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Analyse d'Horace 

► Le meurtre fondateur

De la même manière que le meurtre de Rémus par Romulus fondait la naissance de Rome, le meurtre
des Curiaces par les Horaces est fondateur du nouvel ordre romain. Ce crime est d’autant plus
symbolique que les Curiaces sont les hérauts de la ville d’Albe, véritable mère de Rome. Comme le dit
Camille en parlant de Rome :

Albe est ton origine : arrête et considère

Que tu portes le fer dans le sein de ta mère (v. 55-56).

Aussi les habitants des deux villes ont-ils noué de tels liens qu’il s’agit véritablement d’une guerre
fratricide. Liés par des serments d’affection, les combattants réalisent alors le plus haut degré de la
tragédie, qui dresse un proche contre un proche. De ce conflit tragique ne peut naître qu’un héros,
celui qui aura repoussé les entraves du sentiment et de la pitié pour servir les valeurs glorieuses de la
Cité, dans la plus pure tradition de la tragédie antique. C’est ainsi qu’Horace, en fondant une
nouvelle fois Rome, sort lui-même transformé de ce combat : il est ce héros solitaire ayant sacrifié
tout intérêt individuel à la cause publique. Le roi pardonnera donc le crime de Camille afin de
masquer l’origine sanglante du nouvel ordre :

De pareils serviteurs sont les forces des rois,

Et de pareils aussi sont au-dessus des lois.

Qu’elles se taisent donc, que Rome dissimule

Ce que dès sa naissance elle vit en Romule (v. 1753-1756).

Si bien que le meurtre des Curiaces est fondateur d’un nouvel État, au même titre que ce meurtre
marque la naissance d’un nouvel homme, investi d’une aura sacrée qui en fait véritablement un
monstre, au sens où il s’est dépouillé par son acte de son humanité pour prendre place parmi les
héros, à la fois terrifiants et fascinants. C’est pourquoi Horace souhaite mourir, afin de préserver son
nouvel héroïsme d'une inéluctable déchéance. Après un tel coup, fondateur d’une cité comme d’un
héros, il devient difficile de survivre à sa gloire.

► Le véritable combat

Alors que Curiace est déchiré entre son amour pour Camille et la nécessité de se battre, invoquant la
cruauté du sort et avouant la pitié qu’il prend de lui-même, Horace parvient à faire le sacrifice de ses
sentiments afin de servir la seule cause patriotique. Il transforme dès lors son malheur en ferment de
sa valeur, et le combat contre Curiace est en cela inégal. La lutte contre Camille est alors la plus
redoutable, car elle feint de croire son frère insensible, afin de détruire les fondements de sa valeur :
sans sacrifice, Horace n’aurait été qu’un combattant prestigieux de plus. Elle hausse donc sa passion
au rang de l’héroïsme en l’éprouvant jusqu’à la mort, puisque c’est elle qui, volontairement, défie
son frère et provoque son acte meurtrier. Elle le pousse ainsi à la faute qui ternira sa gloire, puisque
ce fratricide, même s’il peut être légitimé par la défense de Rome, n’en demeure pas moins aux yeux
des hommes un scandale irréversible. Ce combat est important, car, loin de signifier, comme on a pu
le dire, la sécheresse d’Horace, il témoigne justement du douloureux sacrifice qu’il opère sur lui-
même. Vaincre sa sœur devient le moyen de dominer définitivement la part sensible en lui.
L’héroïsme absolu auquel il aspire se conquiert à ce prix.

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