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4.1 Matrice d’une application linéaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
4.1.1 Matrice associée à une application linéaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
4.1.2 Opérations sur les applications linéaires et les matrices . . . . . . . . . . . . . . . 38
4.1.3 Matrice d’un endomorphisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40
4.1.4 Matrice d’un isomorphisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
4.1.5 Application linéaire, matrice, vecteur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
4.2 Changement de bases . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
4.2.1 Matrice de passage d’une base à une autre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
4.2.2 Propriétés de la Matrice de Passage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46
4.2.3 Formule de changement de base . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47
4.2.4 Matrices semblables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
33
4.1. Matrice d’une application linéaire
Nous allons voir qu’il existe un lien étroit entre les matrices et les applications linéaires. À une matrice on
associe naturellement une application linéaire. Et réciproquement, étant donné une application linéaire,
et des bases pour les espaces vectoriels de départ et d’arrivée, on associe une matrice.
Dans cette section, tous les espaces vectoriels sont de dimension finie.
Définition 4.1.1.
Soient E et F deux K-espaces vectoriels de bases respectives B = (e1 , . . . , ep ) et B ′ = (e′1 , . . . , e′n ). Soit
f : E → F une application linéaire.
On appelle matrice de f par rapport aux bases B et B ′ , la matrice notée par MB,B′ (f ) appartenant
à Mn,p (K), dont la j-ème colonne est constituée par les coordonnées du vecteur f (ej ) dans la base
B ′ = (e′1 , e′2 , . . . , e′n ) :
En termes plus simples : c’est la matrice dont les vecteurs colonnes sont l’image par f des vecteurs de la
base de départ B, exprimée dans la base d’arrivée B ′ . On note cette matrice MB,B′ (f ).
NB :
— Le nombre de lignes n est la dimension de l’espace d’arrivée ; le nombre de colonnes p est la
dimension de l’espace de départ.
— La taille de la matrice MB,B′ (f ) dépend uniquement de la dimension de E et de celle de F .
— Par contre, les coefficients de la matrice dépendent du choix de la base B de E et de la base B ′ de
F.
f: R3 −→ R2
(x1 , x2 , x3 ) 7−→ (x1 + x2 − x3 , x1 − 2x2 + 3x3 )
On montre facilement que B0 = (ϵ1 , ϵ2 , ϵ3 ) est une base de R3 et B0′ = (ϕ1 , ϕ2 ) est une base de R2 .
Quelle est la matrice de f dans les bases B0 et B0′ ?
f (ϵ1 ) = f (1, 1, 0) = (2, −1) = 3ϕ1 − ϕ2 , f (ϵ2 ) = f (1, 0, 1) = (0, 4) = −4ϕ1 + 4ϕ2 , f (ϵ3 ) =
f (0, 1, 1) = (0, 1) = −ϕ1 + ϕ2 , donc
( )
3 −4 −1
MB0 ,B0′ (f ) = .
−1 4 1
Cet exemple illustre bien le fait que la matrice dépend du choix des bases.
Proposition 4.1.1.
Soient f, g : E → F deux applications linéaires et soient B une base de E et B ′ une base de F . Alors :
— MB,B′ (f + g) = MB,B′ (f ) + MB,B′ (g)
— MB,B′ (λf ) = λMB,B′ (f )
Démonstration.
1. f (e )
1 . . . f (ej ) ... f (ep ) g(e )
1 ... g(ej ) ... g(ep )
e′1 − − ... − e′1 − − ... −
e′2 − − ... − e′2 − − ... −
= .. . .. .. .. + .. . .. .. ...
. ′ .. . . . . ′ .. . .
en − − ... − en − − ... −
Autrement dit : la matrice associée à la somme de deux applications linéaires est la somme des matrices
associées à chacune des applications (à condition de considérer la même base sur l’espace de départ pour
les deux applications et la même base sur l’espace d’arrivée). Idem avec le produit par un scalaire.
Démonstration.
Posons p = dim(E) et B = (e1 , . . . , ep ) une base de E ; n = dim F et B ′ = (f1 , . . . , fn ) une base de F ;
q = dim G et B ′′ = (g1 , . . . , gq ) une base de G.
