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Le contrôle de gestion hospitalier

Chapter · April 2015


DOI: 10.3917/dunod.fermo.2015.01.0409

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Olivier Baly
Université de Montréal
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20
Le contrôle
de gestion hospitalier
Une innovation managériale dans le
pilotage
des établissements de santé ?

Olivier BALY
1. INTRODUCTION
Le contrôle de gestion est un système de pilotage de la performance des organisations qui repose
sur la fixation d’objectifs ainsi que sur le suivi de leur réalisation. Il constitue donc par essence un
mode de gouvernance des organisations.
Ainsi que le développe Henri Bouquin (2010), le contrôle de gestion sert à la fois la gouvernance
externe et la gouvernance interne :
• En matière de gouvernance externe, il vise à rendre compte aux « détenteurs du droit de gouverner
(actionnaires, tutelle…) » (Bouquin, 2010, p. 10) des résultats de l’organisation et de leur niveau
de correspondance aux objectifs stratégiques assignés à celle-ci.
• En matière de gouvernance interne, le contrôle de gestion est un moyen d’assurer la congruence
entre les actions des manageurs et ces mêmes objectifs stratégiques.
Ainsi, le contrôle de gestion vise à assurer la « convergence des buts et la coopération » (Bouquin,
2010, p. 11) internes et externes d’une organisation.
Cette acception du contrôle de gestion présuppose une architecture de délégations entre une
autorité externe et les dirigeants de l’organisation d’une part, et entre ces dirigeants et des manageurs
opérationnels d’autre part. Elle implique que des champs de responsabilités aient été préalablement
déterminés et confiés à des gestionnaires.
Il en découle que le contrôle de gestion se place par définition à l’interface entre la dimension
stratégique et le cœur opérationnel de l’organisation, puisqu’il a précisément pour fonction principale
d’assurer la cohérence entre ces deux niveaux. Cette position et ce rôle le situent dans une partie
spécifique de l’organisation : la technostructure.
Telle que définie par Henry Mintzberg ([1978] 1982, p. 46), la technostructure est le lieu où se
trouvent les analystes, c’est-à-dire ceux qui conçoivent, planifient, et contrôlent le travail au sein de
l’organisation. La technostructure participe ainsi, par la production de standards, à la coordination
entre les différentes composantes de l’organisation, décrites dans la figure 20.1.

Les cinq parties de base des organisations selon Henry Mintzberg et synthèse des
trois mécanismes de standardisation mobilisables par la technostructure

Dans le centre opérationnel, des opérateurs produisent des biens ou des services.
Le sommet stratégique assure la direction de l’organisation, la détermination de sa stratégie et de ses rapports
avec l’extérieur.
Ce sommet stratégique est relié au centre opérationnel par une ligne hiérarchique constituée par les cadres de
l’organisation, qui supervisent le travail des opérateurs et gèrent des unités.
Le long de cette structure pyramidale se déploient, d’une part, les fonctions de support qui fournissent le soutien
logistique aux activités de l’organisation (transport, restauration, nettoyage, etc.) et, d’autre part, la
technostructure.
Trois types d’analystes peuvent intervenir au sein de la technostructure, correspondant chacun à un type de
standardisation :
• les analystes du travail standardisent les processus opérationnels ;
• les analystes du personnel standardisent les qualifications des opérateurs ;
• les analystes de planification et de contrôle standardisent les résultats devant être obtenus par l’organisation
dans son ensemble ou par les unités opérationnelles.
La définition donnée par Henri Bouquin du contrôle de gestion l’apparente davantage à un
mécanisme de standardisation par les résultats, dans la mesure où il s’appuie sur la détermination
d’objectifs et le suivi des résultats, que ces objectifs soient assignés aux manageurs de la ligne
hiérarchique par le sommet stratégique, ou donnés par des autorités externes au sommet stratégique
lui-même.
Or l’existence d’un mécanisme de standardisation par les résultats dans une organisation telle que
l’hôpital est selon Henry Mintzberg, inhabituelle, voire impossible (Glouberman et Mintzberg, 1996).
En effet, ce dernier classe l’hôpital dans un type de configuration structurelle, la bureaucratie
professionnelle (Mintzberg, [1978] 1982), caractérisée par la prégnance du centre opérationnel1. Le
mécanisme principal de standardisation de cette organisation concerne la qualification des opérateurs,
et non les résultats des unités opérationnelles, car la complexité des procédés de travail et la difficulté
d’en mesurer les produits rendent tout système de pilotage des performances inopérant.
Pourtant, la fonction contrôle de gestion s’est implantée et fortement développée dans les
établissements de santé français au cours des quinze dernières années. Comment, dès lors, en expliquer
l’émergence et l’extension ? Quelles formes cette fonction prend-elle concrètement dans les
organisations hospitalières et quel est son impact réel sur le pilotage de la performance des
établissements de santé ? En d’autres termes : a-t-elle été véritablement porteuse d’une nouvelle
manière de piloter les établissements de santé et si oui, comment ?
Telles sont les questions auxquelles cette contribution propose d’apporter des éléments de réponse,
à travers notamment les données statistiques disponibles, ainsi que les retours d’expérience des
membres du Cercle ANAP (Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et
médico sociaux) dédié au contrôle de gestion et à la comptabilité analytique hospitalière.

Présentation de l’ANAP et du Cercle performance


comptabilité analytique et contrôle de gestion
Instituée par la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux
territoires, « l’ANAP a pour objet d’aider les établissements de santé et médico-sociaux à améliorer le service
rendu aux patients et aux usagers, en élaborant et en diffusant des recommandations et des outils dont elle
assure le suivi de la mise en œuvre, leur permettant de moderniser leur gestion, d’optimiser leur patrimoine
immobilier et de suivre et d’accroître leur performance, afin de maîtriser leurs dépenses » (extrait de la loi
n° 2009-879 du 21 juillet 2009 — art. 18-V).
L’ANAP assure notamment les missions suivantes (extrait du Code de la santé publique — art. L. 6113-10) :
• La conception et la diffusion d’outils et de services permettant aux établissements de santé et médico-sociaux
d’améliorer leur performance et, en particulier, la qualité de leur service aux patients et aux personnes.
• L’appui et l’accompagnement des établissements, notamment dans le cadre de missions de réorganisation
interne, de redressement, de gestion immobilière ou de projets de recompositions hospitalières ou médico-
sociales.
• L’évaluation, l’audit et l’expertise des projets hospitaliers ou médico-sociaux, notamment dans le domaine
immobilier et des systèmes d’information.
• Le pilotage et la conduite d’audits sur la performance des établissements de santé et médico-sociaux.
• L’appui aux agences régionales de santé dans leur mission de pilotage opérationnel et d’amélioration de la
performance des établissements.
• L’appui de l’administration centrale dans sa mission de pilotage stratégique de l’offre de soins et médico-
sociale.
Dans le cadre de ces missions, l’ANAP a souhaité structurer la réflexion autour du contrôle de gestion hospitalier
en créant, en avril 2012, un Cercle ouvert à l’ensemble des acteurs concernés par cette fonction. Ce Cercle est
aujourd’hui composé de près d’une centaine de membres, contrôleurs de gestion, directeurs financiers ou
médecins DIM, travaillant en établissements de santé ou en ARS.
Son objectif est de favoriser le partage d’expériences, la diffusion des savoirs, ainsi que l’expérimentation de
démarches innovantes en matière de comptabilité analytique et de contrôle de gestion à l’hôpital. Un guide ANAP
du contrôle de gestion à l’hôpital, issu des travaux de ce cercle, est à paraître début 2015.

