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Journées Nationales de Géotechnique et de Géologie de l’Ingénieur JNGG2012–Bordeaux 4-6 juillet 2012

SUVI DU COMPORTEMENT À COURT ET LONG TERMES DES


GALERIES DU LABORATOIRE SOUTERRAIN DU CENTRE DE
MEUSE / HAUTE-MARNE

SHORT AND LONG TERMS BEHAVIOR OF THE DRIFS OF THE


UNDERGROUND RESEARCH LABORATORY OF MEUSE / HAUTE-MARNE

Aurélien NOIRET1, Armand GILLES1, Céline RIGHINI1, Rémi DE LA VAISSIERE1

1 Andra, Bure, France,

RÉSUMÉ — Dans le cadre de l’étude de faisabilité d’un stockage géologique profond


dans une couche argileuse, la construction des ouvrages du laboratoire souterrain
(LS) du centre de Meuse / Haute-Marne (CMHM) donne lieu à un suivi géologique,
géotechnique et hydraulique. Ce papier présente les mesures géotechniques
réalisées au niveau principal à -490 m pour caractériser le comportement mécanique
des galeries excavées dans l’argilite du Callovo-Oxfordien.

ABSTRACT — In the framework of the feasibility study of a deep repository in


claystone, excavation of the drifts of the Meuse Haute-Marne underground research
laboratory are used to characterize excavation-induced damage and follow the short
and long terms behavior of a rock mass. This paper presents mechanical
measurements performed at the main level (-490 m) of the underground research
laboratory in the Callovo-Oxfordian claystone.

1. Introduction
L’Andra (Agence Nationale pour la gestion des Déchets RAdioactifs), depuis 2000, a
commencé à construire un laboratoire souterrain (LS) au centre de Meuse/Haute-
Marne situé à Bure à l’Est du bassin parisien (CMHM) pour développer un
programme technique et scientifique. Les objectifs de ce programme sont d’acquérir
des données in situ et de démontrer la faisabilité d’un stockage géologique profond
dans la formation d’argilites du Callovo-Oxfordien. Le creusement et le suivi des
ouvrages du LS fait partie intégrante du programme expérimental de recherche en
géomécanique. Depuis 2004, l’ensemble des constructions d’ouvrage a donné lieu à
un suivi géologique, géotechnique et hydraulique. L’objectif de ces mesures est de
comprendre le comportement hydromécanique des ouvrages à -490 m dans ce
matériau. Lors de l’excavation des galeries, une fracturation induite se développe.
Une partie de cette zone fracturée voit ses propriétés de transport (perméabilité et
porosité) significativement perturbée, formant ainsi l’EDZ. L’EDZ « Excavation
damaged zone », définie comme étant la zone où les perturbations hydromécaniques
et géochimiques induites par le creusement induisent des variations significatives
des propriétés hydrauliques et de transport de la roche hôte. Ainsi, la caractérisation
du comportement à court et long termes des ouvrages souterrains du LS, notamment

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l’évolution de la fracturation induite, s’avère importante pour la réalisation des calculs


de sûreté et le dimensionnement des futurs ouvrages de stockage.

2. Architecture du laboratoire souterrain et champ des contraintes naturelles


De nombreux essais ont été réalisés sur des échantillons pour obtenir les propriétés
de l’argilite du Callovo-Oxfordien (Andra, 2005). La composition minéralogique varie
légèrement suivant les niveaux stratigraphiques. Au niveau principal à -490 m, la
composition minéralogique est : 25% de quartz, 20/25% de calcite et 50/55% de
minéraux argileux auxquels s’ajoute la présence de feldspath, de pyrite et d’oxydes
de fer (5%). La phase argileuse est composée de 65% de I/S (illite/smectite
interstratifiée), 30% d’illite et de 5% de kaolinite et de chlorite. Ce matériau présente
une très faible perméabilité anisotrope (rapport de trois à cinq, la perméabilité dans la
direction perpendiculaire à la stratification étant la plus faible) et un très faible
diamètre de pore moyen (~ 0,02 μm). Les propriétés mécaniques sont décrites
tableau 1.