Écrivons A = MB,B′ (f ) = (aij ) ∈ Mn,p (K), B = MB′ ,B′′ (g) = (bij ) ∈ Mq,n (K) et C = MB,B′′ (g ◦ f ) =
(cij ) ∈ Mq,p (K) la matrice de g ◦ f .
On a ( )
(g ◦ f )(e1 ) = g f (e1 )
= g(a11 f1 + · · · + an1 fn )
= a11 g(f1 ) + · · · + an1 g(fn )
( ) ( )
= a11 b11 g1 + · · · + bq1 gq + · · · + an1 b1n g1 + · · · + bqn gq
qui est aussi la première colonne de la matrice BA. En faisant la même chose avec les autres colonnes,
on remarque que C = MB,B′′ (g ◦ f ) = BA. On a donc bien l’égalité cherchée.
f : R2 → R3 g : R3 → R2
et
(x, y) → (x, x + y, 2y) (x, y, z) → (2x − y, 3x + y + 2z)
Pour le faire, nous allons calculer les deux matrices MB,B′ (f ) et MB′ ,B (g),
1 0 ( )
2 −1 0
A = MB,B′ (f ) = 1 1 ∈ M3,2 et B = MB′ ,B (g) = ∈ M2,3
3 1 2
0 2
Utilisons le produit de matrices, on aura :
( 1 0 ) ( )
2 −1 0 1 −1
MB,B (g ◦ f ) = MB′ ,B (g) × MB,B′ (f ) = B × A = × 1 1 =
3 1 2 4 5
0 2
Exemple 4.1.3.
Soit f un endomorphisme définie par :
f : R2 → R2
(x, y) → (3x − y, x + 2y)
1. Calculer MB (f ), la matrice associée à f par rapport à la base canonique de R2 ,
2. Soit B = {e1 , e2 } et une base B ′ = {e′1 , e′2 }, tel que : e′1 = e1 + e2 et e′2 = e1 + 2e2 . Calculer
MB,B′ (f ).
Solution
1. On a f (e1 ) = f (1, 0) = (3, 1) = 3e1 + e2 et f (e2 ) = f (0, 1) = (−1, 2) = −e1 + 2e2 . Alors :
f (e1 ) f (e2 )
( )
e1 3 −1
MB (f ) =
e2 1 2
2. On remarque que e1 = 2e′1 − e′2 et que e2 = e′2 − e′1 . Ainsi :
f (e1 ) = 3e1 + e2 = 3(2e′1 − e′2 ) + (e′2 − e′1 ) = 5e′1 − 2e′2
f (e2 ) = −e1 + 2e2 = −(2e′1 − e′2 ) + 2(e′2 − e′1 ) = −4e′1 + 3e′2
Alors :
f (e1 ) f (e2 )
( )
e′1 5 −4
MB,B′ (f ) =
e′2 −2 3
NB : Par contre ce n’est pas le cas si les bases de départ et d’arrivée sur E sont différentes.
Exemple 4.1.4.
Soient B = {(1, 0); (0, 1)} la base canonique de R2 et B ′ = {(1, 1); (1, 2)} une autre base de R2 .
Calculons la matrice associée à l’identité MB,B′ (Id).
Alors :
Id(e1 ) Id(e2 )
( )
e′ 2 −1
MB,B′ (Id) = 1′
e2 −1 1
Corollaire 4.1.1.
Soient E un espace vectoriel de dimension finie et B une base de E. Soit f : E → E une application
linéaire. Alors, quel que soit p ∈ N :
( )p
MB (f p ) = MB (f )
Démonstration.
( )p
Posons la propriété de "P(p) : MB (f p ) = MB (f ) ". La démonstration est une récurrence sur p :
— Initialisation : Pour p = 0, on a : MB (f 0 ) = MB (IdE ) = In et MB (f )0 = In , d’où MB (f 0 ) =
MB (f )0
— Hérédité : Supposons que P(p) est vraie pour p, et montrons que P(p + 1) l’est aussi :
( )p ( )p+1
MB (f p+1 ) = MB (f p ◦ f ) = MB (f p )MB (f ) = MB (f ) MB (f ) = MB (f )
Exemple 4.1.5. Soit rθ : R2 → R2 la rotation d’angle θ, centrée à l’origine, dans R2 muni de la base
canonique B. Alors rθ (x, y) = (x cos θ − y sin θ, x sin θ + y cos θ). On a la matrice associée à rθ :
( )
cos θ − sin θ
MB (rθ ) =
sin θ cos θ
ce qui est bien la matrice de la rotation d’angle pθ : composer p fois la rotation d’angle θ revient à
effectuer une rotation d’angle pθ.