1 Pour une synthèse des différents types de configurations structurelles des organisations proposés par Henry Mintzberg et de
leurs caractéristiques, voir le tableau en annexe.
Les matériaux mobilisés au cours de ce chapitre proviendront donc à la fois d’enquêtes nationales
(Observatoire de la comptabilité analytique hospitalière notamment), de rapports ou d’études produits
par les institutions ministérielles (direction générale de l’Offre de soins — DGOS, Direction de la
recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques — DREES) ou par les corps d’inspection du
secteur sanitaire et social (Inspection générale des affaires sociales — IGAS), ainsi que d’une enquête
réalisée auprès des membres du Cercle ANAP en février 2014 et portant sur la fonction contrôle de
gestion à l’hôpital.
S’y ajouteront, en dernière partie, deux retours d’expérience de chantiers de transformation
conduits par l’ANAP : le premier porte sur le fonctionnement d’un service d’imagerie dans un centre
hospitalo-universitaire (CHU) ; le second sur l’optimisation de la chaîne de facturation et de
recouvrement des créances dans un centre hospitalier (CH)2.
À l’aide de ce corpus de données et d’expériences, nous tenterons tout d’abord de comprendre les
transformations structurelles qu’ont connues les hôpitaux français au gré des réformes systémiques
entreprises depuis une trentaine d’années. Comme nous le verrons, celles-ci ont principalement
modifié un des facteurs de contingence environnementaux déterminants des bureaucraties
professionnelles, le système technique d’information, qui est devenu sophistiqué, automatisé et
régulateur.
Dès lors, la mesure de la production et de l’efficience a été rendue possible, ouvrant un champ
d’application au contrôle de gestion. Un embryon de technostructure, composé du DIM et du contrôle
de gestion, a trouvé une place dans l’organigramme hospitalier. Nous verrons toutefois que d’autres
facteurs de contingence non environnementaux, comme la taille de la structure, conditionnent
également la création de cet organe.
Nous proposerons ensuite une physiologie du contrôle de gestion hospitalier afin d’identifier quels
peuvent être concrètement les apports de cette fonction en matière de convergence des buts au sein des
établissements de santé.
Comme nous le verrons, s’il peut contribuer à une forme de supervision stratégique dans certaines
structures hospitalières, son rôle est plus généralement de servir d’intégrateur entre leurs différentes
composantes.
En outre, cette fonction d’intégration peut potentiellement s’étendre à la coordination des flux de
travail et d’information. La contribution du contrôle de gestion au pilotage budgétaire et financier se
doublerait alors d’une participation au pilotage des processus, renforçant son rôle de vecteur de
l’innovation managériale : jusqu’alors porteur d’innovations en matière de pilotage de l’organisation,
il le deviendrait également en matière de pilotage des processus et des flux de travail.
Il semble en effet que, si le pilotage par objectifs a été en soi une innovation pour les
établissements de santé, le contrôle de gestion hospitalier ainsi créé est en retour une source
d’innovation managériale, dans la mesure où sa situation spécifique est propice à la conception et au
développement de modèles de pilotage nouveaux par rapport à l’état de l’art en matière de gestion
(Birkinshaw, Hamel et Mol, 2008).

2. LES TRANSFORMATIONS STRUCTURELLES


DES ORGANISATIONS HOSPITALIERES

2.1 Les facteurs environnementaux d’évolution :


les transformations du système technique
d’information
Selon Henry Mintzerg ([1978] 1982), la portée d’un pilotage des performances dans une
organisation telle qu’un hôpital, et donc la possibilité pour des analystes de planification et de contrôle

2
Ce second chantier a été conduit en 2009 à l’aide d’un outil de diagnostic conçu par l’une des missions antérieures à la
création de l’ANAP : la MeaH (Mission d’expertise et d’audit hospitalier), qui a été fusionnée dans celle-ci. Cet outil, a,
depuis lors, évolué.
d’y trouver une place, sont réduites par l’absence de système de mesure propre à rendre compte
adéquatement de l’activité des professionnels.
Or c’est précisément ce facteur de contingence qui semble avoir été modifié par la mise en place du
Programme médicalisé des systèmes d’information (PMSI), puis de la tarification à l’activité (T2A).
La médicalisation du système d’information a en effet permis de mesurer la production d’une structure
hospitalière de médecine, de chirurgie ou d’obstétrique (MCO) de manière plus sophistiquée, en
retraçant à la fois la pathologie traitée, les actes pratiqués et la lourdeur des cas.
La généralisation de l’usage du PMSI, accompagnée de la création de la fonction de médecin DIM
dans l’ensemble des établissements de santé3, a rendu ensuite ce système technique d’information
automatisé. Ainsi, le médecin DIM a été la première composante d’un embryon de technostructure
dans les hôpitaux français, en contrôlant la juste mesure de l’activité hospitalière selon des standards
de production, principalement les groupes homogènes de malades (GHM) (Lartigau, 2009).
Un second acteur techno-structurel paraît en outre avoir émergé avec la mise en place de la
tarification à l’activité : le contrôle de gestion.
Déjà sophistiqué et automatisé, le système technique est devenu régulateur par l’effectivité
progressive de la T2A. L’instrument tarifaire est en effet aujourd’hui un des principaux outils utilisés
par le ministère de la Santé pour piloter l’évolution des dépenses hospitalières. Cette régulation par le
système technique, à travers des tarifs opposables aux établissements de santé MCO, a rendu
nécessaire l’analyse des ressources engagées dans chaque établissement pour produire son activité.
Du point de vue des sciences de gestion, cette étape a correspondu au passage d’une situation de
pure administration, caractérisée par l’ambiguïté du couple fins/moyens (Engel et Garnier, 1979) à une
situation de gestion, dans laquelle une première fonction de production lie des moyens engagés à des
réalisations (Gibert, 1986). Une analyse des résultats et du niveau de performance des unités
composant le centre opérationnel devient alors possible.
Le lien entre la mise en place de la T2A et la création d’une fonction d’analyse de gestion au sein
des établissements de santé français (publics et privés non lucratifs) est statistiquement vérifiable grâce
aux données fournies par l’Observatoire de la comptabilité analytique hospitalière (OCAH)4.
En effet, si l’on considère deux catégories d’établissements de même taille, l’une passée entre 2007
et 2012 à la T2A (les centres hospitaliers de taille moyenne), et l’autre toujours financée selon les
modalités du budget global5 (les établissements publics de santé mentale), on constate que la
propension à développer une cellule d’analyse de gestion durant cette période a été de dix points
supérieure dans la première population que dans la seconde, alors même qu’elles partaient d’un état
initial comparable (un quart des établissements des deux catégories disposait d’une cellule de cette
nature avant 2007) :

Tableau 20.1 Impact de la T2A sur la création d’une cellule d’analyse de gestion.
CH de taille
Création de CH de grande moyenne
Petits CH
la cellule taille (budget Population
CHU/CHR EPSM (budget
d’analyse et (budget compris totale
< 20 M€)
de gestion > 70 M€) entre 20 et
70 M€)
Avant 2007 83 % 65 % 26 % 25 % 8% 27,39 %
Entre 2007
17 % 33 % 58 % 48 % 34 % 39,19 %
et 2012
Non créée 0% 2% 16 % 27 % 58 % 33,43 %

Source : données OCAH 2012.

3
Arrêté du 20 septembre 1994.
4 Cet observatoire a été mis en place en 2010 par la direction générale de l’Offre de soins du ministère de la Santé afin de
disposer d’un état des lieux national de la comptabilité analytique dans les établissements publics et privés à but non lucratifs.
Les données y sont collectées par le biais d’un questionnaire annuel en ligne adressé à l’ensemble de ces établissements.
5 Voir dans cet ouvrage, Joncour Y. « Les politiques hospitalières dans la durée. L’articulation permanente entre la recherche
de la performance et la rénovation des politiques publiques ».
Ce constat de naissance d’une technostructure hospitalière composée du médecin DIM et du
contrôle de gestion est partagé par d’autres études consacrées aux impacts de la T2A sur les modes
d’organisation et de fonctionnement des établissements de santé (Pépin et Moisdon, 2010).
Si l’on peut en déduire que le principe anatomique selon lequel la fonction crée l’organe semble
s’appliquer ici, que peut-on conclure de l’existence de ce nouvel organe ? Est-il le signe d’une
mutation profonde de l’organisme, d’une mue de celui-ci hors de l’enveloppe corporelle de la
bureaucratie professionnelle ?
Les données et études disponibles donnent en réalité à voir un panorama assez nuancé des
établissements de santé, dans lequel la taille des structures impacte les modes d’organisation et de
gouvernance.

2.2 Une « divisionnalisation » variable et dépendante de


la taille des structures
L’ordonnance n° 2005-406 du 2 mai 2005 simplifiant le régime juridique des établissements de
santé a instauré dans son titre Ier ce qu’il fut convenu ensuite d’appeler la « nouvelle gouvernance
hospitalière ». Cette ordonnance rend obligatoire une nouvelle organisation des établissements de
santé en « pôles d’activité », pouvant regrouper plusieurs structures internes.
Ce texte prévoit, de surcroît, une gestion contractuelle interne entre ces pôles et la direction. Ces
contrats de pôles doivent comporter des objectifs chiffrés, en adéquation tant avec le projet médical du
pôle que le projet d’établissement, et faire l’objet d’un suivi. Une « délégation de gestion », c’est-à-
dire une enveloppe budgétaire gérée par le pôle de manière autonome, peut être accordée par la
direction de l’établissement6.
Ce texte marque le passage d’une organisation administrativement centralisée et
opérationnellement découpée en services, vers une organisation où les unités opérationnelles sont
regroupées dans des ensembles devant permettre une gestion décentralisée.
Les praticiens responsables de pôle sont en effet investis de prérogatives de gestion : ils disposent
d’une « autorité fonctionnelle » sur les équipes médicales, soignantes, administratives et
d’encadrement du pôle. Ils possèdent donc la maîtrise légale des organisations de travail. De ce point
de vue, ils s’apparentent à des manageurs opérationnels.
Cette fonction se double d’une compétence en ressources humaines, puisque les chefs de pôle
définissent les profils de poste, proposent au directeur le recrutement des personnels non titulaires,
gèrent l’affectation des personnels au sein du pôle et participent à l’élaboration du plan de formation
les concernant.
Enfin, il appartient également aux chefs de pôle d’assurer la « concertation interne au sein du
pôle » en y associant « toutes les catégories de personnel ».
Comme certains auteurs l’avaient anticipé (De Pouvourville et Tedesco, 2003), le modèle ainsi
proposé s’apparente donc clairement à une autre forme de configuration structurelle que la
bureaucratie professionnelle : la structure divisionnalisée (voir annexe I). Dans cette configuration
structurelle, des unités autonomes, appelées « divisions », sont reliées entre elles par une
administration centrale, appelée « siège ».
Le mécanisme naturel de coordination de la structure divisionnalisée n’est pas la standardisation
des qualifications, mais la standardisation des résultats. Ainsi qu’il a été posé en introduction, ce
mécanisme, qui consiste à déterminer à l’avance les résultats du travail en fixant les objectifs de
performance que les unités opérationnelles doivent atteindre, est le cœur de métier du contrôle de
gestion tel que défini précédemment. Il implique qu’un système de pilotage soit mis en place et géré
par une technostructure.
Plusieurs années après l’instauration de la nouvelle gouvernance, peut-on observer aujourd’hui
qu’une telle transformation structurelle des établissements de santé a bien eu lieu ?

