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Les pièces buccales et l’alimentation des insectes.

Chapter · July 2013


DOI: 10.4000/books.irdeditions.22353

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2 authors:

P-A Calatayud Bruno Pierre Le Ru


Institute of Research for Development Institute of Research for Development
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Insectes couv XP 17/07/13 12:02 Page 1

Malgré leur rôle primordial dans les écosystèmes, les insectes, qui
représentent les trois quarts des espèces animales identifiées, sont
encore mal connus. Leur relation avec le règne végétal et l’espèce
humaine, que ce soit comme compétiteurs au niveau des cultures ou
comme auxiliaires, notamment par la pollinisation, revêt pourtant une
importance majeure.
Pour mieux comprendre les grandes fonctions des insectes, leur
fonctionnement individuel et populationnel, leurs interactions avec les
composantes de l’écosystème – en particulier les plantes – et plus
globalement leur intégration dans les milieux naturels et anthropisés, cet
ouvrage propose ainsi la première synthèse en français sur un domaine
ayant connu récemment d’importants développements.

Interactions insectes-plantes
Il offre une revue complète et actualisée des grands courants de pensée,
des approches et des découvertes dans les différents champs disciplinaires :
physiologie animale et végétale, éthologie, écologie chimique, biologie
évolutive, agronomie, paléoentomologie… Il présente par ailleurs les
multiples applications des recherches pour réduire l’impact des insectes
ravageurs sur les cultures, tout en limitant l’usage des insecticides. Des
questions souvent sujettes à controverse sont revisitées à la lumière des
connaissances scientifiques actuelles : plantes transgéniques, impact des
changements climatiques sur l’extension des aires de distribution de ravageurs
ou de vecteurs…
Illustrée de nombreuses figures et photos, cette somme à vocation
pédagogique s’adresse aux étudiants, enseignants et chercheurs, mais
Interactions insectes-plantes
aussi à tous les lecteurs intéressés par les relations complexes entre le Éditeurs scientifiques
monde des insectes et le règne végétal.
Nicolas Sauvion
Paul-André Calatayud
Nicolas Sauvion est entomologiste-épidémio- Denis Thiéry
logiste, chercheur à l’Inra de Montpellier.
Paul-André Calatayud est spécialiste des
Frédéric Marion-Poll
interactions plantes-insectes-parasitoïdes à
l'IRD et chercheur associé au Centre interna-
tional de physiologie et d'écologie de l'insecte
(Icipe) à Nairobi (Kenya).
Denis Thiéry est entomologiste-écologiste
comportemental, chercheur à l'Inra de Bordeaux.
Frédéric Marion-Poll est agronome-physiolo-
giste et comportementaliste du système
chimiosensoriel des insectes, professeur à
AgroParisTech et chercheur associé au CNRS.

79 €
ISBN Quæ 978-2-7592-2018-2
ISBN IRD 978-2-7099-1746-9

réf : 02390
Chapitre 5

Les pièces buccales et l’alimentation


des insectes
Paul-André Calatayud et Bruno Le Ru

INTRODUCTION LES ENTOGNATHES ET LES ECTOGNATHES :


En observant différentes espèces d’insectes en DÉFINITION
train de s’alimenter, il est facile de constater qu’il Les insectes possèdent tous les appendices
existe plusieurs types de pièces buccales dont nécessaires pour couper, broyer, percer, aspirer,
les formes et les agencements varient beaucoup « sentir » et « goûter » les aliments. Ces appendices
d’une espèce à l’autre et parfois même à l’inté- constituent les pièces buccales qui délimitent un
rieur d’une même espèce. Ainsi, les papillons au espace préoral. Leurs formes et leurs agence-
stade chenille possèdent un appareil buccal de ments diffèrent d’un groupe d’insectes à l’autre.
type « broyeur ». En devenant adultes, ils se méta- En fonction de la visibilité de ces appendices
morphosent en papillons qui, dotés d’une sorte par rapport à la tête, on peut classer les insectes
de trompe, appartiennent désormais au groupe en deux grands groupes  : les entognathes et les
des « suceurs-lécheurs ». Chez d’autres espèces, ectognathes. Ces appellations sont relatives à des
les adultes ne se nourrissent plus, et leurs pièces considérations anatomiques, on ne leur attribue
buccales sont complètement atrophiées. C’est le pas aujourd’hui de valeur cladistique, la conver-
cas des Ephéméroptères ainsi que de certaines gence évolutive des groupes qui constituent ces
espèces de Plécoptères, Trichoptères, Mégalop- ensembles étant loin d’être établie.
tères, Lépidoptères, Strepsiptères, Coléoptères, Les entognathes sont caractérisés par la présence
Diptères et Sternorrhynques (comme les mâles de pièces buccales si bien logées dans la tête
de la cochenille farineuse, Phenacoccus herreni qu’elles ne sont pas visibles de l’extérieur. C’est
[Pseudococcidae]). le cas des collemboles, des protoures et des
Si les insectes ont pu coloniser la plupart des diploures. Ces insectes sont considérés comme
biotopes au cours de leur évolution, c’est entre primitifs comparativement aux ectognathes.
autres parce qu’ils ont été capables d’exploiter Les ectognathes possèdent, au contraire, des
toutes les ressources alimentaires de ces milieux, pièces buccales bien visibles de l’extérieur. C’est le
feuilles, fruits, bois, nectar des fleurs, sève, sang cas de la majorité des insectes tels que les Lépi-
de mammifères, autres insectes. Cette spécia- doptères, les Coléoptères… Dans ce type consi-
lisation a entraîné une adaptation des pièces déré comme le plus évolué, l’orientation de l’espace
buccales au régime alimentaire afin d’être le plus préoral permet de distinguer trois types de têtes :
efficace possible dans la prise de nourriture. la tête orthognathe (l’axe de l’espace préoral est

