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S Y S T E M E S C O N S T I T U T I O N N E L S C O M P A R É S  

/ D I S S E R T A T I O N + M E TO D O L O G I E

L E S C L ÉS D U S U J E T

Définir les termes du sujet

L’État
Cette réalité politique désigne une façon d’exercer le pouvoir. C’est un ensemble
d’institutions dont le but est d’administrer une société sur un territoire donné. L’État
implique l’existence d’une constitution qui définit des types de pouvoir et le domaine propre
à chacun. Légiférer, gouverner, juger sont les trois dimensions fondamentales de cette
organisation complexe qui oriente la vie sociale et se présente comme la puissance
souveraine, celle qui décide en dernière instance.

L’autorité
Ce terme désigne la source du pouvoir, elle le fonde. Pour qu’un pouvoir puisse s’exercer, il
faut qu’il soit autorisé à le faire et donc que sa légitimité soit reconnue par les gouvernés.
L’autorité n’est pas forcément synonyme d’autoritarisme. Une personne qui fait autorité par
la qualité de ses travaux dans un domaine n’exerce pas une violence sur les autres. Tout au
contraire, elle les éclaire utilement. Il est toutefois possible que l’autorité soit usurpée et dans
ce cas le pouvoir est injuste.

La liberté des individus


Cette expression correspond à la sphère des droits que chacun de nous possède en tant qu’il
est homme, et non seulement citoyen. Ces droits sont multiples. Ils peuvent être politiques
comme le droit à la liberté d’expression, sociaux comme le droit à la santé, ou socio-
économiques comme le droit au travail. Cette liberté est susceptible d’entrer en conflit avec
le pouvoir étatique dans la mesure où celui-ci encadre son usage.

Dégager la problématique et construire un plan


La problématique repose sur la tension existante entre l’autorité et la liberté. Il est tentant de
les opposer frontalement. La première serait synonyme d’oppression, voire de tyrannie,
quand la seconde signifierait l’usage de notre libre arbitre et l’indépendance de notre
conduite. Cela semble d’autant plus vrai que l’État exerce un pouvoir sur les individus et les
punit parfois. Il faut toutefois questionner la pertinence de ce schéma. N’avons-nous pas
besoin d’un État pour rendre compatible entre elles les libertés individuelles ? Il faut
s’interroger sur les buts de l’État. Ne peut-il pas contribuer à réaliser la liberté ? Se pose
alors le problème suivant : s’il est vrai que la liberté des individus paraît s’exercer hors du
champ de l’État, il apparaît que celui-ci est requis pour reconnaître le bien-fondé de ces
libertés et protéger leur exercice.
Éviter les erreurs
Il ne faut pas tomber dans une opposition caricaturale. L’analyse continue des notions est
impérative pour empêcher ce défaut.

CORRIGÉ

INTRODUCTION

Info

L’introduction doit montrer que le sujet présente des difficultés de compréhension alors qu’il paraît
simple. Le sens des termes n’est jamais évident.

Une opinion courante voit volontiers l’État comme l’adversaire de l’individu. Son autorité n’aurait de cesse
de brider les libertés individuelles en leur imposant des lois. Ce jugement est-il fondé ? Ne peut-on au
contraire soutenir que l’État est la condition pour réaliser concrètement la liberté de l’individu ? Il est tentant
de définir celle-ci comme une absence de contraintes mais avons-nous bien réfléchi à ce que ce droit
suppose pour pouvoir se réaliser ? Le sens commun reconnaît d’ailleurs volontiers que sans lois, le chaos
s’installe, et avec lui l’absence de liberté. Il faut donc considérer le sujet de plus près et se demander si
l’autorité de l’État s’oppose à la liberté des individus. Un État fort est-il nécessairement un État liberticide
où les gouvernants tyrannisent les gouvernés ?