6 La loi HPST a entériné ces dispositions tout en en modifiant quelque peu le vocabulaire : les crédits délégués sont
désormais définis par des « délégations de signature » et non plus par des « délégations de gestion », terme jugé alors
juridiquement flou par le législateur.
Le rapport de février 2010 de l’Inspection générale des affaires sociales relatif au « Bilan de
l’organisation en pôles d’activité et des délégations de gestion mises en place dans les établissements
de santé » (IGAS, 2010) permet de dresser un premier constat sur l’étendue réelle de ces mutations.
Il fait état de délégations de gestion quasi inexistantes dans les faits, limitées, pour les ressources
humaines, à des enveloppes de formation ou d’intérim, et, pour les ressources matérielles, à des achats
hôteliers ou de fournitures non médicales. Des budgets d’acquisition d’équipement médical peuvent
exister, mais sont fortement encadrés dans leur montant (achats unitaires inférieurs à 10 000 euros) et
toujours soumis à la validation de la direction.
Ce panorama amène à reconsidérer les analyses sur l’évolution de l’hôpital vers une structure
divisionnalisée. En effet, dans la description donnée par Henry Mintzberg de cette configuration
organisationnelle, « le siège laisse aux divisions presque toute latitude de décisions, puis contrôle le
résultat de ces décisions » (Mintzberg, [1978] 1982, p. 339).
Or, ainsi que le montre l’Enquête nationale sur la gouvernance hospitalière du ministère de la Santé
publiée en juillet 2011, le champ décisionnel des pôles, même s’il n’est pas négligeable, se borne
aujourd’hui, dans la plupart des établissements de santé à la définition des organisations de travail
internes aux pôles, à la gestion de dépenses de remplacement et d’intérim, de médicaments et
fournitures médicales, de dépenses hôtelières ou de petit équipement, ainsi qu’à la formation7. Les
chefs de pôle sont donc loin d’avoir « toute latitude de décisions » sur le fonctionnement de leur pôle.
En outre, le processus de contractualisation n’était pas encore généralisé après cinq ans de mise en
place de la nouvelle gouvernance. L’enquête du ministère de la Santé révélait qu’un faible pourcentage
d’établissements avait signé au moins un contrat de pôle à fin 2010 (21 %). Un effet taille est ici très
net : 70 % des CHU en avaient signé, contre 16,4 % des centres hospitaliers (CH) de taille moyenne, et
7 % des petits CH.

Figure 20.1. Pourcentage d’établissements de santé ayant signé au moins un contrat de


pôle à fin 2010
Aucun contrat de pôle Au moins 1 contrat de pôle

6,8 %
21,0 % 16,4 %
28,4 %
41,9%

70,0 %

93,2 %
79,0 % 83,6 %
71,6 %
58,1 %

30,0 %

National CH < 20 M€ CH entre 20 M€ CH > 70 M€ CHR/CHU CHS


et 50 M€
N = 571 N = 222 N = 146 N = 93 N = 30 N = 74

Source : Enquête nationale gouvernance hospitalière 2011, ministère de la Santé, de la Jeunesse et des Sports, 2011, p. 27.

La divisionnalisation apparaît donc ici clairement dépendante de la taille des organisations


hospitalières, et la propension de celles-ci à se doter d’une technostructure formelle y semble
également corrélée : les données OCAH reportées dans le tableau 19.1 montrent que les grands
établissements ont une propension beaucoup plus forte que les petits à disposer d’une cellule dédiée au
contrôle de gestion. Ainsi, l’ensemble des CHR/U a créé une telle cellule en 2012, comme la quasi-
totalité (98 %) des CH de grande taille ; en revanche, si 84 % de CH de taille moyenne en sont dotés,

7 Source : Enquête nationale gouvernance hospitalière 2011, ministère de la Santé, de la Jeunesse et des Sports, 2011, p. 35-
45.
c’est le cas de seulement 42 % des CH de petite taille. Le chiffre de 20 millions d’euros de budget
semble donc constituer un seuil statistique en deçà duquel la propension à développer une cellule
dédiée au contrôle de gestion baisse significativement.
Toutefois, cette cartographie statistique repose sur le seul critère d’existence déclarée d’une cellule
d’analyse de gestion. Or, celle-ci peut très bien être créée sans donner pour autant naissance à un
véritable dispositif de pilotage des performances. Préciser ce point nécessite non plus simplement de
constater l’existence de l’organe, comme nous l’avons fait jusqu’à présent, mais de s’intéresser
également à sa physiologie, c’est-à-dire à la fonction qu’il remplit au sein de l’organisme hospitalier.
Ce sera l’objet de notre seconde partie.

3. PHYSIOLOGIE DU CONTROLE DE GESTION


HOSPITALIER : UN PILOTAGE DES PERFORMANCES
METABOLISE, DAVANTAGE ORIENTE VERS
L’INTEGRATION QUE VERS LA SUPERVISION
Le contrôle de gestion est un nouvel organe de l’organisation hospitalière. Comprendre son rôle
dans l’organisme hospitalier, et s’attarder à qualifier ses propriétés, revient à tenter d’en dresser un
portrait physiologique. Au cours de cette analyse, nous essaierons de voir si le fonctionnement
observable de cet organe dans le corps hospitalier est conforme ou non au fonctionnement théorique
énoncé en introduction, et quels sont les effets de ce fonctionnement sur l’organisme lui-même.
Comme il a été mentionné en introduction, le modèle du contrôle de gestion construit par Henri
Bouquin assigne à cet organe une fonction de convergence des buts au sein des organisations.
Deux manières de garantir cette convergence des buts, non exclusives l’une de l’autre, peuvent être
déduites du modèle proposé par Bouquin :
• la supervision, par un contrôle de la conformité des performances des unités opérationnelles aux
objectifs qui leur ont été assignés par la direction ;
• l’intégration, qui permet — par le partage de valeurs, de représentations, d’informations et de
vocabulaire — la détermination d’objectifs communs entre les managers opérationnels et la
direction.
Les résultats de l’OCAH, ainsi que ceux de l’enquête menée auprès des membres du Cercle ANAP
dédié au contrôle de gestion, montrent que, logiquement, la supervision stratégique, ne peut
s’appliquer que dans les structures s’étant déjà divisionnalisées, c’est-à-dire dans ceux des
établissements de santé où un pilotage par les objectifs a été effectivement mis en place. L’apport du
contrôle de gestion en matière d’intégration semble quant à lui davantage généralisé.
En somme, le contrôle de gestion est métabolisé par chaque organisme hospitalier afin de
correspondre à sa configuration structurelle ainsi qu’à son évolution.

3.1 Une contribution à la supervision stratégique


limitée aux structures divisionnalisées
Les données statistiques issues de l’Observatoire de la comptabilité analytique hospitalière
indiquent en premier examen que les destinataires des données produites par le contrôle de gestion
sont les instances décisionnelles de l’hôpital en charge de définir sa stratégie et d’en suivre
l’application.
Figure 20.2. Les principaux utilisateurs des données produites
par le contrôle de gestion à l’hôpital

Source : données OCAH 2012.

