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CO N S T R U C T I O N E T T R AVAU X P U B L I C S

Ti256 - Vieillissement, pathologies et réhabilitation du bâtiment

Pathologie générale - Pathologie


du béton

Réf. Internet : 42240 | 3e édition

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III
Cet ouvrage fait par tie de
Vieillissement, pathologies et réhabilitation du
bâtiment
(Réf. Internet ti256)
composé de  :
Pathologie générale - Pathologie du béton Réf. Internet : 42240

Pathologie de l'humidité des parois - Pathologie des ponts Réf. Internet : 42241

Réhabilitation et remise aux normes des bâtiments Réf. Internet : 42827

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IV
Cet ouvrage fait par tie de
Vieillissement, pathologies et réhabilitation du
bâtiment
(Réf. Internet ti256)

dont les exper ts scientifiques sont  :


Fouad BOUYAHBAR
Expert technique et spécialiste des pathologies du bâtiment et de la
déstructuration, Ingénieur et chercheur accrédité par le Ministère de la
Recherche

Jean-Pierre MUZEAU
Ancien enseignant à Polytech' Clermont-Ferrand, Président de l'APK, Directeur
scientifique du CHEC

Frédéric RAGUENEAU
Directeur du Laboratoire de Mécanique et Technologie de l'ENS Cachan

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V
Les auteurs ayant contribué à cet ouvrage sont :

Odile ABRAHAM Loïc DIVET


Pour l’article : R1410 Pour l’article : C2254

Francis BARRÉ Bruno GODART


Pour l’article : C6152 Pour les articles : C2252 – C2254

Farid BENBOUDJEMA Matthieu HORGNIES


Pour l’article : C2255 Pour l’article : COR415

Jean-Pierre BIGER Vincent LE CAM


Pour l’article : C2450 Pour l’article : R1410

Jean BÉNAZET André LE ROUX


Pour l’article : C5425 Pour l’article : C2252

Bruno CAPRA Michel LOR


Pour l’article : C6151 Pour l’article : C7100

Jean-Marie CAUSSIGNAC Jacques MAYÈRE


Pour l’article : R1410 Pour l’article : C2690

Aveline DARQUENNES Jean-Daniel MERLET


Pour l’article : C2255 Pour l’article : C2105

Jean DELEFOSSE Claude SAINT MARTIN


Pour les articles : C7201 – C7301 – Pour les articles : C7000 – C7125
C6100 – C6150 – C6200
Jean Michel TORRENTI
Xavier DEROBERT Pour l’article : C6152
Pour l’article : R1410
Géraldine VILLAIN
Pour l’article : R1410

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VI
Pathologie générale - Pathologie du béton
(Réf. Internet 42240)

SOMMAIRE

1– Pathologie générale Réf. Internet page

Maçonnerie. Pathologie C2105 11

Constructions métalliques. Pathologie des structures métalliques C2690 13

Pathologie et entretien dans le bâtiment. Introduction et évolution C7000 17

Pathologie, diagnostic, prévention et maintenance des structures C7100 19

Pathologies des murs de soutènement C7201 25

Évaluation et contrôle non destructifs en génie civil R1410 31

Toitures-terrasses : pathologie de l'étanchéité C7125 37

Pathologie des structures en bois C2450 39

Pathologies des fondations C7301 43

Techniques des démolitions à l'explosif C5425 51

2– Pathologie du béton Réf. Internet page

Pathologies du béton armé. Erreurs de conception et de calcul C6100 59

Pathologies du béton armé. Origine des désordres C6150 63

Pathologies du béton armé. Actions physico-chimiques, cas particuliers et ouvrages C6200 67


spéciiques
Alcali-réaction dans les structures en béton. Mécanisme, pathologie et prévention C2252 73

Réaction sulfatique interne dans les structures en béton. Mécanisme, pathologie et C2254 77
prévention
Réactivité des surfaces de béton COR415 81

Fissuration du béton armé C6152 85

Fissuration par retrait gêné dans les ouvrages en béton armé C2255 87

Corrosion des structures en béton armé C6151 93

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VII
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Pathologie générale - Pathologie du béton
(Réf. Internet 42240)


1– Pathologie générale Réf. Internet page

Maçonnerie. Pathologie C2105 11

Constructions métalliques. Pathologie des structures métalliques C2690 13

Pathologie et entretien dans le bâtiment. Introduction et évolution C7000 17

Pathologie, diagnostic, prévention et maintenance des structures C7100 19

Pathologies des murs de soutènement C7201 25

Évaluation et contrôle non destructifs en génie civil R1410 31

Toitures-terrasses : pathologie de l'étanchéité C7125 37

Pathologie des structures en bois C2450 39

Pathologies des fondations C7301 43

Techniques des démolitions à l'explosif C5425 51

2– Pathologie du béton

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Maçonnerie
Pathologie
par Jean-Daniel MERLET

Ingénieur de l’École centrale de Paris
Directeur technique du Centre scientifique et technique du Bâtiment (CSTB)

1. Pathologie des murs en maçonnerie .................................................. C 2 105 - 2


1.1 Désordres dus à un défaut de la résistance mécanique
de la maçonnerie ......................................................................................... — 2
1.2 Désordres ne mettant pas en cause la solidité de l’ouvrage ................... — 3
1.2.1 Manifestation des désordres ............................................................. — 3
1.2.2 Fissuration des murs en maçonnerie................................................ — 3
1.2.3 Conséquences éventuelles des fissurations : dégâts intérieurs
par infiltration ou accumulation d’humidité..................................... — 4
2. Pathologie des ouvrages intérieurs de plâtrerie............................. — 5
2.1 Généralités ................................................................................................... — 5
2.2 Prévention des dégradations dues aux effets de l’eau............................. — 5
2.3 Prise en compte de la perméabilité à l’air des ouvrages opaques.......... — 6
3. Conclusions. Tendances et perspectives .......................................... — 7
Pour en savoir plus........................................................................................... Doc. C 2 106

fin d’approfondir les quelques notions de pathologie rassemblées dans cet


A article, on pourra très utilement se reporter aux ouvrages publiés en son
temps par le Bureau Securitas et SOCOTEC dans les Annales de l’ITBTP et la
revue Bâtir [16], complétés et actualisés par L. Logeais dans les fascicules de
l’Agence Qualité Construction [17] abondamment illustrés de descriptions,
croquis et photos que l’auteur a tirés de l’exploitation de dossiers d’expertises,
mais aussi de sa documentation personnelle sur ce sujet.
p。イオエゥッョ@Z@ュ。ゥ@QYYV

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Construction C 2 105 − 1

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MAÇONNERIE _________________________________________________________________________________________________________________________

1. Pathologie des murs répartition : poutres reposant directement sans sommier, pignons
très élancés mais sans raidisseurs ou encore murs de clôture dont
en maçonnerie le renversement, pour être moins spectaculaire, est cependant assez
fréquent.
La mise en œuvre des matériaux et en particulier le bon garnissage
Les désordres pouvant affecter les ouvrages en maçonnerie des joints, seul garant de la participation de l’ensemble des parois
peuvent être classés en deux catégories selon qu’ils résultent d’un des blocs à la transmission des charges, joue un rôle important dans


défaut de résistance mécanique de l’ouvrage ou bien qu’ils affectent l’extension à l’ensemble de la construction des sinistres initiés par
les autres fonctions de la paroi en maçonnerie mais ne mettent pas un défaut local. Il en est de même de la qualité des produits : un
en cause la solidité de l’ouvrage. exemple en est donné par les trumeaux de très faible largeur, a
fortiori si elle se limite à celle d’un seul produit, auquel cas la résis-
tance de l’ouvrage est plafonnée par celle du produit le plus faible.
Un autre problème spécifique des produits creux est celui des
1.1 Désordres dus à un défaut briques creuses dont le profil venu de la filière correspond à un sens
de la résistance mécanique de mise en œuvre particulier (figures 1, 2 et 3). Si celui-ci n’est pas
de la maçonnerie respecté lors de la pose, la superposition des parois porteuses n’est
plus assurée ou incomplètement, parfois réduite aux seules parois
extérieures, ce qui a déjà conduit à des effondrements de construc-
À partir de l’analyse d’un certain nombre de sinistres survenus tion ; dans ce cas, en outre, le matériau a un comportement fragile
dans les constructions en maçonneries porteuses, on peut recenser qui le rend moins adaptable. Les défauts cités précédemment
les causes et les énumérer afin d’en dégager les quelques conseils peuvent d’ailleurs se conjuguer, accroissant ainsi le risque, et les
que les projeteurs et les responsables de la conduite des chantiers désordres graves sont évidemment le résultat de la conjonction des
doivent avoir à l’esprit afin d’éviter que de tels sinistres ne se deux causes : charges excessives sur des trumeaux de trop faible
reproduisent. dimension ou prévus avec des produits mal adaptés et mauvaise
exécution des joints ; il y a donc lieu de veiller tout particulièrement
■ En premier lieu, on peut citer les défauts relevant de la à l’exécution des ouvrages dont les contraintes sont élevées et de
conception générale des ouvrages : ne pas concevoir en produits creux des ouvrages porteurs de trop
— défaut de contreventement général : du fait de la faible résis- faibles dimensions en plan.
tance à la traction des ouvrages en maçonnerie, il est nécessaire de ● Maçonneries d’éléments pleins
tenir compte des autres sollicitations que celles qui découlent des
Les effondrements de maçonneries de ce type sous l’effet des
forces verticales, et donc des forces transversales, pression du vent,
seules charges verticales sont relativement rares et des défaillances
poussée des terres ou des remblais dans le cas des murs de sous-sols
sont plutôt à rechercher dans l’action du gel ; celui-ci d’une manière
ou encore poussée de matériaux stockés dans les bâtiments... ;
générale dégrade la qualité du mortier de joint qui devient très
— absence de joint de tassement ou de dilatation, ou bien, dans
friable. Il peut en être de même, à l’inverse, sous l’effet de la dessi-
ce dernier cas, leur trop grand écartement conduit à des fissurations
cation du mortier (produit très absorbant, temps chaud et sec...). En
des maçonneries porteuses qui peuvent mettre en cause la stabilité
cas de matériau gélif, le gel peut s’attaquer aussi aux éléments de
des constructions.
maçonneries ; ce peut être le cas des ouvrages isolés et relative-
C’est le cas lors de la construction, sur des terrains compressibles, ment exposés comme les cheminées ou les souches de cheminées.
d’ouvrages dont les parties sont très dissemblables ou encore
construits de façon non simultanée.
C’est aussi le cas de bâtiments de trop grande longueur.
■ Les sinistres peuvent aussi provenir des conditions de déroule-
ment du chantier : les incidents de très loin les plus fréquents
concernent le renversement, par le vent, de pans de maçonneries
avant qu’ils ne soient rendus stables par le reste de l’ouvrage
(angles ou murs perpendiculaires) ou par la réalisation d’étaiement
provisoire dans l’attente des éléments concourant à leur stabilité. Le
risque est bien entendu accentué par l’élancement des parois
considérées, mais aussi par tout retard apporté au durcissement du
mortier de hourdage (froid ou, pire encore, gel nocturne par
exemple).
Le vent n’est pas la seule cause de ce genre de désordres ; on
compte également avec la poussée horizontale due au remblaiement
des fouilles périphériques du bâtiment sur les murs de sous-sol.
Des dispositions insuffisantes, l’absence de précautions ou encore
de fausses manœuvres intempestives telles qu’un enlèvement
prématuré d’étaiements disposés en attente de la réalisation de
partie d’ouvrage sont particulièrement cruciales lors des ouvrages
enterrés : le maintien en place d’étais pendant de longues périodes
est parfois très gênant et le choix d’autres techniques de réalisation
que la maçonnerie peut, dans certains cas, être judicieux.
■ L’ensemble des considérations précédentes concernent la totalité
des types de maçonneries, mais certains désordres sont plus spécia- Figure 1 – Brique de section carrée montée de façon que les cloisons
lement liés au choix des maçonneries particulières. ne se superposent pas
● Maçonneries d’éléments creux

Le cas le plus fréquent concerne des charges excédant la résistance


des produits en question, notamment dans le cas des charges
concentrées sous lesquelles il n’a pas été prévu de dispositions de

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Constructions métalliques
Pathologie des structures métalliques
par Jacques MAYÈRE

Ingénieur INSA
Responsable de l’activité Charpentes métalliques et Bois du Bureau Veritas

1. Erreurs matérielles .................................................................................. C 2 690 - 3


1.1 Au bureau d’études ..................................................................................... — 3
1.2 À l’atelier ...................................................................................................... — 4
1.3 Au chantier ................................................................................................... — 4
2. Causes accidentelles............................................................................... — 5
2.1 Actions excessives de type normal............................................................ — 5
2.2 Actions anormales....................................................................................... — 5
3. Ignorance.................................................................................................... — 5
3.1 Au niveau du projet ..................................................................................... — 5
3.2 Au niveau de l’exécution............................................................................. — 6
3.3 Au niveau du montage................................................................................ — 6
3.4 Après la mise en service ............................................................................. — 6
4. Erreurs de conception ou d’études..................................................... — 7
4.1 Poutres à treillis ........................................................................................... — 7
4.2 Poutres à âme pleine................................................................................... — 8
4.3 Poteaux......................................................................................................... — 9
4.4 Stabilités....................................................................................................... — 10
4.5 Non-respect des hypothèses de calcul-modélisation............................... — 11
4.6 Instabilités d’ensemble ............................................................................... — 11
4.7 Interfaces ...................................................................................................... — 11
4.8 Qualité et choix des aciers .......................................................................... — 11
5. Facteurs externes..................................................................................... — 12
5.1 Neige............................................................................................................. — 12
5.2 Poussière ou sable....................................................................................... — 12
5.3 Vent ............................................................................................................... — 12
5.4 Précipitations ............................................................................................... — 12
5.5 Température ................................................................................................. — 13
5.6 Tassements différentiels ............................................................................. — 13
6. Erreurs d’exécution ................................................................................. — 13
6.1 Mauvais choix du matériau ........................................................................ — 13
6.2 Mode d’assemblage .................................................................................... — 13
7. Erreurs de montage ................................................................................. — 14
7.1 Efforts anormaux ......................................................................................... — 14
7.2 Instabilité en cours de montage ................................................................. — 14
7.3 Ordre de montage ....................................................................................... — 15
7.4 Pièces déformées avant montage .............................................................. — 15
7.5 Contrôle chantier ......................................................................................... — 15
8. Mauvaise utilisation et défauts d’entretien ..................................... — 15
8.1 Charges imprévues...................................................................................... — 15
8.2 Défaut d’entretien ........................................................................................ — 15
9. Réparations................................................................................................ — 15
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9.1 Réhabilitation des structures anciennes.................................................... — 15


9.2 Renforcement des structures...................................................................... — 16
Pour en savoir plus........................................................................................... Doc. C 2 690

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CONSTRUCTIONS MÉTALLIQUES __________________________________________________________________________________________________________

ne construction, quelle que soit sa destination (habitation, usage industriel,


U collectivité, spectacle...) et son principe constructif (matériau, type de struc-
ture), doit être capable de résister aux efforts qui lui sont appliqués. Dans le cadre
du sujet du présent article, ce rôle de « résistance » est assuré par l’ossature ou
structure en acier constituant le « squelette » de la construction.
L’acier utilisé en construction métallique [1] a des caractéristiques garanties.
C’est un matériau isotrope et homogène ayant un comportement idéal vis-à-vis
Q de la théorie de l’élasticité, base des lois de la résistance des matériaux. Il est
ductile, propriété nécessaire à la bonne répartition des efforts dans les
assemblages.
Il est soudable, sous réserve de respecter les dispositions prescrites au
projet (§ 6.2).
C’est le matériau d’usage courant en construction qui présente les caractéris-
tiques les plus élevées pour le poids le plus faible.
La structure assure principalement le cheminement des efforts extérieurs
appliqués jusqu’aux bases solides, les fondations. La connaissance de ce
cheminement est essentielle quant à l’étude des éléments constitutifs de la struc-
ture ainsi que de leurs liaisons (attaches). La structure est stable si cette trans-
mission s’effectue sans désordre.
Les ossatures métalliques sont généralement « souples » et constituées de
barres « élancées » ou d’éléments minces. Ces caractères spécifiques sont à
garder présents à l’esprit lors des études, les problèmes de flexibilité, voile-
ment, déversement de poutres fléchies et flambement d’éléments comprimés
étant déterminants dans la justification et le dimensionnement des structures
métalliques.
Les règles actuelles [2] permettent la justification des structures en acier par
la théorie de la résistance des matériaux dans le domaine élastique avec prise
en compte éventuelle d’un coefficient d’adaptation plastique. La justification
des structures avec prise en compte de la plasticité, sous certaines conditions
et précautions, est codifiée depuis 1981 [3].
Les futurs règlements de calcul des structures en acier en cours de préparation
[Eurocode 3, EC3-DAN (document d’application national)] codifieront d’autres
méthodes de calculs (analyses non linéaires : géométrie et/ou matériau).
Le respect du domaine de validité de ces codes est essentiel et doit être
vérifié à chaque projet.
Les règlements sont une partie des outils nécessaires à la bonne réalisation
d’une structure. Le nombre des intervenants à la réalisation d’une construction
fait que, malheureusement, des erreurs et omissions peuvent être produites et
être la cause de sinistres plus ou moins graves.
Une structure peut être sinistrée :
— soit par effondrement total ou partiel sous l’effet de chargement ;
— soit par des déformations importantes rendant la structure impropre à son
exploitation.
Les origines de ces sinistres sont dues principalement à :
— des erreurs de conception : 13 %, dont 3 % de structures instables ;
— des erreurs de bureau d’études : 45 % ;
— des erreurs de montage : 35 %, dont la moitié est due à des instabilités
provisoires, l’autre moitié se partageant entre malfaçons et fausses manœuvres ;
— des erreurs de fabrication ;
— des défauts du matériau.
L’analyse des causes d’un sinistre doit se faire en plusieurs étapes :
— examen de la structure sinistrée, déformations, déchirures, ruptures ;
— examen des conditions et circonstances au moment du sinistre, charge-
ment de la structure ;
— recherche des causes du sinistre faite, en général, par l’exécution d’un
nouveau calcul. Il n’est pas rare que cette nouvelle analyse fasse apparaître des
insuffisances n’étant pas à l’origine du sinistre et auxquelles il faut alors aussi
remédier.

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_________________________________________________________________________________________________________ CONSTRUCTIONS MÉTALLIQUES

La qualité des études est essentielle, compte tenu du caractère « industriel »


des structures métalliques dans le domaine du bâtiment. On constate qu’une
des principales causes actuelles des désordres provient de la mauvaise qualité
des études.
Les contrôles doivent donc intervenir le plus tôt possible, dès le stade de la
conception et des études. Les origines des sinistres sont nombreuses et
variées ; certaines sont répétitives et connues, d’autres plus confuses.
Un sinistre est souvent dû à plusieurs causes : charges exceptionnelles, insuf-
fisances, et c’est leur concomitance qui le déclenche. Le risque de sinistre est

donc accru par la multiplicité des erreurs commises.
L’étude et le recensement de l’origine des sinistres constituent la pathologie.
Les sinistres ont principalement pour origine :
— les erreurs matérielles au niveau des études, de la fabrication ou du
montage ;
— les causes accidentelles comme les charges exceptionnelles ;
— l’ignorance au niveau du projet, de l’exécution, du montage et de
l’utilisation ;
— les erreurs de conception et d’étude ;
— les facteurs externes ;
— les erreurs d’exécution ;
— les erreurs au montage ;
— la mauvaise utilisation et le défaut d’entretien ;
— des défauts du matériau.
La gravité des désordres varie, suivant les circonstances, de l’effondrement
catastrophique au simple défaut d’esthétique ne présentant aucun risque. On
peut distinguer :
— les instabilités d’ensemble conduisant à l’effondrement ou au renversement;
— les instabilités propres d’éléments pouvant, par réaction en chaîne, conduire
à une instabilité d’ensemble ;
— une durabilité insuffisante, corrosion, vieillissement, fatigue ;
— un comportement anormal comme les déformations excessives ou les
perturbations du bien-être des usagers ;
— une atteinte à l’esthétique.
Nous allons, dans les paragraphes qui suivent, commenter les origines des
désordres et les illustrer par des exemples concrets.

1. Erreurs matérielles Exemples


— Erreur de légende sur un plan (figure 1)
Une poutre métallique AB d’un plancher prenant appui à ses deux
1.1 Au bureau d’études extrémités A et B sur deux poteaux principaux supportait en un point C
voisin de l’appui B un poteau secondaire apportant une charge d’environ
■ Erreurs de dessin 2 000 kN. Le dessinateur avait représenté sur le plan d’exécution
Ces erreurs sont de types très variés. Elles vont des erreurs de l’attache de l’extrémité A de la poutre AB avec l’indication « attache
traits dans les coupes et élévations représentées aux chiffres mal identique pour l’extrémité B ». En raison de la position du poteau C
formés, aux lignes de cotes mal implantées. Elles sont souvent au voisinage de l’appui B, celui-ci devait transmettre une charge
corrigées à l’exécution (traçage) en raison des incompatibilités d’environ 1 400 kN au lieu de 600 kN comme l’appui A.
qu’elles entraînent. • Désordres : il se produisit un cisaillement brutal et simultané de
tous les boulons de l’attache B, la poutre AB ayant une hauteur impor-
■ Fautes de calcul et analogues tante par rapport à sa portée se coinça entre les deux poteaux
Ce sont, par exemple, des erreurs d’opération, d’écriture de principaux.
formules, etc. • Remise en état : elle consista en l’adjonction, sous l’extrémité B
■ Erreurs de transcription de la poutre, d’un contre-poteau fixé par boulons HR à serrage contrôlé
sur le poteau B existant, et reprenant la totalité de la charge à
Par exemple, sur les valeurs des caractéristiques des matériaux, transmettre.
les hypothèses de site, de charges d’utilisation.
Les conséquences des deux derniers types sont souvent plus
graves que les erreurs de dessin, car elles peuvent donner l’illusion
d’une sécurité qui n’est pas atteinte en réalité (contraintes
minimisées...).

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CONSTRUCTIONS MÉTALLIQUES __________________________________________________________________________________________________________

— Erreur d’appréciation sur des hypothèses de calcul (figure 2) ■ Erreur d’échantillonnage


Une poutre roulante d’une force de levage de 15 kN avait la parti- Ces erreurs sont relativement rares. Elles se produisent principa-
cularité d’être appuyée à une extrémité et suspendue à l’autre. lement lors de l’utilisation de profils creux présentant des variations
L’ensemble du poids propre de la poutre roulante et de la charge d’épaisseur pour les mêmes dimensions extérieures. Dans ces cas,
soulevée conduisait aux réactions suivantes par galet : les diminutions des coefficients de sécurité sont plus faibles que dans
côté appuyé : 12 kN par galet ; le cas précédent en raison des faibles variations des caractéristiques
dimensionnelles.
côté suspendu : 6 kN par galet.

Q • Erreur : le calculateur n’a pas remarqué que, s’il y avait 2 galets


roulants sur le rail côté appuyé, il y en avait deux paires soit 4 galets
roulants côté suspendus. 1.3 Au chantier
• Conséquences : des désordres sont apparus, en cours de fonc-
tionnement de la poutre roulante, dans les fermes auxquelles était fixée
la poutre I de roulement suspendue, fermes qui n’avaient été calculées ■ Erreur d’identification des pièces à monter due à des dimensions
que pour la moitié de la valeur normale de la charge de service. Des très voisines difficilement différenciables
renforcements sur toutes les fermes ont dû être effectués. L’étude doit prévoir, dans ce cas, des incompatibilités de montage
afin d’éliminer ce genre d’erreurs.
■ Erreur dans le sens de montage d’une pièce, pouvant avoir
1.2 À l’atelier des conséquences graves
Ce genre d’erreurs devrait, comme dans le cas précédent, être
éliminé par des incompatibilités de montage.
■ Erreur sur le choix des matériaux
Les différences de qualité ou de nuance des aciers ne corres- ■ Erreur de classe de boulons
pondent pas à des aspects physiques différents. Il peut donc se Physiquement, un boulon de diamètre 20 mm classe 4.6 et un
produire des confusions involontaires dans les matériaux utilisés boulon de diamètre 20 mm classe 6.8 se ressemblent à la différence
s’ils ne font pas l’objet d’un marquage ou si les consignes de du marquage de la tête de vis (article Assemblage par éléments
classement ne sont pas rigoureusement appliquées dans les parcs filetés. Calcul [B 5 560] dans le traité Génie mécanique). La confusion
à matières ou les magasins. entre deux classes, pour un même diamètre, peut être dramatique
Ces erreurs risquent alors de conduire à des diminutions impor- si elle est dans le sens de la diminution de résistance. Cette erreur
tantes des coefficients de sécurité et par conséquent d’aboutir à possible peut être éliminée au niveau des études en ne prévoyant
des sinistres graves. que des diamètres différents par classes utilisées.

Figure 1 – Poutre métallique

Figure 2 – Poutre roulante

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C 2 690 − 4 © Techniques de l’Ingénieur, traité Construction

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Pathologie et entretien
dans le bâtiment
Introduction et évolution

par Claude SAINT MARTIN
Ingénieur Bâtiment Ville de Paris

1. Travaux neufs – travaux d’entretien ............................................ C 7 000 – 2


1.1 Travaux neufs ..................................................................................... — 2
1.2 Travaux d’entretien et de réhabilitation ............................................ — 2
2. Évolution........................................................................................... — 2
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. C 7 000

epuis plusieurs décennies, le monde du bâtiment a pris un nouvel essor, et


D celui-ci lui permet actuellement de poursuivre assez régulièrement sa
croissance.
À présent, il ne convient plus de construire à cadence forcée comme l’exi-
geaient les destructions et l’abandon des immeubles après la dernière guerre.
L’accent est mis maintenant sur l’entretien et la réhabilitation des immeubles
anciens, et notamment sur l’amélioration de leur confort et de leur sécurité.
Une bonne gestion passe évidemment par une bonne maintenance du patri-
moine existant. À l’inverse, le manque d’entretien entraı̂ne assez rapidement
l’insalubrité et la déchéance du bâti jusqu’à sa ruine, en passant par le taudis.
Pour faire face à ces exigences, le monde du bâtiment s’est adapté et a modi-
fié ses structures. C’est ainsi qu’il existe actuellement deux entités bien distinc-
tes concernant les travaux de bâtiment :
– les travaux neufs ;
– les travaux d’entretien - réhabilitation, ainsi que ceux de réparation suite à
une défaillance ou à un sinistre.
p。イオエゥッョ@Z@ョッカ・ュ「イ・@RPPX

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Pathologie, diagnostic, prévention


et maintenance des structures

par Michel LOR
Ex ingénieur RATP (spécialité Bâtiment)

1. Méthodologie ................................................................................... C 7 100 – 2


1.1 Analogie avec la médecine ................................................................ — 2
1.2 Liste utilisée dans la profession ........................................................ — 2
2. Pathologie et diagnostic ............................................................... — 3
2.1 Quelques définitions .......................................................................... — 3
2.2 Bref rappel historique ........................................................................ — 3
2.3 Diagnostic ........................................................................................... — 3
3. Matériaux de construction............................................................ — 4
3.1 Situation ............................................................................................. — 4
3.2 Bois ..................................................................................................... — 4
3.3 Matériau métallique ........................................................................... — 6
3.4 Béton et béton armé .......................................................................... — 8
3.5 Maçonneries en pierre ....................................................................... — 13
3.6 Maçonneries ....................................................................................... — 14
4. Structures de bâtiments................................................................ — 14
4.1 Avertissement ..................................................................................... — 14
4.2 Murs .................................................................................................... — 14
4.3 Planchers ............................................................................................ — 15
4.4 Charpentes ......................................................................................... — 17
5. Ouvrages en contact avec le sol .................................................. — 18
5.1 Pathologies, causes et diagnostic ..................................................... — 18
5.2 Pathologies liées au type de fondation ............................................. — 18
5.3 Risque du sol ...................................................................................... — 18
5.4 Cas de la sècheresse .......................................................................... — 19
5.5 Prévention des désordres en fondations........................................... — 20
5.6 Remèdes aux problèmes de fondations ............................................ — 20
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. C 7 100

epuis de nombreuses années, la pathologie dans le bâtiment a suscité de


D l’intérêt, permettant ainsi de mieux construire avec la mise en place de
p。イオエゥッョ@Z@ョッカ・ュ「イ・@RPQP@M@d・イョゥ│イ・@カ。ャゥ、。エゥッョ@Z@ェ。ョカゥ・イ@RPQU

recommandations, puis de normes définitives.


Le traitement de sinistres, seuls, ou par familles, aura permis de tirer des
conclusions, et ainsi d’éviter que ceux-ci ne se reproduisent. Ne dit-on pas :
« on réussit d’échec en échec ! ». Il existe déjà dans la collection des TI beau-
coup d’articles spécifiques traitant le sujet, quelquefois dans le détail. Des
auteurs très expérimentés et experts auront déjà, mieux que nous ne pourrions
le faire, évoqué et traité le sujet. Un lien avec leur article sera indiqué ; de
même, nous renverrons le lecteur sur d’autres parties de la collection plus
spécialisées.
Notre propos, en temps que généraliste, consistera donc à résumer, ou à ras-
sembler, de manière synthétique et exhaustive toutes les pathologies relatives
aux matériaux et structures de bâtiments. Dans le même temps, le diagnostic,
les causes, la prévention et la réparation seront évoqués sous forme de géné-
ralités, de rappels succincts ou de compléments aux articles existants.
L’exercice n’est pas simple, mais nous vous proposons une démarche basée
sur un retour d’expérience (30 années de maintenance de bâtiments dans le
patrimoine RATP) !

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PATHOLOGIE, DIAGNOSTIC, PRÉVENTION ET MAINTENANCE DES STRUCTURES –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

Une première partie traitera des matériaux de construction, suivie d’une


deuxième qui sera consacrée aux structures de bâtiments. Enfin, nous aborde-
rons, en annexe, tout ce qui concerne les fondations et les structures en contact
avec le sol.
Rappelons que : « les travaux de réhabilitation des immeubles anciens
concernent une gamme très vaste de « mises à niveau », ceux-ci pouvant aller
du simple remplacement des canalisations et de tous les appareils sanitaires


vétustes, à la restructuration complète d’un bâtiment, avec conservation des
façades ».

& Pathologie d’un matériau, d’une structure, etc.


1. Méthodologie Étude des maladies :
– description ;
1.1 Analogie avec la médecine – manifestation ;
– causes.
Tout d’abord, il faut remarquer que la démarche de l’expert en
bâtiment est proche de celle du médecin dans la terminologie
employée. La figure 1, extraite des annales de l’ITBTP, l’illustre
Définition : science objective et systématique des maladies en
bien.
vue d’en trouver le traitement. Elle formule les lois, désigne la
terminologie, identifie et classe les causes, Retrace le processus,
énumère les symptômes. C’est l’établissement d’un dictionnaire
1.2 Liste utilisée dans la profession des maladies.
Afin d’être cohérent, et pour une meilleure compréhension du
lecteur, nous adopterons la démarche indiquée ci-dessous.

Objet : cette liste nous permettra, dans chaque cas, de rester en & Apparition de désordres, sinistres, problèmes et maladie
cohérence tout au long de l’article (avec à l’esprit une notion
de réhabilitation). L’établissement d’un diagnostic passe par les étapes suivantes :
– auscultation ;
– identification et étude des causes (étiologie) ;
ANALOGIE – utilisation, éventuellement, d’un retour d’expérience ;
S
P – enquête (témoignages, recherche) ;
DÉMARCHE MÉDICALE MAINTENANCE C
É – Comparaison avec la pathologie existante ;
C A
MÉDECIN Humilité EXPERT (spécialiste) R – Certitude (ou non)sur la maladie ? Æ Établir une nouvelle
I
A N pathologie.
SYMPTOMATOLOGIE AUSCULTATION
L E
ÉTIOLOGIE DIAGNOSTIC I T
(science des causes) S & Solutions envisagées
T D
THÉRAPEUTIQUE TRAITEMENT E Dans le but d’empêcher un nouveau désordre
E
MALADE À renforcer BÂTIMENT
? S  Remèdes ou traitement (curatif) Æ Soigner et guérir
À réparer
A (thérapeutique)
Soins efficaces Remède efficace N
(Intervention directe sur le malade)
T
Choix du médicament Choix du produit É
 Prévention (traitement préventif) Æ Éviter que cela se repro-
ERREUR duise en anticipant
Rechute mal soigné Désordres
(Règlement, entretien, nouveau dispositif, etc.)
Aggravation de la maladie Quelquefois plus graves

& Références, bibliographie et Normes


Bien souvent : réactions secondaires
(Ces éléments seront tous regroupés en fin d’article)
ET LA CONSOLIDATION DU MALADE !
Ce synoptique sert de guide.
CELA NE REND PAS LE NEUF Ainsi, chaque sujet (matériau, structure, couverture, etc.) sera
traité, suivant cette démarche. Cela permettra d’être le plus exhaus-
Figure 1 – Analogie « médecin-expert » (source ITBTP) tif possible.