1. LES RAISONS DE L’OPPOSITION

A. Une croyance répandue

Conseil

Commencez votre première partie en rendant compte de la relation qui est au centre du sujet. Vous la
questionnerez ensuite.

On pense généralement que l’État et l’individu sont dans une relation antagoniste, telle que le premier ne
puisse se développer qu’au détriment du second. L’État se définit comme une forme de pouvoir qui régule et
oriente la vie sociale à travers des institutions. Il encadre la vie des hommes, lesquels ont des droits et des
devoirs fixés par les lois conformes à une constitution. Ce pouvoir organisé s’exerce, selon Max Weber, par
le biais des administrations. Il est dès lors tentant de croire que l’individu sera d’autant moins libre que
l’État sera puissant. L’individu est à distinguer du citoyen. Celui-ci est le membre de l’État, celui-là désigne
chacun de nous en tant qu’il est une unité singulière, un être doté de désirs particuliers qui n’ont pas pour
souci primordial l’intérêt général, dont l’État, au contraire, se veut le garant. Nous pensons donc que la
satisfaction de nos envies individuelles ne peut qu’être freinée voire opprimée par les lois de l’État.

B. Le pouvoir de l’État

Cette opposition paraît renforcée par l’examen des fonctions dites régaliennes, celles par lesquelles l’État
fait la démonstration de sa souveraineté. Par son pouvoir de légiférer, il trace les limites de l’obligatoire, du
permis et du défendu. Les gouvernants ont, quant à eux, la charge de décider des orientations que la nation
doit prendre. Enfin, les jugements sont rendus au nom du peuple et il est très difficile de contester un verdict,
même si des juridictions supranationales existent. L’État se présente donc comme l’institution qui détient le
pouvoir de décider et de juger en dernière instance. Ainsi s’établit une relation asymétrique entre des
gouvernants et des gouvernés. L’obéissance de ces derniers est requise, et Nietzsche voit dans l’État « le
plus froid des monstres froids », qui trompe le peuple et l’utilise sans vergogne comme de la chair à canon.
Les libertés individuelles, comme celles de s’exprimer publiquement, de se cultiver, de circuler sont niées ou
suspendues au bon vouloir des dirigeants qui ne veulent que des sujets dociles. L’autorité de l’État serait
donc synonyme d’une contrainte infligée aux individus dans le but d’en faire des atomes sans personnalité.

Info

Les transitions ne nient pas ce qui précède mais en montrent les limites.

[Transition] Faut-il en conclure que sans État la liberté des individus s’exercerait pleinement ? N’est-
ce pas tomber dans une vision faussée des désirs individuels ? L’homme n’est pas qu’un être de
raison.

2. LA CRITIQUE DE L’OPPOSITION

A. L’état de nature

Dans son ouvrage Le Léviathan, Hobbes élabore une théorie de l’État destinée à nous montrer sa nécessité.
Il forme le concept d’un état de nature qui se caractérise par l’absence totale d’institutions. Il n’existe que
des individus définis par leur désir et par leur droit de pouvoir faire tout ce qu’ils jugent nécessaire à la
conservation de leur vie et à l’accroissement de leur pouvoir. L’égalité y règne mais elle est source de
crainte et de violence. Hobbes distingue trois causes qui poussent les hommes à ne pas s’entendre : la
rivalité, la méfiance et la fierté. La première fait que chacun est violent pour s’emparer de ce que les autres
convoitent et à quoi ils peuvent prétendre autant que lui. La deuxième les rend agressifs car ils craignent la
vengeance de ceux qu’ils ont vaincus et la troisième engendre d’interminables querelles d’amour-propre.
Ainsi se développe une « guerre de tous contre tous » qui produit une situation invivable et qu’il faut abolir
pour que la paix succède aux conflits.

B. L’État représentatif

Conseil

Pensez à tous les termes du libellé. Le sujet ne parle pas que de l’État mais aussi de son autorité.

