www.mediapart.fr
1
1/7
Directeur de la publication : Edwy Plenel
www.mediapart.fr
2
Mais une partie de cette valeur est récupérée par Globalement, le développement russe post-soviétique
l’État pour assurer l’enrichissement personnel des est un échec. La Russie n’est pas redevenue la
dirigeants, une partie des investissements non réalisés grande puissance économique qu’était l’URSS. Son
par le secteur privé et le renforcement de l’appareil PIB nominal est resté inférieur à celui de l’Italie et son
sécuritaire. Les oligarques continuent de s’enrichir, les PIB par habitant a été dépassé par celui de la Pologne
dirigeants assurent leur maintien au pouvoir. et est désormais talonné par la Chine, deux pays jadis
très loin des niveaux de richesse de l’ancienne URSS.
Dangereuses contradictions
Elle est clairement dans le camp des perdants de
l’évolution économique mondiale des 30 dernières
années. C’est un pays centré sur l’extraction de
ressources et qui, pour reprendre les termes des
En bleu, la part de patrimoine détenue par les 10% des ménages les plus
penseurs de l’impérialisme, est voué à être une
fortunés, en rouge celle des 1%. © Infographie World Inequality Database périphérie fournisseuse de matières premières du
Les perdants, c’est la masse des Russes qui ne touchent centre.
que les miettes d’une telle politique. Les inégalités Un tel système est intrinsèquement parcouru de
dans le pays sont massives. Selon les données de contradictions dangereuses. Le maintien du pouvoir
la World Inequality Database (WID), les inégalités repose à la fois sur l’idée d’une amélioration de
de revenus, qui se sont un peu réduites depuis 20 la situation des masses au regard des années 1990,
ans, restent à un niveau très élevé, que ce soit mais aussi sur le maintien d’une accumulation ultra-
historiquement ou en comparaison. concentrée.
Les 1 % les plus riches captaient ainsi en Russie en La résolution de cette contradiction est complexe. Elle
2020 pas moins de 21,4% du revenu total, contre 17% implique évidemment la répression, mais aussi une
pour les 50% les moins riches. Certes, en 2000, les politique nationaliste. C’est un ressort habituel de ce
1% captaient 26,6% du revenu contre 13,1% pour type de régime pour maintenir l’ordre. Dans le cas
les 50%, mais on est loin des chiffres de la fin de russe, cela s’appuie sur un sentiment de revanche et de
l’époque soviétique, où les 1% captaient 5% du revenu sursaut faisant suite aux reculs de la zone d’influence
total, tandis que les 50% obtenaient 28%. À titre russe depuis la fin des années 1990.
de comparaison, en France, les 1% les plus riches Mais ce ressort vient ouvrir une autre contradiction:
captaient en 2019 9,9% du total, les 50% obtenant l’héritier de la puissance militaire soviétique dispose
22,7%. effectivement d’un arsenal militaire de grande
Mais l’essentiel réside dans les inégalités de puissance tout en étant une puissance économique
patrimoine, vrai indicateur de l’accumulation de secondaire. Face à ces contradictions, la tentation
capital et donc du régime économique. En 2020, de la fuite en avant pour un régime autoritaire
47,7% du patrimoine total était détenu par 1% semble logique. Incapable de développer le pays
de la population, contre 3,1% pour la moitié la économiquement, le pouvoir russe ne pouvait, pour
moins fortunée de la population. De ce point de assurer sa stabilité, qu’investir massivement dans la
vue, les inégalités se sont même creusées depuis seule force dont il disposait : la force militaire.
20ans puisqu’en 2000 les 1% détenaient 39,2% du L’impérialisme régional russe devient alors la
patrimoine total. La situation est donc encore loin de conséquence logique de ces contradictions. Le
celle de la France, où les 1% détiennent 26,1% du discours «chauviniste grand-russe», pour reprendre
patrimoine total, et même des États-Unis, où cette part les termes de Lénine, permet de dissimuler derrière
est de 34,5%.
2/7
Directeur de la publication : Edwy Plenel
www.mediapart.fr
3
d’influence, notamment celle des pays occidentaux, et Certes, la Banque centrale russe a réduit la dépendance
le cœur de cette friction est devenu l’Ukraine à partir au dollar et s’est appuyée sur l’excédent commercial
de 2014. Il est alors important de se souvenir que du pays pour construire d’impressionnantes réserves
le capitalisme est d’abord une extension, y compris en devises et en or. De son côté, pour ne plus
spatiale. faire appel au financement étranger, le gouvernement
Lorsque l’extraction de valeur est de plus en plus russe a réduit son déficit budgétaire pour dégager un
difficile à réaliser, comme c’est le cas depuis excédent à partir de 2018.
