les discussions faisaient rage, un réalisateur s’éloigna
discrètement et réalisa une série unique pour la télévi-
sion. Cet exemple fit école et un par un, ses collègues sau-
6464
tèrent le pas et en quelques mois, l’ONF – et sa direction
générale – se trouvèrent engagés pour plusieurs années
96:1
dans une nouvelle stratégie avec une intensité sans pareil
auparavant et depuis. Cette stratégie de consensus se
87.1
révéla spontanément comme le résultat de beaucoup de
décisions indépendantes prises par les réalisateurs à pro-
.75.1
pos des films qu’ils désiraient faire. Pouvons-nous dire
que cette stratégie est délibérée ? Pour le réalisateur,
:196
peut-être ; pour la direction générale, certainement pas.
Et pour l’organisation ? Tout dépend alors de la pers-
7879
pective dans laquelle vous vous situez, de la façon dont
vous choisissez de lire dans l’esprit d’une organisation.
8889
Tandis que l’ONF peut sembler un cas extrême, il
éclaire le comportement que l’on peut trouver, bien que
:
3958
dans la tête. C’est ainsi que ceux d’entre eux qui étaient
installés aux USA, en conduisant eux-mêmes leurs pro-
larvo
L’ÉLABORATION DE LA STRATÉGIE
DE L’« ENRACINEMENT »
1
0575
Ces stratégies reflètent, en tout ou en partie, ce que
nous aimerions appeler une approche de type
« enracinement » de la gestion stratégique. Les stratégies
6464
poussent comme le chiendent dans le jardin. Elles pren-
nent racines quel que soit le lieu, partout où il existe une
96:1
capacité d’apprendre (puisqu’ils sont en contact avec la
situation) et des ressources pour supporter cette capa-
87.1
cité. Ces stratégies deviennent organisationnelles
lorsqu’elles deviennent le fait d’une collectivité,
.75.1
c’est-à-dire, quand elles ont suffisamment proliféré à tra-
vers une organisation pour influencer son comportement.
:196
Bien sûr, cette vision est un peu exagérée. Mais elle
7879
n’est pas moins extrême que la vision traditionnelle de la
gestion stratégique que nous pourrions appeler par contre,
8889
une approche de type « serre ». Aucune des deux ne se
révèle valable. La réalité se situe quelque part entre les
deux. Certaines des stratégies les plus efficaces que nous
:
3958
1
0575
tion d’une nouvelle famille d’ordinateurs. Cette dernière
fut développée par la suite, en détail, à travers les diffé-
rents niveaux inférieurs de l’organisation (2).
6464
Du même type délibérément émergente, également,
96:1
est ce que nous appelons la stratégie du processus. Ici, la
gestion contrôle le processus de formation de la stratégie
87.1
– qui elle même détermine la conception de la structure,
avec son équipe dirigeante, le développement des procé-
.75.1
dures, etc. – laissant le contenu concret, là encore, à
d’autres niveaux inférieurs de l’organisation.
:196
Ces deux types de stratégie, la stratégie du parapluie et
la stratégie du processus, semblent prévaloir plus
7879
particulièrement dans les secteurs d’activité où il existe
des technologies de pointe réclamant un rôle d’expert et
8889
un besoin en créativité – des organisations du type de 3 M,
Hewlett-Packard, Office national du film. De telles organi- 3958
:
sations ne peuvent être efficaces que si ceux qui sont en
charge d’exécution de la stratégie sont autorisés à être
aussi ceux qui la formulent, parce qu’il s’agit de ceux qui,
1049
spécialiste de la stratégie.
x.com
© Éditions d’Organisation
1
0575
tions sous-tendant le déroulement de leurs actions et pour
obtenir une solide coopération entre leurs membres autour
d’objectifs établis en commun. Quelle que soit la définition
6464
que l’on adopte, et en particulier dans le cadre de celle de
la perspective de planification, la stratégie impose la stabi-
96:1
lité d’une organisation. Là ou il n’y a pas de stabilité, il n’y
a pas de stratégie (pas de cadre à des actions dans le futur,
87.1
pas de mode d’action déterminée à travers le passé). Car il
faut bien se rendre compte que, vraiment, le fait même
.75.1
d’avoir une stratégie et, en particulier, lorsqu’on la rend
explicite (comme la littérature traditionnelle implore les
:196
managers de le faire) crée une résistance à tout change-
ment stratégique !
7879
Mais là où la vision traditionnelle échoue et se bloque,
8889
c’est lorsqu’il faut analyser comment et quand prévoir le
changement. Le dilemme fondamental de l’élaboration de
la stratégie réside dans le besoin de réconcilier les forces de
:
3958
1
0575
n’avons constaté que deux orientations importantes pen-
dant les soixante ans qui allaient de la fondation de la
6464
société au milieu des années 70 : une réorientation vers le
libre-service en 1933 et une autre relative à l’introduction
96:1
de centres commerciaux avec le recours à un finance-
ment public en 1953. Chez Volkswagen, nous n’avons mis
87.1
en évidence qu’une seule réorientation majeure entre la
fin des années 40 et celle des années 70, réorientation qui
.75.1
a permis le passage de la traditionnelle Coccinelle aux
lignes de l’Audi et que nous avons déjà mentionnée plus
:196
haut. Et, dans le cadre, d’Air Canada, nous n’en avons
trouvé aucune tout au long des quatre premières décen-
7879
nies d’existence de cette compagnie aérienne, depuis sa
création.
8889
Nos collègues de McGill, Danny Miller et Peter Friesen
ont trouvé que ces modes d’action, en face de change- 3958
:
ments, étaient si courants dans leurs études sur un grand
nombre de sociétés (en particulier des sociétés à hautes
performances) qu’ils ont élaboré une théorie à partir de
1049
1
0575
Mais pendant que cela se passe, le monde continue de
changer, quelquefois lentement, parfois dans des
6464
bouleversements dramatiques. En conséquence de quoi,
que ce soit graduellement ou soudainement, les orienta-
96:1
tions stratégiques de l’organisation se révèlent ne plus
être en harmonie avec l’environnement de cette dernière.
87.1
C’est alors que Miller et Friesen disent qu’une révolution
stratégique doit avoir lieu. Cette longue période de chan-
.75.1
gement évolutif est brusquement perturbée par une crise
de bouleversements révolutionnaires dans laquelle l’orga-
:196
nisation voit altérer bon nombre de ses modes d’action
habituels. Il en résulte, qu’elle tente de faire un bond vers
7879
un nouveau stade de stabilité afin de rétablir rapidement
un équilibre dans le cadre d’un nouvel ensemble intégrant
8889
stratégies, structure et culture.
Mais que savons-nous au sujet de ces stratégies émer- 3958
:
gentes poussant comme des herbes vivaces autour de
l’organisation ? La théorie des quanta établit, alors, que
ces nouvelles stratégies sont généralement maîtrisées
1049
1
0575
Volkswagen est un cas dans ce contexte. Ainsi, long-
temps épris de la Coccinelle et armé d’un solide ensemble
6464
intégré de stratégies, Volkswagen ignora les changements
fondamentaux qui affectèrent son marché vers la fin des
96:1
années cinquante et soixante. L’inertie bureaucratique de
son organisation de production de masse s’était combinée
87.1
avec l’inertie psychologique de son leader, le plus haut
responsable du choix des stratégies qui avaient été sui-
.75.1
vies. Quand le changement est finalement survenu, ce fut
le tumulte : Volkswagen chercha à l’aveuglette son che-
:196
min à travers un fatras de nouveaux modèles avant de
choisir un ensemble de véhicules, poussé par un nouveau
7879
leader. Les réorientations stratégiques sont de vraies révo-
lutions culturelles.
8889:
3958
LES CYCLES DE CHANGEMENT
1049
© Éditions d’Organisation
1
0575
Puis l’arrivée de la télévision ramena l’attention sur de
nouvelles difficultés au début des années 1950, comme
nous l’avons déjà noté plus haut. Mais, à la fin des années
6464
1950, cette situation de troubles se dissipa presque aussi
vite qu’elle était apparue, donnant naissance à une autre
96:1
période d’exploration. Les changements sociaux qui
apparurent, alors, au début des années 1960 créèrent une
87.1
nouvelle période de convergence à propos des films
expérimentaux et des films sur des sujets sociaux.
