Par
WILLIAM S. GRAY
II
U N E S C O
Publié en 1956 pour
l’organisation des Nations Unies pour l’éducation,
la science et la culture, 19,avenue Kléber, Paris-16e
Imprimé par Atar, Genéve (Suisse)
0 Unesco 1956
BD. 55. III. I O F
P R É F A C E
Tous ceux qui savent combien l’Unesco s’intéresse à la lutte contre l’analphabétismeapprécieront
pleinement l’importance que revêt le présent ouvrage pour la mise en œuvre du programme de cette
Organisation. Il est inutile de redire ici quel rôle essentielpeut jouer l’instructionélémentaire dans
le progrès social et l’amélioration des conditions matérielles d’existence. Le fait est à peu près
universellement reconnu aujourd’hui, et les nombreux efforts déployés sur le plan national, inter-
national et’régionalpour enseigner la lecture et l’écriture aux enfants et aux adultes démontrent
clairement que l’humanité prend conscience de ses responsabilités à cet égard et comprend que
l’éducation «de base» ou «sociale» doit contribuer puissamment à l’édification d’un monde
meilleur.
Cependant accepter un principe et le mettre en œuvre sont deux choses bien dzférentes. A u x
termes de l’article 26 (1) de la Déclaration universelle des droits de l‘homme a toute personne a
droit à l’éducation». M a i s de quel genre d’éducation s’agit-il? Quel niveau d’instructionfaut-il
atteindre? Et quelles seront les méthodes pédagogiques adoptées ? Sur toutes ces questions, les
avis sont partagés. On s’accorde à dire que chacun doit apprendre à lire et à écrire, mais voici
au moins quatre-vingts ans qu’on dispute sur le point de savoir quels sont les objectfs exacts de
l’enseignement de la lecture et de l’écriture, et comment il convient de dispenser cet enseignement
tant aux enfants qu’aux adultes.
Le présent ouvrage ne prétend nullement apporter des solutions déjînitives à ces problèmes.
C o m m e l’indique l’avant-propos,il a simplement pour but de donner un apergu des pratiques les
plus courantes, d’évaluer, dans la mesure du possible, leur ejicacité respective et de résumer, de
telle manière que les éducateurs et les administrateurspuissent aisément s’en inspirer, les résultats
des recherches et des expériences les plus intéressantesfaites à ce sujet. Il est le fruit de quatre
années d’efforts,auxquels ont participé, comme on le verra également dans l’avant-propos,non
seulement l’auteur et le Secrétariat de l’Unesco, mais encore un grand nombre d’institutions et
de spécialistes de tous pays qui nous ont fait projîter des ressources de leur expérience et dont les
suggestions, les observations et les critiques nous ont aidés à mettre au point la version déjînitive
de I’Etude préliminaire publiée par l’Unesco en 1953. Il faudrait plusieurs pages pour énu-
mérer ici les noms de tous ceux qui nous ont ainsi apporté leur concours. Aussi nous bornerons-
nous à les remercier collectivement ot à souligner que sans leur coopération le présent ouvrage serait
dépourvu de la valeur qu’il peut posséder.
Cependant il n’estpas question de soutenir que nos suggestions et recommandations ne puissent
être améliorées. Les connaissances disponibles dans ce domaine demeurent très fragmentaires, et
1’ Unesco aussi bien que l’auteur espèrent que la présente publication contribuera à stimuler et à
orienter de nouvelles recherches grâce auxquelles on pourra combler les lacunes qui subsistent.
L‘ouvrage est publié en éditions frangaise, anglaise et espagnole. Les trois versions dzffèrent
d’ailleurs defaçon assez sensible entre elles car, au lieu de traduire simplement l’original anglais,
on s’est e$orcé, avec le concours de deux spécialistes de valeur reconnue - Jean Simon pour le
français et Rodrigue2 Bou pour l’espagnol - de l’adapter à l’intention des éducateurs de langue
L’enseignement de la lecture et de l’écriture
frangaise et de langue espagnole. L’Unesco espère aussi que cette étude injuencera les conceptions
et les pratiques des éducateurs et des administrateurs non seulement directement, mais encore in-
directement, du fait qu’elle servira de base à des «livres du maître» rédigés en de nombreuses
langues. Le Secrétariat de l’Unescofournira sur demande tous les renseignements voulus à ceux
qui se proposeraient d’efectuer de telles adaptations.
Comme il est dit dans l’avant-propos,1’ Unesco a déjà entrepris des recherches visant à déter-
miner si l’enseignement doit être donné dans l’idiome vernaculaire ou dans une langue auxiliaire.
Le rapport ci-aprèspeut être considéré comme la suite logique de ces travaux. Après avoir étudié
la question de la langue d’enseignementet celle des méthodes pédagogiques,il conviendra d’aborder
le problème de la production de livres de lecture conformes aux besoins. Un projet de ce genre
a effectivementdéjà été mis en chantier (voir,par exemple, l’étude de H . R.Verry récemment pu-
bliée par l’Unesco sous le titre Quelques procédés d’impression et de reproduction), mais
dans le cadre de son programme pour 1955-1956 l’organisation va intensiJier ces activités.
Il importe de souligner en terminant que la présente étude ne vise nullement à remplacer
-
le maître car c’est toujours de celui-ci,enjin de compte, et de I‘appui qu’il regoit de la collecti-
vité, que dépendra le succès ou l’échec de toute méthode pédagogique.
L‘Unesco tient à exprimer sa gratitude à l’éminent éducateur qu’est M.William S.Gray,
professeur à 1’ Université de Chicago et auteur du présent ouvrage, dont le nom est lié aux travaux
accomplis dans le domaine de l’enseignement de la lecture et de l’écriture depuis 1918.Elle désire
remercier également le directeur de la section depédagogie de 1’ Universitéde Chicago,qui a bien voulu
placer les ressources de cette université à la disposition de M . Gray, les nombreux collaborateurs
anonymes mentionnés plus haut et enjn les auteurs et éditeurs d’ouvrages dont nous avons été auto-
risés à reproduire des extraits, à savoir: G .B .Paravia et Cie, Turin; Secretaria de Educacibn
Pziblica, Mexico; Publications Bureau, Institute of Education, Khartoum (Soudan); Committee
on World Literacy and Christian Literature, New York, et Frank C.Laubach; Librairie Eugène
Belin, Paris; Departamento Nacional de Educagao, Rio de Janeiro; Unibn Nacional de Perio-
distas, Quito; Direccibn General de Educacibn Primaria, Santiago du Chili; Scott, Foresman
and Co.,Chicago; Consejo Superior de Enseiïanza, Porto Rico; M . R.Dottrens et M‘leEmilie
Margairaz; World Book Company, Yonkers-on-Hudson; Board of Education of the City of
Chicago; Arthur C.Croft Publications, New London (Connecticut); Reader’s Digest Educa-
tional Service Inc., Pleasantville (New York); Escuela Especial de Orientacion del Excmo.
Ayuntamiento, Valence; Houghton Maflin Company, Boston (Massachusetts) et Frank N.Free-
man; Educational Testing Service, Princeton (New Jersey); University of Texas, Austin
(Texas); Board of Regents, University of Wisconsin, Madison (Wisconsin).
Une bibliographie choisie très complète sur l’alphabétisation doit paraitre dans la collection
Etudes et documents d’éducation publiée par 1’ Unesco. On pourra l’obtenir en s’adressant
aux agents généraux de l’organisation (dont la listejgure à lafin du présent ouvrage) ou directe-
ment au Secrétariat de l’Unesco,à Paris.
TABLE D E S MATIÈRES
Nous ne doutons pas que les lecteurs de langue française abordent avec curiosité
la lecture de cet ouvrage. Connaissant les richesses que leurs pays ont apportées à la
pédagogie,ils s’interrogerontsur les élémentsnouveaux que peut leur révéler ce livre.
Cependant les succès que nous avons obtenus n’ont pas endormi les esprits vigi-
lants: il en est qui se questionnent encore -parfois avec inquiétude -sur les bases
fondamentales de l’éducationet de l’instruction.Il semble que, pour ceux-là,cette
étude rassemble, dans la limite des disciplines étudiées,les données concrètes indis-
pensables à une utile méditation. Cette revue mondiale de i’enseignement de la
lecture et de l’écriture ne ferait-elle que confirmer, sous la diversité des races et
des cultures, l’unité fondamentale de l’esprit humain, elle apporterait déjà une
riche moisson. Mais cette introduction a pour objet de montrer qu’il est d’autres
horizons: l’étude du professeur Gray est une œuvre susceptible d’applicationspra-
tiques immédiates.
Applications immédiates car, en dépit d’affirmations souvent répétées, il est à
craindre que tout n’ait pas été dit sur l’enseignementde la lecture et de l’écriture.
Evoquons-enquelques aspects: a) Le faible pourcentage du taux d’analphabétisme
des pays de langue française (3 à 4 %) représente cependant une masse nombreuse
d’individus (environ deux millions1). Ce nombre, relativement petit quand on le
compare à d’autres pays d’Europe, par exemple, ne laisse pas d’être important.
6) Sur la valeur des méthodes d’enseignement,l’accord est loin d’être fait entre les
spécialistes. c) La formation des maîtres est-elledonnée à partir d’un ensemble de
connaissances objectives ? Je sais que l’efficacitéd’un enseignement tient moins aux
vertus des méthodes qu’aux qualités des maîtres; mais n’est-ilpas raisonnable de
fonder ses convictions sur les faits plus que sur la foi, au moins dans le domaine
de la pédagogie ? d) Enfin, nous devons nous pencher tout particulièrement sur
les problèmes posés par l’éducationet l’instruction des peuples d’outre-merauprès
desquels certains pays de langue française assument une mission culturelle dont
nous souhaitons tous qu’elle soit de plus en plus importante et efficace.
A toutes ces questions,l’étudedu professeur Gray fournit des réponses.Il va de
soi que ces brefs aperçus ne forment pas une revue complète des apports de cette
publication. Pour en mieux saisir l’intérêt,il convient d’en pénétrer l’économie.
L’ouvrage comprend un avant-proposet douze chapitres dont le dernier pré-
sente, sous forme de conclusions, un programme d’ensemble pour l’enseignement
de la lecture et de l’écriture.L‘avant-propos,hors un bref rappel des origines de
cette étude, est un avertissement aux lecteurs. C o m m e pour tout avant-propos,
I. Evaluation d’après les données fournies par L’éducation danr le monde: organisation et statistiques,
Paris, Unesco, 1955.
9
L’enseignement de la lecture et de l‘écriture
cette partie que l’impatiencedes lecteurs fait souvent négliger,il convient d’enfaire
une lecture attentive. Ainsi comprendra-t-onmieux les buts, les intentions, les
lacunes ou les faiblesses éventuelles de l’ouvrage.Mais la modestie de l’auteur qui
prétend n’avoirposé G qu’uneborne le long du chemin D ne doit pas nous dissimuler
que son travail constitue une véritable somme de nos connaissances sur le sujet
étudié. Nul n’était sans doute mieux qualifié que W.S.Gray pour entreprendre
cette tâche. Depuis quarante ans il s’est consacré à l’étude de la lecture. Ses mé-
moires originaux, ses livres font autorité. Les analyses qu’il publie chaque année
dans le Journal of Educational Research témoignent de l’ampleurde son information.
Les travaux français ne lui sont pas étrangers, chose assez rare chez un auteur
américain pour mériter d’être signalée. Nous sommes sensibles au fait que ce sont
des auteurs de langue française,Java1 et Lamare,qu’il considère comme les pion-
niers de l’étude psychologique de la lecture. Si l’on découvre avec plaisir les noms
des maîtres disparus, comme Decroly, on rencontre avec satisfaction ceux d’au-
teurs qui nous sont familiers:Borel-Maisonny,Dottrens,Freinet,P.Mezeix,Seegers,
Th. Simon et d’autres encore. Dans cette bibliographie de langue française, l’au-
teur a recherché les ouvrages de synthèse ou ceux qui décrivaient des méthodes: il
est allé à l’essentiel,il ne pouvait étudier le détail. Quand cela lui a été possible, il
s’est informé directement auprès des pédagogues et des psychologues de leurs mé-
thodes ou de leurs recherches. Cet effort d’information sur les travaux de langue
française a été complété par une information sur des travaux d’auteurs dont les
langues nationales n’étaient ni l’anglais,ni le français. En fait, l’auteur a réussi
à nous présenter un véritable bilan.
En dehors de l’avant-proposet de la conclusion,l’ouvrage peut être décomposé
en quatre parties. La première ne comprend que le chapitre I ~ qui ~ , envisage le
rôle de la langue écrite dans la civilisation moderne et celui qu’elle peut et doit
jouer dans le développement des populations dont les civilisations sont peu évo-
luées ou limitées à une élite très restreinte. La seconde partie, qui comprend les
chapitres II, III, IV, présente une revue des données scientifiques sur l’enseigne-
ment de la lecture. La troisième partie, qui s’étend du chapitre v au chapitre vm,
étudie les méthodes d’enseignement de la lecture, leurs fondements scientifiques,
les programmes qui peuvent en résulter. Enfin la dernière partie est spécialement
consacrée à l’étude de l’écritureet comprend les chapitres IX, x, XI.
IO
Introduction O l’édition françnise
dernes est tel qu’il laisse souvent dans l’ombre les valeurs primitives de la langue
écrite. Parfois encore une trop grande familiarité avec cette langue en masque les
utilisations pratiques les plus simples. Il est des évidences que nous devons voir
rappelées: si la lecture peut contribuer à notre développement spirituel et moral,
elle est également utile pour faire pénétrer des règles simples d’hygièneconcernant
l’élevage des nourrissons ou la préparation des aliments. C’est d’ailleurs au con-
tact des faits que nous nous rendons compte de cette utilisation pratique.L’enseigne-
ment de la lecture aux illettrés ne possédant aucune notion, m ê m e rudimentaire,
des techniques modernes ne s’improvise pas. Il se prépare, il s’élabore.La mission
culturelle et civilisatrice n’a pas, comme Moïse, reçu les tables de la Loi: elle doit
convaincre et ne tire son autorité que d’elle-même.Elle convaincra d’autantmieux
qu’elle sera plus amplement informée, qu’elle saura imposer des bornes à son am-
bition, qu’elle maîtrisera les techniques qui lui sont nécessaires. A cet égard, ce
chapitre, riche en remarques, l’est peut-êtredavantage en exemples concrets. Dé-
pouillés de leur pittoresque, ils livrent l’essentielque masqueraient de trop savantes
discussions. Il ne suffit pas seulement d’apporter le bon grain, même si le terrain
a été bien préparé; il faut encore que la culture puisse être continuée,entretenue,
développée.Il faut des maîtres,bien préparés;il faut des livres,spécialement conçus;
il faut,là où elles n’existent pas, créer des langues écrites. La tâche est immense:
plus de la moitié de la population du globe est illettrée.A u siècle qui a vu révéler
les mystères de l’atome,n’est4 pas étrangement inquiétant de voir aussi révéler
de telles données ?
II
L’enrei~nementde la leGtu7e et de l’écritu~e
culières à la langue française. L’auteur du rapport signale, parmi les faits linguis-
tiques qui peuvent influencer le choix des méthodes, les problèmes d’ordre phoné-
tique. Il indique que la langue française soutient des rapports moins étroits entre
son écriture et sa phonétique que l’espagnol. La transcription écrite du français
soulève, en effet, quelques difficultés importantes au cours de l’apprentissagede la
lecture. Les enfants de langue française pénètrent, non sans peine, le dédale de
notre système écrit. Mais les étrangers ont encore plus de peine; que dire de ceux
qui apprennent à lire en français alors qu’ils ne possèdent qu’une connaissance très
limitée de la langue parlée ? C’est pourtant un procédé souvent employé dans les
territoires français d’outre-mer.Ne serait-il pas possible de combiner, en un tout
harmonieux, l’enseignement de la lecture dans la langue maternelle et celui du
G français élémentaire ) )? Les difficultés, nous le savons, sont nombreuses: peu de
langues africaines sont écrites, certaines ne sont parlées que par des groupes très
restreints. Nous ne voulons que signaler l’existence de tels problèmes. Attachés à
nos traditions, nous parvenons difficilement à promouvoir une réforme de notre
système d’écriture.S’opposantà la fois aux excès des partisans d’unsystème phoné-
tique intégral et aux intransigeances de pédagogues conservateurs,quelques esprits
avisés travaillent avec opiniâtreté à une simplification.Celle-ciest rendue nécessaire
par l’extension de la culture et par notre légitime désir de maintenir au français
une universalité depuis longtemps reconnue. Mais la complexité du système fran-
çais prend un aspect tragique dans l’apprentissagede l’orthographe. Les enfants
de langue française qui maîtrisent en deux ou trois ans l’apprentissagede la lecture
parviennent difficilement à écrire la langue au cours de sept ou huit années de sco-
larité. Certains n’y parviennent jamais. Evidemment cela ne les empêche pas tou-
jours d’avoir une a lecture fonctionnelle », cela les gêne pour utiliser pleinement
l’écriture.Pour des raisons sociales complexes qui remonteraient au X V I I Isiècle,
~
nous attachons à la forme écrite une importance indéniable. Auprès du peuple
comme auprès de l’élite intellectuelle,l’orthographe possède un prestige certain.
Dire d’une personne qu’elle c n’a pas d’orthographe», c’est émettre nettement un
jugement défavorable: nombreux sont les individus qui n’osent pas écrire à cer-
taines personnalités craignant d’êtredesservis par leur orthographe.Dans ces condi-
tions, même pour nos pays de langue française où l’instruction atteint un haut
niveau, il reste des problèmes. Ce n’est pas sortir du propos de l’auteur d’attirer,
encore une fois,l’attentionsur eux. O n ne saurait affirmer que tous les enfants qui
abandonnent l’écolevers leur quatorzième année aient assez de G lettres». Il en est
qui ne parviendront pas à occuper,à cause de cette lacune, des fonctions où cer-
taines autres de leurs qualités auraient été appréciées: le barrage de l’orthographe
se dresse devant eux. Ce n’est pas le seul handicap. La difficulté de notre ortho-
graphe et le temps considérable que les maîtres doivent consacrer à cette disci-
pline entravent le développement culturel qu’apporteraient d’autres disciplines.
F.Brunot notait déjà, dans son Histoire de la langue française, qu’«aucun progrès
ne pourrait être fait pour l’enseignement primaire tant que de si courtes années
d’études devront principalement être employées à enseigner aux enfants à lire et
écrire comme en Chine)). Des remèdesont été proposés.La réforme de 1’«ortografe »,
comme écrivait voilà cinquante ans un novateur, en est un. Enseigner une ortho-
graphe de base en est un autre:les travaux de Dubois,d’Aristizaba1,de Dottrens et
de Massarenti n’ont guère eu d’échosauprès des pédagogues.
U n dernier problème enfin est celui qui concerne la forme parlée et la forme
écrite. C’est un problème essentiel pour la compréhension de la lecture et pour son
utilisation pratique. Certes, pour la langue parlée comme pour la langue écrite, le
substrat est le même; mais les formes diffèrent profondément: ni le vocabulaire, ni
la syntaxe,ni la longueur des phrases ne sont identiques.En voudrait-onune preuve
12
Introduction & l’éditionfranfaise
que les techniques d’enregistrementsonore pour l’établissement d’un (< français élé-
mentaire B nous les fourniraient. Pourquoi aurait-oneu recours à un procédé com-
plexe et coûteux si les formes écrites et parlées avaient une correspondanceétroite ?
La compréhensionde la lecture,la transcription écrite de la pensée exigent donc un
entraînement spécial dont l’a explication françaiseB traditionnelle, pour les hauts
niveaux,est sans doute l’exemplele plus achevé.
Le lecteur voudra bien excuser cette longue parenthèse qui n’avait d’autre objet
que de rappeler quelques problèmes particuliers à la languefrançaise.Au cours de sa
lecture il trouvera sansdoute quelquesindicationspour aiderà résoudrecesproblèmes.
Dans le chapitre III de son ouvrage,le professeur Gray montre que les mécanismes
de la lecture sont semblables quel que soit le type d’écriture ou la langue parlée.
A cet effet il a d’ailleursentrepris des travaux spécialement conçus pour cette étude.
Les spécialistes de la psychologie de la lecture trouveront là des données très pré-
cises obtenues par des techniques complexes mais sûres. L’auteur démontre ainsi,
confirmant de nombreux travaux antérieurs,que le mouvement des yeux au cours
de la lecture est le m ê m e pour diverses langues et différents types d’écriture. Chez
le lecteur habile, c’est le contenu du texte qui commande le processus de lecture.
Une conclusion s’imposera donc: il est indispensable d’entraîner les élèves, dès les
débuts de l’apprentissage,à la G lecture intelligente», à << lire pour comprendre».
Les méthodes de lecture auront donc pour objet de permettre l’accession à ce stade
supérieur de la lecture.Par quels processus du système nerveux supérieur s’effectue
le passage du zéro absolu en lecture à la lecture intelligente,c’estun point sur lequel
la science n’a pas apporté de réponse certaine. A u moins a-t-ellepu décrire les
étapes de cette évolution. Si l’on interprète les chiffres de ces expériences scienti-
fiques, ils confirment les intuitions de la vie pédagogique quotidienne: au cours
des quatre premières années de scolarité,la vitesse de lecture (orale ou silencieuse)
s’accroît rapidement; elle continue au-delà,selon un rythme moins rapide; mais,
à partir de la troisième année, la vitesse de la lecture silencieuse croît plus rapide-
ment que celle de la lecture orale.Il existe des procédés pour permettre un accroisse-
ment de cette vitesse. Ces procédés, sur lesquels l’auteur ne s’étend pas, sont pra-
tiquement inconnus en France. Ils permettent cependant d’atteindre aisément des
vitesses de lecture de l’ordre de 500 mots à la minute. Ce qui intéressera le péda-
gogue, dans ce chapitre,c’est de savoir que le perfectionnement dans la rapidité de
la lecture se poursuit jusqu’au niveau de l’enseignement secondaire. O n sait que
les auteurs de langue anglaise -les Américains en particulier -se sont préoccupés
de l’évolution de la lecture jusqu’au niveau de l’université.Le propos de l’auteur
n’étaitpas de s’étendresur ce point,mais les indications qu’ildonne, chemin faisant,
susciteront peut-êtredes curiosités nouvelles dans un domaine vraiment peu exploré
dans les pays de langue française. Intéressantes également sont les données com-
paratives entre la lecture silencieuse et la lecture orale;il semble que les programmes
actuels ne font pas, au cours des premières années scolaires,une place suffisante à
la lecture silencieuse.
Dans le chapitre IV, qui termine la revue des problèmes et des données scientifiques,
l’auteurcommence par définir les concepts que peut désigner le terme (c lecture ».
11 a choisi, pour aborder cette question, une méthode historique et sociologique.
Historique, car il rapporte l’évolution des conceptions; sociologique, par les rai-
sons qui expliqueraient cette évolution. Il aboutit ainsi à distinguer des types de
lecture qu’il classe selon le rôle que la lecture joue dans la vie, Le choix de cette
classification est en accord avec le but principal de cet ouvrage,qui se veut utile à
ceux qui ont pour mission de lutter contre l’analphabétisme.O n ne saurait donc
L‘enseignement de la lecture et de l‘écriture
l’adopter sans l’adapter aux pays de langue française. O n devra distinguer, pour
certains de ces pays, entre les territoires métropolitains et ceux d’outre-mer.
W.S.Gray énumère six types de lecture, depuis la lecture de simples plaques ou
panneaux (noms de rue,enseignes,etc.)jusqu’àcelle qui conduit à une méditation.
O n voit donc que ce n’est pas uniquement l’aspectpratique qui guide cette classifi-
cation,mais qu’intervientaussi la nature des effets engendrés par la lecture. Celle-ci
peut conduire le lecteur à modifier son comportement. La lecture implique donc
un engagement de la personnalité,engagement qui peut être plus ou moins complet
selon les types de lecture et selon les personnalités.La lecture déborde donc large-
ment le cadre étroit d’une technique pour devenir un élément important de la vie
moderne. Ceci précise l’extension du concept: la lecture n’est pas seulement une
technique formelle,elle n’est pas non plus un passe-temps agréable, elle comporte
toute une gamme de valeurs. Parmi celles-ci,il en est une qui nous paraît être un
peu négligée dans les pays de langue française, c’est la valeur d’«utilisation pra-
tique ». C’est sur cette valeur d’utilisationpratique que les pays de langue française
qui ont étendu leur influence à des pays sous-développés(en Afrique,par exemple)
devraient mettre l’accent.L’exercice m ê m e des libertés démocratiques qu’ils ont
peu à peu introduites s’en trouverait facilité. Cette méconnaissance repose sur une
opinion discutable: on pense qu’à partir du moment où le texte est compris,il peut
être utilisé quels que soient les actes ou les attitudes qu’il implique. O r la com-
préhension n’est pas un phénomène aussi simple. W.S. Gray en distingue trois de-
grés: le sens littéral,qui n’est lié qu’à l’étenduedu vocabulaire du lecteur; le sens
complémentaire,qui implique déjà un certain degré d’information,de connaissances
antérieures à la lecture;enfin le sens implicite,qui fait appel à la réflexion.Il paraît
donc souhaitable que les diverses possibilités offertes par la lecture fassent l’objet
d’un entraînement particulier. Sans déchoir, l’enseignement peut faire place aux
valeurs d’utilisationpratique. Ceux qui ont vu des provinciaux dans les couloirs du
métropolitain parisien, des voyageurs égarés dans une grande gare, ceux qui ont
des questionnairesà dépouiller,ceux qui ont à faire remplir des formulaires peuvent
rapporter bien des embarras dont ils ont été témoins. Sans nuire au développement
du goût pour la lecture personnelle,qui contribue à l’enrichissementde la person-
nalité,les programmes de langue française sont conçus de telle façon qu’ilspeuvent
permettre, dans le cadre des heures consacrées à l’enseignement de la lecture,
l’introduction d’exercices qui développeraient certains aspects de la lecture, tels
qu’ils peuvent se présenter dans la vie quotidienne. D’autres disciplines qui im-
pliquent de telles attitudes bénéficieraient de cet entraînement.
Après avoir défini le concept que peut désigner le mot a lecture», l’auteur
étudie quelques attitudes et aptitudes nécessaires pour devenir un bon lecteur. Ce
sont là des pages dans lesquelles on retrouve des données désormais classiques: la
perception, l’attitude d’attente,l’association des idées, le développement de l’in-
telligence et celui du langage,la stabilité émotionnelle sont passés en revue. Revue
que les spécialistestrouverontsans doute un peu sommaire,mais qui est suffisamment
étendue pour retenir, sans la lasser, l’attention d’un large public.
Selon le domaine propre à leur profession,les lecteurs trouveront dans ces trois cha-
pitres des données qui compléteront leur information ou qui leur permettront de
confronter leur propre expérience à celle d’autres spécialistes. L’auteur n’a pas
voulu faire un manuel, comme cela lui avait été suggéré, mais une revue d’en-
semble. A la fois plus modeste et plus ambitieuse,cette méthode ouvre au lecteur
un champ de réflexion plus vaste où chacun peut découvrir sa propre vérité.
‘4
Introduction à l’éditionfrangaise
Le chapitre v a sans doute été l’un des soucis majeurs de l’auteur.Nous savons,
pour nous en être souvent entretenu avec lui au cours de son travail, tout le soin
qu’ila apporté pour clarifier des notions qui n’ont de simple que l‘apparence.Pour
avoir quelquefois abordé le problème nous n’ignorons pas les embûches de l’entre-
prise; nous savons aussi combien il est difficile d’aboutir à un accord entre spécia-
listes. Nous ne sommes donc pas étonné lorsque W.S.Gray nous dit que les bases
choisies pour classer les méthodes furent vivement critiquées dans un rapport sur
l’enseignement de la lecture, au cours de la XIIe Conférence internationale de
l’instruction publique1. L’auteur recherche les raisons de ce désaccord et il en dé-
finit quelques-unes.La principale tiendrait au fait que la désignation d’unemême
méthode varie selon que l’on choisit,pour la définir,l’élément écrit qui lui sert de
point de départ, la voie sensorielle à laquelle elle s’adresse,le processus psycholo-
gique qu’elle implique. Il est une autre raison: la méthode est une chose; celui qui
l’emploie,un individu dont le style personnel marque de son empreinte la méthode
utilisée.Une méthode n’estjamais qu’unschémapratique,un cadre.Dans l’espritdé-
fini par ce schéma,mais hors de ses limites,intervient le style,qui est l’hommemême.
Le principe qui a été choisi pour classer les méthodes se réfère à un cadre histo-
rique. Il sera, nous n’en doutons pas, vigoureusement attaqué aussi: dans le do-
maine des méthodes de lecture il y a toujoursplace pour la chicane.C’estcependant
pour l’éviter que W.S.Gray, conscient de l‘écueil,a choisi encore une fois la mé-
thode historique. Il distingue les méthodes selon leur ordre d’apparitiondans l’his-
toire de l’enseignementet selon leur degré de spécialisation.Mais, comme il était
cependant nécessaire de distinguer pour définir,l’auteura bien été obligé de com-
pléter son système en ayant recours à des désignations classiques. C’est l’unité lin-
guistique qu’il a préférée pour désigner les différentes méthodes situées à l’intérieur
de leur cadre historique. Pour chacune de ces méthodes, il prend soin de préciser
les principes qui la guident,la façon dont est construit le programme d’enseignement
qu’elle sert,la manière même dont la leçon est faite.Ainsi il sera aisé de s’entendre:
si l’on n’est pas tout à fait d’accord sur le mot, au moins le sera-t-onsur la chose.
Parmi les expressions qui désignent les méthodes dans le texte anglais original, il
en est qui n’ontguère de correspondant précis en français: ainsi a-t-ilfallu traduire
phrase method par quelque chose d’approchant,<< méthode des membres de phrase >>,
le mot anglais phrase étant justement employé pour bien préciser qu’il ne s’agit pas
d‘une phrase (sentence en anglais).
La classification proposée par le professeur Gray est résumée dans le tableau
suivant:
A. Méthodes spécialisées ajparues primitivement:
I. Méthode littérale ou d’épellation;
2. Méthode phonétique;
3. Méthode syllabique.
B. Méthodes spécialisées apparues secondairement:
I.Méthode des mots;
2. Méthode des membres de phrase;
3. Méthode des phrases;
4.Méthode des récits.
‘5
L‘enseignement de la lecture et de l‘écriture
Le chapitre VI vient compléter cette revue des méthodes par une revue des études
scientifiques auxquelles leur emploi a donné lieu. Ces études portent soit sur le
rendement des méthodes, soit sur le style de lecture auquel elles conduisent. Nous
savons que le mot a rendement>> n’a pas une très bonne presse. Une notion aussi
simple,aussi claire,aussi précise que le rendementest souvent obscurcie et dénaturée.
Si l’onse complaît ou si l’on se réfugie dans des formules aussi vagues que la G for-
mation de l’esprit», le ( (sens du beau >>, on ne peut parler de rendement. Non pas
que la formation de l’esprit ou le sens du beau ne soient dignes de considération;
mais, de toute évidence,ils ne peuvent guère se mesurer,au moins dans l’immédiat.
C e qu’une nation peut apporter au monde, idées nouvelles, inventions, œuvres
d’art, tout cela peut permettre d’apprécier le rendement des institutions pédago-
giques. Si parfaite que soit une méthode de lecture,il n’est personne pour lui attri-
buer tant de vertus!Il est possible de s’entendre,pour peu qu’on le veuille.Le rende-
ment suppose la mesure, qui n’est valable que dans les conditions où elle est prise;
elle est aussi le seul repère possible. C’est le savant anglais lord Kelvin qui disait:
<< Si vous pouvez mesurer ce dont vous parlez et l’exprimer par un nombre, vous
savez quelque chose de votre sujet;sinon,vos connaissancessont d’unepauvre espèce
et bien peu satisfaisantes.>> Sans aller aussi loin,nous convions le lecteur à accepter
l’idée de la mesure du rendement d’uneméthode de lecture pour ce qui est mesu-
16
Introduction à l‘éditionfrançaise
Pour les pédagogues le chapitre VII sera certainement le plus intéressant, peut-
être aussi le plus déroutant. O n ne peut l’aborder avec profit, nous semble-t-il,qu’en
ayant constamment présentes à l’esprit un certain nombre de données. E n premier
lieu, il ne faut pas oublier que l‘étude est essentiellement conçue en fonction des
besoins des pays sous-développés,pays qui n’ont pas de programmes d’enseignement
ou dont les programmes ne donnent pas entièrement satisfaction. Pour ces pays, les
plans.proposés, à la progression.relativement lente, seront très utiles. Pour les pays
de langue française, les responsables de l’enseignemententreprendront certainement
une étude comparative entre ce qui se pratique chez eux et ce que propose W.S. Gray.
C o m m e l’auteur le souligne lui-même,un programme de lecture doit être établi par
ceux qui ont une parfaite connaissance de la communauté à laquelle ce programme
s’applique. Nous l’avons déjà écrit: ce livre est un guide, mais un guide libéral.
Dans ce que l’auteur propose, et qui est fort détaillé, nous sommes persuadé que de
nombreuses idées sont à retenir: elles pourraient être à l’origine d’études poussées
et permettre, dans certains des pays de langue française, une revision des plans
d’études et des commentaires qui les accompagnent, une amélioration des livres de
lecture qui complètent les manuels.
E n second lieu, nous savons que l’auteur est américain. Or, en étudiant com-
parativement les conceptions de l’enseignement de la lecture aux Etats-Unisd’Amé-
rique et dans les pays de langue française, en particulier en France, nous apercevons
des différences qui sont plus apparentes que réelles. Il faut sans doute en rechercher
les raisons dans la nature des génies divers de ces pays. Sentimental, pratique et
utilitaire aux Etats-Unis;profondément cartésien et soutenu par une longue tradi-
tion littéraire pour les pays de langue française. U n facteur secondaire, mais cepen-
dant important, provient du développement des études psychologiques aux Etats-
L’enseipnement de la lecture et de l‘écriiure
18
Introduction à l’éditionfrançaise
et les moyens d’y remédier. O n sait toute l‘attentionqui a été portée aussi bien aux
Etats-Unis qu’en Grande-Bretagnesur la reading readiness. Cette expression a deux
sens distincts: d‘une part, elle désigne l’aptitudeà apprendre à lire (dans ce sens
il existe des tests qui apprécient cette aptitude: ce sont les reading readiness tests);
d’autre part,elle sert aussi à désigner le processus de préparation à la lecture (dans
ce sens,on parlera de reading readiness programs).
A la période de préparation succède la période d’apprentissage.Si, au cours
de cette période,l’accent est surtout mis sur la compréhension de la lecture,l’acqui-
sition d’une solide technique n’estpas négligée. Cette méthode exclut naturellement
toutes les méthodes traditionnelles;l’auteurdit explicitement:( (Il a été prouvé que
la méthode globale est la plus apte à établir l’attitude initiale de lire pour com-
prendre.B Toutefois on attirera très rapidement l’attentiondes enfants sur les simili-
tudes et sur les différences entre les mots. C’est ce que l’auteur désigne, dans le
chapitre relatif aux méthodes, comme la méthode ( (éclectique ». Nous voudrions
insister particulièrement sur l’importance de combiner la lecture intelligente et
l’acquisitionde la technique du { ( déchiffrage >> ou, comme dit l’auteur,de Y« iden-
tification des mots». W.S.Gray nous a montré que les attitudes initiales données
au début de l‘apprentissageinfluençaient tout l’apprentissageet conduisaient à des
types de lecture très différents.Or, comme l’écrit MlleMezeix, ( (le but de la lecture,
c’est la compréhension des textes ». En outre,il est très important de noter l’appa-
rition,dès le début de l’apprentissage,de la lecture silencieuse:elle est rendue pos-
sible par l’acquisition d’un vocabulaire de 150 mots, grâce auxquels on peut com-
poser de courtes histoires intéressantes.Il est une catégorie de lecteurs de cette étude
auxquels ce chapitre pourra rendre d’éminents services:ce sont les auteurs de ma-
nuels et,plus encore,les auteurs de ( (premiers livres de lecture courante ». Ils pour-
ront puiser d’utilesindications pour le choix et la composition des textes. Un livre
de lecture ne s’improvisepas; il faut bien connaître les buts à atteindre. Il n’estpas
certain que tous les auteurs de manuels ou de livres de lecture aient une conscience
bien nette de tom les buts à atteindre. Tel se laisse aller à sa nature poétique et,
naturellement, il ne voit dans l’enfant que la poésie; tel moralise à chaque page;
tel n’est jamais lassé d’un étalage didactique qui rend son ouvrage monotone et
le transforme en dictionnaire;enfin nombreux sont ceux qui connaissent bien la
langue..., mais ne sont pas des écrivains. Les bons livres de lecture sont rares.Aux
auteurs présents et futurs,W.S.Gray rappelle les données les plus utiles. Non pas
qu’il donne la recette pour faire un bon livre; mais tout ce qui est nécessaire pour
atteindre ce but peut être déduit des considérations qu’il énonce.
Les maîtres trouveront aussi des indications détaillées pour la conduite des le-
çons.Nous pouvons les juger superflues pour les pays de langue française,mais nous
ne devons pas oublier que l’étude s’adresse surtout aux pays qui n’ont pas de pro-
grammes d’enseignement,peu ou pas de maîtres qualifiés. Français et Belges pour-
ront cependant recueillir dans ce chapitre les indications les plus précieuses pour
perfectionner l’enseignement qu’ils donnent dans leurs territoires d’outre-mer.
C o m m e pour la plupart des chapitres de ce livre, en dehors des idées générales et
des grandes lignes,nous glanerons des détails,nous comparerons:là où d’autrespays
trouveront une information absolument indispensable,nous chercherons ce qui est
susceptible d’améliorer notre pratique pédagogique.
Les troisième et quatrième étapes reprennent et développent les thèses initiales.
L’auteurprécise les moyens de développer les bonnes habitudes de lecture,d’élargir
les bases du champ d’activité du lecteur en conduisant l’enfant vers une lecture
(< adulte ». L’essentielest qu’ilquitte l’école en possession d‘un instrument incompa-
rable pour se développer pleinement. Chemin faisant,l’auteursignale quelques diffi-
cultés particulières rencontrées dans l’apprentissage de la lecture. O n sait tout l’in-
Censeignement de la lecture et de I‘écriture
térêt que cette étude a soulevé depuis une dizaine d’années,à la suite des beaux tra-
vaux de Claparède, Ley, Ombredanne pour la période antérieure à la guerre. Ce
n’est pas le lieu de rappeler les travaux récents, de langue française, auxquels
sont attachés les noms de A. Rey, Launay, Ajiuraguerra, Zazzo, Borel-Maisonny,
Roudinesco et ceux de leurs élèves. Ceux que ces questions intéressent trouveront
dans les revues médicales,psychologiques et pédagogiques une ample information.
