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ART PATRIMONIAL

OBJECTIFS DU COURS
Objectif général : avoir des notions sur l’art patrimonial Objectifs
spécifiques :

 Saisir la différence entre l’art au sens occidental et l’art africain


 Connaitre les aires culturelles et leurs productions artistiques
 Connaitre les masques et la statuaire de certains groupes ethniques de
Côte d’Ivoire
APPROCHE DEFINITIONNELLE
Patrimonial
Adjectif qualificatif dérivé du terme patrimoine qui désigne, dans le cadre
de ce cours, les éléments matériels des civilisations de Côte d’Ivoire. Art
En occident, l’art est défini comme l’expression par des créations humaines
d’un idéal esthétique, c’est-à-dire, relatif au sentiment du beau.
En d’autres termes, l’artiste en occident crée pour émouvoir. Il recherche la
forme gratuite de l’art pour l’art.
En Afrique noire traditionnelle qui nous intéresse, la frontière entre la notion
d’art pur et celle d’artisanat, entre la fonction utilitaire et la fonction esthétique,
entre l’esthétique pure et le symbole religieux, entre l’artiste et l’artisan, est
inexistante. Art et artisanat se confondent.
L’artisan africain fabrique des objets utilitaires indispensables à la vie
quotidienne (houes, hache…). Beaucoup de ces objets échappent au souci
d’ornementation. Ils ont été fabriqués rapidement selon des modèles ordinaires.
Mais l’artisan est aussi un artiste usant de beaucoup d’imagination et d’habileté
pour réaliser des œuvres uniques, originales, expressives en inventant des formes
harmonieuses qui nous parlent, nous émeuvent par leur expression. C’est, par
exemple, le cas des statuettes Gouro, Baoulé… qui ne laissent personne
indifférent bien qu’à l’origine elles ne soient pas destinées à être exposées
devant le grand public. Pourtant, elles rivalisent par la beauté de leurs formes.
Toutefois, les civilisations ivoiriennes ont toujours accordé la primauté à la
fonction sur la forme. La beauté n’est jamais recherchée pour elle-même, sauf
pour le cas de l’artisanat d’art qui produit des bijoux, des parures, des cannes,
des meubles… faits pour exalter la puissance des rois et chefs et participer à la
beauté de ceux-ci.
Tandis que l’artiste en occident est libre de ses créations, en Afrique noire,
l’artisan doit très souvent réaliser une commande précise ayant une
signification religieuse ou sociale définie à l’avance. Ici l’art déborde
l’esthétique individualiste de l’Occident et devient fonctionnel.
L’artisan tire son inspiration dans le monde naturel et surnaturel. De plus dans
le cas de la statuaire, il ne sent nullement pas obligé de respecter des proportions
naturelles. Parfois même, il fabrique des objets sacrés qui ne cherchent pas à être
beaux, ni à être exposées, parce que destinés à des cérémonies ou à des rites.
Ces raisons expliquent pourquoi l’occident a longtemps considéré l’art africain
de mineurs, de primitifs. Aujourd’hui, ce que les collectionneurs appellent ‘’art
africain’’, ce sont en fait des objets usuels décorés ou culturels qui, désacralisés
ou inutilisés aujourd’hui sont vendus comme des pièces de collection. Il s’agit
surtout de la sculpture, des arts graphiques et de la peinture.
I.LES AIRES CULTURELLES
La Côte d’Ivoire a tout le temps été une terre d’accueil. Des groupes ethniques
s’y sont convergés, venant du nord, de l’est et de l’ouest. Les spécialistes ont
dénombré une soixantaine de groupes ethniques distincts par les cultures et les
langues, ce qui donne l’impression d’une mosaïque culturelle.
Les aires culturelles de la Côte d’Ivoire

( Source : Dessin réalisé par Jaqueline RENARD , MRAC 2012)


Mais au-delà de cette impression le pays compte quatre aires culturelles :
Les Mandé dans le nord-ouest, dont certaines confréries sont encore détentrices
de masques. Ces groupes, à l’origine, seraient venus par vagues successives des
régions sahéliennes entre le XVI e et le XVIII e siècle dans le but, dit-on, de
nouer des relations commerciales avec les populations de la Côte. Ils se sont
essaimés dans l’ouest de la Côte d’Ivoire et se répartissent en deux groupes dont
les Mandé –Nord (Malinké, aujourd’hui, commerçants et éleveurs qui se
caractérisent par les mosquées en torchis de style soudanais et les arts de la
parole. Les Mandé –Sud comprennent des populations diverses, notamment les
Yacouba (ou Dan) les Gouro, les Gagou (ou Gban), les Yohouré dont les
sculptures sont prisées par les collectionneurs du monde entier ;
Les akans qui se trouvent au centre et au sud-est de la Côte d’ Ivoire où ils se
sont installés, suite à leur exode hors du Ghana actuel dès le XVII e et le XVIII e
siècle. Les principaux groupes constitutifs sont : les Baoulé, les Abron, les Agni,
les Abey… et une serie de populations installées près des lagunes dont les Ebrié,
les Allandian, les Abouré , les Adioukrou, les Avikam, les Ehotilé, les Essouma,
etc.
Dans cet ensemble, les Baoulés constitués de la fusion de plusieurs peuples
(Gouro, Sénoufo, Wan) ont produit de loin le capital artistique le plus riche ;