L’utilisateur principal des données du contrôle de gestion est le directoire, sorte de conseil exécutif
de l’hôpital public français, présidé par le directeur général, secondé du président de la communauté
médicale d’établissement (PCME) élu par le corps médical. Depuis l’entrée en vigueur de la loi HPST
(21 juillet 2009), cette instance est devenue le principal organe décisionnel de l’hôpital, dans la mesure
où c’est elle qui adopte l’ensemble des documents stratégiques (projet médical et projet
d’établissement, projets et contrats de pôle) et qui arrête le budget et le programme d’investissement.
Ces données laissent à penser que le contrôle de gestion joue aujourd’hui un rôle clé dans le
processus de supervision stratégique de l’hôpital. Toutefois, ce constat doit être relativisé par l’analyse
des activités du contrôle de gestion.
Une enquête du Cercle performance comptabilité analytique et contrôle de gestion de l’ANAP,
réalisée via un questionnaire en ligne en février 2014 auprès de 164 contrôleurs de gestion ou faisant
fonction, travaillant dans des établissements majoritairement de statut public (à 82 %), fournit les
données présentées dans la figure 20.3.
Figure 20.3 Les activités effectuées par le contrôle de gestion hospitalier8 (l’axe des
ordonnées indique le pourcentage de répondant exerçant chacune des activités listées dans
leurs établissements)

80 %
Des activités liées
70 % à la contractualisation
et au dialogue de gestion
60 % moins répandues

50 %
Des activités
principales 40 %
qui restent
majoritairement
30 %
très techniques
20 %

10 %

0%
le

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Il y apparaît clairement une prévalence des tâches à caractère technique (production de données de
gestion, ici en orange) par rapport à celles liées au dialogue de gestion, à la mise en place ou de suivi
de la contractualisation (ici en rouge).
Ainsi, si les instances de supervision de l’hôpital sont bien les principaux destinataires des données
produites par le contrôle de gestion (fig. 20.2), les résultats de l’enquête présentés en figure 20.3
montrent que la fourniture de ces données ne va pas systématiquement de pair avec l’instauration d’un
dispositif de pilotage interne reposant sur la contractualisation d’objectifs et la délégation de gestion.
Ces constats rejoignent ceux des enquêtes mentionnées en première partie sur la variabilité de la
divisionnalisation des structures hospitalières.
En d’autres termes, la supervision stratégique par le biais d’un dispositif de pilotage par les
objectifs ne peut avoir de sens que si des périmètres de gestion sont effectivement délégués, et si des
objectifs sont donnés aux unités opérationnelles puis contractualisés avec elles ; le contrôle de gestion
ne peut donc logiquement participer à ce dispositif de supervision stratégique que dans les
établissements de santé ayant connu ou en train de connaître une évolution vers la divisionnalisation.
Qu’en est-il alors dans les établissements où cette forme de pilotage par les objectifs n’est pas
encore instituée ?
Il apparaît, que, même dans ce cas, le contrôle de gestion joue un rôle actif dans la convergence des
buts à l’hôpital par la construction d’un système de gestion intégré, c’est-à-dire un système favorisant
la coopération entre les différentes composantes de l’organisation. En contribuant à l’instauration
d’une « communauté minimale de langage et de sens partagé » (Moisdon et Tonneau, 1999), il
participe de manière générale à la constitution d’un espace d’échanges dans lequel ces différentes
composantes de l’organisation peuvent coopérer.

8 Source : enquête ANAP de février 2014 sur le profil des contrôleurs de gestion à l’hôpital.
3.2 Une contribution à l’intégration plus généralisée
Il est notable que les deux tiers des répondants à l’enquête ANAP (fig. 20.3) sont responsables de
la gestion du fichier commun de structure.
Cette fonction est effectivement essentielle aujourd’hui à l’hôpital : comme nous l’avons vu en
première partie, l’une des évolutions majeures de l’environnement a consisté en la sophistication et
l’automatisation d’un système technique d’information devenu régulateur. De lui dépendent la
facturation des recettes, et donc l’obtention de moyens financiers ; de lui dépend aussi toute analyse
médico-économique mettant en regard de ces recettes, les ressources mobilisées pour les produire. Les
applicatifs de ce système d’information, pour pouvoir fonctionner et communiquer entre eux, doivent
utiliser le même découpage analytique de l’organisation.
Or c’est précisément le fichier commun de structure qui remplit cette fonction. Le concevoir et le
maintenir, c’est donc maîtriser la représentation de l’organisation utilisée par toute l’instrumentation
gestionnaire de l’hôpital.

Qu’est-ce qu’un fichier commun de structure ?


Le fichier commun de structure (FICOM) est une représentation analytique de l’organisation d’un établissement. Il
doit permettre la bonne affectation des recettes et des dépenses entre les différentes unités de cet établissement.
Il se décompose le plus souvent en unités fonctionnelles (UF), qui peuvent être des unités de soins, de support,
ou d’activités médico-techniques. Ces UF doivent être regroupées en sections d’analyses (SA) selon les principes
de découpage du Guide DGOS de comptabilité analytique hospitalière. Il doit également assurer l’articulation
avec le découpage en unités médicales issu du PMSI (voir première partie). Depuis la mise en place de la
nouvelle gouvernance hospitalière, le FICOM répartit aussi les UF entre les pôles.

Construire un outil de gestion sur la base de ce découpage analytique, c’est donc nécessairement
faire dialoguer les représentations que les différents corps professionnels se font de l’organisation.
Il est par conséquent intéressant d’étudier les principaux outils analytiques produits par le contrôle
de gestion, ainsi que leurs évolutions, pour comprendre le rôle qu’il peut jouer à travers ces
instruments, dans le processus de convergence des buts.
Les données de l’OCAH font état d’une forte prévalence du compte de résultat analytique par pôle
(CréA) dans la production des cellules d’analyse de gestion.
Figure 20.4 Les outils de comptabilité analytique produits par le contrôle de gestion
hospitalier9

Source : données OCAH 2012.

Les résultats de l’enquête ANAP, présentés en figure 20.3 confirment eux aussi que la production
des états de comptabilité analytique internes, avec celle des tableaux de bord de pôle, constitue une des
premières activités réalisées par le contrôle de gestion hospitalier.
Or ces instruments de gestion contribuent à créer un système de gestion facilitant la coopération
entre les différentes composantes de l’organisation hospitalière. Comme en témoignent les évolutions
des modèles de comptes de résultat décrites dans l’encadré ci-dessous, ces outils peuvent servir les
deux formes de coopération interne aux établissements de santé identifiées par Mintzberg et
Glouberman (1997) : d’une part, la coordination des flux de travail, entre les unités opérationnelles
(ici, les pôles) ; d’autre part, la collaboration entre les différents « mondes » interagissant dans
l’organisation hospitalière, en l’occurrence le monde administratif et le monde médico-soignant10.

Les évolutions des comptes de résultat par pôles à l’hôpital :


CréA, CréO, COGEST
Depuis la montée en charge de la tarification à l’activité et la mise en place de la nouvelle gouvernance
hospitalière, l’outil de comptabilité analytique le plus répandu dans les établissements de santé est le CréA.
Celui-ci repose sur une logique de coûts complets, qui met en regard l’ensemble des recettes du pôle (tarifs,
facturation des consultations, dotations, forfaits divers) avec l’ensemble de ses dépenses. Ces dépenses se
décomposent en charges directes (personnel, médicaments et consommables médicaux, dépenses d’entretien-