Le caractère vaste et général de l’ouvrage ne permettait pas de longs développe-
ments sur ces questions: celles-ci ne commencent à se poser qu’à une étape déjà
fortement évoluée de l’enseignement.Signaler i’existence de tels problèmes était
simplement utile pour attirer l’attention des novices en pédagogie.
La lecture de ce chapitre laisse une impression de plénitude: les problèmes ont
été sérieusement étudiés, et les solutions pleinement réfléchies. Il est possible que
le lecteur ne soit pas toujours d’accord sur les moyens, sur des détails de méthode,
mais l’ensemble est harmonieux et séduisant;il conduit, même pour nos pays de
vieille tradition pédagogique,à une réflexion sur nos programmes où l’on retrouve
un esprit voisin mais, très souvent, des moyens de réalisation différents. Nous ne
doutons pas que,le temps aidant, cette réflexion conduise à des adaptations, à des
précisions qui paraissent nécessaires.
Le chapitre VIII traite de l’enseignementde la lecture aux adultes. Entre cet en-
seignement et celui destiné aux enfants,il existe des similitudes et des différences.
Les similitudes sont surtout remarquées dans la progression de l’apprentissage;les
différences proviennent surtoutdes attitudessociales et des processus psychologiques.
Ce sont donc surtout les moyens d’enseignementqui seront différents,les buts restant
naturellement les mêmes.
L’auteur distingue,comme dans le chapitre VII, quatre étapes:
La période de préparation est, sinon plus difficile,du moins plus délicate à mener
que celle destinée aux enfants. Il est nécessaire de convaincre les adultes de la néces-
sité d‘apprendre à lire. Il faut vaincre des préjugés, des indifférences,des timidités.
Durant cette période,le maître doit faire montre,en dehors de solides connaissances
pédagogiques, de beaucoup de tact et d’intuition. Il doit être un homme parmi
d’autreshommes. Il doit comprendre chaque individu et entraîner toute une col-
lectivité: il lui faut gagner la confiance de tous. Tout en s’attachant à atteindre
ces buts, il s’assignera des tâches plus proprement didactiques: perfectionner le
vocabulaire, affiner l’expression, risquer quelques initiations à la langue écrite.
L’expérience montre que la période de préparation, si elle est bien menée, facilite
l’apprentissageproprement dit. L’auteur nous donne avec beaucoup de précisions
tous les procédés qui peuvent être employés durant cette période. Choisir parmi ces
procédés revient à ceux qui auront à les utiliser.
La seconde période, destinée à établir les premières bases de la lecture, nécessite
24 à 40leçons d’uneheure.A u cours de ces leçons,l’adulte acquerra un vocabulaire
écrit de 250 mots environ. U n plan précis,des exemples de leçons modèles serviront
de guides pour atteindre à ces résultats. Quelques problèmes particuliers à i’en-
geignement des adultes sont également étudiés;l’un d’entreeux est longuement dis-
cuté. Il traite de la nature collective ou individuelle de l’enseignement:selon les
pays, le personnel disponible,les moyens financiers,le choix variera. Les avantages
et les inconvénients de l’un et l’autre système sont longuement analysés.La com-
position des manuels et des livres de lecture complémentaire est également étudiée,
aussi bien du point de vue de la forme que de celui du fond:il est évident que les
textes pour enfants ne conviennent pas aux adultes.
La troisième période, qui exige de 72 à 150 heures de classe selon les individus,doit
permettre l’acquisitiond’un vocabulaire allant de I .400à 2.500mots,selonles diffé-
20
Introduction 6 l’éditionfrançaise
21
L’enseignement de La Lecture et de l’écriture
Avec les chapitres IX, x, XI, nous abordons la partie de l’ouvrage consacrée à
l’écriture. Existe-t-ilun problème de l’écriture? Et s’il en existe un, est-il pensé en
fonction des besoins du monde moderne et des impératifs de notre civilisation ? Si
l’on peut discuter des disciplines qui concourent à former l’homme,si l’on peut ne
pas admettre que l’éducation et l’instructiondoivent être données en fonction des
besoins d’une nation, il n’est pas possible de concevoir l’enseignement de l’écriture
en dehors de son rôle strictement utilitaire. Et que l’on ne se méprenne pas sur ce
mot: appliqué à l’écriture,il signifie non seulement que l’écritureest utile dans la
vie quotidienne, mais utile aussi à l’épanouissementde la personnalité. L’organisa-
tion scolaire,principalement à ses niveaux les plus élevés, l’organisation du travail
professionnel imposent une écriture de plus en plus rapide.Rares sont les professions
qui exigent l’écriture calligraphiée dont témoignent les anciens actes notariés: les
dactylographes agiles ont remplacé les scribes minutieux. L’importantest d’acquérir
assez vite une écriture rapide et lisible. Quelles méthodes emploierons-nouspour
atteindre ce but ? Il en est de traditionnelles,il en est de modernes. Quels sont leurs
avantages et leurs inconvénients? Quels principes peuvent guider notre choix ?
W.S.Gray passe en revue les opinions les plus autorisées et rapporte les critiques
adressées aux différentesméthodes;après quoi,il propose des programmes d‘écriture
pour les enfants et pour les adultes.
L’expression ( (méthode d’écriture) )a pris parfois un sens trop étendu: on a
employé parfois le mot ( (méthode B pour désigner ce qui est en réalité un &fie
d’écriture: écriture cursive, écriture script. Il est évident que le mot méthode ) )
pour désigner le type d’écriture est impropre et qu’il convient de l’éliminer.Par
méthode on désigne la progression suivie et les procédés employés pour parvenir aux
buts que l‘on s’est assignés.Dans ce cas,il n’existeguère que deux méthodes: la tra-
ditionnelle, qui part des éléments des lettres, et la moderne (ou globale), qui part
du mot ou de la phrase. Enfin, dans un ouvrage qui envisagt le problème de l’écri-
ture d’un point de vue mondial, il ne faut pas oublier que le mot ( (écriture>> dé-
signe aussi le système de transcription de la langue parlée: écriture idéographique,
syllabique ou consonantique.
Dans le chapitre IX, les méthodes sont donc étudiées. Les traditionnelles avaient
surtout pour objet la qualité de l’écriture.Elles ne se souciaientguère des aptitudes
de l’apprenti scribe, mais elles respectaient cependant quelques règles d’hygiène.
Tout en respectant ces règles,principe intangible,les méthodes modernes ont ren-
versé les autres points de vue: des études ont été conduites pour mieux comprendre
la nature de l’acteécrit -soit que l’on considère les mouvements,soit que l’ons’in-
quiète de la compréhension du travail à réaliser. L‘écriture n’est plus une fin, elle
est un moyen d’expression,et l’expression devient la valeur essentielle. Selon sa
méthode, l’auteur rapporte fidèlement les arguments échangés entre les partisans
des diverses méthodes. Les pédagogues, dont on sait qu’ils aiment les précisions et
les données pratiques,trouveront dans ce chapitreles réponses aux questions qu’ils se
sont souvent posées. Il n’entre pas dans notre propos d’en faire le catalogue, mais
nous voulons cependant en donner quelques exemples:
Faut-ilécrire au crayon, au crayon à bille, au stylo ?
Doit-on laisser les enfants écrire de la main gauche ?
Quels procédés peut-on utiliser au cours de la période d’initiation?
22
Introdution à l‘édition françaice
Les maîtres trouveront également des données sur les rendements des différents
types d’écriture,sur la façon d’apprécier la qualité d’une écriture,sur la façon de
remédier aux erreurs et aux handicaps des enfants.Les résultats que l’onpeut espérer
sont concrètement décrits: une reproduction d’une échelle d’écriture permettra
d’utiles comparaisons. A cet égard nous voudrions signaler l’existenced’une échelle
d’écriture pour enfants de langue française: c’est celle de M m e Piscartl. Elle com-
porte une étude historique et une échelle pour chaque année de l’école primaire,
pour trois degrés de vitesse (lent,moyen, rapide). La méthode d’élaborationa été
très étudiée, et le travail statistique offre les plus sérieuses garanties. U n autre tra-
vail, très important, portant sur le rendement de divers types d’écriture est celui
de M.Vinh Bang, de Genève2.
L’écriturepeut apparaître comme une discipline mineure;sa valeur pour la for-
mation intellectuelle de l’individu peut ne sembler que très faible.Elle est cependant
l’outil indispensable qui rend l’enfant et l’homme capables de s’exprimer.Si nous
nous attachons à cette valeur de moyen d’expression,nous comprendrons qu’ilexiste
un problème de l’écriture.Nous pourrions le formuler ainsi:( (Comment donner à
l’enfant,à l’adulteillettré, les moyens qui répondent à leur désir de s’exprimersans
que les procédés employés soient de nature à les décourager ?>) Si l’on veut bien
envisager ainsi cette discipline, l’écriture ne nous apparaîtra plus comme un en-
seignement d’importancesecondaire,mais comme une partie, aussi importante que
les autres, de la langue écrite.
et du cahier, les pédagogues apprécieront sans doute les données relatives au passage
de l’écriture script à la cursive et aux méthodes de correction des fautes. Il est ex-
trêmement important de veiller à la correction de ces fautes; nous avons montré
que l’habitude de mal former les lettres établissait parfois des fautes d’orthographe
réelles autant que permanentes1.
Telle est la structure de cet ouvrage qui s’achève par un ensemble de conclusions
destinées à établir un programme d’alphabétisation pour les adultes illettrés. Ces
conclusions tracent un plan très complet d’organisation du travail: les organismes
chargés de promouvoir la culture sont décrits dans leurs formes et leurs fonctions;
la méthode d’enseignement et les principes servant de base à l’élaboration des m a -
nuels sont brièvement résumés; la formation des maîtres est envisagée sous différents
aspects. Enfin, après avoir établi le bilan de nos connaissances actuelles, l’auteur
indique dans quelles directions devraient s’orienter les recherches futures qui per-
mettront de nouveaux progrès dans les techniques de l’éducation des illettrés.
A la fin de l’ouvrage, W.S. Gray lance un émouvant appel au monde. Con-
vaincu que la connaissance de la lecture et de l’écriture ne peut que << contribuer à
l’amélioration des conditions de vie de l’homme, au développement de la compré-
hension internationale et au renforcement de la paix »,il demande aux gouvernants
de prendre une conscience plus précise de la situation actuelle et de trouver les
ressources nécessaires pour ouvrir la voie à de nouveaux efforts constructifs.
Le plan de l’ouvrage est, on le voit, très classique. Après avoir défini les buts à
atteindre et passé en revue les divers moyens d’y parvenir, l’auteur entreprend une
discussion très étendue et très objective qui le conduit à formuler un certain nombre
de suggestions pratiques.
Nous voudrions noter une caractéristique importante de l’ouvrage: aux idées
générales sont jointes des considérations et des conseiIs pratiques. U n ministre de
l’éducation peut y trouver des suggestions intéressantes pour une campagne d’al-
phabétisation, tandis qu’un maître y puisera la substance d’une leçon. Chaque cha-
pitre est clairement construit: l’introductionprécise les points qui vont être étudiés,
24
Introdution à l’édition.francaise
Nous devons enfin signaler quelques problèmes posés par la traduction. Plutôt
qu’une traduction littérale, on a recherché les expressions qui correspondaient le
mieux aux habitudes des lecteurs de langue française. Il est souvent arrivé qu’un
même mot ait été traduit par des expressions différentes selon le contexte dans lequel
il s’insérait.L’auteur de la présente introduction,auquel le Secrétariat de l’Unesco
a bien voulu demander son avis sur la traduction des termes techniques,a essayé
d’éviter la confusion, le quiproquo ou l’ambiguïté;il a parfois préféré des termes
communs,mais d’usagecourant,à des termes plus nobles;en matière de psychologie,
il a recherché l’expressionexacte... lorsqu’elleexistait..Il n’est pas certain,compte
tenu de son choix personnel et de la grande diversité des pratiques et des hommes,
d’avoir totalement réussi à atteindre tous ces objectifs.
JEAN SIMON.
1. L’alphabétisation: bibliographie choisie, Paris, 1956. (Etudes et documents d’éducation, no XVIII.)
UNESCO,
25
AVANT-PROPOS D E L ’ A U T E U R
HISTORIQUE D E L A P R É S E N T E É T U D E
26
Avant-propos de l’auteur
I . UNESCO,
L’emploi des langues vernaculaires dans l’enseignement,N e w York, NationsUnies, I 951,I I I pages
(AIAC. 62), miméo; L’emploi des langues vernaculaires dans l‘enseignement, N e w York, Nations
Unies, 1952, 59 pages (A/AC. 55/L.103), miméo; L’emploi des langues vernaculaires dans l‘enreigne-
ment, Paris, Unesco, 172pages (Monographies sur l’éducation de base, VIII).
27
L‘enseignement de la lecture et de l’écriture
versés; coopérer avec les autres groupes intéressés;et enfin améliorer constamment
les programmes d’alphabétisationà la lumière de l’expérience acquise.
Nous avons d’autre part constaté que faciliter l‘organisation de la lutte contre
l’analphabétisme par des experts compétents est une nécessité urgente. Les spécia-
listes les plus avertis nous ont répété à maintes reprises que le rapport final devrait,
afin d’apporter une aide à ceux qui dirigent les efforts déployés pour diminuer le
nombre des illettrés (en particulier dans les régions insuffisamment développées),
mettre à leur disposition un exposé critique des données et des principes dont il y a
lieu de s’inspirer pour organiser des campagnes d’alphabétisationet pour choisir
des méthodes d’enseignement,ainsi qu’unedescription détaillée des mesures à prendre
en vue d’élaborer et de mettre en application des programmes adaptés aux besoins
de la collectivité,et en vue de faciliter l’étudedes problèmes non encore résolus.
P O R T É E D E L’ÉTUDE
Tout en ayant une portée mondiale, la présente étude concerne plus particuliè-
rement les problèmes propres aux régions les moins évoluées, en raison de leur
extrême gravité et du fait qu’ilest urgent d’aiderà les régler.Bien entendu,nous nous
sommes occupé surtout des difficultés auxquelles on se heurte là où des programmes
d’éducation de base sont (ou ont chance d’être) mis en œuvre. Mais nos observa-
tions s’appliquenttout aussi bien aux tentatives analogues entreprises sous des noms
différents, tels que (< enseignement de base », a développement des collectivités »,
G éducation sociale», éducation des adultes>> et (< campagnes nationales d’alpha-
bétisation ».
Bien que l’instruction élémentaire porte en général sur de nombreuses matières,
nous avons pris pour thème central l’enseignementde la lecture et de l’écriture,sans
oublier toutefois qu’il est souvent nécessaire d’inculquer en même temps d’autres
connaissances répondant à des besoins immédiats et urgents,et que tous les arts du
28
Avant-propos de l‘auteur
À QUI S ’ A D R E S S E L E PRÉSENT R A P P O R T ?
I. ELLIOTT,A.V. P.,et GURREY, P., «Part 1. The Vernacular)), Language teaching in African schools,
p. 3-74, Londres, Longmans, Green and Co., 1949.
FREINET, C., Méthode naturelle de lecture, Cannes (Alpes-Maritimes,France), Editions de 1’Ecole
moderne française, 1947, 59 pages. (Brochures d’éducation nouvelle populaire, no 30, mai 1947:)
2. ARTLEY, A. STERL,Chairman,(< Interrelationshipsamong the various language arts)), Research bulletan
of the National Council on Research in English, Chicago, National Council of Teachers of English,
111.3 1954, P.42.
3. GRIEVE,D.W.,et TAYLOR, A., «Media of instruction: a preliminary study of the relative merits
of English and an African vernacular as teaching media)), Gold Coast education, vol. 1, no I, 1952,
p. 36-51.
ISIDRO, Antonio, The use of the vernacular in and out of schools, Quezon City, 1951,p. 57-60.
PLATTEN,O.T., The use of the vernacular in teaching in the South Pact&, Nouméa, Nouvelle-Calédonie,
South Pacific Commission, 1953, 42 pages. (South PaciJicCommission technicalpaper, no 47, 1953.)
L’enseignement de la lecture et de l’écriture
PRINCIPAUX P R O B L È M E S ÉTUDIÉS
Les problèmes abordés en premier lieu étaient directement en rapport avec le triple
but assigné à l’étude préliminaire.Mais au cours de notre travail d’autresquestions
importantes nous sont apparues,et nous avons pris des dispositionspour les examiner
aussitôt que possible. Lorsqu’il fut décidé de modifier l‘orientation des travaux en
vue de répondre plus particulièrementaux besoins des organisateursde programmes
d’alphabétisation,de nouveaux problèmes durent être ajoutés à la liste; certains
d’entre eux n’ont été pris en considération qu’après la publication de l’étudepréli-
minaire. Les paragraphes qui suivent résument les principales questions traitées
dans l’ordreoii elles seront abordées, de façon à donner un aperçu du contenu de
ce rapport et du plan d’ensemble qui a été adopté.
1. Rôle de la lecture et de l’écrituredans l’éducation de base, niveau de comDé-
tence qu’il est indispensable d’atteindre,ampleur de la tâche à accomplir pour
généraliser l’instructionfonctionnelle dans le monde entier. L’étudede ces ques-
tions implique un examen approfondi des facteurs qui rendent indispensable la
lutte contre l’analphabétisme,ainsi que de certains aspects essentiels de cette
lutte.
2. Principaux types d’idiomes,classés d’après leur alphabet,et influence des diffé-
rences linguistiques sur les techniques pédagogiques.
3. Mesure dans laquelle les mécanismes fondamentauxde la lecture sont identiques
quelle que soit la langue considérée. O n a étudié cette question afin de déter-
miner s’il est possible d’établirun cadre conceptuel commun à l’intérieur duquel
seraient examinés les divers problèmes de détail que pose l’enseignement de la
lecture.
4. Attitudes et mécanismes dont tout enseignementefficace de la lecture doit assurer
la formation, et facteurs individuels qui influent sur le rythme des progrès des
élèves. Ces questions sont apparues comme très importantes à partir du moment
où l’on a reconnu que les principales opérations psychologiques que la lecture
implique sont essentiellement les mêmes dans toutes les langues.
5. Diverses méthodes utilisées pour enseigner la lecture,postulats sur lesquelsrepose
chacune d’entre elle, évolution qu’elles ont subie, avantages et inconvénients
qu’elles présentent,et principales tendances qui se manifestent dans ce domaine
à l’heureactuelle.
6. Efficacité comparée des différentes techniques d’enseignementde la lecture,faits
Avant-propos de l’auteur
et idées qui influent sur le choix des méthodes adoptées. O n s’est proposé, en
étudiant ces questions,de rendre plus aisés le choix et l’élaborationde techniques
propres à faciliter l’éliminationde l’analphabétisme.
7. Contenu et structure des programmes d’enseignementde la lecture qu’il con-
vient d’appliquerà l’école primaire, à la lumière de l’expérience acquise et des
conclusions des chercheurs. Il a été constaté que pour amener les enfants à lire
couramment il importe d’associer pendant toute la durée des études primaires
divers types d’exercices qui s’inscrivent dans le cadre d’un programme d’en-
semble rationnellement conçu.
8. Nature des programmes d’enseignementde la lecture qui donnent aux adultes
les capacités que tout membre non illettré de la collectivité est censé posséder.
9. Faits et principes concernant la nature de l’écriture,les modalités de son en-
seignement,et l’efficacitécomparée des différentes techniques utilisées, évaluée
d’après l’expérience des praticiens et les conclusions des chercheurs.
IO. Contenu et structure des programmes d’enseignementde l’écriture à l’écolepri-
maire, établis d’après les données visées au point g ci-dessus.
I 1. Nature des programmes d’enseignementde l’écriturequi permettent aux adultes
d’acquérir,aussi vite et aussi efficacement que possible, les capacités nécessaires
pour répondre à leurs besoins individuels et à ceux de la collectivité.
12.Moyens de mettre en euvre les conclusions de la présente étude dans le cadre
de programmes d’alphabétisationadaptés aux besoins de telles ou telles com-
munautés. O n s’est préoccupé avant tout des programmes qui s’adressent aux
adultes, parce que les spécialistes de ces activités ont instamment demandé à
maintes reprises qu’on leur vienne en aide.Les efforts déployés dans ce domaine
sur le plan régionalou local sont particulièrementimportants,car chaque collec-
tivité pose des problèmes différents.
3’
L‘enseignement de la lecture et de l‘écriture
LIMITES D E L A P O R T É E D U R A P P O R T
1. GRAY, William S.,Les méthodes d’enseignement de la lecture et de l’écriture. Etude préliminaire, première
et deuxième partie, Paris, Unesco, 1953.(Etudes et documents d’éducation, no V.)
32
Avant-propos de l’auteur
acquise dans plus d’un pays, on ne saurait affirmer qu’elles ont une valeur univer-
selle. Cependant, il est très encourageant de constater qu’un nombre croissant de
recherches ont été récemment entreprises sur ces questions dans différentes parties
du monde.
La plupart des enquêtes approfondies effectuées antérieurement sur l’enseigne-
ment de la lecture et de l’écritureont porté sur des enfants, si bien que leurs con-
clusions ne s’appliquentaux adultes qu’aveccertaines réserves.Mais la majorité de
nos recommandations sont confirmées par les études déjà menées à bien sur des
sujets adultes. Chaque fois que des différences ont été relevées entre les constatations
relatives aux enfants et aux adultes, nous les avons signalées.Il convient de préciser
aussi que l’on est encore très mal renseigné sur les différences existant entre l’assimi-
lation des connaissances chez les enfants et chez les adultes. Il faudrait examiner la
question de façon beaucoup plus poussée pour bien comprendre quels sont les
moyens les plus efficaces d’instruire les adultes.
Enfin la valeur des conclusions de la présente étude a bien entendu aussi pour
limites celles de l’étendue des connaissances de l’auteur,et de son aptitude à inter-
préter les faits objectivement.
33
CHAPITRE PREMIER
LE RÔLE DE LA LECTURE
ET DE L’ÉCRITURE
DANS L’ÉDUCATION DE BASE
BUTS F O N D A M E N T A U X DE L’ÉDUCATION DE B A S E
I. UNESCO,
L’éducation de base, description et programme, Paris, 1949,p. 9. (Monographies sur l’éducation
de base, 1.)
2. ID., Apprendre pour vivre; la croisade contre l’ignorance s’étend au monde entier, Paris, 1951. p. 7.
34
Le rôle de la lecture et de l‘écriture dans l’éducation de base
35
L’ensei.~mment
de la lecture et de l’écriture
L ’ A L P H A B É T I S A T I O NEST-ELLE N É C E S S A I R E A L ’ É D U C A T I O N DE B A S E ?
A V A N T A G E S D E L A L E C T U R E ET D E L’ÉCRITURE
I. DALE,Edgar, «Is there a substitute for reading?», Newsletter, vol. X,avril 1945.Bureau of Edu-
cational Research, Ohio State University.
2. UNESCO,Stage d’études sur l’éducation des adultes des régions rurales. Report on work done 6y Group Z
on literucy und udult educution, Mysore, 1949,p. 3. (Unesco/Mysore/71.)
3. CLARK, Ann Nolan, ((Preparation of reading materials: SubjectV,-Objectives and techniques)),
in Working Pujers. Inter-American Serninar on Literacy and Adult Education, Petropolis, Rio
de Janeiro, 1949,p. 3-5. (Sern/Rio/ro/a. 3/1).
37
L’enseignement de la lecture et de l’écriture
tion accroît leur prestige social et leur permet d’exercer de nombreuses activités
individuelles et collectives auxquelles les illettrésne peuvent prendre part;ils peuvent
se tenir au courant des activités et des tendances de la collectivité, identifier les
forces qui favorisent ou retardent son développement, et entreprendre l’étude de
certains problèmes sociaux; ils peuvent s’acquitter efficacement de leurs devoirs
civiques parce qu’ils sont en mesure de connaître et d’observer les règlements, de
prendre part aux discussions de groupes et aux efforts déployés pour améliorer
l’organisation de la collectivité, et enfin de voter sans aide et à bon escient; ils
peuvent suivre l’évolution des affaires internationales en se renseignant sur ce qui
se passe dans tous les pays proches ou lointains,sur les autres peuples et leurs cou-
tumes et sur les forces naturelles et sociales qui régissent la vie de l’homme; ils
peuvent apprendre à connaître et à apprécier le patrimoine culturel que constitue
la littérature; ils peuvent satisfaire leurs aspirations religieuses par la lecture des
livres sacrés et participer à différentes activités confessionnelles.
Il est donc clair que ceux qui luttent contre l’analphabétismeont le pouvoir
d’accroître de façon presque illimitée la valeur humaine de leurs élèves et de leur
ouvrir de nouveaux horizons.Mais il ne suffit pas d’inculquerles mécanismes fonda-
mentaux de la lecture et de l’écritureauxjeunes et aux adultes;il faut aussi, à mesure
qu’ils progressent,les amener à comprendre le monde où ils vivent,ce qui leur per-
mettra d’acquérir plus de pénétration, d’adopter des attitudes plus rationnelles et
d’avoir un comportement plus satisfaisant.
Les avantages que peuvent procurer la lecture et l’écriture sont donc nombreux;
aussi est-onamené à se demander à quel niveau d’instruction il faut parvenir pour
en jouir. Il ne faut pas oublier en effet que l’alphabétisation comporte bien des de-
grés,soit que l’on se contente d’enseigneraux élèves à lire un texte simple et à écrire
leur nom,soit au contraire qu’on les amène à faire montre d’un haut degré de ma-
turité dans leur façon de conduire et de choisir leurs lectures.Les niveauxatteints
dépendent en général des normes en vigueur dans la région considérée. Ceux aux-
quels on se réfère le plus souvent sont le ( (niveau minimum d’instruction) )et le
c niveau d’instructionfonctionnel». Nous allons donc examiner la valeur et les limites
respectives de ces deux notions.
38
Le rôle de la lecture et de récriture dans l’éducation de base
39
L’ensei,pment de la lecture et de l’écriture
LA NOTION D’INSTRUCTIONFONCTIONNELLE
I. OF PROVINCIAL
CONFERENCE REPRESENTATIVES, Report on a conference of provincial representativesto discurs
the adult literacy campaign, Northern Region, Zaria (Nigeria), rrr6june 1950,Zaria,Gaskiya Corpora-
tion, 1950, p. 6.
2. Ibid., p. 6.
3. LITTLE, Kenneth L., «Social change in a non-literate community)), dans: RUOPP, Phillipps,ed.,
Approaches to community development. . ,, L a Haye, W.van Hoeve, 1953, p. 87-96.
Le rôle de la lecture et de l’écriture dans l’éducation de base
Les illettrés doivent arriver à un niveau d’instruction nettement plus élevé pour
devenir capables d’atteindre les buts énumérés par une personnalité thaïlandaise:
se tenir au courant de la vie de l’ensembledu pays et en connaîtrel’idéalet les aspira-
tions; se renseigner sur les problèmes sociaux,politiques et économiques en vue de
contribuerà les résoudreet de comprendreles motifs de certainesmesures ou décisions;
améliorer sa situation économique (le plus souventles illettréssontdésavantagésdans
la recherche d’un emploi; d’autrepart, ceux qui travaillent à leur compte sont très
gênés par le fait qu’ilsne peuvent suivre les fluctuationsdu marché et l’évolutiondes
facteurs dont elles dépendent); se préparer à la prêtrise.
Des rapports émanant de diverses parties du monde indiquent que la nécessité
de relever encore les normes d’instruction se fait sentir de plus en plus impérieuse-
ment. Au cours d’un examen des objectifs de l’enseignement de la lecture et de
l’écriture,les membres du stage d’étudesnational sur l’analphabétisme tenu à Delhi
(1nde)l ont mis l’accentsur le fait que l’élève doit parvenir non seulement à bien
connaître le mécanisme de la lecture mais à mieux prendre conscience du c con-
texte socialB de ce qu’il lit et des << forces qui entrent en jeu dans son milieu ».
Ainsi pourra-t-ilcomprendre et apprécier ce qu’il lit, p.rendre des décisions judi-
cieuses et discerner le sens qu’il serait souhaitable d’imprimer à l’évolution sociale
et à la politique gouvernementale.
Les exemples ci-dessusmontrent que le degré de compétence nécessaire en ma-
tière de lecture et d’écriture varie beaucoup selon la collectivité considérée. Il est
évident par exemple qu’il est bien moins difficile de donner aux élèves une instruc-
tion suffisante pour répondre aux nécessités pratiques de l’existence que de les pré-
parer à jouer un rôle important dans le relèvement social du pays. L’objectifimmé-
diat de l’alphabétisation consiste toujours à permettre aux jeunes et aux adultes de
satisfaire convenablement les besoins de la vie courante. Par conséquent, il appar-
tient à chaque collectivité de fixer la nature et la durée des cours d’alphabétisation
en fonction de ses besoins particuliers.Mais il ne faut pas négliger pour autant de
mettre les élèves en état de s’associer aux activités et à la vie intellectuelle de la
grande communauté dont ils font partie et il n’importe pas moins d’élargir leurs
horizons mentaux et de leur faire connaître, grâce à la lecture,des joies nouvelles
et des idées neuves.
Un programme d’alphabétisation2conçu uniquementen vue de rendre les intéres-
sés capablesde résoudreleursproblèmesimmédiatsn’auraitqu’uneportée très limitée.
U n deuxième principe à observer en matière d’instruction fonctionnelle est le
suivant: il faut que les élèves aient de puissants mobiles pour apprendre à lire et
à écrire. En effet,ils feront des progrès beaucoup plus rapides s’ils ont une idée claire
du but à atteindre et un vif désir de réussir. En conséquence,les mobiles expressé-
ment indiqués par le groupe intéressé joueront un rôle déterminant dans l’organi-
sation des campagnes d’alphabétisation;il en sera fait état au moment où l’on an-
noncera l’ouverture des classes,au cours de l’élaboration des programmes de forma-
tion et pour encourager les élèves à persévérer dans l’effort.
Ce qui complique les choses, toutefois,c’est que tous les groupes n’ont pas des
raisons également impérieuses d’apprendreà lire et à écrire. Une récente enquête
effectuée en Afrique occidentale a fourni à ce sujet des indications significatives3.
4’
L’enseignement de la lecture et de l’écriture
Parmi les tribus illettrées de cette région, certaines semblaient a parfaitement satis-
faitesB de leur ignorance tandis que d’autres (< souhaitaient ardemment N en sortir
et toutes les nuances intermédiaires étaient représentées. D’après les renseignements
disponibles,il en va de même dans bien d’autresparties du monde, quoiquele désir
d’apprendre à lire et à écrire soit en train de se généraliser rapidement.
Nous examinerons en premier lieu les problèmes que posent les collectivités qui
n’ontpas encore de raisons impérieuses de s’instruire.L’expériencemontre qu’ilne
sert pas à grand-chosed’entreprendre l’alphabétisation de ces groupes avant de les
avoir amenés à la souhaiter vivement.O n a vu plus haut qu’il est en général facile
de faire naître ce désir en créant des situations où les intéressés verront clairement
que savoir lire et écrire les aiderait beaucoup à résoudre certains problèmes urgents
ou à obtenir quelque chose dont ils ont très envie;en pareil cas,la plupart desjeunes
et des adultes sont en effet disposés à faire l‘effort nécessaire pour s’instruire.
L’exemple ci-aprèsdonnera une idée des méthodes qu’on peut employer.
Dans une communautéillettréeoù les récoltesétaient très mauvaises et bien infé-
rieures aux besoins,des réunionsfurentorganiséessur l’initiatived’uneéquipe d’édu-
cateurs de base afin de chercher un remède à cet état de choses.A u cours des débats,
il fut décidé d’inviterun paysan du voisinage,dont la situationétait prospère,à venir
prendre la parole. Celui-ciexpliqua comment il s’y était pris pour préparer, en-
semencer et cultiver sa terre et, quand on lui demanda où il avait appris tout cela,
il montra une série de bulletins d’informationillustrés publiés par une station agro-
nomique et indiqua les moyens de s’en procurer. En conséquence, avant m ê m e la
fin de la réunion,tout le monde réclamait vigoureusement que des cours de lecture
et d’écriture fussent organisés.
Des raisons tout aussi valables d’apprendreà lire et à écrire sont apparues au
cours de tentatives visant à résoudre d’autrescatégories de problèmes-qu’ils’agisse
d’améliorer la qualité de l’eau,d’éleverle niveau de la santé publique,de prévenir
des épidémies,de mieux soigner les enfants, de s’alimenterd’unefaçon plus ration-
nelle,de perfectionner les méthodes d’élevageou d’adopter des techniques de fabri-
cation plus efficaces afin d’être mieux en mesure de lutter contre la concurrence.
L’intérêtd’une telle conception de l’alphabétisation tient à ce qu’elle répond aux
principales préoccupations de la population, préoccupations dont il est très dange-
reux de ne pas tenir compte comme le montre l‘épisode ci-après:une école située
dans l’unedes îles Soulou était fort peu fréquentée,parce que les parents ne voyaient
pas quel profit leurs enfants pourraient retirer de l’enseignement qu’elle dispensait.
Les autorités réunirent donc tous les adultes,qui vinrent les armes à la main, crai-
gnant un châtiment.Mais tout s’éclaircitlorsquele chefdéclara:<< Si vous instruisiez
nos enfants dans notre propre langue et si vous leur appreniez à mieux cultiver la
terre ou à pêcher plus de poisson,non seulement nous les enverrions à l’école,mais
encore nous irions nous aussi.B
Quand les illettrés découvrent l’utilitéque présente la lecture dans un seul do-
maine,ils en viennent rapidement à s’enservir dans beaucoup d’autres, comme on
peut le voir d’aprèsl’exemplesuivant.Les habitants d’une région très peuplée située
au nord de Manille étaient fort pauvres avant 1949;il leur aurait pourtant été facile
de vendre des denrées alimentaires à Manille, mais ils ne savaient pas comment les
produire. Il se trouva que, sous la direction d’unmoniteur agricole,les enfants de
l’école avaient entrepris d’élever des poulets. Dès que ce projet commença à donner
de bons résultats, on organisa des réunions pour expliquer aux adultes les avantages
qu’ils auraient à faire de l’avicultureet à vendre des œufs. Cette proposition sou-
leva un vif intérêt, et les gens commencèrentà désirer savoir lire et écrire pour pou-
voir se documenter sur la question.A mesure que leur situation économique s’amé-
liorait,ils s’aperçurentqu’ils pouvaient aussi produire d’autres denrées alimentaires
L e rôle de la lecture et de l‘écriture dans l’éducation de base
et qu’àcet effet il leur fallait être capables non seulement de lire différents bulletins
d’information,mais aussi de suivre les cours du marché et l’évolution de la demande.
Et comme ils lisaient de plus en plus couramment,ils en arrivèrent à se servir de
leur nouveau savoir pour se tenir au courant de l’actualitéet des questions intéres-
sant la communauté et la nation. Ainsi, ceux qui ont appris à lire pour des motifs
exclusivement utilitaires parviennent ensuite,s’ils sont convenablement encouragés
et dirigés,à faire bien d’autresusages de leur instruction et finissent par constituer
une communauté bien informée et pleine de vitalité.
Bon nombre de groupes illettrés,sinon la plupart, ont de puissants motifs d’ap-
prendre à lire et à écrire avant qu’aucun programme de développement ne soit
mis en chantier dans leur collectivité. Ces motifs ont en général tant de force qu’il
faut leur accorder une attention immédiate sous peine de compromettre le succès
de l’ensemble de la campagne d’alphabétisation.Si l’instruction dispensée répond
dès le début à ces besoins, on obtiendra la confiance et le concours des intéressés
et on leur permettra de résoudre plus tôt leurs problèmes collectifs et individuels
urgents. Il apparaît donc que toute équipe d’éducateurs de base doit commencer
par déterminer la nature et la force des mobiles spontanés qui incitent les membres
de la communauté dont ils s’occupent à apprendre à lire et à écrire.
Ces mobiles varient bien entendu d’un groupe à l’autre,et aussi avec les indi-
vidus. Il peut s’agir de désirs fort subtils et difficiles à définir1-désir de vivre en
homme civilisé,de conserverson prestige aux yeux des enfants et des amis,d’échapper
aux inconvénients de l’ignoranceet de cesser d’être un instrument entre les mains
d’autrui,de s’instruire et de briller, ou même d’acquérir un diplôme là où des certi-
ficats d’alphabétisation sont décernés.
Nous avons mis en lumière l’insuffisancedes normes minimales adoptées autre-
fois en matière d’alphabétisationet la nécessité de dispenser une instruction fonc-
tionnelle. Pour atteindre ce but, il importe d’observer deux principes: en premier
lieu les stimulants et le matériel employés doivent être directement en rapport avec
les mobiles qui poussent le groupe considéré à apprendre à lire et à écrire;deuxième-
ment, la durée des études et le niveau à atteindre doivent être fixés en fonction des
besoins du groupe. Les sentiments qui incitent les illettrés à s’instruirepeuvent être
classés en deux catégories: d’une part ceux qui procèdent de besoins pratiques et
urgents de la collectivité et que stimule le personnel chargé de l’exécutiondes pro-
grammes de développement; et de l’autre,ceux que certains membres du groupe
éprouvent pour d’autresraisons. Les uns et les autres sont très importants.Il est in-
dispensable de procéder à des études approfondies en vue de déterminer à quel mo-
ment il convient d’entreprendre l’alphabétisation de chaque collectivité et à quels
mobiles il faut faire appel. Les méthodes qu’on peut utiliser à cet effet seront exa-
minées au chapitre XII.
1. RUDOLFER,
Noemi da Silveira, ((PsiCo-pedagogiado adolescente e do adulto analfabetosv,dans:
DE EDUCAÇAO
CAMPANHA DE ADULTOS, Fundamentos e metodologin do ensino supletivo, Rio de Janeiro,
Ministerio da Educaçâo e Saiide, 1950,p. 45-46. (Publicn@o, no 12, août 1950.)
43
L’enseignement de la lecture et de l‘écriture
N O R M E S D’INSTRUCTION F O N C T I O N N E L L E
I. BUROS, Oscar Krisen, The third mental maasurements yearbook, New Brunswick, N.J.,Rutgers Uni-
versity Press, 1949, p. 1047et suiv. (Contient une description et une évaluation critique de la
plupart des tests d’intelligence et de niveau les plus usuels.)
2. GRANDE-BRETAGNE. MINISTRY OF EDUCATION,Reading ability, Londres, H.M.s. o., 1950, p. 10-13.
Voir aussi: DUNCAN,John, Backwardness in reading: Ramedies and preuention, Londres, George G. Har-
rap and Co., 1953, p. 20-21.
44
Le rôle de la lecture et de l’écriture d a m l’éducation de base
En ce qui concerne les tests d’écriture, les proportions enregistrées étaient toutes
plus élevées. D’autre part, parmi les enfants qui fréquentaient l’école depuis trois
ans et demi, quatre ans et demi, cinq ans et demi, ou qui possédaient desconnais-
45
L’ensei.enernent de la lecture et de l’écriture
I. William S., et LEARY,Bernice E., What makes a book readable, N e w York, The Macmillan
GRAY,
Company, 1937,p. 86-90.