.75.1
Nous dénommons « adhocraties » les organisations
:196
qui, tel l’Office national du film, réalisent des produits
individuels ou fabriqués selon une tradition (une concep-
7879
tion particulière) dans une vision innovatrice, sur la base
d’un projet (4). Notre potier est donc, aussi, une sorte
8889
d’adhocratie puisque chacune de ses sculptures de céra-
mique est unique. Et son mode d’action de changement
stratégique ressemble beaucoup à celui de l’ONF, avec
:
3958
1
0575
perfection dans un thème unique et précis et qui ne
changent plus jamais. La créativité disparaît finalement
6464
de leur œuvre et le monde passe à côté d’eux, les igno-
rant – c’est un peu ce qui arriva à Volkswagen jusqu’à ce
96:1
qu’il subisse le choc de sa révolution stratégique. Et
puis, il y a d’autre part ceux qui n’arrêtent pas de chan-
87.1
ger, qui passent d’une idée à l’autre, sans jamais se fixer
nulle part. Cela s’explique parce qu’aucun thème en
.75.1
stratégie n’émerge jamais de leur œuvre, ils ne peuvent
exploiter ou même développer aucune compétence dis-
:196
tincte. C’est aussi parce que leur œuvre manque de défi-
nition, les crises d’identité se développent ainsi, sans
7879
que, ni les potiers, ni ceux qui s’intéressent à leur
œuvre, sachent quoi faire de tout cela. Miller et Friesen
8889
disent que ce comportement se retrouve aussi dans le
monde des affaires ils l’appellent « l’impulsion de l’orga-
nisation à se conduire en aveugle » (5). Combien de fois
:
3958
tions (OPA).
e:21
1
0575
drais, aussi, redéfinir ce spécialiste en stratégie, pour le
remplacer par une entité collective ; faite de nombreux
acteurs différents qui interfèrent les uns sur les autres et
6464
forment, ainsi, expressément l’esprit d’une organisation.
Ce spécialiste en stratégies trouve ces dernières, pas moins
96:1
qu’il ne les crée, souvent à travers des modèles qui se des-
sinent à son insu dans leurs propres expressions.
87.1
Qu’est-ce que cela peut donc vouloir dire de modeler
.75.1
une stratégie ? Remettons-nous en mémoire les mots que
nous avons associés au modelage : dévouement, expé-
:196
rience, participation du matériau, touche personnelle,
maîtrise du détail, sens de l’harmonie et de l’intégration.
7879
Les managers qui sont aptes à modeler des stratégies ne
passent pas beaucoup de leur temps dans les bureaux de
8889
la direction générale à lire les rapports des systèmes
d’informations de gestion ou à étudier les analyses indus-
trielles. Ils s’impliquent et savent répondre aux matériaux
:
3958
d’une stratégie.
x.com
© Éditions d’Organisation
GÉRER LA STABILITÉ
larvo
1
0575
maîtrise du détail.
En conséquence, gérer une stratégie, du moins en pre-
6464
mière analyse, n’est pas tant promouvoir des change-
ments que de savoir quand ils devront avoir lieu. Les
96:1
défenseurs de la planification stratégique pressent sou-
vent les managers d’adopter des plans conçus pour tenir
87.1
compte de la perpétuelle instabilité de l’environnement
(par exemple, en instituant annuellement des plans quin-
.75.1
quennaux). Mais cette obsession du changement conduit
à un dysfonctionnement. Les organisations qui réexami-
:196
nent continuellement leurs stratégies sont comme ces
gens qui réexaminent continuellement leur métier ou leur
7879
mariage – dans les deux cas, ils peuvent soit finir par per-
dre tout bon sens, soit être réduits, par d’autres, à l’inac-
8889
tion. Le processus de planification formalisée se répète si
souvent et si mécaniquement qu’il peut conduire l’organi-
sation à un manque de sensibilisation aux questions de
:
3958
© Éditions d’Organisation
1
0575
dans le processus d’élaboration de la stratégie afin d’être
sûrs que toutes les données concrètes seront prises en
considération. Ils peuvent aussi stimuler les autres afin
6464
qu’ils pensent en termes de stratégie. Et de plus, ceux,
que nous appelons des planificateurs, peuvent aussi être
96:1
des spécialistes de la stratégie aussi longtemps qu’ils sont
des penseurs créatifs qui sont en rapport avec ce qui est
87.1
pertinent dans ce contexte. Mais tout cela n’a rien à faire
avec la technologie de la planification formalisée.
.75.1
:196
DÉTECTER LA DISCONTINUITÉ
7879
L’environnement ne change pas sur une base d’ordre
8889
ou de régularité. Et il subit rarement un changement
continuellement dramatique, malgré toutes les déclara- 3958
:
tions que l’on entend au sujet de notre « âge de la
discontinuité » ou des « turbulences » qui affectèrent cet
environnement (que pourraient penser de ces déclara-
1049
1
0575
tendues et irrégulières, par essence, sans précédent. Elles
ne peuvent être traitées que par des esprits qui connais-
sent les divers modes d’action existants tout en étant
6464
capables de s’apercevoir des lacunes importantes qui
existent dans ces derniers. Malheureusement, cette forme
96:1
de réflexion stratégique a tendance à s’atrophier durant
les longues périodes de stabilité que connaissent la plu-
87.1
part des organisations. (Comme, par exemple, cela fut le
cas chez Volkswagen durant la période allant des années
.75.1
1950 aux années 1960.) Aussi le principe qui se dégage de
tout ceci est le suivant : il faut agir la plupart du temps
:196
dans une orientation stratégique donnée tout en étant
capable de traiter les discontinuités occasionnelles qui
7879
peuvent survenir réellement.
8889
La chaîne de supermarchés Steinberg fut fondée et
dirigée pendant plus d’un demi-siècle par un homme
nommé Sam Steinberg. Pendant vingt ans, cette société se
:
3958
1
0575
CONNAÎTRE SON ACTIVITÉ
6464
Sam Steinberg était l’archétype même de l’entrepre-
96:1
neur, un homme intimement lié à tous les aspects et
détails de son activité, qui passait ses samedis matins à
87.1
visiter ses magasins.
Comme nous discutions des avantages de sa société
.75.1
par rapport à ses concurrents, il nous dit :
« Personne ne connaît le commerce de l’épicerie
:196
comme nous. Tout doit procéder d’une connais-
sance. Je connais les marchandises, je connais leur
7879
coût, je connais la vente, je connais les clients, je sais
tout et je transmets ma connaissance de cette acti-
8889
vité, et je veille à ce que tout le monde dans mon
entreprise continue à apprendre. C’est surtout cela, :
3958
l’avantage que nous avons. Nos concurrents n’arri-
vent pas à nous rattraper. »
1049
sagesse est un mot que nous avons perdu dans les bureau-
craties que nous avons construites tout autour de nous à
.scho
1
0575
Les potiers s’entraînent à voir, à saisir des choses que
les autres ignorent. C’est la même chose pour les mana-
6464
gers qui s’occupent de stratégie. Ce sont ceux qui possè-
dent une sorte de vision périphérique qui sont les plus
96:1
aptes à déceler et à prendre avantage des événements qui
se développent autour d’eux.
87.1
.75.1
GÉRER LES MODES D’ACTION
:196
Que ce soit dans les bureaux de la direction générale
d’une quelconque grande société située à Manhattan ou
7879
dans un atelier de poterie de Montréal, la clef de la gestion
de la stratégie réside dans la capacité à déceler l’émer-
8889
gence des modes d’action et à les aider à prendre corps.
Le vrai travail du manager ne consiste pas juste à envisager :
3958
des stratégies spécifiques mais aussi à reconnaître leur
émergence partout où elle a lieu dans l’organisation et de
1049
1
0575
l’intérieur duquel il sera possible à une grande variété de
stratégies de se développer. Dans les organisations plus
6464
complexes, cela peut vouloir dire la création de structu-
res flexibles, l’embauche de créatifs, la définition de stra-
96:1
tégies d’encadrement plus larges tout en observant les
modes d’action qui émergent.
87.1
.75.1
RÉCONCILIER CHANGEMENT ET CONTINUITÉ
:196
En définitive, les managers partisans d’une refonte radi-
cale doivent conserver présente à l’esprit la théorie des
7879
quanta de changements. Comme nous le rappelle l’Évan-
gile, il y a un temps pour semer et un temps pour récolter.
8889
Certains nouveaux modes d’action doivent ainsi être tenus
en réserve jusqu’à ce que l’organisation se sente prête :
3958
pour une révolution stratégique ou du moins prête à
entrer dans une période de divergence. Les managers qui
1049
1
0575
propre démarche, elles ont à appréhender ainsi leurs
capacités et leur potentiel. C’est ainsi que la stratégie de
l’artisan, comme la gestion du modelage nécessite une
6464
synthèse naturelle du futur, du présent et du passé.
96:1
87.1
.75.1
:196
7879
8889:
3958
1049
e:21
:Non
x.com
© Éditions d’Organisation
larvo
.scho
www
CHAPITRE 3
Hémisphère gauche
1
0575
et planification,
hémisphère droit
6464
et management
96:1
87.1
.75.1
L’article que je reprends ici précède celui du
chapitre 2 de plus d’une décennie, et j’y abordai un sujet
:196
quelque peu différent bien que peut-être plus
fondamental : la relation entre l’analyse et l’intuition telle
7879
qu’elle se manifeste tout au long du rapport quelquefois
tendu entre le « personnel » et la « hiérarchie », avec en
8889
particulier une attention toute spéciale pour les planifica-
teurs et les managers. Les deux premiers articles de ce :
3958
livre proviennent de bien des années de recherches et de
méditation ; ce troisième article est plutôt un résultat
1049
1
0575
rus des hommes comme Roger Sperry – un véritable
scientifique qui sait aussi manier le scalpel – et ils furent
ceux qui redécouvrirent l’intuition, cachée, en un certain
6464
sens, quelque part dans l’hémisphère droit du cerveau
humain !
