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CARICATURE et CHARGE

Caricature et charge ont le même sens et la même étymologie, caricatura (du latin populaire
caricare, charger, exagérer, lui-même issu du gaulois carrus, char). Ce mot a été employé pour la
première fois dans la préface d’un album d’Annibal Carrache en 1646. Il donnera les mots français
charge et caricature, ce dernier mot apparaissant pour la première fois dans les Mémoires de
d'Argenson en 1740 (v. BnF).
La caricature s’applique au dessin ou à la peinture et également aux œuvres littéraires. Enfin,
encore plus largement, une caricature peut désigner une chose, une situation ou une personne ridicules,
laides par leur prétention à vouloir être ce qu'elles ne sont pas, en représentant un détail, une
description comique ou satirique. Dans la caricature, la déformation et la dérision sont des traits
essentiels. Cet idéogramme oblige le spectateur à devenir lecture en établissant un lien entre l’image et
le modèle ou le type représenté (v. Espace Français). Ce lien n’est pas toujours évident surtout lorsque
le lecteur est séparé chronologiquement ou culturellement de la caricature. La caricature est une forme
d'art très ancienne, le plus souvent utilisée non seulement pour amuser les gens, mais comme un outil
pour influencer l'opinion publique.

Un coup d’œil sur l’histoire


Les sociétés grecque et romaine semblent avoir réuni les conditions d’une éclosion de ce genre.
Elles ont connu l’une et l’autre la caricature, encore à l’état embryonnaire. La Grèce a eu un
caricaturiste, Pauson, dont le nom est cité par Aristophane et Aristote. On a trouvé des caricatures
peintes sur des vases grecs, et sur les murs des maisons d'Herculanum et de Pompéi, on en a même
rencontré dans les ruines et les papyrus de l'ancienne Égypte (v. Universalis.fr).
Au Moyen Âge la caricature est très présente dans les sculptures extérieures et intérieures des
églises ou dans les miniatures : personnages grotesques, animaux fantastiques et symboliques. Les
premières gravures, qui apparaissent à la fin du XIVe siècle, sont faites sur bois.
La caricature s'est répandue après l'invention de l'imprimerie et le début de la Réforme. A cette
époque, la gravure était utilisée à des fins de propagande (v. Imago Mundi). Au XVIe siècle, le pape est
le plus souvent attaqué par des caricaturistes protestants. Des gravures pouvaient être insérées dans des
pamphlets ou sur des affiches accompagnées de textes virulents ou de chansons. C'est ainsi que
Henri III a été victime d'une campagne de caricatures précédant son assassinat. En raison de la nature
plutôt vicieuse des caricatures, des persécutions ont commencé contre les artistes. Depuis le XVI e
siècle, plusieurs pays européens ont promulgué diverses lois et décrets interdisant la diffusion d'images
diffamatoires. L'explosion de la caricature politique correspond toujours à des périodes de crises. Sous
l'Ancien régime, les caricatures politiques sont produites de plus en plus souvent en feuilles volantes
exposées à la vue des passants (P. Régnier 1996).
La France, la censure de caricature n'a été abolie qu'en 1789, cependant, en 1791, un décret est
apparu interdisant la publication de documents de nature incendiaire contre les autorités, et un an plus