 Les Krou qui comprennent une quinzaine d’ethnies dont les plus connus
sont les Bakoué, les Godié, les Dida, les Kroumen, les Neyo, les Wê, les
Bété, les Kouya, les Niédébwa et les Niabwa. La moitié des communautés
ne manque pas d’avoir de fortes incidences sur le plan plastique. Certains
groupes Krou ont fourni un apport artistique bien connu dans le monde
occidental ;
 Les Gours qui comprennent les Senoufo, les Lobi et les Koulango qui se
sont installés dans le nord et nord–est de la Côte d’Ivoire. Les Senoufo
constitués de groupes divers sont mieux connus sur le plan artistique
grâce à leurs sculptures très riches composées de masques-heaumes,
initiatiques appelée poro dont l’objectif est d’insérer harmonieusement
l’individu dans la société en le conduisant de l’adolescence à l’âge adulte.
Les Koulango sont musulmans mais certains d’entre eux restent attachés à
leurs institutions de masques. Les Lobi tout installés au Nord-est et
longtemps attachés à l’animisme se caractérisent par :
• Leurs réalisation architecturales traditionnelles, maisons
forteresses carrées avec un toit à terrasse faites de bandes de
terre superposées et distantes les unes des autres ;
• Leurs statuettes sculptées d’après les conseils des devins et
fixés sur un autel d’argile.
Au terme de cette rapide présentation des aires culturelles de la Côte
d’Ivoire, on constate qu’au-delà de l’émiettement ethnique apparent, il n’y a pas,
à vrai dire, une parcellisation artistique, une totale autonomie artistique, mais
"au contraire d’infinis échanges accomplis au cours des siècles, des interférences
réciproques… des fusions, appropriations, intégration… En raison de
l’interprétation des populations et des mouvements divers, les cultures
ivoiriennes sont intensément perméables, malléables et l’étaient sans doute
davantage encore avant colonisation…"
Les communautés, au cours des siècles, n’ont cessé de se regrouper, de se
séparer, et surtout d’échanger des traditions aussi bien que des styles artistiques.
(Alain-Michel Boyer in Arts premiers de Côte d’Ivoire, Edition Sépia).
Toutefois beaucoup de communauté ont su affirmer leur identité en inventant
leur propre tradition visuelle, de sorte que leurs arts restent parfaitement
reconnaissables par rapport à ceux de leurs voisins. Certaines d’entre elles, tels
que les Sénoufo, les Dan, les Baoulé, etc. ont développé un art d’une grande
richesse.
Dans ce cours, nous étudierons principalement les masques et la statuaire.
D’autres aspects seront étudiés sous forme de devoir de maison ou d’exposés.
II.LES MASQUES
Toutes les sociétés du monde à un moment donné de leur histoire ont eu
recours au masque comme élément de culte. Mais le développement aidant, le
masque a perdu son caractère sacré dans les pays occidentaux pour devenir un
objet profane utilisé à certaines occasions, tels que le carnaval, le bal masqué,
etc. Mais en Afrique, en général, et en Côte d’Ivoire, en particulier, le masque
joue un rôle de premier plan et influence la vie des communautés villageoises
tous les jours pendant les siècles.
Le masque est une entité. Il désigne aussi bien l’objet sculpté, le costume ainsi
que la personne qui le porte. Celle-ci est souvent un initié dont l’incognito est
bien préservé. Dans le cas des masques cultuels, elle laisse place à un être sacré
ou un génie. On distingue les masques de divertissement et les masques de
contrôle social.
Les masques de divertissement apparaissent lors des cérémonies de
réjouissance ouvertes à toute la communauté villageoise y compris la gente
féminine bien qu’elle ne soit pas autorisée à le toucher. C’est par exemple, le cas
du Zahouli chez les Gouro. Ce type de masque est caractérisé par sa beauté
faciale qui en est l’élément déterminant. Certains expliquent que ce critère
esthétique est nécessaire pour que les spectateurs puissent exprimer leur plaisir
en offrant aux danseurs des cadeaux.
Les masques de contrôle social sont présents chez les Baoulé, les Gouro, les
Wan, les Wê, les Dan… les masques Sénoufo d’initiation rentrent dans cette
catégorie.
Ces masques conçus comme des intermédiaires entre la réalité et le surnaturel
appartiennent à des sociétés secrètes qui les portent lors de cérémonies.