96:1
À travers ma lecture du livre d’Ornstein, j’en vins à réa-
87.1
liser que j’avais réellement bien célébré l’intuition dans
mes propres recherches, la mettant à jour dans toutes sor-
.75.1
tes de lieux étranges et clandestins. C’était se brouiller
avec la ligne directrice de toute la littérature sur le mana-
:196
gement – appliquée pas moins que théorique – qui insis-
tait, presque jusqu’au point de l’obsession, sur le rôle de
7879
l’analyse dans les organisations, et, en particulier, dans le
cadre de ce que l’on nomme, le métier du manager.
8889
Le titre me vint tout de suite, puis j’écrivis l’article (en
règle générale, c’est plutôt le contraire). Mes écrits connais- 3958
:
sent toujours plusieurs rédactions, avant de les transmettre
à l’éditeur pour que lui-même fasse ses propositions de cor-
rection. « Hémisphère gauche et planification, hémisphère
1049
1
0575
« C’est parce qu’ici, il y a plus de lumière que dans ma
maison. »
6464
Cette petite histoire évoque un attrait mystérieux,
éternel qui a beaucoup à voir avec ce qui va suivre. Mais
96:1
mettons de côté celle-ci pour le moment et laissez-moi
poser certaines questions – très simples et cependant
87.1
mystérieuses – qui m’ont longtemps rendu perplexe.
.75.1
● Pourquoi y a-t-il des personnes à la fois si intelligentes
et si bornées, si capables de maîtriser certaines activi-
:196
tés mentales et si incapables d’en maîtriser d’autres ?
Pourquoi y a-t-il parmi les penseurs les plus créatifs des
7879
hommes incapables de comprendre un bilan et parmi
certains comptables des hommes qui n’ont pas le sens
8889
de la conception d’un produit ? Pourquoi existe-t-il de
brillants spécialistes en gestion incapables de manier :
3958
des politiques organisationnelles tandis qu’il existe des
spécialistes de ces questions politiques qui semblent
1049
1
0575
J’ai l’intention de fournir toute une série de réponses à
ces trois ensembles de questions autour du thème de la
6464
spécialisation des hémisphères du cerveau humain. Puis
j’utiliserai mes propres recherches pour en tirer quelques
96:1
indications dans le cadre de la gestion, revenant à notre
histoire avec Nasrudin.
87.1
.75.1
LES DEUX HÉMISPHÈRES
:196
DU CERVEAU HUMAIN
7879
Essayons d’abord de répondre à nos trois séries de
8889
questions en observant ce que l’on sait au sujet des hémis-
phères du cerveau humain. 3958
:
1049
1
0575
l’hémisphère droit apparaît être spécialisé dans le traite-
ment simultané de l’information ; c’est-à-dire qu’il semble
opérer par une méthode « holistique » ou « relationnelle ».
6464
La compréhension d’images visuelles est peut-être sa
faculté la plus évidente.
96:1
Bien qu’il y ait peu d’activités mentales spécifiques qui
87.1
puissent être associées à un des hémisphères ou à l’autre,
il en existe quand même, et sur ce point certaines recher-
.75.1
ches ont apporté des indices importants. Par exemple, un
article de The New York Times fait état de recherches qui
:196
suggèrent que les émotions pourraient être une fonction
de l’hémisphère droit (1). Cette idée vient d’une constata-
7879
tion faite sur les victimes d’accidents ; celles dont l’hémis-
phère droit a été atteint se montrent souvent peu
8889
troublées par leur incapacité, alors que celles dont
l’hémisphère gauche a été endommagé souffrent souvent
de profondes angoisses.
:
3958
aurait pour effet que les mots seraient détachés des ges-
tes. En d’autres termes, dans le même individu, deux cer-
.scho
1
0575
deux hémisphères du cerveau, ils pouvaient « partager le
cerveau » , isolant l’épilepsie. Un grand nombre d’expé-
riences faites sur ces patients au « cerveau divisé » a
6464
apporté des résultats fascinants.
96:1
Dans une de ces expériences, les médecins ont montré
à une femme épileptique de l’hémisphère droit, une photo-
87.1
graphie montrant une femme nue. (Dans le cas de cette
opérée de l’hémisphère droit, on devait donc lui montrer
.75.1
le document par la moitié gauche de chaque œil.) La
patiente déclara qu’elle ne voyait rien mais dans le même
:196
instant, elle rougit, sembla confuse et se sentit mal.
L’hémisphère gauche de son « Conscient », incluant l’appa-
7879
reil verbal, n’avait pris connaissance que d’un problème : il
savait que quelque chose était arrivé à son corps mais il
8889
ignorait ce qui avait provoqué la réponse « émotionnelle ».
Seul, l’hémisphère droit de l’« Inconscient » savait. Les
neuro-chirurgiens notèrent ici une séparation claire entre
:
3958
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1
0575
vent suivre un processus provenant d’un hémisphère
droit plus développé. Ainsi un artiste peut-il être inca-
pable d’exprimer certains sentiments en mots, tandis
6464
qu’un avocat n’aura aucune disposition pour la peinture.
Ou un politicien peut être bien incapable d’apprendre les
96:1
mathématiques, tandis qu’un spécialiste de la gestion
scientifique pourra être constamment manipulé dans une
87.1
situation politique.
.75.1
:196
DEUXIÈME SÉRIE DE QUESTIONS
7879
Un certain nombre de mots antonymiques furent choi-
sis pour tenter de distinguer les modes de « conscience »
8889
des deux hémisphères. Par exemple : explicite contre
implicite ; verbal contre spatial ; argument contre 3958
:
expérience ; intellectuel contre intuition ; et analytique
contre gestalt.
1049
occidental.
94 À PROPOS DU MANAGEMENT
1
0575
altérer le pouls). Tout à l’opposé, la psychologie de l’Occi-
dent s’est pratiquement uniquement concentrée sur la
conscience de l’hémisphère gauche, avec sa pensée logi-
6464
que. Ornstein suggère que nous pourrions trouver une
des clefs importantes du conscient humain dans l’hémis-
96:1
phère droit, dans lequel, nous autres Occidentaux,
n’avons vu que l’aspect obscur.
87.1
Maintenant, réfléchissons un moment sur tout cela
.75.1
(devrais-je dire méditons ?). Il existe un ensemble de pro-
cessus de pensée – linéaire, séquentiel, analytique – que
:196
les scientifiques et une bonne partie d’entre nous connais-
sent assez bien. Et il existe un autre ensemble – simultané,
7879
relationnel, holistique – sur lequel nous savons vraiment
bien peu de choses. Plus important est le fait qu’ici, nous
8889
ne « savons » pas ce que nous « savons » , ou plus exacte-
ment, que notre hémisphère gauche ne semble pas capa-
ble d’articuler explicitement ce que notre hémisphère
:
3958
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1
0575
hémisphère droit plus développé… et maintenant que je
viens d’écrire ces lignes, au lecteur dont c’est le cas pour
6464
l’hémisphère gauche). Car il se peut que les chercheurs
en management aient perdu la clef du management qu’ils
96:1
sont en train de chercher à la lumière de l’analyse logique,
alors qu’elle a peut-être été perdue dans l’obscurité de
87.1
l’intuition.
En particulier, je soutiens qu’il y a une différence fon-
.75.1
damentale entre la planification formelle et le manage-
ment informel, qui tient beaucoup de la différence entre
:196
les deux hémisphères du cerveau humain. Les techniques
de la planification et de l’analyse sont séquentielles et
7879
systématiques ; et surtout il y a toujours une articulation
entre les étapes du processus. Les planificateurs et spécia-
8889
listes du management scientifique sont censés agir dans
leur travail en respectant une série d’étapes logiques et 3958
:
ordonnées dont chacune nécessite une analyse explicite.
(L’argument comme quoi une application réussie de ces
techniques demande une intuition considérable ne
1049
1
0575
au niveau des managers de la haute direction d’une orga-
nisation, car je pense que c’est surtout à ce niveau que se
révèle le mieux la dichotomie entre plan et gestion.) Les
6464
managers planifient aussi d’une certaine façon (c’est-à-dire
qu’ils pensent au lendemain) et ils participent ainsi à l’ana-
96:1
lyse logique. Mais je crois qu’il y a bien plus que tout cela
dans la gestion efficace d’une organisation. Je pose, en
87.1
conséquence, l’hypothèse suivante : les processus impor-
tants de management d’une organisation semblent être
.75.1
reliés jusqu’à un point considérable aux facultés identi-
fiées comme celles de l’hémisphère droit du cerveau. Les
:196
bons managers semblent ainsi évoluer aisément dans un
système ambigu, complexe et quelque peu mystérieux
7879
dans lequel il y a relativement peu d’ordre.