Tableau 1 . Caractéristiques du Callovo-Oxfordien à -490 m (Andra, 2005)

Paramètres Indice
Masse volumique ρ 2,39 g/cm3
Porosité n 18 ± 2%
Module de Young E┴ 4000 ± 1470 MPa
E// / E┴ 1,2 à 1,5
Coefficient de Poisson ν 0,29 ± 0,05
Résistance à la compression Rc 21 ± 6.8 MPa
uniaxiale
Critère de Hoek & Brown s 0,43
m 2,5
c (MPa) 33,5
Perméabilité intrinsèque K 5.10-20 à 5.10-21 m²
Teneur en eau W 7,2 ± 1,4%

E┴ et E// font respectivement référence aux modules de Young perpendiculaires et


parallèles à la stratification

Le niveau principal du laboratoire se situe à -490 m. L’ensemble des galeries forment


un réseau d’environ 1 km de long. La majorité des galeries ont été excavées suivant
les directions principales des contraintes (cf. figure 1). Les données actuelles sur
l’état des contraintes naturelles à ce niveau sont : une contrainte verticale principale
égale au poids des couches sus-jacentes, deux autres contraintes principales dans
le plan horizontal. Le champ de contrainte est anisotrope avec une contrainte
horizontale majeure orientée environ N155°E +/- 10° dont les valeurs d’anisotropie
retenues sont :
 v=12 MPa
 h=v
 H=1,3h

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où : v, la contrainte principale verticale, h, la contrainte principale horizontale


mineure et H, la contrainte principale horizontale majeure (Wilevau et al. 2007). La
pression de pore de la formation à -490m est d’environ 4,5 MPa.

v  12 MPa

h  v H  1,3 h

Figure 1 . Architecture du LS du CMHM

3. Fracturation au niveau -490 m


L’étude de la fracturation est effectuée via l’étude des fronts de taille et des levés
géologiques en forage. Suivant la direction d’excavation, à savoir suivant la
contrainte horizontale mineure ou horizontale majeure, les aspects de la fracturation
évoluent. Ces études ont permis de proposer un modèle de fracturation, pour chaque
direction d’excavation, présenté sur les figures 2 et 3.

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Figure 2 . Modèle de fracturation d’une galerie orientée suivant la contrainte


horizontale mineure (N65°E)

Figure 3 . Modèle de fracturation pour une galerie orientée suivant la contrainte


horizontale majeure (N155°E)

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Dans les deux directions d’excavation, des structures en chevrons apparaissent. Ces
structures se composent de deux types de fractures de même direction, globalement
perpendiculaires à la galerie, mais de pentes opposées. L’origine de ces fractures est
un cisaillement normal. On discerne les fractures inférieures et supérieures du
chevron respectivement observées en partie basse et en voute. L’extension de la
fracturation est déterminée à partir des levés géologiques des forages. Elle est
fonction de la direction d’excavation. Deux zones d’extension sont observées, la
première zone d’extension correspond à une fracturation mixte où des fractures
d’extension et de cisaillement d’orientations hétérogènes sont observées. La
seconde est inscrite dans une zone plus vaste où seules des fractures en
cisaillement d’orientations homogènes sont identifiées.
 Suivant la direction de la contrainte horizontale majeure, l’extension
horizontale est en moyenne de 0,2 diamètres pour la première zone et de 0,8
diamètres pour la seconde zone. L’extension verticale est faible (inférieure à
0,1 diamètres). Ce réseau de fracture est complété par une fracturation en
bombement qui s’étend au front sur une hauteur variable comprise entre les
fractures inférieures et supérieures du chevron. Ces fractures traduisent une
rupture en traction.
 Suivant la direction de la contrainte horizontale mineure, l’extension
horizontale est en moyenne de 0,1 diamètres. Verticalement, l’extension est
de 0,3 diamètres pour la première zone et de 0,6 à 0,8 diamètres pour la
seconde zone (respectivement au dessus et en dessous). Dans cette
direction, la fracturation en chevron en partie masquée au front par un
écaillage concave présent aux parements droit et gauche. Cet écaillage est
composé de deux types de fractures qui présentent une géométrie en demi-
cône concave. L’origine de ces structures est une rupture en cisaillement.

4. Mesures de convergence
Les figures 4 et 5 présentent les mesures de convergences verticales et horizontales
mesurées au niveau des galeries GED et GCS respectivement orientées suivant les
contraintes principales horizontales mineure et majeure (mesures manuelles au fil
invar).
Les sections de mesures de convergence ont été installées à l’avancement à environ
1,5 m à l’arrière du front. Les convergences les plus importantes sont mesurées dans
les galeries orientées suivant la contrainte horizontale mineure. L’amplitude des
convergences est maximale dans la direction verticale pour une galerie orientée
suivant la contrainte horizontale mineure. Le rapport des convergences Cv/CH est
différent suivant la direction d’excavation :
 Pour la GED excavée suivant h, Cv/CH=4,4 pour vingt-trois mois de suivi.
 Pour la GCS excavée suivant H, Cv/CH=0,5 pour quatorze mois de suivi.
Dans les deux directions, les vitesses de convergence sont importantes durant les
trois premiers mois puis elles diminuent en fonction du temps.