Donc la matrice de g ◦ f est l’identité, ce qui implique g ◦ f = IdE . De même f ◦ g = IdF . Ainsi
f est bijective (et sa bijection réciproque est g).
Mini-Exercice 10.
Soient l’application linéaire définie par :
f : R2 → R2
(x, y) → (2x + y, x − y)
et B ′ = {e′1 , e′2 } une base de R2 , tel que : e′1 = (−1, 2), e′2 = (−1, 3).
1. Montrer que f est un isomorphisme de R2 .
2. Calculer la matrice associée à f , MB′ (f ).
3. Calculer la matrice associé à f −1 , MB′ (f −1 ).
x = x1 e1 + x2 e2 + · · · + xp ep .
x1
x2
La matrice des coordonnées de x est un vecteur colonne, noté .. .
.
xp B
Soient E et F deux K-espaces vectoriels de dimension finie et f : E → F une application linéaire. Le but
de ce paragraphe est de traduire l’égalité vectorielle y = f (x) par une égalité matricielle.
Démonstration. x1
x2
— On pose B = (e1 , . . . , ep ), B ′ = (f1 , f2 , . . . , fn ), A = (ai,j ) = MB,B′ (f ) et X = .. .
.
xp
— On a ( n )
∑
p ∑
p ∑
p ∑
f (x) = f xj ej = xj f (ej ) = xj ai,j fi .
j=1 j=1 j=1 i=1
En utilisant la commutativité de K, on a
∑
p ∑
p
f (x) = a1,j xj f1 + · · · + an,j xj fn .
j=1 j=1
∑p
a1,j xj
∑j=1
p a2,j xj
j=1
— La matrice colonne des coordonnées de y = f (x) dans la base (f1 , f2 , . . . , fn ) est .. .
∑p .
a x
∑p
n,j j
j=1
∑ j=1
a1,j xj x1
p a2,j xj x2
j=1 . = AX.
— Ainsi la matrice Y = .. n’est autre que A ..
∑p . xp
j=1
an,j xj
Le noyau est donc de dimension 1. Par le théorème de la dimension, l’image Imf est de dimension
2. Les deux ((
premiers
) ( 2 vecteurs
)) de la matrice A étant linéairement indépendants, ils engendrent Imf :
1
Imf = V ect 2 , 3 .
1 1
On appelle matrice de passage de la base B vers la base B ′ , et on note PB,B′ , la matrice carrée de
taille n × n dont la j-ème colonne est formée des coordonnées du j-ème vecteur de la base B ′ , par
rapport à la base B.
e′1 · · · e′n
e1 × ··· ×
. .. ..
PB,B′ = ..
. ··· .
en × ··· ×
NB :
— La matrice de passage PB,B′ contient - en colonnes - les coordonnées des vecteurs de la nouvelle
base B ′ exprimés dans l’ancienne base B.
De même
{ {
′ ′ α′ + β ′ = 5 α′ = 5 − 4 = 1
ϵ2 = (5, 4) = α e1 + β e2 = e1 + 4e2 ; ⇔
β′ =4 β′ =4
Proposition 4.2.1.
La matrice de passage PB,B′ de la base B vers la base B ′ est la matrice associée à l’identité IdE :
(E, B ′ ) → (E, B) où E est l’espace de départ muni de la base B ′ , et E est aussi l’espace d’arrivée, mais
muni de la base B :
PB,B′ = MB′ ,B (IdE )
∑
n
On a IdE (e′j ) = e′j = ai,j ei et MB′ ,B (IdE ) est la matrice dont la j-ème colonne est formée des
i=1 a1,j
a2,j
coordonnées de e′j par rapport à B, soit .. . Cette colonne est la j-ème colonne de PB,B′ .
.
an,j
Proposition 4.2.2.
1. La matrice de passage d’une base B vers une base B ′ est inversible et son inverse est égale à la
( )−1
matrice de passage de la base B ′ vers la base B : PB′ ,B = PB,B′
2. Si B, B ′ et B ′′ sont trois bases, alors
Démonstration.