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––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– PATHOLOGIE, DIAGNOSTIC, PRÉVENTION ET MAINTENANCE DES STRUCTURES

2. Pathologie et diagnostic Elle a surtout pris son essor dans les années 1960 suite à des
analyses de sinistres (Bureau Veritas). De nombreux ouvrages
concernés par cette nouvelle discipline ont paru : pathologie des
fondations, du béton armé, des façades,… Des textes officiels de
prévention (DTU, règlements…) ont suivi jusqu’à nos jours et pour-
2.1 Quelques définitions tant, certaines pathologies sont plus nombreuses aujourd’hui
Depuis plusieurs décennies, face à l’accroissement des coûts qu’hier.
engendrés par les « sinistres » (accidents du travail, effondrements On évoque même la notion d’une pathologie qui découlerait de


d’ouvrages, désordres de toute nature,…) tous ceux qui participent certains règlements nouveaux.
à l’acte de construire sont sensibilisés de plus en plus aux notions Comme nous l’avons vu au début de cet article, une analogie est
de « prévention » et de « pathologie ». souvent exprimée entre la notion de démarche médicale et celle de
Le choix des mots dans une telle sensibilisation est important ; maintenance.
aussi est-il nécessaire d’en préciser le sens au début de cet article. La connaissance de la pathologie permet d’établir un diagnostic
& Un « sinistre » est, d’après le dictionnaire, un fait dommageable qui conduira inéluctablement vers l’esquisse d’une solution de
pour soi-même ou pour autrui, de nature à mettre en jeu la garantie réparation, de renforcement ou simplement la mise en place de
d’un assureur. remèdes préventifs.
Ce terme, juste dans le cas d’accidents corporels, paraı̂t exagéré
dans la plupart de ses applications. Nous serions tentés de le rem- 2.3 Diagnostic
placer par « désordres », d’autant que les plus grands effondre-
ments deviennent heureusement rares (à l’exception de ces derniè-
res années !), alors que les petits incidents se multiplient.
2.3.1 Selon le dictionnaire encyclopédique
& C’est l’acte par lequel le médecin distingue une maladie par la
& Afin d’éviter ces désordres, ces accidents, ces maladies, il faut
connaissance qu’il a des signes propres à cette maladie. Le méde-
prendre un ensemble de mesures : c’est le rôle de la « prévention ».
cin groupant les symptômes morbides que présente le malade, les
Mais pour atteindre cet objectif, la connaissance du processus rattache à une maladie ayant sa place dans le cadre nosologique.
entraı̂nant les sinistres ou les désordres est essentielle. C’est la rai-
son d’être de la « pathologie » (pathos = souffrance, logos = scien- Il comporte deux parties :
ces) qui est, nous cite le dictionnaire « la science des causes et des – le diagnostic positif qui réunit tous les éléments correspon-
symptômes des maladies ». dants en vue de ranger une maladie dans un cadre défini ;
– le diagnostic différentiel qui étudie tous les éléments discor-
& Soit, en détaillant : dants permettant de séparer une maladie des autres affections
– « science » Æ ensemble organisé des connaissances relatives avec lesquelles elle pourrait être confondue.
à certaines catégories de faits ou de phénomènes ;
& Recherche des causes du mauvais fonctionnement d’un appa-
– « des causes » Æ ce qui fait qu’une chose existe ; origine ;
– « et des symptômes » Æ phénomène qui révèle un trouble reil. Le diagnostic s’opère en général en deux étapes :
fonctionnel ou une lésion ; – le pré-diagnostic prend place au début de l’opération, au
– « des maladies » Æ altération dans la santé, dans l’équilibre, moment des études de faisabilité. Il doit permettre de dépister les
des êtres vivants. problèmes majeurs que peuvent poser les structures. L’expérience
et la compétence de l’intervenant sont déterminantes pour son effi-
Il y aura donc « maladie » à chaque fois qu’une construction ne cacité, d’autant plus qu’il soit spécialiste ;
répondra pas aux attentes des utilisateurs. – le diagnostic approfondi s’effectue une fois l’opération enga-
& En guise de conclusion, l’utilisation des termes tels que « patho- gée. Il consiste à rassembler toutes les données techniques néces-
logie » et « maladies » fait venir à l’esprit une question : n’est-il pas saires pour l’établissement du projet ; il peut nécessiter un dégar-
curieux de considérer une construction comme un être vivant ? nissage total, ou partiel, d’éléments de structure afin d’effectuer
Sans aller jusque là, il faut reconnaı̂tre qu’un bâtiment n’est pas des sondages spécifiques et pertinents.
une chose inerte :
– il remue, se dilate, se fissure ; Tout diagnostic nécessite un moment d’auscultation et
– il respire : la vapeur d’eau diffuse à travers ses parois ; d’enquête préalable sur la situation sinistrée qui peut être liée
– il a de la « mémoire » : une mauvaise manipulation d’une struc- à des causes étrangères (environnement, main de l’homme…).
ture lors de la fabrication (béton jeune) peut laisser des « stigma-
tes » de fissures ; 2.3.2 Sous l’angle de la réglementation
– il passe par les mêmes étapes qu’un être vivant : de la concep-
tion, puis de l’utilisation, à la destruction ; La norme NFX 60-10 (concepts et définition des activités de
– la construction naı̂t, vit et meurt. Il faut donc être vigilant à maintenance) définit le diagnostic comme :
tous les stades de son élaboration et de sa vie. « L’identification de la (ou des) cause(s) probable(s) de la défail-
lance ou de l’évolution d’un ou plusieurs paramètres significatifs
Ainsi, n’oublions pas cet axiome latin « Non nisi parendo vin- de dégradation à l’aide d’un raisonnement logique fondé sur un
citur » que le philosophe Francis BACON (1561-1626) applique ensemble d’information (inspection, contrôle, test) ».
à la nature : « Pour faire servir la nature aux besoins de
l’homme, il faut obéir à ses lois ». & En adoptant ces données aux problèmes posés par la réhabilita-
tion, on peut affirmer que le diagnostic est une mission qui se fixe
trois objectifs successifs :
2.2 Bref rappel historique – constat de situation (parfois appelé « description », « reconnais-
Cette notion de « pathologie des structures » n’est pas nouvelle sance » ou « identification ») ;
et demeure très ancienne. – comparaison de l’état constaté par rapport à un état de réfé-
rence (état à neuf, ou état de conformité à un règlement) parfois
Les sinistres d’antan permettaient (si l’on peut dire !) de corriger appelé « bilan » ;
les dites « règles de l’art, recommandations professionnelles ou les – évaluation de l’écart (causes, gravité et risque).
règlements techniques du moment… ». Le progrès ne pouvant exis-
ter que s’il y a des risques mais « risques calculés et bien maı̂trisés ». La première et dernière étape formalise les potentialités.

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PATHOLOGIE, DIAGNOSTIC, PRÉVENTION ET MAINTENANCE DES STRUCTURES –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

& Application aux matériaux – caractère de gravité du désordre ;


Quelques exemples de symptômes constatés pour des – possibilité de réapparition du phénomène.
matériaux :
L’essentiel, bien sûr, sera de choisir la stratégie la mieux adap-
– bois : présence de petites vrillettes, de mérule,… ;
tée à stopper la ou les cause(s) (y compris secondaire(s)) res-
– béton armé : détection d’épaufrures d’acali-réaction ;
ponsable(s) des désordres, ou entraı̂nant le mauvais fonction-
– construction métallique : corrosion électrochimique, bacté-
nement de l’ouvrage.
rienne,…
Au final, il faudra reconstituer le bâtiment, soit en le réparant,
soit en le renforçant.


& Application aux structures
Constat fait sur des structures plancher de type bois : problèmes
mécaniques, de surcharges excessives, d’humidité, de présence 2.3.3.3 Conclusion
d’insectes (avec renvoi vers le matériau bois vu précédemment). Les règles de base pour effectuer un bon diagnostic consistent à :
– aller du général vers le particulier, par étapes ;
2.3.3 Diagnostic en réhabilitation
– étudier le malade, plutôt que la maladie ;
Même si la démarche générale reste la même, il existe de nom- – poser les problèmes avant de choir les solutions.
breuses méthodes de diagnostic de structures. Dans le cadre de
cette étude, nous nous limiterons à des généralités en ne retenant
que ce qui est fondamental et incontournable.
Celle pratiquée par la Socotec depuis des années peut être prise 3. Matériaux de construction
comme référence dans ce domaine. Elle définit différents niveaux
d’analyse, selon qu’il s’agisse de mesures à prendre, d’audit,
d’avis technique, ou encore de diagnostic conseil. Un cahier des
charges d’une mission de diagnostic est établi suivant : 3.1 Situation
– l’étendue des ouvrages concernés ; Dans le domaine des structures de bâtiments, le matériau cons-
– le domaine d’intervention ; tructif est à l’origine d’une pathologie très conséquente de
– les objectifs attendus ; responsabilités.
– ou encore le référentiel s’il existe.
Néanmoins, on peut dire aujourd’hui qu’elle tend à disparaı̂tre,
Des modalités d’intervention sont enfin arrêtées. du moins à changer de forme. Par exemple, s’agissant du béton
Il est important de préciser que les exigences européennes en armé, c’est la « chimie du matériau béton » qui a pris le pas, engen-
date du 21 décembre 1988, relatives aux produits de construction, drant de nouvelles maladies qui se révèlent depuis quelques
doivent être appliquées à l’ouvrage réalisé. années.
Des articles de fond, dans la collection des TI réalisés par des
2.3.3.1 Rappel des six exigences européennes spécialistes, traitent déjà de ce sujet : « le bois, la pierre, les maçon-
Il s’agit de : neries, la construction métallique, le béton armé et le béton pré-
contraint… ». Dans le cadre de cet article, nous reprendrons la
– résistance mécanique et stabilité ; pathologie – cause des désordres – de chaque matériau en effec-
– sécurité en cas d’incendie ; tuant un court résumé et en renvoyant le lecteur vers l’article de
– l’hygiène, santé et environnement ; fond en référence dans la collection.
– sécurité d’utilisation ;
– protection contre le bruit ; Par contre, on essaiera de compléter, si faire se peut, en introdui-
– l’économie d’énergie et isolation thermique. sant des réflexions de « retour d’expérience », voire en évoquant
les nouvelles pathologies. Puis, nous aborderons le sujet sous
2.3.3.2 Exemple de méthode utilisée l’angle du diagnostic, des solutions envisageables, et de la préven-
tion qui en a suivi.
La méthode dite de « Monsieur Charrue » permet de diagnosti-
quer la structure d’un bâtiment [1].
& Elle comporte 4 étapes successives : 3.2 Bois
– reconnaissance de l’édifice (relevé de l’existant) ;
– analyse théorique des structures (on le recalcule en le considé-
3.2.1 Pathologie du bois
rant neuf) ; Dans ce domaine, de nombreux articles (dont certains très spé-
– évaluation de la capacité portante des composants et de la cialisés et de fond) ont déjà été publiés ([C 925], [C 926] et [C 2 450]).
structure après l’analyse clinique (relevé pathologique) ; Aussi, conviendra-t-il de rester modeste et d’éviter toute
– prise en compte, éventuelle, des modifications du projet et des redondance.
exigences européennes (exemple : la nouvelle réglementation ther-
Un bref résumé, en guise de rappel, permettra au lecteur de sui-
mique, ou l’incendie).
vre le sujet abordé sans obligation de se reporter aux articles cités.
& La démarche est un peu différente pour ce qui concerne un
diagnostic sur ouvrages présentant des désordres. Dans ce cas pré- 3.2.1.1 Champignons
cis, il conviendra de documenter les désordres ou les dégradations,
Dans le bâti ancien, bon nombre d’ouvrages en bois subissent
de les décrire (listes, photos, appareillages,…). Si possible, on exa-
l’attaque de prédateurs que sont les champignons et les insectes
minera les circonstances, les causes et l’origine de l’apparition des
xylophages, dès lors que l’humidité, sous forme de vapeur d’eau,
désordres.
est bloquée dans le bâti.
& Un examen détaillé de l’ouvrage est indispensable avec une Deux types de champignons s’en prennent au bois. Les premiers,
recherche probable de définition du scénario du désordre. Il dits de « coloration » ne nuisent pas à la structure de l’ouvrage : ils
s’agira d’apporter les commentaires suivants : n’agissent que sur l’aubier en superficiel. La seconde famille ras-
– capacité de l’ouvrage à remplir son rôle vis-à-vis de sa semble les champignons lignivores qui, comme le nom l’indique,
destination ; détruisent le squelette du bois.

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––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– PATHOLOGIE, DIAGNOSTIC, PRÉVENTION ET MAINTENANCE DES STRUCTURES

La forme d’attaque prend trois formes essentielles : les combles en période d’essaimage (au printemps) : des individus
– la pourriture cubique (bois en forme de braises), la plus cou- ailés et noirs sortent pour aller se reproduire hors la termitière.
rante, causée par la mérule ou « champignon des maisons » ;  Ne faisant jamais de trous de sortie, les termites ne sont détec-
– la pourriture molle, caractéristique des bois gorgés d’eau ; tables que par la présence de cordonnets (quand ils existent), par
– la pourriture fibreuse, qui attaque le bois en contact avec l’eau. sondages ou chocs. Très souvent, une fois repérés, il est souvent
trop tard d’intervenir pour « sauver » la poutre qui nécessite son
Ce sont les conditions d’environnement (humidité, température, renforcement et, dans tous les cas, de gros travaux.
lumière et revêtements…) et l’essence considérée (résineux, feuil-
On confond très souvent les termites et les fourmis. Contraire-
lus) qui sont déterminantes dans la vitesse et le degré d’altération


ment aux fourmis, les termites déprédateurs du bois se déplacent
du bois. L’identification de ces attaques est essentiellement visuelle
rarement à la surface du sol ou du bois, et on observe une diffé-
(figures 2 et 3), voire olfactive pour la mérule (qui attire, par la
rence très nette en ce qui concerne le processus de développement
suite, la grosse vrillette pour pondre).
et le comportement.
Voilà, résumé en quelques mots, l’essentiel de la pathologie du
3.2.1.2 Insectes
matériau bois. Pour plus de renseignements se reporter aux textes
Les attaques par les insectes peuvent être le fait de larves ou de fond cités au début de ce chapitre.
d’insectes parfaits (figure 3).
3.2.2 Causes biologiques des désordres
& Les plus répandus sont les capricornes. C’est la larve qui est
xylophage et peut vivre plusieurs années à détruire le bois, alors 3.2.2.1 Champignons et conséquence : la pourriture
que l’insecte lui-même reste inoffensif. L’apparition de champignons est favorisée par :
& Quant aux termites (insectes sociaux), ce sont les seuls insectes – les infiltrations d’eau par la défectuosité des couvertures, en
parfaits xylophages qui, hier, ne sévissaient que dans le sud de la surface courante (tuiles qui bougent, ardoises cassées, mousse…),
aux faı̂tages, arêtiers et noues, au pourtour des châssis, souches et
France. Aujourd’hui, ces derniers prolifèrent en atteignant, de
tuyaux de ventilation, etc. ;
manière « suspecte », la région parisienne.
– la condensation, humidité fréquente de l’air, ventilation insuffi-
 Ceux de la famille de Saintonge et d’Aquitaine (attirés par les sante du comble ;
résineux) sont, de loin, les plus destructeurs. Généralement dans – l’emploi de bois insuffisamment résistants, ou peu traités ;
le sol, ils attaquent les structures du bâtiment en remontant du – les infiltrations et mouillages répétés en pied de charpente, aux
sous-sol vers les étages supérieurs abrités de la lumière par des sablières au droit des chêneaux, des gouttières, ou encore les effets
cordonnets lors de passages difficiles. Parfois, ils colonisent dans de la neige tassée.

3.2.2.2 Attaques d’insectes


Sont à proscrire les emplois de bois :
– insuffisamment résistants, en l’absence de traitements préven-
tifs adaptés ;
– contenant des substances nutritives pour certains insectes
(aubier, abattage en période de sève montante) ou prédigérés par
des champignons.

3.2.3 Manifestation
Pour l’identification des signes extérieurs qui marquent la pré-
sence des prédateurs du bois, nous conseillons le lecteur de se
reporter aux articles cités dans la partie « Pour en savoir plus ».
Enfin, le Centre technique du bois et de l’aménagement (CTBA)
est source d’experts et de documentation dans ce domaine.

3.2.4 Diagnostic
C’est une opération très courante, aujourd’hui, du fait des derniè-
Figure 2 – Fissure d’une poutre en bois res lois relatives à la vente de son bien par un propriétaire qui doit
effectuer la déclaration des infestations, notamment des termites.

Préalablement au diagnostic proprement dit, il est générale-


ment utile de déterminer la nature du bois : résineux ou
feuillus.

& Le diagnostic des attaques biologiques par les champignons et


autres agents (bleuissement, par exemple) est plus simple et les
mesures préventives commencent toutes par la recherche d’un
assèchement des bois qui inactive déjà les champignons, mis à
part le cas de la mérule qui peut transporter son eau par des sortes
de racines : les rhizomorphes.
& La présence de ces champignons peut se signaler par les indices
suivants :
– son creux en frappant le bois ;
– coloration anormale du bois ;
– perte de structure dans le cas de pourriture ;
– odeur caractéristique ;
Figure 3 – Détection visuelle de la présence de vrillettes – présence d’insectes associés aux champignons.

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Pathologies des murs


de soutènement

par Jean DELEFOSSE
Ingénieur ETP – CHEC
Expert près la Cour d’Appel de Paris (H)

1. Contexte et données ...................................................................... C 7 201 – 2


1.1 Principe du mur de soutènement ...................................................... 2
1.2 Différents types de murs de soutènement ........................................ 2
1.3 Données – Efforts appliqués – Stabilité ............................................. 2
2. Différentes pathologies ................................................................. 4
2.1 Absence d’étude ................................................................................. 4
2.2 Fautes de conception ......................................................................... 5
2.3 Erreurs de calculs ............................................................................... 8
2.3.1 Données géotechniques .......................................................... 8
2.3.2 Efforts appliqués ...................................................................... 8
2.4 Défaut de drainage ............................................................................. 9
2.5 Erreurs de ferraillage ......................................................................... 10
2.6 Défauts d’exécution ........................................................................... 11
2.7 Modification des données.................................................................. 12
2.8 Défauts d’entretien et d’exploitation ................................................. 14
2.9 Stabilité d’ensemble terrain/mur ....................................................... 15
2.10 Actions physico-chimiques ................................................................ 16
3. Murs préfabriqués........................................................................... 18
4. Cas particuliers ............................................................................... 18
5. Différents modes de réfection ..................................................... 20
6. Enseignements à tirer – Recommandations............................... 22
7. Conclusion........................................................................................ 23
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. C 7 201

S i différents types de désordres pouvant affecter les murs de soutènement


ont déjà été examinés (cf. [C 6 200]), – ils ne l’ont été que dans le cadre plus
général des pathologies concernant les ouvrages de béton armé. À cette occa-
sion, nous avions d’ailleurs indiqué alors que certaines catégories d’ouvrages
seraient l’objet d’une étude plus développée.
Les murs de soutènement sont dans ce cas. Il est en effet d’usage de consi-
dérer qu’ils constituent des « ouvrages à risques », leur stabilité pouvant dépen-
dre d’un nombre important de paramètres – certains parfois mal maı̂trisés –
pouvant entraı̂ner des sinistres qui, si leur nombre est heureusement restreint,
génèrent alors des dégâts matériels importants, voire également des accidents
corporels.
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PATHOLOGIES DES MURS DE SOUTÈNEMENT –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

1. Contexte et données  Géotechniques :


– poids volumique du terrain retenu (g ) ;
– angle de frottement interne du terrain retenu (j) ;
1.1 Principe du mur de soutènement – cohésion du terrain retenu (généralement négligée) (C) ;
– coefficient de poussée du terrain retenu (Ka est fonction de j, b,
& Pour quel but ? h et d) ;
– angle de frottement interne du sol d’assise (j′) ;
Le but de ce type d’ouvrage est de constituer un écran, vertical
– résistance du sol d’assise.
ou légèrement incliné, destiné au maintien en place :

Q  des terres, celles-ci pouvant être constituées de matériaux


divers (sables, graviers, argile… etc.) ;
 de l’eau dans certains cas également.
 Liées à la présence d’eau :
– niveau de la nappe phréatique ;
– nature chimique.
À la poussée desquelles, ces ouvrages doivent résister, sans glis-
sement, ni basculement, c’est-à-dire en restant stables.  Liées à l’état de surface du mur
– angle de la force de poussée Fa des terres avec la normale au
& Quel rôle ?
parement interne du mur (Fa, N) (d).
Le rôle de ces ouvrages peut-être provisoire ou définitif, ceux-ci
pouvant se présenter sous différents aspects et avoir différentes Remarque
utilisations. Cet angle varie suivant l’état de surface du parement
(tableau 1).
Remarque
Les murs de soutènement sont des « ouvrages à risques ». En  Efforts appliqués (cf. figure 2) :
effet, les coefficients de sécurité habituellement pris en compte
sont souvent trop faibles au regard de l’imprécision des don- – W : poids du mur ;
nées, en particulier si le terrain soutenu est rapporté et mis en – W′ : poids du terrain retenu, surplombant la partie amont de la
place après construction du mur. À quoi peuvent venir s’ajou- semelle ;
ter des modifications concernant le régime des eaux de circu- – Fa : force de poussée des terres :
lation et leur agressivité en raison de leur nature chimique,  Fav : composante horizontal de Fa,
voire ultérieurement les effets de facteurs ignorés du projeteur,  Fah : composante vertical de Fa ;
tels que vibrations… etc.
– E : force de poussée de l’eau ;
– Fp : force de butée ;
1.2 Différents types de murs – R : réaction du sol sous la fondation du mur :
de soutènement  N : composante verticale de R,
Ces ouvrages peuvent être réalisés en béton armé, en maçonne-  T : composante horizontale de R.
rie, grâce à des palplanches métalliques, à des gabions, à une paroi
moulée, etc. Outre les efforts courants précédents, des efforts divers peuvent
être appliqués, soit directement sur l’ouvrage soit sur les terrains
La figure 1 en donne quelques exemples. Toutefois, nous n’exa-
amont et aval (cf. § 2.3.2).
minons ici que le cas des ouvrages en béton armé. Cas d’ailleurs le
plus courant aujourd’hui, voire en maçonnerie, car il est celui des
ouvrages anciens.

Tableau 1 – Valeurs généralement admises


1.3 Données – Efforts appliqués – Stabilité de l’angle de frottement sol/mur
& Remarque préliminaire suivant l’état de surface du parement (d)
L’objet de cette étude n’est pas de décrire en détail la constitution
des différents types de murs de soutènement ni de développer les État de surface
Notations Type de parement
différentes méthodes de calcul de ce type d’ouvrage. du parement
Pour ce faire, le lecteur pourra se reporter aux différents ouvra-
ges existants traitant de ce sujet (cf. Pour en savoir plus), et plus
particulièrement, pour ce qui concerne le calcul des poussées, aux Parement ayant reçu une
Très lisse O
2 publications [C 242] et [C 244]. enduction de produit noir (1)
Mais, pour une bonne compréhension des différentes patholo-
gies évoquées ci-après, il nous apparaı̂t nécessaire de rappeler suc-
Lisse ϕ • Béton traité
cinctement les paramètres intervenants et les efforts en présence
ou peu rugueuse 3 • Béton poncé
dans les cas courants ainsi que les conditions nécessaires de stabi-
lité de tels ouvrages.
Pour facilité de lecture, nous avons repris, dans la mesure du
possible, les notations des articles évoqués ci-dessus. Rugueuse 2ϕ Béton courant
3
& Données
 Géométriques (figure 2) Parfaitement Béton cranté, crénelé ou
j
– hauteur totale de l’ouvrage (de la crête au sol d’assise) (H) ; rugueuse spécialement traité
– largeur de la semelle (B) ;
– angle du talus avec l’horizontale (b) ; (1) Également dans le cas de remblai en matériau de type « cohérent » à
forte teneur en eau
– angle du parement interne du mur avec l’horizontale (h).

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––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– PATHOLOGIES DES MURS DE SOUTÈNEMENT

Murs poids

En béton banché
En
maçonnerie


Mur en L
Murs en béton armé

Voile Contrefort amont


mince
aval
contrefort

Mur cantilever en T renversé Murs à contreforts transversaux

Ancrage

Tirant

Paroi moulée

Paroi bétonnée
Mur en console Mur ancré

Chaise Mur encastré

Contrefort
Mur en gabions à treillage

Bêche
ou clé

Mur chaise à contreforts

Figure 1 – Différents types de murs de soutènement

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RW
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PATHOLOGIES DES MURS DE SOUTÈNEMENT –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

Raidisseur Talus 2. Différentes pathologies


(ou chainage)

b Parement ou Bien qu’a priori un classement des désordres soit difficile à effec-
Parement ou face arrière tuer, ceux-ci ayant bien souvent des causes multiples, nous exami-
face avant Contrefort nerons ci-après les pathologies les plus courantes à partir de leurs
éventuel origines à savoir :


– absence d’étude ;
Terrain retenu
Écran ou – fautes de conception ;
Angle de frottement – fautes de calcul ;
mur de
interne j
front – défaut de drainage ;
H Poids volumique g – erreurs de ferraillage ;
Fa – défauts d’exécution ;
d E
N – modification des données ;
Patin arrière – défauts d’entretien et d’exploitation ;
h W’ ou talon – stabilité d’ensemble ;
Semelle H/3 – actions physico-chimiques ;
W Bêche – murs préfabriqués.
(ou clé)
Fp En illustrant ces pathologies par des exemples. Puis nous expo-
Sol d’assise serons quelques cas particuliers avant d’évoquer les principes de
Patin avant réfection et/ou de renforcement les plus courants. Enfin, nous cher-
R Angle de frottement
interne du sol
cherons à tirer de cette étude quelques enseignements ou
B d'assise j’ recommandations.

Remarque
Figure 2 – Schéma et notations
À ce stade, il n’est pas sans intérêt de noter que, la plupart du
temps, les signes avant-coureurs de désordres affectant les
Remarques murs de soutènement sont :
1 – La poussée des terres varie fortement avec la nature des – bombement de l’écran à proximité du pied ;
terrains retenus – décollement de la tête de l’écran et inclinaison de l’écran ;
2 – La poussée (terre et/ou eau) s’applique sur la hauteur totale – fissures ;
du terrain retenu (c’est-à-dire incluant la hauteur de la semelle) – etc.
3 – Sauf cas particulier, on ne tient pas compte de la butée car Il convient alors de rechercher sans attendre dès leur appari-
celle-ci : tion, l’origine de ceux-ci, la suite pouvant être parfois tragique.
– peut ne pas exister du fait du mode d’exécution de la
semelle (terrain remanié) ;
– ne peut être mobilisée qu’après un certain déplacement ; 2.1 Absence d’étude
– peut disparaı̂tre du fait de travaux en pied du mur (pose de
canalisation par exemple) ou de venues d’eau. Si, d’une manière générale, l’absence d’études est à l’origine de
Si on adopte néanmoins une butée, on calcule celle-ci avec Kp = 1. nombreux désordres affectant les ouvrages en béton armé, s’agis-
sant d’un ouvrage à risques, une telle pratique est, dans le cas des
& Stabilité murs de soutènement, à l’origine de désordres de toute nature,
souvent graves.
Après détermination des efforts appliqués dont en particulier pous-
sée et butée, il convient de s’assurer de la stabilité de l’ouvrage : & Les exemples suivants, d’ailleurs très divers vont permettre, si
– au glissement sur la base d’appui (cf. § 2.2) ; besoin était, de s’en rendre compte.
– au renversement (cf. § 2.2) ;
– à la rupture du sol d’appui ; Exemples
– au glissement d’ensemble (mur et terrain) (cf. § 2.9).  Un premier exemple concerne les 2 murs latéraux de l’accès au
garage en sous-sol d’une maison individuelle réalisée sans Maı̂tre
Remarques d’œuvre, ni bureau de contrôle par un artisan maçon (figure 3).
Il existe diverses méthodes issues de calculs compliqués per-
Bien que ces 2 murs fussent de faible hauteur (2,50 m environ au
mettant de déterminer les poussées sur un ouvrage, mais
maximum) très vite des fissures importantes tant horizontales que
pour rechercher un ordre de grandeur ou effectuer une vérifica-
verticales apparurent en partie basse, lesquelles ne manquèrent pas
tion, nous proposons d’utiliser les tables de CAQUOT et KÉRI-
d’inquiéter le Maı̂tre d’ouvrage.
SEL ([1] et [2]).
L’expertise montra que ces 2 murs avaient été réalisés en par-
paings creux, très sommairement chaı̂nés, reposant sur une semelle
Exemple de 40 cm de large, très insuffisante.
À titre indicatif, pour évaluer un ordre de grandeur de Fa, dans le
Or, d’une part l’exécution d’un mur de soutènement avec de tels
⎛ η⎞ matériaux est proscrit et d’autre celle-ci doit respecter certaines dis-
cas d’un parement amont vertical ⎜ ⎟ supportant un remblai hori-
⎝ 2⎠ positions concernant la largeur de la semelle(1) et si des tractions
zontal (b = 0) non surchargé et sans venue d’eau : on prendra existent le ferraillage à la liaison avec la semelle.
(1)
⎛ η ϕ⎞ H2 L = 0,20 + 0,3 H (murs poids – maçonnerie ou béton)
K a = tg2 ⎜ − ⎟ et Fa = K a γ . L = 0,20 + 0,45 H (mur cantilever – béton armé)
⎝ 4 2⎠ 2
Ces 2 murs durent être démolis et reconstruits en béton armé.

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––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– PATHOLOGIES DES MURS DE SOUTÈNEMENT

Remblai

Terrain très
Garde corps stable (rocher)


Propriété voisine Fissures
Renversement

Mur
séparatif
Soutènement

Figure 4 – Mur soutenant un remblai de faible épaisseur

Or, si c’est, la plupart du temps, le cas pour les murs de soutène-


Voierie publique ment réalisés en béton armé, les murs de soutènement en maçon-
nerie dont la réalisation est souvent confiées à de petites entrepri-
Figure 3 – Murs latéraux de l’accès au sous-sol d’une maison ses ou à des artisans, se trouvent, de fait, laissés à l’initiative des
individuelle exécutants.
Il en ressort que si la proportion de sinistres affectant ceux cons-
 Exemple 2 – Une erreur est ainsi souvent commise lorsqu’il truits en béton armé, voire à plus forte raison en béton précon-
s’agit de réaliser un mur à faible distance d’un terrain naturel proche traint, est faible. Par contre, elle est beaucoup plus importante
de la verticale et ayant une très bonne tenue (rochers par exemple pour ce qui concerne les murs de soutènement en maçonnerie.
figure 4). Certains constructeurs, estimant qu’en raison du faible Enfin au regard des nombreux désordres constatés, considérer
volume de remblai et de la qualité du terrain en place la poussée que la conception d’un mur de soutènement même “courant”
sur le mur devait être faible, ne réalisent qu’un ouvrage léger sans peut se dispenser de toute étude serait une erreur.
précaution particulière, alors que celui-ci doit résister à un effet de
coin générant une poussée de même ordre que celle d’un remblai Pour terminer, on indiquera qu’il a été estimé que les sinistres
de même hauteur, mais de largeur quelconque. conséquences d’une absence d’étude sont de l’ordre de 15 %.
Un tel mode de raisonnement et d’exécution à provoqué plusieurs
effondrements dont certains ont donné lieu à mort d’homme.
Dans un tel cas (sauf justification plus précise) il faut calculer la
2.2 Fautes de conception
poussée sur le mur comme si le terrain de bonne tenue n’existait pas
c’est-à-dire comme si le remblai se prolongeait à l’infini derrière le mur. Sans rentrer dans le détail du calcul de dimensionnement d’un
Dans un tel cas une solution pourrait consister à ancrer le mur mur de soutènement, rappelons néanmoins qu’après inventaire et
dans le terrain stable par des tirants. calcul des efforts appliqués, il convient d’assurer la stabilité de
 Exemple 3. Nous nous trouvons dans le cas d’un mur de soutè- l’ouvrage vis-à-vis :
nement ancien de 2,50 m de haut en maçonnerie soutenant un ter- – du renversement ;
rain en pente, le propriétaire voulant l’uniformiser à son niveau supé- – du glissement sur la base ;
rieur fit réaliser sans aucune étude une surélévation de 1,50 m du – d’une rupture du sol d’assise ;
mur ancien, en béton armé et ce, en prenant le mur ancien en – d’un glissement d’ensemble mur/terrain.
tenaille sur 1 m de hauteur (figure 5).
L’effondrement eut lieu lors de l’achèvement du remblai, la rupture Et ce, avec des coefficients de sécurité suffisants et bien entendu
se situant dans la partie inférieure de la maçonnerie. en respectant les règles de construction propres aux matériaux uti-
La poussée se trouvait multipliée par plus de 2 alors que les lisés (béton, béton armé, maçonnerie etc.).
dimensions du mur initial et la contrainte sur le sol étaient déjà insuf-
fisantes au regard des normes actuelles.
Exemple
Aucune étude de l’ensemble du mur ne put être produite. Il s’agit dans ce cas d’une faute de conception d’ensemble de
De tels travaux ne peuvent être entrepris qu’après une étude l’ouvrage constitué par un mur en L à contreforts en béton armé, à
sérieuse comprenant toutes les vérifications de stabilité : parement amont vertical de 12 m de hauteur, et dont la semelle avait
– du mur initial ; une largeur de 4,50 m (figure 6a), le sol d’assise étant de qualité
– de l’ensemble constitué par l’ancien mur et sa surélévation. moyenne, et le terrain retenu (remblai) un tout venant hétérogène,
compacté sans véritable contrôle, pour lequel avait été admis :
& En conclusion – un poids volumique g = 1,8 t/m3 ;
– un angle de frottement interne j = 30 .
Un mur de soutènement doit donc obligatoirement faire l’objet : Et ce probablement sans qu’ait été effectuées a priori des investi-
– d’une étude de sol concernant : gations précises concernant le sol d’assise et encore moins le rem-
 le terrain soutenu et, blai à venir.
 le terrain d’assise ; Très rapidement on constata (hors déformation propre) un faux
aplomb en tête de l’ouvrage de 12 cm, valeur qui d’ailleurs ne se sta-
– d’une étude par un bureau d’études, ou un ingénieur conseil bilisait pas. L’inquiétude fut grande car se trouvait adossé à ce mur un
qualifié, qui établira : note de calculs et plans d’exécution. bâtiment à structure légère.

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PATHOLOGIES DES MURS DE SOUTÈNEMENT –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

Construction ancienne

Q Surélévation
en béton arme

1,50

Effondrement
Terrain 2,50 m
d’origine
Remblai

Mur en
maçonnerie
ancien

Surélévation en
béton armé

aciers
1m

Mur ancien en maçonnerie

Figure 5 – Mur de soutènement ancien surélevé sans étude

& Analyse de l’exemple


Un rapide calcul montra que la résultante des efforts appliqués : Fa
(force de poussée des terres) W (poids du mur) et W ′ (poids des ter- La résultante sortant, de ce fait, du tiers central, soit donc avec
res) sortait du 1/3 central que la contrainte maximale atteinte sous un diagramme triangulaire partiel, le calcul prouve dans ce cas
l’arête aval (plus de 10 bars) excédait très largement la capacité du que la contrainte maximale du sol d’assise sous l’arête aval peut
terrain d’appui (une telle contrainte ne pouvait être acceptable que sous une très faible augmentation de la poussée, croitre très rapi-
dans le cas d’un terrain d’excellente qualité, ce qui aurait imposé un dement ainsi que rotation et flèche en tête (à moins d’un terrain
contrôle à priori rigoureux). La largeur de la semelle avait donc été pratiquement incompressible (rocher par exemple).
très largement sous évaluée (ceci provenant, sans doute, d’une
sous-estimation des poussées et d’une surestimation de la qualité La réfection proposée consista à réaliser une file de pieux sous
du sol d’assise). l’extrémité aval de la semelle et une série de tirants disposés
comme précisé sur la figure 6b.
Ce type d’erreur portant sur le dimensionnement représente 1/4  En conclusion, on retiendra que la stabilité d’un mur de soutè-
environ des sinistres. nement dépend de la compressibilité du terrain d’assise. C’est la
raison pour laquelle le guide UTI [3] indique des règles simples
Remarque
concernant l’excentrement (e) de la résultante des forces :
À titre indicatif, notez que le Guide UTI [3] donne comme ordre
de grandeur de la largeur de la semelle de ce type de mur : B
– terrain incompressible e < ;
0,20 m + 0,45 H (m) soit, donc dans l’exemple 5,60 m, c’est-à- 4
dire 25 % de plus. B
Et, dans le cas d’un mur poids en maçonnerie ou béton armé : – terrain assez compressible e < (c’est-à-dire que la résultante
6
0,20 m + 0,3 H (m).
reste dans le 1/3 central) ;

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Évaluation et contrôle
non destructifs en génie civil
par Jean-Marie CAUSSIGNAC
Directeur de recherche émérite
Retraité de l’Institut français des sciences et technologies des transports, de
l’aménagement et des réseaux (IFSTTAR) Q
Vincent LE CAM
Ingénieur divisionnaire des travaux publics de l’État, Université de Nantes Angers Le
Mans (LUNAM)
IFSTTAR, département Mesure, Auscultation et Calcul scientifique (MACS), Bouguenais

Odile ABRAHAM
Ingénieur divisionnaire des travaux publics de l’État, Université de Nantes Angers Le
Mans (LUNAM)
IFSTTAR, département Mesure, Auscultation et Calcul scientifique (MACS), Bouguenais

Xavier DÉROBERT
Ingénieur divisionnaire des travaux publics de l’État, Université de Nantes Angers Le
Mans (LUNAM)
IFSTTAR, département Mesure, Auscultation et Calcul scientifique (MACS), Bouguenais

et Géraldine VILLAIN
Ingénieur divisionnaire des travaux publics de l’État, Université de Nantes Angers Le
Mans (LUNAM)
IFSTTAR, département Mesure, Auscultation et Calcul scientifique (MACS), Bouguenais

1. Contexte et spécificités du génie civil ....................................... R 1 410 – 3


1.1 Périmètre du champ couvert .............................................................. — 3
1.2 Contexte du milieu d’emploi ............................................................. — 3
1.3 Attentes des gestionnaires d’ouvrages vis-à-vis des méthodes
employées .......................................................................................... — 4
1.4 Adaptation de l’instrumentation ou des systèmes
d’instrumentation aux exigences de chantier du GC ........................ — 4
1.5 Évolution des besoins ........................................................................ — 4
2. Auscultation des structures de génie civil ................................ — 4
2.1 Technique RADAR .............................................................................. — 4
2.2 Techniques ultrasonores .................................................................... — 6
2.3 Utilisation de méthodes non destructives dans le suivi
des dégradations des structures ....................................................... — 12
3. Suivi, aide à la maintenance des structures de GC : réseaux
de capteurs sans fil ........................................................................ — 14
3.1 Un contexte technologique favorable ............................................... — 14
3.2 Apport des capteurs sans fil pour le CND en génie civil .................. — 14
3.3 Capteurs intelligents .......................................................................... — 16
3.4 Nouveaux outils existants : une variété d’offres de solution ........... — 17
3.5 Applications de la plateforme générique « PEGASE » de l’IFSTTAR — 17
3.6 Limites et perspectives ...................................................................... — 18
4. Conclusions et perspectives......................................................... — 19
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. R 1 410

’introduction des END et des CND en génie civil, voire de leur évolution,
L nécessite au préalable d’en rappeler quelques grandes lignes quant à leur
définition et à leur usage. Il s’agit, dans la plupart des cas, d’outils ou de métho-
des de mesure ou de contrôle capables de donner accès à une ou plusieurs
p。イオエゥッョ@Z@、←」・ュ「イ・@RPQS

grandeurs physiques, physico-chimiques ou chimiques caractérisant le phéno-


mène étudié, par l’obtention, soit de valeurs quantitatives, soit d’informations

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ÉVALUATION ET CONTRÔLE NON DESTRUCTIFS EN GÉNIE CIVIL –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

par seuillage de valeurs lorsque l’on s’intéresse à de la détection d’évènements.