46
Le rôle de la lecture et de l‘écriture dans l’édtuatwn de base
c) que ceux qui avaient fréquenté l’école pendant cinq ans au plus avaient tendance
à lire moins bien que les enfants du groupe correspondant. Quant aux adultes qui
avaient fait moins de trois ans d’études,ils se montrèrent en majorité incapables de
subir les épreuves,car,à leur sortie de l’école,ils lisaient encore si mal et si difficile-
ment qu’ils n’avaient depuis lors fait aucune lecture ou presque et étaient redevenus
illettrés. Les enquêteurs conclurent donc qu’il est indispensabled’atteindre,en ma-
tière de lecture,un niveau équivalent à celui de la moyenne des enfants ayant fré-
quenté l’écolequatre ans, ou de préférence cinq.
L’adoption de normes relativement élevées risque toutefois de décourager de
nombreux adultes. Tout programme d’alphabétisation doit donc se diviser en plu-
sieurs stades; les normes fixées au premier stade seront assez basses pour ne pas
exiger un trop gros effort, mais suffisantes pour répondre aux besoins élémentaires
qui se font sentir dans la collectivité en cause. D’autrepart,on s’attacheraen même
temps à inspirer aux élèves le désir de poursuivre leurs études. Ce système a déjà
été expérimenté avec d’excellents résultats dans des pays tels que la Côte-de-l’Or,
où l’on délivre deux types de certificat d’alphabétisation (niveau élémentaire et
niveau supérieur).
A M P L E U R DE L A T Â C H E A ACCOMPLIR
Nous allons fournir pour terminer quelques indications,d’une part sur le nombre
total des analphabètes1 et, de l’autre,sur la proportion des enfants d’âge scolaire
qui ne reçoivent à l’heureactuelle aucune instruction.
O n trouvera dans les tableaux I et 2 des statistiques concernant le nombre total des
analphabètes dans le monde, établies d’après les derniers documents officiels dont
dispose l’Unescoau sujet de 109 pays et territoires. Ces statistiques portent sur 80y
.
environ de la population mondiale, à l’exclusion principalement des habitants des
pays du nord de l’Europe,de l’Australie,de la Nouvelle-Zélande et du Japon,où
les analphabètes sont très peu nombreux,et de ceux de vastes régions d’Afriquesur
lesquels on ne dispose d’aucunrenseignement.
L’examen des deux tableaux montre que près de la moitié des pays (53 sur 109)
comptent moins de 40% d’illettrés; toutefois ces pays ne sont pas parmi les plus
peuplés. Le taux médian d’analphabétisme,compte tenu du chiffre de la popu-
lation, est d’environ 55%, ce qui confirme l’opinion couramment admise selon la-
quelle à peu près la moitié des hommes d’aujourd’hui sont illettrés. Il apparaît
d’autre part que le pourcentage d’analphabètes,extrêmement élevé en Afrique et
en Asie,est très variable en Amérique du Nord et du Sud, tandis qu’il reste peu
d’illettrés en Europe, en Océanie et en U.R.S.S. Cependant dans chaque continent
l’élimination de l’analphabétismepose encore de difficiles problèmes.
Lorsque l’onapplique les normes de l’«instruction fonctionnelle», le chiffre des
illettrés s’accroîtbien entendu de façon sensible. En 1920, par exemple, le Bureau
de recensement des Etats-Unisa signalé que le nombre des analphabètes (c’est-à-dire
des personnes n’ayantjamais fréquenté l’école) représentait 6% environ de la popu-
lation totale. Pendant la première guerre mondiale2, 1.522.256 soldats et marins
-
I . UNESCO,
L‘analphabétisme dans divers pays, Paris, 1953,p. 2 12.(Monographiessur l‘éducation de bue, VI.)
2. « m a t national defects result from the weak spots in Our public school system)), Research bulletin
of the National Education Association, vol. 1, septembre 1953,p. 276-286, Washington.
47
L’enseignement de la lecture et de l’écriture
américainsfurentsoumis à des tests visant à déterminer dans quelle mesure ils étaient
capables de lire et de comprendre les journaux, ainsi que d’écrire des lettres. Les
enquêteurs conclurent que 24,g y,des hommes examinés étaient incapablesde subir
avec succès ces épreuves très simples.Il apparaît ainsi qu’il existe des écarts considé-
rables entre les taux d’analphabétismeenregistrés au cours des recensements natio-
naux et ceux qu’on calcule sur la base de tests d’instruction fonctionnelle.D’autres
tests utilisés durant la seconde guerre mondiale ont donné des résultats analogues;
toutefois, le pourcentage des personnes n’ayant pas une instruction fonctionnelle
était un peu moins élevé. Des données réunies en Grande-Bretagne1et dans divers
autres pays semblent également démontrer que la proportion des adultes n’ayant
pas atteint le niveau de l’instructionfonctionnelle est beaucoup plus forte que les
recensements ne le font apparaître. D’après les renseignements incomplets dont on
dispose,cette proportion peut être évaluée à 65 ou peut-êtrem ê m e à 70%. Autre-
ment dit, 50% environ des habitants du globe seraient totalement illettrés,et 15%
au moins seraient semi-illettrés.Ces chiffres donnent une idée de l’ampleurdu pro-
blème qui se pose.
TABLEAU
I . Nombre des pays et territoires où ont été enregistrés différents taux d’analpha-
bétisme, classés selon les groupes d’âge pris en considération. (Derniers renseignements
recueillis depuis I 930.)
Nombre de
pays et terri- Nombre de pays et territoires
Groupe d’âgepris toires pour classés selon le taux (%) d’analphabétisme
en considération lesquels on
dispose de
données 0-9 10-19 20-29 30-39 400-4950-59 60-6970-79 80-89 go+
Non spécifié I 2 3
‘3 1
- -2
Nombre total de
pays et terri-
toires 109 17 II ‘7 8 9 8 IO 8 12 9
Nombre de millions
d‘habitants que
ces pays et terri-
toires comptaient
au total en 1952
(évaluation) 2.003 254 230 160 II 74 81 46 473 93
Pourcentage médian d’analphabétismedans 109 pays et territoires: 41,7%.
Pourcentage de la population mondiale auquel ces chiffres s’appliquent:81%.
[Source:Unesco,juin 1954.1
I. GRANDE-BRETAGNE.
MINISTRY
OF EDUCATION,
Reading ability, op. cit.
48
Le rôle de la lecture et de l’ém’ture dans l’éducation de base
TABLEAU 2. N o m b r e des pays et territoires où ont été enregistrés différents taux d’analpha-
bétisme, classés par continent. (Derniers renseignements recueillis depuis 1930.)
Afrique 21 I - 1 I -
Amérique d u Nord 24 6 3 6 2 -
Amérique d u Sud 12 1 2 2 1 2
Asie (moins
1’U.R.S.S.) 25
Europe (moins
R.S.S.)
I’U. ‘7
Océanie 9
U.R.S.S. 1
-
N o m b r e total de
pays et terri-
toires 109 17 II 17 8 g 9
N o m b r e de millions
d’habitants que
comptaient au
total en 1952ces
pays et terri-
toires (évalua-
tion) 2.003 254 230 160 II 74 93
Pourcentage médian d’analphabétisme dans 109 pays et territoires : 41,7yo.
Pourcentage de la population mondiale auquel ces chiffres s’appliquent: 81yo.
[Source: Unesco, juin 1954.1
Plus encore que d’assurer l’éducation des adultes,il importe de fournir à tous les
enfants les moyens de s’instruire. O n comprendra quelle tâche gigantesque cela re-
présente en voyant que d’après les conclusions d’une vaste étude1 sur les enfants
d’âge scolaire a sur dix enfants dans le monde, cinq ne vont pas en classe, quatre
fréquententune école primaire et un poursuit des études au-delàdu premier degré ».
Il apparaît donc que dans ce domaine l’humanitén’a encore assumé que la moitié
de ses responsabilités.En outre, les quatre cinquièmes des écoliers font des études
si brèves qu’ils n’atteignentmême pas le niveau de l’instructionfonctionnelle. Pour
remplir pleinement leur devoir à cet égard, bien des pays devront donc faire un
effort considérable en vue d’augmenter tant le pourcentage des enfants qui vont à
l’école que la durée de la scolarité.
Ceux qui appliquent des programmes d’éducation de base ne font généralement
pas dès le début une place à part à l’éducationdes enfants. Dans bien des cas,l’ins-
truction élémentaire est d‘abord donnée dans des cours destinés à la fois aux enfants
I. UNESCO,
L’éducation dans le monde, Paris, I 955, I .006pages
49
L>enreimment de la lecture et de l’écriture
et aux adultes, et le même matériel d’enseignementsert aux uns et aux autres. Mais
on finit toujours par reconnaître la nécessité de créer des écoles primaires réservées
aux enfants. D’autre part, on comprend de mieux en mieux aujourd’hui que ces
écoles doivent dispenser une éducation communautaire,comme l’indiquela décla-
ration ci-aprèsfaite en 1949lors du stage d‘études interaméricain sur i‘analphabé-
tisme et l’éducation des adultes:a L’école primaire est l’écoledu peuple. C’est par
son intermédiaire que l’éducation de base atteint les masses. Ce n’est pas simple-
ment un instrument de transmission de la culture; c’est une institution dont le
champ d’actionest immense et qui exerce une influence directricesur le plan social1.»
Beaucoup de pays ont adopté des vues analogues. C’est ainsi que l’annuaire de
I 950 de la Philippine Association of School Superintendents précise qu’aux Philip-
pines, l’école ((fait sentir son influence sur les membres de la communauté bien
au-delàdes murs de la classe,dans leurs foyers,au cours de leurs travaux et de leurs
divertissements,ainsi qu’en toutes autres occasions.Elle a pour objet non les livres,
mais la vie m ê m e des enfants et des adultes. Ses activités ont le caractère de la vie
et non d’une imitation2».Pour que l’enseignementde la lecture et de l’écrituredonné
dans de tels établissements soit pleinement valable, il faut que ses programmes et
ses méthodes permettent d’inculqueraux enfants les connaissances théoriques et pra-
tiqyes dont ils ont besoin pour atteindre les objectifs essentiels d’ordre individuel
et social auxquels les écoles ont mission de leur permettre d’accéder.
Ainsi l’humanité doit faire face à l’heureactuelle à un problème immense:donner
à plus de la moitié des habitants du monde une éducation judicieusement conçue
et compléter la formation des millions d’enfants et d’adultesqui ont fréquenté une
école ou des cours d’adultes,mais sans atteindre le niveau de l’instructionfonc-
tionnelle.
LES TYPES D E L A N G U E
Aujourd‘huil, l’écriture chinoise est la seule qui utilise exclusivement des idéo-
grammes, c’est-à-diredes caractères représentant un concept-mot. Mais elle est
employée par un cinquième de la population du globe. Pendant des centaines d’an-
nées, chaque communauté de la Chine a prononcé les mots correspondant aux
mêmes caractères suivant son dialecte propre. Les habitants des différentes parties
du pays pouvaient donc lire et comprendre la même langue écrite,mais il leur était
en général impossible,s’ils ne parlaient pas le m ê m e dialecte, de se comprendre
ou de comprendre un texte lu à haute voix.
Les idéogrammessont les éléments constitutifs de la langue écrite chinoise. E n
écriture imprimée,les caractères se présentent sous la forme de carrés de surface à
peu près égale et composés de différentes sortes de traits. Suivant les caractères,le
nombre des traits varie de un à cinquante-deux;le plus souvent,il est inférieur à
quatorze2.
Le chinois est une langue monosyllabique3,C’est-à-direque chaque syllabe re-
présente généralement un seul morphème. Il ne possède ni modifications phoné-
tiques, ni préfixes ou suffixes de caractère flexionnel servant à indiquer le nombre,
la personne, le genre, etc. Si besoin est, ces relations sont précisées par des mots
appropriés.Dans la langue classique,encore largementemployée aujourd’hui,chaque
syllabe (représentéepar un seul caractère) est un mot, et les seules règles de gram-
maire sont des règles de syntaxe. Dans la langue parlée moderne, des mots poly-
syllabiques (généralement disyllabiques), dérivés ou composés, ont été formés à
partir de morphèmes monosyllabiques,exactement comme en anglais dropbt (goutte-
lette) est formé de drop (goutte) et du sufie diminutif -let, ou comme schoolhouse
est formé de school et de house. La langue a encore plus de souplesse grammaticale que
l’anglais.C o m m e les mots anglais cost et set, de nombreux mots chinois peuvent être
verbe, nom ou adjectifselon la place qu’ilsoccupent dans la phrase. En règle géné-
rale, l’ordredes mots est le suivant: sujet,verbe, objet ou complément.Mais cer-
taines phrases peuvent comporter un verbe et pas de sujet, ou seulement unsujet
et un prédicat substantif.
Le chinois est aussi une langue i( tonale ». O n appelle ton la hauteur du son ou
son accentuation musicale, ou seulement une variation de cette hauteur ou de cette
accentuation... Les tons ont une extrême importance;ils caractérisent le mot au
même titre qu’une voyelle. Sans le ton, on ne peut identifier le mot. U n mot pro-
noncé sur un ton grave signifie une chose; prononcé sur un ton plus élevé, il en
signifieune autre;sur un ton plus élevé encore,il en signifie une troisième4.D e même,
le mot anglais b-b ne peut être identifié si l’onignore quelle est la voyelle intermé-
diaire: a, e, i ou u. Il ne faut pas confondre le ton avec l’accentuationet la valeur,
longue ou brève, des voyelles dans les langues indo-européennes.Si compliqués et
si nombreux que soient les caractères chinois, il arrive fréquemment qu’un m ê m e
caractère serve à désigner des mots différents,ou qu’un même mot soit écrit avec
différents caractères. Mais ce sont là des exceptions sans grande importance.
I. Antérieurement à la réforme décidée au début de 1956. [N.D.L.R.]
z. WANG, Fung Chiai, « A n experimental study of eye movements in the silent reading of Chinesen,
Elementay school journal, mars 1935,p. 5‘27-539.
3. DE FRANCIS,John Francis, Nationalism and language reform in China, Princeton (N.J.), Princeton
University Press, 1950, chap. 8.
4. DIRINGER,op. cit., p. 98, gg.
I n f i m e des caractéristiques de la langue sur l’enseignement de la lecture et de l‘écriture
I. WANG,
op. cit., p. 528.
2. CHU CHING-NUNC (en collaboration), Chaio yu ta tk’u shu (Encyclopédiede l’éducation), Shanghai
Commercial Press, 1935.
DE FRANCIS,
John, op. cit., chap. 4.
53
L‘enseignement de la lecture et de récriture
dans les écoles primaires. La prononciation locale devait être remplacée par la pro-
nonciation nationale normalisée,enseignée à l’aide de 37 symboles phonétiques. En
règle générale,chaque caractère était représenté par un, deux ou au plus trois sym-
boles phonétiques. Cette décision ne fut pas universellement appliquée dès le début,
mais on se rendit compte de l’utilitédes symboles phonétiques pour l’enseignement
de la lecture, et leur emploi se répandit largement.
Dans les livres destinés aux classes élémentaires, les caractères sont désormais
accompagnés des symboles phonétiques correspondants. En général,chaque carac-
tère est représenté par un,deux ou trois symboles -soit,d’ordinaire,une consonne
et une voyelle et, parfois, une médiale. Dans le mot Chang, ch est une consonne, a
une médiale, et ng (combinaison extrêmement fréquente) une terminaison voca-
lique.
O n commence par enseigner à l’élève les symboles phonétiques,un à un,comme
dans la méthode phonétique. Lorsque l’élèveconnaît tous les symboles et commence
à savoir les combiner, on lui présente les caractères chinois, accompagnés de leurs
symboles phonétiques. A mesure que l’élève se familiarise avec les caractères, les
symboles sont abandonnés. Dans les livres destinés aux grandes classes, ils ont dis-
paru complètement.Lorsque l’élèverencontre un caractère qu’il ne connaît pas, il
le cherche dans un dictionnaire où les caractères sont accompagnésde leurs symboles
phonétiques.
Dans la pratique,diverses méthodes pédagogiques ont été employées. Dans cer-
taines écoles, on a expérimenté la méthode des phrases. Pour les premières leçons
de lecture, on utilise des phrases très simples. L’élève apprend à reconnaître les
nouveaux caractères à mesure qu’ils se présentent. Lorsqu’il s’est familiarisé avec
les sons fondamentaux des mots qu’il connaît,on lui apprend les symboles phoné-
tiques. Par la suite,ceux-cisont imprimés à côté ou au-dessusdes nouveaux carac-
tères. D e toute évidence, les méthodes d’enseignement de la lecture, dans le cas
d’une langue comme le chinois, sont conditionnées par les caractéristiques de la
langue.
Il en va de même pour l‘écriture:les caractères doivent être enseignés un à un.
Autrefois, l’élèves’exerçaitd’abord à passer à l’encrenoire des caractères imprimés
en rouge. Après plusieurs mois, lorsqu’il avait appris à manier le pinceau, on lui
faisait copier des modèles spécialement destinés à son intention. L’essentiel était
d’apprendre à reconnaître et à reproduire exactement tous les détails des carac-
tères. L’entraînementse poursuivait aussi longtemps qu’il le fallait,souvent toute
la vie dans le cas des lettrés. Nombre de ces méthodes classiques restent en usage.
Actuellement, on commence en général par apprendre à l’élève à écrire les sym-
boles phonétiques et les traits essentiels des caractères. Puis on lui fait copier des
modèles établis par des spécialistes de l’écriture:d’abord des caractères de dimen-
sions moyennes, puis de petits et de grands caractères. L’habitude de l’expression
et de la composition écrites est développée par un exercice consistant à recopier des
passages modèles.
1. D’après le Su ch’éng shih tzufa chiao hsueh shon ts’é (Manuel d’enseignementde la lecture des carac-
tères chinois par la méthode accélérée), publié par T h e East Asia People’s Publishing Society,
Shanghaï, 19.52;et d’après diverses autres sources.
54
Injuence des caractéristiques de la langue sur l‘enseignement de la lecture et de l’écriture
tionaux. Grâce à l’emploi de tableaux, chaque symbole est associé à l’image d’un
objet familier, dont le nom représente un son également familier. Des chansons
aident l’élève à retenir la prononciation et l’ordredes symboles. O n estime que les
trente-septsymboles peuvent être appris ainsi en six heures. Ensuite,l’élèveapprend
à lire les mots du langage parlé, représentés par leurs symboles. Pour épeler les
mots,l’élèverépète plusieurs fois à haute voix les symboles correspondants. Diverses
phrases contenant ces mots sont données comme exemples. Bien entendu,la pro-
nonciation n’est pas correcte dès le début, mais elle s’améliorepar la pratique. Cet
apprentissagedure trente heures.
La deuxième étape consiste d’abord à lire et à expliquer des caractères accom-
pagnés de leurs symboles phonétiques. Le matériel de lecture comprend quatre
volumes,représentant un vocabulaire choisi de 2.000 caractères. Les caractères sont
présentés méthodiquement, groupés suivant les analogies de forme, de sens ou de
son.O n insiste,au cours de cette étape,sur la prononciation et le sens des mots. Dès
que l’élève sait reconnaître un caractère,les symboles phonétiques correspondants
ne sont plus employés. Dans une classe expérimentale, les élèves ont appris ainsi,
au début, trente caractères en deux heures chaquejour. Suivant le manuel, l’élève
apprend ainsi 1.500 à 2.000mots en une centaine d’heures.
Au cours de la dernière étape, l’élève apprend à lire des manuels et d’autres
textes, pour se familiariser avec l’emploi pratique des divers caractères et avec la
construction des phrases. La lecture à haute voix joue ici le rôle essentiel. En m ê m e
temps,l’élèveapprend à écrire, à composer,à respecter les règles de la ponctuation
et à se servir des dictionnaires. Cet apprentissage dure cent cinquante heures en-
viron; à la fin,l’élève doit savoir lire un journal et écrire des lettres simples ou de
courts billets en utilisant un minimum de caractères.Au total,les trois étapes repré-
sentent environ trois cents heures de travail.
Problèmes actuels.
Depuis des dizaines d’années,les personnes et les institutions compétentes étudient
la question du vocabulaire de basel. O n insiste à ce propos sur la nécessité de rem-
placer les mots et les formes de la languelittéraire par leurs équivalentsvernaculaires,
et sur l’intérêt qu’il y aurait à simplifier les caractères chinois. O n envisage m ê m e
la possibilité d’adopter un système phonétique pour remplacer les caractères tradi-
tionnels. D e Francis2 rend compte des divers essais qui ont été faits pour mettre
au point un système de caractères-sons-lettresapplicables à la langue chinoise.
Ces problèmes et divers autres ont été étudiés récemment par W i e Chueh3,vice-
président du comité de recherches sur la réforme de la langue chinoise écrite. Wie
Chueh conclut que la structure de la langue chinoise écrite affecte au plus haut point
l’enseignementde la lecture et de l’écriture.Une réforme s’imposede toute urgence.
Aussi le comité de recherches a-t-ilété chargé, en 1952:a u) d’établir un plan en
vue de simplifier les caractères chinois; b) de mettre au point un nouveau système
phonétique pour la langue chinoise écrite». La réforme d’une langue qui est em-
ployée depuis des milliers d’annéesreprésente une tâche gigantesque,qui sera menée
à bien en deux étapes.
Le premier objectifest de simplifier les caractères chinois actuels. Deux mesures
1. Voir: Chi pén tzd hui (Vocabulaire fondamental de caractères chinois), par Chuang Chai-hsüan,
publié par la Chung H u a Book Company, Shanghaï, 1938. (Etude du vocabulaire de base et
liste comparative de 5.262 caractères, établie d’après six ouvrages.)
2. DE FRANCIS,
op. cit.
3. CHUEH, Wie, «The problem of reforming the Chinese written language)), People’s China, IO, 1954.
p. 18-26.
55
L’enseignement de la kcture et de l’écriture
seront prises à cet effet: a) lorsque plusieurs caractères ont la même prononciation,
un seul sera conservé; 6) on diminuera autant que possible le nombre des traits
qui composent chaque caractère. Le comité a déjà retenu environ 500 caractères
simplifiés a bien plus faciles à lire et à écrire que les caractères primitifs ». Après
une période d’étudeset d’expérimentation,ces caractères simplifiés a seront officielle-
ment approuvés».
Le deuxième objectifest de mettre au point un système phonétique chinois per-
mettant d’écrire la langue commune (appeléeautrefois le mandarin) conformément
à la prononciation de Pékin. Après expérimentation et revision du système,il sera
possible de publier un dictionnaire phonétique de la langue chinoise. Ensuite,
a l’emploi du nouveau langage phonétique sera progressivement généralisé ».
Le cas de la langue chinoise illustre de façon frappante l’influenceque la forme
et la structure du langage écrit exercent sur les problèmes et sur les méthodes de
l’enseignement de la lecture et de l’écriture.En ce qui concerne le chinois, ces pro-
blèmes sont si complexes que la langue écrite doit être modifiée radicalement si l’on
veut que toute la nation chinoise sache lire et écrire.
La plupart des langues s’écriventau moyen de caractères qui représentent des sons1:
parfois, il s’agit de sons syllabiques;le plus souvent, des phonèmes qui constituent
les éléments phonétiques de la langue. Le japonais est la seule langue importante
où les caractères représententdes sons syllabiques.Depuis quelques années,certaines
populations de l’Afriqueet les Indiens Cherokee aux États-Unisemploient aussi des
caractères phonétiques syllabiques.
I. BODMER,Frederick, The loom of language, New York, W.W.Norton and Company, 1944,p. 47.
56
InJuence des caractéristiques de la langue sur l‘enseignemmt de la lecture et de l’écriture
La langue japonaise.
Le japonais écrit est un mélange de caractères chinois et de caractères phonétiques
syllabiques, dits symboles kana (voir exemple carte insérée entre les pages 24
et 25), qui se combinent suivant les règles syntaxiques du japonais. L’origine de
cette forme unique d’écriture est bien connuel. Le japonais a d’abord été écrit en
caractères chinois. Mais on s’aperçut à l’usage que ces caractères ne convenaient
pas à la languejaponaise, qui est une langue polysyllabique et agglutinante,où les
mots-racines et leurs dérivés sont modifiés par l’adjonction de racines secondaires,
lesquelles perdent progressivement leur valeur propre pour devenir des affixes ou
des infixes. Les Japonais tentèrent d’abord de représenter ces éléments par les
caractères chinois ayant le même son. Mais ce système était très incommode, et
ils furent ainsi amenés à créer des caractères phonétiques syllabiques.
Les caractères syllabiques japonais,ou kana, sont de deux sortes1:les kata-kana
(style N rigideD), qui ont surtout été employés autrefois, dans les ouvrages savants,
les documents officiels,et pour la transcription des noms propres et des noms étran-
gers; et les hira-gana (style simple ou cursif), qui sont employés dans les journaux,
les romans et, de façon générale,dans la vie courante. Bien que les caractères kana
ne constituent pas une véritable écriture syllabique,le japonais peut s’écrire soit
entièrement en symboles kana (hira-gana ou kata-kana), soit à la fois en caractères
chinois et en symboles kana. Dans ce dernier cas, les symboles kana sont employés,
d’une part, pour représenter ce qui est proprement japonais et, d’autre part, pour
donner aux caractères chinois la fonction grammaticale et les inflexions voulues. La
plupart des adultes emploient, lorsqu’ils écrivent, à la fois les caractères chinois et
les symboles kana. Les enfants,qui ne connaissent qu’un nombre limité de symboles
chinois, utilisent surtout les symboles kana.
Les syllabes que représentent les symboles kana se combinent pour former des
mots; il peut arriver qu’un mot ait deux ou plus de deux sens. Dans la langue
parlée, ces homonymes se distinguent par l‘inflexion de la voix, qui s’élève ou
s’abaisseà la fin du mot, ou par l’emploid’un mot auxiliaire,pouvant consister en
une combinaison de syllabes. Dans la langue écrite seul le contexte permet de dé-
terminer le sens.
Le kata-kana et le hira-pana comprennent l’un et l’autre 47 syllabes, qui sont
en usage depuis des siècles. Il y a en outre un signe pour le n, qui n’existe qu’en
combinaison.
a A la différence des signes kata-kana, les hira-gana comportent de nombreuses
variantes... dont 102 environ sont employées en imprimerie. Dans l’écriturecou-
rante, on emploie d’ordinaire un signe pour chaque syllabe. L’écriture hira-gana a
un caractère cursif très accusé; la fréquence des ligatures en rend la lecture ex-
trêmement difficile2.D Les signes kana ne représentent que des syllabes ouvertes
(consonnes suivies de voyelles). C’estle seul type de syllabe que connaisse la langue
japonaise. Des signes diacritiques permettent de distinguer les sons voisins.
Des milliers de caractères chinois ont été employés dans l’écriturejaponaise.A la
suite de recherches et d’énergiquescampagnes,le nombre en a été progressivement
réduit.U n règlement récent3fixe à 881le nombre de ceux qui doivent être enseignés à.
I. 1.J., OP.dit., p. 159.
GELB,
2. DIRINCER,
op. cit., p. 173.
3. KURASAWA, Eikichi, Outline theory of national language education,Tokyo, IwasakiShoten, 1950,96pages.
(Teaching profession series, no 20.)
51
L’enseienement de la lecture et de l’écriture
Problèmes particuliers.
59
L’enseignement de la lecture et de l’écriture
les mots. Selon Denys d’Halicarnasse, nous apprenons successivement le nom des
lettres, puis leur forme et leur valeur, les syllabes qu’elles forment et leurs flexions
normales. Puis nous commençons à lire et à écrire, d’abord syllabe par syllabe,
jusqu’à ce que nous ayons acquis une certaine pratique, puis de plus en plus cou-
ramment... Avec le temps, nous arrivons à lire à livre ouvert, sans nous occuper
des règles1.>) Cette méthode, dite méthode alphabétique d’enseignement de la lec-
ture, a été universellement appliquée pendant plus de deux mille ans.
Par la suite,dans les pays qui utilisent une langue alphabétique,certains éduca-
teurs firent valoir que, pour apprendre à lire, il fallait d’abord connaître non pas
le nom des lettres, mais le son qu’elles représentent,puisque la prononciation des
mots en dépend. Ainsi furent mises au point des méthodes phonétiques d’enseigne-
ment de la lecture. L’élève apprenait d’abord la valeur phonétique des lettres,puis
il formait des syllabes et des mots. Dès qu’il savait reconnaître les mots nouveaux,
on lui faisait lire des phrases,puis des passages plus longs.Les nombreuses améliora-
tions qui ont été apportées aux techniques d’enseignement de la lecture (voir
chap.v) visent toutes à permettre à l’élève de mieux reconnaître les mots d’après
le son des lettres. C’est là une méthode très différente de la méthode (< see and Say »,
employée pour enseigner les caractères idéographiques;elle diffère aussi à plusieurs
égards des méthodes employées pour enseigner les caractères syllabiques.
A une époque plus récente, on s’est demandé s’il y avait lieu d’accorder dès le
début une telle importance à la phonétique.O n a fait observer que la lecture a pour
objet de s’assimilerune pensée et que l’élèvedoit apprendre dès le début à saisir la
significationde ce qu’illit. Des méthodes dites des mots », << des phrases B ou << des
récits >> ont été élaborées en conséquence, pour les premières leçons de lecture. Dès
que l’élève possède un petit vocabulaire de base, les mots connus sont décomposés
en syllabeset en lettres,auxquellessont associés des sons.Ainsi,dans toutesles langues
alphabétiques,les méthodes d’enseignement de la lecture et de l’écritureaux enfants
et aux adultes consistent essentiellement à associer le son et la graphie.
60
Influence des caractéristiques de la langue sur I‘enseignernent de la lecture et de l’écriture
I. WALLIS, Ethel E.,{{L’analyselinguistique dans les méthodes mexicaines de lutte contre l’analpha-
bétisme», Education de base et éducation des adultes, vol. IV,no 4,octobre 1952,p. 18-19, Paris,Unesco.
2. GELB,op. cit., p. 197-198.
3. BLOOMFIELD, op. cit., p. 207.
61
L’enseignement de la lecture et de l’ém’ture
nécessaires pour dégager les règles qui gouvernent la formation des mots1. Evi-
dernment, ce qui est un mot dans une langue peut ne pas l’être dans une autre.
Enfin, certaines langues alphabétiques telles que le yoruba,qui est parlé dans la
Nigeria,sont des langues tonales. Les tons sont indiqués par des signes,qui diffèrent
d’unelangue tonale à l’autre.D’ordinaire,on enseigne ces signes dans les premières
leçons de lecture,mais on les omet souvent par la suite. Dans ce cas,le lecteur doit
d’abord comprendre le sens du passage pour pouvoir donner aux mots les valeurs
tonales appropriées.L’enseignementde la lecture dans les langues tonales pose donc
des problèmes particuliersz.Il en va de m ê m e dans les langues qui ont un accent
tonique.
En résumé, toutes les langues alphabétiques emploient des caractères qui cor-
respondent à des sons-lettres;mais elles diffèrent radicalement les unes des autres
par la forme et par la structure.Nous n’avons donné que quelques exemples de ces
différences.Le lecteur en trouvera une analyse plus complète et plus détaillée dans
les ouvrages de Bloomfield,Bodmer,Diringer,Gelb, Preston et Sapir. Les exemples
que nous avons donnés expliquent néanmoins certaines des différences qui existent
entre les méthodes d’enseignement.
62
CHAPITRE III
LE PROCESSUS DE LA LECTURE
DANS DIVERSES LANGUES
Ce que l’on a dit plus haut des facteurs sociaux et linguistiques qui entrent en jeu
lorsqu’ons’attache à répandre l’instructiondans le monde montre bien la diversité
des problèmes que l’on rencontre dans cette entreprise. Si nous devions arrêter ici
notre recherche de principes directeurs, nous pourrions conclure que les problèmes
de l‘enseignement du rudiment doivent recevoir dans chaque région linguistique
une solution plus ou moins spécifique.Il faut toutefois,avant de formuler cette con-
clusion, examiner avec autant d’attention les facteurs connexes d’ordre psycholo-
gique. Nous allons donc étudier les mécanismes fondamentaux que fait intervenir
le processus de la lecture dans les langues,et leur degré de similitude.Si nous cons-
tatons qu’ils sont semblables, nous nous efforcerons de définir les attitudes et les
mécanismes qu’il faut posséder pour lire, quelle que soit la langue.
D O C U M E N T A T I O N UTILISÉE
Les mécanismes mentaux que l’acte de lire met en jeu sont difficiles à décrire en
raison de leur nature même. Après avoir passé en revue les études antérieures,il
nous a semblé que nous devions analyser d’abord les faits fondamentaux révélés
par les enregistrements photographiques des mouvements des yeux. En effet, des
recherches précédentes ont montré que ces enregistrements constituaient une source
précieuse de renseignements sur les premiers éléments du processus de la lecture
et la façon dont le lecteur reconnaît les mots et en saisit le sens. O n possédait déjà
de tels enregistrementspour plusieurs langues,et l’ona pu s’enprocurer pour d’autres.
Dans l’exposéqui suit,nous utiliserons les résultats d’études diverses se rangeant
en quatre catégories:celles qui ont été faites en France et en Allemagne sur la lecture,
dans la deuxième moitié du x x e siècle, et qui ont montré la voie; les études très
poussées faites aux Etats-Unisdepuis rgoo sur les mouvements des yeux pendant
la lecture;les études du même genre concernant la lecture du chinois, du japonais
et de l’espagnol, faites depuis 1920;enfin, des études du processus de la lecture en
quatorze langues, effectuées spécialement aux fins du présent rapport. Les langues
étudiées emploient les trois catégories différentes de caractères utilisés actuellement
dans le monde. O n trouve aussi parmi elles des types de langue alphabétique très
divers. O n peut donc estimer que les résultats obtenus sont bien représentatifs.
L’enseiffnement d e la lecture et d e l’écriture
T R A V A U X D E P R É C U R S E U R S FAITS EN F R A N C E ET E N A L L E M A G N E
Certains faits relatifs au comportement des yeux pendant la lecture ont été décou-
verts tant par l’observationdirecte que grâce à l’emploi de divers dispositifs.
1. Le regard parcourt chaque ligne, de la gauche vers la droite, par une série de
mouvements brefs et vifs séparés par des pauses, et revient ensuite rapidement,
à travers la page, de la fin de la ligne au début de la suivante.O n a prouvé sans
contestation possible que le regard ne suit pas la ligne d‘un mouvement continu,
comme on le croyait primitivement.
2. En règle générale, le regard s’arrête de quatre à dix fois pour une ligne de
longueur ordinaire. La première fixation se situe non loin du début de la ligne
et la dernière à une distance un peu plus grande de la fin.
3. A u cours de la lecture d’un passage donné,le nombre de fixations est très diffé-
rent d’un lecteur à l’autre;aussi, la vitesse de lecture varie-t-elleconsidérable-
ment. Certaines personnes arrivent, dans le même temps, à lire sept fois plus de
texte ou même davantage que d’autres.
4. Pour un même lecteur,le nombre de fixations par ligne peut varier considérable-
ment, selon que le sujet lui est ou non familier,et que le texte présente pour lui
plus ou moins de difficulté et d’intérêt.
5- Le lecteur expérimenté fait dans chaque ligne un nombre de pauses relative-
ment faible lorsqu’ils’agitd’un texte simple et procède ligne après ligne à peu
près de même façon. Mais le nombre de fixations peut augmenter considérable-
ment si le passage devient plus difficile.
Les découvertes précédentes ont battu en brèche une opinion généralement admise
pendant longtemps, à savoir qu’on lit lettre par lettre. L’emploi d’un appareil
(tachistoscope) permettant d’exposer à la vue des lettres, des mots et des phrases
entières pendant de très courts instants, par exemple un dixième ou un cinquan-
tième de seconde, a permis de constater les faits suivants:
Ces constatations ont fait justice d’anciennes notions sur la lecture,selon lesquelles
elle se fait lettre par lettre, le regard parcourant les lignes d’un mouvement con-
tinu;elles ont aussi permis de formuler une nouvelle théorie de la lecture.Selon cette
théorie,le bon lecteur se préoccupe essentiellement du sens du texte.A chaque pause,
il reconnaît des mots ou des groupes de mots, globalement, c’est-à-dired’après leur
forme générale et leurs caractéristiques,et il parcourt des yeux chaque ligne aussi
vite qu’il peut en saisir le sens. Lorsqu’il rencontre des mots nouveaux,il doit faire
attention à leurs détails,mais à mesure qu’ilslui deviennent plus familiers,il lui faut
de moins en moins d’indices pour en reconnaître à la fois la prononciation et la
signification.
Cette nouvelle théorie était séduisante et a suscité des recherches sur la façon
dont la lecture se fait dans les différentes langues. Elle a également jeté quelque
doute sur la valeur des méthodes d’enseignementattachées à la technique de recon-
naissance des mots.
É T U D E S S U R L A LECTURE D E L’ANGLAIS
Des études détaillées sur la lecture de l’anglaisont été entreprises vers 1900.Prenant
pour base les importants travaux effectués en France et en Allemagne, des psycho-
logues ont élaboré des méthodes perfectionnées permettant de photographier les
mouvements de l’œil1.Tout d’abord, leur attention s’estportée sur la nature géné-
I. Des appareils spéciaux de prise de vues ont été mis au point pour cinématographier un rayon
de lumière émis par une lampe à azote ou une ampoule électrique. C e rayon de lumière, envoyé
par des miroirs de verre argenté sur la cornée de l’œil, est réfléchi sur l’objectif de l’appareil,
impressionnant un film qui se déplace d’un mouvement continu. Quand les yeux bougent, le
rayon lumineux est «sectionné» par un diapason aux vibrations électriquement entretenues et
L‘enseiRnemeni de la leciure et de l‘émhre
rale de l’acte de la lecture1.A mesure que ces études progressaient, les chercheurs
se sont préoccupés d’expliquer les différences entre bons et mauvais lecteurs et
entre la lecture à haute voix et la lecture silencieuse2,la formation des habitudes
fondamentales d’identification des mots depuis la première enfance jusqu’à l’âge
adulte3,et les répercussions qu’ont sur la façon de lire les diverses catégories de
textes lus, leur difficulté relative et l’objet même de la lecture4.
66
Le processus de la lecture dans diverses langues
(a) One
IO 6 9 8 5
1 5
I
(c) bedeckl. Der Reg
7 11 7
Fig. I. Exemples d’enregistrementsdes mouvements des yeux en trois langues: a) un étudiant améri-
cainl; 6) un bon lecteur françaisz; c) un Allemand lisant sa langues.
Les données que l’on possède aujourd’hui permettent de conclure que les lec-
teurs expérimentés procèdent essentiellement de la m ê m e manière lorsqu’ils lisent
silencieusementun texte simple,que ce soit en français,en allemand ou en anglais.
