Explorer les Livres électroniques
Catégories
Explorer les Livres audio
Catégories
Explorer les Magazines
Catégories
Explorer les Documents
Catégories
ment
s'en
sor-
tir fémi-
#1 nismes
noirs
Mettre en théorie
et en pratique
le principe
de déplacement
4
Rencontre
5
Entretien avec
Françoise Vergès.
"Mettre en théorie et en
pratique le principe de
déplacement"
Comment S'en Sortir ? [En ligne],
n°1 | 2015. En ligne depuis le 20 mai
2015. URL : https://commentsen-
sortir.files.wordpress.com/2015/06/
css-1_2015_verges_mettre-en-pratique-
et-en-theorie-le-principe-de-deplace-
ment.pdf
Françoise Vergès est actuellement titulaire de la chaire « Glo-
bal South(s) » au Collège d’études mondiales à Paris, Consulting
Professor au Goldsmiths College de Londres et chargée de mis-
sion pour le Mémorial de l’abolition de l’esclavage à Nantes. En
France, on la connaît surtout pour avoir présidé le Comité pour
la mémoire et l’histoire de l’esclavage, et pour ses travaux sur
les mémoires de l’esclavage, Frantz Fanon, Aimé Césaire, l’em-
pire colonial, le musée postcolonial, et les processus de créoli-
sation dans les mondes de l’océan Indien. Ses recherches et ses
engagements sur ces sujets puisent dans son expérience itiné-
rante entre Nords et Suds. Elle est née en 1952, elle a grandi à
La Réunion mais c’est au lycée français d’Alger qu’elle a obtenu
son baccalauréat. Dans les années 70, elle a vécu à Paris où elle
a commencé une licence en arabe et chinois avant de s’orien-
ter vers le journalisme et l’édition féministes. Elle a voyagé au
Chili et en Union soviétique pour recueillir des témoignages de
femmes en lutte. En 1983, elle s’est installée au États-Unis où
elle a poursuivi sa formation universitaire en Women’s Studies et
en science politique. Son rapport au féminisme est déterminé
par ces circulations et il marque ses engagements militants,
professionnels et universitaires. Françoise Vergès a été à Paris
l’une des protagonistes du mouvement de libération des femmes
dans les années 70. Comment, venue des (post)colonies, consi-
dérait-elle ce mouvement ? Comment reconsidérer aujourd’hui
l’histoire française du féminisme à l’aune de l’expérience des
colonisées ?
Vous avez publié ces articles dans la presse réunionnaise, dans Com-
bat réunionnais et dans Témoignages, mais pas dans la presse du
MLF. Il y a peu de traces de la situation des femmes des postcolonies
dans les archives de la presse féministe en France.
Je me souviens d’avoir réussi à faire passer un article concer-
nant des Mauriciennes dans Des femmes en mouvements. C’était
au début des années 1980. Leur migration était organisée par
des agences matrimoniales pour qu’elles viennent épouser des
paysans français qui ne trouvaient pas d’épouses. Dans leur
pays, elles vivaient dans une grande misère et épouser un Blanc,
en France, c’était une manière de sortir de cette misère. Elles
se retrouvaient femmes de paysans dans la Creuse, le Tarn ou
le Limousin 11. Toutes ces histoires n’ont pas été dramatiques
et tragiques, mais c’était quand même un trafic. Ça me rappe-
lait d’autres histoires dont j’avais été témoin étant petite. Des
annonces étaient publiées dans le journal Le Chasseur français
qui était très distribué à La Réunion : « cherche femme. . . ». Je
me souviens de femmes qui étaient parties pour ne plus être
domestiques. Il y avait des échanges de lettres, puis le type
payait le voyage et faisait venir la femme. Pour elles, c’était un
moyen d’échapper à la misère. Mais ce qu’elles allaient trouver
de l’autre côté, on n’en savait pas grand-chose 12. Aujourd’hui, à
Quels ont été vos liens avec les féministes qui militaient à La
Réunion ?
J’ai grandi avec des femmes de l’Union des femmes de La
Réunion (UFR) puisque ma mère, Laurence Vergès, en a
été l’une des dirigeantes 16. J’ai donc bien connu ces mili-
tantes de la première génération, Isnelle Amelin, Odette
Mofy, Bernadette Léger. . . Je suivais ma mère dans les
bidonvilles, on y rencontrait les femmes qui travaillaient
comme bonnes, comme lavandières, tout ce qui faisait
que La Réunion tenait debout. Tout ce travail invisible,
absolument invisible, jamais compté, tout ce fameux
travail dit « domestique ». Puis, dans les années 70, j’ai
connu la deuxième génération de militantes, celles que je
voyais quand j’allais à La Réunion, celles avec qui je dis-
cutais. Ces militantes étaient plus offensives. Leurs dis-
cours ne se limitaient plus aux questions sociales, elles
abordaient les questions liées à la sexualité.
Aujourd’hui, le discours sur les femmes battues occupe
le terrain, mais c’est l’idéologie de la protection qui
domine. Or, c’est une idéologie qui vous impose de vivre
selon les règles dictées par votre protecteur. Ce n’est pas
de l’autonomie. C’est le protecteur qui vous dit comment
vous devez vivre, comment vous devez vous présenter.
Si vous sortez de ce cadre, vous ne serez pas protégée. Si
vous apparaissez comme une victime, vous serez proté-
gée. Si vous sortez de là, vous ne le serez pas. Ensuite, on a l’im-
pression qu’à La Réunion il n’y a que des femmes battues. Que
font les femmes autrement que d’être battues ? On ne sait pas.
On ne sait plus ce que pensent les femmes à La Réunion. Elles
sont contraintes de tenir le discours qu’on leur impose pour être
entendues. Les Réunionnaises peuvent-elles parler 17 ? Si elles
adoptent ce vocabulaire, on les entendra. Si elles sortent de ce
vocabulaire, on ne les entendra pas. Non seulement on ne les
entendra pas, mais on les ignorera. Ça ne veut pas dire qu’elles
ne parlent pas. Ça veut dire qu’on n’entend pas celles qui sortent
du discours imposé.
Manifeste
Être Noire et femme : un double
péril
— Frances M. Beal
Traverse
Les hétérotopies du féminisme noir
— Elsa Dorlin & Myriam Paris
Bulletin d'adhésion
À retourner avec un chèque bancaire à :
Éditions iXe – 28, bd. du Nord
77520 Donnemarie-Dontilly
Nom : ....................................
.........................................
Prénom : .................................
.........................................
Institution : ............................
.........................................
Adresse : ................................
.........................................
Code postal : ...........................
.........................................
Ville : ..................................
.........................................
Pays : ...................................
.........................................
Tél : ....................................
.........................................
email : ..................................
.........................................
TARIFS : (cocher)
� 1 numéro 14 € : CSS#...
� Abonnement annuel (2 numéros) 26 €
©
Éditions iXe 2015
ISBN 979-10-90062-25-2
ISSN : en cours d’attribution
28, bd. du Nord –
77520 Donnemarie-Dontilly
www. editions-ixe. fr
http://commentsensortir.org/