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perpendiculaire à l’axe du corps), la tête prognathe pièces, on peut distinguer les insectes « broyeurs »
(l’ouverture de l’espace préoral s’est déplacée vers des insectes « suceurs ».
l’avant), et la tête opisthognathe (l’ouverture de
l’espace préoral s’est déplacée vers l’arrière). Les insectes « broyeurs »
Le type primitif, à régime phytophage ou carni-
LES DIFFÉRENTS TYPES D’APPAREILS vore, se caractérise par des mandibules déve-
BUCCAUX : « SE NOURRIR À SA FAÇON » loppées, puissantes et tranchantes, capables
de couper et de mâcher des aliments solides,
L’appareil buccal des insectes est un ensemble
comme des feuilles, des graines ou d’autres
d’appendices, généralement articulés, qui servent
insectes. C’est le cas des Coléoptères, des Hymé-
à la préhension de la nourriture et à son inges-
noptères (fourmis et guêpes), des Blattoptères
tion. On distingue, d’avant en arrière, le labre, les
(blattes) des Raphidioptères, des Plécoptères,
mandibules, les maxilles et le labium (fig.  5-1).
des Embioptères, des Dermaptères (les forficules
Au sein de ces principales structures, on trouve :
ou perce-oreilles), des Dictyoptères, des Zorap-
− les palpes (labiaux ou maxillaires) qui sont
tères, des Chéleutoptères, des Isoptères, des
de petits appendices du labium et des maxilles,
Orthoptères (sauterelles, criquets) et des larves
comprenant un nombre d’articles variables d’un
de Lépidoptères.
ordre à l’autre, portant souvent les organes senso-
riels du toucher, du goût et de l’odorat, grâce à la
présence de poils sensoriels ou sensilles ;
− le clypéus qui porte le labre ;
− la galea qui est un appendice des maxilles,
plus ou moins allongé et qui porte les palpes
maxillaires.
Il est souvent possible de deviner ce que mange
un insecte en examinant ses pièces buccales.
D’après la forme et le fonctionnement de ces

Insecte broyeur, Morinus asper (Coleoptera, Ceram-


bycidae), montrant clairement ses mandibules en
forme de pinces (© H. Mouret).

Leurs pièces buccales se caractérisent par la


présence :
− d’un labre (labrum) qui correspond à la lèvre
supérieure (première pièce buccale) ; il couvre la
base des mandibules et forme la voûte de la cavité
buccale des insectes ;
− d’une première paire de grosses mâchoires
très dures, en forme de pyramide triangulaire un
peu aplatie, appelées mandibules, utilisées pour
couper et broyer la nourriture ;
Figure 5-1 – Représentation schématique de − d’une deuxième paire de mâchoires, les
l’agencement des pièces buccales chez un insecte maxilles, utilisée pour mastiquer les aliments ;
« broyeur » constituant l’agencement de base à partir − d’un labium (correspondant à la lèvre infé-
duquel les autres types ont dérivé. rieure), qui est une structure simple appartenant

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Les pièces buccales et l’alimentation des insectes