9 La base d’Angers est une base de comparaison des coûts d’unités d’œuvre initiée par le CHU d’Angers.
L’ENCC est l’Échelle nationale des coûts à méthodologie commune, qui produit chaque année des coûts par groupe
homogène de malades. Le tableau coûts case-mix (TCCM) est une comparaison des coûts réels de l’établissement aux coûts
issus de l’ENCC. Les méthodes ABC (activity based-costing) ou ABM (activity based-management) sont des méthodes
d’évaluation et de pilotage des coûts reposant sur une analyse des activités de l’organisation et non sur son découpage en
sections homogènes. Pour une description plus précise des différentes méthodes de comptabilité analytique appliquées à
l’hôpital, le lecteur pour se référer au tome II, thématique E, du Guide ANAP du Contrôle de gestion à l’hôpital, dont la
parution est prévue pour début 2015.
10
Comme il le sera précisé en troisième partie, ces auteurs font une distinction entre le monde médical et le monde soignant.
Mintzberg et Glouberman admettent néanmoins qu’une coalition peut avoir lieu entre les mondes médicaux et soignants face
à l’administration.
maintenance directes du pôle, dépenses d’amortissement des biens médicaux du pôle) et indirectes, réparties en
fonction des clés de ventilation consommées par le pôle. Les charges indirectes couvrent les prestations médico-
techniques prescrites par le pôle (examens d’imagerie, de laboratoire, opérations chirurgicales, etc.), ainsi que les
prestations de logistique médicale (pharmacie, stérilisation, hygiène) ou générale (restauration, blanchisserie,
nettoyage, administration, etc.) dont il a bénéficié.
Or cette logique de coûts complets présente des limites en matière de gestion interne : elle implique des délais de
production souvent trop longs pour que les résultats soient connus au moment de la prise de décision ; les pôles
prestataires (médico-techniques ou logistiques) sont par définition à l’équilibre, puisqu’ils sont rémunérés à leur
coût unitaire de production ; enfin, le périmètre de coûts considérés inclut de nombreuses charges
d’administration générale ou de structure (immobilière et financière) sur lesquelles les responsables de pôle n’ont
aucune marge de manœuvre.
La première évolution du modèle, apportée par le Guide de comptabilité analytique par pôle publié par la MeaH,
dans sa version de 2009, a consisté à passer d’une logique de coûts constatés à une logique de coûts cibles ;
dans ce nouveau modèle, dénommé CréO, pour « comptes de résultat par objectifs », les prestations des pôles
logistiques ou médico-techniques ne sont plus valorisées à leur coût unitaire de production, mais à un coût
d’objectif, négocié, puis éventuellement — mais non nécessairement — contractualisé, entre les pôles et la
direction.
Ce modèle de comptes de résultat, qu’il s’accompagne ou non d’une démarche de contractualisation interne,
présuppose le plus souvent un échange entre pôles prestataires et pôles prescripteurs, la plupart du temps sous
l’arbitrage de la direction, afin de trouver un accord sur la valorisation de la prestation unitaire (usuellement
mesurée en unités d’œuvre). Il est donc davantage orienté vers la coopération inter-pôles que ne l’est le CréA, et
participe de ce fait à la constitution d’un système de gestion plus intégré.
Une seconde évolution, qui sera présentée dans le futur guide ANAP du contrôle de gestion à l’hôpital, revient à
abandonner la logique du coût complet au profit d’une logique de coûts partiels délimités par un périmètre de
responsabilité attribué aux pôles.
Ce périmètre se compose le plus souvent de charges directes, des prescriptions médico-techniques, ainsi que
des dépenses induites par la durée de séjour, telles que la restauration ou la blanchisserie.
Ce modèle repose ainsi sur la définition d’un champ de gestion propre des pôles. C’est pourquoi il a été appelé
« compte de gestion » (COGEST). Là encore, même si elle ne s’accompagne pas toujours d’une délégation
formelle de gestion, cette forme de compte de résultat implique un dialogue entre direction et pôles sur ce qui doit
relever de la responsabilité de chacun. Elle est donc une manière, instrumentée, d’organiser la collaboration entre
le monde administratif et le monde médico-soignant.
L’un des apports principaux du contrôle de gestion à la convergence des buts au sein des
organisations hospitalières se réalise ainsi à travers la production d’outils favorisant à la fois
l’intégration horizontale (entre les pôles) et verticale (entre les pôles et la direction) au sein de
l’organisation.
Il est important de souligner que cette fonction d’intégration peut être effective même dans des
contextes organisationnels où un dispositif de délégation et de pilotage par les objectifs n’est pas
encore institutionnalisé. Chaque organisme hospitalier peut donc métaboliser le contrôle de gestion
pour correspondre à son degré de divisionnalisation.
En outre, cette fonction d’intégration ne se borne pas aux dimensions stratégiques de
l’organisation, mais peut aussi s’étendre aux activités opérationnelles. Le contrôle de gestion peut
alors contribuer à la coordination des flux de travail et d’information au sein des unités cliniques, mais
également entre ces unités cliniques et les fonctions support qui interagissent avec elles.
Cet apport du contrôle de gestion est encore latent dans la plupart des établissements de santé.
Toutefois, il est d’ores et déjà visible à travers la participation du contrôle de gestion à l’analyse des
processus opérationnels et fonctionnels.
Si le rôle de celui-ci se borne aujourd’hui principalement à la fourniture d’outils ou de données
analytiques, sa contribution à l’adaptation d’une logique de pilotage des processus au contexte
hospitalier est potentiellement forte.
4. LA FONCTION OPERATIONNELLE DU CONTROLE DE
GESTION HOSPITALIER : UNE FONCTION POTENTIELLE
DE METABOLISATION
DU PILOTAGE DES PROCESSUS
Comme évoqué en introduction, par la référence au cadre de la bureaucratie professionnelle, ce qui
caractérise l’hôpital en tant qu’organisation est la prégnance des logiques professionnelles.

Les logiques professionnelles à l’œuvre à l’hôpital


Ainsi que le note Thierry Nobre (1999), les premières analyses de Mintzberg de la bureaucratie professionnelle
appliquées à l’hôpital ne conçoivent implicitement qu’une seule catégorie de professionnels dans le centre
opérationnel de cette organisation : les médecins.
Or d’autres acteurs du monde de l’hôpital ont développé des caractéristiques professionnelles, telles que définies
par le courant fonctionnaliste de la sociologie des professions.
Wilensky, cité par Dubar (2011), distingue six caractéristiques de la profession :
1) être exercée à plein-temps ;
2) comporter des règles d’activité ;
3) comprendre une formation et des écoles spécialisées ;
4) posséder des organisations professionnelles ;
5) comporter une protection légale du monopole ;
6) avoir établi un code de déontologie.
Les infirmiers présentent, depuis la création d’un Ordre national des infirmiers en 2006, l’ensemble de ces
caractéristiques. Les directeurs d’hôpitaux en partagent également certaines. Ils sont formés dans une école
spécialisée, l’École des hautes études en santé publique (EHESP), leurs attributions et modalités d’exercice sont
définis réglementairement et il existe une association propre à ce corps, l’Association des directeurs d’hôpitaux
(ADH). Il convient toutefois de noter que cette association n’équivaut pas à un ordre, dans la mesure où elle n’est
pas investie d’un pouvoir d’autorégulation.
D’autres catégories d’agents hospitaliers en revanche, comme les agents administratifs, ou les agents des
services hospitaliers (ASH), semblent plus éloignées de cette caractérisation. Sans constituer des professions
selon cette acception du terme, ces catégories peuvent néanmoins être considérées comme des groupes
professionnels.
Les travaux d’Henry Mintzberg ultérieurs à la première parution de Structure et dynamique des
organisations ([1978], 1982) rejoignent ce constat d’une multiplicité des logiques professionnelles au
sein de l’hôpital.
Au point que Glouberman et Mintzberg (1996) distinguent différents « mondes » au sein de
l’hôpital : celui du traitement, qui est l’univers des médecins, celui du soin et des soignants, celui du
« contrôle » qui est la sphère des « manageurs » de l’hôpital, et celui de la communauté d’intérêts
regroupant les parties prenantes siégeant aux instances de l’hôpital. Pour ces auteurs, la gestion semble
donc appartenir en propre à l’un seulement de ces mondes, celui des « manageurs ». Les outils de
gestion mobilisés par ceux-ci seraient par construction inopérants, puisqu’ils ne sauraient pénétrer la
complexité des processus opérationnels à l’œuvre au sein du centre opérationnel. Loin de pouvoir
constituer un liant entre les mondes, ces instruments tenteraient de plaquer une logique gestionnaire
déconnectée des réalités de terrain, et seraient de ce fait incapables de servir la coordination interne.
Il découle du portrait physiologique dressé en seconde partie un constat différent.
Le « management » n’apparaît pas comme une propriété exclusive d’un groupe professionnel.
Ainsi qu’il a été exposé précédemment, la gestion est devenue une affaire commune, et
l’instrumentation gestionnaire portée par le contrôle de gestion constitue précisément un point de
rencontre entre le monde du « contrôle », qui correspond, dans le cas français, au monde administratif
constitué par les directions d’hôpitaux, et le monde médical, représenté par les responsables de pôles.
Or, potentiellement, l’apport du contrôle de gestion ne s’arrête pas là. En plus de servir la
collaboration entre les mondes au niveau stratégique, il peut également les aider à se coordonner au
niveau opérationnel, en fournissant une base instrumentale à une forme de gestion des processus. Si ce
rôle est encore aujourd’hui largement latent, il commence à être perceptible au sein du centre
opérationnel, mais également dans le pilotage de processus fonctionnels liant ce centre opérationnel à
des fonctions support.

4.1 Les apports de l’instrumentation gestionnaire


dans le pilotage des processus opérationnels
Comme le souligne Thierry Nobre (1999), la sophistication du système technique a touché le
système d’information, mais également, si ce n’est davantage, les modes opératoires.
Les évolutions des techniques opératoires ont en effet complexifié les flux de travail dans les unités
de soins, si bien que la standardisation des qualifications ne suffit parfois plus à assurer la coordination
entre soignants et médecins.
Des instances de coordination ont ainsi dû être créées pour gérer certains processus opérationnels,
comme les processus opératoires au bloc par exemple. Des conseils de bloc ont ainsi été mis en place
rassemblant chirurgiens, anesthésistes et cadres infirmiers. Ces conseils de bloc prennent en charge la
planification, la programmation et la régulation du bloc opératoire.
Dans les faits, la participation du contrôle de gestion à ces instances de coordination, et, plus
largement, à la gestion des processus opérationnels, demeure encore rare.
Pourtant, son rôle de médiateur instrumental entre professionnels, éprouvé entre directions et
responsables de pôle, pourrait tout à fait s’étendre au pilotage des processus. Le contrôleur de gestion
est en effet le pourvoyeur naturel d’indicateurs et d’outils d’analyse pouvant accompagner les
responsables opérationnels dans le diagnostic et dans la gestion des processus dont ils ont la charge.
L’apport d’une telle instrumentation dans la coordination entre les professionnels et l’amélioration de
la performance des processus a été de nombreuses fois éprouvé au cours des chantiers de
transformation menés par l’ANAP. Le cas exposé ci-dessous en fournit une illustration.

