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All content following this page was uploaded by P-A Calatayud on 05 April 2015.
Malgré leur rôle primordial dans les écosystèmes, les insectes, qui
représentent les trois quarts des espèces animales identifiées, sont
encore mal connus. Leur relation avec le règne végétal et l’espèce
humaine, que ce soit comme compétiteurs au niveau des cultures ou
comme auxiliaires, notamment par la pollinisation, revêt pourtant une
importance majeure.
Pour mieux comprendre les grandes fonctions des insectes, leur
fonctionnement individuel et populationnel, leurs interactions avec les
composantes de l’écosystème – en particulier les plantes – et plus
globalement leur intégration dans les milieux naturels et anthropisés, cet
ouvrage propose ainsi la première synthèse en français sur un domaine
ayant connu récemment d’importants développements.
Interactions insectes-plantes
Il offre une revue complète et actualisée des grands courants de pensée,
des approches et des découvertes dans les différents champs disciplinaires :
physiologie animale et végétale, éthologie, écologie chimique, biologie
évolutive, agronomie, paléoentomologie… Il présente par ailleurs les
multiples applications des recherches pour réduire l’impact des insectes
ravageurs sur les cultures, tout en limitant l’usage des insecticides. Des
questions souvent sujettes à controverse sont revisitées à la lumière des
connaissances scientifiques actuelles : plantes transgéniques, impact des
changements climatiques sur l’extension des aires de distribution de ravageurs
ou de vecteurs…
Illustrée de nombreuses figures et photos, cette somme à vocation
pédagogique s’adresse aux étudiants, enseignants et chercheurs, mais
Interactions insectes-plantes
aussi à tous les lecteurs intéressés par les relations complexes entre le Éditeurs scientifiques
monde des insectes et le règne végétal.
Nicolas Sauvion
Paul-André Calatayud
Nicolas Sauvion est entomologiste-épidémio- Denis Thiéry
logiste, chercheur à l’Inra de Montpellier.
Paul-André Calatayud est spécialiste des
Frédéric Marion-Poll
interactions plantes-insectes-parasitoïdes à
l'IRD et chercheur associé au Centre interna-
tional de physiologie et d'écologie de l'insecte
(Icipe) à Nairobi (Kenya).
Denis Thiéry est entomologiste-écologiste
comportemental, chercheur à l'Inra de Bordeaux.
Frédéric Marion-Poll est agronome-physiolo-
giste et comportementaliste du système
chimiosensoriel des insectes, professeur à
AgroParisTech et chercheur associé au CNRS.
79 €
ISBN Quæ 978-2-7592-2018-2
ISBN IRD 978-2-7099-1746-9
réf : 02390
Chapitre 5
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perpendiculaire à l’axe du corps), la tête prognathe pièces, on peut distinguer les insectes « broyeurs »
(l’ouverture de l’espace préoral s’est déplacée vers des insectes « suceurs ».
l’avant), et la tête opisthognathe (l’ouverture de
l’espace préoral s’est déplacée vers l’arrière). Les insectes « broyeurs »
Le type primitif, à régime phytophage ou carni-
LES DIFFÉRENTS TYPES D’APPAREILS vore, se caractérise par des mandibules déve-
BUCCAUX : « SE NOURRIR À SA FAÇON » loppées, puissantes et tranchantes, capables
de couper et de mâcher des aliments solides,
L’appareil buccal des insectes est un ensemble
comme des feuilles, des graines ou d’autres
d’appendices, généralement articulés, qui servent
insectes. C’est le cas des Coléoptères, des Hymé-
à la préhension de la nourriture et à son inges-
noptères (fourmis et guêpes), des Blattoptères
tion. On distingue, d’avant en arrière, le labre, les
(blattes) des Raphidioptères, des Plécoptères,
mandibules, les maxilles et le labium (fig. 5-1).
des Embioptères, des Dermaptères (les forficules
Au sein de ces principales structures, on trouve :
ou perce-oreilles), des Dictyoptères, des Zorap-
− les palpes (labiaux ou maxillaires) qui sont
tères, des Chéleutoptères, des Isoptères, des
de petits appendices du labium et des maxilles,
Orthoptères (sauterelles, criquets) et des larves
comprenant un nombre d’articles variables d’un
de Lépidoptères.
ordre à l’autre, portant souvent les organes senso-
riels du toucher, du goût et de l’odorat, grâce à la
présence de poils sensoriels ou sensilles ;
− le clypéus qui porte le labre ;
− la galea qui est un appendice des maxilles,
plus ou moins allongé et qui porte les palpes
maxillaires.
Il est souvent possible de deviner ce que mange
un insecte en examinant ses pièces buccales.