 Le masque de course aux yeux circulaires (gunyéa) dont le rôle consiste à


entraîner les hommes à la course et au combat (Fig.13)
 Le masque aux yeux triangulaires ou masque bouffon chargé de jeter des
bâtons sur les spectateurs lors des fêtes ;
 Le masque chanteur qui peut être un chanteur féminin. Dans ce dernier
cas, il accompagne les femmes revenant de l’excision, dont il loue le
courage. (fig. 14)
Outre ces masques, on trouve de petits masques communément appelés
"masques-passeport" individuels, répliques des grands masques et qui
jouent un rôle protecteur. (fig. 15)
Un autre masque d’une grande importance est le masque échassier du
Guéblin présent dans la région de Man, Danané, Touba. Il figure un
visage féminin idéaliste aux caractéristiques suivantes : front légèrement
bombé, nez droit, lèvres fines, yeux mi-clos, patine noire, bouche ouverte
laissant apparaitre les dents en lamelles de fer blanc (Fig.16).
Il a le pouvoir de communiquer avec les génies et d’en être le
porteparole. Le Guéblin est réservé à une caste dont les membres ne
doivent en aucun cas, révéler leur appartenance. Tout le monde est admis
à assister au spectacle acrobatique de ce masque qui possède deux
pouvoirs :

 Le pouvoir spirituel qui donne la possibilité de communiquer avec les


génies
 Un pouvoir temporel qui lui permet d’exécuter mille acrobaties
périlleuses.
Son rôle consiste à apaiser les querelles, protéger les femmes enceintes et les
nouveau-nés.
Fig 12 : Masque sagbeu ou pompier village de Biangouma
Fig 13 : Masque de course
Fig 14 : Masque chanteur
Fig 15 : Masque passeport
Fig 16 : Masque Gueblin

6. Le masque Sénoufo
Les Sénoufo sont présents au Burkina Faso, dans le sud du Mali (Sikasso) et
en Côte d’Ivoire. Des sociétés initiatiques dont la plus importante est le Poro, on
utilise plusieurs types de masques : les masques zoomorphes
Fig 17 : Masque waou à face unique
Fig 18 : Masque waou à double face
Fig 19 : Masque waou vu dans son ensemble
Fig 20 : Masque Korobla
Fig 21 : Masque Kpelie en bois à face unique
Fig 22 : Masque Kpelie en bronze à double face

7. Les Masques Krou


Le Bété comme les Wê aiment à présenter dans leurs masques la face
monstrueuse des forces de la nature. Le style est géométrique. On affirme que
l’attention portée par PICASSO à un masque Wobé est à l’origine du cubisme
(mouvement artistique, né en 1907, qui rompt avec la vision naturaliste
traditionnelle en représentant le sujet fragmenté, décomposé en plans
géométriques inscrits dans un espace tridimensionnel de peu de profondeur).
Les masques Krou souvent peints de couleurs vives créent dans le village une
terreur qui favorise la communion avec les dangereuses puissances invisibles
que les initiés arrivent à dompter grâce aux rites et aux sacrifices. (Fig.22)
Les masques de type Wê appelés Tégla s’opposent aux masques Dan. Ils sont
agressifs et inquiétant. "Le front, les oreilles, les yeux sont évoqués par des
tubes, des cornes, des demi-lunes, rehaussées d’une profusion d’ornements
variés : douilles de cartouches pour collerettes, moustaches et barbes de fibres
noires, plumes, clochettes métalliques" (ivoirearts.com/ivoire arts/fr/7-
masquesDan).Parfois, le menton est articulé.
Les masques Krou sont des institutions sacrées, notamment chez les Wê où
ils sont créés par Dieu pour aider les hommes à s’organiser et à s’administrer. "
Ils sont les autorités suprêmes entre Dieu et les Humains. Immortels, ils
détiennent un pouvoir dans les domaines politiques, économiques et social. Ils
veillent à la stabilité et à l’équilibre social, garantissent la paix et assurent
l’éducation. En pays Wê, ils gèrent les conflits et leurs décisions sont sans
recours. Les grands masques sont dépositaires du savoir et gardiens de l’ordre et
de la discipline. Ils célèbrent le culte et transmettent les bénédictions de Dieu et
les sacrifices des hommes" (THEHUA Tanoh Koffi, Mémoire/E.F.A.C. 2009).
Fig. 23 : Les Masques Krou
III.LA STATUAIRE
La statuaire concerne l’ensemble des sculptures relatives aux statues et
statuettes. Les différentes ethnies de Côte d’Ivoire ont sculpté peu de statues
exceptées certaines dont les Sénoufo et les Bété. La statuaire comprend surtout
des statuettes.