8889
Si cette hypothèse se révèle corroborée par les faits,
elle peut alors constituer cette réponse que nous cher-
chions pour notre troisième série de questions concer-
:
3958
garage…
larvo
LE MANAGEMENT
VU PAR L’HÉMISPHÈRE DROIT
1
0575
Comme les recherches, dans ce domaine, nous
apprennent peu sur l’hémisphère droit, je ne peux
qu’imparfaitement soutenir ma thèse qui consiste à dire
6464
que la clef du management doit s’y trouver. Je ne peux, en
fait, que faire part au lecteur de mon « sentiment » de la
96:1
situation et il ne m’est pas possible de lui soumettre ici un
ensemble de données concrètes pour prouver cette
87.1
thèse. Mais un nombre non négligeable des conclusions
de mes travaux sur les processus de management suivis
.75.1
par les managers supérieurs, suggèrent que ces processus
possèdent les caractéristiques de ceux de la pensée asso-
:196
ciée à l’hémisphère droit.
7879
Dans toutes ces recherches, il y a un fait marquant. Les pro-
cessus de management clefs sont énormément complexes et
8889
mystérieux (tout autant pour moi en tant que chercheur que
pour les managers qui les conduisent), se déduisant d’infor-
mations les plus vagues et peu sensibles aux processus men-
:
3958
phère droit.
Présentons ici quelques conclusions générales sur ce
:Non
thème :
x.com
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1
0575
D’abord, la communication verbale permet au mana-
ger de « lire » les expressions du visage, le ton de la voix
6464
et les gestes. Or, comme je le mentionnais plus haut, ces
stimuli semblent être associés à l’hémisphère droit du cer-
96:1
veau. Le second point, et peut-être le plus important de la
communication verbale, c’est qu’elle permet au manager
87.1
de pratiquer un échange d’informations en « temps réel ».
Le pôle d’intérêt que représente la communication ver-
.75.1
bale, pour les managers, démontre, en conséquence,
qu’ils sont principalement à la recherche de méthodes de
:196
communication permettant une approche à la fois rela-
tionnelle et simultanée pour acquérir de l’information,
7879
plutôt qu’une approche ordonnée et séquentielle.
8889
2. Il ne suffit pas de mettre en évidence la forme de
communication préférée du manager, il faut encore s’inté- :
3958
resser au contenu de son message et à ce qu’il en fera. On
découvre alors qu’un grand nombre des informations
1049
intérêt mineur.
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1
0575
tionnelle et holistique de l’information.
Un grand nombre des mots que les managers utilisent
6464
suggère ce genre de processus mental. Ainsi, le mot
« impression » semble se référer aux résultats de modèles
96:1
implicites dont les managers disposent dans leur sub-
conscient. « Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai l’impression
87.1
que si nous faisons X, alors ils répondront Y. » Les mana-
gers utilisent, aussi, le mot « intuition » pour faire réfé-
.75.1
rence aux processus de pensée qu’ils ont suivis mais dont
ils n’ont aucune connaissance explicite. Ce semble être le
:196
mot que l’intellect verbal a donné aux mystérieux proces-
sus de la pensée. Il se peut ainsi que dire d’une personne
7879
« quelle a de bonnes intuitions » signifie, simplement, que
les modèles implicites contenus dans son hémisphère
8889
droit sont performants.
:
3958
3. Une autre conséquence, de la nature verbale, des
informations du manager, mérite d’être encore analysée
1049
1
0575
veau suggèrent une seconde raison, peut-être plus signifi-
cative, concernant ce dilemme de la délégation. Le
manager peut simplement être incapable de diffuser les
6464
informations utiles parce qu’elles sont inaccessibles à son
conscient.
96:1
87.1
4. Au début de cet article, j’écrivais que le manager se
délectait dans des systèmes ambigus, complexes et mysté-
.75.1
rieux dans lesquels l’ordre était le plus souvent absent.
Envisageons quelques démonstrations de ce phénomène.
:196
J’ai beaucoup insisté sur l’emploi que le manager faisait
des informations qu’il recueillait et j’en déduisais que son
7879
travail était orienté vers l’action et non la réflexion. Il suf-
fit pour s’en convaincre d’ajouter encore le rythme même
8889
de ce travail (« Les pauses sont rares. C’est une affaire
après l’autre dans un rythme infernal » ) ; la brièveté de 3958
:
leurs activités (la moitié des activités des managers diri-
geants, que j’avais observés, ne duraient pas plus de neuf
minutes) ; la variété (ces managers dirigeants ne suivaient
1049
© Éditions d’Organisation
1
0575
5. Si les rôles les plus importants du manager, parmi les
dix que je définis dans mon étude, devaient être isolés, il
6464
est certain que les rôles de leader, d’agent de liaison et de
régulateur seraient incontestablement parmi cette sélec-
96:1
tion. Ils sont pourtant les rôles les moins bien compris. Le
rôle de leader décrit la façon dont le manager établit ses
87.1
rapports avec ses subordonnés. Il est assez paradoxal de
constater qu’en dépit de la grande quantité de travaux sur
.75.1
ce thème, les managers et les chercheurs ne savent
encore pratiquement rien sur l’essence du leadership, sur
:196
le pourquoi du fait qu’il existe des hommes qui mènent et
d’autres qui suivent. La notion de leadership demeure
7879
pour nous une mystérieuse alchimie ; des mots
« fourre-tout » comme charisme ne font que proclamer
8889
notre ignorance.
Dans le rôle d’agent de liaison le manager construit un :
3958
réseau de contacts extérieurs à son organisation, qui lui
servira de service d’information personnel. Les activités
1049
de l’intuition et de l’expérience.
.scho
1
0575
encore plus nettement pour une autre raison : ils sem-
blent être les aspects les plus importants de ces proces-
sus. Le diagnostic, en particulier, semble être le point
6464
crucial du processus de prise de décision stratégique car
c’est à ce niveau que se situe l’essentiel du processus de
96:1
prise de décision. C’est toutefois quelque peu surprenant
de se rendre compte qu’il n’y a pratiquement rien sur le
87.1
diagnostic dans la littérature consacrée à la planification
ou à la gestion scientifique qui se concentre presque uni-
.75.1
quement sur l’évaluation formelle des alternatives envisa-
gées. La véritable question est alors de se demander où et
:196
comment le diagnostic intervient ? Selon toute appa-
rence, dans l’obscurité du jugement et de l’intuition.
7879
8889
7. Un autre point important qui mérite d’être souligné
dans l’étude des processus de prise de décision stratégique, 3958
:
est l’existence et l’influence profonde d’un ensemble de
facteurs dynamiques. Les processus de prise de décision
stratégique sont bloqués par les interruptions, retardés ou
1049
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1
0575
problème du temps (4). Les managers se trouvent donc
abandonnés à eux-mêmes pour traiter les questions rela-
tives aux facteurs dynamiques, lesquelles impliquent des
6464
modes de pensées simultanées et relationnelles.
96:1
8. Quand les managers doivent prendre des décisions
87.1
à partir d’un ensemble d’options différentes, comment
concrètement procèdent-ils ? On distingue trois modes
.75.1
fondamentaux de sélection – analyse, jugement et mar-
chandage. Le premier mode implique une évaluation sys-
:196
tématique des options en termes de conséquences sur les
buts clairement affichés de l’organisation ; le second est
7879
un processus qui se déroule dans l’esprit d’un « preneur
de décision » unique ; et le troisième implique des négo-
8889
ciations entre différentes parties.
Un fait, à nouveau très surprenant, concerne la façon :
3958
dont les managers prennent ces décisions stratégiques.
C’est que, selon leurs dires, il y en a très peu qui utilisent
1049
1
0575
périodes de stabilité dans le développement d’une straté-
gie, mais il y a aussi des périodes de flux, de tâtonne-
ments et de changement global. À mon avis, la
6464
« stratégie » représente la force de médiation entre un
environnement dynamique et un système opératoire sta-
96:1
ble. La stratégie est l’expression d’une conception de
l’organisation qui explicite la façon dont cette dernière
87.1
entend « réagir » à son environnement, pour une période
de temps donnée.
.75.1
Mais l’environnement ne change pas suivant un mode
:196
d’action donné. Et si cela se révélait être le cas, le cerveau
humain ne serait certainement pas à même de le perce-
7879
voir. On a tendance à répondre en dessous de ce qui est
nécessaire devant un stimulus plutôt doux, et au
8889
contraire à réagir avec une violence excessive devant un
stimulus plutôt agressif. Ceci démontre, en conséquence,
que les stratégies qui concilient les rapports entre l’envi-
:
3958
© Éditions d’Organisation
l’environnement.
larvo
1
0575
résultat d’un processus informel – vague, interactif et sur-
tout orienté vers la synthèse d’éléments disparates. Il
n’existe pas de processus de gestion qui demande autant
6464
une pensée holistique, relationnelle que la création d’une
stratégie intégrée dont le but est d’agir dans le contexte
96:1
d’un environnement complexe et confus. De quelle façon
l’analyse que l’on nomme la planification stratégique
87.1
peut-elle donner naissance à une telle stratégie ?