D’après la forme et le fonctionnement de ces
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à la langue ; il a évolué à partir d’une paire d’ap- Chacune de ses mandibules en forme de crocs
pendices, comme le labre, mais porte toujours est percée d’un étroit canal au travers duquel la
des palpes, à la différence de ce dernier ; larve injecte de la salive dans le corps de sa proie
− d’un hypopharynx ou « langue », qui corres- pour la liquéfier. Elle aspire ensuite l’intérieur
pond au fond, ou plancher, de la bouche. de sa proie, devenu liquide, réalisant ainsi une
Chez les insectes carnivores, les mandibules sont digestion extra-orale.
bien développées ; leur partie distale incisive Les « broyeurs-lécheurs »
prend un grand développement (les Cicindèles
Certains de ces insectes « lèchent » leur nourri-
par exemple) alors que chez les insectes phyto-
ture avec une « langue » formée par la fusion du
phages, elles sont plus courtes avec une partie
labium et des maxilles. C’est le cas des Hymé-
proximale molaire (mola) beaucoup plus déve-
noptères (les abeilles ouvrières et les bourdons
loppée formant une surface triturante (les hanne-
par exemple), dont l’abeille domestique est un
tons par exemple).
parfait exemple : leurs mandibules ne sont utili-
Bien que cela n’apparaisse pas au premier abord, sées que pour pétrir la cire pour en faire des
on peut retrouver chez tous les insectes les diffé- alvéoles, et non pas pour couper des aliments.
rentes structures observées dans l’appareil buccal Les Trichoptères font également partie des
de type broyeur, raison pour laquelle il est consi- « broyeurs-lécheurs ».
déré comme primitif.
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échanges de fluides (nutriments et enzymes) ment s’ils reconnaissent les composés caracté-
avec les larves (la trophallaxie). Cette trophal- ristiques de leurs plantes hôtes. C’est ainsi que
laxie est le plus souvent orale, mais peut être les chenilles de Lépidoptères et les Coléoptères,
anale, comme chez les termites. Elle a un rôle se nourrissant de plantes de la famille des Bras-
très important dans l’évolution du comportement sicacées (le chou par exemple), sont stimulés
social chez ces insectes. par la présence de glucosinolates, des gluco-
Enfin, chez les larves de Lépidoptères et de sides spécifiques de cette famille végétale. Chez
Trichoptères, les glandes labiales produisent les insectes se nourrissant de nectar, les sucres
de la soie. Ce fil de soie peut servir au déplace- sont des phagostimulants puissants. Cepen-
ment de plante en plante pour les jeunes larves dant, avant de se nourrir, ils effectuent une série
de Lépidoptères (phénomène appelé ballooning de séquences comportementales comparables
en anglais), de piste au sol pour les procession- aux insectes « broyeurs » de feuilles. Si les tarses
naires du pin, Thaumetopoea pityocampa (Lepi- ne détectent pas une certaine concentration
doptera, Notodontidae), mais sert dans le cas le en sucres à la surface de la plante, le proboscis
plus célèbre à la fabrication du cocon protecteur n’entrera pas en activité pour la prise du nectar.
de la chrysalide (cas du ver à soie, Bombyx mori Chez les « piqueurs-suceurs » hématophages, il y
[Lepidoptera, Bombycidae]) et de la nymphe de a deux catégories de stimulations : les solutions
certains Hyménoptères (cas des guêpes parasites salines isotoniques qui agissent par contact et la
grégaires, Cotesia sesamiae et Cotesia flavipes présence de nucléotides (principalement l’ATP)
[Hymenoptera, Braconidae]). dans le sang.
Les insectes « broyeurs » ont des muscles puis-
MÉCANISME ET CONTRÔLE sants associés aux mandibules, probablement
DE LA PRISE DE NOURRITURE actionnés par la sérotonine. Le proboscis des
insectes se nourrissant de nectar dépend égale-
Avant la prise de nourriture, l’insecte effectue ment de l’activité des muscles qui y sont rattachés.
une série de séquences comportementales lui Chez les Lépidoptères, le proboscis, en forme de
permettant d’accepter ou au contraire de rejeter trompe, se déroule par une augmentation de la
la nourriture (voir partie 4 pour plus de détails). pression de l’hémolymphe de l’insecte.