1.La statuaire Sénoufo


Chez les Sénoufo, les statues et les statuettes sont très diverses de formes et de
fonctions.
1.1-Les statues
Il existe trois types de statues : les statues anthropomorphes, les statues
anthropozoomorphes et les statues zoomorphes.
1.1.1-Les statues zoomorphes
Elles représentent uniquement des formes animales. La statue la plus célèbre
est la statue Pigeais-gris, oiseau emblématique appelé à tort Calao par les
marchands non Sénoufo et les catalogues occidentaux. Les recherches récentes
contredisent cette affirmation.
"Les Senoufo le nommant Kahasirelonie. Sa sculpture dépasse de loin la taille
normale de cet oiseau. Il est sculpté dans du bois tendre. Sa taille dépasse deux
mètres. L’oiseau est toujours représenté avec un ventre gonflé et un long bec
vertical touchant le ventre, les ailes sont déployées avec des crêtes à la tête.
Certains auteurs dans leurs études sur les représentations de la sculpture ont cité
le Calao comme étant l’oiseau emblématique des Sénoufo et de certains initiés.
Selon nos enquêtes auprès des sculpteurs Sénoufo, et de certains initiés, il s’agit
plutôt de petite taille d’une masse de 1 à 2 grammes appelé le "kahasireloni",
qui constitue la base de tout enseignement dans l’enclos initiatique, que les
Sénoufo représentent en forme monumentale compte tenu de son importance
dans la mythologie Sénoufo." (Coulibaly Dolourou Moussa.-Symbolique des
animaux dans la sculpture Sénoufo au sein des collections du Musée des
Civilisations de Côte d’Ivoire, p69).
Les chercheurs tels que Diarrassouba Tiona Moussa, confirment cette thèse
et affirment que le Calao ne joue aucun rôle dans l’enclos initiatique.
Cette statuette trouve sa place à l’entrée du bois sacré en guise de gardien.
Tous ses traits physiques sont pleins d’enseignement pour l’initié, comme
l’exprime ici Coulibaly Dolourou Moussa : " En ce qui concerne les ailes
déployées, selon la tradition orale, elles symbolisent l’hospitalité et la bienvenue
en pays Sénoufo. Elles rappellent à la fois le champ primordial de l’alternance
de la vie et de la mort, principe fondamentale de toute la pensée humaine dans
un message réservé aux initiés.
Le long bec cousu, toujours selon l’opinion populaire, rappelle aux initiés la
retenue car la parole est sacrée. Il fait allusion à la bouche d’un chef ; celui-ci a
son mot à dire en ce qui concerne le village et sa parole est au-dessus de toutes
les paroles. (Coulibaly Dolourou Moussa op.cit.p.71)"

Selon B.Holas, le long bec représente l’organe viril qui vient féconder
mystiquement le ventre proéminent, symbole des générations à naître sous le
signe de la mère divine.
Outre le Pigeais-gris, le sculpteur Sénoufo réalise souvent une statue de bois
liée à la maternité. D’une hauteur atteignant environ 30 cm, la femme assise sur
un tabouret, n’est pas conventionnellement anatomique. Coulibaly Dolourou
nous en donne la description : "Son corps est droit. Les jambes sont courtes, les
pieds ne touchent pas le sol, les seins allongés et aplatis, sa coiffure est
constituées de grosses tresses, de petites lèvres et les yeux mi-clos. (idem
p68).Elle représente la mère idéale Katyeleo, l’ancêtre mythique qui éduque les
enfants non encore initiés à être des hommes accomplis dans la société. (Fig.
26) "
Parmi les statues anthropozoomorphes, il y a une de plus de 1,60 mètre à la
forme mi- animale, mi- humaine du nom de Yaridjogue qui tient un fouet à la
main. Son rôle est de montrer à l’initié la nécessité de la discipline civique. (Fig.
27)
Fig.25 : Statue du Pigeais-gris
Fig. 26 : Statue de la mère Katyeleo
Fig.27 : Yaridjogue