.75.1
Une autre vieille histoire peut également être rappelée
ici. C’est celle des aveugles qui veulent reconnaître un élé-
:196
phant en le touchant. L’un d’entre eux saisit la trompe et
dit qu’un éléphant, c’est long et doux, un autre touchant
7879
une patte dit qu’un éléphant c’est massif et cylindrique et
un troisième, effleurant la peau, conclut que c’est un ani-
8889
mal rude et recouvert d’écailles. Comme Ornstein l’a
observé :
:
3958
« Les aveugles qui entourent l’éléphant peuvent
déterminer ses dimensions, ce qui est une évaluation
analytique de la situation, mais on n’obtient pas la
1049
nouveau insister sur le fait que tout ce que j’ai écrit, ici,
106 À PROPOS DU MANAGEMENT
1
0575
que ces résultats semblent confirmer l’hypothèse faite au
début de cet article : Les processus hautement comple-
xes, au niveau de la détermination des politiques
6464
qu’implique la gestion d’une organisation, sont liés de
façon très étroite aux facultés qui ont été identifiées
96:1
comme celles de l’hémisphère droit du cerveau.
87.1
Cette conclusion ne veut pas dire, bien sûr, que
l’hémisphère gauche n’est pas important pour les déci-
.75.1
deurs. Chaque manager s’engage au moment de chaque
action dans une série considérable de calculs explicites,
:196
et une grande partie des données intuitives doivent ainsi
être traduites suivant le mode de pensée linéaire de
7879
l’hémisphère gauche si l’on veut les faire entrer en ligne
de compte dans ce processus. Les pouvoirs immenses qui
8889
apparaissent être associés avec l’hémisphère droit, sont
évidemment, sans utilité sans les facultés de l’hémisphère
gauche. L’artiste peut créer sans avoir besoin de verbali-
:
3958
1
0575
qués dans l’« obscurité » de l’intuition.
6464
LES IMPLICATIONS
96:1
POUR L’HÉMISPHÈRE GAUCHE
87.1
Mais qu’est-ce que tout ce que nous venons de voir
.75.1
représente pour le management ?
D’abord je voudrais préciser que je ne propose pas que
:196
tous les planificateurs et les scientifiques de la gestion
bouclent leurs valises et quittent les organisations, ou
7879
qu’ils utilisent leur temps libre à faire de la vannerie ou de
la méditation. (Ça ne m’est jamais arrivé… du moins pas
8889
encore !) Mais il me semble que dans notre société,
l’hémisphère gauche est bien vivace ; la communauté des :
3958
partisans de l’analyse est fermement établie et certes
indispensable tant aux niveaux opérationnels qu’aux
1049
1
0575
tion a besoin de stratégies innovatrices, alors la pla-
nification stratégique n’est certes pas la meilleure
approche à l’élaboration de la stratégie, et les planifica-
6464
teurs n’ont pas intérêt à pousser leurs organisations à
employer cette approche. De plus, la prise de décision
96:1
efficace aux niveaux supérieurs de l’organisation réclame
des informations analytiques de qualité ; c’est au planifica-
87.1
teur et au scientifique de la gestion de les fournir à la
direction de l’organisation. Les managers sont très effica-
.75.1
ces pour obtenir des informations informelles. Mais ils ont
tendance à minorer les données analytiques qui sont, bien
:196
souvent, aussi importantes que les précédentes. Les pla-
nificateurs et les scientifiques de la gestion peuvent donc
7879
servir efficacement leurs organisations en menant des ana-
lyses ad hoc et en transmettant les conclusions de leurs
8889
résultats aux managers de la direction générale (ai-je
besoin de dire de façon « verbale » ?) s’assurant enfin que :
3958
le meilleur de leurs analyses a été transmis pour soutenir
le processus de prise de décision.
1049
1
0575
nomiques et de la psychologie comme si ces théories
étaient des fins en elles-mêmes. Dans ces écoles de ges-
tion, on accorde réellement une toute petite place à la
6464
gestion. Il y a besoin d’un nouvel équilibre dans nos éco-
les, un équilibre pour atteindre le meilleur de ce que peut
96:1
produire le cerveau humain, entre l’esprit d’analyse et
l’intuition.
87.1
En ce qui concerne les managers, notre première
.75.1
conclusion est un appel à la prudence. Les découvertes
sur le cerveau humain ne devraient pas être considérées
:196
comme une forme de licence pour ensevelir les activités
dans l’obscurité. Un comportement artificiel et mystifica-
7879
teur est le stratagème favori de ceux qui cherchent à pro-
téger les bases de leur pouvoir. Cela n’aide aucune
8889
organisation, pas plus que ceux qui voudraient imposer le
recours à l’intuition pour des activités qui peuvent être
traitées par une approche analytique. Mais ne pas mettre
:
3958
1
0575
dans le management
6464
96:1
« Hémisphère gauche et planification, hémisphère
87.1
droit et management », cette distinction n’apporte pas
tant de solutions à des thèmes de première importance
.75.1
qu’il provoque au contraire des questions sur ces der-
niers. La première parmi toutes ces questions est celle
:196
concernant la façon dont nos organisations devraient uti-
liser les processus analytiques et intuitifs. Une utilisation
7879
excessive de l’intuition, qui était si commune il y a un siè-
cle, peut mener les organisations vers des comportements
8889
particuliers et arbitraires. Mais un recours excessif à l’ana-
lyse, ce qui est je crois le cas de nos jours, peut conduire :
à des comportements indifférents et amorphes. La façon
3958
1
0575
était consacrée à ce groupe, que j’identifiais d’abord
comme les analystes des états-majors des organisations –
les spécialistes OR, les planificateurs et les concepteurs
6464
de systèmes d’information. Rien ne m’a autant frustré
dans le monde de la gestion que la règle dite « règle de
96:1
l’outil », c’est-à-dire l’emploi d’une technique pour elle-
même (« Donnez un marteau à un petit garçon et tout,
87.1
autour de lui, aura besoin d’une réparation »)1. Ces arti-
cles cherchent à corriger cette manière de voir les choses.
.75.1
J’ai toujours considéré Herbert Simon comme le théo-
:196
ricien des organisations le plus important de notre temps.
Simon a fait des études de sciences politiques mais il a très
7879
tôt rejoint la Graduate School of Industrial Administration
à l’université de Carnegie-Mellon où il est devenu le grand
8889
penseur que l’on sait dans le domaine du développement
de l’école contemporaine de gestion.
:
3958
Dans les années 1950, la GSIA, comme on l’appelle, a
littéralement inventé l’enseignement actuel de la gestion.
Au GSIA, on considérait que la principale tâche d’une
1049
© Éditions d’Organisation
1
0575
organisations ou de notre attitude en face de la recherche,
a été profond et il se reflète dans sa bibliographie où l’on
6464
ne compte pas moins de cinq cents titres, comprenant
outre des articles, plusieurs ouvrages de fond sur ces
96:1
questions (3). Sa contribution fut consacrée en 1978,
lorsqu’il reçut le prix Nobel. On lui décerna le Nobel
87.1
d’économie bien que Simon le reçut pour ses travaux sur
la théorie des organisations. Depuis le début des années
.75.1
1970, Simon s’est installé au département de psychologie
de l’université de Carnegie-Mellon, où il poursuit une
:196
série d’études sur le processus de la prise de décision à
travers des recherches sur la cognition chez l’être
7879
humain.
J’envoyais à Simon un exemplaire de mon article
8889
« Hémisphère gauche et planification, hémisphère droit
et management » peu de temps après qu’il ait été accepté 3958
:
pour la publication. Il me répondit presque aussitôt en
considérant mon argumentation comme erronée. Prati-
quement au même moment, je recevais un télégramme de
1049
1
0575
compte que je concluais, donc également, que notre
société avait payé, d’un prix terrible, son rejet durant pra-
tiquement tout le cours de notre siècle – dans le cadre des
6464
organisations, de l’étude des organisations et derrière
cela, dans le cadre de la psychologie elle-même.
96:1
Je crois qu’il est intéressant de prendre ici le temps de
87.1
rappeler une partie de mon échange de correspondance
avec Herbert Simon au sujet de mon article, d’abord parce
.75.1
qu’elle me paraît digne d’attention en elle-même, mais
surtout parce que je crois qu’elle aide à introduire un sujet
:196
controversé dans ce qui va suivre.
Dans ses premières lettres, Simon avait mentionné
7879
qu’il révisait The New Science of Management Decision1
un de ses livres, petit mais fondamental, consacré à
8889
l’impact des ordinateurs sur les organisations et en parti-
culier au besoin de faire que les « techniques modernes » 3958
:
de l’analyse systématique puissent apporter leur soutien
aux processus « traditionnels » et « non programmés » de
la décision dans le cadre du management à son plus haut
1049
ment.
COUPLER ANALYSE ET INTUITION 115
1
0575
ceux que nous pouvons spécifier ou programmer.