les années 1970 et encore plus depuis 2008, Cette politique « autarcique» est aussi classique
l’expansion géographique pour ouvrir des marchés, pour un pays qui se considère comme «isolé»
trouver des ressources et de la main-d’œuvre bon économiquement tout en ayant des ambitions
marché est incontournable. Le retrait soviétique en impériales. C’est celle menée par l’Italie fasciste, par
Europe centrale et orientale s’est ainsi conjugué avec exemple. Dans le cas russe, cependant, cette politique
l’expansion économique allemande et son corollaire a conduit à deux points de contradiction.
militaire états-unien. Dans ce cadre, entre deux
D’abord, cette « forteresse» s’est construite sur la
capitalismes en recherche d’expansion, le choc était
répression de la demande intérieure. Tout excédent
inévitable.
commercial est le signe d’une sous-consommation.
La crise de 2014 a alors plongé le régime russe L’excédent budgétaire et la politique de taux élevés de
dans une fuite en avant dangereuse. Les sanctions la banque centrale sont des outils pour assurer cette
qui ont suivi l’invasion de la Crimée et le soutien sous-consommation. La Banque centrale de Russie a
aux séparatistes de Louhansk et Donetsk ont conduit augmenté ses taux de 9,5% à 20% après l’invasion
Moscou à construire la «forteresse Russie», une de l’Ukraine, ce qui risque de tuer l’activité du pays.
Mais il est important de noter que, déjà, à 9,5%, le taux
3/7
Directeur de la publication : Edwy Plenel
www.mediapart.fr
4
d’escompte russe était élevé au regard des grands pays dans le reste du monde, la reprise post-Covid
avancés, y compris en termes réels (0,75% en janvier commençait à s’épuiser et l’inflation accélérait malgré
2022, contre -5% en zone euro, par exemple). un resserrement des taux. Au troisième trimestre 2021,
le PIB russe a reculé de 1,2% sur un trimestre.
Une telle situation ne pouvait donc qu’inciter le
régime à relancer la logique impérialiste. D’autant
que le succès apparent de la «forteresse Russie»
donnait une forme d’assurance dans sa capacité à
résister à de nouvelles sanctions. Les conditions
d’un basculement du régime dans l’agression de
l’Ukraine étaient ainsi largement posées : un contrôle
Déficit/excédent budgétaire russe. © Copie d'écran @Countryeconomy du voisin permettrait dans cette logique de ressouder
En 2018, le projet de réforme des retraites avait la population (éventuellement de lui faire accepter de
provoqué une rare poussée de mécontentement social nouveaux sacrifices) autour du prestige militaire, mais
dans le pays qui, fait encore plus rare, avait contraint aussi de disposer de nouvelles ressources, notamment
Vladimir Poutine à reculer en partie. Il avait renoncé agricoles. Pour un pays construit autour de l’extraction
à relever l’âge de départ des femmes de 55 à 63ans de ressources, la proie pouvait être tentante. Et il
pour le fixer à 60ans, relevant celui des hommes de 60 pouvait s’agir de résoudre les contradictions propres
à 65ans. au capitalisme russe.
Ce recul partiel avait permis de prendre conscience Dans ce cadre, l’agression russe dispose aussi d’une
du prix de la «forteresse Russie» pour la population logique économique qui prend ses racines dans le
et de révéler, derrière le rideau du régime, l’état désastre qu’a été la transition des années 1990.
réel de la tension sociale. Globalement depuis 2014, Ironiquement, la thérapie de choc s’inscrivait dans
les revenus du travail sont d’ailleurs sous pression, un contexte où l’établissement général d’un régime
avec un ralentissement continuel de la croissance néolibéral marquait la «fin de l’histoire». Or c’est aussi
du salaire réel en tendance. En février 2021, le sur les ruines de ce mythe économique que rebondit
FMI lui-même soulignait que «le revenu par tête aujourd’hui l’histoire.
progresse faiblement et ne converge pas vers les Un conflit entre deux capitalismes?
niveaux des économies avancées». Ce qui n’empêchait Reste une question. Ce conflit russo-ukrainien,
pas le Fonds de saluer les mesures de «ciblage» des qui s’est déjà étendu indirectement, et notamment
politiques sociales annoncées par le gouvernement sur le plan économique, au reste du monde, est-
Poutine. il un conflit entre deux «modèles»? En 2019,
Au total, l'économie russe, aussi résistante soit-elle, l’économiste serbo-états-unien Branko Milanovi#
s'appuie sur un sous-jacent faible. En décembre 2021, émettait dans son livre Le Capitalisme, sans rival
la Banque Mondiale confirmait la faiblesse globale (La Découverte, 2019, discuté ici) l’hypothèse que le
de la croissance potentielle russe au regard de sa capitalisme contemporain, désormais unique mode de
situation de pays émergent, faute de dynamisme de production mondial, serait divisé en deux variantes:
la productivité, d'industrie et de forte croissance de le capitalisme «libéral méritocratique» de l’Occident
la demande. Le maintien de la paix sociale devenait
d’autant plus complexe que la crise sanitaire est
venue creuser le budget russe. Pour la population,
l’amélioration globale de son sort devenait de plus
en plus lointaine. D'ailleurs, en Russie comme
4/7
Directeur de la publication : Edwy Plenel
www.mediapart.fr
5
et le capitalisme «politique» issu notamment d’une économique. Par ailleurs, les votes aux Nations unies
accumulation primitive réalisée par l’expérience du semblent dessiner deux camps qui recoupent en partie
«socialisme réel». cette division entre les deux types de capitalisme.