tard, la distribution de ces matériaux a commencé à être considérée comme un crime grave. En France,
la censure coupe impitoyablement des images répréhensibles. L’art de la caricature (est surtout la
caricature politique) commence à fleurir au début du XVIIIe siècle.
Sous la Révolution et jusqu’au début du XIXe siècle, les livres et les revues illustrés de
caricatures se multiplient. La caricature était principalement dirigée contre le pouvoir royal. Le roi,
personnage sacré jusqu'alors, devient la cible des caricaturistes. La presse royaliste publie de son côté
des caricatures anti-révolutionnaires. Le destin de la caricature politique va être désormais uni à celui
de la presse (R. Fohr 2016). Grâce au journaliste Charles Philipon et à ses publications satiriques, la
Caricature (créé en 1830), le Charivari (1831) et le Journal pour rire (1848), la caricature fait
désormais partie du jeu politique. Honoré Daumier, Gustave Doré, Paul Gavarni, Amédée de Noé
Cham ou Alfred Grévin sont alors principaux artistes collaborant à ces journaux. Le plus illustre
d’entre eux, Daumier (1808-1879), qui travaillait dans le domaine de la politique antimonarchiste (v.
LaRousse).
La loi du 9 septembre 1835 a rétablit la censure pour les dessins, gravures et lithographies et les
artistes et les journaux se consacrent à la caricature des mœurs. Il faut attendre la nouvelle loi sur la
presse de 1868 pour assister à une floraison de journaux satiriques. C'est l'époque du portrait charge,
dont les caractéristiques sont la ressemblance du sujet et l'exagération d'une tête énorme posée sur un
corps rétréci (v. BnF).
Plus tard, la caricature française s’enrichit des œuvres des Toulouse-Lautrec (1864-1901), qui
observe les habitués des théâtres et des cabarets, et de Jean-Louis Forain (1852-1931), qui met
notamment en cause le fonctionnement de la justice française. La fin du XIX e siècle voit en France
l'avènement de la presse marchandise et le développement de la presse populaire. Au début du XXe
siècle, Hansi (1873-1951) met la caricature au service de son combat contre l'annexion de l'Alsace.
Le mouvement de mai 68 permet à une jeune génération de s'exprimer dans une presse
alternative et parallèle comme Hara-kiri et Charlie-hebdo sur le registre de la provocation vis-à-vis du
public bien-pensant et de ses valeurs. On assiste cependant à une mutation : le dessin de presse va
progressivement remplacer la caricature et la formation, le statut et les pratiques des dessinateurs de
presse évoluent. Ils se revendiquent dessinateurs-journalistes (L. Baridon, M. Guédron 2011).
Dans la peinture moderne, les caricatures sont présentées sous la forme d'un dessin humoristique
ou satirique sur des thèmes sociaux, personnels, quotidiens, politiques ou sous forme d'illustrations
pour anecdotes. La caricature puisse encore secouer le monde, comme cela s'est produit récemment,
tout le monde se souviendra probablement du scandale qui a éclaté autour des caricatures du prophète
Mahomet, publiées à l'automne 2005.
Les artistes exécutent des dessins en couleur ou monochromes et sont souvent utilisées dans la
presse, les journaux télévisés, sur Internet et beaucoup de personnes en font dans la rue pour peu
d'argent, dans ce cas souvent sans intention satirique.