à la langue ; il a évolué à partir d’une paire d’ap- Chacune de ses mandibules en forme de crocs
pendices, comme le labre, mais porte toujours est percée d’un étroit canal au travers duquel la
des palpes, à la différence de ce dernier ; larve injecte de la salive dans le corps de sa proie
− d’un hypopharynx ou « langue », qui corres- pour la liquéfier. Elle aspire ensuite l’intérieur
pond au fond, ou plancher, de la bouche. de sa proie, devenu liquide, réalisant ainsi une
Chez les insectes carnivores, les mandibules sont digestion extra-orale.
bien développées ; leur partie distale incisive Les « broyeurs-lécheurs »
prend un grand développement (les Cicindèles
Certains de ces insectes « lèchent » leur nourri-
par exemple) alors que chez les insectes phyto-
ture avec une « langue » formée par la fusion du
phages, elles sont plus courtes avec une partie
labium et des maxilles. C’est le cas des Hymé-
proximale molaire (mola) beaucoup plus déve-
noptères (les abeilles ouvrières et les bourdons
loppée formant une surface triturante (les hanne-
par exemple), dont l’abeille domestique est un
tons par exemple).
parfait exemple : leurs mandibules ne sont utili-
Bien que cela n’apparaisse pas au premier abord, sées que pour pétrir la cire pour en faire des
on peut retrouver chez tous les insectes les diffé- alvéoles, et non pas pour couper des aliments.
rentes structures observées dans l’appareil buccal Les Trichoptères font également partie des
de type broyeur, raison pour laquelle il est consi- « broyeurs-lécheurs ».
déré comme primitif.

Abeille (Apis mellifera, Hymenoptera, Apidae)


léchant une gouttelette de nectar (© Th. Colin).
Tête de libellule (Odonata, Zygoptera) montrant
au premier plan les mandibules en forme de
pinces et à l’arrière les palpes labiaux et maxillaires Les insectes « suceurs »
(© Th. Colin).
Chez de nombreux insectes, incapables de couper
et de broyer des aliments solides, la nourriture
Les « broyeurs-suceurs » est exclusivement liquide. Chez ces insectes
Certains insectes « broyeurs » se nourrissent appelés « suceurs », les mandibules, les maxilles
exclusivement d’aliments liquides ou liqué- et certaines autres pièces buccales sont modi-
fiés, même si parmi eux certains possèdent des fiées en stylets. Ces pièces buccales généralement
mandibules bien développées. C’est le cas des allongées forment un long tube par lequel les
Thysanoptères, de certains Diptères, des larves aliments liquides sont aspirés. La bouche de ces
de dytique et de nombreux Névroptères. La insectes fonctionne généralement comme une
larve de dytique, par exemple, est un préda- pompe. Le nombre de stylets, leur agencement et
teur si vorace qu’elle s’attaque même aux têtards leur fonctionnement permettent la distinction de
de grenouilles et aux poissons de petite taille. différents groupes.

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Interactions insectes-plantes

Les « suceurs-lécheurs » espèces de papillons, comme les Attacidés et


type « suceur-labial » certains Noctuidés foreurs de graminées (comme
Busseola fusca [Lepidoptera, Noctuidae]), ont
Chez certains insectes « suceurs-lécheurs », une « trompe » réduite qu’ils utilisent a priori
comme les Diptères supérieurs (les Muscidés, rarement pour se nourrir. Ils vivraient donc de
Syrphidés et Tachinidés), le labium est très leurs réserves accumulées lorsqu’ils étaient au
développé, formant une trompe molle appelée stade de chenille.
proboscis. Il est soutenu par des pièces chiti-
neuses et peut se replier en  Z sous la tête. Il Les « piqueurs-suceurs »
ressemble à une éponge, terminée par deux lobes Les insectes « piqueurs-suceurs » possèdent des
ou labelles, perforés de nombreuses pseudotra- pièces buccales appelées stylets leur permettant
chées débouchant dans le pharynx et permet de de percer la peau des animaux ou les tissus de
pomper des aliments liquides. Ces insectes sont végétaux afin d’aspirer les liquides internes.
aussi capables de liquéfier des aliments solides
Certains d’entre eux, comme les cigales et les
avec leur salive.
pucerons, se nourrissent de la sève des plantes.
Ainsi les pucerons enfoncent leurs stylets dans
les tissus de la plante jusqu’aux vaisseaux phloé-
miens afin d’y aspirer la sève élaborée. Afin de
prévenir la cicatrisation des vaisseaux lors de la
prise de nourriture, ils injectent de la salive.