Ces lecteurs reconnaissent des mots ou des groupes de mots à chaque fixation du
regard et parcourent les lignes aussi rapidement qu’ils peuvent comprendre ce
qu’ils lisent. Quand la difficulté du texte augmente, ils font davantage attention à
chaque mot en particulier. Le lecteur expérimenté surmonte les difficultés qu’il ren-
contre dans la lecture, d’une façon méthodique et efficace.
Malheureusement,tous les adultes qui ont appris à lire n’ont pas tous des habitudes
également bonnes. Buswel14 a mis ce fait particulièrement en évidence en rangeant
par ordre de valeur, du meilleur au plus mauvais, des enregistrements des mouve-
ments oculaires de huit adultes faisant de la lecture silencieuse. Nous reproduisons
dans la figure 2 le premier, le cinquième et le huitième de la série.
Le premier enregistrement est celui d’un lecteur excellent. O n voit qu’à chaque
fixation,il a identifié deux mots ou davantage et que son regard a parcouru régu-
lièrement la ligne de la gauche vers la droite. Par là, les sens des mots identifiés se
i
Afte the war
9
lie gave
c
7
e negro a little h
5
7 5 5 6 7 5
2 7
ar h
12 4 17 10 5 11 12 8 8 II
sont associés pour recomposer l’idée ou les idées exprimées par la phrase. U n tel
lecteur est capable de faire un large emploi de la lecture pour répondre à ses besoins
quotidiens ou pour se distraire.
La deuxième ligne représente un enregistrement opéré sur un lecteur moins
averti:les fixations ont été nombreuses,mais il n’y a qu’unerégression.Cette façon
de lire peut être qualifiée de lente et précautionneuse. Apparemment, le lecteur
ne connaissait pas assez bien le vocabulaire pour identifier instantanément les mots
par groupes de deux ou trois. U n lecteur de cette catégorie peut comprendre assez
bien un texte simple,mais il n’est pas capable de rivaliser de vitesse avec des gens
qui lisent mieux et se heurte à de nombreuses difficultés à mesure que les textes de-
viennent plus ardus. Il lui faut beaucoup d’entraînement avant de pouvoir lire
couramment,aisément et de façon agréable pour lui.
La troisième ligne représente l’enregistrementopéré sur un lecteur très médiocre.
O n constate que son regard a marqué de nombreux arrêts, qu’il s’est fixé jusqu’à
trois fois sur chaque mot et qu’il a parcouru irrégulièrement la ligne en revenant
parfois en arrière pour chercher des indices de la prononciation et du sens des
mots. La première fixation s’est faite trop loin du début de la ligne pour qu’il ait
pu reconnaître le premier mot: d’où le recul qui aboutit à la deuxième fixation.A
partir de là, on constate que la lecture a été très laborieuse.Une telle démarche
hésitante a souvent pour cause le manque d’un apprentissage systématique de la
lecture,une certaine négligence à l’égard des techniques d’identification des mots,
ou l’inaptitude à réfléchir en lisant. Quelle qu’en soit la raison,cet adulte est bien
mal préparé à tirer parti de la lecture pour ses besoins quotidiens ou pour atteindre
les objectifs de l’éducation de base.
D e multiples indices prouvent que les conclusions précédentes s’appliquentégale-
ment à la lecture du français et de l’allemand.
68
L e proczssus de la lecture dans diverses langues
Les toutes premières études faites en France et en Allemagne ont montré que sou-
vent les adultes lisent bien plus vite silencieusementqu’à haute voix. E n 1900,cette
découverte avait suscité un très vif intérêt, et nombre d’études ont été effectuées
ensuite particulièrement sur l’efficacitérelative de la lecture à haute voix et de la
lecture silencieuse, ainsi que sur les différents processus mis en jeu dans l’un et
l’autre cas. Huey,par exemple,a mesuré la vitesse respective de ces deux modes de
lecture,en anglais,sur des sujets pris parmi des étudiants d’université;il a constaté
qu’a en lisant silencieusement, ils avaient d’ordinaire une vitesse moyenne de
5,63 mots à la seconde,et de 8,21 mots au maximum »; en lisant à haute voix ils
atteignaient en moyenne 3,55 mots à la seconde à la vitesse ordinaire et 4,58 mots
à la vitesse maximum1».
Selon Huey,les bons lecteurs vont en moyenne de une fois et demie à deux fois
plus vite en lecture silencieuse qu’à haute voix.En étudiant les résultats individuels,
on a constaté que de nombreux adultes allaient trois, quatre ou même sept fois
plus vite en lisant silencieusement qu’en lisant à haute voix. D’autres chercheurs
ont signalé des différences du même ordre.Il s’ensuitque la lecture silencieuse prend
beaucoup moins de temps que la lecture à haute voix: en effet,lorsqu’onlit à haute
voix, la vitesse maximum est celle à laquelle il est possible de prononcer les mots,
tandis que dans la lecture silencieuse on peut aller aussi vite que l’on réussit à
comprendre ce qu’on lit.
Cette découverte a conduit les chercheurs à s’interrogersur l’efficacitérelative
des deux types de lecture en ce qui concerne la compréhension du texte. Piutner et
Gilliland2 ont, il y a déjà longtemps, procédé à des essais comparatifs avec des
élèves des classes II à XII incluse et avec des étudiants. Chacun des paragraphes
des textes utilisés dans les deux séries de tests contenait a une cinquantaine de
mots et sept idées distinctes ». Les résultats ont montré que le nombre d’idées com-
prises était sensiblement le m ê m e avec les deux méthodes. Plus tard,d‘autresétudes
ont établi qu’en général la lecture silencieuse permet de comprendre le texte un peu
mieux. Il faut signaler, toutefois, que beaucoup de gens qui lisent mal semblent
comprendre légèrement mieux lorsqu’ilslisent à haute voix,tandis que la plupart de
ceux qui lisent bien comprennent beaucoup mieux lorsqu’ils lisent silencieusement.
RÉSUMÉ
Il est ainsi établi que les démarches fondamentales de la lecture silencieuse sont
essentiellement les mêmes en anglais,en français et en allemand;que,d’un individu
à l’autre,la qualité de la lecture est extrêmement variable; enfin, que la lecture
silencieuse est beaucoup plus rapide que la lecture à haute voix et permet de com-
prendre le texte aussi bien, sinon mieux. Malgré le nombre et la complexité des
processus mis en jeu par la lecture, les enfants font des progrès rapides pendant
leurs premières années d’école.Bien qu’ils franchissent tous les mêmes étapes, cer-
tains avancent vite, d’autresbeaucoup plus lentement. Néanmoins,la plupart sont à
même, au bout de quatre ou cinq ans d’école,de lire parfaitement des textes simples
tant silencieusement qu’à haute voix. S’ils sont stimulés et guidés convenablement,
leurs progrès se poursuivent pendant toutes leurs études primaires et secondaires.
É T U D E S S U R L A L E C T U R E E N CHINOIS, E N J A P O N A I S ET E N E S P A G N O L
A u cours des trente dernières années, on a étudié aussi les mouvements des yeux
dans la lecture du chinois, du japonais et de l’espagnol.Nous résumons ci-après,
séparément,les principales conclusions de ces études.
L e brocessus de la lecture dans diverses 1anRues
LA LECTURE DU CHINOIS
Les études relatives à la lecture du chinois ont été assez nombreuses et approfondies.
Parmi les premiers chercheurs,beaucoup ont fait l’étudecomparée de la lecture en
chinois et de celle en d’autres langues. Ils ont montré de façon concluantel que
malgré la grande différencedes caractères les processus fondamentaux sont essen-
tiellement les mêmes pour le chinois que pour le français, l’allemand et l’anglais.
Le regard parcourt chaque ligne,qu’elle soit verticale ou horizontale,par une série
de mouvements et de pauses et, en règle générale, l’œillit plusieurs caractères à
chaque fixation.O n a remarqué toutefois certaines différences.Le nombre de carac-
tères ainsi identifiés à chaque pause est plus grand en chinois que dans les autres
langues et, par suite,la lecture est plus rapide en chinois. O n a pu l’expliquerpar
le fait que les caractères chinois sont plus compacts que les mots français,allemands
ou anglais. D e plus, le nombre de fixations par ligne est plus élevé en chinois, en
partie à cause de cette compacité plus grande des caractères chinois.Alors que,dans
les autres langues,il est possible d’identifierdes mots assez longs lors d’une fixation,
il arrive que, parmi les caractères chinois occupant le m ê m e espace, il y en ait qui
ne soient pas clairement déchiffrés du premier coup.
Tous les chercheurs ont constaté qu’on lisait un peu plus rapidement les lignes
verticales que les lignes horizontales,et beaucoup d’entreeux ont essayé d’entrouver
la raison. Shen2, par exemple, a examiné l’influence possible des facteurs suivants:
la position relative des deux yeux;la façon dont les yeux sont ouverts; le fait que,
dans le sens horizontal,la liberté et l’amplitudedu mouvement des yeux sont plus
grandes et que la zone de vision nette est plus large;la nécessité d’ajuster constam-
ment la convergence et l’accommodation relative des yeux dans la lecture horizon-
tale; l’influence du mécanisme musculaire des yeux; et enfin la structure des carac-
tères chinois. Certains de ces facteurs paraissent faciliter la lecture verticale et
d’autres la lecture horizontale.Toutefois, Shen ainsi que d’autres auteurs3 ont for-
mulé une conclusion générale, à savoir que la supériorité de la lecture verticale est
due en grande partie, sinon en totalité, à l‘entraînement et à l’habitude.
Chez les adultes,la lecture silencieuse est plus ou moins rapide en Chine comme
ailleurs. Hu4, entre autres, a constaté,chez les cinquante et un adultes qui lui ont
servi de sujets d’expérience,une vitesse allant de 2,8 à 20,7 mots à la seconde, le
lecteur le plus rapide lisant dix fois plus vite que le plus lent. Il a constaté aussisque
les étudiants chinois lisent plus rapidement en silence qu’à haute voix. Pour un
roman, leur vitesse était de 3,7 mots à la seconde à haute voix et de 5 mots silen-
cieusement. Pour la prose, les moyennes étaient de 3,7 mots à la seconde (lecture
à haute voix) et 4,2mots à la seconde (lecture silencieuse); pour la poésie, 2,g dans
I. MILES,
W.R.,et SHEN, Eugene, ((Photographie recording of eye-movements in the reading of
Chinese in vertical and horizontal axes: methods and preliminary results»,Journal of experimental
psychology, vol. VIII, octobre 1925,p. 34+362.
CHEN, L.K.,et CARR, H.A.,«The ability of Chinese students to read in vertical and horizontal
directions)), Journal of ezperimental psychology, vol. IX, avril 1926,p. I 10-117.
2. SHEN, Eugene, «An analysis of eye-movements in the reading of Chinese)), Journal of experimental
psychology, vol. X, avril 1927,p. 158-183.
3. CHOU,Siegen K.,«Reading and legibility of Chinese characters»,Journal of experimental pyschology,
vol. XII, avril 1929, p. 156-177.
CHANG, Chung-Yuan, A study of the relatiue merits of the vertical and horizontal lines in reading Chinese
print, N e w York City, Columbia University, 1942. (Archives of psychology, no 276.)
CHENet CARR,op. cit.
4. Hu, I., A study of perceptual span in reading the Chinese anguage, Master of Arts Dissertation, Depart-
ment of Education, University of Chicago, 1926.
5. ID., An experimenial stu4 of the reading habits of Chinese, Doctor’s Dissertation, Department of
Education, University of Chicago, 1928.
7’
L’enseignement de la lecture et de l‘écriture
le premier cas et 3,4dans le second. Comparant ces chiffres avec les résultats d’en-
registrementsfaits pendant la lecture de textes anglais, H u les a trouvés (< remarqua-
blement concordants».
H u a été très impressionné par cette découverte, parce que la plupart de ses
sujets n’avaient appris à lire qu’à haute voix et ne s’étaientmis à lire silencieusement
qu’en raison,surtout, de la nécessité où leurs études les avaient placés d’étudierune
grande quantité de textes. Les données recueilliessemblentmontrer que tout Chinois
qui sait bien lire sa langue apprend tôt ou tard, comme le font ceux qui parlent
d’autres langues,à identifier les mots globalement et souvent par groupes de deux
ou trois,qu’il renonce à prononcer chaque mot, et qu’il parcourt le texte du regard
aussi vite qu’ilpeut en saisir le sens.H u a recommandé que la lecture silencieuse fît
l’objet d’un apprentissage spécial, et souligné qu’il était essentiel d’inculquer très
tôt de bonnes habitudes en matière de lecture aux enfants qui n’iront pas au-delà
de l’école primaire.
O n a aussi rassemblé une abondante documentation sur les progrès d’enfants
chinois dans l’apprentissagede la lecture. Ail, par exemple, comparant la vitesse
de lecture d’élèves appartenant à diverses classes (de la seconde élémentaire à la
sixième supérieure), a découvert que ces deux types de lecture sont pratiquement
aussi rapides l’une que l’autre en troisième année, mais qu’elles commencent à
différer en quatrième. En cinquième et en sixième année,la supériorité de la lecture
silencieuse est d’environ un mot à la seconde. Ai a pu conclure que, si le chinois
et l’anglais diffèrent radicalement de forme et de structure, la vitesse de lecture,
tant à haute voix que silencieusement,s’acquiert et se développe à peu près selon
le même rythme dans l’une et l’autre langue.
Une étude détaillée2portant sur le chinois vernaculaire et le chinois littéraire a
révélé que la première de ces deux langues était lue beaucoup plus couramment
que la deuxième,ce qui justifiait le choix du vernaculaire pour les livres de lecture
destinés à l’éducation populaire et aux besoins du grand public.
LA LECTURE DU JAPONAIS
Divers travaux ont également porté sur la lecture du japonais, mais nous ne con-
naissons les résultats que de trois d’entre eux3.Voici, résumées, les conclusions les
plus pertinentes de ces trois auteurs:
I. Les processus fondamentaux sont pratiquement les mêmes que pour le chinois
et l’anglais.Mais le nombre de fixations par ligne est supérieur,ce qui est dû,
selon les chercheurs,à la complexité de la langue japonaise écrite.
2. C o m m e pour le chinois, la lecture verticale est plus rapide que la lecture hori-
zontale, ce qui s’explique principalement par l’habitude et l’entraînement.
3. C o m m e pour toutes les autres langues,la lecture silencieuse est bien plus rapide
r. Ar, .J. W., «A report on psychological studies of the Chinese language in the past three deCades»,
Journal of genetic psychology, vol. L X X V I , juin 1950, p. 207120.
2. W A N G , Fung Chiai, «An experimentalstudy of eye-movements in the silent reading of Chinese)),
Eizmentary school journal, vol. X X X V , mars 1935, p. 527-539.
3. ATOMO, Shigeru,An experimental stuc$ of the eye-movementsmade by variouspersonsin the reading of Japanese
texts of dzyerent forrns, Doctor’s Dissertation, Department of Education, University of Chicago,
‘924.
TAKAMINE,H.,« O n the development of visual perception and its relation to Japanese syllabaries)),
Japanese journal of applied psychology, 2, 1933, p. 215-228. (Résumé en anglais dans Psychological
abstracts, no 2946, 1934.)
YAMAMOTO, Sango, « A n experiment on eye-movements in the reading of the Japanese language)),
Japanese journal of psychology, vol. X,décembre 1935,p. 773-789.
72
PLANCHE1. Alphabet syllabique indien cherokee et texte imprimé dans cette langue. d’après The nem
Chcrokee advocate, d u 25 aaût 1950.
Thai Français Anglais
PLANCHEII. Enregistrements des mouvements des yeux dans la lecture de trois langues alphabétiques
de gauche à droite.
s’écrivant
Espagnol Birman Hindi
PLANCHEIII. Enregistrements des mouvements des yeux pour trois autres langues alphabétiques
utilisant des lettres de formes très différentes.
Arabe Hébreu Ourdou
PLANCHEV. Enregistrements des mouvements des yeux pour trois langues orientales écrites dans de!
caractères différents.
Yoruba Yoruba Navajo Navajo
(Assez bon lecteur) (Mauvais lecteur) (Assez bon lecteur) (Très mauvais lecteur)
que la lecture à haute voix. Il faut noter que malgré la complexité de la langue
japonaise,ceux qui savent bien lire sont capables de déchiffrer à chaque fixation
un ensemble de caractères relativement important et de lire plus vite silen-
cieusement qu’à haute voix.
4. O n relève en outre, chez les adultes, des différences frappantes d’un sujet à
l’autre dans l’efficacité
de la lecture silencieuse.
LA LECTURE DE L’ESPAGNOL
Une étude1 des mouvements des yeux pendant la lecture de l’espagnol a été faite
par des membres de l’Institutde physiologie près le Département des sciences médi-
cales de Buenos Aires, au moyen d’un électro-encéphalographe Grass. Ayant pris
pour sujets des enfants, ils sont arrivés aux constatations suivantes:
I. L’unité d’identification est le mot ou le groupe de mots. (Cette façon de lire est
bien plus rapide et moins pénible que celle qui se fonde sur le déchiffrage lettre
par lettre ou syllabe par syllabe.)
2. U n entraînement spécial permet d’accélérer considérablement la vitesse de lec-
ture, tout en augmentant la longueur de texte identifiée à chaque fixation.
3. La vitesse de lecture est inversement proportionnelle à la difficulté du texte.
Les auteurs précités ont conclu que a la méthode natdrelle de lecture ne consiste
pas à lire lettre par lettre ou syllabe par syllabe,mais par groupes entiers de mots ».
C’est là, ont-ilsdit, c la base physiologique de la méthodologie moderne de la lec-
ture ».
RÉSUMÉ
I. MuNoz, J. M.,ODORIZ, J. B., et TAVAZZA, J., «Registre de los movimientos oculares durante la
lectura)), Revistu de la Sociedud Argentina de Biologiu, XX, avril 1944, p. 280-286.
2. HU, I., ~ jcit.,
. p. 135.
73
L’enseignement de la lecture et de C’écriture
ÉTUDES D E L A L E C T U R E D A N S Q U A T O R Z E L A N G U E S
NATURE DE L’ÉTUDE
74
Le processus de la lecture dans diverses langues
TABLEAU
3. Analyse des passages ayant servi à l'expérience.
O n voit que les deux premiers passages -des fables -étaient d'une difficulté tout
à fait comparable,et légèrement plus faciles que les deux autres passages. En anglais,
les deux passages de chaque série, imprimés en caractères de onze points, occu-
paient le m ê m e nombre de lignes, douze pour ceux de la première série, et treize
pour ceux de la seconde. Chaque passage, accompagné d'un ensemble de cinq
questions destinées à vérifier si le lecteur avait bien compris le texte, était traduit
dans les autres langues avec le m ê m e vocabulaire simple et la m ê m e simplicité dans
la structure des phrases.
O n n'a pas essayé de réduire les traductions au m ê m e nombre de mots ou de
lignes imprimées,ce qui aurait risqué d'entraîner l'emploi de formes inhabituelles.
O n trouvera au tableau 4 le nombre de mots et de lignes imprimées de chaque
passage dans chacune des langues considérées. Il est frappant de constater que ces
nombres varient considérablement:on peut en conclure que,selon la langue,chaque
mot représente plus ou moins d'éléments de l'idée exprimée,et aussi qu'une ligne
imprimée peut en contenir plus ou moins. Aussi convient-ild'être prudent dans
l'interprétation des données recueillies.
TABLEAU
4. N o m b r e de mots et de lignes des passages ayant servi à l'expérience, dans les
différentes langues.
~~
Epreuves d'enregistrement
Epreuves préliminaires des mouvements de l'œil
Langue No I No 2 No I No 2
Mots Lignes Mots Lignes Mots Lignes Mots Lignes
75
L’enseignement de la lecture et de l’écriture
La méthode suivie pour l’expériencea été la même pour tous les sujets. Tout
d’abord,l’examinateur lisait un passage de chaque série pour familiariser le lecteur
avec les conditions de l’expérience,avant que l’on enregistrât les mouvements de ses
yeux. Puis il donnait les instructions suivantes:
c Dans quelques instants,je vais vous demander de lire à haute voix ce passage
(il lui montrait alors le carton portant le texte imprimé). C’est une vieille fable que
vous avez très probablement déjà entendue ou lue. Lorsque je vous donnerai le
carton,vous le lirez à haute voix comme si vous vous adressiez à un groupe de per-
sonnes.Tout en lisant,faites bien attention au sens de ce passage,parce que je vous
poserai ensuite des questions à ce sujet. Voici le passage. Quand je dirai a Partez »,
vous vous mettrez à lire à haute voix. Etes-vousprêt ? Partez!>>
L’examinateur notait le temps mis par chaque sujet pour lire ce premier pas-
sage. Aussitôt après,il lui remettait l’ensemble de questions rédigées dans sa langue
maternelle, et lui demandait de marquer, entre les trois réponses proposées sous
chacune d’elles celle qui lui paraissait être la bonne. Puis,la deuxième fable était
lue silencieusement,dans les mêmes conditions que précédemment.L’épreuve pré-
liminaire ainsi terminée, l’examinateur faisait lire de la même façon la deuxième
série de textes:mais cette fois,les mouvements des yeux étaient photographiés. Pour
éliminer les effets de l’entraînement,l’ordredans lequel les passages de chaque série
étaient donnés à lire était renversé d’un lecteur à l’autre.
O n trouve dans le tableau 5 les moyennes des résultats obtenus par l’ensemble des
sujets, à haute voix et silencieusement. C o m m e on le voit, on remarquera que les
résultats obtenus dans les deux catégories d’épreuves sont tout à fait voisins, qu’il
s’agissede la vitesse ou de la compréhension. La comparaison est assez valable du
fait que les deux passages de chaque série comprennent à peu près le même nombre
de mots et de lignes imprimées.O n peut en conclure que la lecture silencieuse a été,
en moyenne, bien plus rapide que la lecture à haute voix. Il en a été de même pour
la moyenne réalisge dans chacun des groupes linguistiques.En outre,la différence
entre les vitesses moyennes de lecture à haute voix et de lecture silencieuse au cours
des épreuves préliminaires et des épreuves d’enregistrement a été essentiellement
la même au sein de chaque groupe. Si certains résultats individuels se sont écartés
notablement de la moyenne, les exceptions aux constatations ci-dessusont été rela-
tivement peu nombreuses.
Les valeurs moyennes de la compréhension dans les deux épreuves préliminaires
ont été très voisines. Il en est de même pour les épreuves d’enregistrement.Cette va-
leur moyenne de la compréhension a été bien plus stable,d’un groupe linguistique
à l’autre,que celle de la vitesse. D e plus la valeur de la compréhensiona été notable-
ment plus élevée dans les épreuves d’enregistrementque dans les épreuves prélimi-
naires. A cela, il y a deux raisons possibles: de nombreux sujets ont indiqué qu’ils
avaient porté plus d’attention au sens du texte dans les deuxièmes épreuves afin
de compenser les fautes qu’ils s’imaginaientavoir commises dans les épreuves préli-
minaires.Mais il est un fait encore plus important: c’est que la quasi-totalitéd’entre
eux ont affirmé que les textes de la deuxième catégorie d‘épreuves les avaient bien
plus intéressés que les fables et les avaient obligés à concentrer davantage leur atten-
tion sur le sens de ce qu’ils lisaient. Ces constatations et ces explications justifient
l’hypothèse selon laquelle les enregistrements des mouvements des yeux témoigne-
raient, dans chaque langue, d’une lecture silencieuse relativement attentive.
La présentation des faits révélés par cette expérience aura lieu en deux temps. O n
reproduira d’abord,pour chaque groupe linguistique,un enregistrement1,générale-
ment l’un des plus clairs, dont on décrira les caractéristiques essentielles en sou-
lignant les processus fondamentaux mis en jeu par la lecture; puis on donnera et
on commentera un résumé quantitatif de tous les faits mis en lumière.
La planche II représente des enregistrements relatifs à trois langues alphabé-
tiques: le thaï, le français et l’anglais. Etant donné que la pellicule défile à
vitesse constante dans l’appareil de prise de vues, les mouvements oculaires notés
dans ces trois enregistrementsont eu la même durée totale. Les deux lignes parallèles
tracées sur chaque enregistrement représentent les mouvements des deux yeux. Le
fait qu’elles sont plus proches l’une de l’autre dans certains enregistrements que
dans d’autres ne signifie rien. En comptant les points, on obtient, en trentièmes de
seconde, le temps qu’il a fallu pour lire chaque ligne.
Pour interpréter ces enregistrements,il faut regarder d’abord (sur la planche II)
le haut de l’enregistrement français et suivre les deux lignes pointillées parallèles
jusqu’au point où brusquement elles sont déportées vers la gauche. Le point le
plus à gauche correspond au début de la lecture d’une nouvelle ligne.D e ce point-là
jusqu’au saut suivant vers la gauche, l’enregistrement traduit les mouvements des
yeux pendant la lecture d’une ligne entière: tout d’abord,le lecteur a porté son
regard sur un point voisin de l’extrémité gauche de la ligne et l’y a maintenu pen-
dant huit trentièmesde seconde;puis, son regard s’est déplacé vers la droite et s’est
fixé à nouveau. Ce mouvement s’estrépété trois fois avant que le regard n’atteignît
l’extrémité de la ligne. Puis,le lecteur est revenu au début de la ligne suivante et a
procédé de même. L’enregistrement représente la lecture de trois lignes.
Parfois,au cours de la lecture,le regard revient en arrière,vers la gauche,comme
on le voit par exemple à la première ligne de l’enregistrementanglais.Dans ce cas,
évidemment,la première fixation a eu lieu trop loin à partir du début de la ligne
pour que le lecteur pût déchiffrer clairement la totalité de ce premier segment de
ligne. U n deuxième mouvement régressifs’est produit à la fin de la deuxième ligne
du m ê m e enregistrement.Ces régressions se produisent généralement lorsque le lec-
teur n’a pas identifié nettement un mot lors de la pause précédente, ou n’en a pas
bien compris le sens.
Ces trois enregistrements sont remarquables par leur similitude,en dépit du fait
qu’en siamoisles mots d’une m ê m e plume sont accolés les uns aux autres. D e même,
les différences dans la forme des lettres et dans leur disposition sous forme de mots
n’ont pas modifié les processus fondamentaux de la lecture. Dans chaque cas, le
77
L’enseignement de la lecture et de l‘écriture
78
Le processus de la lecture dam diverses laques
de ligne et lire plus rapidement. Le deuxième lecteur de yoruba était bien moins
avancé. L’enregistrement ne représente qu’une partie d’une ligne. L’examen de
l’ensemble de cet enregistrement montre de nombreux mouvements régressifs et
beaucoup d’arrêts d’hésitation;en effet,le sujet était très lent à déchiffrer les mots
et à en saisir le sens,et il a senti le besoin de relire de nombreux fragments de ligne.
D’ordinaire, de telles difficultés sont surmontées grâce à un enseignement minu-
tieusementgradué et à de nombreux exercices de lecture.Il convientde signalerici que
certainssujets ont déclaréavoir éprouvé quelque difficultédu faitde l’ordredanslequel
le traducteur avait placé les mots ou du manque de signes indiquant l’intonation.
Le troisième enregistrement à partir de la gauche, dans la planche VI,est celui
d’un assez bon lecteur en navajo. Bien que celui-cifût un autodidacte,l’enregistre-
ment révèle sa tt maturité >> en tant que lecteur, due surtout au fait qu’il avait lu
tout ce qu’il avait pu trouver d’écrit en navajo et avait pour cette raison fait de
grands progrès.Ce sujet a lu à peu près de la même manière que ceux qui, dans les
autres langues, avaient reçu une formation systématique. Il semble donc que les
sujets acquièrent cette (t manière >> caractéristique progressivement,à mesure qu’ils
sont plus expérimentés.
L’enregistrement de droite (planche VI) est celui d’un très mauvais lecteur en
navajo. A la différence du précédent,ce sujet avait très peu lu.O n constate sur l’en-
registrement de nombreuses fixations,de longues pauses et plusieurs mouvements
régressifs. Les observations faites pendant la lecture ont montré que, connaissant
trop mal beaucoup de mots pour les reconnaître instantanément, ce sujet étudiait
attentivement chaque mot, en prononçant séparément chaque lettre. Invité à dire
pourquoi il n’avait pas lu davantage,il répondit que c’était très dur pour lui et
qu’il ne lisait que lorsqu’il y était obligé. Il faut conclure de ce dernier exemple
que si l’enseignement de la lecture n’est pas poursuivi jusqu’au moment où l’élève
lit avec une facilité relative,celui-cirisque de ne lire guère par la suite. Peu à peu,
il oubliera les mécanismes et tous les efforts qu’il aura faits auront été inutiles.
79
L'enseignement de la lecture et de l'écriture
faibles, plus nombreuses sont les régressions. Elles sont plus nombreuses, tant dans
la lecture à haute voix que dans la lecture silencieuse, aussi bien pour l'ensemble
des sujets que pour chaque groupe linguistique,mis à paft le birman et le coréen.
Ces constatations concordent avec les conclusions des études antérieures. Dans la
lecture à haute voix,le lecteur peut revenir en arrière non seulement pour les mêmes
raisons que dans la lecture silencieuse,mais encore pour vérifier la façon dont il a
prononcé tel ou tel mot ou contrôler l'ordre exact des mots d'un passage pour déter-
miner ceux sur lesquels il fautinsister quand on lit à voix haute,parfois même simple-
ment parce que son regard va plus vite que sa voix.
Si l'on pousse plus loin l'analyse des données relatives à la fréquence des régres-
sions on note des différences frappantes d'une langue à l'autre. O n a essayé de les
expliquer par la nature des caractères utilisés,i'absence de séparation entre les mots
d'une m ê m e phrase,ou le nombre variable de mots qu'il faut,d'une langue à l'autre,
pour exprimer la même idée. Mais ces essais d'explication ont été infructueux. En
comparant les moyennes par langue, on a constaté qu'en règle générale,à quelques
exceptions près, le nombre des régressions était d'autant plus faible que le champ
de l'identification était plus large.L'analyse des enregistrementsindividuels a révélé
d'importantes variations au sein de chaque groupe linguistique. En général, c'est
chez les lecteurs les plus lents et chez ceux qui avaient un champ étroit d'identifica-
tion que l'on a constatéle plus grand nombre de fixations.Ces constatations donnent
à penser que le nombre des régressions ne dépend pas essentiellement de la langue
du sujet.
O n a cherché aussi quelles pouvaient être les causes des régressions dans les cinq
groupes linguistiques où elles ont été les plus fréquentes. Dans le cas du navajo,
TABLEAU
6.Efficacité relative de la lecture à haute voix et de la lecture silencieuse d'après les
enregistrements des yeux pour quatorze langues.
Anglais 7
Arabe 6
Birman 2
Chinois 7
Coréen 7
Espagnol 5
Français 5
Hébreu 6
Hindi 6
Japonais 7
Navajo 2
Ourdou 7
Thaï 6
Yoruba 5
Moyennes1 135 1,6 16,1 II,O 1933 2437
I. Ces moyennes sont calculées sur le total de tous les enregistrements individuels, sauf ceux qui
concernent la langue navajo. Les groupes linguistiques étant restreints et atypiques, on n'a pas
calculé les écarts types ou autres facteurs du m ê m e genre.
Le processus de la lecture dans diverses langues
beaucoup de ces mouvements en arrière ont été directement provoqués par la dis-
culté du déchiffrage proprement dit, et dans le cas du yoruba,par l’emploi de mots
, inhabituels dans la traduction et l’absence de signes indiquant l’intonation. Les
lecteurs d’arabe et d’hébreu ont précisé que le fait d’avoir été invités à lire très
attentivement chaque ligne avait provoqué chez eux de nombreux coups d’œil en
arrière. D’autre part, les lecteurs d’anglais avaient l’habitudede parcourir rapide-
ment du regard chaque ligne et de revenir souvent en arrière pour vérifier leurs im-
pressions premières.Toutes les observationsqui ont été faites confirment que nombre
de régressions sont dues plutôt au manque d’expérience du lecteur, à la façon dont
il a appris à lire et aux habitudes de perception qui lui sont particulières qu’à
la nature m ê m e de la langue en cause.
RÉSUMÉ
Ces recherches établissent que la nature générale de l’actede lire est essentiellement
la même chez tous les lecteurs expérimentés.Une telle conclusion est corroborée par
une étude récentel,faite par l‘examen des mouvements des yeux, des a modes de
lecture D de l’allemand et de l’anglaischez des sujets dont c’était,respectivement,
la langue maternelle. La conclusion de l’auteur est la suivante:(< Il n’y a pas de
différence perceptible entre les modes de lecture des Anglais et des Allemands instruits
parlant leur propre langue. D e plus, les habitudes de lecture ne subissent pas de
modificationapparente lorsqu’unde ces sujetsinstruits apprend à lire l’autrelangue.>>
La régularité de la lecture n’était perturbée que lorsque le sujet n’avait pas réussi
i( à saisir le sens d’une unité sémantiquependant que son regard parcourait la ligne
de gauche à droite».
Le lecteur expérimenté qui cherche à saisir le sens du texte procède par petits
sauts du regard alternant avec des pauses.A chaque fixation,il identifie les mots glo-
balement,c’est-à-dire d’aprèsleur forme générale et leurs caractéristiquesfrappantes.
La plupart du temps, il en identifie chaque fois deux ou trois. Quelquefois, le bon
lecteur revient en arrière pour bien reconnaître un terme non familier ou mieux
saisir le sens de ce qui vient d’être lu. La lecture à haute voix est nécessairement
plus lente que la lecture silencieuse et son mécanisme est quelque peu différent.
Enfin,le degré de compétence atteint par les lecteurs varie considérablement de l’un
à l’autre.
Le lecteur expérimenté possède parfaitement les attitudes et mécanismes de base
qui sont nécessaires pour bien lire à haute voix et pour lire en silence couramment
et intelligemment.Quelles que soient la forme et la syntaxe de la langue,ce lecteur
lit de façon réfléchie;il identifieles mots avec précision et sans confusions;il en re-
connaît un certain nombre à la fois;il parcourt régulièrementchaque ligne du regard
en ne jetant un coup d’œil en arrière que si cela est nécessaire; parvenu au bout
d’une ligne,il trouve avec précision le début de la suivante;enfin il sait faire la syn-
thèse des sens séparés des mots ou groupes de mots pour reconstruire les idées qu’ils
expriment et interpréter ces idées.
A u total,nous estimons que, quelle que soit la langue,l’enseignementde la lec-
ture doit tendre à développer ces attitudes et mécanismes de base. Beaucoup des
techniques particulières sans lesquelles on ne saurait former des élèves sachant bien
lire doivent être adaptées quelque peu, selon la forme et la structure de la langue
à laquelle on les appliquera; mais les maîtres, connaissant leurs objectifs communs,
sauront bien recourir à celles qui donnent les meilleurs résultats dans leur langue.
81
C H A P I T R E IV
Pour former des lecteurs,il faut connaître exactement les attitudes et les techniques
essentielles qui interviennent dans la lecture. O n y parvient dans une certaine me-
sure-comme nous l’avonsexpliqué-en photographiant les mouvements des yeux.
Mais notre connaissance de ces questions s’est surtout améliorée au cours des der-
nières années grâce aux travaux des psychologues et des spécialistesde la sémantique
et de l’enseignement de la lecture.
Dans le présent chapitre,nous étudierons les attitudes et les techniques qui pré-
sentent une importance fondamentale dans l’instruction fonctionnelle en matière
de lecture dans la langue maternelle. Il importe à cet égard de se faire de la lecture
une conception suffisamment large pour répondre à toutes les exigences de la vie
moderne.
VERS U N E C O N C E P T I O N PLUS L A R G E D E L A L E C T U R E
I. GRAY, Williams S.,Methoh and techniques of teaching reading,Le Caire, Instituteof Education, Ministry
of Education, Government Press, 1950,p. I 1-24.(Existe également en arabe.)
NATIONAL SOCIETYFOR THE STUDY OF EDUCATION, «The growth of a broad concept of readingn,
Reading in the high school and college, 47th Yearbook, part II, Chicago University Press, 1948,
p. 27-32.
2. OTIS,Arthur S.,((Considerations concerning the rnaking of a scale for the measurement of reading
ability)), Pedagogical seminal; vol. XXIII, décembre 1916,p. 528.
82
Attitudes et techniques nécessaires à l’instructionfonctionnelle en matière de lecture
Ces nouvelles conceptions se sont principalement formées dans les pays où on lit
beaucoup depuis des générations; on pouvait à juste titre se demander si elles re-
vêtent la même importance dans les régions moins développées. O n a donc procédé
dans le cadre d’expériences d‘éducation de base à des enquêtes sur la pratique de
la lecture chez les enfants et les adultesde ces régions. Les exemples analysés ci-après
sont classés en différentes catégories,suivant la difficulté des exercices.
Lecture de panneaux de signalisation portant des mots tels que << danger », << ar-
rêtez », a passez », etc. (pour se protéger);
Lecture des écriteaux des autobus (pour savoir lequel prendre);
Lecture des étiquettes des boîtes de conserves, des bouteilles de médicaments et
autres récipients (pour ne pas les confondre);
Lecture des noms de rues,des numéros des maisons et des noms des édifices publics
(pour se diriger).
Il s’agitici avant tout d’arriver à identifier les mots. Bien souvent,le lecteur y par-
viendra à première vue; dans d’autrescas, il devra mettre en œuvre les techniques
qu’on lui a enseignées. Mais en tout état de cause ceci ne suffit pas. La lecture de-
vient un acte essentiel lorsque l’enfantou l’adulteidentifie les écriteaux,les numéros
des autobus,les noms des rues et les étiquettes des boîtes de conserve dans une inten-
tion bien définie.Dès qu’il aura déchiffré l’inscription,il devra prendre une décision
pratique.Quoique la lecture proprement dite ait ici une portée limitée,elle est faite
d’ordinaire en vue d’un objectif plus large et implique de nombreux éléments de
réflexion.
L’enreignernent de la lecture et de I‘écriture
Le but principal consiste ici à saisir clairement le sens des textes,une fois les mots
reconnus. Les renseignements obtenus revêtent toute leur valeur lorsque le lecteur
interprète les faits.Si,par exemple,il a lu une notice ou un article indiquant qu’une
nouvelle route va passer par le village,il se demandera si cette route est nécessaire,
et quels effets, quels avantages ou quels désavantages en résulteront pour la com-
munauté et pour lui-même.C’est seulement lorsque le lecteur réfléchit ainsi sur
ce qu’il a lu et en détermine la portée et la signification à la lumière de l’ensemble
de ses connaissances,qu’il commence à trouver véritablement profit à sa lecture.