D’un côté, l’Union européenne, les États-Unis, le
Japon et l’Asie du Sud-Est «libérale», et de l’autre la
Chine, la Russie, l’Inde, le Vietnam, l’Amérique latine
«socialiste» et certains pays d’Afrique désormais
fortement liés à la Chine et à la Russie.
Mais cette division apparente ne doit pas tromper. En
réalité, cette division semble très discutable dans le
contexte actuel. D’abord, la pandémie a fait évoluer
le capitalisme vers un modèle plus unifié où l’État
agit comme une sorte de garant en dernier ressort
du secteur privé, ce qui tend partout à concentrer
pouvoirs économique et politique et à politiser de plus
en plus les choix économiques. Dans ce contexte, les
définitions des deux ensembles semblent s’effacer ou,
du moins, s’amenuiser.
© La Découverte
Les sanctions contre la Russie font ainsi bon marché
Les caractéristiques de ce dernier reposent sur de certains fondements de l’État de droit tel qu’il
l’existence d’un État fort contrôlant directement ou est conçu dans le droit occidental, comme le respect
indirectement le secteur privé par l’absence d’État de la propriété privée. Ce n’est pas étonnant et cela
de droit et la corruption. Dans la préface à l’édition arrive régulièrement en temps de conflit, mais c’est
française, Pascal Combemale résume la différence aussi le signe de la politisation de l’économie dans
entre les deux systèmes: dans le système libéral, le capitalisme dit «libéral» de Milanovi#. Ce dernier
«le pouvoir économique donne accès au pouvoir avait déjà, d’ailleurs, dans son livre, émis l’hypothèse
politique» et dans le capitalisme politique, «c’est d’une fusion entre les deux modèles. Et cette vision
l’inverse». Et d’ajouter: «Dans les deux cas, la a été confirmée dans un texte écrit après l’invasion
concentration des pouvoirs bénéficie à une élite qui où il confirme le caractère politique du capitalisme
tend de plus en plus à se reproduire.» contemporain.
Branko Milanovi# insiste beaucoup sur le cas chinois Au reste, même si le cas russe est extrême, on sait
comme étant l’idéal-type du capitalisme politique et que les liens entre puissance économique et puissance
n’évoque qu’en passant le cas russe. Mais ce dernier politique existent dans les économies occidentales.
pourrait répondre plutôt bien à cette définition. Les Depuis un demi-siècle, ces économies ont même
événements actuels pourraient laisser croire que c’est pris, avec la pseudo-théorie du ruissellement et ses
cette division entre ces deux types de capitalisme variantes («les baisses d’impôts pour favoriser les
qui est en jeu dans le conflit ukrainien. La guerre investissements»), un chemin où l’État ménage la
en Ukraine serait finalement le premier acte du puissance économique et favorise le creusement des
conflit central entre Russie et États-Unis que chacun inégalités.
prévoyait à plus ou moins long terme.
En réalité, la Russie a été dans les années 1990
Certains éléments pourraient même aller dans ce sens. le laboratoire des idées néolibérales pro-riches. Et
La volonté des Occidentaux de frapper «l’oligarchie» que le modèle économique russe est le fruit de
russe confirmerait le caractère politique du pouvoir cette expérience. C'est donc une sorte de forme
5/7
Directeur de la publication : Edwy Plenel
www.mediapart.fr
6
poussée à bout des lubies néolibérales. Mais alors, Dans son ambition de construire une croissance plus
la différence entre les deux modèles de capitalisme équilibrée, Pékin agit prudemment et ne peut se
devient principalement une différence d’intensité et passer de son accès aux marchés occidentaux. Tout
non de nature. alignement sur la Russie mettrait ces débouchés en
L’autre élément est que, quand bien même la division danger, mais en ne coupant pas les ponts avec Moscou,
entre les deux capitalismes existerait et perdurerait, la Chine entend aussi pouvoir profiter des besoins
les lignes sont assez floues. Des pays de l’UE comme de ce pays désormais affaibli. C’est dans ce cadre
la Pologne et la Hongrie auraient trouvé leur place qu’il faut comprendre la possibilité de rachat de parts
dans le capitalisme politique, mais sont alignés sur les dans les grandes entreprises d’État russes par Pékin
positions occidentales. annoncée le 8 mars. En réalité, la Chine continue de
prendre en compte les interdépendances que les États-
Les États-Unis tentent, pour assurer leur
Unis et la Russie tentent d’effacer.