L’usage d’outils d’analyse dans l’amélioration de la performance d’un processus


opérationnel par une meilleure coordination des professionnels : l’exemple du service
d’imagerie médicale d’un CHU
Le service d’imagerie du CHU était confronté à des délais de rendez-vous importants, y compris pour des
patients déjà hospitalisés. Le délai d’obtention moyen d’un rendez-vous par un patient hospitalisé fin 2010 était
ainsi de 10 jours.
Le seul recueil de cet indicateur par des intervenants de l’ANAP missionnés dans le cadre d’un Contrat
Performance liant l’établissement à sa tutelle, sans outillage spécifique, simplement par consultation du carnet de
rendez-vous du service, a profondément choqué à la fois les radiologues et les manipulateurs de radiologie.
En effet, si les services cliniques se plaignaient régulièrement de l’attente que devaient subir les patients relevant
de leur responsabilité, ces plaintes n’avaient jamais été officiellement objectivées. L’onde de choc produite par la
production de cet indicateur simple a entraîné par la suite la mobilisation d’une instrumentation d’analyse
processuelle, afin de comprendre les raisons de ce délai :
• L’activité a été mesurée à l’aide des examens recensés dans le système d’information du CHU.
• Cette activité a été comparée à la présence des personnels soignants et au planning des radiologues.
• les temps d’ouverture des machines ont été comparés aux temps réels d’occupation de celles-ci afin de définir
des taux d’occupation par modalité (scanner ou radiologie conventionnelle).
• les flux de patients ont été analysés en fonction de leur provenance (service de soins/externes) et de leur lieu
de prise en charge (scanner programmé ou scanner d’urgence).
Cette étude a effectivement permis de mieux comprendre les raisons d’un délai aussi long. Tout d’abord, elle a
conduit à relativiser la pertinence de l’indicateur du temps d’attente dans la mesure où de nombreux patients
hospitalisés étaient en réalité envoyés au scanner des urgences, pour être pris en charge plus tôt.
L’analyse a donc révélé des pratiques dysfonctionnelles de régulation des flux patients : de nombreux patients
programmés étant pris en charge au scanner des urgences, le flux des patients en provenance de ces urgences
s’en trouvait embolisé. De surcroît, les patients programmés pris en charge aux urgences restaient bien souvent
inscrits sur le programme du scanner, induisant de nombreuses plages vides. Ainsi le taux d’occupation du
scanner « programmé » était particulièrement bas (de l’ordre de 58 % en moyenne). En outre, la présence des
personnels était en totale inadéquation avec les flux patients, comme le montrent les graphiques (figure 20.5).

Figure 20.5
Avec l’aide de l’ANAP, le service s’est fixé un taux cible d’occupation à 80 %. Ce chiffre a été déterminé à l’aide
d’une étude comparative, ou benchmark, entre plusieurs services d’imagerie menée par l’ANAP en 2010.
D’autres indicateurs de performance proposés par l’ANAP, comme le taux de mobilisation du personnel non
médical11 ou le taux d’ouverture12, ont en revanche été rejetés par le cadre et le responsable de pôle, en raison
de leurs modes de calcul13.
La première action décidée pour atteindre l’objectif de taux d’occupation à 80 % a été de revoir le planning des
manipulateurs afin de correspondre au flux d’activité. Cette modification a toutefois perturbé la coordination avec
les radiologues, car eux-mêmes n’étaient pas forcément présents pour interpréter les clichés lors de ces pics
d’activité. Le planning des radiologues a donc été complètement revu, afin de pouvoir assurer des vacations aux
moments où le flux des patients le nécessitait.
Au terme de cette transformation, en mars 2013, le taux d’occupation du scanner « programmé » avait atteint
78 %, soit presque le niveau cible fixé à l’issue du diagnostic.
Ce type d’outil de diagnostic et de pilotage des processus organisationnels est aujourd’hui
développé par l’ANAP et par certaines agences régionales de santé, sur de nombreux autres processus
que l’imagerie : le bloc opératoire, le laboratoire, la gestion des lits, le circuit du médicament, etc.
L’innovation managériale dans le pilotage des processus opérationnels à l’hôpital est donc,
aujourd’hui encore, largement portée par des acteurs externes aux établissements de santé.
Dans le cas présenté ci-dessus, le contrôle de gestion du CHU n’est intervenu qu’au moment de la
définition des indicateurs de performance, et dans la validation des référentiels de comparaison à
retenir. Mais cette participation montre déjà le rôle potentiel que celui-ci peut jouer dans l’aide au
pilotage des processus opérationnels.
En effet, les données de l’Observatoire de la comptabilité analytique hospitalière présentées en $
figure XX $ permettent de constater que 42 % des cellules d’analyse et de gestion interrogées
produisent des données de benchmarking ou participent, pour 41 % d’entre elles, à la base d’Angers.
Le contrôleur de gestion est par conséquent le pourvoyeur naturel de standards de comparaison au
sein des établissements de santé.
Il est intéressant de noter que, dans l’exemple de l’encadré, les standards proposés par l’Anap ne
sont pas des normes opposables qui s’imposent aux professionnels. Ces référentiels sont utilisés
davantage comme base de dialogue afin d’obtenir un accord entre les différentes catégories
professionnelles sur les dysfonctionnements observables, leurs causes possibles, et les leviers
d’actions mobilisables pour y remédier. On retrouve ainsi dans le recours aux standards, la même
fonction d’intermédiation instrumentale que remplissent les outils du contrôle de gestion dans le
dialogue de gestion entre pôles et direction.

11
Déterminé par le ratio Temps réel d’occupation des salles (TROS)/Temps de présence du personnel non médical.
12 Le taux d’ouverture est le ratio entre le TROS et le temps d’ouverture standard (défini comme étant égal à 54 heures par
semaine et par salle d’examen par l’ANAP).
13
Pour le taux de mobilisation du personnel non médical, la critique du mode de calcul a porté sur le recueil du temps de
présence du personnel non médical, considéré comme non exhaustif dans le système d’information. Pour le taux d’ouverture,
le standard de 54 heures par semaine et par salle n’a pas été jugé pertinent.
Le contrôle de gestion hospitalier pourrait par conséquent naturellement investir le champ du
pilotage des processus opérationnels, selon le même mode d’action intégratif que celui développé à
travers les outils de comptabilité analytique.
Il le pourrait d’autant plus qu’un temps de contrôleur de gestion est parfois dédié spécifiquement
aux pôles, notamment dans les grandes structures hospitalières, comme le montrent les résultats de
l’enquête nationale sur la gouvernance hospitalière réalisée en 2011 par le Ministère de la Santé
(figure 20.6).

Figure 20.6 Les ressources en contrôleurs de gestion dédiées aux pôles hospitaliers14
Temps dédié de contrôleur de gestion

0 de > 0,5 à 0,75 ETP


de > 0 à 0,25 ETP de > 0,75 à 1 ETP 74 %
67 % de > 0,25 à 0,5 ETP > 1 ETP

57 % 57 %

43 %

35 %
31 %
28 %
24 % 24 % 23 %
17 % 17 %
13 %
8% 5% 9% 10 %
5% 4% 7 %7 % 7% 7%
4 %2 % 2 %3 % 3 %3 % 3% 1%
1%

National Budget < 20 M€ Budget entre Budget > 70 M€ CHR/CHU CHS


20 M€ et 70 M€
N = 471 N = 135 N = 142 N = 93 N = 29 N = 40

Le contrôle de gestion ne dispose d’aucun pouvoir de supervision ou de contrôle sur les processus
opérationnels eux-mêmes. Mais il pourrait intervenir pour fournir une assistance aux professionnels
pilotes de ces processus.
Loin de remettre en cause l’autonomie des professionnels et leur champ propre de compétences,
défini légalement, cette démarche d’analyse et de gestion des processus peut les aider, comme
l’illustre le cas de l’encadré, à se comprendre mutuellement et à se coordonner. Elle constitue donc
une forme métabolisée de pilotage des processus, adaptée à la prégnance des logiques professionnelles
dans l’organisation qu’est l’hôpital.
C’est pourquoi cette fonction d’intermédiation instrumentale est également applicable aux
processus fonctionnels transversaux, qui doivent par nature croiser différentes logiques
professionnelles.

4.2 Les apports de l’instrumentation gestionnaire dans


le pilotage des processus fonctionnels : le cas de la
chaîne de facturation-recouvrement
des créances hospitalières
Le premier des processus fonctionnel à avoir été impacté par les transformations du système
technique d’information a été la chaîne de facturation et de recouvrement des créances hospitalières.
En effet, le passage à une tarification à l’activité a considérablement accru la transversalité du
processus, qui dessine désormais une chaîne où interviennent à différentes séquences soignants,
médecins, personnels administratifs et même des agents externes à l’hôpital, comme le receveur des
finances. De nouveaux besoins de coordination ont par conséquent émergé entre ces différents acteurs.