D e telles lectures sont tout aussi indispensablesdans les régions insuffisamment déve-
loppées qu’ailleurs. En Nouvelle-Guinée,par exemple, de nombreux indigènes
apprennent à lire pour le simple plaisir de lire. A peu près partout,on veut lire pour
satisfaire ses goûts ou sa curiosité, pour trouver dans la lecture un réconfort, ou
pour des motifs d’ordrereligieux. Pour cela,il faut acquérir les attitudes et les tech-
niques dont nous avons parlé. Il importe que la lecture suscite des imagesvisuelles,
auditives et kinesthésiques,ainsi que les réactions affectives appropriées.
Dans les régions insuffisamment développées,la lecture présente différentsaspects
et exige des efforts considérables.En conséquence,il est nécessaire, dans l’instruc-
tion fonctionnelle, de faire acquérir au lecteur des attitudes et des techniques très
d’iverses.
A T T I T U D E S ET T E C H N I Q U E S E S S E N T I E L L E S P O U R L ’ A P P R E N T I S S A G E
DE LA LECTURE
Bien des auteurs1se sont récemment attachés à définir les attitudes et les techniques
qui font de la lecture un exercice utile. Ces attitudes et ces techniques peuvent se
classer comme suit: savoir reconnaître les mots; savoir comprendre le sens; savoir
réagir de façon appropriée;savoir utiliser ou appliquer les idées acquises. Ces opéra-
tions correspondent de très près aux exigences de la vie moderne; nous allons les
examiner dans l’ordre indiqué ci-dessus.
Pour reconnaître les mots à la lecture,il faut deux conditions:concentrer son atten-
tion sur le texte écrit ou imprimé; évoquer les associations qui permettent de dis-
I. William S.,«Basic cornpetenciesin efficient reading)), dans:NATIONAL
GRAY, OF TEACHERS
COUNCIL
OF ENGLISH.Committee on Reading at the Secondary School and College Levels, Reading in an age
of m s communication, N e w York, Appleton-Century Crofts, 1949,chap. IV. .
L’emeignernent de la lecture et de l’écriture
Des centaines de spécialistes ont étudié la question depuis un siècle. Leurs conclu-
sions ont été analysées en détail par Huey2,Tinker3,Vernon“ et Woodworth5. Il
faut d’abordse demander comment on apprend à reconnaîtreles formes et les objets
en général.D’ordinaire les jeunes enfants perçoivent les objets nouveaux et inconnus
I. HAMILTON, Francis Marion, Th perceptual factors in reading, N e w York, T h e Science Press, 1907,
p. 52 et 53. (Columbia contributions to philosophy, psychology and education, vol. 17, no 1.)
2. HUEY, E d m u n d B., The psychology and pedagogy of reading, Part 1, N e w York, T h e Macmillan Co.,
1912.
3. TINKER, M.A.,((Visual apprehension and perception in reading», Psychological Bulletin, vol. 26,
avril 1929, p. 223-240.
4. VERNON, M . D., The experimental study of reading, Londres, Cambridge University Press, 1931,
chap.v et VI.
5. WOODWORTH, Robert S.,Psychologie expérimentale. Tr.d’aprèsla 4e éd. américainepar André Ombre-
dane et Irène Lézine (11e éd.), Paris, Presses universitaires de France, 1949, chap. XXIII et
XXVIII.(Bibli?thèque scientifiqueinternationale. Sciences humaines. Section psychologie.)
86
Attitudes et techniques nécessaires à l‘instructionfonctwnmlle en matière de lecture
1. GRAY, William S.,et HOLMES, Eleanor M.,Thedevelopment of meaning vocabularies in reading, Chicago,
University of Chicago Press, 1938, p. 6-9. (Publicationrof the Laboratory Schools of the Universiy of
Chicago.)
88
Attitudes et &chniques nécessaires à l’instructwnfonctionnelle en matière de lecture
pas apprendre à lire et à parler correctement,mais il leur sera difficile d’utiliser les
signes phoniques pour identifier les mots.
Le sens littéral.
C’est celui qui permet de répondre à la question a Que dit le texte ? ». Le sens
littéral de la phrase a L’eau du puits de notre village est bonne à boire D apprend
au lecteur deux choses: quelle eau est potable, et comment est l’eau du puits du
village.La compréhensiondu senslittéralfait entrer en jeu quatre grandes catégories
d’attitudes et de techniques.
C o m m e on l’a déjà souvent indiqué,pour bien
D e la curiosité d’esprit et de la rqexion.
lire il faut concentrer son esprit sur le sens du texte,ce qui aide à saisir la signification
des mots et à prévoir le déroulement de la pensée. Plus les mots employés,plus les
choses,les activités,les idées et les situations auxquelles se rapportent ces mots seront
familiers au lecteur, et plus nombreuses et vives seront les évocations suscitées dans
son esprit. Quand le lecteur rencontre un terme nouveau pour lui,il recourt aussitôt
à tous les moyens d’identificationdont on lui a appris l’usage.Quiconque n’adopte
pas en lisant une attitude réfléchie trouve, en général, difficile ou impossible de
suivre le sens du texte. L’aptitudeà reconnaître les mots et à saisir le sens du texte
dépend aussi en grande partie des connaissances,des attitudes,des préjugés du lec-
teur et de son état d’esprit du moment. D e graves erreurs sont souvent commises
par des élèves à qui on n’a pas appris à lire attentivement.
Les différentes significations évoquées par
Fusion des di$irentes signijicatiom en une idée.
les mots se fondent pour reconstituer les idées que l’auteur avait dans l’esprit en
écrivant. La figure 3 illustre le déroulement de ce processus.
Dans la phrase «L’eau du puits de notre village est bonne à boire» les deux pre-
miers mots n’ont qu’une signification très restreinte;puis la portée du texte se pré-
cise à mesure que le lecteur reconnaît les troisième,quatrième,cinquième,sixième et
septième mots. Cependant,il se borne à garder leur signification dans l’espritjus-
qu’à ce qu’il arrive à la fin de la phrase. Lorsqu’ildéchiffre le terme bonne ù boire, le
sens du passage se précise et s’amplifie dans des proportions considérables. Ainsi
l’idée qu’il acquiert en définitive résulte de la fusion des significations des différents
mots.
Il arrive fréquemmentque les premières représentationsne soient pas celles que
l’auteurdésirait évoquer.Ainsi, en lisant le vocable eau, il se peut que le lecteur ait
imaginé une rivière. Il lui faudra alors reviser sa première impression et, en fait,
modifier l’ensemble de son attitude d’esprit lorsqu’il en arrivera à la formule a du
puits de notre village>>.O n voit que la compréhension d’une phrase constitue un
processus mental au cours duquel diverses significations sont évoquées, acceptées
ou rejetées et ordonnées en fonction de la recherche du sens1.La plupart des élèves
tirent profit d’une formation qui les habitue à réfléchir en lisant, à se poser des ques-
tions sur le sens du texte.
Liaison et organisation des idées. Mais le lecteur ne doit pas se borner à trouver Ies signi-
fications exactes des mots et à les grouper en un tout intelligible. Il doit aussi saisir
le sens des phrases et des paragraphes par rapport à l’ensembledu texte et évaluer
leur importance respective. Enfin,il doit se rendre compte de la façon dont l’auteur
organise sa pensée (introduction,transitions, conclusions,etc.).
Il convient d’apprendredès le début aux élèves à reconnaître la suite et l’arti-
culation des idées. La lecture d’un récit très simple, qui comporte un commence-
ment,quelques épisodes et une conclusion,fournira une excellente occasion d’habi-
tuer les enfants à ce genre d’exercice.En ce qui concerne les adultes, on obtiendra
un résultat aussi satisfaisant en leur faisant lire, par exemple, un texte court et bien
construit portant sur le danger qu’il peut y avoir à boire de l‘eau croupie et sur les
mesures à prendre pour se procurer de l’eau potable.
Rythme de lecture. Beaucoup d’élèves qui ont commencé à étudier de bonne heure
arrivent à comprendre le sens littéral des textes en lisant des yeux,plus vite qu’en
lisant tout haut. En effet,ils identifientles mots à première vue,souvent par groupes
de deux ou trois, et ils saisissent ainsi rapidement les idées exprimées. S’ilsont la
possibilité de lire beaucoup de textes élémentaires, ils en arrivent à atteindre une
cadence de lecture très rapide; ils reconnaissent un nombre relativement élevé
d’éléments à chaque mouvement des yeux et parcourent rapidement des lignes,
ne revenantque rarement en arrière.Il devient alors superflu de s’occuperd’accélérer
le rythme de lecture. Malheureusement, un grand nombre d’enfants et d’adultes
n’acquièrent l’habitude de lire couramment qu’à force de pratique et grâce à un
entraînement méthodique, soit parce qu’ils ont l’esprit lent, soit parce que la lec-
i. HUEY,
Edmund B., op. dit., p. 131.
90
Attitudes et techniques nécessaires à l’imtrutionfonctionnelle en matière de lecture
ture ne les intéresse pas, que leur vocabulaire est trop restreint, ou leur expérience
trop limitée. Il convient de les aider à surmonter ces difficultés.Ensuite,la meilleure
façon d’amener les élèves à lire vite consiste à leur mettre entre les mains de nom-
breux ouvrages faciles et attrayants.Dans bien des pays, malheureusement,les livres
ou les recueils de textes faciles qui s’adressentaux enfants sont rares,et il n’en existe
à peu près pas qui S’adressent aux adultes. Dans ce cas, les maîtres devront se con-
tenter d’encouragerleurs élèves à relire à plusieurs reprises les recueils disponibles,
en se proposant à chaque fois un objectif différent.
Le sens complémentaire.
Le lecteur doit pouvoir ajouter au sens littéral du texte ce qu’on peut appeler le
sens complémentaire,c’est-à-direl’ensemble des connaissances propres à enrichir
ou à éclairer le sens littéral.Ces connaissances sont tirées de son expérience directe,
ou de ce qu’il a lu ou entendu dire.
Supposons qu’un groupe d’adultes,dont quelques-uns ont assisté le veille à une
conférence du Dr Brown,lise,sur le tableau d’affichage,l’avissuivant:a Le Dr Brown
a constaté que l’eaudu puits du village contient des microbes.>> Tous ceux qui lisent
cet avis en comprennent le sens littéral ou essentiel, mais ils en saisissent plus ou
moins bien la portée, suivant l’étendue de leur expérience. Ceux qui ont écouté la
conférence évoquent immédiatement de nombreux faits qui élargissent sensible-
ment la signification de la phrase. Ils savent, par exemple, que les cas de maladie
sont de plus en plus fréquents dans la communauté, que ce fait pourrait être dû
notamment à l’impuretéde l’eau,que le DrBrown devait analyser cette eau pour
s’en assurer, et que s’il y a trouvé des microbes il ne faudra plus en boire. O n voit
que le sens complémentaire ajoute beaucoup à la compréhension d’un texte.
Malheureusement,on est loin d’accorderassez d’attentionà cette question dans
les écoles primaires comme dans les cours pour adultes. Si le texte concerne des
objets ou des activités dont les lecteurs ont l’expérience,des questions bien conçues
pourront les amener à faire d’utilesrapprochements.Si on lit en classe un livre sur
les enfants étrangers,le maître pourra, par exemple, demander:a En quoi les jeux
et les distractions de ces enfants diffèrent-ilsdes vôtres, et en quoi leur ressemblent-
ils ?>> Une question de ce genre suscite en général dans l’esprit des enfants de nom-
breux souvenirs,qui les aident à comprendre le texte.
Il faudrait faire faire aux élèves des observations pratiques,ou utiliser des auxi-
liaires audio-visuels,avant d’entreprendre la lecture d’un texte. Dans les cours
pour adulteson organise parfois une projection de film,suivie d’unediscussion,avant
de faire lire aux élèves un bulletin traitant de questions d‘hygiène ou d‘agriculture.
O n peut aussi présenter des tableaux muraux, organiser des démonstrations, ou des
observations sur le terrain. Il faut dans tous les cas poser aux élèves des questions
qui les incitent à établir des rapprochements entre les connaissances ainsi acquises
et leurs lectures. Chaque lecture faite en classe doit être suivie d’une discussion.
Le sens implicite.
Le lecteur doit enfin chercher à saisir les idées qui, sans être exprimées explicite-
ment dans le texte,sont implicitement suggérées par lui. Ainsi, lorsqu’ils lisent une
histoire, les enfants se représentent souvent un personnage sous des traits définis,
d’après ses paroles et ses actes. En lisant la description d’un pays, ils en imaginent
le climat, d’après la végétation, les cultures, la construction des maisons et les
vêtements des habitants.Les adultes choisissent le candidat le plus apte à une fonc-
tion, d’après ce qu’en dit leur journal. Ils peuvent aussi comprendre, à la lecture
L’meignement de la lecture et de l’écriture
d’un bulletin consacré aux questions médicales ou sanitaires, qu’il faut se pré-
occuper d’améliorer les conditions sanitaires dans la communauté.
Les attitudes et les techniques qui permettent au lecteur de saisir le sens implicite
ne se développent pas automatiquement. Une instruction méthodique est indispen-
sable. En préparant son cours,le maître devra rechercher les significations cachées
ou implicites que le texte choisi peut contenir. Une ou deux questions pourront
mettre les élèves sur la voie. A u cours de la discussion qui suit, ils indiqueront les
déductions qu’ils ont faites, en précisant les passages sur lesquels ils se sont fondés
pour les faire;et la classe devra décider si ces conclusionssontjustifiées.D e tels exer-
cices apprennent aux élèves la nécessité de rechercher le sens implicite; ils leur
donnent aussi l’habitude de tirer les conclusions judicieuses et prudentes.
Lorsque le lecteur a saisi le sens d’un passage,il doit y réfléchir.Il peut trouver le
texte amusant,ou être impressionné par la justessedes idées exprimées,ou comparer
ce qu’il a lu et ce qu’il connaît,et accepter ou rejeter le point de vue de l’auteur.
S’iltrouve que ce dernier fait preuve de partialité, il peut refuser de poursuivre sa
lecture. Ainsi, la lecture représente bien plus que l’acte de reconnaître les mots et
d’en saisir le sens littéral et implicite.
C o m m e les psychologues1 l’ont souvent souligné,ce qui importe ce ne sont pas
tant les idées elles-mêmes que les réactions qu’elles provoquent chez le lecteur.
Celui qui a coutume de lire de façon réfléchie sera moins enclin à adopter aveuglé-
ment les idées qu’il rencontre au cours de ses lectures,et plus disposé à en examiner
la justesse et la valeur avant de les suivre. Il faut recevoir une véritable formation
pour être capable de lire en faisant preuve d‘esprit critique et d’indépendancede
jugement. Les gens ont la plus grande confiance dans le texte imprimé. S’ilsn’ap-
prennent pas à réagir de façon réfléchie à ce qu’ilslisent, ils risquent de se laisser
influencer par n’importe quelle propagande.
Pour acquérir cet esprit critique, il faut d’abord s’interroger sur ses lectures.
Il appartient au maître de cultiver cette disposition chez ses élèves en leur indiquant
avant la lecture les questions que soulève le texte. Il faut aussi avoir une culture
suffisante pour tirer du texte des conclusions correctes. Dans certains cas, il faut
commencer par acquérir cette culture.Très souvent,les élèves réagissent en fonc-
tion de critères subjectifs, ou même de préjugés. La tâche du maître est de leur
faire reviser leurs premières réactions à la lumière d’expériencesou de faits nouveaux.
En résumé,le lecteur devra s’assurerqu’il a parfaitement compris les intentions
de l’auteur-ce qui l’obligerad’ordinaireà relire et à étudier le texte. Il devra en-
suite réagir aux idées ou aux conclusions proposées en examinant ses propres idées
et critères de jugementet en s’assurantqu’il a les connaissanceset l’expériencenéces-
saires pour se faire une opinion. Il devra enfin vérifier soigneusement la validité de
ses conclusions.U n bon programme d’enseignementde la lecture doit développer
l’esprit critique des élèves et leur faire acquérir les connaissances nécessaires à cet
effet. Outre l’aptitudeà comprendre un texte et à se comporter en conséquence,il y
a aussi l’aptitude à évaluer et à goûter un texte du point de vue esthétique.
1. PYLE,William H.,Psycholoo of the common branches, with abstracts of the source material, Baltimore
(Maryland), Warwick and York, 1930,p. 77.
92
Attitudes et techniques nécessaires à l’instructionfonctionnelle en matière de lecture
Toute lecture doit aboutir à une confrontation entre les idées du lecteur et celles
de l’auteur.Si cette confrontation est réussie, elle aura pour effet d’enrichir ou de
préciser les idées du lecteur, d’étendre la sphère de ses intérêts, de lui faire adopter
r des attitudes plus rationnelles. Par contrecoup,son comportement personnel se trou-
vera modifié et il sera en mesure de faire face plus intelligemment à ses difficultés.
O n peut employer diverses méthodes pour rendre la lecture profitable. Dans une
classe, l’institutricea fait lire à ses élèves une histoire décrivant l‘arrivéed’un a nou-
veau», qui est accueilli par ses camarades conformément aux conseils du maître.
L a discussion qui suivit permit de préciser: u) l’effet produit par cet accueil sur le
nouveau >> dans l’histoire; 6) la façon dont un nouvel élève avait été accueilli
dans la classe même; et c) les moyens permettant d’assurer à l’avenir un accueil
amical aux nouveaux arrivants. Aux adultes également il faut montrer que la lec-
ture permet d’obtenir différents résultats pratiques, par exemple d’améliorer les
procédés agricoles, de mieux élever ses enfants, etc.
Pour faire acquérir aux élèves les attitudes et les habitudes on peut leur poser
des questions telles que: ii D’après ce que vous venez de lire,.pensez-vousqu’il y
ait lieu de modifier les conclusions auxquelles nous avions abouti hier, ou nos projets
d’excursion ?>) De tels exercices développent et précisent les connaissances et favo-
risent les attitudes rationnelles.
F A C T E U R S I N D I V I D U E L S QUI I N F L U E N T S U R LE P R O G R È S D E S É L È V E S
L a plupart des recherches effectuées dans ce domaine portaient sur des enfants,
mais leurs conclusions peuvent aussi s’appliquer aux adultes. L’âge des élèves im-
porte beaucoup et il en est tenu compte dans l’examen de chacun des facteurs
considérés ci-après.
APTITUDES INTELLECTUELLES
Quel que soit l’âge des élèves, les aptitudes intellectuelles diffèrent beaucoup. Si
l’on compare les résultats des tests de lecture à ceux des tests d’intelligence, on
constate que les coefficients de corrélation varient en général entre 0,35 et 0,701 -
ce qui représente une corrélation plus élevée que dans le cas de n’importe quel
autre facteur.
Le fait qu’elle ne soit pas plus élevée encore indique cependant que d’autres fac-
teurs interviennent aussi.
Il importe donc de tenir compte des aptitudes intellectuelles des enfants aux-
quels on apprend à lire. M.Lourenço Filho2,ayant constaté que l’inégalité des apti-
tudes intellectuelles des élèves crée de graves difficultés dans les écoles brésiliennes,
a préparé des tests permettant de mesurer certaines aptitudes indispensables pour
l’apprentissage de la lecture. Sur la base de ces tests, les élèves de la plus petite classe
furent répartis en trois groupes (niveau supérieur, niveau moyen et niveau infé-
rieur), et l’enseignement fut adapté aux aptitudes de chaque groupe. A la fin de
93
L’enseignement de la lecture et de l’écriture
CONNAISSANCES LINGUISTIQUES
94
Attitudes et techniques nécessaires à l‘imtruction.finctwnnelle en matière de lecture
L’EXPÉRIENCE DU LECTEUR
Le troisième facteur qui influe sur les progrès de l’élève est son expérience. La
compréhension d’un texte dépend dans une large mesure des idées que ce texte
évoque dans l‘espritdu lecteur et qui lui sont suggérées par son expérience. Si ces
idées sont pertinentes et précises, le texte sera pleinement compris,ou presque; si
elles ne sont pas assez nombreuses,le sens demeurera obscur. L’aptitude à saisir le
sens complémentaire et le sens implicite, à porter un jugement sur les idées ex-
primées et à en tirer parti est directement conditionnée par l’expérience du
lecteur.
Dans de nombreuses écoles,on s’efforced’accroîtrel’expériencedes enfants avant
de leur apprendre à lire. Avant de faire lire un texte, on évoque ou on décrit tout
ce qui peut en faciliter la compréhension. A u cours de la lecture, le maître pose
des questions,organise des discussions,vérifie de différentes façons que le sens a bien
été compris. Il importe tout particulièrement de le faire lorsque le texte concerne
des objets, des activités ou des événements qui ne sont pas familiers aux élèves.
A u cours de ces dernières années il est apparu que les enfants et les adultes qui
souffrent de troubles affectifs ont de la difficulté à apprendreà lire. Le maître s’effor-
cera naturellement par tous les moyens d’établir avec ses élèves des relations cor-
diales et de créer dans sa classe une atmosphère gaie et détendue.Il cherchera aussi
à déceler les troubles affectifs graves et, en accord avec la famille, à les soigner ou
à en faire disparaître les causes.
Mais ces troubles affectifs peuvent provenir aussi du fait que l’enfant a des
difficultés à apprendre à lire, ou s’entend mal avec ses camarades. Il en arrive à
détester la lecture, à ne pas suivre la classe, parfois même à haïr et à fuir l’école
et à manifester des troubles de comportement. Pour éviter de tels désordres, les
93
L’enseignement de la lecture et de l‘écriture
maîtres doivent contrôler régulièrement les progrès des élèves et adapter leur en-
seignement aux besoins de chacun.
Dans le cas des adultes, le maître doit aussi établir des relations cordiales avec
chacun de ses élèves, créer une ambiance agréable,éviter toute observation humi-
liante. Beaucoup d’adultes hésitent à venir au cours parce qu’ils craignent d’avoir
du mal à apprendre à lire. Leur ignorance les rend susceptibles, et ils se vexent
facilementsi on leur adresse une critique ou si on les place dans une position embar-
rassante vis-à-visdes autres. Il importe donc d’organiser l’enseignement de façon
que chaque élève puisse faire des progrès et prendre plaisir à la leçon.
CONCLUSION
MÉTHODES D’ENSEIGNEMENT
D E LA LECTURE
Les deux chapitres qui suiventsont consacrés à l’examendes diverses méthodes d’en-
seignement de la lecture, considérées du point de vue de leur efficacité. D e nom-
breuses méthodes ont été et sont encore utilisées pour l’enseignement de la lecture
aux enfants et aux adultes,Certaines se fondent sur des principes entièrement diffé-
rents. La plupart des anciennes méthodes qui sont encore en usage ont subi d’im-
portantes modifications, pour tenir compte de diverses critiques et pour répondre
à l’évolution des besoins, des théories pédagogiques et de la recherche.
O n étudiera donc de façon détaillée les différentes méthodes d’enseignementde
la lecture,en les replaçant dans leur cadre historique, en précisant les principes sur
lesquels elles se fondent et en s’efforçant de dégager leurs avantages et leurs incon-
vénients respectifs. Les conclusions du présent chapitre serviront de base à une éva-
luation objective de l’efficacité des différentes méthodes, évaluation qui fait l’objet
du chapitre VI.
M A T É R I E L ÉTUDIÉ
Nous avons étudié, en premier lieu, tous les ouvrages publiés sur la question; en
second lieu, environ cinq cents collections de matériel d’enseignementde la lecture
actuellement en usage. L’auteur a personnellement examiné en détail, avec l’aide
d’un interprète, plus d’une centaine de collections de matériel destiné aux enfants
et un nombre égal de collections destinées aux adultes. Une cinquantaine de collec-
tions des deux catégories ont été étudiées par des spécialistes de la lecture des pays
intéressés, c’est-à-direde la plupart des pays des différents continents.O n peut donc
considérer que la présente étude donne une idée assez exacte de la situation.
Pour déterminer la portée de l’enquête,et pour classer les méthodes étudiées,
on s’est inspiré de deux importantes considérations.
La première, c’est que, depuis qu’on enseigne la lecture, on s’occupe surtout
de développer chez les débutants, les attitudes et les mécanismes nécessaires. Jus-
qu’en 1925, les rapports publiés ne font à peu près pas mention des méthodes uti-
lisées à un stade plus avancé. Les méthodes pour débutants et les méthodes pour
élèves déjà avancés diffèrent si radicalement qu’il est difficile de les examiner en
même temps. Le présent chapitre ne traite que des méthodes pour débutants.
La seconde considération c’est que de nombreuses différences d‘ordre terminolo-
gique sont dues en partie au fait que l’on s’intéresse plus particulièrement à tel ou
tel aspect de l’enseignement de la lecture. Certains termes tels que << synthétiqueD
et << analytiqueB rendent compte des processus psychologiques qui interviennent
dans la lecture. Les termes << alphabétique », (< phonétique », << mot B et << phrase>)
97
L’enreignement de la lecture et de l’ém’ture
visent les éléments de la langue parlée ou écrite qui doivent servir de base pour
l’enseignement de la lecture. << Global>> et ( (idéo-visuelD concernent les mé-
canismes de réception des idées et d‘identification des mots. Enfin, << auditif)),
visuel N ou (< kinesthétique>> indiquent la voie sensorielle qu’il est préférable
d’utiliser pour apprendre aux élèves à identifier les mots.
C L A S S I F I C A T I O NDES M É T H O D E S
Ce sont les plus anciennes.Le principe en est que,pour savoir lire, il faut connaître
d’abord les éléments des mots, c’est-à-direles lettres ou les syllabes. Ces éléments
une fois connus, on les combine pour former des unités linguistiques de plus en
plus importantes: syllabes,mots, membres de phrases et phrases complètes. L’élève
apprend à identifier les mots nouveaux et à lire des textes grâce à des exercices
gradués.
A l’appuide ces méthodes,on fait valoir que les élèves qui ont appris à recon-
naître les éléments des mots et à combiner ces éléments savent déchiffrer correcte-
ment tout seuls les mots nouveaux et sont déjà familiers avec la forme et la structure
de la langue -ce qui permet ultérieurementde gagner du temps.Mais ces méthodes
ont aussi fait l’objet de nombreuses critiques.Tout d’abord,il n’est pas naturel,du
point de vue de l’enfant,de décomposerles mots en leurs éléments pour les apprendre.
L’enseignement de la lecture devient ainsi une technique hautement spécialisée,
un processus essentiellement logique,sans aucun lien direct avec les intérêts de l’en-
fant,les autres activités scolaires ou, en particulier,avec les divers autres aspects du
langage. Le contenu et les méthodes de l’enseignement sont imposés par le maître.
Ensuite,on attache trop d’importanceaux éléments des mots et à leur identification,
et l’onnégliged’autresaspects essentielsde lalecture,si bien que les élèvesn’acquièrent
pas le goût de lire par plaisir ou par curiosité. Ils s’habituentbeaucoup plus diffi-
cilement à lire vite, couramment et intelligemment.
Parmi les méthodes de cette catégorie, on distingue: les a méthodes alphabé-
tiques)), où l’on apprend à reconnaître et à prononcer les mots d’après les noms
des lettres; les (< méthodes phonétiques », qui utilisent les phonèmes représentés par
des lettres ou des groupes de lettres; et c les méthodes syllabiques», où l’élément
phonétique de base est la syllabe.
La méthode alphabétique.
La méthode alphabétique a été presque universellement employée depuis l’anti-
quité gréco-romainejusqu’à la fin du moyen âge. Elle a persisté jusqu’en plein
x x esiècle -parfois plus longtemps encore -dans de nombreux pays.
Le principe en est que, pour savoir reconnaître et prononcer les mots, il faut
d’abord connaître les lettres. Par exemple, pour apprendre le mot français pur,
- -
l’élève répète les lettres p u r jusqu’à ce qu’il devine la prononciation du mot ou
qu’elle lui soit indiquée. Cette méthode est souvent appelée a méthode d’épella-
tion». Avec le temps, cette méthode était devenue systématique et, par la présen-
tation, essentiellement logique. Le meilleur exemple en est fourni par le Speller de
Noah Webster, manuel d’enseignement de la lecture dont quatre-vingt millions
d‘exemplaires se sont vendus en Amérique au cours des cent années postérieures à
I 7%~~. L’élève apprenait d’abord le nom des lettres,majuscules et minuscules, dans
l’ordre alphabétique. Il apprenait ensuite à épeler et à prononcer des combinaisons
de deux lettres (ab, ib, ob, etc.), puis de trois,quatre et cinq lettres. Parmi ces com-
I. JUDD,Charles Hubbard, Reuding: ics nature and development, Chicago (Illinois), T h e University of
Chicago Press, 1918,p. I.
99
L’enseignement de la lecture et de l’écriture
binaisons, les unes n’avaient aucun sens, les autres formaient des syllabes ou des
mots. Les syllabes et les mots étaient ensuite groupés pour former des propositions
ou de courtes phrases. Chaque phase de l’instruction donnait lieu à des exercices
répétés.C’est seulement après de nombreux exercices que l’élèvecommençait à lire
vraiment. M ê m e alors, on l’entraînait à reconnaître les mots, plutôt qu’à com-
prendre le texte.
La principale objection que l’onfait à la méthode alphabétique est que les noms
des lettres n’indiquent pas nécessairement la prononciation des mots. Menzell fait
observer que cette méthode n’est utile qu’incidemment,et exige des efforts dispro-
portionnés par rapport aux résultats obtenus. Anderson et Dearbornz estiment
qu’aumieux les élèves devinent les mots d’après le son des lettres,ou attendent que
le maître les prononce. Presque tous les critiques estiment que, dans cette méthode,
les premières leçons de lecture ne présentent aucun intérêt pour l’enfant et que: 1
répétition d’exercicesfastidieuxet sans utilité pratique est bien faite pour lui inspirer
un dégoût durable à l’égard de la lecture. En outre, à force de répéter des lettres
dont il ne connaît pas la valeur en tant qu’éléments des mots, l’élèvefinit par ne
plus savoir les utiliser correctement.
Que nombre de ces critiques soient justes, on le savait déjà il y a près de deux
mille ans, O n s’est donc efforcé d’éveiller l’intérêtde l’enfant et de stimuler son
ardeur au travail.Huey3rapporte que Quintilien, en l’an 68 de notre ère,conseillait
de faire jouer les enfants avec des cubes et des tablettes portant les lettres de l’al-
phabet, et de leur faire retracer avec le style des caractères gravés sur des tablettes
d’ivoire. Basedow (1723-1796), qui voulait que l’enfant apprît à lire en jouant,
eut l’idée de confectionner des lettres en pain d’épice,que l’enfantpouvait croquer
lorsqu’il les avait apprises. O n imagina d’accompagner chaque lettre d’un dessin
illustrant un mot dont elle est l’initiale,par exemple un âne pour la lettre a, etc.
O n groupait les lettres pour former des syllabes, des mots, des phrases.
Malgré tout, la connaissance des formes et des noms des lettres n’aidaitguère
les élèves à déchiffrer les mots nouveaux,et la méthode alphabétique a été supplantée
peu à peu par des méthodes plus efficaces. Elle n’est plus guère utilisée à l’heure
actuelle.
La méthode phonétique.
La méthode phonétique répond à la constatation que, pour prononcer un mot, ce
n’est pas le nom mais le son des lettres qu’ilfaut connaître.Les sons,une fois connus,
l’élève peut former avec eux des syllabes, des mots, des phrases. Cette méthode
donne les résultats les plus satisfaisants dans les langues où chaque lettre correspond
à un son bien défini. Dans les langues qui ne sont pas purement phonétiques, il faut
modifier certaines lettres ou employer des signes diacritiques pour en indiquer
le son.
A u début, la méthode phonétique était essentiellement logique. O n enseignait
d’abord la forme et le son des lettres, en commençant généralement par les voyelles.
Par exemple, le maître traçait la lettre a au tableau noir, ou la montrait à l’élève
sur un tableau mural ou dans un manuel. En même temps, il la prononçait, sou-
vent en attirant l’attentiondes élèves sur les mouvements des lèvres. Puis,il faisait
I. MENZEL, Emil W.,Suggestions for the teaching of reading in India, Madras, Oxford University Press,
Indian Branch, 1944,p. 49. (Teaching in India series, no X.)
2. ANDERSON, Irving H.,et DEARBORN, Walter, Thepsychologyof teaching reading,N e w York,T h e Ronald
Press, 1952, p. 205.
3. HUEY, E d m u n d Burke, Thepsychology andpedagogy of reading, N e w York, The Macmillan Co.,1912,
p. 241.
1 O0
Méthodes d’enseignement de la lecture
répéter ce son plusieurs fois par les élèves, de façon à créer une association entre le
son de chaque voyelle et sa représentation.
Aux voyelles succédaient les consonnes,dans un ordre prescrit,chaque consonne
étant combinée à son tour avec chaque voyelle (voir fig.4,p. I 16).O n exerçait les
élèves à reconnaître et à prononcer correctement des combinaisons telles que la,
le, Zi, Zo, lu, puis des syllabes de trois,quatre lettres,puis des mots entiers, des pro-
positions et des phrases. Souvent,ils étudiaientplusieurs livres d’exercices avant de
commencer à lire vraiment. Cette méthode est encore appliquée dans de nom-
breux pays.
L’un des principaux avantages de la méthode phonétique est qu’elle apprend
à reconnaître les mots au moyen des phonèmes. La plupart des spécialistes recon-
naissent la valeur de ce procédé. Huey, par exemple, considère que la méthode
phonétique développe chez l’élèvel’aptitude à prononcer n’importe quel phonème
et, en combinant les phonèmes, n’importequel mot1.Selon Anderson et Dearborn,
lorsqu’on sait prononcer et combiner correctement les lettres d’un mot, on sait par
le fait m ê m e prononcer ce mot2.Cette méthode a en outre,affirme-t-on,l’avantage
d’être logique, économique, bien graduée, d’application facile. Enfin, elle tient
compte de tous les éléments phonétiques du langage.
Elle n’en a pas moins de nombreux inconvénients. D’abord,les consonnes ne
peuvent être prononcées correctement qu’en combinaison avec des voyelles. En les
prononçant séparément,les élèves y ajoutent souvent d’autres sons, ce qui risque
de créer des confusions lorsqu’ilsen viennent à prononcer des mots entiers. En outre,
la méthode phonétique n’est pas applicable à toutes les langues.Selon Menze13,elle
est immédiatementutilisable dans les langues de l’Inde,qui sont hautement phoné-
tiques, mais dans les langues qui ne le sont que partiellement,il faut, pour recon-
naître les mots, considérer non seulement le son, mais aussi le sens, la forme, la
structure - et consulter le dictionnaire4.
D’autre part, cette méthode insiste trop sur la reconnaissance des mots, aux
dépens de la compréhension du texte. C o m m e l’a dit Dumville, il y a bien des
années, ( (aux premiers stades de la méthode phonétique, où il faut déchiffrer prati-
quement tous les mots, l’attention de l’enfant est tellement absorbée par ce travail
qu’il n’a guère,ou même pas du tout, la possibilité de comprendre ce qu’il lit5».
Schonell estime également que la méthode phonétique est en opposition avec
l’idéede la compréhension des mots, des membres de phrases et des phrases entières
en tant qu’éléments sémantiquesdu langage>p6. Les élèves formés par cetteméthode
ont tendance à lire machinalement, sans faire attention au sens. Une autre objec-
tion est que la répétition d’éléments dénués de sens détourne l’élève de la lecture.
Pour répondre à ces critiques,on s’est efforcé de donner plus d’intérêt à l’étude
des sons et des lettres. Nous exposons brièvement quatre procédés utilisés à cette
fin. (Voir les illustrations dans l’annexe au présent chapitre’.)
I. Dans le manuel, les lettres sont accompagnées d’images représentant des ani-
maux, ou des personnes dans des situations familières. Le son émis dans une
telle situation correspond à celui de la lettre (voir fig. 5, p. I I 7). En règle
générale, on réussit ainsi à intéresser l’élève et à attirer son attention sur le son
I. HUEY, E.B., op. cit., p. 266.
2. ANDERSONet DEARBORN,op. cit., p. 208.
3. MENZEL, op. cit., p. 48.
4. GRAY, William S.,On their own in reading, Chicago,Scott,Foresrnan and Company, 1948,268pages.
5. DUMVILLE, Benjamin, «The methods of teaching reading in the early stages», School world,vol. XIV,
novembre 1912,p. 410.
6. SCHONELL, Fred J., The psychology and teaching of readins, Londres, Oliver and Boyd, 1946,p. 47.
7. Plusieurs exemples figurent également dans: D.K.NEIJS, The comtruction of literacy primrsfor adults,
Nouméa (Nouvelle-Calédonie),Commission du Pacifique-Sud, 1954, 72 pages.
IO1
L‘enseignemènt de la lecture et de l’écriture
à apprendre. Mais ce son n’est pas toujours identique à celui de la lettre, telle
qu’on la prononce normalement.
2. Chaque lettre est accompagnée d’une image représentant un mot dont elle
évoque le son initial. Cette technique dite des a mots clés D est utilisée depuis
des centaines d’années.L’attention de l’élèveest attirée sur le son initial d’un
mot; puis ce son est associé à l’imagede la lettre imprimée dans le manuel (voir
planche VII). Cette technique a l’avantage d’intéresser l’élève et d’attirer son
attention sur le son de la lettre, telle qu’elle est prononcée dans le corps d’un
mot. Ce son n’estdonc pas déformé,comme il arrive souvent lorsqu’onprononce
des lettres isolées. O n a fait observer, cependant, que les illustrations repré-
sentent souvent des objets mal connus de l’élève.
3. Dans la méthode des mots clés », la lettre est parfois dessinée de façon à faire
corps avec l’imagede l’objetque désigne le mot clé (voirfig.6,p. I 18).Cette tech-
nique est largement utilisée par Frank Laubach.Elle constitue un des nombreux
moyens mnémotechniques que l’on utilise pour enseigner les lettres et les sons.
Elle est parfois critiquée comme inefficace parce que la forme de la lettre et
celle de l’objetn’ont qu’une ressemblance lointaine.
4. La lettre à apprendre est présentée visuellement et auditivement telle qu’elle
figure dans différents mots. Elle est souvent accompagnée de plusieurs images
représentant des mots dont elle évoque le son initial. L’élève se familiarise ainsi
avec le son de la lettre dans différents mots. Il apprend aussi à le reconnaître
visuellement dans différentespositions (voir planche VIII). L’attentionse trouve
ainsi attirée sur les associations de formes et de sons.O n peut imprimer la lettre
en couleur,pour mieux la faire ressortir. Mais, à moins d’insister spécialement
sur l’un des mots représentés,on perd le principal avantage de la méthode des
mots clés; et en présentant trop de combinaisonsvisuelles et auditives,on risque
de disperser l’attention de l’élève.