Sommes-nous capables réellement de comprendre
même la signification d’une synthèse ? Ces lectures,
6464
ainsi que certaines questions qui me rongeaient
depuis un moment dans mes propres recherches
96:1
m’incitèrent à écrire : “Hémisphère gauche et plani-
fication, hémisphère droit et management”, plus
87.1
dans l’optique de soulever des questions que d’y
apporter des réponses. Mais de toute façon, je suis
.75.1
curieux de savoir si vous considérez que ce sujet est
à revoir, et si oui, comment. Je commence à penser
:196
que cela peut être un sujet fondamental pour nous. »
7879
Sa réponse du 24 mars 1976 fut la suivante :
« Je ne discute pas la question des hémisphères droit
8889
et gauche du cerveau dans ma nouvelle révision
mais je veux surtout discuter de la solution de pro- 3958
:
blèmes mal structurés. Je crois que la distinction
entre les deux hémisphères est importante mais je ne
crois pas (a) que Orstein en ait donné une descrip-
1049
1
0575
même de les créditer de PES1 qui n’a jamais reçu le
début d’une preuve) ! Je paraphraserai un philoso-
6464
phe français : “Je n’ai aucun besoin de cette hypo-
thèse.” Était-ce Diderot ? Peut-être un de vos collègues
96:1
d’Aix-en-Provence pourra-t-il vous dire d’où vient
cette citation.
87.1
Nous débutons, maintenant, un cycle de recherches
sur des analyses de managers opposées à des analy-
.75.1
ses d’étudiants, dans des cas de choix de politiques
pour des organisations, à partir de l’idée d’utiliser
:196
notre hypothèse sur la perception comme guide pour
la mise en évidence des différences. Peut-être
7879
aurons-nous des résultats dans quelques mois. En
attendant, j’incline à penser qu’il vaut mieux aller
8889
doucement sur les explications que l’on peut tirer de
la distinction entre hémisphère droit et gauche sur 3958
:
l’intuition. C’est juste la dernière d’une longue série
de modes – non le phénomène en lui-même mais
cette explication romantique qui en est donnée. »
1049
Extra-Sensorielle : PES).
COUPLER ANALYSE ET INTUITION 117
1
0575
prouvée de façon scientifique, écarter ce phénomène par
un « qui n’a jamais reçu le début d’une preuve » m’en dit
plus au sujet des idées de Simon que sur les PES. Le 4 mai
6464
1976, je lui faisais donc parvenir la lettre suivante :
96:1
« Votre lettre sur mon article concernant les prati-
ques du management et les deux hémisphères du cer-
87.1
veau humain m’a stimulé pour revoir attentivement
mon propos. Lorsque votre lettre me parvint, l’article
.75.1
avait reçu l’accord de l’éditeur pour la publication,
mais j’avais la possibilité d’y apporter encore quel-
:196
ques changements. Je choisissais de nuancer les cho-
ses, d’une part en insistant moins sur des
7879
commentaires spécifiques qui unissaient les proces-
sus de management à l’un ou à l’autre des hémisphè-
8889
res, et d’autre part en me montrant plus clair sur la
distinction entre les faits et les spéculations. Je pen-
sais que l’important était de bien présenter le thème
:
3958
réels du management.
Pour ce qui concerne votre attitude réservée à
:Non
1
0575
façon dont des chercheurs, comme vous-même, sont
capables de repousser les frontières de la simulation
linéaire dans le monde réel de la prise de décision. Il
6464
me semble que vous êtes plutôt mal à l’aise face aux
extrapolations que fait Ornstein à partir de l’état des
96:1
recherches actuelles. Je ne suis pas si mal à l’aise
devant ces propos, partie parce qu’ils me convien-
87.1
nent dans mes réflexions, et partie, j’en suis sûr,
parce que j’en sais tellement moins que vous sur la
.75.1
cognition de l’être humain. Mais lorsque nous
approfondissons sérieusement ce thème, combien
:196
d’entre nous savent réellement ce qui se passe au
niveau de la créativité, de la formation des concepts
7879
et d’autres choses du même genre ? Certes les tra-
vaux d’Ornstein ont tous les atours d’une mode. Et je
8889
suis généralement opposé aux modes ; mais cette fois
je considère que c’est l’exception car tout cela semble :
3958
expliquer tant de comportements que j’ai pu obser-
ver de façon informelle. (Pourrais-je dire que mon
1049
1
0575
être identifié, mais l’existence d’une communication
est établie. Saviez-vous que Turing1, dans un de ses
articles repris dans le livre de Feigenbaum et Feldman,
6464
réfutant d’une façon élégante un certain nombre
d’arguments qui précisaient pourquoi un ordinateur
96:1
ne pouvait penser, hésite sur un seul, qu’il expose
ainsi :
87.1
“Je suppose que le lecteur est familier du thème de per-
.75.1
ception extra-sensorielle et de la signification des qua-
tres principes suivants : télépathie, clairvoyance,
:196
prémonition et psychokinésies. Ces phénomènes très
perturbateurs semblent nier toutes nos idées scientifi-
7879
ques. Comment pourrions-nous supporter de les voir
ainsi discréditées ! Malheureusement les preuves
8889
apportées par les statistiques, du moins en ce qui
concerne la télépathie, sont écrasantes. Il est bien dif-
ficile de réorganiser nos idées afin d’intégrer ces nou-
:
3958
et 1940.
120 À PROPOS DU MANAGEMENT
1
0575
concentrant sur ma critique des idées de Simon quant à
l’intuition dans le domaine de la gestion. Je concluais avec
deux citations diamétralement opposées – une est de Her-
6464
bert Simon et l’autre de Roger Sperry, qui a également
reçu le prix Nobel en 1981, en médecine (physiologie),
96:1
pour ses recherches sur la division du cerveau. Je présen-
terai ensuite les idées les plus récentes de Simon sur
87.1
l’intuition, extraites d’un article paru dans une revue de
gestion en 1987. (En réponse à la requête par laquelle je
.75.1
lui demandais l’autorisation de publier cette correspon-
dance, et qui exprimait également mon désir de faire état
:196
de ses plus récentes idées sur le sujet, il me suggéra plus
particulièrement cet article).
7879
Tandis que je persiste à être en désaccord avec les
8889
idées de Simon sur l’intuition, je suis tout à fait d’accord
avec ses conclusions lorsqu’il dit que la façon de rendre
la gestion plus efficace est de coupler les processus ana-
:
3958
© Éditions d’Organisation
1
0575
sur la prise de décision et la structure dans les organisa-
tions. Une seconde version parut en 1965… sous le titre
The Shape of Automation1… « Ce que nous avons en
6464
1977, est une édition révisée de 175 pages de celle de
1965, portant le titre de 1960… Mais les changements ne
96:1
sont pas fondamentaux : « …la révision de ce livre, bien
qu’elle soit très complète, est plus une question de mise à
87.1
jour des résultats et un développement plus approfondi
de certains sujets qu’une quelconque variation dans les
.75.1
principales thèses et conclusions. »
:196
The New Science of Management Decision cherche à
comprendre les effets que l’ordinateur a eu, et par extrapo-
7879
lation aura, sur les organisations, ceux qui y travaillent et
les sociétés dans lesquelles elles sont enchâssées…
8889
Si l’on devait donner, en une seule phrase, l’essence
même de The New Science of Management Decision elle 3958
:
serait la suivante : ce livre célèbre les résultats de la tech-
nologie, en particulier dans le domaine de l’informatique,
de la prise de décision et de la structure des organisations
1049
1
0575
ches entreprises par d’autres dans le domaine du travail
des managers supérieurs – c’est-à-dire sur ceux-là mêmes
6464
qui sont directement concernés par les processus de prise
de décision non programmés – m’ont conduit à une
96:1
conclusion très différente qui s’exprime simplement de la
façon suivante : « Il n’existe pas encore de science du tra-
87.1
vail du gestionnaire » … (et) que « même l’ordinateur a
apparemment apporté peu de changement dans les
.75.1
méthodes de travail des managers de la direction. (5) »
(Le compte rendu de lecture, considère alors les preu-
:196
ves que Simon présente pour étayer ses hypothèses, y
compris celles tirées de ses propres recherches au dépar-
7879
tement de psychologie, et conclut sur ce point.) En dépit
de la faiblesse de ses résultats, Simon tire une conclusion
8889
qui paraît, pour le moins, un peu excessive :
« La première chose que nous avons apprise – et :
3958
aujourd’hui, les preuves de ce propos sont partout
évidentes – c’est que les processus humains (la réso-
1049
1
0575
lution dans les mécanismes de management. Mais qu’est-ce
qui a changé depuis ? Mes propres recherches sur le travail
et les processus de décision des managers supérieurs ont
6464
certainement contribué à m’ouvrir les yeux sur une pers-
pective très différente, mais cela est en dehors de l’étude
96:1
menée ici. Deux événements fondamentaux se sont pro-
duits au cours des années qui se sont écoulées depuis la
87.1
première parution du livre de Simon et qui ont profondé-
ment changé mon opinion… le premier expose un pro-
.75.1
blème fondamental de la technologie et de l’analyse, le
second suggère une explication possible à ce problème…
:196
La guerre du Viêt-nam a représenté un tournant déci-
7879
sif dans la perception des choses pour beaucoup d’entre
nous en ce qui concerne l’analyse. C’est une banalité de
8889
reconnaître que la lecture de l’ouvrage de Halberstram :
The Best and the Brightest2 (7) a sonné le glas de la lune
de miel avec l’analyse. Ses relations avec le management
:
3958
1
0575
soigneusement documentée, qu’il ne s’agissait pas là
d’un échec « ordinaire » de l’analyse, pas un de ces
échecs que l’on peut expliquer par une mauvaise exécu-
6464
tion des consignes. Il y a eu, cette fois-ci, quelque chose
de fondamentalement erroné dans la « formulation »,
96:1
c’est-à-dire dans l’analyse elle-même. Ici, le meilleur et le
plus brillant – non des politiciens ou des bureaucrates,
87.1
mais de ce que compte l’Amérique de talents analytiques
venant du centre même de l’intelligentsia libérale – a
.75.1
appliqué les techniques les plus modernes aux décisions
non programmables de la Maison-Blanche et le résultat
:196
fut un effort de guerre à la fois mal conçu et totalement
immoral.