14 Source : Enquête nationale gouvernance hospitalière 2011, ministère de la Santé, de la Jeunesse et des Sports, 2011, p. 29.
La gestion du processus, pour exister, ne peut être que multiprofessionnelle, comme l’illustre la
représentation schématique de la chaîne de facturation — recouvrement des créances dans un centre
hospitalier de taille moyenne présenté en figure 20.7.

Figure 20.7 Schéma de la chaîne de facturation-recouvrement des créances dans un centre


hospitalier de taille moyenne15
14 SIH
13 Milieu/Matériel
12 Manager/Piloter/Communiquer
Flux 3 . .
2 Identité Produire les soins ??? ???
1 . Accueillir et ???

11 Gérer les recours


7 Encaisser en régie

8 Organiser la sortie
Préadmission AMO

amiable & contentieux


le patient

5 Valider le dossier
au fil

& télétransmettre
AMC de ???

10 Recouvrer
6 Facturer

du patient

9 Émettre
4 Complétude administrative
Lien Point d’accueil/Unité Soins
(Mouvements, gestion ALD, parcours patient...)
??? ???
4 Complétude médicale . .

Délai ES & TP Taux d’exhaustivité à j + 30 Taux de recouv. (n – 1) Montant RAR n – 1


X jours X X X

Forte marge de progression (de 0 à 39 %)


Hospitalisation
Marge de progression (de 40 à 79 %)
Point fort (de 80 à 100 %)

Certains des sous-processus décrits dans ce schéma relèvent clairement de la responsabilité des
professionnels du centre opérationnel (3. Produire les soins et coder au fil de l’eau, 4. Complétude
médicale du dossier patient), d’autres du bureau des admissions et de la facturation (1. Pré-
admission16, 4. Complétude administrative du dossier patient, 6. Facturer, 7. Encaisser en régie, 9.
Émettre et télétransmettre les factures — à l’assurance-maladie principalement, mais aussi aux
mutuelles, voire aux patients, 11. Gérer les retours des payeurs). D’autres impliquent en eux-mêmes
une cogestion entre le centre opérationnel et le bureau des admissions (lien points d’accueil/unités de
soins dans la complétude du dossier patient, 5. Valider le dossier, 8. Organiser la sortie du patient) ou
entre l’établissement et le trésorier (10. Recouvrer).
Symptomatiquement, ces processus requérant une cogestion entre différents professionnels ont
tendance à présenter une marge de progression beaucoup plus forte (couleur saumon) que les
processus gérés par un seul groupe professionnel.
L’analyse du processus permet également de mettre en évidence le point faible de la chaîne :
l’absence de coordination de l’ensemble (point 12 « Manager/Piloter/Communiquer », en couleur
saumon également). En effet, personne n’est naturellement en charge de coordonner ce processus, qui
est réparti fonctionnellement entre le bureau des admissions, le DIM, le trésorier et le directeur des
finances. Si ce dernier joue souvent, comme dans le cas d’espèce, ce rôle de coordinateur, celui-ci est
parfois dévolu, dans des structures plus grandes, à un directeur de la facturation qui dirige alors
hiérarchiquement les agents du bureau des entrées, mais qui ne peut légalement avoir autorité sur le
médecin DIM.
La nécessaire multidisciplinarité de la gestion de ce processus a conduit dans de nombreux
établissements, à l’émergence de structures de liaison, souvent appelées « groupe projet » ou « comité
de pilotage », spécifiquement en charge de gérer la chaîne de facturation et de recouvrement des
créances.
Le contrôle de gestion intervient encore aujourd’hui très peu dans l’assistance à ces structures de
liaison ; là encore, l’outillage qu’elles mobilisent et les indicateurs qu’elles utilisent pour le pilotage du
processus sont largement fournis par des acteurs externes, comme l’ANAP.

15
Source : Outil ANAP d’optimisation de la chaîne de facturation-recouvrement des créances hospitalières, version 2009.
16Ce sous-processus peut également relever des secrétariats médicaux des services de soins ou des plateaux de consultations
externes. En toute hypothèse, il est géré par des agents administratifs.
Néanmoins, de la même manière que pour les processus opérationnels, le contrôle de gestion
pourrait être l’organe permettant d’internaliser cette fonction d’aide au pilotage, dans la mesure où elle
procède de la même logique d’intermédiation instrumentale que celle employée dans le dialogue de
gestion entre les pôles et la direction.
Car ce qui caractérise le fonctionnement de ces structures de liaison au sein des hôpitaux est, là
aussi, la prévalence des logiques professionnelles sur une logique de projet. À la différence de ce qui
se passe dans d’autres configurations organisationnelles, comme l’adhocratie17, ces structures de
liaison ne sont pas le lieu de la réalisation du travail lui-même. Elles sont un espace de coordination de
différents flux d’information et de travail entre plusieurs catégories professionnelles qui y
interviennent avant tout en tant que professionnels et non simplement en tant que membres d’un
projet.
Ainsi, dans l’exemple du cas du centre hospitalier de la figure 20.7 si un « comité de pilotage »
rassemblait bien l’ensemble des acteurs de la chaîne, il était attendu du médecin DIM qu’il donne le
point de vue médical, du directeur des finances qu’il donne les objectifs recherchés par la direction, de
la responsable du bureau des admissions qu’elle décrive les problématiques rencontrées par ses agents
et rappelle, le cas échéant, les règles de facturation, du trésorier qu’il expose les possibilités de
recouvrement possibles, etc. Il était donc attendu que chaque membre du groupe y apporte son
expertise professionnelle, afin que ces différentes expertises puissent être partagées et articulées.
Le contrôle de gestion hospitalier pourrait donc trouver dans l’appui à ces structures de liaison un
terrain fertile d’application de ce qui est devenu aujourd’hui sa fonction principale dans les
établissements de santé : le développement de nouveaux outils ou de nouvelles pratiques de gestion,
favorisant l’intégration de différentes logiques professionnelles.

5. CONCLUSION : LE CONTROLE DE GESTION COMME


FACTEUR D’INNOVATION MANAGERIALE AU SEIN DES
ETABLISSEMENTS DE SANTE
Au terme de cette analyse, l’organe formé par le contrôle de gestion hospitalier apparaît donc en
position d’intermédiaire : sa principale fonction semble être de servir de liant entre la stratégie et les
opérations, ainsi qu’entre les différents corps professionnels.
Cette conclusion répond à une des problématiques majeures développées par Henry Mintzberg dans
sa monographie de la bureaucratie professionnelle : la standardisation des qualifications est un
mécanisme relativement faible de coordination. Il n’est donc pas surprenant que, lorsque
l’environnement devient plus instable, la bureaucratie professionnelle fasse appel à d’autres
mécanismes de coordination. Elle n’en perd pas pour autant sa nature profonde. Si elle a recours à la
standardisation des résultats, elle l’utilise d’abord pour alimenter le processus d’ajustement stratégique
préexistant entre les responsables opérationnels et le sommet stratégique.
Le contrôle de gestion n’en devient pas par conséquent un mécanisme d’alignement stratégique de
nature hiérarchique, mais plutôt l’espace commun où la convergence des buts va pouvoir s’organiser.
De la même manière, le recours à des processus modélisés de travail ne réduit pas la marge de
manœuvre laissée à l’opérateur professionnel : le standard y est davantage perçu comme un point de
comparaison que comme une norme absolue. Parallèlement, des microstructures de liaison se créent
dans l’organisme pour permettre l’ajustement mutuel des professionnels entre eux.
Dans tous ces cas, les mécanismes nouveaux sont métabolisés par la bureaucratie professionnelle,
comme mécanismes complémentaires à la standardisation des qualifications, pour répondre aux
besoins accrus de coordination liés aux changements de son environnement technique et systémique.
Ce constat invite à repenser la prétendue stabilité, voire l’immobilisme, souvent attribués aux
bureaucraties professionnelles, et notamment à celles appartenant au secteur public. Les bureaucraties
professionnelles publiques, si l’on se réfère au cas de l’hôpital public français, seraient donc capables