1.2. Les statuettes Sénoufo


Mise à part les statues, les Sénoufo possèdent aussi des statuettes zoomorphes
et anthropozoomorphes. Les premières représentent des formes animales. Quant
aux secondes, elles empruntent des éléments aux animaux.
On distingue plusieurs types de statuettes. On a par exemple, les statuettes
comme attribut de pouvoir, les statuettes comme supports de divination et les
statuettes comme support pour les vœux et les sacrifices aux génies.
Dans le premier type on a par exemple, les statuettes de l’aigle (ou Korkpa)
dont la forme rappelle vaguement celle de l’aigle aux ailes déployées, au bec
pointu et au coup allongé. Elles sont utilisées comme trophées destinés à
récompenser le cultivateur le plus courageux. (fig.28)
Dans la deuxième catégorie, l’on peut ranger des statuettes en bronze (Fig.29)
représentant des Caméléons, des cavaliers en bois, (fig.30) figurines forgées
pour les cultes de protection familiaux ou individuels ou pour la divination.
Une autre statuette Sénoufo composite, le kafiledjo , est faite de bois recouvert
de tissu, de fibre végétale, de pigment et de plumes sur la tête. (Fig. 31).
"Il représente la justice chez les Sénoufo. Il est lié au poro et est aussi sacré
que le masque waou qui, lui représente la sagesse. Dans le village Sénoufo,
lorsqu’il y a un vol, un meurtre, un défi quelconque, le chef du village réunit
tous les habitants sur la place du village. Un danseur arrive, le porteur de
Kafiledjo. Ce danseur rentre en transe et le personnage de Kafiledjo doit
désigner le coupable. La population vit dans la crainte de Kafiledjo .Les enfants
craignent le Kafiledjo car il est considéré comme un sorcier." (www.artisanat-
africain.com/.../statues de Côte d’Ivoire htm).
Toutes les autres ethnies de la Côte d’Ivoire ont aussi sculpté des statuettes,
notamment les Baoulé.
Fig.28 : Korkpa
Fig. 29 : Statuettes en bronze
Fig. 30 : Statuettes en bois
Fig.31 : Kafiledjo

2. La statuaire Baoulé
Les statuettes Baoulé appelées waka sonan ou waka sran sont connues dans
le monde entier par les collectionneurs. Elles appartiennent à deux catégories :
les assy éousso, les blol obla et les blolo bian.
La première catégorie est le représentant du monde parallèle. Dans l’univers
Baoulé, le monde matériel s’oppose au monde spirituel (blolo).Dans l’imagerie
populaire chaque être humain avant de naître avait dans l’au-delà un conjoint ou
une conjointe spirituel, qui selon Alain Michel Boyer, se manifeste "à partir de
15 ans, lorsque des troubles surviennent (une femme ne peut avoir des enfants,
un homme ne trouve pas de conjointe durable ou il est impuissant, il se tient
pour différent des autres et estime que ses semblables le repoussent).
Brusquement à l’énigme de son identité, aux défaillances ou aux exigences de
son corps, à un conflit psychique, l’individu projette son désarroi intime sur ce
double sexuellement inversé… la personne atteinte d’un tel coup du sort va
consulter le devin (le Komian ou le n’goimanfoué) qui dévoile l’origine des
ennuis. Comme un homme possède toujours une épouse dans l’autre monde
(blolobla) et la femme un époux (blolobian), le devin après avoir établi les
raisons de la colère du conjoint, demande que la personne venue en consultation
fasse sculpter une statuette qui évoquera (au sens précis du terme) cette présence
de l’autre monde. Dans beaucoup d’ethnies, il fournit même l’indication
formelle assez précise : Hauteur de la statuette, position des membres, type de
coiffure, etc. (Alain Michel, Arts premiers de Côte d’Ivoire, Edition Sépia)
La statuette en question permet le contact avec le conjoint spirituel. Elle est le
réceptacle de son esprit dont on attire les faveurs par des offrandes, onctions,
invocations. L’intéressé (e) ne se sépare jamais de son (sa) conjoint(e) de
l’audelà qu’il (elle) emporte lors de ses voyages. (Fig.32)
Ce type de statuette est d’une très grande finesse d’exécution et d’une belle
patine. Les sujets féminins ont souvent les deux mains posées de chaque côté du
ventre décoré de scarifications et portent souvent un enfant dans les bras. Quant
aux blolobian, ils tiennent souvent une barbe tressée. D’autres encore plus
récentes sont revêtues d’une couleur rouge.
La deuxième catégorie représente les assyé oussou qui figurent les esprits de la
brousse qui sont supposées avoir le pouvoir de posséder les humains, de les
utiliser comme médium appelés Komian. Aussi les Assye oussou interviennent-
ils dans les rituels de divination pour satisfaire des esprits assez mécontents.
Hormis les figurines à visage humains, le sculpteur réalise des statuettes d’un
style unique aux Baoulés appelé, aboya. Mi- humain, mi- animal à tête de
cynocéphale, ou d’hyène, elles portent une coupe d’offrande. La gueule
rectangulaire laisse apparaitre des crocs. Ces aboya évoquent des divinités des
forêts ou des champs et trouvent refuge à l’écart des habitations, à l’opposé des
blolo bian et blolo bla qui sont placés dans un coin de la maison. Ils ont pour
rôle de protéger le village. Le sacrificateur dépose un œuf dans le creux de la
coupe ou l’écrase sur le crâne et immole un animal dont le sang asperge la
statuette, ce qui explique que sur celle-ci la présence d’un enduit croûteux et de
fragments de coquilles.
Dans un autre registre, il convient de mentionner, une statuette Baoulé
remarquable par son style : l’oracle à souris orné de la statuette d’un homme
assis. "Techniquement, l’intérieur est divisé à l’horizontal par un plancher percé
d’un orifice. Le devin place une ou plusieurs souris dans la chambre inférieure et
dispose dans la partie du haut des bâtonnets de porc-épic, écailles de tortue et un
peu de nourriture dans un ordre soigneusement étudié.
Une fois le pot refermé, le devin récite des incantations. Les souris affamées
grimpent aussi tôt dans la partie supérieure pour y manger la nourriture. Elles
modifient involontairement la disposition des objets que le devin se charge,
ensuite de déchiffrer et d’interpréter."
(www.brunotmigno.com/galeries/oracles/3515-boîte-oracle-à-souris...)
Les collectionneurs ont pu acquérir un grand nombre wakasran grâce au fait
que chaque personne avait son blolo bian ou son blolo bla. Ceux-ci sont
semblables aux assye oussou mais leur surface est nettoyée et polie.
Fig.32 : Maris et femmes de l’au-delà
Fig.33 : Aboya
Fig.34 : Boîte à oracle