Messembrina meridiana (Diptera, Muscidae) suçant


la surface de fleurs de berce Heracleum sphondylium
(Apiaceae) (© Arthropologia).

Les « suceurs-lécheurs » Rostre de cigale (Hemiptera, Cicadidae) (© Th.  Colin).


type « suceur-maxillaire »
D’autres insectes, comme les punaises des lits, les
Les Lépidoptères adultes, dont les pièces glossines (ou mouches « Tsé-Tsé ») et les mous-
buccales comprennent des palpes labiaux et des tiques, se nourrissent de sang. Les moustiques
maxilles allongées, sont également des « suceurs- enfoncent leurs stylets dans la peau jusqu’à ce
lécheurs », de type « suceur-maxillaire ». Les qu’ils rencontrent un vaisseau sanguin afin d’y
maxilles sont soudées l’une à l’autre pour former aspirer le sang. Comme tous les insectes hémato-
une sorte de longue trompe spiralée. Au repos, phages, ils injectent de la salive afin de prévenir la
cette trompe est enroulée sur elle-même, sous coagulation de ce dernier.
la tête. Elle se déplie pour aspirer le nectar des Enfin, d’autres encore, comme les punaises
fleurs et le jus des fruits fermentés. Réduvidés et Belostomatidés, se nourrissent
Notons quelques exceptions. Ainsi, les Micropte- d’insectes. Après avoir piqué une proie, elles lui
rygidés ont gardé un appareil buccal primitif de injectent de la salive pour liquéfier ses tissus et
type broyeur. Par ailleurs, les adultes de certaines ensuite les absorber.

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Les pièces buccales et l’alimentation des insectes

LES SENSILLES OU « POILS SENSORIELS » Les glandes mandibulaires,


DES PIÈCES BUCCALES hypopharyngiennes et maxillaires
Les glandes mandibulaires se rencontrent chez les
La plupart des appendices des pièces buccales Aptérygotes, Blattoptères, Mantidés, Isoptères,
sont équipés de sensilles ou « poils sensoriels » de Coléoptères et Hyménoptères et se présentent
type mécanorécepteurs et chimiorécepteurs (de fréquemment comme des structures, en forme de
contact ou olfactifs), qui permettent à l’insecte sac ouvert, situées à la base des mandibules. Elles
de toucher, goûter et sentir ses aliments. Ces sont, par exemple, importantes chez les chenilles
sensilles sont décrites dans le chapitre 8. de Lépidoptères où elles jouent le rôle de glandes
Les insectes « broyeurs » possèdent des chimioré- salivaires, mais sont absentes chez les adultes.
cepteurs de contact sur toutes les pièces buccales Chez les Hyménoptères sociaux, elles assurent
à l’exception des mandibules. Ils possèdent égale- la fonction de glandes phéromonales. Chez les
ment des chimiorécepteurs sur le labre, souvent abeilles, les glandes mandibulaires des ouvrières
appelés sensilles épipharyngiennes. Ainsi, les sécrètent de nombreuses substances phéromo-
Orthoptères et les Blattoptères présentent un nales mais aussi une partie des composés formant
grand nombre de sensilles à l’extrémité des palpes la gelée royale, l’autre partie étant produite par
labiaux et maxillaires, jusqu’à 3  000 sur chaque les glandes hypopharyngiennes, tandis que les
palpe maxillaire par exemple pour Gryllus bima- glandes mandibulaires de la reine inhibent la
culatus (Orthoptera, Gryllidae). On estime égale- production des cellules royales.
ment que les criquets adultes possèdent jusqu’à Les glandes maxillaires sont rencontrées chez
16 000 neurones chimiosensoriels sur les pièces les Protoures, les Collemboles, les Hétéroptères
buccales. À l’inverse, les chenilles possèdent un et quelques larves de Névroptères et d’Hymé-
très petit nombre de sensilles, de l’ordre d’une noptères. Elles sont en général de petite taille,
dizaine au total. situées à la base des maxilles, et impliquées dans
Les insectes « piqueurs-suceurs » phloémo- la lubrification des mandibules.
phages, comme les pucerons et les cochenilles,
possèdent des chimiorécepteurs à l’extrémité du
Les glandes labiales
labium recouvrant les stylets. Il n’y a en revanche La plupart des glandes labiales ont une structure
aucune sensille sur les stylets. Chez les « piqueurs- acineuse mais chez les Lépidoptères, les Diptères
suceurs » hématophages, qui utilisent l’extrémité et les Siphonaptères (les puces), elles sont situées
du labium pour râper les tissus avant leur prise à l’extrémité d’un tube allongé. Chez les blattes,
de nourriture (comme les insectes du genre Glos- il existe un réservoir salivaire, alors que chez les
sina [Diptera, Glossinidae] et Stomoxys [Diptera, Hétéroptères, la glande consiste en un ensemble
Muscidae]), les sensilles du labium rentrent de lobes séparés.
directement en contact avec le sang. C’est égale- Ces glandes sécrètent le plus souvent des enzymes
ment le cas des insectes en contact avec le nectar salivaires facilitant la digestion comme les
comme les Lépidoptères, les Apidés et beaucoup amylases (hydrolyse de l’amidon), les invertases
de Diptères. (hydrolyse du saccharose en glucose et fructose),
mais également la progression des stylets des
LES GLANDES ASSOCIÉES pucerons et cochenilles comme les pectinestérases
et galacturonidases. Dans d’autres cas, elles parti-
AUX PIÈCES BUCCALES cipent aux digestions extra-orales des tissus de
Une paire de glandes, bien que non systémati- plantes par la sécrétion d’amylases et de protéases.
quement présente chez les insectes, peuvent être Chez de nombreuses espèces de guêpes et de
associées aux mandibules, maxille et labium. fourmis, ces glandes participent également aux