Aujourd’hui, la notion d’instrumentation ne se limite plus à « l’instrument »
mais prend en compte le capteur ou le réseau de capteurs, la saisie, la transmis-
sion et le traitement des informations. Elle englobe aussi l’action qui débouche
sur ce système ou ce moyen et la démarche intellectuelle et pratique qui préside
à cette action. Il s’avère nécessaire de concevoir des méthodes, d’imaginer des
moyens, d’inventer des outils d’investigation pour caractériser l’état du sys-


tème, d’agir sur celui-ci, de comprendre son fonctionnement, d’alimenter des
modèles de comportement. Ceci suppose de mener une réflexion globale sur
le système prenant en compte la réflexion cognitive et les outils de mesure ou
d’investigation. Dans ce contexte, la physique de l’onde et de son interaction
avec l’ouvrage doit être maı̂trisée, de même que la génération de cette onde
et l’interprétation de ce que l’on en mesure. De plus, la modélisation, directe
ou inverse, et l’approche multi-échelle sont nécessaires pour mieux concevoir
l’appareillage de génération en optimisant le procédé vis-à-vis de la structure
étudiée et de tirer des observations un maximum d’informations quantitatives,
voire d’aider à la prise de décision.
Selon les niveaux de connaissance, d’apprentissage et d’automatisme com-
muniqués à l’ensemble, on couvre alors le champ communément nommé des
« systèmes intelligents » ou de « smart systems ». Dans la pratique, l’instrumen-
tation peut avoir des finalités variées parmi lesquelles :
– comme moyen de détection et de suivi d’états pathologiques (dégradations,
déformations, fissurations…) de matériaux et/ou de structures ;
– comme outils à demeure et à temps réel ou quasi réel de contrôle de santé
des ouvrages et d’aide à leur maintenance ;
– comme maillon essentiel d’une chaı̂ne d’asservissement, dans le cadre d’un
contrôle actif ou semi-actif d’une structure ;
– comme outil de relevé ou de caractérisation d’un état, d’un comportement
ou d’un niveau de service.
Le génie civil, très réceptif à l’ensemble des moyens lui permettant d’aider à
optimiser une construction en phase de réalisation et ensuite son suivi, à véri-
fier la conformité aux normes en vigueur ou à assurer une maintenance des
structures à court, à moyen et à long terme, utilise maintenant de façon cou-
rante et ciblée les techniques modernes opérationnelles. À titre d’illustration,
certaines techniques END telles que : RADAR, ultrasons, tomographie sismique,
ultrasonic pulse echo, impact echo et instrumentation sans fil, complétées
d’exemples d’applications, sont présentées ci-après. Sans prétention d’exhaus-
tivité et pour limiter les propos, les méthodes électriques, infrarouges, nucléai-
res, les capteurs à fibres optiques et autres qui font déjà l’objet de nombreuses
publications ne sont pas abordées ici.

Tableau des acronymes


GC Génie civil

END Évaluation non destructive

CND Contrôle non destructif

X Rayons X

g Rayons Gamma

MEMS Microsystèmes électro-mécaniques (Micro-Electro-Mechanical Systems)

MOEMS Microsystèmes opto-électro-mécaniques (Micro-Opto-Electro-Mechanical Systems)

GPR RADAR de pénétration des matériaux et structures (Ground Penetrating RADAR)

EM Ondes électromagnétiques

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SR
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–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– ÉVALUATION ET CONTRÔLE NON DESTRUCTIFS EN GÉNIE CIVIL

Tableau des acronymes (suite)

Ondes P ou ondes L Ondes de compression

Ondes S ou ondes T Ondes de cisaillement

Méthode SASW Méthode d’analyse spectrale des ondes de surface (Spectral Analysis of Surface Waves)

Méthode MASW

UPE
Méthode d’analyse multicanaux des ondes de surface (Multichannel Analysis of Surface Waves)

Écho impulsionnel ultrasonore (Ultrasonic Pulse Echo)



IE Impact Echo

FFT Transformée de Fourier (Fast Fourier Transform)

… Protocoles standard de communication sans fil


Wi-Fi, Bluetooth, Zigbee…

WSN Réseaux de capteurs sans fil (Wireless Sensors Network)

SHM Contrôle de « santé » des structures (Structural Health Monitoring)

NTP Protocole de la base de temps réseau (Network Time Protocol)

TPSN Protocole de la base de temps synchronisée pour les réseaux de capteurs (Timing-sync Protocol for Sensor Network)

TDP Protocole de diffusion de la base de temps (Time Diffusion Protocol)

GPS Positionnement géographique (Geo-Positionning System)

PPS Impulsions par seconde (Pulse Per Second)

UTC Base de temps universelle

BDD Base de données

OS Base de données embarquée au sein d’un capteur et compatible avec un ordinateur

PEGASE Plateforme experte générique pour applications sans fil embarquées

1. Contexte et spécificités 1.2 Contexte du milieu d’emploi


du génie civil Le plus souvent, les matériaux et structures de GC sont peu coo-
pératifs à la mesure. L’auscultation de tels milieux suppose l’emploi
d’outils physiques de contrôle de surface et/ou de volume, selon
les cas, si possible non destructifs. Dans ce cadre, les ondes, tant
1.1 Périmètre du champ couvert mécaniques qu’électromagnétiques, offrent des possibilités dont
les applications opérationnelles occupent aujourd’hui une place de
Le champ couvert par le génie civil (GC) est très vaste. Il s’étend
choix. Toutefois, il faut noter qu’il s’agit de milieux généralement
des matériaux et structures et de leur comportement à la sécurité
hétérogènes, peu transparents à tous ces types d’ondes ; seules
routière, aux transports ainsi qu’à l’environnement. Pratiquement
on y trouve tous les métiers, des plus imposants, comme les terras- quelques fréquences d’onde sont autorisées, qu’il s’agisse
sements, les constructions de grands ouvrages, aux plus spécialisés d’ondes mécaniques type ultrasons ou d’ondes électromagnéti-
dès qu’il s’agit de diagnostic, de maintenance, d’entretien, de suivi, ques (X, RADAR, IR, UV, visible…). Bien entendu, il arrive, parfois,
d’instrumentation, d’outils d’aide à la décision. Dans ce contexte que l’on ait recours à des ondes plus « dures » type g ou des
varié, l’évolution de la normalisation, de la qualité exigée en matière champs magnétiques intenses pour disposer d’un pouvoir de péné-
de construction et de niveau de service des infrastructures, les tech- tration dans le matériau plus important. Pour des questions d’envi-
niques de mesure et de contrôle mises à disposition des gestionnai- ronnement et de mise en œuvre, l’usage de ces techniques reste
res deviennent de plus en plus sophistiquées. Elles leur permettent très limité. Parallèlement, les instruments en utilisation opération-
ainsi une meilleure connaissance des ouvrages dont ils ont la charge nelle sont soumis aux facteurs agressifs de toutes natures : pous-
et une aide efficace à leur suivi dans le temps. De fait, pour couvrir sières, température, hygrométrie, acidité ou basicité, parasites élec-
les besoins en pleine évolution que l’on constate aujourd’hui, les tromagnétiques, sels de déverglaçage en viabilité hivernale… Il est
techniques CND doivent s’adapter au quotidien autant que faire se donc indispensable d’appliquer des protections efficaces aux cap-
peut aux exigences utilisatrices. Cela suppose des améliorations teurs sans pour autant affecter l’information qu’ils sont censés déli-
substantielles, voire des sauts technologiques, quant à la conception vrer. C’est la raison pour laquelle un effort particulier est porté sur
des nouveaux outils physiques de CND ou à la modernisation de le conditionnement de l’instrumentation et son adaptation au site
techniques existantes. et sur l’optimisation du fonctionnement de la chaı̂ne de mesure.

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ÉVALUATION ET CONTRÔLE NON DESTRUCTIFS EN GÉNIE CIVIL –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

1.3 Attentes des gestionnaires de disposer de véritables cartes de santé consultables en temps
réel ou à la demande au cours de la vie des ouvrages.
d’ouvrages vis-à-vis des méthodes
employées
En conclusion, ces généralités montrent l’importance des sys-
Les utilisateurs attendent de ces méthodes une aide pertinente à tèmes d’instrumentation et des techniques CND dans la chaı̂ne
la gestion et à la prise de décision en matière de sécurité, d’envi- globale depuis la conception, la construction et le suivi de la
ronnement, de maintenance ou d’entretien et de réparation. Ils vie d’un ouvrage. Les quelques exemples qui vont suivre, non
attendent aussi que l’instrumentation leur fournisse une informa- exhaustifs, ont pour but d’illustrer très partiellement ces


tion directement exploitable en termes de propriété d’usage repré- propos.
sentative du phénomène étudié, de niveau de service ou de confor-
mité aux notes de calcul. Le plus souvent, une information globale
intégrant des mesures locales est recherchée. De même, le passage
du microscopique au macroscopique où l’échantillonnage repré-
sentatif proche du besoin, obtenu à l’aide d’un système d’instru-
2. Auscultation
mentation, présente un intérêt accru pour l’utilisateur. Ces attentes
ont une incidence directe sur la conception, la réalisation, la mise
des structures de génie
en œuvre et les performances des moyens de mesure employés. civil
1.4 Adaptation de l’instrumentation
ou des systèmes d’instrumentation 2.1 Technique RADAR
aux exigences de chantier du GC La technique RADAR (ou ground-penetrating RADAR, GPR) fait
partie des techniques d’auscultation polyvalente non destructives,
Les exigences ou attentes des utilisateurs en matière de métho-
qui peut être sans contact et à grand rendement, dont la principale
des CND ou d’instrumentations opérationnelles appliquées au GC
application est liée à l’information géométrique, sous la forme de
sont les suivantes :
localisation d’hétérogénéités internes ou de mesures d’épaisseur
– facilité et rapidité de mise en œuvre ; de matériaux ou d’éléments de structure [1]. L’avantage essentiel
– équipements non intrusifs ; de cette technique est de pouvoir pratiquer les auscultations direc-
– coût compétitif ; tement à partir de la surface des matériaux et structures, sans obli-
– consommation énergétique très limitée, voire quasiment nulle ; gation d’aménagement particulier. En revanche, les performances
– automatisation de la saisie, du dépouillement et de l’exploita- métrologiques dépendent des caractéristiques du milieu de propa-
tion des données ; gation, de la profondeur de pénétration des ondes et des fréquen-
– communication sans fil et possibilité de pilotage à distance ; ces utilisées.
– simplicité et miniaturisation des dispositifs de saisie d’informa-
tions sur le terrain lorsqu’ils sont à demeure, avec possibilité de 2.1.1 Principe
traitement local pour ne transmettre au superviseur que des infor-
mations utiles ; L’antenne RADAR est composée d’une antenne émettrice et d’une
– bonne robustesse et fiabilité à long, voire à très long terme ; antenne réceptrice, généralement disposées dans un seul boı̂tier.
– obtention d’une information finale délivrée par la chaı̂ne de La première émet des impulsions électromagnétiques (EM) qui se
mesure proche de la propriété d’usage moyennant une exploitation réfléchissent partiellement sur des hétérogénéités ou des interfaces
des données conduite à l’aide de modélisations et de codes de cal- de couches ayant des propriétés diélectriques différentes. Les
cul pertinents ; échos successifs sont enregistrés à travers la mesure de signaux
– enfin, transparence des outils pour l’utilisateur non spécialiste. temporels. La vitesse v des impulsions est liée à la constante dié-
lectrique e′r du milieu ausculté par l’équation :
Par ailleurs, le sans contact, le temps réel, le grand rendement sont
autant d’atouts qui apportent une valeur ajoutée supplémentaire.
c
v=
εr′
1.5 Évolution des besoins
L’évolution des besoins telle qu’elle se dessine aujourd’hui avec c vitesse de la lumière.
concerne la détection précoce de défauts ou de dysfonctionnements
de structure, le contrôle de conformité à un cahier des charges qui, L’acquisition de nombreux signaux temporels, lors du déplace-
au fil du temps, se complexifie, la mise en œuvre et l’utilisation pro- ment de l’antenne RADAR, permet de créer une coupe-temps (ou
gressive de nouveaux matériaux (par exemple composites) qui profil RADAR). Le retard Dt entre deux échos successifs peut être
nécessitent des approches différentes, le contrôle actif et semi-actif transformé en D d’épaisseur si la vitesse v des ondes RADAR est
des structures pour limiter les effets dynamiques de fatigue dus aux connue (par exemple par calibration sur la structure auscultée) :
actions extérieures, enfin, l’arrivée de nouvelles technologies dont
les potentialités ouvrent des champs d’investigation innovants à v ∆t
forte valeur ajoutée. Les évolutions apparaissent également avec Épaisseur =
2
les nouveaux capteurs et l’introduction « d’intelligence locale ou
déportée », les capteurs à fibres optiques, les micro et nanotechno- Nous devons garder à l’esprit que l’estimation de l’épaisseur
logies (MEMS, MOEMS) qui potentiellement offrent la possibilité reste valable sous l’hypothèse d’une vitesse constante dans le
d’instrumenter les matériaux à cœur à l’échelle de la microporosité, volume étudié (tant en profondeur qu’en position latérale).
la géolocalisation…, mais aussi avec les possibilités accrues des
modélisations et des codes de calcul performants qui permettent 2.1.2 Application aux ouvrages d’art
d’effectuer de la fusion de données… Tout ceci contribue à un bou-
leversement dans les méthodologies de conception, de construction Pour la localisation des renforcements de structures en béton, la
et de gestion. C’est ainsi que les appels d’offres de grands travaux technique GPR est particulièrement adaptée en utilisant des anten-
intègrent maintenant un volet non négligeable pour les systèmes nes de fréquences très élevées (supérieures à 1 GHz) pour avoir
d’instrumentation à demeure permettant aux futurs gestionnaires une résolution spatiale suffisante. Ces antennes doivent également

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–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– ÉVALUATION ET CONTRÔLE NON DESTRUCTIFS EN GÉNIE CIVIL

être blindées et au contact avec la structure auscultée (figure 1). que cela entraı̂ne une résolution inférieure. En particulier, pour une
Ainsi, il est possible d’éviter les échos aériens et d’obtenir une antenne de 500 MHz, la précision attendue est approximativement
meilleure profondeur de pénétration des ondes RADAR. de +/- 5 cm à 150 cm de profondeur. Les écarts éventuels à ces
valeurs dépendent de l’humidité du béton, de la teneur en chlorures
La localisation des hétérogénéités est obtenue et visualisée soit à ou autres.
partir de profils GPR élémentaires, soit à partir de plusieurs profils
parallèles permettant la reconstruction numérique de cartographies
RADAR (figure 2). Dans le premier cas, chaque hyperbole repré- 2.1.3 Application aux chaussées
sente une armature (passive ou active) ; dans le deuxième, la carto-


graphie RADAR, l’étendue et la forme des renforcements détectés. Les problématiques principales, dans le domaine routier, portent
sur deux points. Le premier, le plus courant depuis une vingtaine
Dans le cadre de ce type d’application, pour des antennes de fré- d’années, concerne la mesure des épaisseurs de couches de chaus-
quence centrale de 1,5 GHz, la précision peut être considérée comme sées. La demande est double : soit sur chaussées neuves, en récep-
proportionnelle à la profondeur de pénétration et atteint +/- 2 cm à tion de chantier pour vérifier que les épaisseurs des différentes
40 cm, même si elle se situe autour de 5 mm pour des profondeurs couches entrent bien dans les tolérances imposées par le marché,
de 5 cm. Pour des auscultations RADAR à des profondeurs plus soit sur chaussées en service, dont les structures ne sont pas
importantes, il faut utiliser des antennes basses fréquences, sachant connues (archives manquantes ou imprécises) pour un calcul de
dimensionnement ou de redimensionnement (si la chaussée est
amenée à changer de classe de trafic).
Le deuxième, beaucoup plus récent, porte sur la détection de zones
décollées entre couches traitées. Celles-ci sont soumises à des
contraintes importantes sous les charges du trafic et leurs épaisseurs
conjointes permettent de supporter ces charges tout en ramenant la
pression, due à ces dernières, à des niveaux acceptables à l’interface
supérieure des couches non traitées. En présence de décollement, la
transmission des contraintes ne se fait plus d’une couche traitée à
l’autre, ce qui accélère fortement l’apparition puis la remontée de fis-
sures, entraı̂nant une dégradation rapide de la zone. La lame d’air ou
zone de transition (pouvant être due à la décohésion des granulats)
induit des réflexions d’amplitude différentes sur les échos RADAR, et
ce d’autant plus si de l’eau s’y retrouve piégée.
Les profils RADAR longitudinaux sont réalisés au centre de chaque
voie ou au niveau des axes de roulement. La figure 3 présente un
exemple de profil réalisé sur un linéaire supérieur à 200 m, incluant
un passage sur ouvrage. Le profil est alors décomposé en zones
homogènes, pour lesquelles il est nécessaire de réaliser un étalon-
nage (généralement par sondage destructif) pour remonter aux diffé-
rentes vitesses de propagation par couches. Il est alors possible, à par-
tir d’un traitement particulier des données, de pointer les temps de
Figure 1 – Inspection RADAR sur une poutre d’ouvrage en béton propagation (généralement le maximum des échos) pour en déduire
précontraint des épaisseurs. Les plus hautes fréquences d’antennes actuellement

a profil radar b cartographie radar obtenue à partir de nombreux profils parallèles

Figure 2 – Exemples de mesures RADAR, réalisées à 1,5 GHz, sur une poutre de béton précontraint (DLR Saint-Brieuc)

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Toitures terrasses :
pathologie de l’étanchéité

par Claude SAINT MARTIN
Ingénieur Bâtiment Ville de Paris

1. Intérêt de conserver l’ancienne étanchéité ............................... C 7 125 – 2


2. Désordres spécifiques des toitures terrasses ........................... — 2
2.1 Mouvements des supports en béton ................................................. — 2
2.2 Chocs thermiques............................................................................... — 2
2.3 Produits d’étanchéité.......................................................................... — 2
2.4 Étude des contraintes liées à la conservation de l’ancienne
étanchéité ........................................................................................... — 2
3. Revêtements d’étanchéité existants ........................................... — 3
3.1 Étude pour la conservation de l’ancienne étanchéité ....................... — 3
3.2 Étude de la dépose de l’ancienne étanchéité .................................... — 3
3.3 Revêtements conservés sur les parties courantes ............................ — 3
3.4 Anciens relevés d’étanchéité conservés ............................................ — 3
3.5 Isolant thermique et pare-vapeur sur existant .................................. — 4
4. Interventions complémentaires ................................................... — 4
4.1 Ouvrages annexes existants .............................................................. — 4
4.2 Jardins sur terrasses .......................................................................... — 4
4.3 Hauteur des reliefs servant de garde-corps ...................................... — 4
4.4 Travaux préparatoires avant réfection de l’étanchéité ...................... — 4
5. Isolants thermiques des terrasses ............................................... — 4
5.1 Isolants ............................................................................................... — 4
5.2 Toiture inversée .................................................................................. — 5
6. Mise en conformité des reliefs..................................................... — 5
6.1 Point faible de l’étanchéité : les relevés ............................................ — 5
6.2 Rehausse de l’acrotère ....................................................................... — 5
7. Produits d’étanchéité innovants .................................................. — 5
8. Entretien des toitures terrasses .................................................. — 6
8.1 Durées de vie des étanchéités ........................................................... — 7
8.2 Entretien des étanchéités ................................................................... — 7
8.3 Rapport d’entretien............................................................................. — 7
9. Conclusion........................................................................................ — 7
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. C 7125

l est de fait que les toitures terrasses semblent avoir posé problème dès les
I premières réalisations. La fuite de terrasse est une pathologie récurrente
dans le monde du bâtiment et, singulièrement, dans celui de l’étanchéité.
Pourtant ce type de toiture est en vogue depuis plus d’un siècle. Son succès
est dû notamment au développement du béton armé et au renouvellement du
style architectural au début et au milieu du 20e siècle.
Il faut reconnaı̂tre que la toiture terrasse est particulièrement attractive en rai-
son de son coût d’investissement peu élevé. En effet, il suffit d’habiller le plan-
cher à dernier étage d’une étanchéité et d’une protection. Il n’est pas besoin de
charpente, ni de tuiles, ni d’autres matériaux de couvertures. De plus, et sans
frais excessifs, il est possible de surélever éventuellement le bâtiment d’un ou
deux niveaux sous réserve de vérification des structures. Enfin, la réfection de
p。イオエゥッョ@Z@ョッカ・ュ「イ・@RPPX

l’étanchéité est relativement facile à réaliser, et donc moins onéreuse que le


remplacement de la couverture traditionnelle.

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est strictement interdite. – © Editions T.I. C7125 – 1

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TOITURES TERRASSES : PATHOLOGIE DE L’ÉTANCHÉITÉ –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

Malgré les nombreuses pathologies bien connues, et les déboires des occu-
pants et des gestionnaires, ces avantages économiques ont largement favorisé
le développement de la toiture terrasse sous toutes les latitudes. À ce sujet, les
compagnies d’assurances constatent et font savoir que de nombreux sinistres
du bâtiment concernent des fuites de terrasses, et que celles-ci sont surtout
situées au niveau des relevés d’étanchéité.
Toute l’importance de la pathologie de l’étanchéité des toitures terrasses


apparaı̂t dans ce dossier.

support. Les causes de ces désordres sont d’origine mécanique tel-


1. Intérêt de conserver les : déformation excessive de la dalle de plancher et de l’acrotère
l’ancienne étanchéité par suite d’un tassement différentiel de l’ouvrage, d’un retrait lors
du séchage du béton ou encore du fluage de ce dernier.

Au plan économique, il est certain que la dépose de l’ancienne


étanchéité est une opération onéreuse qui peut être assez souvent 2.2 Chocs thermiques
évitée. Cette dépose comprend les travaux d’arrachage des parties
courantes et des relevés, l’isolant thermique et les protections, le Ceux-ci occasionnent également des désordres au droit des plan-
nettoyage et l’enlèvement des gravois à la décharge publique. chers par cisaillement, des « coups de sabre » en acrotère, des
Naturellement, il convient d’ajouter à ce bilan la fourniture et la « poussées au vide », et aussi, parfois, la rotation d’appui avec
pose d’un nouveau pare-vapeur. apparition de fissures sous chaı̂nages.
Notre expérience permet de signaler que la fatalité fait parfois C’est l’ensemble de ces mouvements dans la structure qui occa-
qu’une bonne averse occasionne un sérieux sinistre dégât des sionne des fissures dans l’étanchéité, et surtout l’arrachage des
eaux à dernier étage, ce juste après la dépose de l’étanchéité et du relevés. Les sinistres s’expliquent en grande partie par ce phéno-
pare-vapeur ! mène d’origine mécanique lié aux chocs thermiques. L’isolation
thermique des toitures terrasses va résoudre partiellement ce diffi-
cile problème d’étanchéité en limitant le phénomène de dilatation.
En conclusion : la conservation de l’étanchéité (si, et seule-
ment si, elle est possible) semble la solution la plus écono-
mique, car ainsi on : 2.3 Produits d’étanchéité
– économise les frais de dépose de l’étanchéité (Lapalissade !) ;
– diminue la durée du chantier (gain de temps) ; Ces produits étaient constitués de bitumes oxydés ayant la parti-
– économise la pose d’un pare-vapeur, (puisque l’ancienne cularité de se dégrader assez rapidement sous l’action des rayons
étanchéité va jouer ce rôle) ; UV et, par suite, de se fissurer. Actuellement, les membranes les
– supprime les risques liés aux intempéries (sinistres). plus connues contiennent des bitumes modifiés de type élasto-
mère : SBS (styrène-butadiène séquencé) avec une armature. En
raison de leur élasticité, ces membranes sont plus résistantes aux
Lors de la réfection d’une étanchéité, il existe 2 solutions :
efforts mécaniques et aux agressions climatiques (dont les UV).
– suppression du complexe et de l’isolant, et on revient au cas
Il est recommandé d’utiliser des chapes de forte épaisseur, riches
des travaux neufs. Dans ce cas, il est conseillé de se reporter au
DTU 43 - 1 à 4, et aux dossiers des TI [1] et [2] de la [Doc. C 7 125] ; en bitume élastomère, permettant de bonnes soudures et une
– conservation de l’ancienne étanchéité pour servir de pare-vapeur adhérence durable. De plus, en raison de leur élasticité, les gorges
à la nouvelle. C’est cette solution qui a été préconisée plus haut. des reliefs résistent mieux aux mouvements de cisaillement du
support. Des armatures en voiles de verre ou en polyesters non tis-
sés confèrent une bonne résistance à la chape.
À noter que lors d’une seconde opération de réfection, la
dépose complète du complexe est obligatoire, et, dans ce cas,
on revient aux travaux neufs.
2.4 Étude des contraintes
Il nous faut à présent étudier les conditions de réalisation de ce
liées à la conservation
projet. de l’ancienne étanchéité
La réponse à cette recherche est donnée par le D.T.U. n 43 – 5.
Travaux de Bâtiments.
2. Désordres spécifiques Intitulé : Réfection des ouvrages d’étanchéité des toitures terrasses.

des toitures terrasses Le document comprend 2 parties :


– cahier des clauses techniques ;
– cahier des clauses spéciales.
2.1 Mouvements des supports en béton C’est une norme française, son indice de classement porte les
La pathologie des étanchéités sur dalles et murs d’acrotères en numéros :
béton s’explique notamment par la variation dimensionnelle du NF : P 84.208 – 1 et P 84.208 – 2

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Pathologie des structures en bois

par Jean-Pierre BIGER



Ingénieur de l’École supérieure du bois
Spécialiste en structures bois au Bureau Veritas

1. Introduction............................................................................................... C 2 450 - 2
2. Charpentes traditionnelles.................................................................... — 2
2.1 Déformations de toitures ............................................................................ — 2
2.2 Déformation et fissuration de solive.......................................................... — 2
2.3 Ruptures différées dues aux défauts du bois............................................ — 3
2.4 Rupture d’assemblage ................................................................................ — 4
2.5 Dégradations d’origine biologique ............................................................ — 4
3. Charpentes légères.................................................................................. — 6
3.1 Flambement de fermettes........................................................................... — 6
3.2 Décalage d’appuis de poutrelles ................................................................ — 7
3.3 Déversement de portique ........................................................................... — 8
3.4 Instabilités de maisons à ossature bois..................................................... — 8
4. Charpentes en lamellé-collé.................................................................. — 9
4.1 Autocintrage de reins de portiques............................................................ — 9
4.2 Fissuration de poutres courbes .................................................................. — 9
4.3 Autres cas de fissuration............................................................................. — 10
4.4 Charges hydrostatiques .............................................................................. — 10
4.5 Assemblages................................................................................................ — 11
4.6 Ancrages....................................................................................................... — 12
4.7 Montage ....................................................................................................... — 13
5. Causes exceptionnelles et accidentelles .......................................... — 14
5.1 Chutes de neige exceptionnelles................................................................ — 14
5.2 Cyclones ....................................................................................................... — 14
5.3 Feu ................................................................................................................ — 15
5.4 Séisme .......................................................................................................... — 16
6. Conclusion ................................................................................................. — 16
Pour en savoir plus........................................................................................... Doc. C 2 450

es structures en bois ont démontré leur capacité à braver les siècles, mais
L ce privilège n’est pas donné à toutes. D’après les statistiques, la sinistralité
des structures bois ne représente que 3 % de la sinistralité totale de la construc-
tion. Toutefois, certains cas sortant de l’ordinaire échappent à cette analyse.
Qu’il s’agisse de charpente traditionnelle, de charpente légère, ou de charpente
en lamellé-collé, les erreurs de conception, de fabrication, de mise en œuvre,
ou les circonstances exceptionnelles et accidentelles, sont les genres auxquels
se rattachent habituellement les causes de pathologie. La pathologie des char-
pentes en bois trouve paradoxalement l’une de ses principales sources dans les
règles de calcul et de conception elles-mêmes.
Les effets de la traction transversale, les effets d’échelle, les effets de durée
de chargement, les effets du glissement des assemblages, l’effet d’autocintrage...
sont sous-estimés, voire ignorés, par les Règles de calcul et de conception en
p。イオエゥッョ@Z@。ッエ@QYYW

vigueur depuis 1971. À ces lacunes correspond le genre inattendu des « sinistres
réglementaires ».

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© Techniques de l’Ingénieur, traité Construction C 2 450 − 1

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PATHOLOGIE DES STRUCTURES EN BOIS ___________________________________________________________________________________________________

Figure A – Halle de Méreville (Orléans)

La détection de ces anomalies a suscité la réflexion des ingénieurs, des pro-


fessionnels, des scientifiques porteurs de la nouvelle approche du matériau bois
développée dans le cadre européen, ce qui a permis de corriger les dispositions
de construction ou de calcul défaillantes [1] [14].
Messieurs Gras et Renou de Saretec, Mainnevrey du Cabinet Cerruti, Amilhau de la SCOR,
Loutrel des Établissements Renofors, Simonneau des Établissements Simmonneau, Briand,
Blanc, Czeszynski, Dupont, Lebeau, Le Bris, Letort, Marchand, Ménard, Sens du Bureau Veritas,
ont contribué à la collecte des illustrations et des informations présentées dans le présent
document. L’auteur les en remercie très vivement.

1. Sinistrabilité 2.1 Déformations de toitures


La déformation de toiture de la figure 1a est presque imper-
Si certaines structures en bois ont démontré leur capacité à braver ceptible, les rangées de tuiles sont légèrement incurvées vers le bas
les siècles, il en est d’autres qui se sont signalées à l’attention des des versants. Il ne s’agit pas d’un endommagement. Cette toiture
compagnies d’assurances avant le terme de la garantie décennale. permet cependant d’illustrer un défaut de conception ou d’exécution
assez répandu pouvant occasionner des sinistres.
Le taux de sinistralité de la charpente en bois est de 3 % en nombre
et de 2,5 % en coût, par rapport aux sinistres de la construction dont La charpente qui supporte cette toiture se compose très norma-
le coût est compris entre 5 kF et 1 MF (cf. Tableau A en [Doc. C 2 450]). lement de chevrons et de pannes supportées par les pignons et une
À titre de comparaison, le taux de sinistralité des façades est de 12 % ferme centrale.
et celui des couvertures de 25 %. Une partie de la charge des versants descend, par compression
Il s’agit en général de défaillances d’ouvrages de petites et des chevrons, vers la sablière, et passe à la maçonnerie. Toute
moyennes dimensions, ou bien d’endommagements locaux affec- faiblesse des fixations des chevrons à la sablière ou de la sablière
tant des ouvrages plus importants. à la maçonnerie provoque des glissements qui ont pour effets simul-
tanés la diminution de la compression des chevrons et la sollicitation
Les statistiques concernant les sinistres de plus de 1 MF ne sont des pannes en flexion transversale (figure 1b). C’est cette flexion
pas établies ou ne sont pas divulguées. Ces cas de pathologie sont transversale des pannes qui incurve les rangées de tuiles.
rares, il peut s’agir d’ouvrages de grandes dimensions, ou encore
de surfaces commerciales pour lesquelles des dommages immaté-
riels considérables s’ajoutent aux dommages matériéls.
2.2 Déformation et fissuration de solive
La solive de la figure 2a est fortement fléchie, elle est fissurée de
2. Charpentes traditionnelles surcroît. Il ne s’agit pas des conséquences d’un sous-dimension-
nement, mais des effets combinés du fluage et du retrait transversal
consécutifs à la mise en œuvre d’un bois excessivement humide.
La sinistralité de la charpente traditionnelle représente environ Le fluage augmente progressivement avec le temps la déformation
les 2/3 de la sinistralité de la charpente en bois. Les déformations initiale de flexion, jusqu’à ce qu’elle atteigne sa valeur maximale dite
de toitures, les déformations de planchers, les ruptures de pièces de long terme (figure 2b). L’intensité du fluage dépend des condi-
de charpentes, les fissurations et les ruptures d’assemblages, les tions de température et d’humidité, et surtout de leurs variations.
attaques de champignons ou d’insectes, en constituent les traits prin- Le retrait résulte de la perte d’humidité par séchage qui se produit
cipaux. après la mise hors d’eau de l’ouvrage et le début de la saison de

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C 2 450 − 2 © Techniques de l’Ingénieur, traité Construction

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___________________________________________________________________________________________________ PATHOLOGIE DES STRUCTURES EN BOIS

Figure 1 – Déformation de toiture

chauffe. La surface extérieure des bois sèche rapidement et se rétré-


cit, alors que le bois sous-jacent, qui sèche bien plus lentement,
s’oppose au retrait superficiel. Des tensions superficielles perpen- Figure 2 – Déformation et fissuration de solive
diculaires au fil du bois provoquent alors la fissuration radiale des
bois de forte section (figure 2c ).
La résistance des éléments de charpente et des assemblages à
l a t r a c t i o n p e r p e n d i c u l a i r e a u fi l d u b o i s e s t f a i b l e
comparativement à leur résistance à la traction axiale. Par ailleurs,
2.3 Ruptures différées la résistance du bois à la rupture instantanée (ou
dues aux défauts du bois expérimentale) [2], est supérieure à sa résistance à long terme,
sous charges permanentes par exemple. Il s’agit en quelque sorte
Les pannes des figures 3 et 4 se sont fissurées et rompues d’une lente propagation de microfissures qui finissent par atteindre
quelques années après leur mise en œuvre. Des transferts de charges la taille critique à partir de laquelle leur propagation s’accélère
sur les éléments voisins ont évité leur effondrement. La fissure de brusquement. Au-delà d’un seuil de chargement permanent de
la première panne (figure 3) se situe à proximité d’un nœud de forte 50 % de la charge de rupture instantanée, la durée de vie se situe
taille placé près de la rive. entre quelques centaines d’années et quelques minutes. La disper-
sion de la résistance à la rupture du bois se traduit alors par une
La fissure de la seconde panne (figure 4) s’est produite dans une
dispersion bien plus accentuée des durées de vie. La résistance à
zone où la pente de fil est importante. Des défauts tels que les nœuds
la rupture du bois sous la combinaison d’un chargement perma-
et l’inclinaison du fil provoquent localement des contraintes de trac-
nent de taux supérieur à 50 % et d’un chargement variable de
tion transversale représentées schématiquement sur les figures 3b
courte durée est elle aussi diminuée, mais de manière moins pro-
et 4b.
noncée. On trouve dans l’Eurocode 5 des coefficients de réduction
L’entrait de ferme de la figure 5, s’est rompu à l’emplacement d’un qui traduisent l’influence de la durée de chargement sur la résis-
nœud de grande taille, plus d’une centaine d’années après sa mise tance du bois.
en œuvre.