Un éminent représentant français

Honoré Daumier (1808 - 1879) est un peintre et sculpteur français, grand dessinateur et
caricaturiste qui a imprimé son nom et son style à l'illustration du XIXe siècle.
H. Daumier suit des cours de dessin auprès du peintre Alexandre Lenoir et travaille chez un
lithographe et éditeur. Il publie ses premiers dessins humoristiques dans la Silhouette, premier
hebdomadaire satirique illustré en France, créé par Charles Philippon, en 1829 et a été engagé dans le
journal la Caricature. Il devient rapidement célèbre pour ses caricatures politiques au ton franchement
irrévérencieux. En 1832, les bustes-charges figurant les principaux représentants de la droite sont
exposés dans la vitrine du journal Le Charivari de Philippon (v. Imago Mundi).
H. Daumier fait paraître ses charges politiques, notamment le Ventre législatif et Rue
Transnonain dans l’Association lithographique mensuelle, supplément à la Caricature qui disparaîtra
en 1835, suite à la loi contre la liberté de la presse. H. Daumier va alors renoncer à la satire politique
pour se tourner vers la caricature de mœurs, avant de s'intéresser de nouveau aux hommes politiques
après la Révolution de 1848. A ce temps il réalise notamment la série des Cent et Un Robert Macaire.
La plupart des toiles sont consacrées à des thèmes de la vie quotidienne (R. Fohr 2016). Entre 1830 et
1835, il réalise environ 1 000 gravures sur bois et 4 000 lithographies. L'une d'elles, représentant le roi
Louis-Philippe sous les traits du géant Gargantua de François Rabelais, lui a valu en 1832 six mois
d'emprisonnement. Il a continué toutefois à caricaturer la société bourgeoise de façon féroce et
bouffonne, exécutant une première série de petits bustes de notabilités politiques en argile (v. Musée
d’Orsay). En 1843, il publie quatre gravures dans l’édition Furne des œuvres de Balzac. Sa
représentation du père Goriot sera reprise pour le frontispice de La Comédie humaine.
Sa carrière de peintre commence en 1848 : sa toile La République nourrissant ses enfants et les
instruis est retenue parmi les vingt finalistes d’un concours de peinture. Des commandes officielles
s’ensuivent, il participe au Salon avec Le Meunier, son fils et l’âne.
En 1853, Daumier se lie d’amitié avec les peintres de Barbizon, Camille Corot, Jean-François
Millet et Théodore Rousseau.
En 1860, renvoyé du Charivari, il se consacre à la peinture et à la sculpture, mais n’arrive pas à
en vivre. Il réintègre Le Charivari en 1963, s’installe à Valmondois en 1865, s’inspire de
Don Quichotte dans ses tableaux, sa vue commence à baisser à partir de 1867. Il connaît des difficultés
financières, Corot achète sa maison et la lui prête à vie (v. BnF).
En 1871, il publie des lithographies particulièrement sombres sur la guerre de 1870 et s’oppose à
la proposition de Courbet d’abattre la colonne Vendôme. Il publie ses dernières lithographies dans Le
Charivari en 1872. En avril 1878, une rétrospective de ses œuvres est organisée par la galerie Durand-
Ruel et présidée par Victor Hugo. Elle connaît un succès critique mais pas public.
Admiré par Balzac, loué par Baudelaire, Daumier est considéré comme le plus grand
caricaturiste français du XIXe siècle.

Le passé. Le présent. L'avenir


Illustrations de périodique
Publiée dans La Caricature N°166, le 9
janvier 1834.

Source : Maison de Balzac


BAL 2013.0.1.7.3.1
CC0 Paris Musées / Maison de Balzac

Au début de l’année 1834, au moment où paraît cette illustration, la monarchie de Juillet règne,
régime né de l’insurrection populaire des Trois Glorieuses. Il est une période de crise économique et
d’agitation sociale. La monarchie est en conflit ouvert avec les républicains (R. Fohr 2016). C’est dans
ce contexte que paraît dans le journal La Caricature, auquel Daumier collabore depuis 1831, ce
portrait-charge du roi Louis-Philippe. La tête, d’apparence piriforme, présente trois visages différents
juxtaposés.
Quant au thème de la tête à trois visages, il se rattache à l’iconographie ancienne de l’allégorie
de la Prudence de Titien, triple portrait de l’artiste, de son fils et de son neveu, soit un vieillard, un
adulte et un enfant mis en parallèle avec les têtes d’un loup, d’un lion et d’un chien.
Cependant dans Le Passé. Le Présent. L’Avenir. toute dimension allégorique est absente, il s’agit
du visage de la même personne, celui du roi, mais représenté à des moments différents. La
signification de ce portrait-charge ressort clairement de la lecture successive des visages du roi dans
l’ordre indiqué par le titre de la planche : un visage reposé et hautain dans le passé, c'est-à-dire au
début de la monarchie de Juillet, un visage fermé et grincheux dans le présent, et un visage effrayé et
inquiet dans l’avenir. Ces visages reflètent les climats politiques français successifs sous le régime de
Juillet, ainsi qu’une prédiction de l’avenir (L. Baridon, M. Guédron 2011). Ainsi sans doute la face «
morne » qu’aura le roi dans le futur, s’expliquera par son renversement par les opposants républicains.
L’explication propose un éclairage de l’avenir qui représente un espoir vers un avenir meilleur pour les
défenseurs des principes républicains.
Ces trois visages reflètent évidemment l’évolution du climat politique et social de la monarchie
de Juillet à laquelle Daumier s’amuse à prophétiser – avec justesse, mais il est vrai avec beaucoup
d’avance – l’avenir le plus sombre (v. Paris musées).