O n a également produit des manuels et des livres de lecture plus pittoresques,
plus attrayants,mieux adaptés aux goûts des enfants. L’ordre dans lequel sont en-
seignés les phonèmes a été modifié, à la suite d’études approfondies sur leur fré-
quence relative,sur les différences de forme qui facilitent ou empêchent l’identifi-
cation,sur les analogiesde sens,etc.En raison de tous ces changements,les méthodes
phonétiques perfectionnées actuellement en usage sont souvent appelées (< psycho-
phonétiques », pour les distinguer des méthodes phonétiques purement mécaniques
qui étaient employées autrefois.Divers procédés sont utilisés pour attirer l’attention
aussitôt que possible sur le sens du texte.Dès que l’élèveconnaît un nombre suffisant
d’éléments phonétiques, on lui présente des mots et des phrases. Certains manuels
phonétiques modernes ne comprennent plus, dès la deuxième ou la troisième page,
que des membres de phrases et des phrases entières. La compréhension du texte
a presque autant d’importance que le déchiffrage des mots.
Dans certaines langues,il suffit de connaître un nombre relativement restreint
de lettres pour pouvoir lire des phrases intéressantes.Stoleel a constaté qu’en mal-
gache, par exemple, les lettres a, e, c, i, y et m constituent 65% des textes, et qu’il
est parfaitement possible d’écrire des phrases intéressantes et cohérentes unique-
ment avec ces lettres. Dès qu’il connaît six lettres, l’élève est donc capable de lire
un texte qui a un sens et qu’il peut apprécier. Avec trois lettres supplémentaires:
t, h et Y, on peut reconstituer 80% des textes malgaches et utiliser encore un bien
plus grand nombre de mots dans les exercices de lecture. O n se sert d’images pour
IO2
Méthodes d‘enseignement de la lecture
La méthode syllabique.
La méthode syllabique1 diffère des autres méthodes synthétiquesen ce que l’élément
de base de l’enseignementen est la syllabe.Les syllabes,à mesure qu’on les présente
aux élèves, sont combinées pour former des mots et des phrases. O n emploie les
syllabes de préférence aux lettres, parce que beaucoup de consonnes ne peuvent se
prononcer correctementqu’en combinaisondes voyelles,ce que reconnaissentpresque
tous les phonéticiens. Cette méthode convient spécialement à l’espagnol,au portu-
gais, à certaines langues vernaculaires d’Afrique,et en général aux langues qui ont
une structure syllabique très simple. Ses principes de base conviennent également
à l’enseignementdu japonais.Depuis quelques années,elle est de plus en plus utilisée
même pour des langues moins nettement syllabiques.
Lorsque cette méthode est appliquée aux langues alphabétiques,on n’enseigne
le plus souvent les syllabes qu’après avoir appris à l’élève à reconnaître certaines
voyelles,ou toutes les voyelles,qui sontd’abord présentées et prononcées dans le corps
de mots ou de syllabes, puis isolément (voir fig. 7,p. I 19).Certains manuels font
encore une large part aux exercices d’identification et de prononciation. Les ma-
nuels plus perfectionnés se servent d’images pour provoquer chez les élèves des asso-
ciations d’idéeset contiennent des exercices intéressants.Dans certaines langues,on
enseigne d’abord des syllabes qui constituent des mots, et on peut dès le début faire
lire aux élèves des textes d’un réel intérêt.Dès la deuxième leçon,les exercices com-
prennent des phrases forméesde mots et de syllabesdéjà connus (voirfig.8,p.I20). En
d’autres cas, on continue plus longtemps à enseigner des syllabes et des mots isolés
avant de former des phrases.
Les arguments invoqués contre la méthode syllabique ou en sa faveur ont été
résumés par GeorgeW.Cowan,du Summer Instituteof Linguistics,Mexican Branch,
en réponse à un questionnaire envoyé par l’Unesco.
Voici d’abord les arcuments en faveur de cette méthode:
v
1. GUDÇCHINSKY,
Sarah, Hundbook of literucy, éd. rev., Norman (Oklahoma), Summer Institute of
Semantics, University of Oklahoma, 1953,85 pages. Tiré en offset.
103
L’enseignement de la lecture et de l’écriture
I . TOWNSEND,
Elaine.,M.«Accelerating literacy by piece-mealdigestion of the alphabet »,Languuge
Iearning, vol. 1, juillet 1948, p. 9-19.
2. WALLIS,
Ethel E.,et GATES,
Janet B., Outline for primer construction,Glendale (Californie),Summer
Institute of Linguistics, 1948,p. 5.
Méthodes d’enseignement de la lecture
moins rapidement,il les identifie. C e processus, qui peut être plus ou moins poussé,
est à l’origine de l’expression méthodes analytiques». Il convient d’ajouter que,
dès que les éléments des mots sont connus,ils sont utilisés pour déchiffrer des mots
nouveaux;ainsi ces méthodes font intervenir à la fois l’analyse et la synthèse.
Deux groupes d’arguments au moins sont cités en faveur de ce mode d’enseigne-
ment. La lecture a pour objet l’acquisition d’idées;il faut donc employer dès le
début des textes ayant un sens, et s’attacher à développer chez l’élève l’aptitude
à lire de façon réfléchie. Apprendre à lire devient alors une activité intéressante,
pouvant procurer du plaisir, et portant en soi sa récompense, ce qui accélère con-
sidérablement les progrès.En outre,des psychologues1ont démontré que les enfants
reconnaissent d’abord les choses et les idées comme des touts, de façon plus ou
moins vague, et qu’ils n’en distinguent les détails que progressivement. La méthode
est donc conforme au processus naturel de la perception.
La principale objection que l’on peut faire à ce mode d’enseignement, c’est
qu’en s’attachantà développer chez l’élève l’attituded’esprit et les habitudes néces-
saires à la compréhension des textes,on néglige souvent de lui apprendre à recon-
naître les mots. C’est là le défaut de certains éducateurs qui retardent leurs élèves
en négligeant de les exercer assez tôt à l’analyse des mots2.D’autres se dispensent
pratiquement de tout exercice de ce genre, considérant que les élèves doivent
acquérir naturellement,sans aucun guide,les connaissances et les mécanismes néces-
saires. Enfin, les maîtres éprouvent de la difficulté à appliquer les méthodes analy-
tiques s’ils n’y ont pas été préparés. Mais des difficultés identiques sont rencontrées
par les maîtres qui, ayant l’habitude des méthodes analytiques,doivent enseigner
à l’aide des méthodes synthétiques.
Avec la vogue des méthodes analytiques,on s’est demandé si l’élémentde base
de l’enseignement doit être le mot, le membre de phrase, la phrase entière ou le
récit. Chacune de ces unités linguistiques a ses partisans. Nous examinons ci-après
les avantages et les inconvénients de diverses méthodes particulières. Celles-cisont
applicables dans presque toutes les langues,y compris celles qui utilisent des idéo-
grammes, comme le chinois, ou une combinaison de caractères idéographiques et
de caractères syllabiques,comme le japonais.
veau est répété plusieurs fois,dans des membres de phrases ou des phrases entières.
Si les mots sont présentés dans un ordre méthodique, l’élève peut de bonne heure
faire des lectures intelligentes. En même temps, on attire l’attention des élèves sur
les détails des mots: syllabes1,lettres,sons. Ces éléments sont ensuite utilisés pour
apprendre aux élèves à déchiffrer correctement, sans aide, des mots nouveaux.
L a méthode dite a des mots fondamentaux2B constitue une adaptation de la méthode
des mots, dans laquelle les premiers exercices de lecture contiennent un certain
nombre de mots comprenanttous les sons essentiels de la langue. Ce système permet
à l’élève d’assimiler de bonne heure tous les éléments phonétiques. Pour assurer la
compréhension du texte et le déchiffrage des mots nouveaux, on utilise aussi bien
la synthèse que l’analyse. Lorsque la méthode des mots ne comporte pas l’analyse
des mots en leurs éléments,elle ne peut plus figurer parmi les méthodes analytiques.
La méthode des mots a été adoptée par réaction contre les méthodes mécaniques
en usage autrefois. O n attribue souvent sa création à Coménius. Dans 1’0rbispictus,
publié en 1657,ce grammairien recommande la méthode des mots, en affirmant
que l’élève peut apprendre rapidement des mots accompagnés d’images qui en
expliquent le sens,sans avoir à se livrer au (< fastidieux travail d’épellation,qui est
une torture pour l’esprit». A l’époque actuelle,la méthode des mots a été défendue
par un grand nombre de spécialistes éminents tels que Jacobet, Horace Mann et
Decroly. Les arguments qu’ils invoquent sont les suivants: les mots sont les unités
fondamentales pour la pensée et pour la mémoire;on attire dès le début l’attention
de l’élève sur le sens du texte; l’élève s’habitueainsi à réfléchir à ce qu’il lit, donc
à lire par plaisir et par curiosité;normalement,la plupart des enfants et des adultes
apprennent à reconnaître les objets globalement, avant d’en distinguer les éléments,
et c’est ainsi qu’on leur apprend à reconnaître les mots.
A u début, les manuels et les livres de lecture utilisant la méthode desmots
étaient généralement dépourvus d’intérêt; l’élève apprenait à lire principalement
en répétant certains mots, incorporés dans des phrases qui n’avaient guère de sens
pour lui. Peu à peu, on s’est attaché à produire des textes intéressants,attrayants,
illustrés d’images en couleurs. Divers procédés sont utilisés pour aider les élèves:
les mots sont inscrits sur des étiquettes pour favoriser la mémorisation et la cons-
truction de phrases; des étiquettes portant d’un côté un mot et de l’autre l’image
correspondante permettent aux élèves de corriger eux-mêmes leurs erreurs; les
enfants les moins doués sont instruits par la méthode des tracés,ou méthode kines-
thésique; des cahiers d’exercicescontenant de nombreux exercices intéressants
développent l’aptitude des élèves à déchiffrer et à comprendre les mots. Ainsi,
d’importantes modifications ont été apportées peu à peu au matériel de lecture et
aux méthodes d’enseignement.
L’une des critiques que l’on fait le plus fréquemment à la méthode des mots est
qu’elle n’apprend pas toujours à l’élèveà déchiffrer les mots correctement tout seul,
ce qui ralentit considérablement les progrès3.
Selon Whitehead4,il n’est pas douteux qu’ilfaille avoir recours à la phonétique
pour faciliter l’identificationdes mots; le tout est de savoir à quel moment. Beau-
coup de maîtres sont convaincus que les élèves doivent découvrir intuitivement les
éléments des mots; ils retardent, réduisent ou négligent entièrement les exercices
1. WALLIS,Ethel E.,et GATES,Janet B., op. cit., p. 5.
2. BASURTOGARC~A, Alfredo, La lectura: principios y bases para su ensefianzay mejoramiento en todos los grados
de la escuela primaria, Mexico, Luis Fernhndez G., [1g53], p. 92-93. (Ensayos pedagdgicos, II.)
3. DIACK, Hunter, ( (First steps in reading: phonics the key », Times educational supplement, 7 mai
1954, no 2036, P. 441.
GAGG, J. C.,«First steps in reading: present practice», ibid., 14 mai 1954. no 2037, p. 477.
4. WHITEHEAD, Frank, «Rival reading methods: question of timing», ibid., 21 mai 1954, no 2038.
P. 503.
106
Méthodes d’tnseignement de la lecture
d’analyse.S’ilest vrai que les sujets les plus brillants sont capables de distinguer les
mots et de reconnaître les mots nouveaux presque sans aide, la plupart des élèves
ont besoin d’un entraînement méthodique pour le faire.
élèves sur les éléments des mots et on leur apprend à se servir de ces éléments pour
reconnaîtretout seulsdes mots nouveaux (voir,fig. 9,p. I 21, un exemple de manuel
utilisant la méthode des phrases). Les différentestechniques utilisées dans la méthode
des phrases ont été exposées en détail par Lukel et par Jaggar2.
La méthode des phrases présente plusieurs avantages. Elle est conforme à la
conception globale,ou a gestaltiste», du processus d’acquisition des connaissances.
Elle met l’accentsur la compréhensiondu texte;.elledonne ainsi à l’élèvel’habitude
de lire intelligemment et lui inspire le goût de la lecture. Schonell fait observer
qu’a un des grands avantages de la méthode des phrases est l’aide qu’elle apporte
à l‘élèvegrâce au contexte et à l‘enchaînementdes idées qui se trouvent exprimées
dans le texte3».D’après Anderson et Dearborn, elle contribue à ( (empêcher la
lecture mot à mot4». En outre, cette méthode développe l’aptitude à reconnaître
exactement les mots par soi-même,en les décomposant en syllabes et en lettres dont
la prononciation est connue. Ce n’est pas là le but principal de l’enseignementde
la lecture, mais c’est la condition d’une lecture réfléchie. Cette aptitude peut être
développée,soit systématiquement dès le début, soit graduellement à mesure qu’il
devient plus nécessaire à l’élèvede connaître les éléments des mots et de savoir les
utiliser.
Il convient de signaler au moins deux objections qui ont été formulées contre
la méthode des phrases.Autrefois,les phrases utilisées n’avaient guère de rapports
avec les intérêts immédiats et l’expériencepersonnelle des élèves, et n’étaientdonc
pas de nature à susciterles associations d’idéespropres à favoriser les progrès rapides.
Mais, depuis quelques années, les textes et le vocabulaire sont mieux choisis à ce
point de vue. La seconde objection est qu’on ne développe pas assez, ou qu’on
développe trop tard, l’aptitude à reconnaître les mots, qui est pourtant essentielle.
Convenablement appliquée, la méthode des phrases développe toutes les atti-
tudes et tous les mécanismes nécessaires au lecteur;elle habitue l’élève à réfléchir
à ce qu’il lit, à bien comprendrele texte, à identifier correctement les mots par lui-
même, à réagir intelligemment,à tirer parti des idées acquises,à s’intéresserà l’étude.
Il n’y a aucune discontinuité dans l’instruction;l’élèvese perfectionne sans jamais
avoir à modifier des attitudes et des mécanismes acquis.Les progrès sont constants;
l’économie et l’efficacité des efforts sont assurées.
108
Méthodes d’enseignementde la lecture
jusqu’à ce que les élèves en connaissent bien tous les détails. O n peut aussi en tirer
un épisode dramatique qu’on fera interpréter par les élèves. Ensuite on présente
le récit écrit au tableau noir ou imprimé dans le manuel. Connaissant déjà le dé-
roulement des faits,les élèves apprennent rapidement à reconnaître les différentes
phrases. Chaque phrase est répétée jusqu’à ce que les élèves la connaissent bien.
C o m m e dans les méthodes des phrases, des membres de phrases et des mots, on
identifieles groupes de mots importants, puis certains mots, puis les éléments de
ces mots. Enfin, on déchiffre les mots nouveaux par leurs éléments déjà connus.
O n objecte souvent que, dans la méthode des récits,les élèves,en lisant,essayent
de se souvenir de ce qu’on leur a raconté,plutôt que de chercher à identifier des
mots. En conséquence,la lecture est souvent inexacte et incomplète. Ils devinent
et inventent plus qu’ils ne lisent, s’écartant du texte chaque fois qu’ils croient se
rappeler ce qui va suivre. O n peut remédier à ces inconvénients en faisant la part
qui convient à la compréhension du texte, à la lecture réfléchie et à l’identification
des mots.
La méthode des récits, comme la méthode des phrases, permet d’enseigner,dès
le début, les techniques qui font le bon lecteur. Elle est conforme à la conception
a globale D du processus d’acquisition des connaissances. Bien appliquée, elle met
l’élève en mesure de faire des progrès réguliers jusqu’à ce qu’il sache lire parfaite-
ment. En règle générale, son emploi exclusif convient mieux aux enfants qu’aux
adultes,bien que l’on ait souvent introduit avec succès quelques récits dans les pre-
miers livres de lecture destinés aux adultes. Mais, même avec des enfants,il faut,
presque dès le début, utiliser différents genres de matériel, de façon à développer
le goût de la lecture et l’aptitudeà lire des textes variés à des fins diverses.
Tels sont les avantages et les inconvénients des méthodes des mots, des membres
de phrases, des phrases et des récits. Mais toutes ces méthodes ont été modifiées et
améliorées dans leurs aspects les plus caractéristiques,et il est impossible de porter
un jugement sur aucune d’ellesconsidérée isolément.En fait,la plupart des manuels
modernes, pour enfants ou pour adultes,n’adoptentaucune d’elles à l’exclusiondes
autres: ils utilisent des mots, des membres de phrases, des phrases entières ou des
récits,selon les besoins.
I. LAIJBACH, Frank C., Teaching the world to read, Londres, United Society for Christian Literature,
1948.chap. 3 et 4.
1 O9
L‘enseignement de la lecture et de l’ém‘ture
LA TENDANCE ÉCLECTIQUE
1 IO
Méthodes d‘enseignement de la lecture
de la première lecture phonétique véritable faite par l’élève,et cela dès sa pre-
mière leçon1.))
Les méthodes éclectiques -mieux que les méthodes spécialisées décrites plus
haut -permettent de donner à l’enseignementde la lecture une haute valeur péda-
gogique. La tendance éclectique,qui vise à remédier aux inconvénientsdes méthodes
spécialisées,donne des résultats très encourageants. Grâce à des techniques péda-
gogiques appropriées,il est possible ainsi de développer toutes les attitudes et tous
les mécanismes qui interviennent dans la lecture et qui sont aujourd’hui indispen-
sables aux enfants comme aux adultes.
Les livres de lecture rédigés par des spécialistes sont de beaucoup les plus utilisés,
tant pour les enfants que pour les adultes. Par comparaison avec la plupart des
manuels d’autrefois,ils sont plus vivants, phs attrayants et mieux adaptés aux
goûts du groupe d’âge auquel ils sont destinés. Les manuels pour enfants con-
tiennent des récits ou des épisodes très simples mettant en scène les m ê m e s person-
nages (voir planche IX). Les manuels pour adultes tiennent compte de l’expérience
et des besoins de ces derniers. En général,ces manuels dits a de base D sont employés
concurremment avec d’autresmoyens d’enseignement:tableaux muraux, étiquettes
portant des mots et des membres de phrases, cahiers d’exercices,tests, livres du
maître. Les écoles disposent parfois de diapositives sur film et de films cinémato-
graphiques destinés à illustrer les livres de lecture. Les méthodes ne peuvent plus
être classées selon les éléments du langage utilisés:mots,membres de phrases,phrases
ou récits. Tous ces éléments sont utilisés,selon les besoins. Dans la plupart des cas
l’analyse est jugée indispensable pour habituer les élèves à reconnaître les mots
sans aide. Mais les avis sont partagés en ce qui concerne le moment où il faut com-
mencer à pratiquer l’analyse des mots, et en ce qui concerne l’importance et la
nature de l’aide à donner aux élèves. D’après certains spécialistes, il faut exercer
les élèves quotidiennement et dès le début à distinguer et à identifier les mots;
d’après d’autres,il faut attendre plusieurs semaines, plusieurs mois, ou aussi long-
temps que les élèves n’en manifestent pas le besoin.
Le principal argument en faveur de l’emploide manuels rédigés par des spécia-
listes est que ces manuels sont intéressants pour l’élèveet créent des attitudes favo-
I. LAUBACH, Frank C., Technicalproblems peculiar to the Siamese alphabet, Bangkok,Teachers’ Institute
Press, 1949. Edition bilingue (thaï et anglais), p. 1.
III
L’enseignement de la lecture et de l’écriture
rables à la lecture. D u point de vue pratique, leur emploi et celui des auxiliaires
qui les complètent font gagner du temps et épargnent des efforts aux maîtres.
Les adversaires de ces manuels affirment, en revanche, qu’il est impossible à
un auteur de composer des textes qui présentent le même intérêt pour tous les
groupes, ou pour tous les élèves d’une classe. Une étude détaillée des goûts com-
muns aux enfants et aux adultes permet de remédier en grande partie à cet incon-
vénient. Les linguistes, de leur côté, affirment que les auteurs de manuels ignorent
ou négligent certains caractères essentiels de la langue -par exemple l’importance
relative des mots et leurs rapports -et que souvent ils ne savent ni choisir les mots
ni les présenter de façon à faciliter le travail des élèves. Mais les linguistes n’ont
guère tendance à tenir compte des goûts de l’élève. Le problème ne sera résolu
que par une coopération entre linguistes et éducateurs connaissant bien les élèves
auxquels le matériel de lecture est destiné.
O n distingue au moins trois grandes tendances chez les auteurs de manuels. La
première consiste à développer toutes les attitudes et tous les mécanismes indispen-
sables au bon lecteur, en faisant appel aux techniques les plus diverses; à associer
étroitement l’enseignement de la lecture à d’autres exercices d’enseignement de
la langue: audition, élocution, écriture et orthographe; enfin,à favoriser, dès le
début,le développement continu d’intérêts,d’attitudes et de mécanismes qui seront
utiles à l’élève pendant toute la durée de ses études,et m ê m e lorsqu’ilaura quitté
l’école.
La deuxième tendance consiste à employer les méthodes d’identification des
mots les mieux adaptés à la langue enseignée, qu’il s’agisse de méthodes phoné-
tiques, de méthodes syllabiques (phonémiques) ou de procédés divers: référence au
contexte, examen de la forme des mots, analyse de la structure des mots, analyse
phonétique, dictionnaire. Certains auteurs préfèrent les méthodes éclectiques aux
techniques spécialisées.
Enfin, les méthodes sont adaptées aux capacités et aux besoins des élèves, qui
sont groupés,en conséquence;chacun est aidé individuellement par le maître. Les
maîtres sont attentifs à tous les facteurs physiques, intellectuels,sociaux ou affectifs
qui risquent de mettre les élèves en état d’infériorité.Pour les élèves les moins doués
on a recours à des techniques spéciales;par exemple, on leur fait suivre du doigt
le tracé des lettres.
I. PUERTO Rico. CONSEJO SUPERIORDE ENSENANZA, Manual para la enseiianza de lectura y escritura a
adultos analfabetos,Rio Piedras, Universidad de Puerto Rico, 1953,39 pages.
112
Méthodes d’enseignement de la lecture
2. Chaque texte de lecture se réfère à un ensemble de faits bien connus des adultes,
ce qu’on appelle une ( (unité d‘expérienceD. Par des questions, le maître en-
courage les élèves à parler. A mesure que la conversation se poursuit, il écrit
au tableau noir de courtes phrases. Voici un exemple de phrases concernant
une élève:
Dofia Julia es cocinera Dofia Julia est cuisinière
Cocina muy bien Elle cuisine très bien
Esta en la escuela Elle va à l’école
Quiere leer Elle veut lire
Quiere escribir Elle veut écrire
Quiere expresarse bien Elle veut s’exprimer correctement
3. Dès que le texte est complet,le maître le lit et le fait lire à l’ensemblede la classe,
puis à chaque élève individuellement.
4. Les mêmes phrases sont ensuite tracées sur un tableau mural. Elles sont lues
de nouveau par les élèves, d’abord en chœur, puis individuellement.Pendant
tous ces exercices, on compare constamment les phrases écrites sur le tableau
mural et les phrases écrites sur le tableau noir.
5. L’attention des élèves est ensuite attirée sur certaines phrases isolées, qui sont
lues en chœur puis individuellement d’abord sur le tableau noir et puis sur le
tableau mural. Les phrases du tableau mural sont découpées à mesure qu’elles
sont lues,et placées en dessous de la phrase correspondante sur le tableau noir.
Elles sont ensuite mélangées et lues dans un ordre quelconque. Puis l’a unité D
est reconstituée.
6. Dès que les élèves savent reconnaître les diverses phrases, leur attention est
attirée sur les éléments de chaque phrase: par exemple, la première phrase
est divisée comme suit: a Dofia Julia ) )-(< es cocinera ». Chaque membre de
phrase est lu et comparé avec le membre de phrase correspondant du tableau
noir. O n procède ainsi pour chaque phrase. Puis les membres de phrases sont
lus dans un ordre quelconque,identifiés,recomposés pour reconstituer 1 ‘ unité ~ ))
et relus encore une fois.
7. Les membres de phrases sont décomposés en mots, que les élèves apprennent à
lire à première vue.
8. Les élèves utilisent les mots ainsi appris pour déchiffrer de nouveaux textes.
Dès que les adultes ont appris cinquante mots, et quelques procédés permettant
d’identifierles mots nouveaux, un manuel est utilisé. La troisième page du manuel
utilisé par M.Rodriguez Bou est reproduite en annexe (fig.IO,p. 122).
Ces textes, faisant appel à l’expériencepersonnelle des élèves,suscitent générale-
ment chez eux un vif intérêt et un désir sincère d’apprendre.U n texte relatant des
faits connus provoque chez les enfants comme chez les adultes des associations
d’idées analogues à celles qu’auraient provoquées ces faits eux-mêmes: les mots
sont appris facilement et vite. En outre,l’intérêt de ces premiers exercices développe
le goût de la lecture. Travaillant sur des textes qui ont pour eux un sens, les élèves
prennent dès le début l’habitude de réfléchir à ce qu’ils lisent. Participant à l’éla-
boration de ces textes, ils acquièrent rapidement une certaine maîtrise de la langue.
Ils apprennent à parler en même temps qu’ils apprennent à lire. En règle générale,
les maîtres qui appliquent cette méthode ont pleinement conscience des différences
individuelles et emploient toutes les techniques qu’ilsconnaissent pour adapter leur
enseignement aux capacités et aux besoins de chacun.
Les textes composés par les élèves et le maître présentent plusieurs inconvénients:
les maîtres qui n’ontpas reçu une formation suffisante ne parviennent pas toujours
à faire un choix judicieux des mots, ou à les présenter dans un ordre qui en rende
l’assimilationplus facile et plus rapide. Pour préparer un texte correct et le repro-
L’enseignement de la lecture et de l’écriture
duire au duplicateur,il faut du temps et des efforts.Dès que les enfants ou les adultes
savent lire un peu, il faut leur fournir des textes nombreux, pour satisfaire leur
besoin croissant de la lecture et pour leur faire faire les exercices indispensables.
Aussi, la plupart des maîtres trouvent-ils tôt ou tard nécessaire de recourir à des
textes imprimés.
On peut ranger également parmi les tendances centrées sur l’élève les méthodes qui
utilisent un matériel d’enseignement intégré.Ces méthodes se fondent sur une con-
ception globale de l’éducation et n’ont pas pour seul objet l’enseignementde la lec-
ture et de l’écriture.Elles tiennent largement compte des intérêts immédiats des
élèves. Les connaissances s’acquièrent par l’exercice d’activités coordonnées. O n
enseigne d’abord des idées générales et des formes globales; peu à peu, on établit
les distinctions nécessaires et on attire l’attention sur les détails. C’est, affirme-t-on,
la méthode la plus conforme au processus naturel d’acquisition des connaissances.
Une autre caractéristique de cette méthode est qu’elle ne concentre l’attention
que sur un petit nombre de points à la fois. L’enseignement de la lecture étant
associé aux autres activités éducatives de la journée, l’enfantéprouve un vif désir
de lire,et les textes ont pour lui un sens réel.Dès le début,la lecture lui sert à enrichir
son expérience, et pas seulement à acquérir des mécanismes utiles pour l’avenir.
En outre, toutes les connaissances théoriques et pratiques acquises pendant la
journée se complètent mutuellement. Les exercices varient chaque jour pour suivre
l’évolutiondes goûts de l’élève. O n parvient ainsi beaucoup mieux à tenir compte
des besoins individuels.
Les textes utilisés dans les premières leçons peuvent se fonder sur une expérience
commune. U n élève d’une école de Bruxelles avait trouvé en jouant un insecte
d’aspect curieux. Il l’apporte en classe, provoquant un vif intérêt chez tous ses
camarades. Sous la direction du maître, toute la classe en discuta longuement. Ce
n’était encore qu’une leçon vivante d’histoire naturelle. Mais ensuite, les élèves
composèrent au sujet de l’insecteune petite histoire que le maître écrivit au tableau
noir. L’histoirefut lue, discutée,les différentes phrases identifiées ainsi que certains
mots importants. Ces mots furent ensuite combinés avec d’autres mots du texte
pour former de nouvelles phrases, puis avec des termes précédemment appris, ce
qui fournit une nouvelle occasion d’apprendre à identifier et à employer des
mots.
Le texte ainsi composé et appris par les élèves servit encore à d’autres activités
connexes. Il fut reproduit dans les cahiers, à titre d’exercice d’écriture. Il servit
de thème pour des dessins. L’orthographe des mots nouveaux fut étudiée séparé-
ment. Enfin, certains élèves composèrent les mots en caractères d’imprimerie et
les imprimèrent à l’aide de matériel approprié. Ainsi, des exercices de lecture,
d’orthographe, d’écriture, d’expression orale et écrite et de dessin se trouvent
coordonnés autour d’un centre d’intérêt.
Le texte,une fois composé et utilisé comme il a été indiqué ci-dessus,est repro-
duit au duplicateur, et chaque élève en reçoit un exemplaire qu’il insère dans son
carnet de lectures.Dans beaucoup d’écoles,les élèves composent les textes en carac-
tères d’imprimerie,à l‘aide de matériel approprié se trouvant dans la salle de classe.
Ils se familiarisent ainsi avec l’orthographedes mots et apprennent à la reproduire
exactement, car ( (le texte doit être lisible». Le texte, une fois imprimé, est géné-
ralement illustré. Deux pages d’une brochure publiée à Genève (Suisse) sont repro-
duites en annexe (planche X).Une ou plusieurs brochures de ce genre constituent
l’essentiel du matériel de lecture de première année. E n général, les cahiers com-
Méthodes d’enseignement de la lecture
posés par les élèves des années précédentes sont utilisés pour des exercices de lec-
ture supplémentaires. A partir de la deuxième année, on emploie des manuels
imprimés.
Les principes de l’enseignementintégré peuvent être appliqués aussi dans l‘édu-
cation de base: les textes de lecture peuvent être adaptés aux besoins des adultes
analphabètes. O n trouvera des directives pour l’application de ces méthodes dans
trois ouvrages.Dottrens et Margairazl étudient les fondementspsychologiques d’une
conception globale de l’enseignement et donnent de nombreux exemples de textes
et de procédés pédagogiques. Freinet2 expose ce qu’il appelle les principes de l’en-
seignement naturel et indique des moyens de s’assurer la coopération active des
enfants. Il souligne qu’il importe dès le début de faire écrire l’élève;l’utilisationde
matériel d’imprimerie et de journaux d’enfants,les échanges de textes écrits par
eux, développent chez les élèves le sens de l’exactitude. Le manuel néerlandais
rédigé par Evers, Kuitert et van der Velde3 décrit en détail la méthode globale et
explique comment elle contribue au développement harmonieux de l’enfant.
O n reproche aux programmes intégrés d’être trop complexes pour pouvoir être
appliqués ailleurs que dans des classes peu nombreuses confiées à des maîtres haute-
ment compétents,de manquer de continuité dans l’enseignementdes mécanismes
essentiels, de réduire indûment la portée des lectures en n’employant pendant la
première année que des textes composés par les élèves et d’imposer aux maîtres
un travail excessif.Néanmoins,nombre de leurs principes essentiels exercent actuelle-
ment une influence profonde sur l’organisation du travail dans les écoles primaires.
Par exemple, la lecture est associée beaucoup plus étroitement qu’autrefois aux
autres activités scolaires, et elle joue quotidiennement le rôle d’un auxiliaire de
l’enseignement.En outre, nombre des techniques imaginées pour l’application des
programmes intégrés sont adoptées par des maîtres soucieux d’amélioreret d’animer
l’enseignement de la lecture.
CONCLUSION
1’5,
ANNEXE
(Voiraussi planches VI1 à X)
2’ Leziooe.
111,
elia è leale.
Fig.4. Deuxième page d’un manuel. Les cinq voyelles sont présentées à la page I en écriture cursive et
en caractèresimprimés.Les élèves s’exercent à les prononcer séparément,et dans diverses combinaisons.
L a page z est la première page consacréeaux consonnes.Dans les pages qui suivent,celles-cisont combi-
-
nées -chacune à part, puis plusieurs ensemble avec des voyelles, et utilisées ensuite dans des mots.
L e nombre des mots, et bientôt celui des phrases, augmente rapidement à chaque page.
PAGANI, Lorenzo, Sei mesi di scuola. Metodo per l’inregnamento simultaneo della lettura
e della scrittura agli adulti, Torino, G.B. Paravia & C. (1948),78 pages.
116
Méthodes d’enseignement de la lecture
Fig. 5. Première page d’un livre de lecture de cinquante pages. Elle est destinée à faciliter l’étude des
formes et des sons de quatre voyelles en créant des associationsd’idées entre le son et l’image.Les lettres
sont présentées en écriture cursive et en caractères d’imprimerie. L a nature et la disposition des images
donnent de la variété et de l’intérêt à ce texte.
MÉXICO. INSTITUT0 DE hPABETIZACI6N EN LENGUAS INDIGENAS.Cürtdla Nahuatl-
Espaiiol para los monolingües del estado de Morelos y de las regiones central y sur del
estado de Puebla, Mexico, Secretaria de Educacih Piiblica, 1946,p. 8.
117
L’enseignemeni de la lecture et de l’km‘ture
Kiswahi I i Lecon I
LESSON 1
Fig. 6. Première leçon d’un manuel. Dans la première colonne à gauche figure une image représen-
tant un mot qui commence par la lettre à apprendre. Dans la deuxième colonne, la lettre est super-
posée à l’image, de façon à suggérer une certaine analogie entre la forme de l’objet et celle de la
lettre. Dans la troisième colonne figure un mot imprimé comprenant la lettre. Dans la quatrième
colonne, on présente le nouvel élément phonétique. Les voyelles sont présentées isolément; les con-
sonnes, associées à une voyelle précédemment apprise. L a cinquième colonne est réservée à des exer-
cices consistant à combiner les éléments déjà connus de i’élève.
LAuBAcn, Frank c., B e each one teach one method (‘950 supphent to Teaching
the world to read) ... a complete set of lessons in the Swahili laquage. ..,New York,
Committee on World Literacy and Christian Literature, 1951,p. I.
118
Méthodes d'enseignement de la lecture
& g a g
--
a e i o u
bola bo la
ba be bi bo bu
la le li 10 lu
bo la be ba ba la
bo le be be be la
bo 10 be bi bu le
bo a be bo bu li
boi be beu bai le
a ba a la e 10 e le e la
eu i a ao bai le
Fig. 7. L a première page de ce manuel présente les cinq voyelles, au moyen d'images correspondant
à des mots dont la voyelle à apprendre constitue la première syllabe. Dans la deuxième page (repro-
duite ci-dessus)les consonnes sont présentées en tant que parties intégrantes de phonèmes syllabiques.
L'attention est d'abord attirée sur la première syllabe de bola, le b est ensuite combiné avec chacune
des autres voyelles pour former des syllabes. Le m ê m e procédé est appliqué à la lettre 1. Les syllabes
ainsi formées sont alors combinées pour former des mots familiers. L e mot clé est présenté en cursive
gour servir de modèle dans les exercices d'écriture.
BRÉSIL.MINISTÉRIODA EDUCAÇAOE S A ~ D E DEPARTAMENM
. NACIONAL DE EDU-
CAÇAO. CAMPANHA DE EDUCAÇAODE ~ U L T O S Le?:
, prirneiro guia de leitura, Rio de
Janeiro, 1948, p. 3.
L’enseignement de la lecture et de l’écriture
Fig. 8a. L a première page de ce manuel est composée d’images illustrant les syllabes à apprendre.
L a partie de la deuxième page reproduite ci-dessus présente la voyelle a et une série de consonnes.
Lorsque les élèves ont appris le son a, dans ala, on leur présente des mots accompagnés d’images.
L a première syllabe de chaque mot est formée d’une consonne combinée avec la voyelle connue a.
ma ma va a la ca sa
mamd va a la casa
88,&8@/
ma ma a m a sa la
tbiz-
ma sa
mama amasa la masa
@@,/a
ma ma Ila ma a
@Ge papa
marna llama a papa
Fig. 86. Partie de la page 3 d’un manuel. Dès que les élèves ont appris la voyelle a et diverses
syllabes où elle figure, ils commencent à faire des exercices de lecture. Pour faciliter l’identification
des syllabes,celles-cisont toujours accompagnées des mêmes images.Les images ne sont plus employées
après que le mot correspondant a été présenté dans u n texte de lecture. Cependant, la plupart des
manuels qui suivent la méthode syllabique n’emploientpas les images c o m m e moyen mnémotechnique
dans les exercices de lecture.
UNI~ N
NACIONALDE PERIODISTAS, Quito (Ecuador), Cartilla del Dr.Laubach adaptada
U.N.P.,
$or la Quito, 1949,p. 4 et 5.
120
’LANCHE VII. Première page d’un manuel arabe.Le son de la lettre à apprendre est le son initiai
lu mot qui désigne l’objet représenté sur l’image.En prononçant ce mot, le maître attire l’attention
les élèves sur le son initial et sur la lettre imprimée dans le manuel. D e cette manière,l’élèveassocie
les perceptions visuelles et auditives.En arabe,les voyelles sont indiquéespar des signesdiacritiques:
e signe imprimé en rouge au-dessusde la consonne correspond à a.
KHARTOUM. INSTITUT D’ÉDUCATION. BUREAU DES PUBLICATIONS, Mufttah al-
Ma’refu, Khartoum, s. d.,p. I.
a na to le
Ix
PLANCHE VIII. Premièrepage d’untexte qui en comporte 109.La voyelle a est présentée en caractèr
d’imprimerieet en cursive. Le son de la lettre est évoqué par des images représentant des enfant
et des objets,dont le mot est imprimé au-dessousde l’image.La lettre à apprendre (imprimée ei
rouge) apparaît dans différentes positions dans une série de mots.
JAUFFRET, Edouard,Les belles images : méthode de lecture jour la classe enfantint
Paris,Librairie classique Eugène Belin, [ I 9481, p.5.
Corne, corne.
spot Come, Spot, corne.
23 Run, run, run.
A leer, Juan.
A leer su nombre.
Si,a leer su nombre.
Fig. IO. Troisième page d’un manuel. Dans les deux précédentes, tous les mots utilisés sur cette
page ont été présentés, à l’exception de a. Dans cette leçon, les élèves récapitulent les objets et les
activités représentés sur l’image de la page I ainsi que les mots des pages I et 2. L’image de la page 3
est ensuite examinée. A u moyen de questions, le maître amène les élèves à lire les différentes phrases
imprimées. C e manuel de 30 pages utilise 52 mots au total.
122
C H A P I T R E VI
E F F I C A C I T ÉR E S P E C T I V E D E S D I V E R S E S M É T H O D E S
Depuis I900, de nombreuses expériences ont été faites pour déterminer l’efficacité
respective des diverses méthodes d’enseignementde la lecture. Malheureusement,
les observations dont nous disposons ne permettent pas d’établirde façon définitive
quelle est la meilleure des méthodes actuellement employées. Quelques-unes seule-
ment de ces méthodes,qui sont nombreuses,ont été étudiées expérimentalement,et
en outre les recherches n’ontpas été assez poussées pour que les différences de résul-
tats puissent être uniquement attribuées à des différences de méthode pédagogique.
Au surplus,bien peu de recherchesont porté sur des élèves adultes.Enfin,ces enquêtes
n’ont pas été répétées dans un nombre suffisant de régions culturelleset linguistiques
pour permettre de conclure que les enseignements qui en ont été provisoirement
tirés sont d’une application universelle. D u moins les résultats obtenus éclairent-ils
les problèmes en jeu.