7879
Qu’est-ce qui s’était passé ? L’incapacité des analystes à
8889
traiter les informations informelles – l’expression sur la
figure d’un paysan opposée au décompte des cadavres, la
volonté de l’ennemi opposée au nombre de bombes néces-
:
3958
nées, et non qu’on lui débite des poésies. Mais les faits peu-
© Éditions d’Organisation
au chapitre 16 de ce livre.
COUPLER ANALYSE ET INTUITION 125
1
0575
clairement disposés en vue d’un seul ensemble d’objec-
tifs. Au Viêt-nam, les faits furent la base des actions mili-
6464
taires, mais ne pouvant s’intégrer dans le cadre des buts
humanitaires qui, quant à eux, nécessitent pour être pris
96:1
en compte des informations informelles, ces derniers
furent éliminés de l’analyse. Nous constatons le même
87.1
phénomène avec les grandes sociétés lorsque les don-
nées factuelles qui se trouvent derrière les buts économi-
.75.1
ques – réduction des coûts, augmentation des profits,
croissance de la part de marché – laissant de côté les
:196
buts sociaux – qualité de la production, satisfaction des
employés, protection de l’environnement – ne se sou-
7879
cient de prendre en compte rien d’autre (10). Et il en va
de même de notre société elle-même, lorsque la pollu-
8889
tion passe par le calcul de ses coûts ou que nos corps
continuent à souffrir des atteintes de produits chimiques
nocifs jusqu’à ce que certains scientifiques viennent à
:
3958
1
0575
d’un sens aigu du bien et du mal, conduit à ne pou-
voir s’appuyer pour toute décision que sur des pro-
cessus rationnels de pensée, on ne peut
6464
qu’additionner les plus et les moins de toute ques-
tion pour aboutir à une conclusion qui est le résultat
96:1
de cette opération. Dans des conditions normales, où
il n’y a ni fatigue, ni frustration, cette approche prag-
87.1
matique peut être positive et donner un éclairage
juste de la question.
.75.1
Ce qui m’inquiète, c’est lorsque ces conditions de
:196
réflexion ne sont pas pures, déformées par la fati-
gue, la colère, la frustration ou une émotivité quel-
7879
conque. Le fiasco cubain démontre jusqu’à quel
point un homme, aussi brillant et bien intentionné
8889
que Kennedy, peut s’égarer lorsqu’il manque d’une
base de référence morale (11). »
:
3958
Si la guerre du Viêt-nam a posé le problème, c’est
peut-être un psycho-biologiste du California Institute of
Technology qui en a trouvé la solution. [Le compte rendu
1049
© Éditions d’Organisation
1
0575
dernier point. Tout à fait à l’opposé des thèses de Simon
qui écrivait : « Nous savons maintenant énormément de
choses sur la façon dont fonctionne l’esprit humain
6464
lorsqu’une personne exerce un jugement ou a une intui-
tion, et à tel point que bon nombre de ces processus peu-
96:1
vent être simulés par un ordinateur », Sperry, quant à lui,
a écrit : « L’hémisphère droit, par contraste [avec l’hémis-
87.1
phère gauche], est spatial, muet et suit un processus de
perception spatiale synthétique couplé à une sorte de trai-
.75.1
tement mécanique de l’information qui n’est pas encore
possible de simuler par un ordinateur » (13)…
:196
À la page 7 de son livre, Simon se demande :
7879
« Comment peut-on choisir parmi des experts ? La
méthode la plus simple et la plus répandue consiste à
8889
choisir un expert qui confirme vos idées et vos préjugés. »
Comme critique, je n’ai pas caché mes idées et mes préju-
gés. Mais Simon ajoute : « Nous faisons le choix d’un
:
3958
1
0575
d’arbitre, je déclare les deux modes de pensée de Sperry,
dont un seul peut être simulé par ordinateur, vainqueur
par knock-out technique !
6464
Pour conclure, on peut dire que The New Science of
96:1
Management Decision de Simon célèbre les effets de la
technologie, de l’analyse autant que de l’automation. Il en
87.1
arrive donc à conclure que tous les modes de pensée peu-
vent être représentés en des formes séquentielles ; que ce
.75.1
que nous appelons jugement ou intuition peut être simulé
par l’ordinateur et que les techniques modernes d’analyse
:196
doivent être appliquées notamment à ce jugement si la
société veut résoudre ses problèmes. Mais nous avons,
7879
également, vu qu’il existait d’autres (scientifiques) impor-
tants qui sont en désaccord avec ces thèses. Nous avons
8889
vu, et c’est un point de même importance que celui que
nous venons de souligner, que ce sujet dépasse de beau-
coup la simple question de la physiologie du cerveau ; ce
:
3958
© Éditions d’Organisation
SUR L’INTENTION
.scho
1
0575
séparation du cerveau humain extrapolent ces résultats
en deux formes de pensée distinctes nommées… analyti-
que et créative ». Mais :
6464
« Les résultats de cette extrapolation romantique ne
96:1
dérivent pas des recherches psychologiques. Ainsi
que je l’ai mentionné plus haut, la recherche n’a mis
87.1
en évidence des résultats que dans le cas de quelques
mesures de spécialisation entre les deux hémisphè-
.75.1
res. Elle n’a jamais démontré qu’un des hémisphères
(et en particulier le droit) était capable de résoudre
:196
des problèmes, de prendre des décisions ou de faire
des découvertes indépendamment de l’autre. La
7879
seule indication de l’existence de deux formes diffé-
rentes de pensée vient essentiellement de l’observa-
8889
tion que dans la vie quotidienne des affaires, des
femmes et des hommes adoptent souvent un juge-
ment compétent ou prennent une décision raisonna-
:
3958
lytiques (15). »
Simon discute alors de certaines recherches sur
.scho
1
0575
mations qui y ont trait et dont ils stockent en mémoire les
enseignements. » Simon tire de cela, l’extrapolation
suivante : « Le manager expérimenté a, aussi, en mémoire
6464
une grande quantité de connaissances, qu’il a acquises à
travers son éducation et ses expériences, et qu’il a inté-
96:1
grées dans son esprit en termes d’ensembles identifiables
et d’informations de type associatif (16) » et que l’essence
87.1
de l’intuition repose dans l’organisation du savoir pour
une identification rapide et non dans l’interprétation de
.75.1
conceptions inspirées. Il cite, pour exemple, une étude
qui montre que des managers expérimentés pouvaient
:196
identifier bien plus vite que des étudiants en MBA les
caractéristiques-clefs d’un cas d’entreprise.
7879
Simon conclut que « l’intuition n’est pas un processus
8889
qui opère indépendamment de l’analyse, mais que les
deux processus sont des composants, complémentaires
essentiels des systèmes efficaces de prise de décision ».
:
3958
Néanmoins :
« C’est une pratique fallacieuse de vouloir opposer
1049
© Éditions d’Organisation
1
0575
talents nécessaires à la gestion et les utiliser
lorsqu’ils se révèlent utiles (17). »
6464
La métaphore de Simon sur l’intuition présentée
comme des « analyses pétrifiées par l’habitude » m’appa-
96:1
raît trop étroite, traitant de façon bien légère le phéno-
mène important de la création intérieure (mais d’où
87.1
viennent donc alors ces nouveaux coups si célèbres aux
échecs ?). Je n’ai vu, dans aucune des affirmations de
.75.1
Simon, une seule qui explique la façon dont les décideurs
peuvent voir profondément dans un problème complexe,
:196
comment ils peuvent être aptes à saisir rapidement de
nouvelles situations et de quelle façon ils aboutissent à
7879
des solutions créatives.