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Interactions insectes-plantes

échanges de fluides (nutriments et enzymes) ment s’ils reconnaissent les composés caracté-
avec les larves (la trophallaxie). Cette trophal- ristiques de leurs plantes hôtes. C’est ainsi que
laxie est le plus souvent orale, mais peut être les chenilles de Lépidoptères et les Coléoptères,
anale, comme chez les termites. Elle a un rôle se nourrissant de plantes de la famille des Bras-
très important dans l’évolution du comportement sicacées (le chou par exemple), sont stimulés
social chez ces insectes. par la présence de glucosinolates, des gluco-
Enfin, chez les larves de Lépidoptères et de sides spécifiques de cette famille végétale. Chez
Trichoptères, les glandes labiales produisent les insectes se nourrissant de nectar, les sucres
de la soie. Ce fil de soie peut servir au déplace- sont des phagostimulants puissants. Cepen-
ment de plante en plante pour les jeunes larves dant, avant de se nourrir, ils effectuent une série
de Lépidoptères (phénomène appelé ballooning de séquences comportementales comparables
en anglais), de piste au sol pour les procession- aux insectes « broyeurs » de feuilles. Si les tarses
naires du pin, Thaumetopoea pityocampa (Lepi- ne détectent pas une certaine concentration
doptera, Notodontidae), mais sert dans le cas le en sucres à la surface de la plante, le proboscis
plus célèbre à la fabrication du cocon protecteur n’entrera pas en activité pour la prise du nectar.
de la chrysalide (cas du ver à soie, Bombyx mori Chez les « piqueurs-suceurs » hématophages, il y
[Lepidoptera, Bombycidae]) et de la nymphe de a deux catégories de stimulations : les solutions
certains Hyménoptères (cas des guêpes parasites salines isotoniques qui agissent par contact et la
grégaires, Cotesia sesamiae et Cotesia flavipes présence de nucléotides (principalement l’ATP)
[Hymenoptera, Braconidae]). dans le sang.
Les insectes « broyeurs » ont des muscles puis-
MÉCANISME ET CONTRÔLE sants associés aux mandibules, probablement
DE LA PRISE DE NOURRITURE actionnés par la sérotonine. Le proboscis des
insectes se nourrissant de nectar dépend égale-
Avant la prise de nourriture, l’insecte effectue ment de l’activité des muscles qui y sont rattachés.
une série de séquences comportementales lui Chez les Lépidoptères, le proboscis, en forme de
permettant d’accepter ou au contraire de rejeter trompe, se déroule par une augmentation de la
la nourriture (voir partie 4 pour plus de détails). pression de l’hémolymphe de l’insecte.
Un criquet, par exemple, prospecte d’abord la Les stylets des insectes « piqueurs-suceurs »
surface de la plante avec l’extrémité de ses palpes phloémophages de petite taille (comme les puce-
riche en sensilles ; elles lui permettent de détecter rons, les cochenilles et les aleurodes) pénètrent
les composés de surface et/ou les volatils, et de les tissus de la plante via la sécrétion d’enzymes
savoir ainsi si la plante est toxique ou acceptable salivaires ; leur progression, principalement
comme source de nourriture. Le même type de intercellulaire avant d’atteindre le phloème, est
comportement de « prospection » est observé facilitée par la sécrétion d’une salive visqueuse
chez la plupart des insectes phytophages tels que qui se solidifie pour former une sorte de tunnel
les chenilles de Lépidoptères et les Coléoptères. Il (la gaine sétale ou salivaire). La signification de
est généralement admis que la décision de prise cette gaine n’est pas clairement établie, mais elle
de nourriture par un insecte dépend d’un équi- doit permettre aux stylets de retrouver facile-
libre entre la phagostimulation et la déterrence. ment leurs trajets vers les vaisseaux phloémiens
Les principaux composés phagostimulants, et de limiter les phénomènes de cicatrisation des
induisant la prise de nourriture chez les insectes tissus de la plante. Chez les phloémophages de
phytophages, sont les sucres hexoses comme le grande taille, comme les cigales, le processus est
saccharose ainsi que certains composés consti- similaire, mais, dans la plupart des cas, les stylets
tutifs des cires de la cuticule des plantes. Les atteignent le phloème en traversant les cellules
insectes mono- ou oligophages ayant un spectre sans suivre un trajet intercellulaire. Lorsque
de plantes hôtes restreint se nourrissent unique- les stylets atteignent la sève phloémienne,