Le caractère belliqueux des désirs rend indispensable l’établissement d’un pouvoir fort, seul capable de créer
une situation stable et pacifiée. Hobbes l’illustre par l’image d’un géant qui concentre dans sa main la
totalité des moyens de la contrainte. Notons toutefois que cet État est fondé sur un pacte d’association par
lequel chacun renonce à son droit de se gouverner lui-même à condition que tous les autres en fassent de
même. Ainsi, l’homme ou l’assemblée qui commande est autorisé à le faire au nom de tous. L’autorité de
l’État n’est donc pas issue d’un coup de force ou d’une ruse mais d’un engagement raisonné qui fait du
souverain un représentant. Ceux qui légifèrent, administrent, gouvernent et jugent ne le font pas en leur nom
propre mais en tant que représentants du peuple qui les a choisis. Hobbes entend ainsi résoudre le conflit
potentiel entre l’individu et l’État. Si l’État est la forme politique de la volonté des individus, ces derniers
n’ont rien à craindre pour leurs libertés. Tout au contraire, ils ne peuvent travailler et jouir de leur travail,
circuler en sécurité, développer leurs talents que protégés par un tel pouvoir.
[Transition] Il reste toutefois à se demander si ce schéma ne passe pas sous silence le comportement
effectif de certains États.

3. L’ÉTAT DE DROIT

A. La critique de l’absolutisme

Selon Hobbes, les libertés individuelles n’existent que par la médiation de l’État. Cette conception a suscité
de vives critiques mettant en cause l’impossibilité de rester libre une fois le représentant créé. Hobbes est
favorable à un pouvoir absolu du souverain. Nulle loi n’est supérieure à sa volonté et il n’a aucun devoir
envers lui-même. Dès lors, le pacte d’association risque d’être un marché de dupes qui conduit à l’aliénation
de ceux qui l’ont formé. Telle est la thèse de Locke qui compare la situation des sujets à celle des
prisonniers du cyclope de L’Odyssée. Ceux-ci n’étaient pas en guerre mais n’étaient pas libres non plus et
n’avaient qu’à se résigner à attendre le jour où ils seraient dévorés. Les totalitarismes de l’époque moderne
ont montré à quel point un État peut être barbare. Aussi est-il nécessaire que l’État soit un État de droit.
Telle est la fonction du concept d’État de droit.

B. La souveraineté de l’individu

Cette idée vise à encadrer le pouvoir des gouvernants en affirmant que l’individu est porteur de droits qu’il
peut éventuellement opposer aux menées d’une autorité oublieuse de ses devoirs. Ces droits sont antérieurs
par principe à ceux de l’État qui doit s’efforcer de les réaliser et qui n’est légitime qu’à cette condition.
Locke les définit comme étant d’abord la propriété de soi, qui inclut la liberté de conscience et la possession
de son corps, et la propriété acquise par son travail. Vient s’ajouter le droit à la libre expression, celui de
circuler, de se réunir, de suivre le culte de son choix, d’avoir une vie privée. Ainsi s’affirme
une souveraineté de l’individu sur lui-même. L’État est requis pour assurer la coexistence pacifique de
l’usage de ces droits mais il n’est pas autorisé à contraindre au-delà des nécessités de la paix civile. Il est
donc indispensable que les gouvernants soient tenus d’obéir à des lois égales pour tous et respectueuses des
droits de l’homme. On parle de droits-libertés pour désigner tout ce qui permet à chacun d’épanouir son
individualité conformément à sa qualité d’homme.

CONCLUSION

Info

Votre réflexion doit s’achever par une réponse argumentée.

Nous sommes partis de l’opposition courante entre l’État et l’individu puis nous avons montré que l’autorité
du premier n’est pas nécessairement l’adversaire de la liberté du second. L’autorité de l’État lui donne le
droit de commander mais elle doit contribuer à faire exister les libertés des individus qui sont des hommes et
pas seulement des citoyens.

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