Simon est bien connu pour son concept de la
8889
« rationalité limitée », qui explique que tout individu est
limité dans la quantité d’informations qu’il peut intégrer 3958
:
dans une période de temps donnée. Une interprétation de
ce résultat par le psychologue George Miller, estime la
quantité d’informations que peut ainsi stocker un être
1049
1
0575
(unité de quantité d’information) ; ils expriment les résul-
tats des processus de pensée qui sont accessibles au cons-
cient, et qui doivent être émis de façon linéaire. C’est ainsi
6464
que les recherches qui accèdent au conscient à travers un
schéma d’entrée/sortie appliqué à la pensée humaine (et
96:1
en particulier à travers le discours), lequel suppose donc
une attitude essentiellement réductionniste par sa nature
87.1
même, sont, en conséquence, fondamentalement analy-
tiques (reflétant les idées traditionnelles sur la
.75.1
« rationalité », même si elle est « limitée »). Or, utiliser une
telle démarche pour en tirer des inférences au sujet d’un
:196
processus qui est, quant à lui, essentiellement subcons-
cient et fondé, pour une bonne part, sur un principe syn-
7879
thétique, apparaît pour le moins une gageure. Est-ce
étonnant que l’intuition soit réduite à « des analyses pétri-
8889
fiées dans les habitudes » ?
Mais de quelle façon, la conception d’une rationalité
:
3958
1
0575
térieux, non pas irrationnel mais plutôt, peut-être,
a-rationnel, bloqué quelque part, profondément dans
notre subconscient.
6464
Mais, n’y aura–t-il donc personne, qui sera capable de
96:1
résoudre ce différend ? Si l’intuition est, par définition, un
processus de pensée du subconscient, comment peut-on
87.1
être sûr, alors, d’être descendu assez loin dans les méan-
dres de l’esprit humain pour savoir si nous avons réelle-
.75.1
ment appréhendé ce qui s’y passait ? (Par exemple, que se
passe-t-il si Turing a raison sur la PES ? Cela pourrait,
:196
même, ne pas laisser qui que ce soit qui tente de com-
prendre les processus de la pensée intuitive à travers des
7879
recherches, dans une situation bien confortable.) Les ins-
truments du chercheur sont essentiellement analytiques,
8889
comme ceux de l’érudit qui débat de ce sujet – la formu-
lation linéaire des mots. Comment une analyse rationnelle
pourrait-elle être employée pour prouver ou réfuter l’exis-
:
3958
1
0575
On a défini l’expert comme un homme qui évite tous
les pièges sur sa route vers le grand sophisme. Ce qui jus-
tifie ici cette remarque, c’est le fait que les experts en ana-
6464
lyse et en planification ont été longtemps inclinés à
rejeter leurs échecs sur un ensemble de pièges, dont la
96:1
plupart se seraient présentés au moment de l’« exé-
cution ». Ils ont déclaré bien fort que les managers ne
87.1
comprenaient pas l’analyse, qu’ils n’apportaient pas un
soutien assez actif à la planification, que le climat politi-
.75.1
que des organisations nuisait à l’utilisation de la plani-
fication et de l’analyse et ainsi de suite. Mais les pièges
:196
sont aux organisations, ce que les péchés sont aux reli-
gions – la souillure doit être effacée afin que le peuple
7879
puisse se consacrer à la plus noble des tâches : servir la
Toute-Puissance. Ces pièges ignorent les causes les plus
8889
profondément enracinées de la résistance à la planifica-
tion et à l’analyse, qui, à mon sentiment, pourraient :
3958
s’appeler les sophismes de la formulation – c’est-à-dire,
essentiellement, une perception erronée de la façon dont
1049
1
0575
avant tout sur la décomposition des informations. Tous
ces sophismes se réduisent, selon moi, à un seul grand
sophisme, à savoir : que décomposer est recomposer, ou,
6464
en d’autres termes, que l’analyse implique la synthèse. En
dernière analyse (pour ainsi dire), la synthèse n’est pas
96:1
l’analyse, mais prend plutôt ses racines dans les mystères
de l’intuition.
87.1
L’analyse et l’intuition diffèrent non seulement dans
.75.1
leur fonctionnement respectif mais aussi dans leurs forces
et leurs faiblesses. Considérons plusieurs de celles-ci.
:196
7879
COÛT
8889
Demandez à presque n’importe qui, quel est le proces-
sus le plus coûteux, et l’« analyse » sera la réponse rapide :
3958
que l’on vous fera. Après tout, cela prend du temps d’étu-
dier un sujet systématiquement, alors qu’il suffit d’une
1049
dans son article qu’un délai d’au moins dix ans est néces-
saire pour former un grand joueur d’échecs ou tout autre
expert à reconnaître rapidement les ensemble d’informa-
tions dont il a besoin pour exercer son « intuition ».)
1
0575
6464
ERREUR
96:1
De la même façon, à nouveau à première vue, l’analyse
apparaît comme systématique, l’intuition comme fortuite.
87.1
Mais plusieurs études ont montré que quoique l’analyse,
lorsqu’elle est correcte, tend à être précisément correcte,
.75.1
lorsqu’elle fait des erreurs, elle peut produire d’étranges
résultats. « La pensée analytique implique mesures et cal-
:196
culs et ressemble aux aiguillages des trains dans une gare
de triage où toutes les destinations possibles sont bien orga-
7879
nisées et où des machines de grande précision peuvent
mener à des destinations totalement différentes. (20) »
8889
Manœuvrez un aiguillage incorrectement et vous pourrez
partir exactement dans la direction opposée à celle que 3958
:
vous désiriez ; placez mal une virgule à une décimale près,
et vous pourrez avoir un facteur de dix comme erreur.
L’intuition, a contrario, si elle n’est pas habituellement
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1
0575
Groupe 1 Groupe 2
6464
Intuition Analyse
80 80
96:1
60 60
Fréquence
Fréquence
87.1
40 40
.75.1
:196
20 20
7879
0 0
-15 -10 -5 0 5 10 15 -15 -10 -5 0 5 10 15
8889
Erreurs Erreurs
:
3958
1049
FACILITÉ
e:21
1
0575
leur arrive jamais d’agir. (23) » Ou, plus succinctement,
être forcé de choisir seulement une de ces deux appro-
ches peut conduire soit à « l’extinction par l’instinct » ou
6464
à la « paralysie par l’analyse. (24) »
96:1
87.1
COMPLEXITÉ
.75.1
Jay Forrester a expliqué dans un article intitulé « Le
comportement anti-intuitif des systèmes sociaux » que les
:196
interventions intuitives dans des systèmes sociaux complexes
(telles des zones insalubres) ont souvent conduit à une
7879
aggravation des problèmes plutôt qu’à leur solution, parce
que notre cerveau n’est pas capable d’appréhender des
8889
boucles complexes de « feedback » sans l’aide de modèles
formalisés (25). Mais on pourrait également écrire un article 3958
:
intitulé : « Le comportement anti-analytique des systèmes
sociaux », parce que la compréhension de tels systèmes
passe, également, par l’utilisation de données informelles
1049
CRÉATIVITÉ
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1
0575
sus d’évaluation sur ces dernières du fait que c’est surtout
à ce niveau que la plupart de leurs techniques s’appliquent.
Comme l’ont écrit McKinney et Keen : « Les systématiques
6464
préfèrent des problèmes de type programme alors que les
intuitifs préfèrent des problèmes aux formulations plus
96:1
flexibles et qui requièrent de l’ingénuité ou des opinions. »
(26) En outre, tandis que l’intuition peut être considérée
87.1
comme une source de créativité, il ne faut pas oublier
qu’elle peut être, elle-même, limitée par l’expérience ou la
.75.1
tradition dont elle est issue. « Ce n’est pas une expérience
de trente ans, mais c’est une expérience d’un an, répétée
:196
trente fois », dit l’analyste au manager expérimenté. Ainsi,
tandis que l’analyse ne peut fournir que des changements
7879
limités et une créativité limitée, l’intuition semblerait soit
une force de créativité sans pareil, soit au contraire un
8889
néant total et même quelquefois une puissante résistance
au changement. :
3958
DE DÉCISION STRATÉGIQUE
.scho
1
0575
leader du groupe, « un impromptu de deux heures » (28).
La recherche opérationnelle semble fonctionner beau-
6464
coup mieux lorsqu’elle est mise en œuvre par des gens
intelligents, à l’aise dans les chiffres, et qui sont capables
96:1
d’apporter du bon sens à côté de la pensée analytique
(envisagée comme opposée aux techniques analytiques)
87.1
pour traiter les problèmes d’organisations complexes. Les
managers, dont beaucoup ont une vision plutôt négative
.75.1
des données formalisées, peuvent être aidés par les ana-
lystes, qui ont à la fois le temps et l’inclination nécessaires
:196
pour construire de telles analyses dans le cadre de la prise
de décision. C’est cette démarche qui constitue l’« analyse
7879
informelle », dans laquelle les équipes interdisciplinaires
d’analystes font se rejoindre une certaine intuition avec
8889
leurs processus plus systématiques de pensée.
« Le bon analyste de système est un “chochem”, un 3958
:
mot Yiddish signifiant le “sage” avec une nuance de
“petit malin”. Sa force est la créativité. Bien qu’il éta-
blisse parfois un rapport entre les fins et les moyens
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