Un criquet, par exemple, prospecte d’abord la Les stylets des insectes « piqueurs-suceurs »
surface de la plante avec l’extrémité de ses palpes phloémophages de petite taille (comme les puce-
riche en sensilles ; elles lui permettent de détecter rons, les cochenilles et les aleurodes) pénètrent
les composés de surface et/ou les volatils, et de les tissus de la plante via la sécrétion d’enzymes
savoir ainsi si la plante est toxique ou acceptable salivaires ; leur progression, principalement
comme source de nourriture. Le même type de intercellulaire avant d’atteindre le phloème, est
comportement de « prospection » est observé facilitée par la sécrétion d’une salive visqueuse
chez la plupart des insectes phytophages tels que qui se solidifie pour former une sorte de tunnel
les chenilles de Lépidoptères et les Coléoptères. Il (la gaine sétale ou salivaire). La signification de
est généralement admis que la décision de prise cette gaine n’est pas clairement établie, mais elle
de nourriture par un insecte dépend d’un équi- doit permettre aux stylets de retrouver facile-
libre entre la phagostimulation et la déterrence. ment leurs trajets vers les vaisseaux phloémiens
Les principaux composés phagostimulants, et de limiter les phénomènes de cicatrisation des
induisant la prise de nourriture chez les insectes tissus de la plante. Chez les phloémophages de
phytophages, sont les sucres hexoses comme le grande taille, comme les cigales, le processus est
saccharose ainsi que certains composés consti- similaire, mais, dans la plupart des cas, les stylets
tutifs des cires de la cuticule des plantes. Les atteignent le phloème en traversant les cellules
insectes mono- ou oligophages ayant un spectre sans suivre un trajet intercellulaire. Lorsque
de plantes hôtes restreint se nourrissent unique- les stylets atteignent la sève phloémienne,
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la différence de pression entre les tubes criblés du de sang ingérée dépasse très largement le poids
phloème et l’atmosphère est telle (de 0,2 à 1 MPa) de l’insecte. Les insectes se nourrissant de nectar,
que la sève jaillit directement dans le canal sorte de carburant pour le vol, ne prélèvent à
alimentaire des stylets dont le diamètre est de chaque fois qu’une très faible quantité compara-
l’ordre de 1 µm. Chez les insectes xylémophages tivement à leur poids. Cependant ils en prélèvent
comme les Cicadellidés et les Cercopidés, une souvent, butinant de fleur en fleur. Quant aux
pompe cibariale, bien qu’également active chez Hemiptères, phloémophages comme les xylémo-
les phloémophages, doit agir en permanence phages, ils passent l’essentiel de leur vie à prélever
pendant la prise de nourriture du fait d’une pres- de la nourriture.
sion négative du xylème (-2 MPa). La prise de nourriture est influencée par des
Chez les insectes « piqueurs-suceurs » hémato- facteurs internes et externes et gouvernée par
phages, la sécrétion salivaire est nécessaire pour le système nerveux central. Elle est favorisée
inhiber la coagulation sanguine, l’agrégation par l’odeur de la nourriture. Elle est plus impor-
plaquettaire et la vasoconstriction facilitant ainsi tante, selon les espèces, soit le jour, soit la nuit.
la prise alimentaire. La pression positive du sang Le système nerveux central, quant à lui, est non
de l’ordre de 3 kPa permet aux insectes hémato- seulement « guidé » par le tube digestif (plein ou
phages une prise directe du sang au travers de non, type de nutriments ingérés, riches ou pas en
leurs stylets. protéines…) mais également par la sensibilité des
sensilles des pièces buccales de l’insecte (stimu-
Chez les insectes se nourrissant de nectar, la prise
lées par des composés phagostimulants ou au
de nourriture se fait par capillarité à l’extrémité contraire inhibées par des composés répulsifs).
du proboscis, puis le nectar est acheminé vers le
système digestif de l’insecte à l’aide d’une pompe. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
RÉGULATION DE LA PRISE DE NOURRITURE La plupart des informations de ce chapitre sont issues
de Chapman (1998) et de Daly, Doyen et Purcell (1998) ;
La plupart des insectes se nourrissent souvent ce texte est également inspiré en partie du site web de
l’insectarium de la ville de Montréal : http://www2.ville.
par petites quantités, à intervalles plus ou
montreal.qc.ca/insectarium/toile/nouveau/preview.
moins longs (par exemple des intervalles de php?page=3§ion=entos
15-30 minutes pour les chenilles et de 1-2 heures Chapman R.F. - 1998, The Insects: Structure and Function.
pour les criquets). Un repas représente en général Cambridge University Press, Cambridge.
près de 10 % du poids de l’insecte, cependant, Daly H.V., Doyen J.T. et Purcell III A.H. - 1998,
dans certains cas, comme les punaises du genre Introduction to Insect Biology and Diversity. Oxford
Rhodnius (Hemiptera, Reduviidae), la quantité University Press, New York.
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