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160

140
GED
120
déplacement (mm)

100
OHZ120A_36 (v) OHZ120B_36 (v)
80 OHZ120C_36 (v) OHZ120D_36 (v)
OHZ120E_36 (v) OHZ120F_36 (v)
60 OHZ170B_36 (v) OHZ170C_36 (v)
GCS OHZ170D_36 (v) OHZ170E_36 (v)
40 OHZ170F_36 (v) OHZ170G_36 (v)

20

0
0 200 400 600 800 1000
temps (j)

Figure 4 . Convergences verticales mesurées dans des galeries de directions


différentes (galerie GED - trait pointillé bleu, galerie GCS - trait rouge)

160

140 OHZ120A_24 (h) OHZ120B_24 (h)


OHZ120C_24 (h) OHZ120D_24 (h)
OHZ120E_24 (h) OHZ120F_24 (h)
120 OHZ170B_24 (h) OHZ170C_24 (h)
OHZ170D_24 (h) OHZ170E_24 (h)
déplacement (mm)

OHZ170F_24 (h) OHZ170G_24 (h)


100

80
GCS GED
60

40

20

0
0 200 400 600 800 1000
temps (j)

Figure 5 . Convergences horizontales mesurées dans des galeries de directions


différentes (galerie GED - trait pointillé bleu, galerie GCS - trait rouge)

Le comportement des ouvrages dépend de l’orientation des ouvrages par rapports à


l’état de contrainte in situ. La zone fracturée joue un rôle prépondérant sur les
convergences mesurées au cours du temps. Les convergences sont au moins sur les
six premiers mois la résultante des déformations de la roche elle-même et de
l’ouverture de fractures. Le comportement mécanique de la zone fracturée ne peut
pas être assimilé à celui d’un milieu continu équivalent.

Nota : Les galeries GCS et GED présentent des conceptions différentes mais dites
souples : elles permettent les convergences des galeries (GED, galerie à cintres
coulissants, GCS, galerie avec cales compressibles, Bonnet Eymard et al. 2001). Les

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diamètres moyens de ces galeries sont de 4,6 m et 5,2 m respectivement pour la


GED et GCS. En complément, in situ, aucune différence significative sur l’extension
de la fracturation n’a été observée entre la GCS et la GET, galerie de conception
analogue à la GED mais de même orientation que la GCS (cf. figure 1).

5. Mesures extensométriques en forage


Les sections de mesures extensométriques sont composées de quatre
extensomètres longs multipoints installés à l’avancement (soit à environ 1,5 m du
front). Ces mesures permettent de suivre les déplacements entre la paroi rocheuse
(tête de l’extensomètre) et les ancrages situés à différentes profondeurs.
Ces mesures réalisées en complément des mesures de convergence, permettent de
quantifier les déformations du massif en profondeur. Les déformations sont calculées
entre chaque ancrage (cf. figure 6).
Les mesures en forage sont cohérentes en amplitude avec les mesures de
convergence, les déplacements les plus importants sont mesurés dans la direction
verticale pour les galeries orientées suivant la contrainte horizontale mineure. Les
déformations les plus importantes sont calculées pour les zones à proximité de la
paroi.
 En GED orientée suivant h : les maxima horizontaux, soient 0,16%, sont
mesurés entre 1 et 2 m (soit entre 0,1 et 0,2 D). et les maxima verticaux,
soient 2,3%, sont mesurés entre 0 et 1 m (entre 0 et 0,2 D)
 En GCS orientée suivant H : les maxima horizontaux, soient 0,6%, sont
mesurés entre 3,7 et 2,2 m (entre 0,4 et 0,7 D) et les maxima verticaux,
0,13%, sont mesurés entre 3,6 et 2,1 m (entre 0,1 et 0,2 D).
Les zones de déformation maximales correspondent aux zones où la densité de
fracturation est la plus importante. L’amplitude des déformations inter-bases chute
d’environ un ordre de grandeur en dehors des zones fracturées.
Globalement, les vitesses de déformation inter-ancrage décroissent en fonction du
temps et de la distance à la paroi. Il est noté une différence de comportement entre
les zones à forte densité de fracturation et peu ou pas fracturée (voir extension de la
fracturation §3),
Après quatorze mois de suivi, pour les zones fracturées (deux directions), ces
vitesses sont de l’ordre de 4,7. 10-11 s-1 et de 1,6. 10-12 s-1 pour les zones peu ou pas
fracturées (à noter que l’interprétation est rendue difficile par la précision des
dispositifs de mesures in situ et l’amplitude des phénomènes, capteurs
potentiométriques d’une précision +/-0,02). Selon Andra, 2005, les vitesses de fluage
mesurées sur échantillons sont pour des essais longs (un à trois ans) : 4.10-12 s-1 ≤
Vfluage ≤ 1,6.10-11 s-1. Ainsi, pour les zones peu ou pas fracturées, ces vitesses se
situent dans la fourchette basse des essais de laboratoire. Les zones fracturées ont
des vitesses de déformations légèrement supérieures à celles mesurées sur
échantillons.