( )
1. On a PB,B′ = MB′ ,B IdE . Donc, d’après le théorème 4.1.2 caractérisant la matrice d’un isomor-
−1 ( ( ))−1 ( ) ( )
phisme, PB,B ′ = MB′ ,B IdE = MB,B′ Id−1 −1 −1
E . Or IdE = IdE , donc PB,B′ = MB,B′ IdE =
PB′ ,B .
2. IdE : (E, B ′′ ) → (E, B) se factorise de la façon suivante :
(E, B ′′ ) −→ (E, B ′ ) −→
Id Id
E E
(E, B).
Autrement dit, on écrit IdE = IdE ◦ IdE . Cette factorisation permet d’écrire l’égalité suivante :
( ) ( ) ( )
MB′′ ,B IdE = MB′ ,B IdE × MB′′ ,B′ IdE , soit PB,B′′ = PB,B′ × PB′ ,B′′ .
B1 = {(1, 1, 0), (0, −1, 0), (3, 2, −1)} et B2 = {(1, −1, 0), (0, 1, 0), (0, 0, −1)} .
Solution : On a d’abord :
1 0 3 1 0 0
PB,B1 = 1 −1 2 et PB,B2 = −1 1 0 .
0 0 −1 0 0 −1
NB :
En bref, les matrices de passage permettent de passer d’une écriture sur une base à une écriture sur
une autre base. C’est donc tout naturellement qu’elles interviennent dans les formules de changement de
bases pour une application linéaire.
Proposition 4.2.3.
Soient f : E → E un endomorphisme et B, B ′ deux bases de E. Alors la matrices de f dans les bases
B et B ′ sont reliées par :
( )−1
MB′ (f ) = PB′ ,B × MB (f ) × PB,B′ = PB,B′ × MB (f ) × PB,B′
Démonstration. On a :
PB′ ,B × MB (f ) × PB,B′ = MB,B′ (IdE ) × MB (f ) × MB′ ,B (IdE ) = MB′ ,B′ (IdE ◦ f ◦ IdE ) = MB′ (f ).
Exemple 4.2.3.
( )
1 2
Soient f : R → R une application linéaire définie par MB (f ) =
2 2
dans la base canonique
−1 3
B = {e1 , e2 } = {(1, 0), (0, 1)} Considérons la base B ′ = {e′1 , e′2 } = {(1, 2), (−1, 3)} de R2 :
B1 = {(1, 1, 0), (0, −1, 0), (3, 2, −1)} et B2 = {(1, −1, 0), (0, 1, 0), (0, 0, −1)} .
Plus généralement :
′
Démonstration. L’application f : (E, BE ) → (F, BF′ ) se factorise de la façon suivante :
′ f
(F, BF′ ),
Id Id
(E, BE ) −→
E
(E, BE ) −→ (F, BF ) −→
F
MBE′ ,BF′ (f ) = MBF ,BF′ (IdF ) × MBE ,BF (f ) × MBE′ ,BE (IdE )
= PBF′ ,BF × MBE ,BF (f ) × PBE ,BE′
Définition 4.2.2.
Soient A et B deux matrices de Mn (K). On dit que la matrice B est semblable à la matrice A s’il
existe une matrice inversible P ∈ Mn (K) telle que B = P −1 AP .
C’est un bon exercice de montrer que la relation « être semblable » est une relation d’équivalence dans
l’ensemble Mn (K) :
Proposition 4.2.4.
— La relation est réflexive : une matrice A est semblable à elle-même.
— La relation est symétrique : si A est semblable à B, alors B est semblable à A.
— La relation est transitive : si A est semblable à B, et B est semblable à C, alors A est semblable
à C.
Vocabulaire :
Compte tenu de ces propriétés, on peut dire indifféremment que la matrice A est semblable à la matrice
B ou que les matrices A et B sont semblables.
Corollaire 4.2.1. Deux matrices semblables représentent le même endomorphisme, mais exprimé
dans des bases différentes.
Mini-Exercice 11.
Soit f : R2 → R2 définie par f (x, y) = (2x + y, 3x − 2y), Soit v = (3, −4) ∈ R2 avec ses coordonnées
dans la base canonique B0 de R2 . Soit B1 = {(3, 2), (2, 2)} une autre base de R2 .