Dans l’exposéci-après,les enseignements tirés de la plupart des enquêtes impor-
tantes faites depuis cinquante ans seront, sous forme résumée, rapportés à certains
problèmes déterminés.
I. DUMVILLE,Benjamin, «The methods of teaching reading in the early stages)), School world, XIV,
p. 408-413.
novembre 1912,
L>emeigmneent de la lecture et de l’écriture
Une deuxième série d’enquêtes a porté sur les avantages respectifs de la méthode
phonétique et de la méthode insistant essentiellement sur la compréhension du
texte. En 1912, G il
ll s’est efforcé de déterminer l’efficacité respective de trois
méthodes: la méthode phonétique Dale légèrement modifiée, une méthode phoné-
tique où «la formedes lettres avait été rendue attrayante pour les enfants au moyen
d’a associations», ingénieuses mais étrangères à la question», et la méthode N de la
pensée>>ou (< des phrases ». Chacune de ces méthodes était appliquée dans une
école différente,les deux premières depuis deux ans et la troisième depuis dix-huit
mois. Pour mesurer les progrès accomplis, on a pris deux paragraphes simples de
longueur égale, imprimés sans signes de ponctuation ni espaces entre les mots. Les
élèves instruits par les deux premières méthodes mirent deux fois plus de temps
pour lire ces passages que les élèves instruits par la troisième méthode, lesquels
a lisaient aussi plus couramment et plus intelligemment». Il est à souligner que
ces élèves lisaient plus couramment que ceux du groupe phonétique comme cela
avait été le cas,dans la première série d’enquêtes,pour les élèves soumis à la méthode
a look and say ».
Selon Valentine2 on ne peut accorder beaucoup de poids aux résultats de cette
étude, et ce pour trois raisons: on ignorait le niveau respectif d’intelligence des
enfants; on n’a pas tenu compte de la compétence générale des maîtres (Gilla
cependant précisé que les maîtres employant la méthode H des phrases >> faisaient
preuve d’un esprit plus vif et plus moderne que la moyenne); enfin, la façon dont
les textes étaient imprimés favorisait le groupe qui avait appris à lire par phrases
entières.
En 1926, Peyton et PorterS se sont attachés à déterminer, par certains tests de
lecture,le niveau des connaissancesd’élèvesinstruits respectivementpar une méthode
traditionnelle,systématique,et par une méthode plus moderne. La méthode la plus
ancienne insistait surtout sur l’élément phonétique;le texte était sans intérêt pour
les enfants, comprenant essentiellement un grand nombre de phrases courtes com-
posées de façon à habituer les élèves à d’importantes combinaisons phonétiques.
Dans l’autre méthode, on employait des livres à la présentation attrayante et d’un
contenu intéressant,et l’accentétait mis sur la compréhensiondu texte.Cette enquête,
menée dans trois écoles, portait sur des classes qui,à une exception près, correspon-
daient à la première année d’études.Afin de déterminer la capacité de lecture des
élèves instruits par chacune de ces méthodes,on les a soumis au << Detroit First-grade
Intelligence Test D et au Pressey Primary Classification Test ».
Le progrès des élèves a été mesuré à l’aidede deux tests de lecture étalonnés;c’est
I. GILL, E d m u n d J., «Methods of teaching reading: a comparison of results)), journal of experimental
pedagogy, vol. 1, mars 1912, p. 243-248.
2. VALENTINE, op. cit., p. 107-108.
3. PEYTON, Edith M.,et PORTER,JameS P.,«Old and new methods of teaching primary reading)),
journal of applied ,bsychology, vol. X,juin 1926,p. 264-276.
L’enseignementde la lecture et de l’écriture
la même personne qui les a fait passer, dans les mêmes conditions,à tous les élèves
faisant leur première année d’étude.Les résultats ont montré que les sujets instruits
par la méthode des récits avaient fait des progrès beaucoup plus marqués; quand
on coupla les élèves selon leur niveau mental, on constata que ceux qui avaient
bénéficié de la méthode plus nouvelle avaient fait environ deux fois plus de progrès
que les autres. Quant aux progrès réalisés par des élèves faisant leur troisième
année d‘études et suivant les méthodes modernes, ils avaient été (< beaucoup plus
grands) )que ceux d’un autre groupe instruits par les méthodes traditionnelles.Ces
résultats prennent encore plus de valeur si l’on précise que la moyenne du niveau
mental du groupe instruit par la méthode des récits était significativement plus
basse que celle du groupe phonétique.
Mais bien que les résultats soient nettement favorables aux méthodes récentes,
on ne peut tirer de conclusions définitives de ces observations. C o m m e l’ont fait
remarquer les auteurs,on n’avait pas mesuré les facteurs tels que N la personnalité
du maître, l’enthousiasme des enfants, le caractère plus ou moins correct des habi-
tudes acquises par eux, leur rapidité à lire des yeux et, dans la plupart des cas, leur
rapidité à lire à haute voix)). Certaines enquêtes appartenant à la même série et
qui seront analysées ci-aprèsdans le présent chapitre confirment les constatations
et les réserves de Peyton et Porter.
126
Le choix der méthodes: résultats des recherches
Des études se rattachant de très près aux précédentes ont porté sur l’efficacitéres-
pective de l’enseignementde la lecture dam !es programmes traditionnels et dans
les programmes (< d’éducation active ». Pendant la première année d’études, les
programmes de ce dernier type se fondent largement,sinon exclusivement,sur les
préoccupations immédiates de l’élève. L‘initiation au mécanisme de base se fait
au fur et à mesure que l’occasionou le besoin s’en présente lors de l’exécutiondes
projets scolaires intéressants.A u début,on n’emploieque très rarement le matériel
d’enseignement qui est en vente dans le commerce. La lecture est donc enseignée
dans les écoles actives par des méthodes qui se rapprochent de très près de la
méthode << opportunisteD ou des méthodes appliquées dans les programmes intégrés.
C o m m e on a contesté la valeur des techniques appliquées dans ces écoles actives,
nous étudierons globalement les résultats des études objectives sur les progrès en
matière de lecture.
L ’ e n s e i p m t de la leciuse et de récriture
I. DIcKSON,JuiiaE., et MCLEAN, Mary E.,«An integrated activity program try-out in a first grade
of the public schools)), Educational method, vol. IX,octobre 1929, p. 31-42.
2. LEE, J. Murray, «Reading achievement in first-grade activity programs)), Elementary schooljournal,
vol. XXXIII, février 1933,p. 447-452.
3. WRIGHTSTONE, J. Wayne, ((Evaluation of the experiment with the activity program in the N e w
York City elementary schools)), Journal of educational research, vol. XXXVIII, décembre 1944,
p. 252-257.
4. TRAXLER, Arthur E., en collaboration avec Margaret SEEGERet le personnel de 1’Educational
Records Bureau, «Ten years of research in reading)), Educational Records Bulletin, no 32, New York,
Educational Records Bureau, 1941,p. 38-39.
5. TRAXLER, Arthur E.,et TOWNSEND,Agatha, ((Another five years of research in reading)), Educational
Records Bulletin, no 46, N e w York, Educational Records Bureau, 1946, p. 56-57,
128
Le choix des méthodes: résultats des recherches
Parmi les études les plus instructives que l’on a signalées figurent celles qui ana-
lysent en détail les progrès d’élèves formés par des méthodes opposées.Les données
ainsi recueillies prouvent nettement que ces méthodes aboutissent d’ordinairechez
les élèves au développement de dispositions d’esprit et de mécanismes différents.
Nous examinerons brièvement ci-aprèsles conclusions de trois enquêtes de ce genre.
La première d’entre elles a été menée par Buswelll, dans des conditions qui lui
ont permis de recueillir des indications détaillées sur les progrès accomplis dans
divers aspects de la technique de la lecture. Elle portait sur deux groupes d’élèves de
première année. Pour l’un d’eux,on avait insisté principalement sur la reconnais-
sance des mots. Une heure de classe fut spécialement consacrée à des exercices
phonétiques très poussés. Les élèves furent exercés suffisamment pour être à même
de reconnaître les mots par leurs propres moyens. Lorsque l’institutricepassait à un
texte nouveau, elle commençait par en exposer le sujet ù sa manière, afin d’éveiller
l’intérêtdes élèves. Puis,elle écrivait au tableau les mots nouveaux, en exerçant les
élèves à les lire au fur et à mesure. .. Une fois que tous les mots nouveaux avaient
été étudiés,les élèves lisaient le texte à haute voix.
Pour le deuxième groupe, on s’était attaché essentiellement à faire comprendre
aux élèves le sens du texte, à développer chez eux la disposition d’esprit nécessaire
pour lire, et à leur inspirer l’amourde la lecture par le choix de sujets intéressants.
((La méthode appliquée consistait à considérer d’abord l’ensemble d’un récit,
puis à étudier les phrases et les expressions et, finalement,chaque mot. L’étude des
mots, toutefois, venait après le développement, chez l’élève,de l’attitude d’esprit
appropriée à la lecture.»
Cette expérience a été faite dans deux écoles, utilisant chacune une méthode
différente. En vue d’étudier les progrès d’élèves se trouvant à deux niveaux diffé-
rents, on choisit dans chaque école, d’une part, un groupe d’élèves nouveaux qui
allaient commencer l’apprentissage de la lecture et, d’autre part,un groupe d’élèves
qui apprenaient à lire depuis six mois. Afin de ne faire porter l’expérienceque sur
les sujets considérés comme élèves types de la première année », on écarta tant les
très bons que les très mauvais élèves.
Les progrès des deux groupes furent examinés à des intervalles de six semaines,
ce qui,pour l’annéeentière,fournit une série de six relevés.Ces relevés étaient des-
tinés à faire ressortir les progrès réalisés sur les quatre points suivants: attitude
d’espritsatisfaisante à l’égardde la lecture,identification des mots, champ et vitesse
de l’identificationdes mots et régularité du déplacement du rayon visuel le long
des lignes imprimées;enfin,expression rythmée ou interprétation de chaque pensée,
par opposition à la prononciation mécanique des mots. Pour obtenir ces données,
Buswell photographia les mouvements des yeux des élèves pendant qu’ils lisaient
à haute voix,en même temps qu’il effectuait l’enregistrementsonore de leur lecture.
L’examen minutieux de ces documents a révélé d’importantes différences dans les
niveaux atteints par les deux groupes.
Les élèves instruits par la méthode qui s’attachait surtout à l’identificationdes
mots lisaient les mots plus correctement que ceux de l’autre groupe, suivaient les
lignes plus régulièrement et lisaient le texte plus fidèlement. Toutefois,ils avaient
tendance à lire d’une manière plus mécanique, avec moins d’expression et en
manifestant moins d’intérêt pour le texte. Les élèves qui avaient été instruits par
la méthode des récits lisaient les mots moins correctement et suivaient les lignes
moins fidèlement,mais lisaient d’une manière beaucoup plus vivante et, apparem-
ment, en prenant plaisir à leur lecture.
O n a tiré de ces faits les conclusions suivantes: avec la méthode qui attache
une importance primordiale à l’identificationdes mots, les élèves acquièrent l’habi-
tude de suivre les lignes imprimées, de prononcer tous les mots, mais ne mani-
festent pas un vif intérêt pour le texte. Cette méthode aboutit à ce que l’on peut
appeler la lecture chantante et mécanique. Elle ne suffit donc pas à former des lec-
teurs parfaits. Elle développe surtout la capacité d’identifier les mots, capacité
que d’ailleurs tous les élèves finissent nécessairement par acquérir. Elle n’aide pas
l’enfantà lire en saisissantle sens du texte.En revanche,lorsquela méthode s’attache
principalement à la pensée. . . les élèves s’intéressent au texte, mais ils apprennent
plus lentement à identifier les mots et à suivre les lignesl.
Une autre étude2a porté sur des classes de première et de seconde année. Deux
groupes,égaux en nombre et en a capacité moyenne », furent constitués dans chaque
classe. L’un reçut une préparation poussée en phonétique. a Tous les mots furent
étudiés phonétiquement.>> L’autre groupe fut instruit par la méthode des récits
et ne reçut aucune préparation phonétique. c Les mots étaient étudiés par les
méthodes fondées sur la perception intuitive et la compréhension du sens général
du texte.B L’examen des progrès des élèves dans les quatre groupes a permis de
faire les constatations suivantes:G Les élèves des groupes (< phonétiques D s’attachaient
à tel point aux sons des lettres que leur attention se portait non plus sur le sens de
l’alinéa,mais sur la prononciation des mots.Cette méthode les ennuyait,les fatiguait
et les privait du plaisir que le récit aurait dû leur donner. Leur lecture était géné-
ralement moins régulière, plus lente, et rendait l’expression de l’idée confuse. Les
élèves qui n’avaientpas fait d’exercices de phonétique prenaient plaisir à la lecture
pour elle-même.Ils saisissaient le sens général du récit. Ils prononçaient les mots
moins soigneusementet moins correctementque les élèves des groupes «phonétiques».
Ayant toujours à l’espritle sens du texte, ils remplaçaient souvent par des termes
empruntés à leur propre vocabulaire les mots difficiles ou ceux qui ne leur étaient
pas familiers.Ils lisaient plus rapidement et avec plus d’expression.Ils éprouvaient
moins de fatigue, car l’histoireles intéressait et ils en attendaient impatiemment le
dénouement.D
Seegers3 a montré les résultats obtenus par l’emploi de la méthode globale
dans une seule école. Cette étude avait principalement pour objet de déterminer la
nature et la rapidité des progrès réalisés par les élèves.Ceux-civenaient d’unelocalité
bilingue et leur âge réel allait de cinq ans et six mois à six ans et onze mois, leur
âge mental de cinq ans et deux mois à sept ans et huit mois, et leur quotient d’intelli-
gence4de 88 à I 18.
Les méthodes et les textes utilisés correspondaient à une forme courante de
l’enseignementglobal où la lecture,prenant pour base les principaux centres d’inté-
rêt, est étroitement intégrée aux autres activités scolaires.Le temps consacré à la
lecture ne dépassait jamais dix à quinze minutes pour les exercices du matin, et
quinze à vingt minutes pour les jeux de lecture pratiqués dans l’après-midi.La
lecture était considérée comme (< un simple exercice d’expression ». O n évitait systé-
matiquementles exercices d’analysede motsjusqu’àl’approchede la fin de l’annéeet,
m ê m e alors,on n’y consacrait qu’un temps limité. Ces exercices prenaient la forme
de jeux auxquels chaque enfant pouvait participer a selon ses moyens ».
A u cours de l’année,les élèves furent soumis à des tests fréquents.La première
partie de l’examen final consistait à lire une liste de 75 mots différents, ainsi que
I 16mots figurant dans IO phrases. O n notait le temps de lecture et les erreurs com-
mises. La seconde partie de l’examen avait pour but de mesurer la vitesse de la
lecture; l’épreuveportait sur 25 syllabes, IO mots et I phrase. O n marquait sur une
feuille d’examen les mots lus correctement.Pendantque les élèves lisaient les phrases,
1. BUSWELL,op. C k , p. 103-104.
‘33
L‘enseignement de la lecture et de l’écriture
apprendre à décomposer les mots en leurs éléments premiers, il ne faut pas les
obliger à identifier ces éléments avant d’y être préparés sur le plan psychologique.
Buswell démontre que les élèves instruits selon une méthode qui insiste avant
tout sur l’identificationdes mots étaient capables,à la fin du premier semestre,de
reconnaître les mots et de suivre exactement les lignes,mais qu’ils ne s’intéressaient
pas au texte et n’éprouvaientaucun plaisir à lire.Pour les partisans de cette méthode
la première des tâches à accomplir pour apprendre à lire aux enfants et aux adultes
est de les exercer à reconnaître les mots. Ici encore,selon Buswell,le danger réside
non dans le développement prématuré de l’aptitude à l’identification des mots,
mais dans le fait de négliger d’autres attitudes et mécanismes essentiels.
La question mérite d’être étudiée de près. Les nombreuses méthodes employées
pour apprendre à lire aux enfants et aux adultes développent toutes chez l’élève
certaines aptitudes et certaines capacités et en négligent d’autres qui sont tout
aussi importantes. Il s’ensuit que dans toutes les parties du monde, des milliers
d’enfants et d’adultes qui ont déjà bénéficié d’une assez longue préparation à la
lecture n’ont pas acquis toutes les attitudes psychologiques et tous les mécanismes
de base qui sont nécessaires pour savoir bien lire. O n peut trouver une solution
à ce problème dans les conclusions auxquelles ont abouti certaines recherches.
‘34
L e choix des méthodes: résultats des recherches
I. MCDOWELL, Rev.John B., «A report of the phonetic method of teaching children to read», The
Catholic education review, vol. L, octobre 1953,p. 506-519.
L’enseignement de la lecture et de l’écriture
Au chapitre rv ont été étudiés des facteursindividuels,tels que les aptitudes intellec-
tuelles du lecteur, sa maîtrise de la langue,son expérience,son état affectif,sa con-
dition physique et son âge. Toute variation de ces facteurs exige une adaptation
correspondante du programme et des méthodes d’enseignement.Passons maintenant
à l’étudedes éléments culturelset de l’influencedu milieu,qui influent également sur
le rythme des progrès en lecture et auxquels l’enseignementdevrait aussi s’adapter.
Les sujets d’intérêt d’une communauté, son idéal et son attitude à l’égard de la
lecture dépendent de sa culture. Dans certaines communautés, les individus ont
un c ardent désir D d’apprendre à lire et s’y appliquent dès qu’ils en ont l’occasion.
Dans d’autres,les gens sont satisfaits de leur sort; ou, plus simplement,apprendre
à lire ne les intéresse pas. Evidemment, il faut adopter selon le cas des méthodes
très différentes,si l’on veut obtenir des progrès satisfaisants lors des premières leçons
de lecture et voir ces progrès continuer.
Des différences culturelles se manifestent aussi au sein de chaque communauté.
Les enfants venant de familles où on lit ont souvent regardé des illustrations et
feuilleté des magazines lorsque leur père ou leur mère leur lisaient une histoire.
Ils ont aussi goûté certains des plaisirs que l‘onpeut tirer de la lecture et ils désirent
vivement apprendre à lire. Très souvent,ils ont m ê m e déjà déchiffré des écriteaux,
des étiquettes ou de petites histoires très simples. Aussi lorsqu’ils commencent à
apprendre à lire, s’appliquent-ilsgénéralement avec ardeur.
En revanche, des enfants venant de familles d’illettrés entrent à l’école sans
avoir aucune expérience de ce genre, ou en ayant bien peu. Aussi faut-ilsouvent
consacrerbeaucoup de temps à leur inspirer le désir même d’apprendreà lire durant
la phase initiale de l’enseignement.Les adultes illettrés, eux aussi, hésitent à venir
suivre des cours. La lecture leur semblant être une activité extraordinaire,ils con-
sidèrent qu’il n’est donné qu’aux êtres supérieurs de savoir lire et ils doutent de
pouvoir eux-mêmes apprendre à lire. Il est indispensable d’organiser pour ces
sujets une préparation à l’enseignement de la lecture et celui-ci doit être adapté
à leurs besoins particuliers.
LA LANGUE UTILISÉE
COMPÉTENCE DU M A ~ T R E
‘37
L’enseimement de la lecture et de récriture
V A L E U R DES A U X I L I A I R E SD E L ’ E N S E I G N E M E N T D E L A L E C T U R E
Nous signaleronsici les conclusions de recherches faites sur la valeur des auxiliaires
de l’enseignement de la lecture, qui s’emploientde plus en plus, dans de nombreux
pays.
138
Le choix des méthodes :résultats des recherches
Divers auxiliaires visuels sont aussi de plus en plus employés. Les enquêteurs ont
constaté que les diapositives en couleurs fournissent à ceux qui apprennent à lire
HILDRETH, Gertrude, ((Interrelationships among the language arts)), Elementary school journal,
XLVIII, juin 1948, p. 538-549.
FERNALD, Grace M.,Remedial techniques in basic school subjects,N e w York, McGraw-Hill Book CO.,
‘9439 349 pages.
SWTTON, Rachel, G Irnprovement of reading skills through preparation of materiah»,Journal of
educational research, XLVII, février 1954, p. 467-472.
HAEFNER, Ralph, «The influence of the typewriter on reading in the elernentary school»,
Elementay English reuiew, XIII, décembre 1936, p. zg1-2g4.
‘39
L‘enseignement de la lecture et de l’ém‘iure
d’utiles éléments de formation;ils suscitent chez eux des images visuelles très nettes
et sont particulièrement précieux dans le cas des sujets qui ont de la difficulté à
apprendre à lire1. Quelques études ont aussi porté sur les films fixes et les films.
Lors d’une enquête de McCracken2,le texte du livre de lecture a été projeté devant
les élèves dans un film fixe avant d’êtrelu directement par eux dans le manuel;on a
pu constater qu’ils faisaient des progrès très supérieurs à la normale, sans doute
parce que le film fixe avait éveillé chez eux un vif intérêt et rendu plus vivante et
plus claire la leçon de lecture.
D’autres enquêtes ont porté sur les livres-cahiersa,le matériel divers d’entraîne-
ment4,lesjeux5et les exercices (< tachyscopiques) )avec des cartes mnémotechniques6:
dans l’ensemble,les observations sont en faveur de l’emploide ces auxiliaires,mais
judicieusementdirigé.Bien que tous les élèves en tirent profit, c’est,semble-t-il,
pour
ceux qui ont l’espritlent qu’ils sont le plus utiles.
Grâce à ces auxiliaires de l’enseignement,les méthodes pédagogiques ont été
grandement améliorées. En continuant à les expérimenter,on arrivera certainement
à mettre au point des techniques encore plus efficaces.
CONCLUSION
I. JARDINE, Alexandre, «The experimental use of visual aids in teaching beginning reading», The
eduational screen, no 17, septembre 1938, p. 220-222.
2. MCCRACKEN, Glenn, «The N e w C a d e reading experiment: a terminal report)), Elementury
English Reuiew, XXX,janvier I 953, p. I 3-2 I .
3. PIERCE,R .P., et QUINN,Helen J., «A study of certain types of work materials in first-grade read-
ing», Elementary school journal, XXXIV,avril 1934, p. 600-606.
4. SCOTT, R.E.,((Flash cards as a method of improving silent reading in the third grade», Journal
of educational method, V,novembre 1925,p. 102-113.
5. GOFORTH, Lillian, « A classroom experiment in teaching reading and arithmetic through games»,
Journal of educational method, XVII,février 1938, p. 231-235.
6. DAVIS, Lourse Farwell, Perceptual training ofyoung children - National College of Education; a monography
on language arts, Chicago, R o w Peterson and Co., 1949.
C H A P I T R E VI1
NATURE ET ORGANISATION
DES PROGRAMMES D’ENSEIGNEMENT
DE LA LECTURE AUX ENFANTS
Dans les chapitres précédents, nous avons examiné la nature et la portée de l’in-
fluence qu’exercent les facteurs d’ordre culturel,linguistique,personnel et collectif
sur l’alphabétisation considérée comme l’un des moyens de favoriser les progrès
de l’individu et du groupe. Nous avons également analysé les caractéristiques et
l’efficacité de diverses méthodes actuelles d’enseignementde la lecture. Ce chapitre
et le suivant seront consacrés aux divers types de programme d’enseignement de
la lecture qui doivent être établis pour assurer une instruction fonctionnelle. Nous
examinerons d’abord la nature et la portée des programmes destinés aux élèves
des écoles élémentaires.
QUELQUES E X E M P L E S DES T Y P E S D E P R O B L È M E À R É S O U D R E
‘4’
L‘enseignement de la lecture et de l‘écriture
DANS DES RÉGIONSoù IL EXISTEDES ÉCOLES BIEN ORGANISÉESPOUR TOUS LES ENFANTS
Dans les pays qui sont pourvus d’un système d’enseignementunifié et bien organisé,
qui ont scolarisé la plupart, sinon la totalité des enfants et qui disposent de bâti-
ments scolaires satisfaisants et d’un personnel enseignant suffisamment qualifié, il
est plus facile de concentrer les efforts sur l’améliorationde l’enseignement.Avec le
concours d’un comité de revision des programmes scolaires1,la Nouvelle-Zélande,
par exemple, s’efforce de mettre au point une formule propre à assurer les progrès
de l’élève dans tous les aspects fondamentaux de la lecture. Suivant ce comité,
il s’agit surtout d’éveiller et d’entretenir chez les enfants le goût de la lecture, de
leur apprendre parfaitement le mécanisme de la reconnaissance des mots, de déve-
lopper leur aptitude à comprendre ce qu’ils lisent,de les habituer à pratiquer cor-
rectement la lecture silencieuse,de les initier à l’art de la lecture orale et de leur
donner l’amourdes bons livres. Bref, il s’agit en leur apprenant à lire, de les doter
d’un moyen capital de développer leur personnalité et d’accroîtreleur utilité sociale.
Le programme d’enseignementproposé est divisé en plusieurs stades, à chacun
desquels correspondent certains objectifs stratégiques.Les trois premiers stades sont
la << préparation », l’aintroduction>) et le << perfectionnement ». Le premier stade
prépare l’enfant à apprendre rapidement à lire; il dure en moyenne six semaines,
mais le temps qui lui est consacré varie selon les besoins des enfants et leur facilité.
A mesure que les élèves font connaissance,on s’efforce d’éveiller en eux des senti-
ments de confiance,de sécurité et de bonne adaptation sociale. O n leur donne un
entraînement spécial visant à enrichir leur vocabulaire, à améliorer leur élocution,
à exercer leur oreille et leur acuité visuelle et à développer leur aptitude à inter-
préter les images.
Le stade << d’introduction>> dure de quatre à six mois, au cours desquels l’enfant
apprend de 75 à IOO mots et assimile les attitudes et les mécanismes indispensables
pour lire des textes très simples. Ces mots forment un vocabulaire de lecture qui
permet à l‘enfant de s’habituer à lire, silencieusement ou à haute voix, de courts
récits. Le stade << de perfectionnement >> dure dix-huit mois environ, pendant les-
quels on donne à l’enfant un enseignement spécial en vue de développer chez lui
à la fois la technique de la reconnaissance des mots et l’aptitudeà comprendre le
sens des textes. Ces deux éléments sont si intimement liés l’un à l’autre que l’enfant
est amené en peu de temps à lire et comprendre un texte sans aide. O n développe
la compréhension par l’étude des mots, par des discussions en classe,par des lec-
tures complémentaires et par des transpositions dialoguées. Grâce à un enseigne-
ment systématique, le vocabulaire des élèves atteint un total de 800 à 1000 mots.
L’aptitude à lire seul des textes simples qui est ainsi favorisée chez l’enfant le pré-
pare de manière générale à l’enseignement qu’il recevra plus tard.
Il est évident que ce programme néo-zélandais est très évolué par rapport à
ceux dont nous avons parlé plus haut. Les mesures que l’on prend actuellement en
Nouvelle-Zélandevisent à aider toutes les écoles à appliquer dans les classes élémen-
taires des programmes soigneusementétablis d’enseignementprogressifde la lecture.
Dans tout système d’enseignement,une direction et une préparation minutieuse de
ce genre s’imposent si l’on veut obtenir de bons résultats.
Les indicationsqui précèdent attestent de manière frappante que les programmes
actuels d’enseignementde la lecture diffèrent très sensiblement par leur nature et
par leur ampleur. Certaines de ces différences s’expliquent par des inégalités de
niveau culturel et par le rôle plus ou moins grand que joue la lecture dans la vie
I. NEW ZEALAND. EDUCATIONAL INSTITUTE. Syllabus Revision Committee, «Reading in the primary
school: reports)), supplément à National education,Wellington (Nouvelle-Zélande),[
19491,3 I pages.
143
L’enseignement de la lecture et de l’écriture
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144
Nature et organkation des programmes d’enseignement de la lecture aux enfants
B U T S DE L’ENSEIGNEMENT D E L A L E C T U R E
‘45
L’enseipnement de la lecture et de l’écriture
A M P L E U R ET S T R U C T U R E D’UN P R O G R A M M E D ’ E N S E I G N E M E N T
D E LA LECTURE
GRAY, William S., «Reading», Child development and the curriculum,Thirty-eighthYearbook, Part I,
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L’enreiRnement de la lecture et de l‘écriture
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University Press, 1952,p 6. (îrimary school studies, no 1.)
5. SCHONELL,Fred J., op. czt., p. 26.
6. Voir, par exemple, les indications bibliographiques données au début du présent chapitre (note 1,
P. ‘44).
I4.8
Nature et organisation des programmes d’enseignement de la lecture aux enfants
Parmi tous ces facteurs, on a surtout étudié l’âge mental que doit avoir atteint
l’enfant pour commencer à apprendre à lire. Les conclusions2 auxquelles on a
abouti peuvent être ainsi résumées: u) les élèves d’un âge mental de six ans et demi
font généralement des progrès rapides s’ils sont, à d’autres égards, bien préparés
à apprendre à lire; b) les enfants d’un âge mental de six ans font généralement des
progrès satisfaisants si leur développement est normal en ce qui concerne les autres
facteurs de la préparation à la lecture; c) beaucoup d’élèvesqui n’ont pas atteint
l’âgemental de six ans peuvent apprendre à lire, à condition que les textes de lecture
soient très simples et aient un contenu intéressant et familier et que les méthodes
appliquées soient adaptées à leurs besoins. D e fait, les études effectuées en EcosseS
et l’expérience acquise dans plusieurs autres pays montrent que des enfants qui
se sont développés normalement peuvent apprendre à lire à l’âge de cinq ans si
l’enseignement est adapté à leur degré de maturité. (Quant à savoir si l’appren-
‘49
E’emeignement de la lecture et de l‘écriture
1. Revised Stanford Binet test of intelligence, New York City, Houghton MiAlin Company.
2. Cdi$omia tests of mental maturity, Los Angeles, California Test Bureau.
Nature et organisation des brogrammes d’enseignement de la lecture aux enfants
et donnent des résultats qui aident beaucoup à prendre des décisions. Les études
statistiques font apparaître u n e corrélation positive -
d e coefficient 65 environ -
entre les résultats d e ces tests et les progrès des enfants dans l’apprentissage d e la
lecture. Bien q u e ce coefficient soit assez élevé, il indique q u e les progrès d e l’enfant
dans ce d o m a i n e ne sont pas uniquement fonction d e ses aptitudes intellectuelles.
U n e autre m é t h o d e consiste à employer les tests dits d e préparation à la lecture1,
qui ont pour but de mesurer le degré de développement de l‘enfant pour c h a c u n
des facteurs qui influent sur l’apprentissage d e la lecture. L a figure I I (p. I 73) d o n n e
Intelligence générale . . . . . . . . . .
Connaissances acquises . . . . . . . . .
Vocabulaire . . . . . . . . . . . .
Prononciation et élocution . . . . . . . . .
Faculté d‘expression . . . . . . . . . .
Esprit d’observation et faculté d’association visuelle ou auditive
Aptitude à percevoir les ressemblances et les différences . .
Aptitude à reconnaître les rapports. . . . . . .
Aptitude à se rappeler une succession d’événements ou d’autres
faits . . . . . . . . . . . . .
Aptitude à penser clairement et avec ordre . . . . .
Aptitude à choisir et à décider judicieusement . . . .
Etat de santé . . . . . . . . . . .
Alimentation . . . . . . . . . . . .
Résistance à la fatigue . . . . . . . . .
Acuité et discrimination visuelles . . . . . . .
Acuité et discrimination auditives . . . . . . .
Equilibre affectif . . . . . . . . . . .
Adaptation sociale et sentiment de sécurité . . . . .
Application . . . . . . . . . . . .
Docilité . . . . . . . . . . . . .
Aptitude au travail en groupe. . . . . . . .
Goût des images et intérêt pour le sens des symboles écrits OU
imprimés . . . . . . . . . . . .
Désir d’apprendre à lire . . . . . . . . .
* I = très inférieur à la moyenne; z = inférieur à la moyenne; 3 = moyen; 4 = SU-
périeur à la moyenne; 5 = très supérieur à la moyenne.
‘5‘
L’enseignement de la lecture et de l’ém’ture
la liste de ces facteurs mesurés par les tests c Metropolitan)), ainsi que des exemples
de diverses épreuves auxquelles on procède. Le coefficient de corrélation qui existe
entre les résultats de ces tests et les progrès que fait l’enfant est aussi élevé que
dans le cas des tests d’intelligence générale.
O n peut aussi prendre l’une ou plusieurs des mesures suivantes: u) observer les
caractéristiques et le comportement des enfants au cours de leurs jeux; b) étudier
en classe leur réaction à divers exercices; c) recueillir auprès des parents et, éven-
tuellement, des anciens maîtres des indications sur les sujets auxquels l’enfant
s’intéresse,sa faculté d’élocutionet, en général,son niveau de développement intel-
lectuel, physique, social et affectif. Les renseignements ainsi obtenus sont souvent
notés sur une fiche établie séparément pour chaque enfant. La formule ci-dessus
est une adaptation de celle que propose Schonelll.
Une formule de ce genre aide la plupart des maîtres à étudier les connaissances
et les besoins de leurs élèves;ils obtiendront les meilleurs résultats s’ils concentrent
leur attention sur quelques points à la fois. Il serait utile pour compléter les obser-
vations faites pendant une semaine ou deux, d’administrer,si possible,un test d’in-
telligence ou d’aptitude à la lecture.
Beaucoup de maîtres font faire aux élèves,dès leur entrée à l’école,des exercices
de lecture à l’aide de textes simples traitant des impressions et des préoccupations
immédiates de l’enfant.Nous examinerons plus loin ces méthodes.Le maître étudie
les réactions des différents élèves à ces exercices. Certains y participent volontiers
et font des progrès rapides; d’autres ne s’y intéressent guère et font des progrès
faiblesou nuls. Ces observationsaident le maître à déterminer le degré de préparation
des différents élèves à l’enseignement quotidien de la lecture.
EXEMPLE DE PROGRAMME
Compte tenu de toutes les données qui viennent d’être présentées, quel plan le
maître devrait-iladopter au moment où les élèves entrent à l’école? Il est certain
que ce plan doit tenir compte des désirs de la collectivité,de l’âgeauquel les enfants
entrent à l’école,de leur degré de maturité et du matériel de tests et d’enseignement
dont dispose le maître. Les suggestions faites ci-aprèssont valables pour les cas où
les parents escomptent que l’élève apprendra à lire dès son entrée à l’école et où
les moyens d’enseignementsont limités:
I. Faire dès le début dans l’emploi du temps une place à la lecture.
2. Consacrer, pendant la première ou les deux premières semaines, ou plus long-
temps encore si c’est nécessaire, la leçon de lecture à étudier les connaissances
et les besoins des élèves et leur degré de préparation à la lecture. A cette fin,
on devra parler de nombreuses choses intéressant vraiment l’enfant,afin de
pouvoir évaluer l’étendue de ses connaissances,son aptitude à s’exprimer,son
niveau mental et son degré d’intelligence.O n devra aussi examiner des images
et les discuter afin de déterminer l’intérêt qu’elles présentent pour les élèves
et l’aptitudede ceux-ci à les interpréter. Le maître écrira en même temps au
tableau des mots ou de brèves phrases composées par les élèves et qu’il leur
fera lire. La bonne volonté avec laquelle les élèves participent à ces exercices
et la manière dont ils s’en tirent donnent de précieuses indications sur leur
degré de préparation à la lecture.
3. A mesure que les élèves avancent dans ces exercices, observer leur comporte-
ment lorsqu’ilsjouent et noter l’intérêt qu’ils prennent à d’autres activités sco-
laires. Le maître parlera également avec les parents des goûts, des aptitudes
et des progrès des élèves. Il administrera, si possible, des tests d’intelligence
générale ou de préparation à la lecture.A mesure que le maître connaîtra mieux
ses élèves, il indiquera sur une fiche de préparation à la lecture ce qu’il pense
des aptitudes ou des progrès de chacun aux divers points de vue envisagés.
4. Donner aux enfants les plus avancés, qui participent volontiers aux exercices
de lecture et en tirent profit, des leçons quotidiennes de lecture conformément
aux suggestions qui seront faites plus loin. (<< Deuxième stade: Apprentissage
de la lecture)).)
5. Pour ceux qui sont moins avancés et qui ne participent pas effectivement aux
exercices de lecture, s’efforcer,pendant la leçon de lecture et à l’occasion des
autres activités scolaires, d’améliorer leur préparation à l’apprentissagede la
lecture. S’il est impossible,sous peine de décevoir la collectivité, de retarder
l’enseignementde la lecture, on peut organiser tous les jours à l’intentionde ce
groupe des exercices de lecture très simples,semblables à ceux que nous suggé-
rons pour le deuxième stade.Mais il ne faudra pas essayer de les forcer à avancer
aussi rapidement que les élèves dont le degré de maturité est plus élevé;il faudra,
chaque jour, consacrer un temps assez long à les préparer à la lecture.
Le but de ces exercices diffère d’une école et d’uneclasse à l’autre,suivant les besoins
des élèves. Parfois, il s’agit surtout de faire mieux comprendre aux élèves tout ce
qui se passe autour d’eux. Parfois, il faut surtout étendre leur vocabulaire et déve-
lopper leur faculté d’expression.Parfois encore,il s’agitde développer leur aptitude
à aborder des problèmes simples,à distinguer de façon plus précise entre les choses
qu’ils voient ou qu’ils entendent, ou d’éveiller leur curiosité pour les symboles
écrits ou imprimés et leur désir d’apprendre à lire. U n bon maître ne cesse d’étu-
dier les besoins de ses élèves et leur fait faire les exercices qui lui paraissent
les plus propres à remédier à leurs défauts et à favoriser le développement néces-
saire. O n a souvent recours aux exercices suivants:
I . Organiser des entretiens quotidiens au cours desquels les enfants parlent d’événe-
ments récents qui les intéressent ou de la façon dont ils utiliseront leur journée.
Les timides doivent être encouragés à y prendre part et ceux dont l’élocution
est imparfaite doivent être aidés avec tact à exprimer leurs idées.
2. Inviter les élèves à apporter de chez eux des objets intéressants pour les montrer
et les décrire à leurs camarades.
3. Leur faire regarder des images ou observer des objets et des activités, en classe
ou au-dehors,afin d’augmenterleurs connaissanceset de corriger les idées fausses
qu’ils pourraient avoir. Ces exercices doivent être suivis de discussions animées,
qui aideront les élèves à concentrer leur attention sur des points importants, à
discerner les ressemblanceset les différences,à déceler des rapports et à résoudre
des problèmes simples.
4. Saisir le plus souvent possible l’occasion d’étendre et d’approfondir les connais-
sances des élèves sur le milieu social et naturel dans lequel ils vivent, de déve-
lopper leur faculté d’expression,d’éveillerleur intérêt et leur curiosité pour tout
ce qu’ils voient et entendent.