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PATHOLOGIE DES STRUCTURES EN BOIS ___________________________________________________________________________________________________

Figure 5 – Rupture différée d’un entrait de ferme

La présence de nœuds de grande taille, de pente de fil, d’entailles,


d’éléments d’assemblage, est susceptible de créer localement des
contraintes de traction transversale dépassant le seuil fatidique des
50 % de la contrainte de rupture instantanée.
Il est souhaitable que les critères de classement des bois prennent
suffisamment en considération ce risque particulier.
Les principales précautions à prendre sont le tri des bois et la véri-
fication de la conception des assemblages d’après l’expérience de
leur comportement in situ [1], et au besoin par la voie expérimentale.
Figure 3 – Rupture de panne causée par un nœud

2.4 Rupture d’assemblage


L’assemblage de la figure 6a est l’assemblage du poinçon sur
l’entrait d’une ferme latine traditionnelle. L’assemblage s’est ouvert,
le poinçon s’est fissuré, et la suspente métallique s’est engravée dans
le dessous de l’entrait ; cette rupture est due à une erreur de
conception.
L’erreur a été d’attacher les diagonales situées de part et d’autre
du poinçon sur l’entrait, ce qui eut pour effet de surcharger la
suspente de l’entrait sur le poinçon bien au-delà de sa capacité
(figure 6b ).
La disposition constructive correcte qui consiste à attacher les dia-
gonales sur le poinçon est indiquée figure 6 c, elle évite de sur-
charger la suspente de l’entrait.

2.5 Dégradations d’origine biologique


Le plancher en résineux de la figure 7 a subi l’attaque d’un insecte
spécialisé dans les essences résineuses : le capricorne. L’extrémité
de la poutre en chêne très ancienne de la figure 8 a été dégradée
par un autre insecte spécialisé dans les feuillus : le lyctus. Les larves
de ces insectes demeurent pendant plusieurs années à l’intérieur du
bois, où elles creusent des galeries pour se nourrir, avant de sortir
pour se reproduire. Les dégâts causés par les insectes s’accroissent
avec le temps, leur cycle de reproduction étant de cinq à sept ans
dans les conditions normales. Les précautions à prendre pour pré-
munir les charpentes contre ces attaques sont de traiter les bois rési-
neux par des produits spécifiques, et de purger l’aubier des bois de
chêne.
Figure 4 – Rupture de panne causée par l’inclinaison du fil

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Pathologies des fondations

par Jean DELEFOSSE



Ingénieur ETP - Diplômé du Centre des Hautes Études de la Construction
Expert de justice (H)

1. Différentes pathologies suivant leurs origines .............................. C 7 301 - 2


1.1 Absence de reconnaissance et/ou d’étude de sol
(ou incomplètes ou erronées) .................................................................... — 2
1.2 Méconnaissance des propriétés et des phénomènes (physiques,
chimiques) des sols d’appui....................................................................... — 4
1.3 Fautes de conception.................................................................................. — 6
1.4 Défauts d’exécution .................................................................................... — 11
1.5 Modification des conditions initiales......................................................... — 13
1.6 Attaques par le milieu. Eaux agressives ................................................... — 19
2. Quelques cas particuliers...................................................................... — 22
2.1 Zones sismiques ......................................................................................... — 22
2.2 Sécheresse................................................................................................... — 22
2.3 Plantations-Végétation ............................................................................... — 25
2.4 Creusement d’un tunnel ............................................................................. — 25
3. Quelques pathologies fréquentes propres
à certains types de fondations ............................................................ — 25
3.1 Radiers ......................................................................................................... — 27
3.2 Dallages ....................................................................................................... — 29
3.3 Pieux............................................................................................................. — 29
4. Recommandations (enseignements à tirer) ..................................... — 31
4.1 Cas général .................................................................................................. — 31
4.2 Quelques cas particuliers ........................................................................... — 32
5. Conclusion................................................................................................. — 37
6. Glossaire .................................................................................................... — 38
Pour en savoir plus ......................................................................................... Doc. C 7 301

l convient tout d’abord de préciser au lecteur qu’il ne s’agit pas là d’une


I étude théorique mais, au contraire d’une étude, établie à partir de constats
effectués lors de nombreux sinistres et expertises.
Le lecteur admettra donc aisément qu’une telle étude ne peut guère être
exhaustive.
En première analyse, il ressort que la proportion de désordres de fondation
affectant les ouvrages de faible importance, telles que les maisons indivi-
duelles, est la plus élevée ceci tenant au fait que les études de constructions
plus importantes sont, en général, confiées à un bureau d’études ; un orga-
nisme spécialisé étant d’autre part chargé du contrôle des études et des
travaux.
Si les désordres de fondations sont relativement rares en raison des coeffi-
cients de sécurité à appliquer, tant sur les capacités du sol, que sur celles des
p。イオエゥッョ@Z@ウ・ーエ・ュ「イ・@RPQY

matériaux (béton, acier), ils ont en revanche parfois des conséquences finan-
cières très lourdes.

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TS
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PATHOLOGIES DES FONDATIONS ______________________________________________________________________________________________________

Dans cette étude, nous avons cherché à classer les différentes pathologies
des fondations à partir de leur origine ou de leur cause.
Nous verrons que les sinistres que nous avons examinés étaient la plupart
du temps aisément évitables car tenant au non-respect de principes
élémentaires.
Enfin, pour clore cette étude, nous chercherons à en tirer des enseignements


pouvant être utiles aux constructeurs.

1. Différentes pathologies 1.1.1 Fondations sur remblai

suivant leurs origines Soit l’exemple d’une maison individuelle de bel aspect n’ayant
fait l’objet d’aucune étude de sol préalable au motif que le sol
d’appui était, au dire du constructeur, « convenable » (sic), en fait
1.1 Absence de reconnaissance constitué de remblais récents, certes de qualité, mais non com-
et/ou d’étude de sol (ou incomplètes pactés et reposant sur 1 m environ de terre végétale (cf figure 1).
ou erronées) Bien entendu, des tassements – importants, différentiels d’ail-
leurs – eurent lieu, d’où de nombreuses fissures nécessitant une
Il est indéniable qu’il s’agit là de l’origine la plus fréquente des reprise en sous-œuvre de l’ouvrage par micropieux.
désordres de fondation.
Concepteurs et projeteurs de l’ouvrage à construire doivent 1.1.2 Fondations sur remblai, lui-même sur tourbe
connaître les caractéristiques du (ou des) sol(s) d’assise et du (ou
des) sol(s) retenus ce qui suppose qu’il faut au préalable les avoir Nous citerons également le cas de cette maison individuelle
déterminées par sondages, mesures et essais. reposant sur un remblai ancien de très bonne qualité (déchets de
Le temps n’est pas si lointain où le taux de travail du sol était quartzite), mais disposé sur une couche de tourbe d’épaisseur iné-
fixé par un simple coup de talon donné à fond de fouille par gale et qui fût, bien sûr, affectée de désordres divers, consé-
l’ingénieur chargé de l’ouvrage. quence de tassements différentiels (cf. figure 2) nécessitant une
reprise par micropieux.
On cite souvent comme exemples de ce type de désordre le
théâtre de la ville de Mexico qui s’est enfoncé de près de 10 m et le
barrage voûte de Malpasset qui s’est effondré faisant plus de 1.1.3 Bâtiments fondés sur une couche d’assise
400 morts. (remblai) d’épaisseur variable
Si, en ce qui concerne le théâtre de Mexico construit sur un lac
Cet exemple concerne un bâtiment R + 3 dont la construction ne
asséché, en raison de l’époque de sa réalisation, les études ne pou-
fut précédée d’aucune étude de sol, si ce n’est du simple constat
vaient qu’être sommaires, pour le barrage de Malpasset, en revanche,
que le terrain d’assise (sables et graviers) était de « bonne qua-
il s’est révélé que les investigations concernant le terrain d’appui de la
lité » au dire des réalisateurs.
voûte sur ses flancs furent très réduites en raison de leur coût.
Avant la fin de la période décennale il apparut que le bâtiment
Nous exposons ci-après quelques cas de sinistres beaucoup avait pris de la gîte (non uniforme d’ailleurs) mais ce, sans
plus courants. désordres importants (cf. figure 3).

Maison individuelle

Remblais récents non compactés Forts tassements

Terre végétale non décapée 1 m env.


Bon sol

Figure 1 – Fondations sur remblais

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VS

Sables et graviers
t1 t2 (remblai ancien)

h1 < h 2
t1 < t2 h1
Tourbe h2

Bon sol (marne)

Figure 2 – Construction fondée sur remblai (lui-même sur tourbe)

S/S
t1 A B
t2

h1 Gite
Remblai
h2 Risque de
Sol glissement
na ture
l roch
eux Terre végétale
mal décapée
h1 h2

Donc tassement Tassement Bon sol


en A (t1) en B (t2)

Figure 3 – Construction fondée sur remblai lui-même sur un terrain naturel en pente

Des investigations plus sérieuses cette fois prouvèrent que plus, le terrain naturel – bon sol – était en pente et la couche de
l’ouvrage reposait sur un remblai comprenant certes des sables et terre végétale n’avait pas été décapée.
graviers, mais d’épaisseurs inégales et relativement récent. De

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A priori, le bâtiment présentait un risque, non seulement de tas- kage, construit au début des années 1980 sur un ancien site indus-
sements différentiels, ce qui avait bien été le cas, mais également triel, à proximité de Paris, au voisinage d’un canal.
de glissement, ce qui par chance ne s’était pas produit.
Le terrain superficiel était, sur plus d’un mètre, un remblai
D’importants travaux de renforcement de la structure et de récent constitué de gravats de chantier. (cf. figure 7).
reprise en sous-œuvre par micropieux furent nécessaires avant
redressement par vérins connectés et blocage de l’ouvrage avec Il fut donc logiquement décidé de fonder les poteaux de l’entre-
des pieux par précaution. pôt sur puits ou pieux, le dallage devant reposer directement sur
le sol après que, sur une épaisseur d’un mètre environ, celui-ci eut

Q 1.1.4 Fondations sur d’anciennes carrières


Il conviendra d’être particulièrement prudent en présence
été mélangé avec un coulis de ciment.
Au bout de 2 à 3 ans, quelques fissures affectaient le dallage,
fissures considérées d’abord sans gravité qui furent attribuées par
d’anciennes carrières. l’ensemble des intervenants au phénomène de retrait différé,
favorisé par une insuffisance de joints de recoupement et d’arma-
Un bâtiment d’habitation R + 5 de dimensions 30 × 15 m envi- tures de peau du dallage.
ron devait être réalisé à proximité d’une ancienne exploitation, en
principe bien répertoriée sur les plans cadastraux. Toutefois, les désordres en question qui, si tel avait été le cas,
Il fut décidé d’effectuer 4 sondages à 25 m, aux 4 coins du bâti- auraient dû aller en s’estompant, s’aggravaient au contraire rapi-
ment, à la suite desquels il fut déterminé de fonder l’immeuble dement et ce, de manière totalement anarchique ; l’ouverture des
sur 3 files de puits de 12 m reposant sur le calcaire, les couches fissures augmentaient et des soulèvements localisés du dallage
superficielles étant de qualité médiocre (cf. figure 4a). ne tardèrent pas à apparaître.

Les constructeurs pensaient ainsi avoir pris toutes les précau- Un an après la première manifestation du désordre, les soulève-
tions nécessaires. ments de dallage constituaient des « vagues » atteignant, en cer-
tains points, plus de 10 cm et étaient tels qu’il devenait
Or, à peine la réalisation du gros œuvre terminée, d’importantes indispensable d’étayer les étagères industrielles (racks), ceux-ci
fissures apparurent sur le pignon Est. menaçant de s’écrouler avec, évidemment, des risques d’acci-
Il s’avéra que l’appui du puits central de la file support du dents corporels graves pour le personnel d’exploitation.
pignon Est se situait à moins de 1,5 m du ciel de la carrière et
L’entrepôt dut alors être abandonné et reconstruit sur un autre
qu’un fontis était en formation. (cf. figure 4b).
site.
En fait, le contour de la carrière avait été mal reporté sur le plan
sur lequel s’étaient appuyés les réalisateurs pour implanter le L’analyse des prélèvements du sol supportant le dallage permit
bâtiment. de déceler la présence de cristaux d’ettringite et de thaumasite,
matériaux gonflants, tout d’abord sous forme de traces, mais qui
apparurent rapidement en quantité beaucoup plus importante.
1.1.5 Bâtiments de grande longueur On a vu précédemment que le terrain en place comprenait des
Dans le cas des ouvrages de grande longueur, on ne peut se gravats de chantier, donc béton et plâtre, et avait été injecté de
contenter d’une étude de sol ponctuelle comme le montre ciment.
l’exemple suivant. Or, il y avait des circulations d’eau et des remontées de la
Pour un bâtiment de 15 m environ de haut et de 60 m environ nappe phréatique de telle sorte que, les eaux se chargent de sul-
de long, un seul sondage avait été effectué. fate provenant des déchets de plâtre et se fixent sur l’un des com-
posants du liant, l’aluminium trétracalcique hydraté, pour former
Peu de temps après la fin de la construction apparurent pro-
du sulfo-aluminate tricalcique hydraté. C’est l’ettringite primaire
gressivement sur une zone d’une douzaine de mètres de lon-
appelé aussi « sel de Candlot », de formule :
gueur, en partie centrale et inférieure de l’ouvrage, de fines
fissures verticales, et de part et d’autre de cette zone des fissures
de même type mais en partie haute (cf. figure 5).
En fait la qualité du sol d’assise n’était pas homogène, le seul Phénomène bien connu de tous les vieux maçons qui savent
sondage effectué n’avait pas permis de mettre en évidence loca- depuis toujours qu’on ne doit pas mélanger plâtre et ciment.
lement, en partie centrale, la présence d’un sol argileux, des tas-
sements différentiels sont donc à l’origine des désordres La réaction est la suivante :
observés.
Thaumasite (et/ou
Ciment + Sulfate de calcium Ettringite primaire
Ou (plâtre ou gypse)
1.1.6 Glissement de la construction Chaux hydraulique + eau
avec augmentation
de volume H20)
Toujours sans aucune étude préalable, cette autre construction
reposait sur un terrain (sables et graviers) dont la qualité n’était
pas en cause mais qui, lui-même, recouvrait un terrain rocheux Mais, surtout, le phénomène de cristallisation s’accompagne
(calcaire) à forte pente (cf. figure 6). d’une forte expansion (M. Duriez, dans son célèbre « Traité de
De légères venues d’eau dans le terrain d’assise favorisèrent le matériaux de construction » parlait de 300 % ; cette valeur semble
glissement de l’ouvrage, le phénomène fut difficile à traiter, aujourd’hui incertaine.) qui a provoqué la fissuration et le soulève-
nécessitant entre autres la mise en œuvre de pieux inclinés. ment du dallage.
Le principe de réfection fut fort simple, il a suffi de casser le dal-
lage, de substituer au terrain traité, générateur du sinistre, une
1.2 Méconnaissance des propriétés grave ciment traditionnelle, puis de refaire le dallage.
et des phénomènes (physiques, Mais, si le coût des travaux de réfection est resté, somme toute,
chimiques) des sols d’appui relativement modeste (dallage cassé et repris, puis remblai récent
purgé), les pertes d’industrie corrélatives furent, elles, évidem-
Un dallage qui fait des vagues : cet exemple traite d’un dallage ment, d’un tout autre ordre de grandeur (plusieurs dizaines de
d’entrepôt de plusieurs milliers de mètres carrés, destiné au stoc- millions de francs de l’époque).

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Vue de dessus
N Puits
y A
Limite réelle
de la carrière
x

Carrière
B
15 m

RdCh

Limite recensée
sur le plan fourni
Coupe X aux constructeurs

s/sol
Remblai
15 m env

12 m env
Puits

Calcaire
Fontis en formation
15 m env

a coupe X

RdCh

Fissures

s/sol

A B
Remblai

1,5 m env
Calcaire Puits
Carrière
Fontis en formation

b coupe Y

Figure 4 – Construction réalisée sur une ancienne carrière

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60 m env

≈15 m Hall de stockage


Fissures
Remblai récent
(gravats de chantier
Dallage contenant du platre traités
par injection de ciment)

Tassements

1 m env
Sables Sol Sables
et graviers localement et graviers Remblai ancien
argileux pieux

Figure 5 – Bâtiment reposant sur un sol d’assise discontinu


Sables et graviers Remontée
d’eau
Bon sol

Désordres
multiples Figure 7 – Soulèvement de dallage

Légères 1.3.2 Venues d’eau


venues
d’eau Un autre exemple nous est fourni par ce chalet implanté à flanc
de montagne et orienté plein SUD (Cf. figure 9).
Bien que les études de sol aient été correctement réalisées, les
concepteurs n’avaient pas pris en compte l’eau de fonte des
neiges accumulées en façade arrière provoquant des tassements
Terrain sablonneux de celle-ci.
Ter Pour éviter de tels désordres, il convient de réaliser un drainage
rain Gli
roc sse et une dalle imperméable en périphérie de la construction, le drai-
heu me
x nt nage pouvant être à un niveau inférieur à celui des fondations
(cf. figure 59).
Dans le cas présent, il fallut également procéder à la remise à
niveau de la façade arrière grâce à un système de vérins.

1.3.3 Charges extérieures non uniformes


Figure 6 – Glissement d’une construction
Une construction individuelle R + 2 sur sous-sol bâtie à proxi-
mité d’un cours d’eau et desservie par une rampe réalisée a pos-
teriori (cf. figure 10) donna lieu à une expertise délicate.
1.3 Fautes de conception
Le terrain d’assise étant constitué par une couche de limon
Les fautes de conception peuvent être d’origines multiples. vaseux de 10 m d’épaisseur environ, l’entreprise exécutante, sans
étude particulière, décida de fonder l’ouvrage sur un radier de
35 cm d’épaisseur présentant un débord périphérique de 40 cm de
1.3.1 Tassements prévisibles dus large.
à des surcharges externes Moins d’un an après la fin des travaux, d’importants tassements
apparurent, ceux-ci variant de 10 cm à l’angle Sud-Est, à 60 cm à
À titre d’exemple, nous citerons le cas de cet immeuble dont la l’angle Nord-Ouest.
fondation de la façade sur rue se trouvait surchargée par des remblais Les causes en étaient simples :
lourds. De plus, la circulation de poids lourds, à quoi venait s’ajouter
– la couche de limon vaseux à l’origine des tassements ;
(la différence de niveaux du terrain en pied des façades avant et
– le remblai de la rampe venant s’appuyer sur l’important
arrière, (cf. figure 8), entraînèrent des tassements très différentiels
débord du radier (40 cm) justifiant les différences entre les tasse-
entre les deux façades.
ments observés entre l’Est et l’Ouest.
La reprise, délicate, nécessita de :
La façade sur rue dut être reprise en sous-œuvre par micro-
pieux. – mettre en place à travers le radier une vingtaine de micropieux ;
– rétablir l’horizontalité des planchers des étages grâce à un
On retiendra que la détermination des fondations nécessite de ensemble de vérins connectés disposés en partie basse des murs
s’intéresser, non seulement au sol et aux efforts apportés par de façade mis en place dans des logements ad hoc ménagés dans
l’ouvrage, mais également aux efforts extérieurs. lesdits murs.

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1e

Rdch
Circulation
de véhicules lourds Q
Différence de niveau
du terrain entre façades
avant et arrière S/S

Remblais
lourds

A B

Terrain d’assise
Vide sanitaire compressible

Tassement en B > Tassement en A

Figure 8 – Tassements prévisibles dus à des surcharges externes

Chalet de montagne
Neige

Nei
ge

SUD
Vide sanitaire
Eau
de fonte

Terrain
Tassements d’assise
argileux

Figure 9 – Bâtiment subissant des tassements différentiels dus à des venues d’eau non prises en compte

1.3.4 Rupture de pieux obliques Peu de temps après sa réalisation, le mur donna des signes de
basculement, le diagnostic fut assez rapide car malheureusement,
Une société propriétaire d’un terrain en montagne jouxtant une des camions de fort tonnage empruntaient régulièrement ladite
voie de circulation, souhaitait éviter le ravinement du terrain la voie.
surplombant et les chutes de pierres fréquentes, un mur de soutè-
La réfection consista à fixer le mur par des tirants et à recréer
nement en L fut réalisé.
des pieux verticaux car les pieux obliques travaillaient en flexion
Pour s’opposer au basculement du mur, des pieux obliques composée pour laquelle ils n’avaient été, ni calculés, ni armés.
supportant la semelle du mur furent mis en place (figure 11).

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Tassement
de 60 cm
N

Débord du radier 2


A
40 cm environ

Tassement
de 10 cm
Rampe 1
Rampe

P>p

Débord important
Remblai
du radier : 40 cm
S/sol
P p

Radier 35 cm

10 m de limon
Rivière Forts tassements vaseux

a vue de dessus b coupe A

Vérin

Coupure périphérique

Équipage fixé Niche pour vérins


sur le radier S/sol connectés

+ c – rd Sifflet de mortier
en biais 0

Soudure
Éléments de tubes métalliques
Reprise (bouteilles d’air comprimé déclassées)
par micropieux 10 m environ
forés à travers
le radier

Bon sol

c reprise d reprise, coupe

Figure 10 – Expertise d’une construction bâtie à proximité d’un cours d’eau

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Techniques des démolitions


à l’explosif

par Jean BÉNAZET
Ingénieur
Chef de la Division acoustique, vibrations, thermique
et travaux à l’explosif au CEBTP – CEMEREX

1. Méthodes de démolition à l’explosif .................................................. C 5 425 - 2


1.1 Méthodes pratiquées................................................................................... — 2
1.2 Avantages et inconvénients des différentes techniques .......................... — 2
1.2.1 Pour les méthodes universelles des foudroyages
antérieures à 1986 .............................................................................. — 2
1.2.2 Pour les méthodes du foudroyage à la française après 1986 ......... — 3
1.2.3 Pour les méthodes du basculement
à charnière haute développées par le CEMEREX ............................ — 4
2. Montage d’un marché de maîtrise d’œuvre ..................................... — 4
2.1 Maîtres d’ouvrages privés .......................................................................... — 4
2.2 Maîtres d’ouvrages publics......................................................................... — 5
3. Démolitions suivant les méthodes françaises................................. — 6
3.1 Types de démolitions .................................................................................. — 6
3.1.1 Foudroyage intégral (souvent appelé à tort : implosion)................ — 6
3.1.2 Basculement........................................................................................ — 6
3.1.3 Type mixte ou semi-foudroyage ....................................................... — 7
3.2 Préparation des niveaux minés .................................................................. — 7
3.2.1 Affaiblissements mécaniques des niveaux minés et dégraissages — 7
3.2.2 Nettoyage des niveaux affaiblis ........................................................ — 7
3.2.3 Perforation........................................................................................... — 7
3.2.4 Types de protection ............................................................................ — 8
3.2.5 Contraintes liées au minage des éléments à dynamiter ................. — 8
3.3 Recommandations et détail des éléments des boucles pyrotechniques — 10
3.3.1 Principe général et conseils relatifs à la boucle ............................... — 10
3.3.2 Précautions à prendre contre toutes interférences électriques ...... — 11
3.3.3 Éléments pyrotechniques de la boucle de mise à feu ..................... — 12
3.4 Surveillance du chantier ............................................................................. — 13
3.5 Traitement des gravois de la démolition ................................................... — 14
3.5.1 Mise en décharge des gravois........................................................... — 14
3.5.2 Moyens d’évacuations ....................................................................... — 14
3.5.3 Recyclage du béton ............................................................................ — 14
3.5.4 Bâtiments à ossatures métalliques ................................................... — 14
3.6 Principales nuisances .................................................................................. — 14
3.6.1 Poussière ............................................................................................. — 14
3.6.2 Onde de choc aérienne ...................................................................... — 14
3.6.3 Bruit ..................................................................................................... — 14
3.6.4 Projections de matériaux ................................................................... — 15
3.6.5 Vibrations solidiennes engendrées dans le sol................................ — 15
3.7 Inventaire et évaluation des difficultés des démolitions.......................... — 15
3.8 Exemple de la démolition de la tour Bertrand à Lille ............................... — 20
3.8.1 Caractéristiques de la tour ................................................................. — 20
3.8.2 Impératifs de la démolition................................................................ — 20
3.8.3 Choix de la démolition et des exécutants......................................... — 20
3.8.4 Détail de la démolition, de sa préparation et des simulations ....... — 20
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TECHNIQUES DES DÉMOLITIONS À L’EXPLOSIF ______________________________________________________________________________________________

a qualité de la vie et la détérioration des constructions des années 50 ont


L conduit les maîtres d’ouvrages à remodeler leurs patrimoines par des démo-
litions intégrales ou partielles de bâtiments construits dans des sites divers et
souvent très urbanisés.
Ces démolitions sont réalisées d’une façon mécanique ou à l’explosif.
La difficulté des démolitions à l’explosif diminue lorsque celle des démantè-


lements mécaniques augmente.
C’est ainsi qu’avec des hauteurs d’édifices supérieurs à 20 m, la démolition
à l’explosif devient plus adaptée et moins dangereuse que l’abattage sauvage
du type : « démantèlement à la boule, grignotage par pinces à béton ou tout autre
engin souvent utilisé sans considérations des circulaires de sécurité en vigueur ».
Toutefois, la démolition à l’explosif, qui n’offre un danger qu’à la minute du
tir (contrairement au démantèlement mécanique dont les risques sont continus
durant toute la durée du chantier), n’est pas simple. Et l’entrepreneur qui la réalise
doit savoir maîtriser les connaissances :
— générales des explosifs ;
— des lois physiques liées à la dynamique des chutes ;
— de la résistance mécanique des matériaux.
Dans ce qui suit, nous ne développons que la technicité de la démolition par
explosifs. Cela afin de donner aux entrepreneurs et aux maîtres d’ouvrages les
bases des démantèlements du XX e siècle qui s’appliquent :
— aux habitations ;
— aux cheminées ;
— aux aérofrigérants ;
— aux châteaux d’eau ;
— aux blockhaus ;
— aux constructions industrielles (y compris nucléaires).

1. Méthodes de démolition — le foudroyage en pâquerette (figure 2d ) (études pour les


arènes et stades espagnols) ;
à l’explosif — le semi-foudroyage, qui est un mélange simultané des
méthodes précédentes.

1.1 Méthodes pratiquées


1.2 Avantages et inconvénients
L’ingénieur n’avait, jusqu’en 1986, que 2 solutions pour abattre
à l’explosif les constructions :
des différentes techniques
— le foudroyage lent (figure 1a ), qui consiste à effondrer le bâti-
ment sur lui-même en une dizaine de secondes ;
1.2.1 Pour les méthodes universelles
— le basculement de l’édifice au moyen de charnière basse des foudroyages antérieures à 1986
(figure 1b ), après ouverture à l’explosif d’un coin avant (à l’image
du bûcheron qui entame à la hache le bas de l’arbre à abattre). Elles se caractérisent principalement par :
Depuis 1986, le CEBTP-CEMEREX a développé les 5 autres — un abattage par division de gros volumes verticaux ;
méthodes suivantes dont la précision des résultats n’est plus à — une durée de la rafale des tirs de la division du bâtiment à
mettre en doute : démolir étalée sur un temps relativement long (une dizaine de
secondes).
— le foudroyage ultrarapide (figure 2a ), fondé sur la rapidité
d’enchaînement des mises à feu. D’où comme résultat : « une Elles ont fait leurs preuves et possèdent encore de nombreux
explosion en moins d’une demi-seconde, là où les Américains, les adeptes hors de France (ou en France) pour les constructions isolées.
Japonais et les Sud-Africains en mettaient 10 ». Ce type de Toutefois, elles sont entachées des inconvénients suivants :
foudroyage appelé « foudroyage à la française » donne une précision — à cause de la lenteur des découpes :
de chute extraordinaire ;
• la verticalité de la descente du volume dynamité est influencée
— le basculement à charnière haute (figure 2b ), qui n’a pu être
par les parties restantes à foudroyer. D’où, chute déséquilibrée de
appliqué aux bâtiments à démolir qu’après de longues simulations
chaque volume avec orientation de l’étalement imprécise sur le
de neutralisation de la force horizontale de recul inhérente aux lois
sol,
physiques des basculements ;
• augmentation du risque de projections des tirs sur l’environne-
— le foudroyage en tonneau (figure 2c ), pour lequel l’explosif
ment par désorganisation des protections mises en périphérie des
pousse, de l’intérieur et à mi-hauteur, les parois du bâtiment à
niveaux minés. Car le volume qui chute a le temps d’arracher les
effondrer (études pour le nucléaire espagnol). Ce foudroyage se
protections des volumes en attente des tirs ;
réalise également avec une séquence de tir très rapide ;

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______________________________________________________________________________________________ TECHNIQUES DES DÉMOLITIONS À L’EXPLOSIF

Figure 1 – Méthodes de démolition avant 1986

— du fait des découpes en gros volumes verticaux, les vibrations


solidiennes induites sur l’environnement sont répétitives et non
amorties puisque chacune des descentes martèle directement le sol.
Ces types de démolitions ont l’avantage d’être moins coûteux que
les abattages ultrarapides.

1.2.2 Pour les méthodes du foudroyage


à la française après 1986

Les méthodes françaises d’après 1986 ont pu être développées


grâce à des exploseurs multilignes dont la temporisation entre lignes
voisines est gérée électroniquement avec des pas variables de 2 ms
à 999 ms.
En 1986, seule la société Nobel Explosifs France possédait ces
appareils (appelés séquentiels) qu’elle faisait agréer pour le marché
français. C’est sa collaboration qui a permis au CEMEREX d’indus-
trialiser le résultat de ses études.
La première application du foudroyage ultrarapide a été mise en
œuvre en mai 1987 à Dunkerque. C’est une entreprise de démolition,
possédant toute la compétence souhaitée pour mener à bien une
expérience de premier intérêt national, qui réalisa les travaux.

Figure 2 – Méthodes de démolition après 1986

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TECHNIQUES DES DÉMOLITIONS À L’EXPLOSIF ______________________________________________________________________________________________

Dans ce type de démolition, la rapidité des amorçages est telle


qu’il devient possible de diviser, instantanément (exemple : 2 500
charges explosives amorcées en 450 ms) un bâtiment en volumes
horizontaux flottants qui chutent, indépendamment les uns des
autres, avec une verticalité parfaite.
Une image de cette verticalité de chute est donnée par le cliché
d’un enfant qui frappe et coupe sèchement une tige d’herbe avec


un bâton. La tige rapidement fauchée par l’enfant tombe au sol avec
une verticalité parfaite. Si, par contre, la tige est coupée par un coup
de bâton lent de l’enfant, sa chute se réalise avec des inclinaisons
de descente très aléatoires (comme le font les morceaux d’un bâti-
ment découpé par des tirs lents).
On pourrait penser que l’inconvénient d’une découpe rapide de
bâtiment, qui demande une quantité importante d’explosifs initiés
en un temps extrêmement court, se caractérise par l’émission de
surpressions aériennes extrêmes.
De plus, les découpes rapides font que les volumes flottants
s’écrasent les uns sur les autres. D’où, une faible amplitude des vibra-
tions induites sur le site puisque celle-ci ne dépend plus que de l’écra-
sement du premier volume sur le sol qui, en cours de disloquement,
joue un rôle de matelas pour les autres.
Le dernier atout de la méthode française découle de la consé-
quence suivante : les protections périphériques des niveaux minés
du bâtiment foudroyé n’ont pas le temps de se désorganiser entre Figure 3 – Valeurs des réactions en pied du basculement
chaque tir (contrairement à ce qui se passe dans le cas de tirs lents). par rapport au poids total de la partie basculée

1.2.3 Pour les méthodes du basculement


à charnière haute développées L’application de cette méthode CEBTP-CEMEREX, réalisée à
Alençon en septembre 1988 et le 3 juillet 1989 sur la démolition de
par le CEMEREX la tour Bertrand à Lille, démontra, une fois pour toutes, l’excellente
précision que donnaient les tirs rapides et les basculements maîtrisés
Le principe du basculement à charnière haute épouse le même à charnière haute.
processus que le basculement à charnière basse, mais avec une
ouverture située en hauteur. L’avantage de ce type de démolition On trouvera au paragraphe 3.8, les détails de cette démolition.
réside dans le fait que l’on peut coucher la partie supérieure d’un L’étude de cette démolition contient la prise en compte de tous
bâtiment dans un espace restreint, le bas étant achevé soit les facteurs liés aux semi-foudroyages. C’est-à-dire :
mécaniquement, soit par un foudroyage. — la dépression qui se crée à l’avant du basculement par la
Toutefois, il faut savoir que pour réaliser un tel basculement, il descente de la partie foudroyée ; dépression qui favorise (par aspi-
est nécessaire : ration) le début du basculement ;
— la temporisation du tir de basculement en fonction du temps
— de réduire au minimum le temps qui s’écoule entre la fin de
qui s’écoule entre l’ouverture du coin et le début du basculement,
l’ouverture du coin et le début du basculement ; durée qui est liée
lui-même dépendant de la distance d citée plus haut ;
à l’inertie de l’élément basculé. Car, plus cette durée est grande, plus
— la force de la composante maximale de recul (qui se développe
la charnière souffre de la surcharge qu’elle encaisse après l’ouverture
en pied du basculement).
du coin avant.
Ce sont ces facteurs que tous les entrepreneurs doivent maîtriser
Cette durée est également fonction de la distance d définie par
lorsqu’une démolition délicate par semi-foudroyage leur est posée.
la projection, sur un plan horizontal, du centre de gravité du volume
basculé et du centre de gravité de la section charnière ;
— de s’affranchir de la composante horizontale de réaction qui
se développe sur la charnière du basculement ; sachant que cette
force est :
2. Montage d’un marché
• de direction opposée à celle du basculement pendant les 47 de maîtrise d’œuvre
premiers degrés de rotation ;
• maximale à 27o avec pour valeur 0,2 fois le poids de l’élément
basculé (figure 3). Les montages administratifs qui précèdent les démolitions à
Dans toutes les opérations de basculements délicats, il est donc l’explosif diffèrent suivant que le maître d’ouvrage est :
nécessaire de calculer : — privé ;
— la résistance mécanique d’un talon antirecul qui aura pour rôle — public.
de contrer la composante de recul qui se crée dans les 47 premiers
degrés du basculement ;
— la dimension de l’espace libre de l’aire devant recevoir
l’abattage, sachant que de 47o à 90o de rotation, la composante en 2.1 Maîtres d’ouvrages privés
question change de sens (donc dirigée dans le sens du basculement)
du fait de l’augmentation de la force centrifuge qui se développe
sur l’élément basculé. Le choix du montage de la passation des marchés est libre ;
c’est-à-dire qu’il n’y a pas obligation d’appels d’offres pour désigner
Le semi-foudroyage, ou méthode mixte, met en jeu simultanément le maître d’œuvre de la démolition (ou les autres intervenants).
le foudroyage et le basculement.

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2.2 Maîtres d’ouvrages publics Dans le cas où le maître d’œuvre n’a pas l’étude du projet, celle-
ci est laissée à la charge de l’entreprise.
Les organigrammes correspondant aux deux montages cités sont
Marché de maîtrise d’œuvre inférieur à 300 000 F TTC. schématisés sur la figure 4.
Le choix du montage de la passation des marchés est également Il faut savoir que le dossier de consultation des entreprises devra
libre. comprendre la rédaction :
Marché de maîtrise d’œuvre supérieur à 300 000 F TTC. — de l’acte d’engagement ;


Lorsque le montant du marché appliqué à chaque intervenant — du cahier des clauses administratives particulières ;
dépasse la somme de 300 000 F TTC, le maître d’ouvrage doit choisir — du cahier des clauses techniques particulières ;
le maître d’œuvre (par appels d’offres publiés). — du calendrier prévisionnel des travaux ;
— du cadre de décomposition du prix global et forfaitaire ;
Il en est de même pour le choix du : — du plan particulier de sécurité ;
— bureau d’étude ; — du plan général de coordination en matière de sécurité et de
— bureau de contrôle ; prévention de la santé ;
— coordonnateur ; — du règlement de consultation.
— organisme chargé du diagnostic d’amiante ; Pour plus de détails, on se reportera aux articles Marchés et
— entreprise mandataire. concessions de travaux publics [C 71] et Marchés de travaux privés
Les organigrammes représentatifs des montages de démolitions [C 74] dans ce traité.
diffèrent suivant que le maître d’œuvre prend en charge ou non
l’étude du projet.