17 Voir l’annexe.
de se transformer en réponse à des stimuli externes, sans pour autant perdre leur identité structurelle
propre. Est-ce à dire que ce type d’organisation pourrait être source d’innovations managériales ?
Plusieurs définitions peuvent être retenues pour qualifier l’innovation managériale.
Une, assez large, considère, à la manière de Frédéric Le Roy (2013), l’innovation managériale
comme « l’adoption, par une organisation, de pratiques ou de méthodes de management nouvelles
pour elle, dans l’objectif d’améliorer sa performance globale ».
Selon cette première définition, la mise en œuvre par une organisation d’une pratique managériale
créée hors d’elle-même, mais non encore expérimentée par elle auparavant, constitue une innovation
managériale. Selon cette acception de l’innovation managériale, l’introduction à l’hôpital des principes
traditionnels du management, sous une forme souvent revisitée, est une innovation managériale pour
l’hôpital (Nobre, 2013).
Une autre définition, plus restrictive, conçoit l’innovation managériale comme l’invention de
pratiques ou de méthodes nouvelles par rapport à « l’état de l’art » en gestion (Birkinshaw, Hamel et
Mol, 2008).
Dans cette perspective, l’innovation managériale implique une recherche de solutions managériales
nouvelles non seulement pour l’organisation qui la développe, mais aussi pour les organisations en
général. Elle présuppose donc que les solutions existantes ne satisfont pas les besoins de l’organisation
innovante, et que c’est précisément cette inadéquation qui est à l’origine de la recherche de solutions
nouvelles.
La confrontation de ces deux définitions amène à poser la question suivante : le phénomène de
métabolisation du contrôle de gestion décrit dans le présent article relève-t-il d’une simple adaptation
de solutions managériales préexistantes au contexte hospitalier, ou a-t-il conduit à l’invention de
pratiques inconnues jusqu’alors par les organisations et diffusables au-delà de l’hôpital ?
Un élément de réponse réside dans le rôle crucial joué par l’environnement et ses acteurs dans les
transformations dont il a été ici rendu compte. Il a été souligné que ce sont bien des facteurs
environnementaux, touchant le système technique notamment, qui ont été à l’origine de la naissance
d’une technostructure à l’hôpital, et qui ont créé des besoins de coordination nouveaux, auxquels les
outils développés par le contrôle de gestion tentent d’apporter des réponses. De ce point de vue, la
physiologie du contrôle de gestion hospitalier révèle davantage une adaptation d’un modèle de
système de pilotage existant, plutôt que l’invention d’un système de pilotage inexpérimenté par les
organisations jusqu’alors.
Néanmoins, l’analyse des productions de ce système de pilotage amène à nuancer cette réponse.
Ainsi que nous l’avons vu, si des modèles d’instruments de gestion sont proposés par des acteurs
externes, comme ce fut le cas des comptes de résultat analytiques, les acteurs internes aux
établissements de santé et notamment les contrôleurs de gestion, ont une capacité à réinventer ces
modèles. Cette capacité provient justement du sentiment d’inadéquation de ces instruments aux
besoins de gestion d’une organisation caractérisée par la prégnance de logiques professionnelles.
Ainsi par exemple, l’invention de comptes de gestion (COGEST) délimitant le périmètre de
responsabilité des manageurs opérationnels, en le distinguant du périmètre de responsabilité de
l’administration centrale, est le produit d’une situation spécifique dans laquelle chaque catégorie
souhaite identifier le périmètre de gestion dont il peut avoir la maîtrise. Il ne s’agit pas à proprement
parler de comptes d’exploitation, car ils ne comprennent pas nécessairement l’ensemble des charges
d’exploitation de l’établissement ; il ne s’agit pas non plus de comptes de résultat présentant des
marges sur coûts variables, car certaines dépenses prises en compte sont des coûts fixes, ni des marges
sur coûts directs, puisque ces comptes de résultat incorporent une part importante de charges induites.
Le résultat calculé à l’aide de cet outil représente une marge sur coûts maîtrisables, notion qui, si elle
existe bien dans la littérature en gestion (Jacquot et Milkoff, 2007), est aujourd’hui peu employée dans
les organisations.
Si le contrôle de gestion hospitalier est donc bien le produit d’une assimilation par l’organisme
hospitalier de pratiques managériales préexistantes, l’organe auquel cette métabolisation a donné
naissance présente des prédispositions certaines à l’innovation managériale, de par les spécificités du
contexte organisationnel dans lequel il évolue, qui le poussent parfois à devoir inventer des solutions
managériales adaptées à cette configuration particulière.
6. ANNEXE : SYNTHESE DES DIFFERENTS TYPES DE
CONFIGURATIONS STRUCTURELLES DES
ORGANISATIONS PROPOSES PAR HENRY MINTZBERG
([1978], 1982)
Processus
Contexte
Environnem Structure de Interactions
Configuratio Interne
ent typique coordination typiques
n
clés
Jeune
Simple Contrôle
Petite taille Supervision
Simple Dynamique personnel du Centralisées
Tâches directe
Hostile dirigeant
simples
Âgée
Grande taille
Tâches
Centralisées
Bureaucratie Simple standardisée
Fonctionnelle Planification Planification
mécaniste Stable s
stratégique
Contrôle
technocratiqu
e
Planification
Tâches
des
Bureaucratie complexes,
Complexe qualifications
professionnell répétitives Fonctionnelle Décentralisées
Stable Processus
e Contrôle
culturels
professionnel
Autocontrôle
Âgée
Très grande
Objectifs de Décentralisées
Simple taille
Divisionnalisé performance Contrôle
Dynamique Tâches Divisionnelle
e Mécanismes financier ou
Diversité hétérogènes
de marché stratégique
Contrôle
hiérarchique
Généralemen
Planification
t jeune
des
Tâches Décentralisées
Complexe qualifications
Adhocratie complexes et Par projets Réseaux et
Dynamique Processus
innovantes alliances
culturels
Contrôle
Autocontrôle
d’experts
Âge moyen
Systèmes
Simple Processus
Missionnaire simples Par équipes Réseaux
Stable culturels
Contrôle
idéologique

7. BIBLIOGRAPHIE ET REFERENCES
7.1 Ouvrages
BOUQUIN H. (1986). Le Contrôle de gestion, Paris, PUF, 2010.
DUBAR C., TRIPIER P. et BOUSSARD V. (2011). Sociologie des Professions, Paris, Armand Colin.
JACQUOT T. et MILKOFF R. (2007). Comptabilité de gestion : analyse et maîtrise des coûts, Paris, Dareios & Pierson
Education France.
MINTZBERG H. (1978). Structure et dynamique des organisations, Paris, Eyrolles, 1982.
MOISDON J.-C. et TONNEAU D. (1999). La démarche gestionnaire à l’hôpital, 1. Recherches sur la gestion interne, Paris, Seli
Arslan.

7.2 Articles, actes et communications


BIRKINSHAW J., HAMEL G., MOL M.J. (2008). « Management innovation », Academy of Management Review, vol. 33, n° 4,
p. 825-845
DE POUVOURVILLE G. et TEDESCO J. (2003). « La contractualisation interne dans les établissements hospitaliers publics »,
Revue française de gestion, 5, n° 146.
ENGEL F. et GARNIER P. (1979). Le contrôle de gestion dans un organisme sous tutelle, CGS, Paris, sept.
GIBERT P. (1986). « Management Public, management de la puissance publique », Politiques et management public, vol 4.,
n° 2, p. 89-123.
GLOUBERMAN S. et MINTZBERG H. (1996). Managing the Care of Health and the Cure of Disease, Part I : Differentiation,
INSEAD Working Paper Series, Fontainebleau.
LARTIGAU J. (2009). « L’évolution de la fonction contrôle de gestion à l’hôpital », Journal de gestion et d’économie
médicales, 7, vol. 27, p. 371-991.
LE ROY F. et al. (2013). « L’innovation managériale : Généalogie, défis et perspectives », Revue française de gestion, 6, n°
235, p. 77-90.
MINTZBERG H. et GLOUBERMAN S. (1997). Managing the Care of Health and the Cure of Disease, Part II : Integration,
INSEAD Working Paper Series, Fontainebleau.
Nobre T. (1999). « L’hôpital : le modèle de la bureaucratie professionnelle revisité à partir de l’analyse du coût des
dysfonctionnements », 20e congrès de l’AFC, Centre d’études des sciences appliquées à la gestion, Strasbourg.
Nobre T. (2013). « L’innovation managériale à l’hôpital : changer les principes du management pour que rien ne change ? »,
Revue française de gestion, 6, n° 235, p. 113-127.

7.3 Rapports, guides et études


ANAP — DGOS, La loi HPST à l’Hôpital, les clés pour comprendre, juillet 2010
IGAS, Bilan de l’organisation en pôles d’activité et des délégations de gestion mises en place dans les établissements de
santé, rapport n° RM2010-010, 2010.
Ministère de la Santé, de la Jeunesse et des Sports, Enquête nationale gouvernance hospitalière, 2011
Pépin M. et Moisdon J.-C. (2010). « Les impacts de la T2A sur les modes d’organisation et de fonctionnement des
établissements de santé », Dossiers Solidarité et Santé, DREES, n° 16, 2010.

7.4 Bases de données


Ministère des Affaires sociales et de la Santé, direction générale de l’Offre de soins, Observatoire de la comptabilité
analytique Hospitalière, 2012.

7.5 Textes réglementaires


Ordonnance n° 2005-406 du 2 mai 2005 simplifiant le régime juridique des établissements de santé.

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