approvisionnement en pétrole, de se rapprocher du
Venezuela, qui a voté contre la condamnation de Les événements actuels viennent confirmer ce que
l’agression russe à l’ONU. Plus fondamentalement, l’on savait depuis 1914: la domination mondiale
l’Ukraine elle-même ne peut apparaître comme un du capitalisme n’est pas la garantie de la paix, y
membre du capitalisme libéral occidental, même si, compris lorsqu’elle s’appuie sur des interdépendances
sous la pression du FMI, elle tente de s’en rapprocher. commerciales. Dans un capitalisme structurellement
L’élément de modèle économique ne semble pas ici en crise où il est de plus en plus difficile de dégager
jouer un rôle majeur. C’est bien plutôt la nature de de la croissance, les logiques géopolitiques peuvent
l’influence dominante qui est déterminante. prendre le dessus pour s’approprier de nouvelles
Quant à la Chine, si elle n’est pas solidaire de la ressources, de nouveaux marchés ou apaiser des
Russie, elle est, comme l’Inde ou d’autres, dans une tensions sociales internes.
position opportuniste où elle tente de sauvegarder les Lorsque, comme dans le cas russe, la contradiction
importations russes, tout en ménageant ses accès aux entre la faiblesse de l’économie et la puissance
marchés occidentaux, qui restent vitaux pour elle. militaire s’accroît, le conflit apparaît comme
Rien ne laisse présager ces jours-ci un «bloc une possibilité sérieuse. Et les interdépendances
idéologique» russo-chinois fondé sur un modèle commerciales sont mise à mal, soit parce qu’on les
économique commun. Au reste, il n’y a là rien croit plus solides qu’elles ne sont, soit parce qu’on
d’étonnant: le modèle économique chinois est assez juge que les gains potentiels de leur rupture sont
différent de celui de la Russie, ne serait-ce que parce plus élevés. Les turbulences économiques issues des
que la thérapie de choc n’a pas été appliquée en Chine. années 1990 et des crises successives qui ont eu lieu
depuis 2008 ont donc rendu le monde plus dangereux.
Certes, la République populaire traverse aussi une
Dès lors, la guerre en Ukraine est moins un choc entre
forme de crise et n’hésite pas elle-même à avoir
deux types de capitalisme qu’un nouveau symptôme
recours à l’impérialisme. Mais, précisément pour cette
d’un capitalisme en crise.
raison, elle est aussi concurrente de la Russie: c’est le
cas en Afrique, mais aussi, on l’a vu plus récemment,
au Kazakhstan et en Asie centrale.
6/7
Directeur de la publication : Edwy Plenel
www.mediapart.fr
7
Directeur de la publication : Edwy Plenel Rédaction et administration : 8 passage Brulon 75012 Paris
Direction éditoriale : Carine Fouteau et Stéphane Alliès Courriel : contact@mediapart.fr
Le journal MEDIAPART est édité par la Société Editrice de Mediapart (SAS). Téléphone : + 33 (0) 1 44 68 99 08
Durée de la société : quatre-vingt-dix-neuf ans à compter du 24 octobre 2007. Télécopie : + 33 (0) 1 44 68 01 90
Capital social : 24 864,88€. Propriétaire, éditeur, imprimeur : la Société Editrice de Mediapart, Société par actions
Immatriculée sous le numéro 500 631 932 RCS PARIS. Numéro de Commission paritaire des simplifiée au capital de 24 864,88€, immatriculée sous le numéro 500 631 932 RCS PARIS,
publications et agences de presse : 1214Y90071 et 1219Y90071. dont le siège social est situé au 8 passage Brulon, 75012 Paris.
Conseil d'administration : François Bonnet, Michel Broué, Laurent Mauduit, Edwy Plenel Abonnement : pour toute information, question ou conseil, le service abonné de Mediapart
(Président), Sébastien Sassolas, Marie-Hélène Smiéjan, François Vitrani. Actionnaires directs peut être contacté par courriel à l’adresse : serviceabonnement@mediapart.fr. ou par courrier
et indirects : Godefroy Beauvallet, François Bonnet, Laurent Mauduit, Edwy Plenel, Marie- à l'adresse : Service abonnés Mediapart, 4, rue Saint Hilaire 86000 Poitiers. Vous pouvez
Hélène Smiéjan ; Laurent Chemla, F. Vitrani ; Société Ecofinance, Société Doxa, Société des également adresser vos courriers à Société Editrice de Mediapart, 8 passage Brulon, 75012
Amis de Mediapart, Société des salariés de Mediapart. Paris.
7/7