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Les pièces buccales et l’alimentation des insectes

la différence de pression entre les tubes criblés du de sang ingérée dépasse très largement le poids
phloème et l’atmosphère est telle (de 0,2 à 1 MPa) de l’insecte. Les insectes se nourrissant de nectar,
que la sève jaillit directement dans le canal sorte de carburant pour le vol, ne prélèvent à
alimentaire des stylets dont le diamètre est de chaque fois qu’une très faible quantité compara-
l’ordre de 1 µm. Chez les insectes xylémophages tivement à leur poids. Cependant ils en prélèvent
comme les Cicadellidés et les Cercopidés, une souvent, butinant de fleur en fleur. Quant aux
pompe cibariale, bien qu’également active chez Hemiptères, phloémophages comme les xylémo-
les phloémophages, doit agir en permanence phages, ils passent l’essentiel de leur vie à prélever
pendant la prise de nourriture du fait d’une pres- de la nourriture.
sion négative du xylème (-2 MPa). La prise de nourriture est influencée par des
Chez les insectes « piqueurs-suceurs » hémato- facteurs internes et externes et gouvernée par
phages, la sécrétion salivaire est nécessaire pour le système nerveux central. Elle est favorisée
inhiber la coagulation sanguine, l’agrégation par l’odeur de la nourriture. Elle est plus impor-
plaquettaire et la vasoconstriction facilitant ainsi tante, selon les espèces, soit le jour, soit la nuit.
la prise alimentaire. La pression positive du sang Le système nerveux central, quant à lui, est non
de l’ordre de 3 kPa permet aux insectes hémato- seulement « guidé » par le tube digestif (plein ou
phages une prise directe du sang au travers de non, type de nutriments ingérés, riches ou pas en
leurs stylets. protéines…) mais également par la sensibilité des
sensilles des pièces buccales de l’insecte (stimu-
Chez les insectes se nourrissant de nectar, la prise
lées par des composés phagostimulants ou au
de nourriture se fait par capillarité à l’extrémité contraire inhibées par des composés répulsifs).
du proboscis, puis le nectar est acheminé vers le
système digestif de l’insecte à l’aide d’une pompe. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
RÉGULATION DE LA PRISE DE NOURRITURE La plupart des informations de ce chapitre sont issues
de Chapman (1998) et de Daly, Doyen et Purcell (1998) ;
La plupart des insectes se nourrissent souvent ce texte est également inspiré en partie du site web de
l’insectarium de la ville de Montréal  : http://www2.ville.
par petites quantités, à intervalles plus ou
montreal.qc.ca/insectarium/toile/nouveau/preview.
moins longs (par exemple des intervalles de php?page=3&section=entos
15-30 minutes pour les chenilles et de 1-2 heures Chapman R.F. - 1998, The Insects: Structure and Function.
pour les criquets). Un repas représente en général Cambridge University Press, Cambridge.
près de 10 % du poids de l’insecte, cependant, Daly H.V., Doyen J.T. et Purcell III A.H. - 1998,
dans certains cas, comme les punaises du genre Introduction to Insect Biology and Diversity. Oxford
Rhodnius (Hemiptera, Reduviidae), la quantité University Press, New York.

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