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6. Conclusions
Pour appréhender le comportement à court et long termes des galeries du LS du
CMHM, la caractérisation de la fracturation et de son extension associée à des
mesures géotechniques s’avère nécessaire. Ainsi, la fracturation, fortement
dépendante de l’anisotropie du champ des contraintes naturelles à -490 m facilite la
compréhension des déformations in situ. Les déformations et vitesses les plus
importantes sont mesurées au niveau des zones les plus fracturées. Le rapport des
convergences verticales à horizontales suivant les directions d’excavation illustrent
cet effet. En complément de ce suivi des ouvrages souterrains, et notamment
l’évolution de la fracturation induite, différentes méthodes d’excavation et de
soutènement sont testées. L’objectif est d’appréhender le comportement du massif et
son interaction avec des ouvrages de conceptions différentes, notamment avec des
revêtements de rigidité croissante.

Extensomètre horizontal en GED (h) Extensomètre horizontal en GCS (H)


déformations inter-ancrages déformations inter-ancrages
0,70 0,70

0,60 0,60
OHZ1203 OHZ1704
0,50 0,50
de 30 à 15 m de 29,8 à 15,2 m
déformation (%)

déformation (%)

0,40 de 15 à 8 m 0,40 de 15,2 à 11,2 m


de 8 à 5 m de 11,2 à 8,2 m
0,30 0,30
de 5 à 3,5 m de 8,2 à 5,2 m
0,20 de 3,5 à 2 m de 5,2 à 3,7 m
0,20
de 2 à 1 m de 3,7 à 2,2 m
0,10 de 0 à 1 m de 2,2 à 0,2 m
0,10
0,00
0 120 240 360 480 600 720 840 960 1080 1200 0,00
0 60 120 180 240 300 360 420 480 540 600
temps (j)
temps (j)

Extensomètre vertical en GED (h) Extensomètre vertical en GCS (H)


déformations inter-ancrages déformations inter-ancrages
2,50
2,50 OHZ1707
OHZ1202
2,00
de 30 à 15 m 2,00 de 29,7 à 15,1 m
déformation (%)

déformation (%)

1,50 de 15 à 8 m de 15,0 à 11,1 m


de 8 à 5 m 1,50 de 11,0 à 8,1 m
de 5 à 3,5 m
1,00 de 8,1 à 5,1 m
de 3,5 à 2 m 1,00
de 2 à 1 m de 5,1 à 3,6 m
0,50 de 0 à 1 m de 3,6 à 2,1 m
0,50
de 2,1 à 0,2 m
0,00
0 120 240 360 480 600 720 840 960 1080 1200 0,00
0 60 120 180 240 300 360 420 480 540 600
temps (j)
temps (j)

Figure 6 . Calculs de déformations inter-ancrages

Références bibliographiques
ANDRA (2005). Dossier 2005 Argile. Evaluation de la faisabilité du stockage géologique en formation
argileuse profonde. Rapport de synthèse, Juin 2005, Andra, France, www.andra.fr.
Bonnet-Eymard T., Ceccaldi F., Richard L.( 2011). Extension of the Andra underground laboratory:
methods and equipment used for dry, dust-free works World Tunnel Congres 2011, Helsinky
Wileveau, Y., Cornet, F.H., Desroches, J. & Blumling, P. (2007). Complete in situ stress determination
in an argillite sedimentary formation, Physics and Chemistry of the Earth, vol. 32, 866-878.

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