Termes et notions
Satire (f) ‘satyra’: est un genre de peinture, de littérature ayant pour objet l’attaque des vices, des
passions déréglées, des sottises, des défauts des hommes, de la société, d’une politique ou d’une
époque.
Grotesque (m) ‘groteskas’: Dessin, peinture ou sculpture représentant des formes, des
personnages bizarres, ridicule, mêlé d'un certain effroi.
Pamphlet (m) ‘pamfletas’: est un écrit satirique qui attaque un adversaire, un parti, une situation
ou une idée. C’est un texte agressif, violent, en général bref : une « lettre ouverte », un article de
journal, un poème, un court récit.
Mouvement de mai 68 (m) ‘1968 gegužė’: Mai 68 a été l’un des mouvements sociaux français
les plus importants, que cela concerne les étudiants ou les ouvriers. Dans différents pays du
monde, tels que l'Allemagne, le Brésil, l'Italie, la Tchécoslovaquie et le Japon, plusieurs
manifestations d'étudiants ont également lieu ce même printemps. Mais c’est bien la France qui
va connaître une grande révolte étudiante, et la plus grande grève générale depuis 1936. Des
centaines de milliers de personnes à Paris, et plus d’un million dans les grandes villes de France,
descendent dans les rues. Elles répondent à l’appel de la CGT et de la CFDT qui ont enjoint les
travailleurs à défiler aux côtés des étudiants. Depuis plusieurs semaines, ces derniers se
mobilisent pour dénoncer la société de consommation et l’apparition du chômage, inhérent, selon
eux, au capitalisme. Ils défilent aussi aux cris de «10 ans, ça suffit ! », référence au 10e
anniversaire du retour au pouvoir du général de Gaulle.
Monarchie de Juillet (f) ‘Liepos monarchija’: Charles X a été́ chassé par les émeutes de juillet
1830. Il est remplacé par Louis-Philippe. C’est le début de la monarchie de Juillet. Louis-
Philippe veut être proche du peuple, mais ne fait aucune réforme pour améliorer le sort des
ouvriers. Il rétablit le drapeau tricolore, mais n’accorde pas le suffrage universel.

Activité d’expression écrite ou orale


Retournez vers l’illustration Le passé. Le présent. L’avenir, imaginez que l’illustration était le
visuel d'une publicité, rédigez le texte publicitaire en dessous.
« Notre roi dans le passé, dans le présent et dans l’avenir »

Autour du texte
Dites si ces affirmations suivantes sont vraies ou fausses, argumentez.

Vrai Faux
1. Caricature et charge ont le même sens. +
2. Depuis le XVIe siècle en raison de la nature religieuse des caricatures ont
été interdites.
3. Les caricatures se multiplient grâce à leur contenu propagande.

4. Le gouvernement a toujours soutenu l’art de la caricature.

5. La caricature était principalement dirigée contre le pouvoir.

6. Aujourd’hui la caricature peut encore secouer le monde.

7. Honoré Daumier est devenu rapidement célèbre pour ses caricatures


politiques au ton franchement irrévérencieux.
8. La République nourrissant ses enfants et les instruis est la caricature la
plus célèbre de Daumier.
9. Daumier publiait ces dessins humoristiques dans les journaux tels que : +
La Silhouette, La Caricature, Le Charivari.
10. Le Passé. Le Présent. L’Avenir. de Honoré Daumier représente une +
image d’un vieillard, d’un adulte et d’un enfant.

Recherche
Le lien entre la caricature et la bande dessinée, des faits, des questions et des exemples.

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