Figure 4 – Organigramme des montages de démolitions

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Pathologie générale - Pathologie du béton
(Réf. Internet 42240)

1– Pathologie générale R
2– Pathologie du béton Réf. Internet page

Pathologies du béton armé. Erreurs de conception et de calcul C6100 59

Pathologies du béton armé. Origine des désordres C6150 63

Pathologies du béton armé. Actions physico-chimiques, cas particuliers et ouvrages C6200 67


spéciiques
Alcali-réaction dans les structures en béton. Mécanisme, pathologie et prévention C2252 73

Réaction sulfatique interne dans les structures en béton. Mécanisme, pathologie et C2254 77
prévention
Réactivité des surfaces de béton COR415 81

Fissuration du béton armé C6152 85

Fissuration par retrait gêné dans les ouvrages en béton armé C2255 87

Corrosion des structures en béton armé C6151 93

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Pathologies du béton armé


Erreurs de conception et de calcul
par Jean DELEFOSSE
Ingénieur ETP – Diplomé du Centre des hautes Études de la construction – Ingénieur
européen – Ex-assistant à l’école spéciale des Travaux publics
Expert près la Cour d’appel de Paris et les Cours administratives d’appel de Paris et de
Versailles (Honoraire)


1. Différentes pathologies suivant leur origine ............................ C 6 100 – 2
1.1 Fautes de conception ......................................................................... — 2
1.1.1 Instabilité – Non respect des règles de la statique ................ — 2
1.1.2 Matériau non approprié .......................................................... — 2
1.1.3 Structure en chaı̂ne ................................................................. — 3
1.1.4 Incompatibilité des déformations ........................................... — 3
1.1.5 Effet des variations dimensionnelles ...................................... — 3
1.1.6 Efforts non superposés ........................................................... — 4
1.1.7 Erreurs relatives aux modes de liaison .................................. — 5
1.2 Fautes de calculs ................................................................................ — 5
1.2.1 Erreurs sur les efforts appliqués ............................................. — 5
1.2.2 Effets des déformations excessives ........................................ — 12
2. Recommandations et suite de l’étude ........................................ — 12
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. C 6 100

ous tenons tout d’abord à faire observer qu’une telle étude, en raison de
N son objet et donc de son étendue, peut difficilement être exhaustive.
À l’examen des statistiques portant sur les désordres de construction, il appa-
raı̂t que ceux qui affectent les ouvrages de béton armé sont, heureusement,
relativement peu nombreux, car :
– il est rare que l’étude des ouvrages de ce type ne soit pas confiée à un
Bureau d’études, ou à un Ingénieur-Conseil, qui effectue calculs et plans ;
– des coefficients de sécurité importants, de l’ordre de 2 à 3, doivent régle-
mentairement être appliqués ;
– un organisme spécialisé est souvent chargé du contrôle des études et des
travaux.
Mais, s’ils sont proportionnellement rares, ils sont en revanche parfois très
coûteux.
Dans l’étude qui suit, effectuée à partir de l’analyse de plus d’un millier de
dossiers des sinistres, il est apparu logique de proposer de classer les divers
types de pathologie affectant ces ouvrages, à partir de leur origine, ou de leur
cause.
On verra d’ailleurs qu’il s’agit, la plupart du temps, d’erreurs, ou de fautes,
que l’on peut qualifier de grossières et/ou d’élémentaires, et que, presque tou-
jours, les désordres les plus graves ont pour cause l’oubli des principes fonda-
mentaux, et/ou des règles les plus simples, et étaient aisément évitables, et
aussi que les sinistres ont, bien souvent, plusieurs causes.
Enfin, nous avons cherché à tirer de cette étude des enseignements, ou
recommandations, pouvant être utiles aux constructeurs en permettant d’amé-
liorer la prévention des désordres.
p。イオエゥッョ@Z@ュ。ゥ@RPQQ

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PATHOLOGIES DU BÉTON ARMÉ ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

1. Différentes pathologies
suivant leur origine
Nous examinerons donc successivement différentes pathologies
Habitations
ayant pour origine ou cause :
– fautes de conception ;
– fautes de calculs ;
– erreurs de dessin ;
– défauts d’exécution ;
Parking
– actions physico-chimiques.
P

R Les 3 derniers points sont traités dans les articles complémentai-


res : [C 6 150] et [C 6 200].
Nous exposerons ensuite, à titre d’exemple, quelques cas
Vide sanitaire
Commerces

particuliers.
Nous envisagerons enfin le cas de certaines catégories d’ouvra-
ges présentant des spécificités propres telles que : réservoirs, cuve- Pieux
lages,… etc., en nous efforçant d’illustrer ces différents types de
désordres par des exemples. Figure 1 – Coupe schématique d’un immeuble instable
dans sa globalité
En raison de son étendue, cette étude à dû être fractionnée en
trois parties traitant respectivement :
Il conviendra de faire l’inventaire de toutes les actions exercées
– des fautes de conception et de calculs ; sur l’ouvrage, de bien examiner le mode de transmission des
– des erreurs de dessins et d’exécutions chimiques ; efforts, et de s’assurer de leur continuité jusqu’aux fondations, ce
– des actions physico-chimiques de cas particuliers (à titre qui impose de vérifier que des éléments résistants sont bien dispo-
d’exemple) et des pathologies de certains ouvrages spécifiques. sés là où les efforts sont appliqués. Et ce, bien entendu, en se pla-
çant dans toutes les conditions et phases de construction, y com-
Remarque pris les plus défavorables.
De nombreux désordres tiennent à une absence totale d’étude.
Il est évident que, dans ce cas, les constructeurs s’exposent, Enfin, on ne peut trop recommander aux concepteurs et calcula-
quel que soit l’ouvrage, à des pathologies diverses et variées, teurs de conforter un calcul, d’autant plus qu’il est complexe, par
souvent graves, mais sans caractéristiques particulières. Déve- une méthode graphique.
lopper cette catégorie de sinistres en tant que telle serait donc
sans intérêt. Exemple
La première recommandation à tirer est donc que tout ouvrage Ouvrage instable dans sa globalité.
en béton armé doit faire l’objet d’une étude qui devra être L’immeuble (habitations, parkings et commerces) dont il s’agit
confiée à un technicien qualifié. comportait 6 niveaux, était fondé sur pieux, mais, surtout, était
semi-enterré au droit de l’une de ses façades principales (figure 1).
Très rapidement, après construction, on nota un déplacement hori-
1.1 Fautes de conception zontal de quelques centimètres avec cisaillement des têtes de pieux.
L’examen des notes de calculs mit en évidence que le projeteur,
Parmi les désordres de ce type il y a ceux qui tiennent à l’instabi- s’il avait bien tenu compte de la poussée des terres dans le calcul
lité de l’ouvrage, ou d’une partie de l’ouvrage, pouvant aller jusqu’à des voiles en béton armé (en oubliant toutefois que celle-ci se trou-
l’effondrement. vait augmentée par la présence d’eau de circulation et par l’absence
Fort heureusement, ils sont relativement rares. Ce sont néan- de drainage en amont et/ou de barbacanes) avait omis de vérifier la
moins les plus graves, et ceux dont les conséquences financières stabilité d’ensemble de l’ouvrage, la poussée des terres humides
sont les plus importantes. n’étant pas équilibrée.
On notera d’ailleurs, à ce sujet, que la résistance au glissement
varie avec la teneur en eau du sol.
1.1.1 Instabilité – Non respect des règles Il en résulta des reprises importantes fort coûteuses.
de la statique
Cet exemple montre, si besoin était, l’absolue nécessité de « sui-
Il s’agit de s’assurer que l’ouvrage sera en équilibre, ce qui vre » les efforts depuis leur origine, c’est à dire de leur point
impose les 2 conditions fondamentales : d’application, jusqu’aux fondations.
 D’une manière générale, rentrent dans cette catégorie les désor-
OR = 0La résultante de forces appliques est nulle. dres consécutifs à une absence de contreventement (vent ou autres
 efforts horizontaux) § 1.2.1.
OG = 0La somm me des moments des forces appliqués est nulle.
Il convient enfin d’étudier la stabilité de l’ouvrage dans toutes les
phases de sa construction, certains états intermédiaires pouvant
être plus défavorables que la situation définitive. Ceci étant particu-
Ces conditions doivent, bien entendu, être vérifiées, tant pour lièrement vrai pour ce qui concerne les ouvrages en porte à faux.
l’ouvrage considéré dans sa globalité, que pour chaque élément
constitutif de l’ouvrage.
1.1.2 Matériau non approprié
Ainsi, dans le cas d’un ouvrage soumis à 3 forces, celles-ci doi-
vent être concourantes et les réactions normales aux surfaces en Le béton armé traditionnel est un matériau relativement lourd au
contact, sauf en cas de frottement. regard de ses performances. Par rapport à l’acier, le rapport des

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–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– PATHOLOGIES DU BÉTON ARMÉ

Suspentes

Portique

Remplissage
Planchers en pavés
suspendus de verre

Portique avec poutre


de grande portée R
Figure 3 – Schéma d’une école comportant une façade fragile
reposant sur un élément déformable
Figure 2 – Schéma d’un bâtiment à planchers suspendus

performances est de l’ordre de 1 à 10 environ (en compression),


alors que celui des densités est de 1 à 3 environ. Remarque
De ce fait, le béton armé est, toutes choses égales par ailleurs, en Il a été constaté que certains calculateurs n’hésitent pas à pren-
principe inadapté aux ouvrages peu chargés devant franchir de dre en compte la butée du terrain pour assurer la stabilité d’un
grandes portées, telles les couvertures de gare ou d’aéroport par ouvrage.
exemple. On considère, à ce titre, que le béton armé présente un On ne doit, toutefois, pas ignorer que celle-ci ne peut être
« rendement » moins favorable que l’acier. mobilisée qu’à la suite des déformations souvent excessives,
ce qui revient à exclure, la plupart du temps, ce mode de
Il s’ensuit que les fondations d’un ouvrage en béton armé seront justification.
plus importantes, d’où plus onéreuses, et donc a priori davantage
sources de sinistres que celles d’un même ouvrage réalisé en char-
pente métallique. Ainsi, il apparaı̂t peu réaliste de construire une 1.1.5 Effet des variations dimensionnelles
structure lourde de type béton armé pour couvrir une surface de
grandes dimensions avec peu d’appuis. Les désordres consécutifs aux variations dimensionnelles repré-
sentent près de la moitié de l’ensemble des sinistres affectant les
On rappellera, à titre d’exemple, que les grandes gares pari- ouvrages en béton armé.
siennes ont été, au XIXe siècle, couvertes grâce à des structu- Il convient de ne pas oublier que les dimensions, et les formes,
res métalliques. d’un élément de construction en béton armé sont susceptibles de
varier sous l’effet du cumul de plusieurs facteurs :
1.1.3 Structure en chaı̂ne – charges appliquées, (§ 1.2.1) ;
– retrait ;
Il convient, tout d’abord, de définir ce que l’on entend par struc-
– variation de température ;
ture en chaı̂ne. Il s’agit, comme dans une chaı̂ne métallique, d’un
– fluage.
ouvrage dont les éléments constitutifs ne sont solidarisés l’un à
l’autre que par les seules liaisons nécessaires à leur stabilité, la rup- Et, que ces variations dimensionnelles (flèche pour une poutre,
ture de l’un d’entre eux entraı̂nant la désorganisation, voire l’effon- raccourcissement pour un poteau) résultant des efforts appliqués
drement de l’ensemble, comme dans le cas d’une chaı̂ne à la suite ont, à long terme, du fait du fluage du béton, une valeur de l’ordre
de la rupture d’un seul maillon. de 3 fois la valeur initiale.
Il est donc de bonne construction de prévoir des systèmes de
report de charges grâce à des liaisons surabondantes constituant Exemple
ainsi une réserve de stabilité pour pallier la défaillance locale éven- Dans la construction d’un immeuble d’habitation comportant plu-
tuelle (accidentelle ou non) d’un organe quelconque, et permettant sieurs niveaux, pour gagner du temps, les cloisons plâtrières sont
d’éviter un effondrement général. parfois réalisées en montant en suivant de peu la réalisation des plan-
chers. De ce mode d’exécution, il résulte presque toujours de graves
Exemple désordres affectant lesdites cloisons qui constituent des ouvrages
Dans le cas du bâtiment de la figure 2, la rupture d’une suspente fragiles.
(calculée sans marge) est susceptible d’entraı̂ner par ruptures suc- Les règles de bonne construction imposent que ces ouvrages
cessives l’effondrement de toute ou partie de l’ouvrage. soient :
– réalisées en descendant ;
1.1.4 Incompatibilité des déformations – désolidarisées des planchers par l’interposition d’un matériau
résilient (figure 4).
A priori, il apparaı̂t peu rationnel de faire reposer un ouvrage fra-
gile, donc en général raide, sur une structure très déformable. Les déformations peuvent, parfois, atteindre des valeurs impor-
tantes. Ainsi, dans le cas de la structure simplifiée de la figure 5,
Exemple
la perte de niveau du point M sera le cumul
École dont une façade, constituée de pavés de verre, reposait sur
une poutre de grande portée très déformable, et présentant donc – de :
une flèche trop importante (figure 3). – la flèche de la dalle D ;
Le remplissage en pavés de verre fut affecté de nombreuses fissu- – la flèche de la poutre p ;
rations et éclats, avec risques d’accident. – la flèche de la poutre P.

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Pathologies du béton armé


Origine des désordres
par Jean DELEFOSSE
Ingénieur E.T.P. – Diplômé du Centre des hautes études de la construction – Ingénieur-
européen – Ex-assistant à l’école spéciale des Travaux publics
Expert près la Cour d’appel de Paris et les Cours administratives d’appel de Paris et de


Versailles (Honoraire)

1. Erreurs de dessin............................................................................. C 6 150 – 2


1.1 Poussées au vide ................................................................................ — 2
1.2 Aciers non remontés .......................................................................... — 3
1.3 Aciers trop courts ............................................................................... — 3
1.4 Insuffisance des aciers de répartition ................................................ — 4
1.5 Rayon de courbure des aciers trop faibles........................................ — 4
1.6 Mauvaise disposition au voisinage des trémies ............................... — 5
1.7 Ferraillages denses, nœuds complexes et recouvrements
de barres ............................................................................................. — 5
1.8 Poutres de grande hauteur ................................................................ — 6
1.9 Planchers dalles ................................................................................. — 6
2. Défauts d’éxécution ....................................................................... — 7
2.1 Importance des plans d’exécution ..................................................... — 7
2.2 Aciers .................................................................................................. — 7
2.2.1 Mauvaise position ................................................................... — 7
2.2.2 Aciers non conformes aux plans ............................................ — 9
2.2.3 Défauts d’enrobage ................................................................. — 9
2.3 Béton .................................................................................................. — 10
2.3.1 Béton mal dosé ........................................................................ — 10
2.3.2 Agrégats défectueux ou inadaptés ......................................... — 11
2.3.3 Vibration .................................................................................. — 12
2.3.4 Adjuvants ................................................................................. — 12
2.3.5 Autres facteurs influant sur la qualité du béton..................... — 13
2.4 Coffrage – Étaiement – Décoffrage .................................................... — 13
2.5 Liaisons non conformes aux calculs ................................................. — 15
3. Recommandations et suite de l’étude ........................................ — 15
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. C 6 150

près avoir traité, dans [C 6 100] des fautes de conception et de calculs,


A cette étude consacrée à la pathologie des ouvrages en béton armé se pour-
suit dans cet article et le suivant [C 6 200], on examinera les désordres dont
l’origine tient aux :
– erreurs de dessins et défauts d’exécution ;
– actions physico-chimiques pouvant affecter les matériaux constitutifs (béton
et acier).
Dans l’article [C 6 200], nous nous intéressons également aux cas particuliers
et aux ouvrages spécifiques, avant de terminer par quelques recommandations
ou enseignements à retirer de cette étude.
p。イオエゥッョ@Z@ョッカ・ュ「イ・@RPQQ

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est strictement interdite. – © Editions T.I. C 6 150 – 1

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PATHOLOGIES DU BÉTON ARMÉ ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

1. Erreurs de dessin Incorrect Correct

Celles-ci portent, très majoritairement, sur le ferraillage de Poussées


l’ouvrage. au vide

1.1 Poussées au vide


Il s’agit d’une erreur assez répandue que l’on peut observer, par a b
exemple à l’angle de 2 parois d’un ouvrage enterré.


Toute armature courbe tendue exerce sur le béton, dans son plan
et vers sa concavité, une poussée F/R (F : force de traction – R : Incorrect
rayon de courbure). L’acier tend donc à repousser le béton vers le
centre de la concavité. Une telle disposition est donc à proscrire
(figure 1a).
c
La seule réalisation d’un gousset n’améliore rien. De même est à
proscrire un ancrage par retour d’équerre le long d’une paroi, car la
traction des aciers tend à pousser au vide le béton proche de la
paroi (figure 1b). Correct

Les figures 1, 2 et 3 ci-après illustrent quelques bonnes, et mau-


vaises, dispositions parmi les plus courantes.
Le non respect de ces dispositions peut conduire, si les contrain- d
tes sont élevées, à des poussées au vide non équilibrées très
importantes, et donc à des fissurations qui peuvent être infiltrées
(cas des réservoirs et des voiles contre les terres humides), ou à
des éclats de béton localisés. Poussée
au vide
Il convient d’être attentif, en particulier aux poussées au vide Incorrect Correct
des armatures disposées à l’intrados des ouvertures en arc e
(baies) dans les murs de façade.
Ces poussées doivent être équilibrées. Figure 2 – Exemples de ferraillages corrects et incorrects

Poussée 2 à 3 cm
au vide en principe
Aciers
F

Poussée
au vide

Incorrect Incorrect Correct


R
F a

Poussée
au vide
R : rayon de courbure

a mauvaise disposition
Incorrect Correct
b

Poussées
au vide
Le béton
est chassé
vers l'extérieur

F
F

c bonne disposition Incorrect Correct


b mauvais disposition c

Figure 1 – Bonne et mauvaise disposition d’armatures Figure 3 – Autres dispositions correctes et incorrectes

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–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– PATHOLOGIES DU BÉTON ARMÉ

Charge

Poutre
secondaire

Aciers principaux
Poutre de la dalle
principale
a poutre en allège


a vue de dessus Aciers principaux
du radier
Radier
Béton comprimé

Poutre
secondaire

Réaction
du sol
Poutre Nervure
principale
b radier
Béton tendu
Figure 5 – Aciers de la dalle remontés en partie comprimée de poutre
ou nervure
b poutre secondaire de faible hauteur (coupe)

On constate souvent que les aciers de la dalle ne sont pas


remontés dans la partie comprimée des poutres, ou nervures,
Béton comprimé
tels que représenté sur la figure 5.

Poutre
1.3 Aciers trop courts
secondaire & Pour une poutre, voire une dalle, en flexion, des aciers inférieurs
Poutre en travée ou des chapeaux sur appui trop courts, peuvent se traduire
principale par des fissures verticales (figure 6). Mais de telles fissures peuvent
Poutre également être la conséquence, non seulement d’une erreur du cal-
principale Béton tendu culateur dans la détermination des moments fléchissants et/ou des
sections d’acier, mais également d’une mise en charge excessive
par l’exploitant ; il faudra donc éviter de conclure hâtivement.
c hauteurs de poutres sensiblement égales (coupe)
La longueur de chaque barre doit être déterminée de manière à
Figure 4 – Cas des poutres principale et secondaire ce que le diagramme du moment résistant reste au dessus de la
courbe enveloppe des moments fléchissants (figure 7).
Enfin, signalons que, dans les angles de parois très sollicitées
& Concernant les aciers sur appui des poutres continues, (cha-
(réservoirs, silos, etc.), les contraintes peuvent être très importan-
tes et leur répartition difficile à déterminer par le calcul. Dans cer- peaux), il est courant d’admettre que ceux-ci aient une longueur
tains cas, une étude spécifique peut s’avérer nécessaire. Il faut évi- de l’ordre du 1/5 de la portée. Mais, il ne s’agit là que d’une règle
ter, autant que faire se peut, l’arrêt de barres dans les angles. statistique, son application inconsidérée ayant donné lieu à des
déboires. Il convient d’être prudent, et de se référer à la courbe
enveloppe des moments.
1.2 Aciers non remontés & Un autre cas d’« aciers trop courts » ayant généré des désordres
Par exemple, le problème se pose dans le cas d’une poutre sérieux concerne les abouts des consoles supportant une charge
secondaire venant reporter sa charge sur une poutre principale importante en leur extrémité, ou les appuis sur console courte
(figure 4). (figure 8).

Si la poutre secondaire est de faible hauteur et les 2 poutres sou- & Si les aciers du « corbeau » sont trop courts, il y a risque de rup-
mises à un moment positif en travée, les aciers inférieurs de la ture oblique 45 de l’extrémité.
poutre secondaire viendront sans problème s’ancrer dans la zone
comprimée de la partie principale (figure 4b).
Remarques
Par contre, si les 2 poutres sont de hauteurs sensiblement égales,
les aciers principaux de la poutre secondaire se trouvent au niveau Dans le cas d’appui à glissement, il y a souvent risque de
du béton tendu de la poutre principale, et doivent être remontés dysfonctionnement :
dans le béton comprimé de la poutre principale (figure 4c). 1. Le désordre peut encore être aggravé en raison du blocage
Il y a là une source d’erreur fréquente, en particulier dans le cas de l’appui (acier sur acier, béton sur acier par exemple) et du
des poutres en allège et des radiers nervurés pour lesquels les retrait de la poutre. L’emploi d’appui, de type néoprène, est
efforts sont inversés. donc fortement conseillé.

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2e lit
trop court

A B
A B
Fissures

A Fissures B
A B


Chapeaux
trop courts

Poutres continues

Figure 6 – Aciers de flexion trop courts (d’où fissures)

F
Diagramme (retrait) Acier
du moment résistant Poutre trop court

Enveloppe La fissure
des moments ou (rupture)
fléchissants est inclinée
Appui à 45 ° environ
insuffisant

Section soumise
à moment fléchissant Poteau
et traction si frottement
sur appui

Figure 8 – Mauvaise configuration d’about de console courte


(« corbeau »)
Figure 7 – Diagramme des moments résistant et fléchissant
pas suffisamment étalées dans le sens transversal, mais qui peu-
2. Dans le calcul des aciers supérieurs de ce type de console, vent être également consécutives :
il faut donc tenir compte, en plus du moment négatif, de l’effort – à un chargement non uniforme ;
de traction dû au frottement. – aux variations dimensionnelles ;
3. En cas de charge ponctuelle disposée à l’extrémité d’une – etc.
console, un mauvais ancrage des aciers supérieurs peut entraı̂- En règle générale, la section des aciers de répartition doit être
ner des sinistres de même type. Il est donc nécessaire de termi- supérieure au 1/4 de celle des aciers principaux.
ner les aciers supérieurs par un ancrage suffisant (de préférence
par un bouclage à plat) avec un enrobage minimal (figure 9).
1.5 Rayon de courbure des aciers
Il serait d’ailleurs préférable d’éviter les charges en about de trop faibles
console en les décalant autant que faire se peut.
Si le rayon de courbure des barres tendues est trop faible, il
s’ensuit une compression du béton qui peut localement atteindre
des valeurs importantes allant au-delà de la résistance propre du
1.4 Insuffisance des aciers de répartition béton, qui peut se trouver plastifié, voire écrasé (§ 1.1).
Ce type d’insuffisance qui affecte, bien entendu, les dalles por- Une telle erreur a été à l’origine de l’effondrement de portiques
tant principalement sur 2 files d’appui génère des fissurations fortement chargés, et également de certains auvents de couverture
dues, non seulement à des charges localisées qui ne se trouvent de tribune de stade (figure 10).

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Pathologies du béton armé


Actions physico-chimiques, cas
particuliers et ouvrages spécifiques
par Jean DELEFOSSE
Ingénieur E.T.P. – Diplômé du Centre des hautes études de la construction – Ingénieur
européen – Ex-assistant à l’école spéciale des Travaux publics
Expert près la Cour d’appel de Paris et les Cours administratives d’appel de Paris et de
Versailles (Honoraire)

1. Actions physico-chimiques ........................................................... C 6 200v2 – 2
1.1 Retrait et variations de température .................................................. — 2
1.1.1 Retrait ....................................................................................... — 2
1.1.2 Variations de température ....................................................... — 2
1.2 Fluage ................................................................................................. — 5
1.3 Intempéries ......................................................................................... — 5
1.3.1 Pluie ......................................................................................... — 5
1.3.2 Vent .......................................................................................... — 5
1.3.3 Contraintes thermiques ........................................................... — 6
1.4 Atmosphère marine et/ou milieu marin ............................................ — 6
1.5 Sites industriels .................................................................................. — 6
1.6 Eaux et liquides agressifs .................................................................. — 6
1.7 Sols pollués ........................................................................................ — 7
1.8 Alcali réaction – Carbonatation ......................................................... — 8
1.8.1 Alcali – réaction (ou réaction alcali – granulat) ...................... — 8
1.8.2 Carbonatation .......................................................................... — 8
1.9 Fausse prise ........................................................................................ — 8
2. Quelques cas particuliers.............................................................. — 8
3. Ouvrages spécifiques ..................................................................... — 10
3.1 Réservoirs ........................................................................................... — 10
3.2 Cuvelages ........................................................................................... — 11
3.3 Murs de soutènement ........................................................................ — 11
3.4 Préfabrication ..................................................................................... — 12
3.4.1 Prédalles .................................................................................. — 12
3.4.2 Poutres – poutrelles et dalles préfabriquées .......................... — 13
3.4.3 Panneaux de façade................................................................. — 14
3.4.4 Balcons..................................................................................... — 14
3.4.5 Escaliers ................................................................................... — 14
3.5 Dallages industriels ............................................................................ — 16
3.6 Travaux sur existants ......................................................................... — 18
4. Recommandations (enseignements à tirer) ............................... — 18
5. Conclusion........................................................................................ — 20
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. C 6 200v2

C ette étude consacrée aux pathologies affectant les ouvrages en béton


armé, se termine par l’examen des actions physico-chimiques de quelques
cas particuliers et de pathologies affectant certains ouvrages spécifiques (réser-
voirs, cuvelages… etc).
Nous rappelons avoir déjà examiné celles dont l’origine est à rechercher dans
des :
p。イオエゥッョ@Z@ョッカ・ュ「イ・@RPQS

– fautes de conception et de calcul [C 6 100] ;


– erreurs de dessin et défauts d’exécution [C 6 150].

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PATHOLOGIES DU BÉTON ARMÉ ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

1. Actions physico-chimiques

Contrainte
Contrainte
de retrait
1.1 Retrait et variations de température
Ces 2 phénomènes, qui bien souvent se cumulent, constituent la
source de nombreux sinistres en raison des variations dimension- Résistance
nelles qu’ils engendrent. en traction

On estime qu’ils sont à l’origine de plus 40 % de l’ensemble


des désordres affectant les ouvrages de béton armé, fort heu-
reusement de faible gravité pour la plupart. Mais, ils représen-
tent néanmoins une charge importante pour les assureurs, la


profession et, in fine, la collectivité.
O Date de
Ces désordres sont caractérisés par des fissurations qui peuvent Temps
entraı̂ner des infiltrations dans le cas d’ouvrages exposés (en parti- fissuration
culier les ouvrages situés en toitures-terrasses et, à moindre
niveau, les façades et pignons). Figure 1 – Courbes de résistance en traction et de contrainte
de retrait en fonction du temps
1.1.1 Retrait
 Le phénomène peut être limité en :
On rappelle que le phénomène est dû au départ de l’eau par – réduisant au strict minimum la quantité d’eau de mala-
(évaporation), et que la valeur du retrait varie grossièrement de xage ;
2 à 3/10 mm/m, en moyenne. – évitant les dosages élevés ;
– protégeant le béton du soleil par des bâches humides ou
A contrario, dans l’eau le béton gonfle par absorption d’eau. en le conservant humide par arrosage, (on peut également
Avec le temps, le retrait augmente. Mais, en général, à un mois vaporiser sur sa surface un produit de cure, qui en constituant
d’âge, les 3/4 environ du retrait du béton sont pris. une fine couche étanche, réalise une protection relative en
empêchant l’évaporation).
& Le phénomène augmente principalement avec :
– la quantité d’eau ;
– le dosage en ciment ; 1.1.2 Variations de température
– l’exposition au soleil et au vent (atmosphère sèche).
Sous l’effet des variations de température, le béton se dilate et se
Il varie également en fonction de : contracte. Le coefficient de dilatation du béton est de l’ordre de
– la nature des agrégats (de 1, pour des agrégats de type quar- 10-5. Ce qui, pour un élément en béton armé de 5 m de longueur
tzite, à 3, pour des agrégats de type argile expansée) ; et une variation de température de + 20  C, correspond à un
– le dosage en sable (en particulier en raison de la proportion de accroissement de longueur de 1 mm. Le cœfficient de dilatation
fines) ; d’un béton est évidemment fonction de ses constituants, donc de
– la nature du ciment ; la nature de ses granulats.
– la forme de l’élément ;
– etc. & Les désordres consécutifs aux variations de température affec-
De plus, certains adjuvants, tel le chlorure de calcium utilisé tent principalement les ouvrages :
comme accélérateur de prise, augmentent le retrait, et ce, d’autant – de grande longueur, non recoupés par des joints ;
plus que le dosage est élevé.
– extérieurs, tels que : acrotères, bandeaux, corniches, loggias… ;
Ces différents paramètres peuvent évidemment se cumuler. – massifs ;
& Les sinistres les plus courants, qui consistent en fissures pou- – insuffisamment armés.
vant donner lieu à infiltrations et corrosion des aciers, affectent
principalement les ouvrages : Ils donnent lieu à des fissurations susceptibles d’être infiltrantes.
– de grande longueur ou de grande surface (planchers, dallages,
parkings, même enterrés) ; Remarques importantes
– exposés aux contraintes climatiques (soleil, vent), tels acrotè- Les variations de température sont de 2 types :
res, corniches, façades, etc. ; – saisonnières moyennes, qui sont lentes et, en général, bien
– réalisés en béton léger et pour lesquels des joints en nombre déterminées par les statistiques ;
suffisant n’ont pas été ménagés (outre leur fort retrait, les bétons – journalières, qui peuvent être très rapides et importantes ;
légers présentent des déformations sous charge importante). entre jour et nuit, en altitude, l’écart thermique peut atteindre
30  C, voire davantage.
Remarques En raison de sa structure, le béton est, de même, sensible aux
 La fissuration due au retrait peut, paradoxalement, ne se variations d’humidité de l’air (dites aussi « hygrométriques »),
révéler que tardivement. Théoriquement, la date d’apparition qui se traduisent également par des variations de longueur.
du phénomène est, en fait, déterminée par l’intersection des Mais, celles-ci, faibles, sont généralement négligées.
courbes en fonction du temps (figure 1) de :
– résistance en traction du béton ; & Pour limiter les effets et la sinistralité consécutive, tant du retrait
– contrainte due au retrait à la ligne. que des variations de température, il convient de :
Mais, en fait, le problème se complique en raison de la pré-
– recouper les ouvrages par un ensemble de joints constituant
sence d’armatures.
des coupures effectives et permettant, autant que possible, le libre

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–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– PATHOLOGIES DU BÉTON ARMÉ

Dernier niveau
Acrotère recoupé
recoupé tous les 6 à 8 m 6à8m

3e et
dernier niveau
L/2 L/2
2e

1er

Rdch

1er s/s

2e s/s R
L = 35 à 40 m

Joint de dilatation
arrêté au niveau
du collet de la semelle

Figure 2 – Différents types de joints dans un bâtiment


jeu des 2 phénomènes. Ainsi, un bâtiment courant devra être
Acrotère
recoupé par 3 séries de joints :
 joints dits « diapason » intéressant toute la hauteur de
l’ouvrage (à compter du collet des semelles), disposés tous
les 25 à 50 m environ (cette distance étant fonction de la posi-
tion géographique de l’ouvrage ; en France : 25 m dans le
Midi, 50 m dans l’Ouest),
Bandeau
 joints supplémentaires recoupant le dernier niveau et dispo-
sés à mi-distance des joints principaux ci-dessus,
 joints fractionnant les ouvrages extérieurs, en particulier :
acrotères, bandeaux, etc., tous les 6 à 8 m environ (figure 2) ;

– éviter les éléments massifs exposés aux chocs thermiques


(figure 3) ; Linteau
– réduire les risques de fissuration grâce à un ferraillage suffisant
Figure 3 – Conception à proscrire (ensemble massif)
et un béton ayant une bonne résistance à la traction ;
– disposer des chaı̂nages horizontaux et verticaux. Joint de
Joint de
dilatation dilatation
& Concernant les joints de dilatation, on relève 2 types de sinistres
fréquents dus aux :
– joints de superstructure non poursuivis en sous-sol ;
– sections non armées au droit d’un joint. Plancher Radier
 Joints en superstructure non poursuivis en s/sol
En parking enterré par exemple, ils donnent lieu à des fissures
verticales à l’aplomb du joint, fréquemment infiltrantes.
Fissure
Or, même si les variations de température sont plus faibles qu’en
superstructure, la température n’est pas toujours constante – sur- Fissure
tout quand il s’agit par exemple de locaux non chauffés et ventilés
Joint de
par circulation d’air extérieur (Parking) et, surtout, le retrait est le Joint de
dilatation
même. dilatation Aciers

Il faut donc poursuivre en sous-sol les joints qui existent en


superstructure, sinon des fissures verticales risquent d’apparaı̂tre. Acier Aciers
Ces joints doivent, bien entendu, être rendus étanches si des
Plancher Radier
venues d’eau sont à craindre. Ce qui est effectivement le cas la plu-
part du temps.

 Armatures perpendiculairement au plan du joint


Dans le cas où, néanmoins, on estime que le joint peut, ou doit,
être arrêté, il convient de disposer ce genre d’armatures – (consti-
tuant ainsi un chaı̂nage) – pour éviter le mode de fissuration ci-des-
sus. En particulier, dans le cas d’un radier, la section au droit d’un Dispositions d'armatures au droit d'un joint de dilatation
joint doit être armée (figure 4) et ce, d’autant que celui-ci se situe à
un niveau inférieur à celui de la nappe phréatique. Figure 4 – Dispositions d’armatures au droit d’un joint de dilatation

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PATHOLOGIES DU BÉTON ARMÉ ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

Par ailleurs, on observera que la réalisation d’un joint diapason, Attention


recoupant voile ou poteau (figure 5a) est statistiquement, et toutes
choses égales par ailleurs, moins génératrice de désordres que la Un carrelage, disposé à cheval sur un joint de dilatation, est
seconde solution (appuis sur corbeaux – figure 5b). voué à une fissuration certaine.