3. La statuaire Dan
Les Dan ont produit des statuettes féminines (fig.35) qui présentent des
caractéristiques suivantes :

 Les bras décollés du corps parfois posés de part et d’autres du nombril.


 Le visage splendide ressemble souvent à celui des masques Dan : lèvres
pulpeuses fermées ou ouvertes avec des dents apparentes, le front
bombé, les yeux entrouverts ;
 La coiffe est très élaborée et se termine souvent par deux mèches qui
pendent au-devant du visage ou de chaque côté du visage.

D’une façon générale, la statuette Dan magnifie la mère. Elle présente pour la
plupart des femmes aux seins pendants. L’explication vient de ce que "la femme
joue un rôle très important dans la société. Femme, épouse, elle est initiée
comme les hommes de manière très discrète dès son jeune âge. Elle est porteuse
de vie et assure la continuité de la vie par l’éducation des enfants. Le pouvoir et
la fortune se transmettent par elle dans la société matrilinéaire. A l’âge de la
ménopause, elle rejoint le cercle très fermé des hommes qui prennent les
dernières décisions. C’est ainsi que l’hommage lui est rendu à travers les
sculptures." (www.afriquearts.com/détail? phpid=1155)

Toutefois l’on trouve de très rares statuettes Dan masculines couvertes de


scarifications et ayant une coiffe (Fig.36).Elles sont taillées dans du bois dur et
dense ( www.masque-africain.com/art-afrique-statuehtmls)..

Fig.35 : Statuette féminine


Fig.36 : Statuette masculine

4. La statuette Bété
Les statues Bété sont avant tout commémoratives ; elles sont dédiées à des
ancêtres illustres bien définis et illustrés après le décès, à l’exemple du mma
agni. De ce fait, elles reproduisent quelques particularités physiques (coiffure,
scarifications, silhouettes, etc.).Elles donnent lieu à des processions à travers le
village lors des fêtes consacrées au défunt (Fig.33).
Les scarifications autour du nombril, rappelle ceux qui ont donné naissance par
le passé. Taillées dans du bois dur et remarquables par leur sobriété, ces effigies
portent des traces de Kaolin (couleur de pureté et de respect) lors des séances
divinatoires qui indiquent bien leur caractère surnaturel.
En effet, elles sont utilisées lors des séances divinatoires. La statuette Bété se
caractérise par :

 Des jambes massives ;