& Enfin, il faudra éviter les joints en baı̈onnette, que ce soit hori-
zontalement ou, surtout, verticalement (comme nous l’avons vu
néanmoins réalisé) (figure 6), ces types de joints étant à l’origine Exemples
d’une importante sinistralité. Il convient de prendre toutes disposi-  Lors de la construction d’un important parking souterrain de
tions nécessaires pour permettre le libre fonctionnement des joints, 4 niveaux, et de grande longueur, aucun joint diapason (ou autre)
en particulier en éliminant les matériaux utilisés pour les coffrer, et n’avait été réservé, au motif que l’ouvrage était enterré et, donc, ne
ce, sans les couvrir par un matériau quelconque fixé de part et subissait pas de variation de température importante. Peu de temps
d’autre. après la construction, on vit apparaı̂tre, sur les voiles contre les terres
et les planchers, un réseau de fissures verticales, d’ailleurs infiltran-

R tes pour certaines, espacées de 15 m environ. Les concepteurs


avaient simplement omis de prendre en compte :
– le phénomène de retrait ;
– les variations de température (considérées comme nulles) alors
qu’elles étaient loin d’être négligeables, l’ouvrage étant très large-
ment ventilé avec de l’air extérieur.
 Le sinistre concerne le plancher bas du hall d’entrée d’un
hôtel de tourisme situé en région parisienne. Ce plancher en béton
armé était revêtu d’un luxueux dallage en marbre. Il se trouvait situé
à l’aplomb du parking qui, fortement ventilé, était pratiquement à la
température extérieure (figure 7). Peu de temps après l’ouverture de
l’hôtel, lors d’une période de grand froid, le dallage du hall d’entrée
se décollait du plancher en béton armé, support formant en son cen-
tre une « bulle » atteignant près de 60 cm de haut. En fait, le plan-
cher béton supportant le dallage s’était rétracté du fait :
– du retrait ;
– de la forte variation de température.
Le dallage, mal désolidarisé de la structure, a été mis en compres-
sion et a, en quelque sorte, « flambé » !
Il est évident que, de plus, la déformation de flexion vient accroı̂tre
le phénomène.

joint diapason (solution préférable)

coupe horizontale

3
2

1
Rdch

s/s

coupe verticale
appuis sur corbeaux (à éviter)
Figure 6 – Deux types de joints en baı̈onnette à éviter (voire
Figure 5 – Types de joints de dilatation à proscrire)

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Déformation
Revêtement du plancher sous charge
bas du RdC en marbre constante
Hall d'entrée mis en compression Fluage
Déformation
totale :

Parking Entrée du Déformation


Parking instantanée
0 Temps

Figure 7 – Exemple de soulèvement de revêtement de sol en marbre


Figure 8 – Courbe de fluage R
On notera que les déformations du béton, et surtout les déforma-
 Celui-ci concerne un immeuble d’habitation de type R + 4 en tions différées, sont en réalité fonction de très nombreux paramè-
cours de livraison dont les planchers réalisés, depuis plus d’un an, tres (rapport eau/ciment, hygrométrie, nature des agrégats, tempé-
sont apparus tout à coup affectés de nombreuses fissures anarchi- rature, etc.).
ques que l’examen des plans de béton armé ne permettait pas
d’expliquer. L’expert désigné, observant que les planchers compor- Ainsi, par exemple le fluage est plus élevé si l’air est sec, si les
taient un chauffage de base par le sol, s’aperçut, en consultant le agrégats sont issus de roches calcaires et moins élevé en atmo-
planning de construction du bâtiment, que la survenue de ces fissu- sphère humide et s’il s’agit d’agrégats provenant des roches
res était concomitante à la mise en température des serpentins de éruptives.
chauffage et, à l’examen des comptes rendus d’essais, put constater
que cette opération avait été trop rapidement menée, la température Remarque
de l’eau dans les serpentins de chauffage ayant été d’ailleurs trop La résistance finale d’une pièce chargée en compression n’est
élevée. Si les désordres étaient sans gravité, quant à la stabilité de pratiquement pas modifiée par son fluage.
l’ouvrage, des travaux de reprise fort coûteux, concernant peintures Mais, par contre – et ceci est moins connu – la résistance en
et revêtements de sol, durent être réalisés. traction d’une pièce tendue diminue en même temps que le
On retiendra donc que, dans le cas de planchers chauffants, il faut fluage augmente, et ce, d’autant plus que l’effort appliqué (et
éviter une mise en température trop rapide, celle-ci devant être limitée. donc la contrainte) est plus élevé.

& En conclusion
Il n’est donc pas étonnant que ce soient les ouvrages situés en
1.3 Intempéries
toitures-terrasses, ou dans les derniers étages, et les éléments tels
que : acrotères, balcons, bandeaux, loggias qui se trouvent être 1.3.1 Pluie
principalement affectés par ces 2 phénomènes (retrait et variations Les précipitations répétées sont un facteur de désordres pour les
de température). ouvrages exposés et non étanchés, l’eau pouvant pénétrer les
Bien souvent d’ailleurs, ces désordres se répercutent sur les bétons à porosité ouverte et venir corroder les aciers trop proches
murs des immeubles, en particulier dans le cas de murs en maçon- des parois extérieures. C’est évidemment le cas des murs de façade
nerie. Il est donc nécessaire que des murs soient chaı̂nés, verticale- et des pignons. Il faut donc :
ment et horizontalement, au niveau de l’appui des planchers-terras-
– réaliser un béton, le plus compact possible ;
ses et des combles.
– prévoir un enrobage suffisant (3 cm au moins) et une bonne
Il faut donc, dès la conception, tenir compte du retrait et des compacité, ce qui nécessite une étude de la composition du béton
variations de température, et de leurs conséquences sur tous (granulométrie, dosage en eau et ciment) ;
les ouvrages. – assurer une mise en place avec vibration adaptée.

Exemples
1.2 Fluage Nombreuses façades, corniches, acrotères, bandeaux…, etc.,
dégradés par le sinistre très fréquent, dit de « fers apparents », en
particulier en atmosphère marine ou polluée.
Sous l’action des charges appliquées, la déformation d’un élé- Enfin, s’il s’agit d’ouvrages horizontaux non étanchés, il est néces-
ment en béton armé est réversible si le chargement est limité et saire de prévoir un système de pente afin d’éviter la stagnation de
de courte durée (déformation élastique). l’eau.
Si celui-ci est maintenu, la déformation croit lentement au
cours du temps, c’est le phénomène de fluage.
1.3.2 Vent
On devra toujours garder en mémoire que les déformations tota- Le vent peut être un facteur de sinistralité, dans la mesure où il
les (instantanées et différées) sont grossièrement le triple des favorise un séchage rapide et, donc, un retrait important, source de
déformations instantanées, c’est à dire dans le rapport des modu- fissuration (cf. § 1.1) une pénétration de l’eau à l’intérieur du maté-
les de déformation instantanée (Ei) et différée (E•) (figure 8). riau et, donc, la corrosion des aciers (par exemple dans le cas des
embruns poussés par le vent).
En effet :
À défaut d’un béton de qualité, pour plus de sécurité dans les
E j ∼ k 3 fcj zones exposées, afin d’éviter des dégradations à terme, il est
nécessaire d’envisager une protection des bétons par enduit, pein-
avec fcj résistance moyenne à la compression à j jours. ture, revêtement…, dont l’entretien devra être assuré.

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PATHOLOGIES DU BÉTON ARMÉ ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

1.3.3 Contraintes thermiques


Outre les conséquences des variations dimensionnelles, les Érosion
contraintes thermiques (gel, fortes chaleurs), surtout répétées, éoliene
sont des facteurs de dégradation à terme des bétons.
& Froid Immeuble
Mur de quai
 Le béton frais (avant prise) est, d’une manière générale, sen- en BA
sible au froid, le temps de prise est augmenté, et le durcissement
ralenti et arrêté en cas de gel. Quai
Il faut bien distinguer l’effet du gel, d’une part sur un béton frais Houle
PBE
et, d’autre part sur un béton ayant fait prise et déjà ancien. PHE
Concernant le béton frais avant prise, rappelons que le phéno-


mène de prise ne peut se produire dès que la température devient Zone de marnage
négative, car, sauf précautions particulières, il y a alors formation PBE
de cristaux de glace et, donc, gonflement, et les résistances méca-
niques d’un béton frais qui a gelé seront très faibles. Un tel béton
doit donc être détruit. C’est pourquoi, il faut se méfier des bétons
réalisés juste avant une période de gel.
 D’autre part, sur les bétons courants, même convenablement
réalisés, les cycles répétés de gel/dégel peuvent également avoir
des conséquences néfastes, allant jusqu’à une dégradation complète
(et ce d’autant plus que le béton est poreux), en raison de l’augmen-
tation de volume de l’eau dans les capillaires. Le béton présente
alors, en général, un aspect feuilleté et/ou fissuré dans la masse. Enrochements
Un béton sera d’autant plus résistant aux cycles gel/dégel qu’il
sera plus étanche, de bonne compacité et mis en œuvre avec une Figure 9 – Exemple de béton situé en zone de marnage
quantité d’eau minimale et un adjuvant entraı̂neur d’air, dont l’effet
est de créer de nombreuses bulles d’air donnant une souplesse au
matériau. Les agrégats gélifs sont à prescrire, de même que ceux On notera, toutefois, qu’un enrobage important peut devenir
provenant de roches à porosité ouverte. source de fissuration et, donc, de corrosion des armatures.
 En conclusion, on retiendra que, par temps froid et a fortiori en
cas de gel, si on ne peut pas interrompre les opérations de béton- 1.5 Sites industriels
nage, des mesures spéciales doivent être prises (entre autres) :
– ciment à prise rapide ; L’atmosphère de certains sites industriels peut atteindre un
– délai de décoffrage plus long. niveau de pollution susceptible d’entraı̂ner, surtout en milieu
humide, une agression des bétons directement exposés sans pro-
& Chaleur tection efficace.
Lorsqu’il est frais, le béton est très sensible à la chaleur, car celle- Il en est ainsi des ambiances industrielles où l’air peut se trouver
ci provoque l’évaporation rapide de l’eau de gâchage et, donc, chargé :
accélère la prise, mais diminue la résistance à terme et accroı̂t le – de gaz sulfureux (SO2) ;
retrait ainsi que la fissuration, surtout superficielle (faı̈ençage). – d’hydrogène sulfureux (SH2) ;
– d’oxydes d’azote (NO, NO2 etc.) ;
– etc.
1.4 Atmosphère marine et/ou milieu
marin Ceux-ci sont contenus dans les gaz et fumées provenant de la
combustion des produits houillers pétroliers et/ou organiques, et à
Le milieu marin est, pour les ouvrages en béton, a priori pathogène. l’origine de pathologies très diverses du béton.
Il convient toutefois de distinguer les bétons :
– exposés à l’air marin (poussés par le vent, les embruns, char- 1.6 Eaux et liquides agressifs
gés de sel, déposent des quantités de sel non négligeables dans
les pores et les fissurations du béton, engendrant à terme la corro- Le béton est également sensible à l’action des eaux chargées :
sion des aciers) ; – de matières organiques ;
– constituants des ouvrages constamment immergés, car situés – d’acides minéraux, ou organiques (acide lactique en
sous le niveau des plus basses eaux, en général les moins particulier) ;
attaqués ; – de nitrates, sulfates (SO4Ca, SO4Mg), chlorures (ClNa, ClK,
– alternativement exposés à l’eau de mer et à l’air marin (par Cl2Ca,…) ;
exemple situés dans la zone de marnage) et qui sont, en fait, les – des eaux d’égout ;
plus dégradés (figure 9). – de certains liquides ou produits à base de :
La bonne tenue des bétons, dans de telles ambiances, nécessite :  sucres, glycérine, huiles,
– une forte compacité ;  phénols, savons,
– la plus faible porosité possible (et surtout aucune porosité  etc.
ouverte) ;
– l’emploi d’agrégats siliceux et de ciment de laitier, ou de ciment On notera que les eaux très pures, donc non minéralisées
de cendres volantes de type « PM » (prise mer). (c’est le cas de l’eau de pluie en atmosphère non polluée)
sont, paradoxalement, également agressives en raison de la
L’enrobage des aciers doit être plus important qu’en site courant
dissolution de la chaux (Ca(OH)2), ce qui rend le béton poreux.
(5 cm au moins – cf. règlement BAEL).

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Alcali-réaction dans les structures


en béton
Mécanisme, pathologie et prévention

par Bruno GODART
Directeur technique Ouvrages d’art au Laboratoire central des ponts et chaussées
et André LE ROUX
Directeur de recherche émérite LCPC (Laboratoire central des ponts et chaussées)

1. Mécanisme de l’alcali-réaction ............................................................. C 2 252v2 - 2


1.1 Différents types de réaction ........................................................................ — 2
1.2 Théories proposées ..................................................................................... — 2
1.3 Notion de pessimum ................................................................................... — 4
1.4 Propriétés des gels....................................................................................... — 4
2. Connaissances récentes ......................................................................... — 4
2.1 Connaissances relatives au matériau ......................................................... — 4
2.2 Connaissances relatives à la structure ....................................................... — 8
3. Pathologie et gestion des ouvrages malades................................... — 10
3.1 Description des désordres et dépistage ..................................................... — 10
3.2 Synthèse de l’observation des structures en France ................................ — 10
3.3 Diagnostic ..................................................................................................... — 11
3.4 Surveillance et évaluation de l’état des ouvrages..................................... — 11
3.5 Gestion des ouvrages .................................................................................. — 13
3.6 Problématique du traitement ...................................................................... — 14
4. Prévention des désordres ...................................................................... — 14
4.1 Principes de la prévention ........................................................................... — 15
4.2 Choix du niveau de prévention .................................................................. — 15
4.3 Caractérisation de la réactivité potentielle des granulats......................... — 15
4.4 Caractérisation de la réactivité potentielle d'une formule de béton........ — 16
4.5 Limitation de la teneur en alcalins du béton ............................................. — 16
4.6 Approche performantielle de la durabilité ................................................. — 17
5. Conclusion.................................................................................................. — 17
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. C 2 252v2

’alcali-réaction, que l’on appelle aussi communément réaction


L alcali-granulat, désigne la réaction chimique à l’origine de désordres impu-
tables à un déséquilibre entre les minéraux présents dans les granulats et la
solution interstitielle fortement alcaline du béton. Cette réaction, si elle est
dominante, n’est cependant pas la seule réaction de gonflement interne du
béton.
Cette réaction est à présent décelée dans la plupart des régions du monde.
Ce fut probablement R.J. Holden qui observa pour la première fois aux
États-Unis, en 1935, la présence de réactions chimiques dans les bétons, entre
les ciments et certains granulats. Puis, Kammer et Carlson constatèrent égale-
ment l’existence de désordres, mais c’est Stanton qui le premier précisa (en
1940) la nature des réactifs en cause dans les dégradations observées sur des
p。イオエゥッョ@Z@ュ。ゥ@RPPX

chaussées en Californie. En France, il faut attendre la fin des années 1970 pour

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ALCALI-RÉACTION DANS LES STRUCTURES EN BÉTON _____________________________________________________________________________________

certifier la présence d’alcali-réaction au sein de quelques barrages [1] [2], et


1987 pour découvrir que plusieurs ponts sont atteints par cette maladie [3]. Les
structures les plus touchées sont celles qui sont en contact avec l’eau ou celles
qui se situent dans des environnements humides ; ce sont donc essentielle-
ment les ouvrages de génie civil et certaines pièces humides de bâtiments qui
sont les plus vulnérables.
Après avoir expliqué le mécanisme de la réaction puis avoir passé en revue
les dernières connaissances acquises sur le sujet, nous aborderons la patho-
logie des structures atteintes d’alcali-réaction et les problèmes de gestion qui
en découlent, puis terminerons par la politique de prévention appliquée en


France depuis le début des années 1990 et qui s’avère être efficace avec le
recul que l’on peut en avoir actuellement.

1. Mécanisme Phase 1
de l’alcali-réaction attaque de la surface
par les ions OH-
Phase 3
1.1 Différents types de réaction introduction des ions
Ca++
Dans leur globalité, ces réactions constituent une réponse des
minéraux constitutifs des granulats (qui se trouvaient avant leur
extraction dans un environnement de pH voisin de 7) à un désé-
quilibre avec le milieu du béton dans lequel règne un pH souvent
supérieur à 13. Ce sont des réactions chimiques solide-liquide
dans lesquelles la phase solide est constituée par les granulats et
la phase liquide par la solution interstitielle fortement alcaline du
béton. Ces réactions se caractérisent par le fait que la partie
réactive des granulats est le plus souvent en faible quantité et irré-
gulièrement distribuée, et que la solution agressive contenue dans
la microporosité du matériau est distribuée de façon hétérogène.
On est donc conduit à admettre que les dégradations observées
sur les ouvrages sont le résultat moyen des effets localisés de la
Phase 2
réaction. On admet également que la réaction observée en un introduction des ions
point donné de l’ouvrage peut être dans un état d’avancement Na+
bien différent de celui observé en un autre point.
Les conditions qui gouvernent la réaction sont l’abondance et la
Si4+
réactivité des espèces minérales, la quantité d’alcalins et la
O– –
présence d’eau. En effet, rien ne se passerait sans eau, et une Na+
humidité relative d’au moins 80 % semble indispensable au déve- Ca++
loppement de la réaction. Trois types d’alcali-réaction en relation OH-
avec le minéral dominant sont le plus souvent citées :
– la réaction alcali-silice ; Figure 1 – Mécanisme couramment admis pour la formation
– la réaction alcali-silicate ; des gels d’alcali-réaction (d’après [5])
– la réaction alcali-carbonate.
Le premier type est de loin le plus répandu. Si l’on met à part la ces paramètres jouant à leur tour un rôle déterminant sur la
réaction alcali-carbonate dont la cause reste encore controversée, quantité et la cinétique de la silice dissoute.
le mécanisme de ces réactions passe par une dissolution de la silice
R. Dron a réalisé une étude in vitro [4] montrant que la forma-
sous l’action des ions OH– de la solution interstitielle, suivie de la
tion du gel était conditionnée par l’existence dans le milieu de
précipitation d’un gel silico-calco-alcalin. Pour cette réaction, la pré-
rapports de concentrations [silice]/[alcalins] déterminés. En dehors
sence de chaux est nécessaire, et les alcalins sont le sodium et le
de ces rapports, il ne se forme pas de gels nocifs.
potassium. Plusieurs théories ont été proposées pour expliquer le
processus d’attaque de la silice et le gonflement du matériau. Le schéma de la figure 1 représente le mécanisme le plus
vraisemblable conduisant à la formation de gels : l’attaque de la
silice se réalise à partir de la surface du granulat grâce aux ions
1.2 Théories proposées OH–. Au fur et à mesure que les ions hydroxyles diffusent dans la
silice hydratée, il y a attaque des liaisons siloxanes Si—O—Si et
1.2.1 Attaque de la silice des groupements silanols Si—OH par les ions OH– (phase1) :
Concernant le processus d’attaque de la silice, on admet que la
— Si — O — Si — + 2 OH– → — Si — O– + O– — Si — + H2O
composition de la solution interstitielle dépend prioritairement de
la nature du ciment, mais aussi des granulats susceptibles de libé- et
rer des alcalins, des adjuvants et de l’eau. Tous les composants du — Si — OH + OH– → — Si — O– + H2O
béton vont donc influer sur le pH et la concentration en alcalins,

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_____________________________________________________________________________________ ALCALI-RÉACTION DANS LES STRUCTURES EN BÉTON


a selon Dent Glaser et Kaoka b selon Prezzi et Monteiro

c selon Jones : dissipation du gel d selon Couty : gonflement des corps poreux

Figure 2 – Gonflement des gels : les différentes hypothèses

L’introduction des ions Na+ (ou K+) (phase 2) conduit à l’appari- l’origine du gonflement ; suivant le pH et la force ionique, la
tion de micro-domaines isolés qui vont être progressivement pression de gonflement peut atteindre 10 MPa. Sur la figure 2b qui
« digérés » en incorporant des ions Ca++ (phase 3). schématise cette hypothèse : 1 est le plan de cisaillement, 2 la
Le produit de la réaction est un gel silico-calco-alcalin. Dans les « particule de gel », a la couche diffuse, et b la couche rigide de
bétons, la formation des gels est très influencée par la présence Stern.
d’ions Ca++ ; même si ceux-ci ne sont présents qu’en très faible ■ Hypothèse des potentiels chimiques
quantité dans la solution interstitielle, il en existe une réserve (Dron, Brivot, Chaussadent) [8]
quasi inépuisable provenant de la dissolution de la portlandite. La
Ces auteurs suggèrent que le gonflement trouve son origine
formation de ces gels étant associée, dans le béton, à l’existence
dans la création même du gel. Celui-ci générerait une pression
d’une fissuration anarchique et évolutive, on leur accorde volon-
analogue à une pression de cristallisation, des pressions maxima-
tiers des propriétés gonflantes.
les apparaissant lorsque les produits formés sont éloignés des
conditions d’équilibre. Dans ses recherches, Dron montre que des
1.2.2 Gonflement des gels : gels silico-calco potassiques CKSH peuvent précipiter, et que ces
les hypothèses en présence derniers se rencontrent préférentiellement au contact des grains
Plusieurs hypothèses sont avancées pour expliquer le gonfle- de silice lorsque la composition de la solution est proche de celle
ment des gels, sans cependant que l’une d’entre elles ne fasse rencontrée dans le béton.
référence au niveau international. Examinons les. ■ Hypothèse de la dissipation du gel (Jones) [9]
■ Hypothèse des pressions osmotiques Les deux étapes principales retenues par Jones sont l’hydrata-
(Dent Glaser, Kataoka) [6] tion du gel et le gonflement, puis la dissipation dans la pâte de
Le gel formé au contact pâte-granulat va drainer la solution ciment. Si la vitesse de dissipation est inférieure à la cinétique de
interstitielle et voir son volume augmenter. Le flux liquide, source formation, il se produit une expansion. La vitesse de dissipation
du gonflement, génère des pressions qui provoquent la fissuration est fonction de la porosité de la pâte (figure 2c ).
(figure 2a ).
■ Hypothèse du gonflement des corps poreux (Couty) [10]
■ Hypothèse de la double couche électrique Dans la figure 2d qui schématise cette hypothèse du gonflement
(Prezzi, Monteiro) [7] des corps poreux : 1 représente le cœur du granulat encore sain,
Le phénomène de répulsion lié à la double couche formée 2 la partie externe du granulat devenue poreuse, 3 l’augmentation
autour des particules colloïdales de gel serait, selon ces auteurs, à de volume de la zone 2, et 4 la pâte de ciment. Les zones 2 et 3

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ALCALI-RÉACTION DANS LES STRUCTURES EN BÉTON _____________________________________________________________________________________

4
2. Connaissances récentes
Gonflement (‰)

0
2.1 Connaissances relatives au matériau
3 0,2
0,4
2.1.1 Rôle des granulats
2 La réaction alcali-silice, la plus banale, implique des granulats
0,6
contenant en proportions variables une ou plusieurs des espèces
1 0,8 minérales suivantes : opale, calcédoine, cristobalite, tridymite,
quartz microcristallins ou tectonisés, phase vitreuse... Ces espèces
1,0 minérales peuvent être présentes dans tous types de roches :
0
0 2 4 1,2 – magmatiques : granites, pegmatites, aplites ;


6 8 10 1,2 – volcaniques : rhyolites, basaltes, trachytes ;
12 14 0,8
16 18 0 0,4 Teneur en – métamorphiques : quartzites gneiss, micaschistes... ;
Teneur en opale (% ) 20 alcalins (%) – sédimentaires : grès, quartzites, calcaires siliceux, silex.
La réaction alcali-silicate, elle, implique des roches polyminéra-
Figure 3 – Illustration de la notion de pessimum. Cas d’une opale les contenant des minéraux silicatés présents dans des roches de
type granite, rhyolite, andésite et basalte, où la silice est sous
forme microcristalline, ou vitreuse, mais où les minéraux silicatés
peuvent intervenir en libérant des alcalins et une partie de la silice
de leur réseau. De telles roches peuvent se rencontrer dans les
Si
Gel silico-alcalin Gel silico-calco-alcalin
gisements alluvionnaires pourvu que la géologie, les conditions de
transport et de sédimentation soient favorables.
Si Ka
Quant à la réaction alcali-carbonate, elle implique les calcaires
Ca Ka dolomitiques. Cette réaction bien identifiée au Canada par exemple
K K Ka n’a pas été formellement reconnue lors des études entreprises en
France.
O
O Ka Dans la démarche française, la classification vis-à-vis de
Na Ka l’alcali-réaction est obtenue à partir d’essais dont la mise en œuvre
1 2 3 4 5 6 7 1 2 3 4 5 et le déroulement sont présentés dans la norme expérimentale
XP P18-594, les spécifications faisant l’objet du fascicule de docu-
mentation associé P18-542. Cette classification permet de qualifier
Figure 4 – Analyses montrant l’évolution des gels entre deux points les granulats en :
d’un même échantillon de béton
– non réactifs (NR) ;
– potentiellement réactifs (PR) ;
– potentiellement réactifs à effet de pessimum (PRP).
sont injectées par le gel qui va progresser dans la pâte et générer
des fissures qui rejoindront un granulat proche. Des observations pétrographiques permettant la classification
de roches sont présentées sur la figure 5.
Il nous semble trop simpliste de vouloir réduire à une seule 2.1.2 Rôle de la porosité
de ces théories le mécanisme de gonflement et la fissuration asso-
ciée. Si l’on met à part la théorie de la double couche, on peut La viscosité du gel dépend de sa composition chimique, et en
admettre que chaque théorie apporte un élément de réponse. particulier du rapport Ca/Si. La viscosité du gel, sa vitesse de
formation, sa capacité de gonflement et surtout l’espace poreux
disponible qui l’entoure sont des paramètres importants de
l’expansion du béton. L’espace poreux inclut la porosité propre
1.3 Notion de pessimum des granulats, la porosité de la pâte de ciment, l’auréole de transi-
Cette notion vérifiée expérimentalement s’applique à des granu- tion située entre les granulats et la pâte de ciment, ainsi que les
lats où une variété de silice très réactive facilement accessible aux bulles et fissures préexistantes du béton (fissures de retrait et fis-
solutions agressives est présente en quantité correspondant à une sures créées par les gradients thermiques au jeune âge). C’est
plage de valeurs dénommées pessimales. pourquoi il est extrêmement difficile de modéliser le gonflement
du béton à l’échelle de la microstructure car il est nécessaire de
La figure 3 montre que, dans la zone active, les gonflements sont connaître une grande quantité de paramètres qui s’avèrent diffi-
une fonction du couple teneur en granulats réactifs – teneur en alca- cilement accessibles par la mesure.
lins du mortier. Dans le cas présent, la teneur pessimale en opale
est centrée sur 5 %, valeur située à l’intérieur de la fourchette de 3 Pour illustrer l’influence de la porosité de la pâte de ciment sur
à 7 % souvent mentionnée dans la littérature, mais elle ne peut être l’expansion, nous considérons l’exemple d’une expertise conduite
dissociée d’une teneur en alcalins actifs qui est, pour cette opale, sur le béton d’une ancienne passerelle piétons implantée à
de 1,2 % exprimée en alcalins équivalents (Na2O + 0,658 K2O). Auxerre au-dessus de l’Yonne. Cette passerelle, construite en 1911,
était composée de deux grands arcs surbaissés en béton armé. Ces
arcs, qui avaient une ouverture de 55 m pour une flèche de 3,80 m,
1.4 Propriétés des gels présentaient d’importants désordres dus à la corrosion. L’expertise du
béton montra que des produits d’alcali-réaction étaient présents en
L’importance de la réaction et le caractère endommageant des grande quantité dans les pores et les cavités du béton qui, à l’époque,
produits formés dépendent de plusieurs facteurs. La figure 4 avait été mis en œuvre par damage (sans vibration). Cependant, les
distingue deux types de gels couramment observés. Le gel, issu de désordres traditionnels dus à l’alcali-réaction n’étaient pas visibles sur
la réaction, évolue avec le temps ; il peut aussi être différent d’un les parements de la passerelle, en raison de la grande porosité du
point à un autre du béton. Lorsqu’il est strictement silico-alcalin, il béton qui permettait aux gels de faire leur expansion dans les bulles
est fluide et suinte à la surface. Lorsqu’il incorpore des ions Ca2+, et cavités. La pathologie importante provoquée par la corrosion des
sa viscosité augmente et son pouvoir dégradant aussi. aciers conduisit à reconstruire la passerelle en 1995.

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Réaction sulfatique interne


dans les structures en béton
Mécanisme, pathologie et prévention
par Bruno GODART
Directeur technique Ouvrages d’Art au Laboratoire Central des Ponts et Chaussées (LCPC)

et Loı̈c DIVET
Chef de la division Physico-chimie des Matériaux au Laboratoire Central des Ponts et

Chaussées (LCPC)

1. Mécanisme de la réaction sulfatique interne............................ C 2 254 – 2


1.1 Différents types d’ettringite ............................................................... — 2
1.2 Mécanismes physico-chimiques de la RSI ........................................ — 3
1.3 Rôle des divers paramètres ............................................................... — 4
1.4 Courbe d’expansion du béton............................................................ — 5
1.5 Conséquences mécaniques pour le béton et les structures ............. — 6
2. Pathologie et gestion des ouvrages malades ............................ — 6
2.1 Description des désordres et dépistage ............................................ — 6
2.2 Bilan des structures à l’étranger ........................................................ — 7
2.3 Bilan des structures en France........................................................... — 7
2.4 Diagnostic ........................................................................................... — 8
2.5 Surveillance et évaluation de l’état des ouvrages ............................ — 9
2.6 Gestion des ouvrages......................................................................... — 10
2.7 Problématique du traitement ............................................................. — 10
3. Prévention des désordres .............................................................. — 10
3.1 Principes ............................................................................................. — 10
3.2 Choix du niveau de prévention.......................................................... — 11
3.3 Précaution à adopter selon le niveau de prévention ........................ — 12
3.4 Dispositions constructives ................................................................. — 12
3.5 Essai de performance ......................................................................... — 13
3.6 Estimation des températures atteintes dans les structures .............. — 14
4. Conclusion........................................................................................ — 15
Pour en savoir plus ................................................................................ Doc. C 2 254

a réaction sulfatique interne (RSI) par formation différée d’ettringite est une
L cause de désordres susceptibles d’endommager sévèrement des ouvrages
en béton.
Les premiers cas sont apparus à l’étranger, à partir de 1987, dans certaines
pièces préfabriquées qui avaient été soumises à un traitement thermique ina-
dapté à la formulation et à l’exposition du béton (comme, par exemple, des
traverses de chemin de fer).
Ce phénomène a été observé en France, à partir de 1997, sur des ponts dont le
béton avait été coulé en place. Il s’agit essentiellement de parties d’ouvrages
massives (piles, chevêtres sur piles ou culées, etc.) en contact avec l’eau ou
soumises à une forte humidité.
À la différence des réactions sulfatiques plus classiques, où les sulfates agres-
sent le béton depuis l’extérieur en provoquant une dégradation progressive de
la surface vers le cœur de la pièce, la RSI affecte l’ensemble du béton sans faire
appel à une source extérieure de sulfates. Elle se manifeste alors par un gon-
flement du matériau et une fissuration de la structure.
p。イオエゥッョ@Z@ュ。ゥ@RPPY

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RÉACTION SULFATIQUE INTERNE DANS LES STRUCTURES EN BÉTON –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

1. Mécanisme de la réaction de gonflement car ils se forment avant le durcissement du béton et


dans les espaces libres du matériau. Ils revêtent même un caractère
sulfatique interne bénéfique puisqu’ils contribuent à la cohésion de la pâte du ciment
au jeune âge par une diminution de la porosité et une augmenta-
tion concomitante de la résistance mécanique du mélange. Ce phé-
nomène est notamment prépondérant dans le cas de la prise des
Le phénomène de réaction sulfatique interne (RSI) résulte de la ciments sursulfatés et des ciments sulfoalumineux.
formation différée d’un minéral dénommé « ettringite » et de for-
mule chimique 3CaO.Al2O3.3CaSO4.32H2O. 1.1.2 Ettringite de formation secondaire
Cette formation retardée de l’ettringite est susceptible de provo- Elle se forme quand le béton a déjà durci et résulte de mouve-
quer une expansion qui se manifeste par l’apparition, à la surface ments d’eau à l’intérieur (phénomènes de dissolution/précipita-
du béton, d’une fissuration multi-directionnelles à maille relative- tion), et d’apports en sulfates d’origine externe (par exemple, les
ment large. sols gypseux, les eaux séléniteuses, les remblais de schiste houil-


Mais, l’ettringite n’est pas systématiquement délétère pour le ler, etc.) ou interne (utilisation de granulats contenant des sulfates
béton puisqu’il s’agit d’un produit normal de l’hydratation des et, notamment, des calcaires contenant des pyrites framboı̈dales
ciments. C’est pourquoi, nous donnons ci-après quelques informa- mal cristallisées [2], utilisation d’eau de mer ou d’eau sulfatée
tions sur les différents types d’ettringite rencontrés dans les pour gâcher le béton, etc.). Dans ce dernier cas, le respect des tex-
bétons. tes normatifs permet d’éviter cette réaction.
Pour les phénomènes de dissolution/précipitation, l’ettringite
cristallise sous forme aciculaire dans les espaces libres du béton
1.1 Différents types d’ettringite et ne présente généralement pas de caractère expansif (figure 2).
Aujourd’hui, plusieurs termes sont employés dans la littérature Par contre, l’ettringite de formation secondaire consécutive à un
pour bien distinguer les différents modes et échéances de forma- apport externe de sulfates est susceptible de générer des gonfle-
tion de l’ettringite dans le béton. On distingue alors trois types ments. Contrairement aux faciès non expansifs, cette ettringite
d’ettringite qui peuvent coexister dans un même béton. Nous pathologique cristallise sous une forme massive et comprimée.
retiendrons la dénomination proposée par l’association française Les désordres liés à ce type d’ettringite concernent les bétons
de Génie civil, qui résulte des travaux du groupe GranDuBé (Gran- fabriqués avec des ciments non résistants aux sulfates (générale-
deurs associées à la durabilité des bétons) [1] : ment les ciments riches en C3A et libérant du Ca(OH)2 lors de leur
– de formation primaire qui ne provoque pas d’expansion ; hydratation).
– de formation secondaire qui peut provoquer une expansion ;
– de formation différée, consécutive à une élévation de tempéra- 1.1.3 Formation différée
ture subie par le béton au jeune âge, qui peut aussi provoquer une Cette ettringite se rencontre uniquement dans les bétons ayant
expansion. subi au jeune âge un échauffement supérieur à 65  C. Au-delà de
cette température, l’ettringite de formation primaire ne se forme
1.1.1 Ettringite de formation primaire pas au cours des réactions d’hydratation du ciment et/ou est
décomposée.
Cette ettringite correspond à un produit issu de l’hydratation des
ciments qui se forme par réaction entre le régulateur de prise La source des ions sulfate est donc d’origine interne car elle pro-
(gypse, hémihydrate, anhydrite) et l’aluminate tricalcique vient de l’absence, ou de la décomposition, de l’ettringite primaire.
(3CaO.Al2O3 ou C3A en notation cimentière) du clinker. Après retour à température ambiante et en présence d’humidité,
l’ettringite peut se former ou se reformer. Elle est alors susceptible
L’ettringite se rencontre sous l’aspect de cristaux de forme acicu-
de générer des pressions de gonflement dans certaines conditions
laire, comme le montre la figure 1. Ces cristaux ne provoquent pas
(figure 3).
Dans la suite de cet article, c’est ce type de réaction que nous
désignerons par le sigle RSI.

Grossissement × 4 000 Grossissement × 750

Figure 1 – Aiguilles d’ettringite primaire non expansive dans la pâte Figure 2 – Ettringite secondaire non expansive dans un pore
de ciment (microscope électronique à balayage) (microscope électronique à balayage)

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C 2 254 – 2 est strictement interdite. – © Editions T.I.

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––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– RÉACTION SULFATIQUE INTERNE DANS LES STRUCTURES EN BÉTON

capacité d’adsorption s’élève avec le rapport CaO/SiO2 des C–S–H


et que ce rapport augmente avec une élévation de la température
de prise du ciment.
La liaison sulfates-silicates de calcium hydratés est peu stable de
sorte qu’au cours du temps, les C–S–H peuvent libérer des sulfates
dans la solution interstitielle du béton.

1.2.2 Précipitation de l’ettringite


Après durcissement du béton et retour à la température
ambiante associée, éventuellement, à un lessivage des alcalins
contenus dans la solution interstitielle du béton, la précipitation
de l’ettringite peut se produire dans la pâte de ciment durcie à par-
tir des inclusions de monosulfoaluminates et des ions SO42– sous
forme de cristaux nanométriques à micrométriques. Il peut alors
régner des conditions de concentration qui conduisent à une très
forte instabilité du système chimique local et à la formation, dans

un espace confiné, d’une ettringite souvent qualifiée de « mal cris-
tallisée ». Elle peut développer localement des pressions élevées et
provoquer un gonflement ainsi qu’une fissuration de la pâte de
ciment.
Grossissement × 800 Au cours du temps et en conditions humides, les microcristaux
d’ettringite peuvent être dissous et recristalliser dans les fissures
Figure 3 – Ettringite ayant des propriétés expansives et localisée où l’ettringite apparaı̂t alors sous forme de veines caractéristiques,
à l’interface pâte/granulat (microscope électronique à balayage) ou dans les auréoles de transition situées autour des granulats.
Cette ettringite secondaire, formée postérieurement à l’appari-
tion des microfissures, ne provoquerait pas d’expansion, mais
1.2 Mécanismes physico-chimiques pourrait influencer les conditions de propagation des microfissu-
de la RSI res. Toutefois, cette thèse ne fait pas aujourd’hui l’objet d’un
consensus dans la communauté scientifique.
La RSI se traduit donc par la formation différée d’ettringite
dans un matériau cimentaire, après la prise, sans apport de sul-
1.2.3 Expansion
fates externes. Le caractère expansif, ou non, de l’ettringite dépend de la com-
position chimique initiale, en particulier du type de ciment (teneurs
Le mécanisme peut être décomposé schématiquement en trois en aluminates, en alcalins, quantité de Ca(OH)2 susceptible d’être
séquences : formée) et de la quantité de sulfates susceptibles d’être mobilisée.
– constitution d’une source en sulfates potentiellement Le mécanisme exact, par lequel la formation d’ettringite peut
remobilisable, générer des pressions au sein du béton, ne fait pas encore
– précipitation différée de l’ettringite ; l’unanimité. Deux principaux mécanismes, plus ou moins asso-
– expansion qui se traduit par la fissuration du béton. ciés, ont été proposés pour expliquer le gonflement induit par
la formation d’ettringite :
1.2.1 Constitution d’une source en sulfates – en relation avec les pressions de cristallisation associées à
Une élévation conséquente de la température modifie les réac- la croissance des cristaux d’ettringite ([18], [19], [20]) ;
tions d’hydratation du ciment. En effet, les sulfates apportés par le – en relation avec les pressions osmotiques dues à la crois-
régulateur de prise ne sont pas mobilisés en totalité pour former sance d’une ettringite colloı̈dale [21].
l’ettringite primaire ([3], [4], [5], [68]). Par ailleurs, la solubilité de Dans la réalité, il est vraisemblable que les deux mécanismes
l’ettringite primaire augmente avec la température ce qui se traduit puissent entrer en jeu simultanément et ne soient pas vraiment
par une concentration plus élevée en ions sulfate dans la solution dissociés.
interstitielle du béton ([6], [7]).
De plus, la présence d’autres ions en solution tels que les ions & Gonflement par pressions de cristallisation
Na+ ou K+ augmentent également la solubilité de l’ettringite [8]. La théorie des pressions de cristallisation suggère que le gonfle-
Des calculs thermodynamiques et de nombreuses expériences ment engendré par un sel quelconque est en relation avec la pres-
attestent qu’en présence d’une forte quantité d’alcalins et à des sion de cristallisation de ce sel en solution. La pression de cristalli-
températures supérieures à 65  C, le domaine de stabilité de l’et- sation dépend elle-même du taux de sursaturation de la solution.
tringite est considérablement réduit ([9], [10]). Ces variations ther- Elle peut s’exprimer par la formule :
modynamiques entrainent une augmentation de la teneur en alca-
lins et en sulfates dans la solution interstitielle du béton. P = ðRT /VsÞ ðlogC /CsÞ

Selon Scrivener [11], aux températures comprises entre 70 et avec C concentration du sel en solution,
90  C environ, une part importante des sulfates résultant de la Cs concentration de la solution à la saturation,
décomposition de l’ettringite est incluse dans les silicates de cal-
Vs volume molaire du sel,
cium hydratés dénommés C–S–H (hydrate majoritaire des ciments)
sous forme d’ions SO42– adsorbés et de cristaux nanométriques de R constante des gaz parfaits,
monosulfoaluminates de calcium intimement mélangés aux hydra- T température absolue.
tes du ciment.
De nombreux travaux ont montré cette capacité d’adsorption Selon Scherer [22], les pressions engendrées dépendent de la
physique des ions SO42– par les C–S–H ([12], [13], [14], [15]). Par ail- courbure du cristal en supposant un matériau saturé et un réseau
leurs, Barbarulo [16] et Matschei [17] ont également montré que la constitué de pores cylindriques :

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RÉACTION SULFATIQUE INTERNE DANS LES STRUCTURES EN BÉTON –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

P = K CL Y CL
90

Température (°C)
avec P pression, Température à cœur
80
KCL courbure du pore,
70
YCL énergie libre du cristal.
60
Il en déduit que les plus grandes pressions sont développées 50
dans les plus petits pores d’accès à un gros cristal. Température en bordure de coffrage
40
& Gonflement par pressions osmotiques Température extérieure
30
Les forces de gonflement proviennent de l’environnement élec- 20
trique des particules cryptocristallines d’ettringite précipitée.
Comme dans les matériaux argileux, ces particules peuvent déve- 10
lopper des forces d’attraction et de répulsion dans certaines condi-


0
tions de pH. 0 2 4 6 8 10 12 14
Temps après le coulage du béton (jours)
Une telle théorie a été développée par Mehta [21]. Les particules
colloı̈dales d’ettringite de surface spécifique très élevée et chargées Figure 4 – Exemple d’enregistrement des températures d’un béton
négativement attirent les molécules d’eau polaires qui les entou- d’une pièce massive (4 x 5 x 6 m)
rent. La répulsion électrostatique provoque le gonflement. Le phé-
nomène s’accompagne d’une très forte absorption d’eau.

Expansion (%)
1,6 Temps de latence = 87 jours
Les conditions chimiques de ce processus d’expansion ne diffé- Expansion max = 1,6 %
rent pas fondamentalement des conditions évoquées pour la pres- 1,2
sion de cristallisation. En effet, la formation de l’ettringite suit un Temps de latence = 603 jours
processus de dissolution/précipitation dans un espace confiné, en 0,8 Expansion max = 0,8 %
présence de chaux. Pièce massive
0,4
Préfabrication
0
1.3 Rôle des divers paramètres 0 200 400 600 800 1 000
Temps (jours)
La RSI n’est susceptible de se produire à long terme que sous 10 heures à 80°C 5 jours à 80-70 °C
certaines conditions spécifiques. La probabilité d’apparition est for-
tement liée à l’environnement de la structure et à certains paramè- Figure 5 – Influence de la durée de maintien à haute température
tres propres au matériau ou conditionnés par le processus de sur la RSI (d’après [70])
fabrication.
température reste entre 70 et 80  C pendant 5 jours. Il s’agit
1.3.1 Influence du cycle thermique subi d’éprouvettes cylindriques 11 x 22 cm dosées à 400 kg/m3 de
par le béton ciment et de rapport E/C = 0,5.
Par ailleurs, Brunetaud [26] a étudié les couplages entre certains
La température maximale atteinte dans le béton est un para- des principaux paramètres de la RSI par la méthode des plans d’ex-
mètre essentiel du déclenchement de la RSI. Il est maintenant périences. La principale interaction concerne alors la température
admis qu’un matériau cimentaire développera une expansion et la durée de l’échauffement.
liée à la RSI si celui-ci est porté à une température supérieure
à 65  C environ pendant son hydratation ([23], [24], [69]). 1.3.2 Influence de l’environnement de la structure
De plus, une température maximale plus élevée augmente les en béton
expansions finales observées ([25], [69]).
On a pu constater depuis longtemps, aussi bien en laboratoire
& Dans le cas de l’industrie de la préfabrication des bétons, les piè- que sur ouvrages, le rôle fondamental de l’eau dans le déve-
ces subissent une phase dénommée prétraitement qui consiste à loppement de la RSI. L’eau est un milieu réactionnel nécessaire
maintenir le matériau à la température ambiante avant la période au déroulement de la réaction. Elle intervient, aussi bien dans
de montée en température. Pour Fu [25], plus la durée de la phase les processus de transfert, que dans la formation des produits
de prétraitement est courte, plus l’expansion finale du matériau est de réaction.
importante.
La RSI touche essentiellement les parties d’ouvrage en contact
& Dans le cas de pièces massives en béton coulées en place et, avec l’eau (zone immergée, zone de marnage) ou soumises à des
lors de fortes chaleurs d’été, l’hydratation du ciment peut suffire à venues d’eau (défaut d’étanchéité, absence de drainage, etc.),
générer des températures proches de 80  C au cœur de la pièce en voire exposées à un taux d’humidité élevé.
béton. De plus, la durée de maintien à haute température est beau-
En laboratoire, les travaux de Heinz et Ludwig [27] et, plus
coup plus longue (plusieurs jours) que dans le cas d’éléments en
récemment de Graf [28] ont montré qu’aucune expansion n’est
béton étuvés en usine (durée inférieure à 8 heures en général).
observée en dessous de 90 % d’humidité relative. La remise à
La figure 4 donne un exemple d’échauffement d’une pièce mas- 100 % d’humidité relative permet ensuite le développement d’ex-
sive en béton de 4 mètres de haut, pour 6 mètres de long et 5 mètres pansion. Les expansions finales sont plus élevées et les temps de
de large. La température au cœur du béton a atteint 80  C et le béton latence plus courts lorsque les échantillons sont conservés dans
a été maintenu à une température supérieure à 70  C durant 9 jours. l’eau, plutôt qu’à 100 % d’humidité relative ([27], [29]).
La présence d’eau entraı̂ne aussi une lixiviation du matériau, en
La durée de maintien à haute température favorise la RSI en particulier des alcalins. Les travaux de Famy [29] ont montré que la
accélérant la cinétique de la réaction et en augmentant l’amplitude conservation de prismes de mortier dans une solution alcaline pou-
du gonflement [70]. La figure 5 illustre ce phénomène pour une vait retarder, voire inhiber les expansions observées lorsque le mor-
même formulation de béton, en comparant un cycle thermique uti- tier est conservé sous eau. La lixiviation des alcalins est un facteur
lisé en usine de préfabrication où la température demeure à 80  C qui modifie les équilibres chimiques du matériau et qui est suscep-
pendant 10 heures avec un échauffement d’une pièce massive où la tible de modifier la cinétique de RSI, voire son déclenchement.

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Réactivité des surfaces de béton

par Matthieu HORGNIES


Docteur


Chargé de recherche au Centre de recherche de Lafarge, Saint Quentin-Fallavier

1. Définition d’une peau de béton ........................................................ COR 415 - 2


2. Interactions avec l’eau et les ions en solution ............................. — 2
2.1 Mécanismes d’hydratation....................................................................... — 2
2.2 Efflorescences à base de carbonate de calcium..................................... — 3
2.3 Lixiviation et décalcification des surfaces de béton par l’eau............... — 4
2.4 Influences des ions sulfates et chlorures................................................ — 5
3. Interactions avec les coffrages et les agents de démoulage ... — 6
3.1 Influences des huiles de démoulage....................................................... — 6
3.2 Contamination ou fonctionnalisation des surfaces : cas particulier
des moules en silicone ............................................................................. — 6
3.3 Formation de portlandite liée à l’utilisation d’une solution
de décoffrage à base de tensioactifs....................................................... — 7
4. Interactions avec les gaz et l’environnement ............................... — 7
4.1 Mise en évidence du front de carbonatation.......................................... — 7
4.2 Réactivité avec les oxydes d’azote (NOx) ............................................... — 9
4.3 Ancrage des micro-organismes biologiques.......................................... — 9
5. Revêtements de protection du béton .............................................. — 12
5.1 Variabilité de la composition ................................................................... — 12
5.2 Différentes familles de revêtements ....................................................... — 12
5.3 Effet photocatalytique .............................................................................. — 12
5.4 Adhérence des revêtements .................................................................... — 13
5.5 Conclusions ............................................................................................... — 13
6. Conclusions ............................................................................................ — 14
Pour en savoir plus ......................................................................................... Doc. COR 415

a réactivité des surfaces de béton est un sujet complexe que l’on peut
L définir par les interactions à l’interface entre la microstructure d’un maté-
riau à base de liant hydraulique et le monde extérieur, celui-ci pouvant être
constitué de différents gaz (CO2 , NO2), d’eau liquide (plus ou moins chargée
en sels), d’agents ou de résidus de décoffrage et d’autres agents agresseurs
(micro-organismes…).
Ainsi, cet article vise à décrire la variabilité des réactions possibles entre la
surface du béton et son environnement immédiat, que ce soit durant son
hydratation et son durcissement ou lors de sa carbonatation et de son vieillis-
sement. Divers exemples seront ainsi décrits dans cet article afin d’expliciter le
type de réaction ayant lieu en surface. Nous avons choisi de séparer ces inte-
ractions en trois types :
– celles résultant des réactions avec l’eau liquide ou avec des ions présents
en solution : phénomènes d’hydratation au jeune âge, de formation d’efflores-
cence après décoffrage, de lixiviation et de décalcification suite à des
expositions récurrentes à l’eau, attaque sulfatique et pénétration des ions
chlorures ;
p。イオエゥッョ@Z@ェオゥョ@RPQT

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RÉACTIVITÉ DES SURFACES DE BÉTON __________________________________________________________________________________________________

– celles résultant des interactions avec les éléments du coffrage, comme les
moules et les agents de décoffrage : influences des huiles de décoffrage,
contamination et fonctionnalisation avec certains moules, croissance de port-
landite favorisée par certains tensioactifs ;
– celles résultant des interactions avec l’environnement : carbonatation en
présence de CO2 , dépollution de certains gaz irritants ou toxiques, croissance
de micro-organismes, comme les algues ou les champignons.
Enfin, le dernier chapitre décrira les fonctionnalités apportées par les divers
types de revêtements de protection potentiellement applicables sur le béton.

1. Définition d’une peau 2. Interactions avec l’eau


de béton et les ions en solution
Le béton compte parmi les produits les plus importants manu- 2.1 Mécanismes d’hydratation
facturés par l’homme. La production mondiale de béton est esti-
mée à plus d’1 m3 par an et par habitant. Ce matériau de Les grains de ciment issus de la fabrication du clinker sont
construction est un mélange constitué de granulats, de sable, de composés de phases anhydres qui vont partiellement se dissoudre
ciment et d’eau (dans certaines formulations, de fines particules, lors de leur réaction avec l’eau. La re-précipitation partielle de
appelées « filler », sont aussi ajoutées). certaines espèces chimiques conduit à la formation de phases
hydratées qui apportent la cohésion et la résistance mécanique
La fabrication du ciment de type CEM I (le plus couramment
durant la prise du béton.
utilisé) provient du chauffage à très haute température (> 1 400 oC)
d’un mélange majoritairement constitué de calcaire et d’argiles. Le tableau 1 récapitule les différentes phases présentes dans le
Les réactions à haute température et notamment la décarbona- clinker anhydre et après hydratation d’un ciment Portland
tation du calcaire donnent lieu à la fabrication de boulets de ordinaire (type CEM I) [5]. Les pourcentages sont donnés ici à titre
clinker, qui deviendront des grains de ciment CEM I après broyage indicatif pour un ciment Portland CEM I, 28 jours après le début de
et addition de gypse. l’hydratation.
Étant donné que la phase anhydre Ca2SiO4 (belite) réagit très
La réaction du ciment avec l’eau, appelée « hydratation », donne
lentement (au bout de plusieurs semaines à plusieurs mois), les
lieu à la prise d’une pâte dite « hydratée » qui lie les granulats et
réactions principales donnant lieu à la formation de la pâte de
les grains de sable et donne une cohésion importante au béton. La
ciment hydratée au niveau de la peau de béton peuvent être
distribution granulaire au sein d’un béton peut varier fortement
décrites via l’hydratation du Ca3SiO5 (présent sous forme d’alite)
d’une formulation à l’autre, en fonction des propriétés requises
qui commence à réagir après quelques heures (figure 1) et s’opère
(résistance mécanique, perméabilité, densité...) ; une différence de
en plusieurs étapes :
plusieurs ordres de grandeur entre les plus petites et les plus
grosses particules peut être utilisée dans les bétons à ultra hautes – dissolution des grains :
performances (BUHP) par exemple [1].
Ca3SiO5 + 3 H2O ⇒ 3 Ca2+ + 4 OH− + H2SiO−4
La composition de la surface d’un élément en béton (appelée
aussi « peau du béton ») est cependant différente du volume. En – précipitation des silicates de calcium hydratés (C-S-H) :
effet, le contact avec les moules/coffrages produit un effet similaire
à celui détecté en surface de chaque granulat, à savoir une x Ca2+ + 2(x − 1) OH− + H2SiO−4 ⇒ (CaO) x ⋅ (SiO2 ) ⋅ (H2O) x
décroissance de l’empilement granulaire du fait de la restriction de
mouvement des particules adjacentes à la surface. L’épaisseur de – précipitation de l’hydroxyde de calcium (Ca(OH)2 , aussi appelé
cette zone de transition, contenant des particules de même taille, « portlandite ») :
correspond à la moitié du diamètre de la particule considérée [2]
[3]. Cet effet de bord conduit à un enrichissement de la couche de Ca2+ + 2 OH− ⇒ Ca(OH) 2
surface en fines particules (ciment par exemple) ; la peau du béton
est ainsi constituée presque exclusivement de pâte de ciment et Les C-S-H issus de l’hydratation du ciment sont très complexes à
de fillers (fines particules < 100 µm), comme explicité plus en détail décrire et sont parfois désignés sous la forme d’un « gel colloïdal
dans nos bases documentaires [C 2 231] [TRI 4 600]. de C-S-H », de structure amorphe [6]. Leur composition et leur
nanostructure intrinsèque peuvent être considérées comme étant
La quantité de pâte (ciment + eau) présente dans le béton ainsi proches d’un minéral naturel appelé 1,4 nm-tobermorite
que la présence de filler peuvent influencer la porosité ouverte de (Ca5Si6O16(OH)2,4(H2O)) qui est composé d’un feuillet de CaO
la surface, la rugosité et la perméabilité. Bien sûr, d’autres para- associé à des tétraèdres de silice répartis de part et d’autre.
mètres (comme nous le verrons par la suite) peuvent aussi modi- L’espace interfeuillet est occupé par des molécules d’eau et des
fier la microstructure de surface d’un béton durci, tels que la ions calcium [7]. La stœchiométrie des C-S-H est variable, le ratio
composition et la texture des moules ou la composition des agents CaO/SiO2 pouvant varier de 0,6 à 2, avec une moyenne de 1,5 à 1,7
de décoffrage [4]. pour les bétons non carbonatés.

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__________________________________________________________________________________________________ RÉACTIVITÉ DES SURFACES DE BÉTON

Figure 1 – Hydratation d’un grain de C3S après quelques heures, la portlandite (plaquettes minces de forme hexagonale) et les C-S-H (fibrilles
buissonnantes très fines) sont visibles au MEB, notamment à fort grossissement (image de droite)

Tableau 1 – Principales phases minérales rencontrées dans le ciment anhydre


et la pâte de ciment hydratée
Nom des phases Composition % en volume
Clinker anhydre
Alite – Silicate tricalcique 3CaO·SiO2 40 à 75
Belite – Silicate bicalcique 2CaO·SiO2 10 à 35
Aluminate tricalcique 3CaO·Al2O3 0 à 15
Alumino-ferrite tétracalcique 4CaO·Al2O3·Fe2O3 1 à 20
Chaux libre CaO <3
Pâte de ciment hydratée
Portlandite Ca(OH)2 15 à 20
Silicates de calcium hydratés (C-S-H) Variable 50 à 70
6CaO·Al2O3·3SO3·32H2O
Ettringite et monosulfate 10 à 20
4CaO·Al2O3·SO3·12H2O

La portlandite (Ca(OH)2) représente, quant à elle, 15 à 20 % du Les mécanismes de formation peuvent être séparés en trois
volume solide d’un béton traditionnel. La portlandite est cristalline phases (figure 2b) :
et précipite essentiellement sous forme de plaquettes hexagonales,
de quelques µm à quelques dizaines de µm de longueur. – Phase 1 : dissolution des ions. La pâte de ciment hydratée
contient des phases minérales ayant une faible mais significative
capacité à se dissoudre dans l’eau. Celle-ci peut ainsi pénétrer
dans le réseau poreux du béton qui va alors se dissoudre partiel-
2.2 Efflorescences à base de carbonate lement.
de calcium
– Phase 2 : migration des ions vers la surface. Lorsque la surface
extérieure est exposée à un air sec, la solution capillaire contenant
Les efflorescences sont des dépôts minéraux de couleur des ions en solution migre vers la surface avant de s’évaporer,
blanchâtre (carbonate de calcium) qui apparaissent à la surface laissant alors les ions s’accumuler graduellement.
d’éléments en béton (cf. image MEB, figure 2a). Les défauts – Phase 3 : précipitation du carbonate de calcium. À l’extrême
occasionnés sont d’ordre esthétique, sans atteinte particulière surface de la peau de béton, le dioxyde de carbone de
de la macrostructure, et sont liés à la présence de chaux libre l’atmosphère se dissout dans la solution capillaire. Le CO2 va
dans la solution interstitielle, aux mouvements d’eau vers la réagir avec les ions calcium et des cristaux de CaCO3 vont alors
surface et aux conditions de séchage [8] [9] [10]. précipiter.

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RÉACTIVITÉ DES SURFACES DE BÉTON __________________________________________________________________________________________________

Air Air

Séchage ⇒
CO2 (gaz) précipitation

Ca2+ + CO32–
Film
CO32–,
d’eau → CaCO3 (s)


Ca2+ , OH–

Na+ , K+
Ca2+ , OH–

Béton Béton

a b

Figure 2 – (a) Image MEB de cristaux de carbonate de calcium en surface d’un béton et (b) schéma de formation des efflorescences

E ff l o r escences
de CaCO3

Revêtement
perméable à l’eau

Zone du béton
décalcifiée

100 µm 100 µm

a b

Figure 3 – (a) Images MEB et (b) cartographie en microanalyse X du calcium d’une section polie d’une surface de béton recouverte d’un revête-
ment relativement perméable à l’eau : la précipitation des cristaux de carbonate de calcium est visible en surface du revêtement alors que la
couche externe du béton est clairement décalcifiée

Pour expliciter ces mécanismes, nous pouvons prendre 2.3 Lixiviation et décalcification
l’exemple où un revêtement, relativement perméable à l’eau,
exacerbe les mécanismes responsables des efflorescences après
des surfaces de béton par l’eau
plusieurs mois d’exposition en extérieur (multiples cycles
d’humidification par la pluie/séchage au soleil). La lixiviation des surfaces de béton intervient lors de leur expo-
sition à l’eau de pluie mais aussi lors d’immersions répétées dans
La figure 3 présente ainsi une image MEB en électrons l’eau (bord de mer, bassin de décantation, etc.). Cette lixiviation de
secondaires et une cartographie EDS du calcium ; les observations la peau du béton a pour effet de décalcifier les hydrates (par disso-
montrent clairement les efflorescences à base de carbonate de lution des ions calcium) et d’augmenter la porosité de la zone pré-
calcium qui ont cristallisé en surface du revêtement alors que la sente sous la surface, tout en favorisant la précipitation de
couche externe du béton, située sous la couche de peinture, est cristaux de carbonate de calcium à l’extrême surface (ce dernier
significativement décalcifiée. phénomène s’apparentant aux efflorescences, cf. figure 3).

COR 415 – 4 Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés

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Fissuration du béton armé


par Jean Michel TORRENTI
Ifsttar, département matériaux et structures (France)

et Francis BARRE
Géodynamique et Structure (Bagneux, France)

1.
2.
Fissuration et durabilité des structures en béton armé..........
Fissures dans le béton : précisions .............................................
C 6 152 – 2
— 2

2.1 L’ouverture de fissure : une grandeur probabiliste ........................... — 2
2.2 L’ouverture de fissure : une grandeur mesurée en surface .............. — 2
2.3 wk : grandeur moyenne, caractéristique ou de design ..................... — 3
3. Fissuration d’un tirant en béton armé ........................................ — 3
3.1 Théorie de Brice ................................................................................. — 3
3.1.1 Avant première fissuration ...................................................... — 4
3.1.2 Première fissuration ................................................................ — 4
3.1.3 Régime de fissuration établi – Espacement des fissures ....... — 4
3.1.4 Ouverture des fissures ............................................................ — 4
3.2 Exemple de modélisation plus élaborée de la fissuration du béton
armé .................................................................................................... — 5
3.3 Approche réglementaire .................................................................... — 6
3.3.1 CCBA 60 ou CCBA 68 – Théorie de Brice ................................ — 6
3.3.2 Fascicule 74 – Construction des réservoirs en béton (2012) .. — 7
3.3.3 BAEL 1999 ................................................................................ — 7
3.3.4 EN 1992-1-1 .............................................................................. — 7
4. Fissuration de retrait gêné............................................................ — 8
4.1 Notion de retrait gêné ........................................................................ — 8
4.2 Dalles et radiers ................................................................................. — 8
4.3 Réservoirs ........................................................................................... — 9
5. Conclusion........................................................................................ — 9
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. C 6 152

a fissuration du béton armé est un phénomène normal compte tenu du prin-


L cipe de fonctionnement de ce matériau. Mais, que ce soit pour des raisons
esthétiques ou de durabilité, il convient de maı̂triser les ouvertures de ces
fissures.
Après avoir présenté la relation fissuration – durabilité et discuté de la notion
d’ouverture de fissure, différentes théories sur le comportement mécanique du
béton armé sont présentées puis confrontées aux approches réglementaires.
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FISSURATION DU BÉTON ARMÉ ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

1. Fissuration et durabilité & Ouvertures maximales des fissures recommandées par l’Euro-
code 2 selon les classes d’exposition (source : NF EN 1992-1-1/NA)
des structures en béton Les classes d’exposition XC correspondent à un risque de corro-
sion lié à la carbonatation ; les classes d’exposition XD (chlorures
armé venant des sels de déverglaçage) et XS (chlorures venant de l’eau
de mer) correspondent à un risque de corrosion lié aux chlorures
(voir le tableau 1).

Le principe du béton armé réside dans l’association d’un


matériau qui travaille bien en compression (le béton) à un
autre qui travaille bien en traction (l’acier). Ce dernier est solli-
cité via le béton grâce au phénomène d’adhérence existant entre
2. Fissures dans le béton :
l’acier et le béton. précisions
R Vu la différence des modules d’élasticité de l’acier et du béton,
nous verrons que, si l’on veut solliciter correctement l’acier, cela 2.1 L’ouverture de fissure : une grandeur
implique que le béton tendu soit fissuré : en béton armé, la fissura- probabiliste
tion du béton dans les zones tendues ou fléchies est donc normale.
Par contre, pour des raisons esthétiques ou à cause du risque de Dans le code model 2010 de la fib (voir le Pour en savoir plus), il
corrosion des armatures, il est nécessaire de limiter l’ouverture des est indiqué que « le phénomène de fissuration » est d’une nature
fissures. Le fait que l’on limite des ouvertures de fissure pour des hautement probabiliste. En conséquence, la comparaison entre
raisons de durabilité explique pourquoi l’estimation de ces ouver- ouverture de fissure calculée et une ouverture limite imposée ne
tures se fait sous l’effet des charges permanentes. peut servir que dans le but de servir à satisfaire un critère de
dimensionnement. Une grande précision ne peut être attendue par
& La corrosion des armatures est le problème de durabilité le plus rapport à l’expérience. La figure 1 illustre cela en présentant un
fréquemment rencontré sur les structures en béton armé. exemple de distribution de l’ouverture maximale de fissures [8].
Le béton étant un milieu très alcalin, les armatures en acier y
sont naturellement protégées. Toutefois, si le pH de l’eau intersti-
tielle du béton diminue à cause de la carbonatation (réaction du
2.2 L’ouverture de fissure : une grandeur
CO2 de l’air avec les hydrates du ciment) ou si des ions chlorures mesurée en surface
atteignent les armatures, la corrosion peut survenir. Afin de garan-
tir la durabilité des structures en béton armé, les codes de cons- Expérimentalement, l’ouverture des fissures est mesurée en sur-
truction comme l’Eurocode 2 (NF EN 1992-1-1) imposent un enro- face. Ceci n’est pas indiqué dans l’Eurocode 2, mais l’est dans le
bage minimal des armatures et limitent les ouvertures de fissures MC2010. Ainsi, dans les essais qui ont servi à établir les équations
selon la classe d’exposition (tableau 1). En effet, les fissures, si utilisées dans les codes, les mesures d’ouverture étaient effectuées
elles sont trop ouvertes, peuvent être une voie de pénétration des en surface [8]. Or, des mesures montrent que l’ouverture de fissure
agents agressifs qui conduisent à la corrosion des armatures. est beaucoup plus grande en surface qu’au niveau des armatu-
res [5]. Ces essais montrent aussi que, plus l’enrobage est impor-
Après avoir défini la grandeur à laquelle nous nous intéressons tant, et plus l’ouverture en surface est grande (cf. figures 2 et 3 [5]).
(voir § 2), le calcul de l’ouverture de fissures sera présenté dans le
cas le plus simple : le tirant (voir § 3). Puis, le calcul dans le cas Nous reviendrons sur ce point plus loin.
général sera discuté (voir § 3.3). Enfin, seront abordés les cas de
fissuration par retrait gêné (voir § 4).

1,2
Tableau 1 – Valeurs limites de l’ouverture calculée
des fissures en fonction des classes d’exposition
1
selon l’Eurocode 2 (source NF EN 1992-1-1/NA)

Éléments en béton armé ou en 0,8


Classe d’exposition béton précontraint à armatures non
adhérentes 0,6

Valeur limite de l’ouverture de


fissure sous la combinaison quasi 0,4
permanente des charges
(en mm)
0,2
X0, XC1 0,4

XC2, XC3, XC4 0,3 0


0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8
Wmax, exp (en mm)
XD1, XD2, XD3, XS1, XS2,
0,2
XS3 Distribution des ouvertures maximales des fissures
Distribution normale
Nota : il s’agit du tableau de la norme française de l’EN 1992-1-1,
la version européenne est un peu moins sévère pour les classes
Figure 1 – Exemple de distribution de l’ouverture maximale de fissure
les plus exposées.
mesurée expérimentalement wmax,exp – Essais de Rehm et Rusch

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Fissuration par retrait gêné


dans les ouvrages en béton armé
par Farid BENBOUDJEMA
Maı̂tre de Conférences – HDR
LMT Cachan – ENS Cachan (France) CNRS – université Paris Saclay

et Aveline DARQUENNES


Maı̂tre de Conférences
LMT Cachan – ENS Cachan (France) CNRS – université Paris Saclay

1. Déformations de retrait ................................................................. C 2 255 – 2


1.1 Retrait endogène ................................................................................ — 2
1.1.1 Mécanismes ............................................................................. — 2
1.1.2 Paramètres influents ................................................................ — 4
1.1.3 Amplitude des déformations ................................................... — 4
1.2 Retrait plastique ................................................................................. — 4
1.2.1 Mécanismes ............................................................................. — 4
1.2.2 Paramètres influents ................................................................ — 5
1.3 Retrait thermique ............................................................................... — 6
1.3.1 Mécanismes ............................................................................. — 6
1.3.2 Paramètres influents ................................................................ — 7
1.3.3 Amplitude des déformations ................................................... — 7
1.4 Retrait de dessiccation ....................................................................... — 8
1.4.1 Mécanismes ............................................................................. — 8
1.4.2 Paramètres influents ................................................................ — 9
1.4.3 Amplitude des déformations ................................................... — 9
1.5 Exemple de fissuration d’ouvrages de Génie civil par restreinte
du retrait ............................................................................................. — 9
1.5.1 Ouvrages minces ..................................................................... — 11
1.5.2 Ouvrages épais ........................................................................ — 11
2. Prédiction de la fissuration par déformation de retrait gêné — 12
2.1 Calcul des déformations de retrait selon l’Eurocode 2 ..................... — 13
2.2 Calcul simplifié ................................................................................... — 13
2.2.1 Cas d’une restreinte totale ...................................................... — 13
2.2.2 Effet des gradients ................................................................... — 15
2.2.3 Calcul des ouvertures de fissure ............................................. — 17
2.3 Degré de restriction............................................................................ — 17
3. Prévention de la fissuration ......................................................... — 19
3.1 Composition du béton ....................................................................... — 19
3.2 Dispositions constructives ................................................................. — 19
3.2.1 Réduction du bridage .............................................................. — 19
3.2.2 Réduction du retrait thermique ............................................... — 19
3.2.3 Rôle et procédés de cure ......................................................... — 20
4. Conclusion........................................................................................ — 20
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. C 2 255

a fissuration par retrait gêné est à l’origine de l’ordre de 20 % des désordres


L constatés dans les structures en béton armé. Ces désordres ont plusieurs
conséquences d’ordre esthétique ou structurel. D’un point de vue structurel,
cette fissuration n’engendre que très rarement une rupture partielle de la struc-
ture (on peut avoir par exemple un décollement d’éléments de l’ouvrage,
comme dans les éléments de façade). Par contre, les conséquences sont plus
importantes sur la durabilité de la structure ou l’aptitude au service de
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FISSURATION PAR RETRAIT GÊNÉ DANS LES OUVRAGES EN BÉTON ARMÉ ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

structures où le béton joue un rôle d’étanchéité. Concernant la durabilité (toutes


les structures sont concernées), les fissures favorisent, par exemple, la pénétra-
tion d’éléments agressifs tels le dioxyde de carbone (mécanisme de perméa-
tion, diffusion) ou les ions chlorures (mécanisme de diffusion, advection),
conduisant à la corrosion précoce des armatures. Concernant l’étanchéité, les
structures impliquées sont :
– les barrages ;
– les revêtements de tunnel en béton ;
– les réservoirs ;
– les enceintes de confinement de bâtiments de réacteurs de centrales
nucléaires, etc.


En termes de débit de fuite, il est possible de montrer que celui-ci est propor-
tionnel à l’ouverture de fissure au cube !
Si la fissuration estimée est trop compromettante, il convient d’y remédier soit
en injectant les fissures (augmentant le coût de l’ouvrage par la nécessité d’opéra-
tions supplémentaires, pouvant également entraı̂ner des retards sur les travaux),
soit par une réparation en couche mince. Il convient également de veiller à la com-
patibilité dimensionnelle (retrait) entre la structure initiale et le matériau utilisé
pour l’injection ou la réparation sous peine que ces derniers fissurent à nouveau !
Si le calcul de structure est aujourd’hui enseigné dans tous les établissements
formant des ingénieurs, la fissuration induite par le retrait gêné n’est malheu-
reusement souvent que partiellement abordée. De même, dans la réglementa-
tion actuellement utilisée usuellement dans les structures en béton armé (Euro-
code 2), s’il est clairement indiqué qu’elle doit être prise en compte, aucune
méthodologie claire n’est proposée.
Ainsi, après avoir défini les déformations de retrait (mécanismes, paramètres
influents, amplitude des déformations), il est indiqué en fonction de la structure
et de la composition des matériaux utilisés, quelle déformation de retrait doit
être considérée. Ensuite, des éléments pour prédire les risques de fissuration
sont présentés. Il en résulte que le calcul est très complexe en réalité (celui-ci
fait l’objet à l’heure actuelle de travaux de recherche dans le monde). Ainsi, le
risque de fissuration par retrait ne dépend pas uniquement de la déformation
de retrait ! Un calcul plus précis passe par des simulations numériques aux
éléments finis qui ne sont pas présentées dans le présent document. Enfin,
des dispositions constructives et au niveau du matériau sont données afin de
limiter les risques de fissuration par retrait.
La convention de signe utilisée est la suivante : les déformations d’extension
et les contraintes de traction sont négatives ; les déformations de contraction et
les contraintes de compression sont positives. C’est la convention de signe uti-
lisée usuellement en Génie Civil. Elle est l’inverse de celle utilisée en résistance
des matériaux.