 Le corps robuste portant des bras fléchis décollées du tronc ;
 Une tête ronde ;
 Un ombilic proéminent cerné de scarifications ;  Un cou large et
haut portant parfois un anneau.
Fig.37 : Statuette Bété
5. La statuaire Agni
Les Agni ont sculpté des statuettes reconnaissables, d’une façon générale par
un trait caractéristique ; le cou est long et strié (signe de beauté chez les Akan du
sud de la Côte d’Ivoire et des Ashanti).Ces figurines sont soit assises sur des
sièges ou debout les mains posées sur le ventre ou de part et d’autre du nombril.
Chez les Agni les statuettes servent à communiquer avec des ancêtres et les
génies dans les rituels magiques (Fig.38).
Il convient aussi de noter chez les Agni des statuettes en terre cuite appelées
mma bien connues des collectionneurs d’art africain (Fig.39).Elles sont
caractérisés par leur sérénité. Découvertes et décrites dès la première moitié du
XXe siècle, elles ont fait l’objet d’une importante communication par Bernard B.
Dadié et l’archéologue Jean Pollet. Aujourd’hui, elles se réduisent généralement
à la tête. Mais le Musée de l’homme a acquis le spécimen complet collecté en
1900 par l’administration Houet. Il obtient un don de Georges Henri Rivière en
1935.En voici le commentaire : "Les sculptures funéraires Agni sont modelées
par des potières spécialisées. Elles reproduisent des traits des rois défunts ou les
membres de leur famille. Elles sont porteuses du souffle vital des morts et
étaient déposées dans le champ de mma (mmasso), lieu de culte ou il n’y a pas
de sépulture".
Il convient de souligner que ce lieu était entretenu par des femmes stériles
dans l’espoir d’avoir des enfants. Fig.38 : Statuette Agni
Fig.39 : Statuette Mma

6. La statuaire Lobi
Excellents chasseurs et société de guerriers, les Lobi vivent repliés sur
euxmêmes. Ils ne possèdent pas de masques mais leurs nombreuses statuettes
servent au culte des esprits, culte appelé thil. Ces objets sont cachés dans des
sanctuaires, mais aujourd’hui, beaucoup sont devenus, grâce aux
collectionneurs, des pièces ayant droit de citer dans le royaume occidentale de
l’art.
Cela dit, la statuette Lobi présente une diversité des particularités
anatomiques, une multiplicité des types humains (Fig.40).Mais au-delà de cette
réalité, un certain nombre de traits récurrents permettent de caractériser le style
Lobi. "archetypal" présentés ci-dessous.
1-Les yeux sont matérialisés par une simple incision, un disque, un rectangle, ou
un bouton ovoïde. Ils sont sans regard, traduisant en cela l’aversion des Lobi
pour la curiosité, considérée comme une marque d’impudeur.
2-La bouche est marquée par deux disques ou deux rectangles en relief. Elle
rappelle la déformation provoquée chez les femmes par le port du double Labret.
Le nez est court, droit, pointu ou triangulaire. Les oreilles toujours stylisées sont
formées d’un arc de cercle ou d’un disque en relief.
3-La coiffure : Les statuettes féminines ont le crâne lisse et nu ou une coiffure de
"casque". Chez les Lobi, on rase toujours le tour de la tête des femmes pour
former ainsi une calotte. Sur les statuettes hermaphrodites, à double tête, la
femme porte toujours une coiffure tressée ou un casque de bois taillé pour la
différencier de l’homme.
Les bras et les mains sont généralement collés au corps. Ils peuvent être très
courts, stylés, sans coude ou longs et filiformes. Les mains ont la forme de
trapèze aplatis. Les jambes sont légèrement fléchies. Les pieds reposent sur un
socle. Le bas de la statuette est en général négligé. Si le geste est globalement
expressif, le mouvement du corps traduit des intentions dont la signification
échappe. Chez les Lobi, les techniques du corps sont en général codées et seuls
les initiés sont instruits du sens de telle attitude, de tel geste, ou de la fonction de
telle œuvre. La richesse de la statuaire Lobi se caractérise par l’extrême variété
des attitudes. Aucune scène de la vie quotidienne n’a échappé au regard des
sculpteurs.
Il y a des statuettes appelées "Yadawoza".Elles évoquent l’impuissance de
l’homme face aux contingences de sa condition humaine. Statuettes
propitiatoires, elles ont les bras levés au ciel, écartés ou tendus en arrière, ou
même croisés et souvent les mains sur les épaules. Bras levés au ciel, écartés ou
tendus en arrière, sont les attitudes d’un homme affligé, d’un désespéré en quête
d’une aide, d’un secours. Un bras levé ou tendu, une tête tournée à droite ou à
gauche, traduisent un malheur ayant frappé, soit le matriclan, soit le patriclan. La
forme traduit rarement la fonction, elle renvoie à des représentations sociales et
religieuses.
La statuaire Lobi, dans le cas des "Yadawoza ", est remarquable par la
gestuelle, expression qu’on ne trouve nulle part ailleurs en Côte d’Ivoire.
Chaque geste est figé dans une attitude dont la signification échappe au profane
(Fig.40).
On a qualifié la statuaire Lobi de brute, manquant de technicité. Cela
s’explique par le fait que chez les Lobi, il n’existe pas de classe de sculpteurs.
Le sculpteur est comme tout autre Lobi. Il ne tire pas un prestige particulier de
son travail et n’est guère rémunéré.
Fig.40 : Statuettes Lobi
Fig.41 : Statuettes Lobi (Yadawoza)