1. Déformations de retrait Cette déformation résulte de la combinaison de deux phénomè-


nes (figure 1 [1]) :
– le retrait chimique, dit « Contraction de Le Châtelier »
1.1 Retrait endogène (phase 1) ;
– le retrait d’auto-dessiccation (phase 3).
1.1.1 Mécanismes Dès la mise en contact des grains de ciment avec l’eau, il se pro-
duit une contraction du matériau, nommée retrait chimique
Le retrait endogène est une déformation du matériau présen- (figure 1-phase 1). Cette déformation est due au fait que le volume
tant un caractère inéluctable vu sa dépendance vis-à-vis de absolu des hydrates (C-S-H, Portlandite, etc.) formés est inférieur à
l’hydratation du ciment. la somme des volumes initiaux du ciment anhydre et de l’eau.
Il se produit sous condition isotherme et en l’absence totale À partir d’un certain degré d’avancement de la réaction d’hydra-
de tout échange hydrique avec le milieu extérieur. tation (dit « seuil de percolation », x0), les hydrates formés « collent »

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––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– FISSURATION PAR RETRAIT GÊNÉ DANS LES OUVRAGES EN BÉTON ARMÉ

RETRAIT CHIMIQUE
ζ=0 ζ = ζ0
Diminution du
Eau volume absolue
Hydrates
Hydrates
Hydrates
Eau
Eau
Ciment Eau
Ciment Ciment


Ciment

RETRAIT EXTERNE
Diminution du
volume apparente

Ciment

Eau

Hydrates
α=0
Phase 1 Phase 2 Phase 3
Vides gazeux

Avancement de la réaction d’hydratation

Figure 1 – Les différentes phases de développement du retrait endogène

les grains de ciment non hydratés (figure 1-phase 2) et les granu-


lats les uns aux autres (phénomène de prise, le béton passe de
l’état liquide visqueux à l’état solide et développe des propriétés
mécaniques). La diminution du volume absolu devient alors incom-
patible avec les déformations mécaniquement admissibles par le
squelette minéral naissant. À ce moment-là, la variation volumé- Porosité
trique n’est plus égale à la déformation observable du squelette
d’hydrates suite à l’apparition progressive d’un volume gazeux à
l’intérieur des pores du matériau liée à la consommation de l’eau
par la réaction d’hydratation (figure 1-phase 3). Cette contraction σlg
du matériau se nomme retrait d’auto-dessiccation. Elle se caracté-
rise par une désaturation progressive de la porosité capillaire liée à pg = pa + pv
l’hydratation du ciment, d’où une diminution de l’humidité relative
interne. Ce phénomène tend à s’arrêter pour des humidités relati- γ
ves inférieures à 75 % [3]. Gaz (Air +
vapeur d’eau)
Trois mécanismes physiques sont généralement avancés pour
expliquer ce phénomène [3] :
– mécanisme de dépression capillaire traduisant l’auto-dessicca-
tion au sein de la porosité capillaire ([M 67] article TI à consulter) ;
– mécanisme de variation de tension superficielle correspondant
Squelette

au départ de l’eau adsorbée sur le squelette solide (voir le [M 67]) ;


– mécanisme de la variation de pression de disjonction lié à pl
l’auto-dessiccation au sein des nanopores des hydrates.
Cependant, l’influence des deux derniers mécanismes sur le
développement du retrait d’auto-dessiccation n’est pas prépondé-
rante (étant donné que l’humidité relative interne reste supérieure Eau liquide
à 60 %) par rapport à celle due aux variations des dépressions
capillaires [3]. Ce mécanisme est induit par l’apparition au cours
de l’auto-dessiccation de ménisques à l’interface des phases « eau
liquide – vapeur d’eau » au sein de la porosité capillaire (figure 2).
Ces ménisques impliquent une mise en traction de la phase liquide
tendant à rapprocher les parois des pores (voir l’article [M 67]). Figure 2 – Représentation schématique de la dépression capillaire

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FISSURATION PAR RETRAIT GÊNÉ DANS LES OUVRAGES EN BÉTON ARMÉ ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

Remarque l’accroissement du retrait au jeune âge ([6] [7]) suite à leur forte
On peut faire le parallèle avec un ballon dans lequel on souffle, consommation d’eau au cours de leur hydratation ([8] [9]).
la pression à l’intérieur du ballon augmente conduisant à La finesse du ciment influence le retrait d’auto-dessiccation suite
l’extension du ballon. Dans le cas de la capillarité, c’est la pres- à son impact sur la porosité du matériau : pour un même avance-
sion négative de l’eau qui conduit à une contraction du ment des réactions d’hydratation, un ciment plus fin conduit à un
matériau. réseau poreux également plus fin. L’intensité des dépressions capil-
laires engendrées par l’auto-dessiccation y est donc plus impor-
L’approche thermodynamique de ces phénomènes fait appel à tante [11]. De plus, la réactivité du ciment est également influencée
deux lois macroscopiques : les lois de Kelvin (équation (1)) et par ce paramètre : une plus grande finesse du ciment accroı̂t sa
Laplace (équation (2)). Elles décrivent directement l’équilibre méca- réactivité, d’où une accélération du développement de la déforma-
nique d’un ménisque soumis de part et d’autre, à des pressions dif- tion endogène et une augmentation de sa valeur finale [10].
férentes et l’équilibre hygrométrique eau liquide-vapeur [4]. En plus de la composition chimique du ciment, il est également
nécessaire de considérer l’influence des ajouts minéraux sur la


ρRT (1) déformation endogène suite à leur comportement pouzzolanique
Pc = Pl − Pg = ln HR
M et à leur rôle de filler.
La fumée de silice impacte grandement le retrait endogène suite
avec Pc, Pl et Pg respectivement, les pressions capillaires (- Pc
à l’affinement des pores de la structure interne de la matrice indui-
étant la dépression capillaire), dans la phase
sant une augmentation de la dépression capillaire [12]. Le même
liquide et gazeuse du pore (en Pa),
effet est observé pour le laitier de haut-fourneau ([13] [14]).
R constante des gaz parfait (qui vaut 8,314 J.
Cependant, la présence d’un gonflement ([13] [15]) de la matrice
mol-1.K-1),
cimentaire au très jeune âge (< 24 h) peut induire une diminution
M masse d’une molécule d’eau (18.10-3 kg.mol-1), du retrait endogène total des matériaux cimentaires contenant du
T température (en K), laitier de haut-fourneau.
r masse volumique de l’eau (en kg.m-3), & Rapport E/C
et HR humidité relative dans le pore capillaire. Le retrait endogène dépend fortement du rapport eau/ciment (E/
C) suite à son impact dans la diminution de l’humidité relative
2 t cos θ interne. Les bétons avec un faible rapport E/C (inférieur à 0,4), tels
Pl − Pg = (2) que les bétons à hautes performances, sont assez sensibles au
r retrait endogène qui croı̂t plus rapidement et atteint une valeur
avec t tension à l’interface gaz-liquide (en N.m-1), ultime à un plus jeune âge que celui des bétons avec un rapport
E/C élevé. Ce comportement est dû à la diminution de l’humidité
q angle de mouillage (en  ), relative interne plus importante par auto-dessiccation dans un
et r rayon du pore capillaire (en m). réseau poreux plus fin ([5] [16]). Généralement, ce type de défor-
mation est significatif en deçà d’un rapport E/C égal à 0,4 pour des
À partir des ces lois, il est possible de lier l’intensité de la pres- bétons traditionnels [12].
sion capillaire Pc, le rayon du pore (r) dans lequel se situe le
& Les granulats
ménisque et l’humidité relative interne (HR).
La porosité des granulats et leur état hydrique vont influencer la
À partir d’un calcul élémentaire, elles permettent de montrer que
valeur du retrait d’autant plus que leur rapport E/C est faible [17].
les dépressions capillaires peuvent atteindre des valeurs élevées
Les granulats secs vont absorber l’eau restée disponible pour
pour des tailles de pores couramment rencontrées au sein de la
l’hydratation, d’où une diminution du rapport E/C engendrant une
matrice cimentaire.
structure de la pâte de ciment plus dense comportant des pores
La dépression capillaire peut atteindre une valeur de 14 MPa plus fins. Les dépressions capillaires y sont donc plus élevées,
dans un pore d’un rayon égal à 100 Å où règne une humidité rela- générant un retrait plus significatif. Les granulats humides (poreux)
tive de 90 % [4]. vont jouer le rôle de réservoir et fournir en différé de l’eau lorsque
Ainsi, il est possible de voir le retrait endogène comme la défor- l’eau de gâchage sera partiellement consommée par l’hydratation
mation mécanique du squelette solide sous l’effet de la pression du ciment. Il en résulte une augmentation du rapport E/C et une
capillaire. réduction du retrait.
Il apparaı̂t également qu’au cours de l’hydratation, l’intensité des
dépressions capillaires augmente pour deux raisons [5] : 1.1.3 Amplitude des déformations
– l’auto-dessiccation progresse dans le matériau en atteignant Le tableau 1 donne une indication sur l’ordre de grandeur de la
des pores de plus en plus étroits (diminution du rayon r des pores déformation endogène à 28 jours pour des bétons classiques – sur
capillaires) engendrant une baisse de l’humidité relative interne base de l’EC2 partie 1.1 (cf. § 1.5) – et avec additions.
(HR) (équation (1)) ;
– la porosité de la matrice cimentaire s’affine (diminution du
rayon r des pores capillaires) au cours de l’auto-dessiccation impli- 1.2 Retrait plastique
quant des dépressions capillaires plus fortes lors du processus
d’auto-dessiccation (équation (2)). 1.2.1 Mécanismes
Il en ressort un auto-accroissement du processus d’auto- Juste après la mise en place du béton dans le coffrage, l’eau pré-
dessiccation. sente à la surface libre du béton frais peut s’évaporer. Lorsque la
quantité d’eau évaporée est supérieure à la quantité d’eau ressuée,
1.1.2 Paramètres influents il se produit un retrait dit « plastique », conséquence principale du
séchage du matériau en surface. Cette déformation a lieu entre la
& Le liant fabrication et la fin de prise du béton. Ce type de retrait est généra-
Le retrait endogène dépend fortement du type de ciment autant lement problématique pour des pièces minces (dalles, enduit)
par sa composition chimique que par sa morphologie [2]. Une aug- caractérisées par de grandes surfaces d’évaporation par rapport à
mentation des quantités de C3A et de C4AF contribuent clairement à leur volume. Son intensité va donc dépendre du matériau, mais

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––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– FISSURATION PAR RETRAIT GÊNÉ DANS LES OUVRAGES EN BÉTON ARMÉ

Tableau 1 – Ordre de grandeur de l’amplitude de la déformation de retrait endogène ere


Béton dosé à 75 % de laitier de
Béton ordinaire (BO) Béton à très hautes performances (BHP)
haut-fourneau

f ck*
25 90 22
(en MPa)

ere (en mm.m-1) 24 131 150

* Résistance caractéristique en compression à 28 jours sur éprouvette cylindrique


1 200 0
Déformation Seuil de risque Dépression
(en µm/m) de fissuration capillaire (en kPa)

FP
800 10
1re Phase 2e Phase 3e Phase

DP 20
400
Retrait plastique

Dépression capillaire

30
0
0 4 8 12
Âge (en h)
DP : Début de la prise
FP : Fin de la prise

Figure 3 – Évolution du retrait plastique et de la dépression capillaire


au sein d’un béton

également de la géométrie et des conditions aux limites environne-


mentales (température et humidité relative).
L’évolution du retrait plastique présente trois phases
(figure 3 [18]).
Figure 4 – Fissuration liée au retrait plastique d’une dalle de station
& 1re phase d’épuration
Cette phase se situe entre la mise en contact du ciment avec
l’eau et le moment où des ménisques se forment au sein de la Lorsque le retrait plastique ne peut se faire librement dans une
matrice cimentaire. À cet âge, le matériau est dans un état semi- structure, des contraintes de traction se développent au sein du
fluide –les grains de ciment sont en suspension dans l’eau– et il matériau générant un risque de fissuration. Une valeur de retrait
ne présente pas de structure rigide maintenant en place ses maté- plastique égale à 1 000 mm/m constitue généralement un seuil de
riaux constitutifs. Comme la formation d’hydrates débute dès la risque de fissuration pour ce type de déformation [19]. Ces fissures
mise en contact des grains de ciment avec l’eau, il se produit une sont localisées en surface (figure 4), elles sont généralement espa-
diminution de volume due au retrait chimique. Le matériau subit cées de 0,3 à 1 m et leur profondeur varie de 25 à 50 mm [20].
également un réarrangement progressif par gravité – sédimenta-
tion des particules solides. Au cours de cette consolidation, l’eau
du béton va percoler vers la surface et une couche d’eau, appelée
1.2.2 Paramètres influents
« eau de ressuage », s’y forme. L’épaisseur de cette couche d’eau Les paramètres environnementaux qui conditionnent principale-
dépend de la vitesse de consolidation et de son taux d’évaporation. ment l’apparition de fissures au jeune âge sont :
& 2e phase – la vitesse du vent ;
Des ménisques vont apparaı̂tre entre les grains solides suite à – la température de l’air ;
l’avancement de la réaction d’hydratation et au séchage du maté- – le rayonnement solaire ;
riau – à la condition que l’eau s’évapore plus vite à sa surface – l’humidité relative.
qu’elle n’y apparaı̂t. Il en résulte une augmentation des dépres-
sions capillaires générant des efforts croissant sur le squelette Ces facteurs gouvernent le taux d’évaporation de l’eau située à
solide qui se comprime. Ce comportement devient significatif à par- proximité de la surface du béton. Ainsi, le risque de fissuration est
tir du début de la prise. globalement accru pour :
& 3e phase – de faibles humidités relatives ;
Progressivement, l’évolution du retrait plastique ralentit suite à – des vitesses du vent élevées ;
l’accroissement de la rigidité du matériau. Finalement, sa cinétique – une faible température de l’air ;
s’annule vers la fin de prise. – une température élevée du béton [21].

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Corrosion des structures


en béton armé
par Bruno CAPRA
Agrégé de Génie Civil
Docteur de l’École Normale Supérieure de Cachan
Responsable Scientifique, OXAND (Avon, France)

1. Aspect économique de la corrosion............................................ C 6 151 – 2



2. Deux étapes de corrosion des aciers : incubation
et propagation ................................................................................. — 3
3. Mécanismes de corrosion des aciers .......................................... — 4
3.1 Environnement basique de l’acier dans le béton sain ...................... — 4
3.2 Corrosion : un phénomène électrochimique ..................................... — 4
3.3 Influence des additions minérales sur le pH du liquide interstitiel . — 6
4. Phénomènes inducteurs de corrosion des aciers
dans le béton : carbonatation et pénétration des chlorures.. — 6
4.1 Carbonatation du béton ..................................................................... — 7
4.1.1 Mécanisme général ................................................................. — 7
4.1.2 Conséquences de la carbonatation sur la microstructure
du béton ................................................................................... — 7
4.1.3 Mesure de la profondeur de carbonatation ............................ — 7
4.1.4 Influence de l’humidité relative sur la carbonatation ............ — 7
4.1.5 Cinétique de la carbonatation ................................................. — 8
4.1.6 Influence de la composition et des conditions de mise
en œuvre sur la carbonatation du béton ................................ — 8
4.1.7 Influence des additions minérales sur la carbonatation ........ — 8
4.2 Pénétration des ions chlorure dans le béton .................................... — 8
4.2.1 Chlorures libres et chlorures totaux – Profils
de concentration ...................................................................... — 8
4.2.2 Influence de la microstructure et des additions minérales .... — 10
5. Durée de vie estimée des structures en béton armé vs/
corrosion des armatures................................................................ — 11
5.1 Période d’incubation seule ................................................................ — 11
5.1.1 Modèles de carbonatation ....................................................... — 11
5.1.2 Modèles de pénétration des chlorures ................................... — 12
5.2 Prise en compte de la phase de propagation.................................... — 12
5.3 Limites de la modélisation ................................................................. — 13
6. Notion d’états-limites et de durée de vie................................... — 13
7. Recommandations, normes ou règlements ............................... — 14
7.1 Classes d’exposition selon la norme NF EN 206-1 ........................... — 14
7.2 Épaisseur d’enrobage – Spécifications selon l’Eurocode 2 .............. — 14
8. Diagnostic de la corrosion ............................................................ — 15
8.1 Mesures du potentiel d’électrode ...................................................... — 15
8.2 Mesure de la résistivité électrique du béton ..................................... — 18
8.3 Mesure de la résistance de polarisation ........................................... — 18
8.4 Analyses complémentaires ................................................................ — 19
9. Prévention et réhabilitation.......................................................... — 19
9.1 Prévention – Mesures constructives .................................................. — 19
9.2 Requalification des ouvrages en béton armé.................................... — 20
9.3 Méthodes de réhabilitation ................................................................ — 20
10. Conclusion........................................................................................ — 21
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Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. C 6 151

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CORROSION DES STRUCTURES EN BÉTON ARMÉ ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

e béton armé est aujourd’hui le matériau de construction le plus répandu


L dans le monde. Si le béton a la capacité d’empêcher la corrosion des arma-
tures, encore faut-il connaı̂tre à quelles conditions.
La corrosion des armatures a lieu à la suite de la carbonatation du béton d’en-
robage et/ou de la pénétration des ions chlorures. Le processus de corrosion est
un phénomène électrochimique qui se produit au sein du béton. La détériora-
tion se déroule en deux étapes :
– dans la première phase, dite d’« amorçage », l’acier est protégé initialement
par l’alcalinité élevée de la solution interstitielle régnant à l’intérieur du béton :
il se forme une couche passive mince d’oxydes protecteurs. La carbonatation


du béton, en diminuant le pH et/ou une quantité suffisante d’ions chlorures,
peut détruire cette passivité et amorcer la deuxième étape ;
– dans la seconde phase, se fait la propagation de la corrosion. L’apport
d’oxygène, et surtout l’humidité ambiante, contrôlent alors la vitesse de corro-
sion.
La propagation de la corrosion conduit progressivement à la formation de
fissures et au décollement du béton d’enrobage. Pour améliorer la durabilité
des ouvrages en béton armé, il faut autant que possible allonger la période
d’amorçage en utilisant des bétons compacts et peu perméables (en présence
de chlorures, les ajouts de laitiers, de cendres volantes ou de fumées de silice
peuvent être bénéfiques). Il faut également que l’épaisseur d’enrobage soit suf-
fisante. Le respect de la réglementation actuelle (normes européennes), ou
d’approches de types performantielles, permettent de viser une durée de vie
donnée. Des modèles numériques permettent de pronostiquer des durées de
périodes d’amorçage, ainsi que des vitesses de développement de la corrosion
avec prise en compte des incertitudes.
Les méthodes de diagnostic des ouvrages permettent de quantifier, par croi-
sement de différentes techniques, l’état de dégradation dû à la corrosion. Selon
l’état d’avancement des dommages, des mesures préventives, de réhabilitation,
voire de remplacement, seront mises en œuvre afin de garantir la sécurité de
l’ouvrage ou, le cas échéant, sa requalification dans le cadre d’un programme
de maintenance.

à l’origine de nombreux défauts apparents qui, s’ils n’engendrent


1. Aspect économique pas de pertes de capacité portante de la structure, se révèlent nuisi-
de la corrosion bles à l’exploitation de l’ouvrage.

& Typologies des dégradations par pays

Le béton armé est largement utilisé depuis plus d’un siècle car  Les États-Unis doivent surveiller un parc de près de
c’est un matériau de construction souple d’emploi, économique et 586 000 ponts autoroutiers, dont 15 % sont considérés comme
durable. L’utilisation d’armatures en acier dans les zones tendues, structuralement déficients, essentiellement pour des raisons de cor-
en raison de la faible résistance à la traction du béton, permet de rosion avancée ([1] [2]). Le renouvellement, ou le remplacement, de
concevoir des structures aux emplois divers, le béton fournissant ces ponts va coûter plus de 10 milliards de dollars par an
à l’armature un environnement protecteur. ( ª 8 500 M€) au cours des 10 prochaines années, et ceci unique-
ment pour couvrir les déficiences les plus graves ([2] [3] [4]).
& Dégradations spécifiques et leurs causes
L’analyse du cycle de vie estime les coûts indirects pour l’usager,
Il existe pourtant des situations où les ouvrages en béton armé dus aux retards et à la perte de productivité, à plus de dix fois les
se dégradent plus vite, ou plus sévèrement que prévu, suite à des coûts directs de maintenance, réparation et réhabilitation des
fautes de conception, de mise en œuvre ou à une mauvaise utilisa-
ouvrages corrodés.
tion des matériaux par rapport à l’agressivité de l’environnement.
Généralement, les dégradations observées résultent d’une combi-  Au Canada, environ 40 % des ponts autoroutiers ont plus de
naison de ces différents facteurs. 40 ans de service. Un grand nombre d’entre eux exigent un renou-
La corrosion des aciers au carbone dans le béton est l’une des vellement ou un remplacement en raison des dommages causés
principales pathologies des ouvrages de Génie civil. Elle est la par la corrosion. Ces travaux sont estimés à 10 milliards de dollars
cause de détérioration la plus coûteuse en termes de maintenance, canadiens ( ª 6 500 M€) ([2] [5]).

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–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– CORROSION DES STRUCTURES EN BÉTON ARMÉ

En 1998, on estimait que 25 % des ponts en béton armé du Qué- supérieurs à celui de l’acier sain (figure 1). Ces produits entraı̂nent
bec souffraient, à des degrés divers, de corrosion des armatures [6]. des contraintes qui peuvent provoquer une fissuration parallèle aux
En Amérique du Nord, le coût total des dégradations de l’infrastruc- aciers qui diminue l’adhérence acier/béton, ainsi que l’éclatement
ture en béton liées à la corrosion par les sels de déverglaçage est du béton d’enrobage (formation d’épaufrures). Les désordres
estimé à 150 milliards de dollars [7]. créés nuisent à l’aspect esthétique des ouvrages, mais contribuent
aussi à affaiblir les résistances mécaniques.
 Au Royaume-Uni, le département des transports estime que le
coût de réparation des ponts routiers inventoriés et endommagés La corrosion conduit également à une diminution de la section
par la corrosion, soit environ 10 % du total, s’élève à environ des armatures, homogène dans le cas de la carbonatation, ou par
617 millions de livres sterling ( ª 900 M€) ([2] [7]). piqûres (profondes) dans le cas d’une attaque par les ions chloru-
res. De manière conservative, on considère généralement que la
 En France, la Direction des Routes du Ministère français de capacité fonctionnelle de l’ouvrage est entamée dès la destruction
l’équipement a conduit en 1997 des enquêtes d’Image qualité des du béton d’enrobage, même si la réduction de la section des arma-
ouvrages d’art (enquête IQOA) qui sont des évaluations précises tures ne contribue pas encore à produire des défauts structurels.
du patrimoine national [8].


La figure 2 illustre les différentes phases précédentes selon le
Il ressort de ces études que les dégradations observées sur les modèle de Tuutti [9]
ouvrages d’art en béton armé sont essentiellement dues à la corro-
sion des armatures. Sur un échantillon de 315 ponts du réseau
national (hors ponts métalliques et en maçonnerie), la base IQOA À la surface d’un ouvrage, les signes visibles de la corrosion
indique que 28 % d’entre eux sont atteints de corrosion. apparaissent bien après le début de la phase de propagation, car
la rouille aura dû migrer des aciers jusqu’à la surface. De même,
& Comment reconnaı̂tre la corrosion
la fissuration ne sera visible qu’après l’existence d’une quantité
La corrosion des armatures est également la première cause de de rouille suffisante pour fissurer le béton d’enrobage.
désordre affectant le domaine du bâtiment. Les manifestations
sont des éclats de béton dus à des armatures très proches de la sur-
face, recouvertes de produits d’oxydation et pouvant générer des La période d’amorçage est capitale dans la préservation des
coulures de rouille. Ces sinistres ne remettent généralement pas armatures puisqu’elle va contrôler le début des phénomènes de
en cause la stabilité du bâtiment, mais engendrent une forte dété- corrosion. Si l’enrobage en béton est un élément essentiel de
rioration de l’aspect.
Dans la perspective d’un développement durable, les infrastruc-
tures doivent conserver les performances requises sur le long Fe
terme. Une longévité insuffisante conduit en effet à des dépenses
accrues pour l’entretien. Afin de bâtir et exploiter des structures fia- Fe3O4
bles et durables, il est nécessaire d’évaluer les coûts du cycle de vie
au même titre que le coût d’investissement de la construction. Par Fe(OH)2
ailleurs, pour une structure déjà détériorée, un programme de
maintenance et de réparation rationnel doit être établi en rapport Fe(OH)3
avec l’état de la structure.
Il est donc important de pouvoir identifier suffisamment tôt les Fe(OH)3 , 3H2O
risques de dégradations possibles et, le cas échéant, de pouvoir
prédire leur évolution afin de mettre en place les stratégies de 0 1 2 3 4 5 6
maintenance les mieux adaptées. Volume (en cm3)
Pour un volume initial de fer donné, les différents produits de
corrosion peuvent prendre jusqu’à six fois plus de volume et
donc générer des pressions importantes dans un milieu confiné
2. Deux étapes de corrosion tel que le béton.

des aciers : incubation Figure 1 – Augmentation de volume des produits d’oxydation du fer
et propagation
Les manifestations visibles de la corrosion d’un ouvrage (tâches I II
Volume des produits de corrosion

de rouilles, fissurations, armatures apparentes corrodées, éclate-


ments de béton) sont les conséquences de réactions chimiques
endogènes qui ont commencé bien avant que les désordres ne Amorçage Propagation
soient apparents.
& Incubation et propagation : le déroulement
On distingue schématiquement, et successivement, deux phases
dans le développement de la corrosion.
 Une période d’amorçage, dite aussi « période dormante », D
d’« incubation » ou d’« initiation », durant laquelle la stabilité du
système, constitué par l’armature métallique noyée dans la matrice
cimentaire du béton, décroı̂t progressivement et durant laquelle se
créent les conditions favorables au développement de la corrosion. A

 Une période de propagation durant laquelle on observe, en


Temps
premier lieu, la formation de produits issus de la corrosion de l’ar-
mature. Les phénomènes électrochimiques de corrosion (cf. § 3),
conduisent à la formation d’oxydes et d’hydroxydes de volumes Figure 2 – Schéma de dégradation des armatures au cours du temps

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CORROSION DES STRUCTURES EN BÉTON ARMÉ ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

protection, sa seule épaisseur n’est pas nécessairement synonyme aluminates C3A et C4AF) s’hydratent au contact de l’eau [C 920].
de durabilité. Ses caractéristiques de transfert (perméabilité, diffusi- Dès les premiers instants, on peut mesurer un pH très basique de
vité) sont essentielles, car elles assurent la fonction de barrière vis- l’ordre de 13,5 à 14 dans le liquide interstitiel.
à-vis des agents agressifs. L’environnement (température, humi-
dité) joue également un rôle important sur la résistance de cette De manière schématique, l’hydratation de C2S et C3S conduit à la
barrière. formation de silicates de calcium hydratés (C-S-H), qui sont à l’ori-
gine de la résistance de la matrice, et de portlandite Ca(OH)2 sous
& Typologies des dégradations et conséquences forme de cristaux légèrement solubles. La portlandite réagit avec
La figure 3 donne des exemples de dégradations d’ouvrages les sulfates alcalins, toujours présents en quantité mineure dans le
dues à la corrosion (fissuration, éclatement localisé, éclatement ciment, pour donner les hydroxydes correspondants :
généralisé). L’apparition des fissures à la surface est la consé-
quence des réactions qui ont démarré bien avant les manifestations
visibles. L’état ultime correspond à un éclatement du béton, avec Ca (OH)2 + K 2SO4 → CaSO4 + 2 KOH (1)
risques de chute des morceaux de béton dans le cas d’éléments

R verticaux.
Si l’éclatement du béton n’entraı̂ne pas de conséquences structu-
relles directes (dans les règlements de calcul, le béton n’est pas
Ca (OH)2 + Na2SO4 → CaSO4 + 2 NaOH (2)
pris en compte dans les zones tendues), la perte de section d’acier
influence fortement la capacité portante de l’ouvrage. Le comporte-
ment mécanique résiduel en service des poutres corrodées est, lui, Le pH élevé de la solution interstitielle est dû à la présence, en
contrôlé à la fois par la réduction de la section d’acier, mais égale- grande quantité, d’ions OH- provenant des bases alcalines et de la
ment par la perte d’adhérence acier béton. chaux dont la solubilité dépend précisément de la concentration en
ions OH-. Après quelques heures, la solution interstitielle s’enrichit
progressivement en bases alcalines NaOH et surtout KOH, alors
Ces manifestations, lorsqu’elles sont visibles, sont le signe que la concentration en chaux décroı̂t et devient négligeable à
d’une corrosion active qui a entrainé des dommages. Dès lors, long terme. Ceci explique que le pH reste largement supérieur à
la mise en place d’actions de maintenance plus ou moins lour- 13, alors qu’une solution saturée de chaux n’a qu’un pH de 12,5.
des afin de réparer l’ouvrage est nécessaire.
Après environ 6 mois, l’évolution des différentes espèces devient
Il est donc important pour un maı̂tre d’ouvrage de ne pas
faible et les valeurs atteintes sont alors celles du milieu dans lequel
attendre que les désordres se manifestent pour intervenir
baignent les armatures métalliques. Soumises à un environnement
(approche curative), mais de pouvoir anticiper ceux-ci (approche
basique formé par la phase aqueuse fortement chargée en ions
préventive).
(provenant de l’hydratation du ciment ou ayant pénétré depuis
l’extérieur dans le béton par l’intermédiaire du réseau poreux), ces
armatures vont être soumises à des réactions électrochimiques.
3. Mécanismes de corrosion
des aciers 3.2 Corrosion : un phénomène
électrochimique
3.1 Environnement basique de l’acier La corrosion représente l’attaque destructive d’un métal par des
dans le béton sain réactions électrochimiques qui conduisent à un transfert d’ions et
d’électrons à l’interface métal solution [TBA 1 054]. À la surface du
Lors du gâchage d’un béton à base de ciment Portland, les prin- métal, deux types de réactions couplées, correspondant au proces-
cipaux anhydres contenus dans le clinker (silicates C2S et C3S, sus de corrosion oxydation, ont lieu.

a fissuration b éclatement localisé c éclatement généralisé

Figure 3 – Exemples de détériorations dues à la corrosion d’ouvrages en béton armé (©


© OXAND)

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–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– CORROSION DES STRUCTURES EN BÉTON ARMÉ

& Une réaction anodique, ou d’oxydation du métal, correspond à – formation de rouille verte stable en l’absence d’oxygène
la formation, à partir de l’état métallique, d’ions passant en ([FeII3 FeIII (OH)8]+ [Cl H2O]- en présence de chlorures, ou
solution : [FeII4 FeIII2 (OH)12]2+ [CO3 2H2O]2- dans un béton carbonaté) ;
– formation de ferrihydrite 5Fe2O3.9H2O ;
Fe → Fen+ + ne− (3) – formation d’autres oxydes :
 goethite (a - FeOOH),
La cinétique de cette réaction est régie par la capacité du milieu
électrolytique à accepter la présence d’ions ferreux Fe2+ ou, ferri-  lépidocrocite (g - FeOOH),
ques Fe3+. La concentration de ces ions dépend de la nature des  akagénite (b - FeOOH),
anions présents en solution et de la valeur du produit de solubilité  magnétite (Fe3O4)
des anions et des ions ferreux ou ferriques.
Ces derniers oxydes correspondent à la rouille rouge et gon-
& Une réaction cathodique correspond à la réduction d’un oxydant flante, connue classiquement, ou stabilisation de la ferrihydrite.


présent dans la solution par capture d’électrons fournis par la
cathode. Selon la disponibilité en oxygène de l’environnement, on
obtient : Le schéma réactionnel de la corrosion implique la présence
simultanée de quatre milieux où ont lieu les processus
– en l’absence d’oxygène : élémentaires :
2 H2O + 2e− → 2 OH− + H2 (4) – une zone anodique correspondant à l’oxydation du fer ;
– une zone cathodique correspondant à la réduction d’espèces
chimiques en solution (par exemple l’eau ou l’oxygène
2 H3O+ + 2e− → 2 H2O + H2 (5) dissous) ;
– un milieu conducteur d’électrons (l’acier) ;
en présence d’oxygène : – un milieu électrolytique (le liquide interstitiel du béton).
Les réactions anodiques et cathodiques sont caractéristiques
O2 + 2 H2O + 4e− → 4 OH− ou O2 + 4 H3O+ + 4e− → 6 H2O (6)
du couple métal/solution. À l’échelle macroscopique, elles ont
lieu simultanément et au même endroit. Localement, les surfa-
Ces réactions principales d’oxydo-réduction sont suivies des ces des zones anodique et cathodique sont variables.
réactions secondaires de formation des produits de corrosion à la
surface du métal :
& Potentiel d’une électrode – Électrode de référence – Calculs de pH
Fen+ + nOH− → Fe (OH)n (7)
Lorsqu’un conducteur électronique (métal) est en contact avec
un conducteur ionique (électrolyte), il constitue une électrode
2 Fe (OH)n ↔ FexOy + H2O (8) caractérisée par son « potentiel d’électrode » ou « potentiel électro-
chimique » ou « potentiel du métal » (sous entendu par rapport à la
Elles sont illustrées schématiquement par la figure 4 [10] : solution). Lorsque le métal est mis au contact de l’électrolyte, ce
potentiel s’établit spontanément, on parle ainsi de potentiel « spon-
tané » ou « libre ».
& Formation des différents produits de corrosion
La création d’une pile électrochimique locale sur l’acier entre les  Pour mesurer le potentiel d’une électrode, il est nécessaire
zones cathodique et anodique, en présence d’eau et d’oxygène, d’introduire dans la solution un second conducteur électronique
qui constitue une deuxième électrode dite de « référence » ; c’est
conduit à la dissolution du métal au niveau de l’anode et à la préci-
la différence des potentiels internes des deux conducteurs électro-
pitation de différents oxydes ferreux.
niques qui représente le potentiel de l’électrode.
La formation des différents produits de corrosion comprend les
étapes suivantes ([11] [12] [13] [14] [15]) :  L’électrode de référence arbitrairement choisie est l’électrode
2+
standard à l’hydrogène (ENH). Elle est constituée d’un métal inerte
– dissolution du fer sous forme d’ions ferreux Fe ; (platine) plongé dans une solution d’acide normale à 25  C, et dans
– formation d’hydroxyde ferreux Fe(OH)2 ; laquelle on effectue un barbotage d’hydrogène sous une pression
d’une atmosphère. La tension mesurée correspond donc à la diffé-
rence de potentiel entre le métal et l’électrode standard à
Atmosphère hydrogène.
O2 H2O
Par convention, le potentiel EENH de cette électrode est arbitraire-
ment pris comme égal à zéro.
Fe2O3, H2O On utilise également d’autres électrodes de référence, telles que
l’électrode au calomel saturé (ECS, mélange Hg/Hg2Cl2, immergé
Fe(OH)2 OH- Béton dans du chlorure de potassium saturé, à 20  C, EHg/
d’enrobage Film passif
Hg2Cl2 = EENH + 0,25 V), ou l’électrode cuivre/sulfate de cuivre (Cu/
Fe2+ CuSO4).
Dans le cas de la formation d’oxydes en milieu aqueux, les réac-
tions d’électrodes font intervenir les ions H3O+, donc le pH. Les dif-
férents équilibres en fonction du pH peuvent être représentés dans
e- Armature en acier un diagramme (figure 5) appelé diagramme Potentiel-pH ou dia-
gramme de Pourbaix [16].
Pour une valeur du pH de l’ordre de 13,5 (liquide interstitiel du
béton), le diagramme montre que le fer est en équilibre avec
Anode (-) Cathode (+)
Fe3O4 pour un potentiel d’environ - 800 mV. Au-dessous de cette
valeur, le fer ne se corrode pas (domaine d’immunité) et, pour des
Figure 4 – Schéma de formation des produits de corrosion valeurs supérieures, les oxydes Fe3O4 et Fe2O3 forment un film

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