8. La statuaire Akyé
A l’instar des Bété, les Akyé ont eux aussi des statuettes d’ancêtres. Le culte
des morts encore vivace de nos jours fonde la communication avec les ancêtres
qui continuent de participer à la gestion du monde visible.
Les statuettes votives servent d’intermédiaires, entre les vivants et les morts.
En général, elles sont associées à deux, l’homme et la femme, qui figurent les
ancêtres à l’origine du lignage, ou plus simplement les grands parents défunts :
les statuettes sont un hommage que l’on rend à ceux-ci.
Outre les statuettes d’ancêtre, il y a aussi des statuettes représentant des génies.
Réceptacles des esprits, ces figurines confèrent aux hommes possession (kunso)
inspirés par les génies qui expriment par leur bouche et communiquent avec le
monde invisible. Ce type de statuettes exige des offrandes alimentaires. D’autres
statuettes peuvent intervenir dans le culte lié à la fécondité.
Fig.42 : Statuettes Akyé
Chez les Baoulé, les waka sonan ou les waka sran (être de bois) statuettes
sculptées à l’image de l’être humain appartiennent à deux catégories : les assyé
oussou qui sont les représentants de la nature tout comme chez les Lobi et les
Blolo bla et les Blolo Bian qui sont les époux de l’outre-monde.
Chez les Bété et les Dan, la statuaire est avant tout commémorative.
Chez les Sénoufo, la statuaire est liée au Poro.
Chez les Gouro, la statuaire est plutôt honorifique, voire narrative : elle
honore et raconte les personnes légendaires.
Chez les Akyé, la statuaire joue un rôle d’intermédiaire entre les kunso et
le monde invisible mais elle peut aussi être liée au culte de la fécondité et à des
cérémonies de guérison.
CONCLUSION GENERALE

Au terme de cette étude limitée de la statuaire et des masques de Côte


d’Ivoire, il y a lieu de faire quelques remarques générales.
S’agissant de la statuaire, il faut souligner qu’aujourd’hui, celle-ci épouse
généralement des formes anthropomorphes (représentant des hommes et des
femmes).Toutefois des représentations zoomorphes, voire, anthropozoomorphes
existent surtout en pays Sénoufo où elles sont utilisées dans les cérémonies du
Poro et en pays Baoulé (gbèkrè).
Par ailleurs, il apparait les caractéristiques suivantes :

 La statuaire comprend surtout des statuettes ; aujourd’hui, les statues


n’existent que chez les Sénoufo. On a signalé également l’existence de
statues dénommées statues-pilons qui, à l’instar des bébés Sénoufo,
servent à marteler le sol lors de certaines cérémonies.
 Le canon de la statue ou de la statuette, ne correspond guerre au type
physique réel de l’homme. Les sculpteurs se refusent de copier
servilement la nature. Il accorde plus d’importance à certaines parties
(symboliques) du corps humain : la tête, les seins de la femme, etc. Il va à
l’essentiel et réduit les détails au minimum signifiant car ce qui importe,
c’est l’objet représenté.
 La statuette ou la statue observe toujours une attitude hiératique
contrairement à la catégorie des statuettes Lobi appelées yadawoza.
Au niveau des masques, on peut affirmer que si certains, tels que le Djè,
gardent toujours leur caractères sacrés, leurs prestations sont aujourd’hui
ouvertes à tout le monde, même aux touristes.
Par ailleurs, depuis la colonisation, les colorants à base naturelle utilisés
pour les masques, sont tombés en désuétude au profit des peintures
chimiques modernes.
En outre, on assiste à une adaptation des formes. De nouvelles formes
apparaissent particulièrement au niveau du Zahouli, voire au niveau de la
statuaire avec les statuettes dites colons.

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