5. Les faire participer à des jeux et à des exercices rythmiques qui leur donnent
l’occasion d’écouterattentivement,d’observeravec soin et d’améliorerla coordi-
nation de leurs mouvements.
6. Leur faire faire du modelage, des découpages,de la peinture, leur faire dessiner
L’enreignement de la lecture et de l‘écriture
des figures simples au tableau noir ou dans du sable, pour développer la coordi-
nation de l’œilet de la main.
7. Leur faire écouter des histoires et des poèmes, leur faire regarder des images
dans des livres et discuter de ce qu’ils ont vu et entendu, de manière à déve-
lopper leur intérêt pour les récits et à stimuler en eux le désir d’apprendre à lire.
8. Les faire travailler et élaborer des plans en commun, afin d’établir entre eux
des relations heureuses et cordiales et de réduire les tensions affectives.
9. Leur faire faire des exercices de lecture simples,présentant pour eux un intérêt
immédiat, afin de leur montrer que les symboles écrits ont un sens, d’accroître
leur désir d’apprendre à lire et d’aider le maître à déterminer le moment où
ils seront prêts à recevoir des leçons quotidiennes de lecture.
O n trouvera bien d’autressuggestionsdans les ouvrages cités en notel. Ces exercices
devront être poursuivisjusqu’à ce que les élèves aient montré qu’ilspeuvent acquérir
les mécanismes nécessaires à l’apprentissage de la lecture. La durée de ce stade
différera suivant l’école ou la classe considérée.Pour beaucoup d’enfants,il suffira
de deux ou trois semaines;pour d’autres,il faudra beaucoup plus longtemps.A pre-
mière vue, il peut sembler que l’on perd du temps à retarder ainsi l’enseignement
de la lecture. L’expérience montre au contraire que les élèves qui ont reçu la pré-
paration nécessaire rattrapentlargement,par la rapidité accrue des progrès ultérieurs,
le temps consacré à cette préparation;mais si l‘on force à apprendre à lire un enfant
qui n’y est pas prêt, on risque généralement de jeter le trouble dans son esprit,
d’échouer complètement et de faire naître en lui une attitude hostile à l’égard de
la lecture.
Lorsque les élèves manifestent le vif désir d’apprendre à lire et montrent qu’ils
sont capables d’assimiler les mécanismes indispensablesà la lecture de textes simples,
ils sont prêts pour le deuxième stade.Les principaux objectifs de l’enseignementde
la lecture au cours de ce stade sont les suivants:
I. Augmenter le désir que les enfants éprouvent de lire et d’apprendreà lire cou-
ramment.
2. Les habituer à lire de façon réfléchie et chercher le sens dans tous les exercices
de lecture.
3. Bien faire assimiler les mécanismes fondamentauxde la reconnaissance des mots,
applicables à leur langue.
I. BASURTOGARCfA, Alfredo, La lectura; principiosy bases paro su enseiiantay mejorarniento en todos los grados
de la ensefianta primaria, Mexico, Luis Fernandez C., 1953, 223 pages. (Ensayos pedagbgicos, II.)
CRUZGONZALES,Adriin, et MOYA, Bolivar, op. cit.
EGOROV, T.G., Ochrki psikhologii olychenia detei gramote, Moskva, Izdatel’stvo Akademii Pedago-
gicheskikh Nauk (R. S.F.S.R.),1950, p. 15. (PedagogicheskaiaBiblioteka Uchitelia.)
FREINET, C., Méthode naturelle de lecture, Cannes, Editions de 1’Ecole moderne française, I 947,
59 pages, ill. (Brochures d’éducation nouvelle populaire, no 30, mai 1947.)
GUDSCHINSKY,
Sarah, op. cit., p. 9-14.
HILDRETH, Gertrude, Readiness for school beginners, Yonkers-on-Hudson (N.Y.),I 950, p. 382.
J I M ~ N E ZHERNANDEZ, Adolfo, op. cit. p. 11-49.
MONROE, Marion, Grouiing into reading, Chicago (Illinois), Scott, Foresman and Co., 1951,p. 274.
NATIONAL SOCIETYFOR THE STUDY OF EDUCATION, op. cit., p. 57-70.
ROE,Frances, Fundamental reading: the teaching of reading in infant schools, Londres, University of
London Press, 1944, p. 6-21.
SCHONELL, Fred J., op. nt., p. 30-36.
VERMEULEN, A., «De studie van het milieu en het aanvankelijk leesonderwijs)), Persoon en Gemeen-
schup, vol. V, no 2, p. 136-140, et no 3, p. 210-215, novembre-décembre 1950, Anvers.
‘54
Nature el organisation des programmes d’enseignement de la lecture aux enfants
‘55
L‘enseignement de la lecture et de récriture
Dans les régions insuffisamment développées, beaucoup de maîtres ont reçu une
formation insuffisante ou n’en ont même reçu aucune; il est donc indispensable d’y
créer des écoles normales et d’aider les instituteurs en exercice à se perfectionner.
MATÉRIEL DE LECTURE
seulsi.Nous examinerons sous ces titres les divers problèmes qui se posent au cours
du deuxièmestade. Il s’agitsurtout de signaler les directions à suivre et les méthodes
à appliquer.Beaucoup d’écoles ne pourront appliquer immédiatement une grande .
partie de ces suggestions;mais en les adaptant lorsqu’ellesrépondent à sa situation
et à ses besoins, chacune d’entreelles pourra peut-êtreélargir la portée de son pro-
gramme et améliorer la qualité de son enseignement.
Nous avons déjà indiqué les principaux objectifs des premières leçons de lecture.
Il faut,pour les atteindre, compter de quatre à cinq semaines pour les élèves qui
apprennent rapidement, et jusqu’à dix semaines ou m ê m e davantage pour les
élèves plus lents. Il est beaucoup plus important que chaque élève assimile par-
faitement ces attitudes et mécanismes fondamentaux,que de faire avancer rapi-
dement tous les élèves à un rythme uniforme.
Emploi d’un matériel préparé en commun par le maftre et par les élèves.
‘57
L’enseignement de la lecture et de l’écriture
une forme de la méthode globale dans laquelle on commence par employer des
mots, ou même des syllabes,au lieu de phrases1.
Lorsque les élèves commencent à s’habituer à lire de façon intelligente et à
posséder un petit vocabulaire de mots qu’ils reconnaissent à leur aspect général
et à certains caractères particuliers, on attire leur attention sur le détail des mots.
Pour cela,on emploie plusieurs procédés.Le maître peut écrire deux mots au tableau
et attirer l’attention des élèves sur les différences de forme qu’ils présentent. Dans
les langues alphabétiques,on encourage aussi les élèves à remarquer les différences
de son des mots et à reconnaître les mots qui commencent ou se terminent par le
même son. Lorsque certaines syllabes reviennent souvent dans la composition des
mots,comme en espagnol et en portugais,l’attentiondes élèves est attirée tout parti-
culièrement sur elles.
Dans certains pays, les élèves recopient, après les avoir lues, des phrases écrites
au tableau. Si le maître leur demande de les copier correctement,ils sont obligés
de regarder soigneusement chaque mot. Dans plusieurs endroits de l’Europe,on
fait imprimer par les élèves les phrases de la leçon à l’aidede caractères identiques
à ceux du manuel élémentaire.
O n trouvera dans les ouvrages cités en note2 des exemples d’autres méthodes
appliquées pour accélérer les progrès des élèves.
Les auteurs ne sont pas d’accord sur l’utilitédes tableaux d’impressionsvécues.
Pour les raisons indiquées plus haut, certains spécialistes, même dans des régions
insuffisamment développées,se prononcent en faveur de leur utilisation et affirment
que les maîtres de leur pays en obtiennent de bons résultats. Beaucoup d’autres
leur reprochent le temps qu’il faut pour les préparer, le manque de matériel per-
mettant de les reproduire,et la difficulté pour les maîtres à les établir sous une forme
acceptable. Ces divergences de vues paraissent tenir plutôt à des conditions locales
qu’à des facteurs d’ordre géographique,culturel ou linguistique.M ê m e s’ils ne se
servent pas de tableaux d’impressions vécues pour les premières leçons de lecture,
tous les maîtres devraient apprendre à préparer un matériel de lecture simple,
qui leur rendra de précieux services dans de nombreux aspects de l’activitéscolaire.
Nous avons déjà signalé que l’on se sert aujourd’hui beaucoup, pour donner aux
enfants les premières attitudes et les premiers mécanismes de la lecture,de manuels
préparatoires ou de petits livres de lecture très simples. Pour être satisfaisants,ces
ouvrages doivent s’inspirerde l’expérience commune des enfants, chaque leçon se
présentant sous la forme d‘une histoire simple et intéressante ou d’un épisode de
la vie des enfants, racontés à l’aide d’images et d’un petit nombre de mots, d’ex-
pressions ou de courtes phrases. O n en trouve un exemple à la figure g (p. 121).
Au début,la plupart des péripéties de l’histoiresont racontées au moyen d’images,
mais progressivement le texte prend de plus en plus de place. Des leçons de lecture
de ce genre permettent au débutant d’aborderla lecture de manière intéressante et
l’entraînent à lire des textes dont le vocabulaire a été choisi avec soin. L‘enfant
s’habitueainsi à la lecture réfléchie et acquiert rapidement un premier vocabulaire
de lecture.
En général,dans un manuel préparatoire,chaque leçon comprend quatre par-
ties qui se suivent de façon méthodique. La première, appelée (< préparation à la
lecture)), donne à la leçon un cadre général en exposant des incidents survenus
dans la vie des enfants. Lors de l’exposé de ces incidents, les mots nouveaux de la
leçon sont employés dans la conversation et écrits au tableau. O n éveille ainsi
l’intérêt de l’enfant et sa curiosité pour l’histoire qui va être lue.
La deuxième partie est intitulée (< interprétation de l’histoire». Les enfants
commencent par examiner les images, de manière à découvrir le sujet de l’histoire.
Ce faisant,ils évoquent des aventures analogues qui leur sont arrivées,reconnaissent
des rapports intéressants et devinent le texte. Si des mots importants employés dans
le livre peuvent servir à la discussion,on les écrit au tableau,puis les élèves les lisent
à haute voix. Ainsi le texte est rattaché aux images et les élèves sont préparés à lire
l’histoire comme un tout.
Le troisième stade s’appelle:<< développement des mécanismes et des aptitudes».
Par des questions, des conseils et des exercices,on habitue l’élèveà retenir la forme
des mots, à les distinguer par la vue, à reconnaître le son des syllabes ou des con-
sonnes,à associer un sens aux mots, à saisir l’ordredans lequel se traduisent les inci-
dents de l’histoire et à former des images sensorielles.
La quatrième partie s’appelle élargissement de l’intérêt». Des discussions,des
activités artistiques et la lecture par le maître d’histoires ou de poèmes incitent
l’enfant à réfléchir et l’amènent à s’intéresser vivement à la lecture.
Le matériel dont on se sert et le plan que l’on suit lorsque l’on commence à
enseigner la lecture à l’aide de tableaux d’impressionsvécues et de petits livres de
lecture simples ne sont pas toujours identiques,mais les objectifs visés restent les
mêmes. Les exercices sont simples et intéressants,et les enfants normalement doués
peuvent faire des progrès rapides.Mais un bon maître suit de jour en jour les réac-
tions et les besoins de ses élèves et détermine le caractère des difficultés que ren-
contre chacun. Il note ses observations et s’occupe de ses élèves collectivement et
individuellement pour les aider dans la mesure nécessaire. Il sait que les progrès
ultérieurs de chaque enfant dépendent dans une large mesure -desrésultats obtenus
au début.
‘59
L’enseignement de la lecture et de l‘écriture
I. Les élèves qui commencent par le manuel ne pourront avancer aussi rapidement que ceux qui
ont déjà reçu une formation préliminaire. Au cours du premier tiers du manuel, le maître devra
leur donner de nombreuses indications, c o m m e il a été indiqué dans la section précédente.
160
Nature et organisatwn des programmes d’enseignement de la lecture aux enfants
Lors de la première lecture d’une leçon, le maître doit prononcer les mots que
les élèves ne reconnaissent pas facilement. Il est bon de le faire parce que l’enfant
peut alors concentrer toute son attention sur le sens de ce qu’il lit. Le maître notera
toutefois ces mots afin de pouvoir ensuite donner les explications qu’ils appellent.
Il observera soigneusementla régularité avec laquelle les élèves suivent les lignes du
commencement à la fin et reprennent la ligne suivante. Il aidera les élèves qui
éprouvent des difficultés en plaçant, sous la ligne à lire, une bande de carton qui
sera déplacée de ligne en ligne au fur et à mesure que la lecture se poursuit. O n
trouvera dans les ouvrages cités en note d’autres moyens d‘aider les élèves à pro-
gresser plus vite au cours de cette partie de la leçon1.
La troisième partie consiste à exercer l’élève à divers mécanismes et attitudes
de la lecture. Parfois,il sera bon de mieux faire assimiler des mots mal connus. Le
maître peut écrire ces mots au tableau en les insérant dans des phrases simples que
les élèves liront à haute voix;il peut présenter aux élèves des cartons sur lesquels
ces mots sont écrits ou imprimés; ou encore il peut aider les élèves à découvrir les
différences de forme qu’il y a entre ces mots et d’autres déjà connus. Les élèves
doivent s’habituer progressivement à reconnaître les éléments qui composent les
mots et à les utiliser pour déchiffrer de nouveaux mots.
Lorsque la langues’écritde manière très phonétique2,les élèves doiventapprendre
rapidement à reconnaître la forme et le son des diverses lettres, à combiner des élé-
ments de mots pour former des mots et à se servir de leur connaissance de ces élé-
ments pour lire de nouveaux mots. Lorsque des éléments syllabiques tiennent une
grande place dans la langue,il importe que les élèves identifientceux qui reviennent
le plus souvent et apprennent à les utiliser pour reconnaître des mots nouveaux.
Pour les langues où l’orthographeest irrégulière et où les lettres peuvent représenter
des sons différents,l’acquisition des éléments de mots sera beaucoup plus lente à
ce stade: de façon générale,l’élèvene devra pas chercher à retenir un élément de
mot avant de l’avoir rencontré plusieurs fois dans des mots connus à vue et de
l’avoir employé fréquemment dans les leçons de lecture suivantes.
C’est pendant les leçons consacrées au développement des attitudeset mécanismes
de lecture que les élèves recevront les formes d’enseignement particulières qu’exigent
certaines langues.Par exemple,les élèves qui apprennent à lire l’arabe et certaines
autres langues ont besoin qu’onles aide à se familiariser avec les signes diacritiques
indiquant le son des voyelles qui ne sont pas imprimées.D e même, dans les langues
dites << tonales», il faut aider les élèves à reconnaître les signes indiquant des diffé-
rences d’inflexion ou de sens3. Ces diverses caractéristiques doivent être abordées
dans un ensemble ayant un sens.
Les exemples ci-dessus n’indiquent que quelques-unsdes exercices nécessaires
au développement des mécanismes de la lecture. O n trouve aujourd’hui diverses
suggestions dans les manuels élémentaires, dans les livres du maître ou dans les
cahiers d’exercices qui complètent les manuels. Dans certains manuels, chaque
leçon est suivie d’une ou de plusieurs pages d’exercices sur les notions nouvelles.
Depuis quelques années, les méthodes permettant de déterminer les progrès et
les besoins des élèves se sont rapidement perfectionnées. Il est très important que
le maître étudie soigneusement les fautes que commet chaque élève et les difficultés
qu’il rencontre. En s’occupant ainsi pendant quelques jours d’un ou de plusieurs
161
L ’ e m e i a m e n t de la lecture et de l’écriture
Lorsque les élèves ont terminé le manuel et fait les exercices qui s’y rattachent,
ils doivent pouvoir lire presque seuls un texte continu intéressant dont le vocabu-
laire comprend 150 mots environ. Il ne restera plus, dans ce deuxième stade,qu’à
perfectionner toutes les attitudes et tous les mécanismes fondamentauxde la lecture,
jusqu’à ce que les élèves sachent lire seuls des textes simples en s’intéressant vrai-
ment à leur contenu et se mettent à lire de leur propre initiative.
En général,le matériel de base employé pour obtenir ces résultats se compose
d’un premier livre de lecture, ou d’un ouvrage ou d’ouvrages analogues conte-
nant 150 pages environ et un nombre correspondant de mots nouveaux. A la fin
du deuxième stade,les élèves ont d’ordinaire acquis un vocabulaire de lecture de
300 mots environ. Beaucoup d’écoles où l’on n’emploie qu’un matériel préparé
en collaboration par le maître et par les élèves signalent que les élèves ont acquis
sensiblement le même nombre de mots à la fin de la première année.
Ce matériel de base est employé tous les jours, de préférence pendant la leçon
du matin. Les méthodes appliquéessont en principe semblables,la leçon comprenant
quatre parties, comme lors de l’étudedu manuel. En classe,on pratique à peu près
autant la lecture orale que la lecture silencieuse;le maître aide les élèves à saisir
et à interpréter le sens de ce qu’ils lisent et à apprendre à reconnaître les mots avec
précision et sans aide. Lorsque la langue s’écrit de manière très phonétique, les
élèves doivent connaître à la fin de la première année la plupart des faits et des prin-
cipes indispensables pour pouvoir identifier les mots nouveaux; lorsque la langue
s’écrit de manière moins phonétique, on ne peut employer avec profit que les auxi-
liaires les plus simples et les plus couramment utilisés. Dans le cas des langues qui
se transcrivent en caractères syllabiques ou idéographiques,ou dans ces deux sortes
de caractères,et où l’on se sert d’un système complémentaire de signes phonétiques
pour reconnaître les mots, les élèves parviennent en général à identifier parfaite-
ment ceux-cià la fin de la première année.
A u cours de la leçon de l’après-midi,les élèves devront s’habituer à lire seuls,
I 62
Nature et organisation des programmes d‘heignement de la lecture aux enfants
en portant toute leur attention sur le sens de ce qu’ils lisent.Pour cela,on a recours
à diverses sortes de textes. Certains éditeurs ont préparé,sur toutes sortes de sujets
intéressants,des livrets supplémentaires que les enfants doivent lire en même temps
que le premier livre de lecture; certaines écoles emploient les manuels d’autres
séries ou des livres de bibliothèque très simples. Lorsqu’ilsne peuvent se procurer
des textes de ce genre, de nombreux maîtres font relire plusieurs fois le manuel et
le premier livre de lecture,mais à chaque fois dans un dessein nouveau. Ils écrivent
également au tableau ou polycopient pour les élèves des textes simples et intéres-
santsl provenant de diverses sources. Les maîtres qui se servent d’un matériel pré-
paré par les élèves font lire aux enfants les brochures préparées par les élèves des
années précédentes. O n a un tel besoin de textes de lecture supplémentaires que
l’on a imaginé divers moyens de s’en procurer.
Lorsque vient le moment de lire ces textes,le maître et les élèves étudient géné-
ralement ensemble le titre et les images qui accompagnent le récit. Ils en prévoient
ainsi les péripéties et préparent m ê m e les questions dont ils espèrent trouver la
réponse dans le texte. Puis ils lisent et discutent ensemble les événements de la pre-
mière page. Vraiment intéressé et songeant à des questions précises, chaque élève
lit seul le reste de l’histoire. Cependant, le maître observe les habitudes de ses
élèves et leur donne toute l’aidenécessaire.Lorsque tous les élèves,ou même lorsque
la plupart ont fini de lire l’histoire,ils discutent de son contenu sous la direction
du maître. En commençant par des textes très simples,les élèves apprennent rapide-
ment à lire seuls de façon réfléchie.
A mesure que les élèves s’habituentà lire sans l’aide du maître,ils commencent
généralement à entreprendre des lectures pour leur propre compte. O n emploie
divers moyens pour éveiller ce goût -par exemple, on dispose dans la classe une
table sur laquelle on place des livres simples et intéressants. O n encourage les
élèves,chaque fois qu’ilsont un moment de liberté dans la journée,à s’en approcher
pour les images et lire ce qui les intéresse. U n autre moyen consiste à lire aux élèves
un fragment d’une histoire, en s’arrêtant au passage le plus intéressant. Dès que
l’élève commence à lire seul,à la maison ou à l’école,on doit lui donner l’occasion
de raconter à ses camarades ce qu’il a lu-ce qui présente le double avantage de
l’encourager et d’éveiller ou de stimuler le goût des autres pour la lecture.
L’étude des progrès et des besoins des élèves doit se poursuivre pendant toute
cette dernière phase du deuxième stade. Les difficultés qu’éprouvent les élèves
seront résolues d’autant plus aisément qu’elles auront été décelées plus tôt. Pour
avoir le temps de s’occuper particulièrement de ceux qui en ont besoin, le maître
donnera souvent aux élèves les plus avancés l’occasionde lire seuls des textes simples,
exercice qui leur sera d’ailleursfort utile. Rien ne devra être négligé pour aider
tous les élèves à atteindre les objectifs du deuxième stade à la fin de la première
année. Les élèves lents ne devront toutefois pas être poussés outre mesure, mais on
devra les laisser commencer la deuxième année au point qu’ils avaient atteint à la
fin de la première année.
Dès qu’ilssont capables de lire tout seuls et avec intérêt des textes simples,les enfants
sont prêts à aborder le troisième stade. Ce stade s’étend sur une période d’environ
J. HILDRETH,
Gertrude, << Improving reading with script text D, Elementary school journal, vol. LIII,
1953, P. 387-395.
L’enseianemetlt de la lecture et de récriture
deux ans, au cours de laquelle les élèves devraient faire des progrès rapides dans
l‘assimilation des attitudes et mécanismes fondamentaux qui sont nécessaires pour
lire couramment,à haute voix ou silencieusement,et de façon réfléchie.A ce stade,
les principaux objectifs sont les suivants:
I. Développer chez l’enfantle goût de lire,pour se distraire ou pour s’instruire.
2. Elargir ses préoccupations au moyen de lectures libres ou dirigées.
3. Augmenter son aptitude à comprendre de façon claire et précise ce qu’il lit.
4. L’amener à réfléchir sur les notions qu’il acquiert et à les utiliser pour mieux
comprendre les choses, pour se comporter correctement et pour résoudre des
problèmes.
5. Porter à 2000 environ le nombre total des mots qu’il reconnaît rapidement à
première vue.
6. Améliorer chez lui la capacité d’appréhension directe des mots, de manière
qu’il arrive à reconnaître dans un texte et à prononcer par lui-mêmetous les
mots nouveaux qui appartiennent à son vocabulaire oral.
7. L’amener à lire des yeux à une vitesse légèrement supérieure à celle de la lec-
ture orale.
8. Améliorer la qualité de la lecture orale.
O n aura obtenu un résultat très important lorsque les élèves seront capables de
lire correctementet courammenttout texte se rapportantà leur existence quotidienne
et ne sortant pas des limites de vocabulaire indiquées ci-dessus. O n peut, pour
atteindre ce but, recourir à bien des modes d’enseignement, qui seront examinés
ci-aprèssous les rubriques suivantes:développement de l’aptitudeà lire;acquisition
à titre permanent de bonnes habitudes; correction ou élimination des mauvaises
habitudes; susciter un goût permanent pour la lecture; encourager la lecture dans
le cadre des autres activités scolaires.Chacune de ces questions pourrait faire l’objet
de tout un chapitre, mais nous devons nous contenter d’en donner ici un bref
aperçu1.
I. O n trouvera à cet égard des informations complémentaires dans les ouvrages suivants:
NATIONAL SOCIETYFOR THE STUDYOF EDUCATION,op. cit., p. 93-126.
POLLEY, Mary E.,op. cit., p. 182-232.
RUSSELL,David E., Children leam to rend, New York, Ginn and Company, 1949,chap.VIX.
SAEZ, htonia, La lectura, arte del lenguuje, San Juan (Puerto Rico), [Imprenta Venezuela], 1948.
SCHONELL,Fred J., op. cit., ch. V.
Nature et organisation des programmes d’enseignement de la lecture aux enfants
Il faut que les élèves apprennent à identifier tous les mots qui font partie de leur
vocabulaireoral.Autrementdit,il faut qu’ilsacquièrenttoutes les techniquesd’appré-
hension directe des mots, à l’exceptionde celles qui leur seraient nécessaires pour
identifier des mots relativement longs ou peu employés et des termes techniques
appartenant à des vocabulaires spéciaux comme ceux de l’histoire, des sciences
ou de l’arithmétique.Les problèmes qui se posent à cet égard varient selon les
langues. S’ils’agit d’unelangue qui s’écrit en idéogrammes ou en caractères sylla-
biques, ou dans les deux,les élèves devront faire de rapides progrès dans l’identifica-
tion des mots au moyen des symboles phonétiques supplémentaires.S’il s’agit d’une
langue alphabétique très phonétique, ils devront apprendre à tirer de mieux en
mieux parti des éléments de mots avec lesquels ils se seront familiarisés au cours du
deuxième stade, tout en continuant à progresser rapidement dans l’acquisition des
connaissances et mécanismes essentiels. S’ils’agit enfin d’une des autres langues
alphabétiques,ils devront, au cours de ce troisième stade, se familiariser chaque
jour davantage avec les mécanismes d’appréhension directe des mots et se mettre
ainsi en mesure de reconnaître les différents termes qui font partie de leur vocabu-
laire oral1. Pour faire acquérir aux élèves de nouvelles connaissances et de nou-
veaux mécanismes, on aura recours à l’étude dirigée de mots déjà rencontrés au
cours des leçons de lecture précédentes, ainsi qu’à des exercices pratiques. O n
amènera progressivement les élèves à appliquer les techniques ainsi acquises aussi
bien dans les lectures qu’ils feront seuls que dans les autres.
Le développement rapide de l’aptitude à identifier les mots nouveaux est si
importante que l’entraînement qu’elle nécessite ne doit pas être négligé.
Les élèves devront revoir fréquemment les préceptes dont il faut tenir compte quand
on s’adresse à un auditoire,par exemple: lire clairement et distinctement,lire d’une
voix assez forte pour être aisément entendu de tous et d‘un ton propre à faciliter
la compréhension des idées.D e temps à autre,les élèves étudieront un texte pour se
I. GRAY, William S., On their own in reading, Chicago, Scott Foresman and Company, 1948.
PRESTON, Ralph C., «Cornparison of word recognition skills in German and American children»,
Elementasy school journal, vol. LIII, avril 1953, p. 443-446.
L‘emeignemnt de la lecture et de l’écriture
rendre compte de la façon dont il convient de lire à haute voix ses différentes parties
afin d’en faire ressortir le sens (descriptions,passages humoristiques,dialogues,etc.).
Les exercices désignés sous le nom d’exercicesvolontaires de lecture orale présentent
un grand intérêt: chaque élève choisit lui-mêmele texte qu’il lira à toute la classe
et prépare soigneusement cette lecture. Il est également fort utile de faire préparer
et exécuter aux élèves des interprétations dialoguées de textes spécialement adaptés
à cet effet.
Il importe tout particulièrement qu’au cours du troisième stade les élèves arrivent
à lire plus couramment et avec plus d’aisance.Dans les efforts qu’on déploie pour
développer rapidement chez eux l’aptitudeà lire des textes de plus en plus difficiles,
on néglige souvent cet aspect de la question. Il en résulte que les élèves ne lisent
guère par eux-mêmespendant qu’ils sont à l’écoleet cessent à peu près totalement
de lire lorsqu’ils en sont sortis. Pour remédier à cela, il convient notamment de
donner aux élèves la possibilité de lire beaucoup de textes un peu plus simples que
ceux des manuels utilisés pour la leçon du matin. O n peut à cet effet employer plu-
sieurs catégories d’ouvrages: livres de lecture plus faciles appartenant à d’autres
collections;ouvrages de bibliothèques également faciles; recueils de textes accom-
pagnant et complétant certains manuels de lecture. En l’absencede tels ouvrages,
les maîtres peuvent donner à lire à leurs élèves des textes simples écrits au tableau
ou reproduits au duplicateur,ou même faire relire le texte en posant de nouvelles
questions.
Dans les leçons de lecture orale à la première vue, on peut lire aux élèves le
titre du texte, leur faire étudier les images et éveiller leur intérêt en faveur du récit
lui-même au moyen d’un entretien sur des faits qu’ils ont eux-mêmes vécus. O n
peut, avant m ê m e de faire commencer la lecture,poser des questions sur les événe-
ments dont traite le texte. La lecture de chaque passage doit être suivie d’un entre-
tien où l’on encouragera les élèves à poser des questions auxquelles le passage sui-
vant apportera la réponse. O n les habitue ainsi à faire preuve, dans leurs lectures,
de curiositéd’esprit.En les faisantlire à tour de rôle,le maître doit noter les difficultés
que leur donne telle ou telle catégorie de mots, afin de pouvoir-soit à la fin de
la leçon, soit plus tard-apporter à chacun d’eux l’aide dont il a besoin.
La lecture silencieuse par groupe présente autant d’importanceque la lecture
orale et peut donner lieu à l’emploi des mêmes méthodes exposées plus haut. La
lecture de chaque alinéa ou groupe d’alinéas est précédée de questions. Une fois
lu un passage faisant un tout, on discute des faits qui y sont rapportés et l‘on part
des questions mêmes que posent les élèves pour orienter leur attention sur le passage
qui suit; on continue à appliquer cette méthode jusqu’à la fin du récit.
La lecture silencieuse individuelle, pratiquée sous la direction du maître, est
également fort utile. Après avoir éveillé l’intérêt des élèves pour le texte choisi, on
leur demande de le lire en silence.Pendant qu’ils se livrent à cet exercice,le maître
les observe afin de voir, d’après leur comportement,s’ils se heurtent à des difficultés
d’identificationou de compréhension,auquel cas il peut leur venir immédiatement
en aide. A la fin de la leçon,on discute des incidents du récit. Si l‘on dispose d’une
bibliothèque bien fournie,chaque élève peut y choisir le livre qu’il voudrait lire.
Cette manière de procéder stimule le goût des élèves pour la lecture et permet
d’obtenir d’eux une plus grande concentration de l’attention,des efforts plus vigou-
reux et de rapides progrès dans l’aptitude à lire rapidement et facilement.
166
Nature et organisation des programmes d’enseignement de la lecture aux enfants
I. BIRMINGHAM UNIVERSITY. INSTITUTE OF EDUCATION, Remedial education centre; Jirst annual report,
r948-49,par Fred J. Schonell et W.D.Wall, Birmingham, [19491, 28 pages.
CONFERENCE ON READING, UNIVEFSITY OF CHICAGO, 1953,Corrective reading in classroom and clinic,
compiled and edited by Helen M.Robinson,Chicago,University ofChicagoPress, 1953,256pages.
(Proceedings; Chicago Uniuersity Department of Education. Supplementary Educational Monograpb,
no 79.)
DOLCH, Edward William, A manual for remedial reading, 2e éd., Champaign (Ill.), Garrard Press,
‘9453 460 Pages.
DUNCAN,John, Backwardness in reading; remedies and preuention, Londres, George G.Harrap and Co.,
‘9533 96 Pages.
HARRIS,Albert J., H o w to increase reading ability: a guide to indiuidualized and remedid methods, 26 éd.
revue et augmentée, Londres, N e w York, Longmans Green and Co., 1947,582 pages.
K O ~ M E Y E R ,William,Handbook for remedial reading, St. Louis (Mo.),Webster Publishing Co., I 947,
‘79 pages.
SCHONELL, Fred J., Backwardness in the basic subjects, 2e éd., Edimbourg et Londres, Oliver and
Boyd, 1945, chap. I-XII.
L’ensei,pernent de la lecture et de l’écriture
O n peut enfin ranger dans un troisième groupe les enfants qui ont les aptitudes
intellectuellesrequises pour apprendre à lire, mais qui souffrent d’une ou plusieurs
déficiences très nuisibles à leurs progrès; défauts de la vue ou de l’ouïe, mauvaise
santé, excessive nervosité, retard dans le développement du langage, difficultés
affectives. Des études poussées ont été faites dans divers pays sur des cas de ce
genre et l’on s’est efforcé de déterminer au moyen d’expériences la nature de la
thérapeutique et des procédés pédagogiques à employer à l’égard de ces enfants.
O n trouvera dans les ouvrages énumérés ci-dessous1certaines des conclusions et
propositions qui ont été formulées au sujet des moyens à employer pour déceler
les causes de graves retards et pour y porter remède.
A mesure que les élèves feront des progrès, on aura de plus en plus recours à la
lecture pour l’étude des différentes matières. S’il existe des ouvrages simples se
rapportant par exemple à l’étudedu milieu social,à celle du milieu physique ou à
l’arithmétique,on les leur fera lire avec autant de soin qu’ils doivent en apporter
I 68
Nature et organisation des programmes d’enseignement de la lecture aux enfants
Dès que les buts visés au troisième stade auront été atteints,il restera à faire acquérir
aux élèves des goûts et des habitudes en matière de lecture répondant à une plus
grande maturité d’esprit,ce qui sera l’objectif même de l’enseignement donné au
quatrième stade. U n tel enseignement prend une importance particulière dans les
régions où beaucoup d‘enfants ne restent que quatre ans à l’école.Nous exposerons
brièvement les différents problèmes à résoudre dans l’un et l’autre des domaines
suivants:favoriser le développement normal des enfants, tant en matière de lecture
que par le moyen de la lecture, et les initier progressivement à quelques-unsdes
emplois simples de la lecture qui s’offrentaux adultes de la communauté.
tions d’activités et exposés de problèmes propres aux enfants de l’âge des élèves;
détails frappants sur les gens et les choses qu’on rencontre dans les différentesparties
du monde ou les événements qui s’y produisent;relations d’aventuresou de voyages
et autres récits intéressants concernant des pays étrangers ou des temps passés;
histoires pour enfants choisies parmi les meilleures que recèle la littérature du pays
ou de la région culturelle.
Les méthodes et procédés d’enseignement sont, dans l’ensemble, analogues à
ceux qui sont employés au troisième stade,mais sont adaptés à la tâche plus difficile
à accomplir. Chaque passage à lire doit être présenté aux élèves de manière que
ceux-ci comprennent son rapport avec leurs préoccupations immédiates. Par des
questions, par la présentation d’images, par des entretiens et des échanges d’im-
pressions vécues, on s’efforcera d’élargir l’horizon des élèves et d’enrichir leur
connaissance des choses. O n essaiera d‘obtenir d’eux qu’ils fassent en supplément
de nombreuses lectures pour satisfaire leur curiosité présente et trouver de nou-
veaux sujets d’intérêt.
Le développement chez les élèves d’une meilleure aptitude à lire et à tirer profit
de la lecture exige des plans soigneusement préparés et des efforts chaque jour
renouvelés. Quatre groupes de problèmes méritent de retenir spécialement l’atten-
tion:
Développement d’une aptitude accrue à reconnaftre sans aide les mots nouveaux.
En raison de la plus grande diversité des ouvrages que l’élèvelit au cours du qua-
trième stade, le nombre de mots nouveaux qu’il rencontre augmente rapidement.
Il lui faut bien reconnaître les mots polysyllabiques nouveaux et savoir se servir
d’un dictionnaire pour trouver le sens et la prononciation inconnus.
Elargissement du vocabulaire de l’élève en ce qui concerne les différentes acceptions des mots.
D e par la nature même des ouvrages que l’élève lit au quatrième stade, il voit
apparaître presque à chaque page des mots correspondant à des concepts nouveaux
tandis que les mots qui lui sont familiers déjà sont souvent employés dans des accep-
tions qu’il ne connaît pas. Il faut donc faire faire continuellement aux élèves des
exercices pour les habituer à trouver le sens des mots d’après le contexte et d’après
les éléments m ê m e dont ils sont formés. Il faut en même temps leur fournir toutes
explications utiles et les aider à manier un dictionnaire comme à choisir entre plu-
sieurs sens celui qui s’adapte au contexte.
C o m m e les élèves font maintenant des lectures sur des choses ou des activités qui
ne leur sont pas familières, ils ont souvent besoin qu’on les aide à saisir certains
détails et à se les représenter avec précision. O n a de plus en plus souvent recours
pour cela aux divers auxiliaires audio-visuels,avec explications et discussions à
l’appui. Les élèves doivent également, à ce quatrième stade, faire des progrès
rapides en un triple domaine:saisir les idées qui ne sont pas explicitementformulées,
tirer des déductions de leurs lectures et dégager des conclusions des faits exposés.
Tout en lisant,ils doivent apprendre à comparer entre elles les idées qui leur viennent
de différentes sources et à juger de leur valeur et de leur signification.Ils doivent
s’habituerà peser les argumentsprésentés et à distinguer ce qui est exact ou pertinent
de ce qui ne l’estpas. Ilsdoiventégalementapprendreàjuger de la beauté et de lavaleur
Nature et organisation des programmes d’enseignement de la lecture aux enfants
des bons ouvrages littéraires et à sentir en quoi ils diffèrentdes écrits vulgaires ou
sans intérêt; ils en viendront ainsi peu à peu à préférer les premiers.
Vitesse de lecture.
Deux mesures au moins peuvent être prises pour encourager les élèves à faire des
lectures du genre de celles qui conviennent aux adultes de leur communauté. La
première consiste à stimuler leur intérêt pour les événements d’actualité. S’ilexiste
L’enseignement de la lecture et de i‘ém’ture
Fig. I I. Metropolitan Reading Readiness Test (publié par la World Book Company, Yonkers-on-
Hudson, N.Y.).
Test I :Sens des mots. Il y a 19lignes c o m m e celle-ci. Dans chacune, l’élève doit marquer d’un signe
l’image correspondantau mot prononcé par l’examinateur.Par exemple, celui-cidira: (c Marquez
le bébé.) )
Test 2: Phrases. Il y a 14 lignes c o m m e celle-ci.Dans chacune, l’élève doit marquer d’un signe l’image
dont on lui donne la description. Par exemple, l’examinateur dira: «Trouvez l’enfant qui porte
u n seau et une pelle.»
Test 3: Information. Il y a 14 lignes c o m m e celle-ci. Dans chacune, l’élève doit marquer l’image
qui correspond le mieux à la description de l’examinateur.Par exemple, celui-cidira: «Marquez
l’objet dont vous vous servez quand vous jouez dehors avec une balle.))
Test 4:Appariement. Il s’agit d’un test de perception visuelle. Il y a 19 lignes c o m m e celle-ci.Dans
chacune, l’élève doit encercler d’un trait l’image qui correspond à celle qui est au centre.
‘73
L’enseignement de la lecture et de l’écriture
Mary is a little
3 tree cup top girl dress
One day it was cold. Jack was glad that his blue coat was so
warm.
One day it was
5 hot rainy eold dark warm
Jack‘s coat waç
cold red glad wam fat
Fig. 12.Test général d’aptitudeà la lecture. Exemples d’exercices choisis dans The Chicago Reading
Tests (tests établis pour le Chicago Board of Education et publiés par E. M.Hale and Co., Chicago,
pour être employés au cours des deux premières années d’école).
Test I. Compréhension des mots (12 tests analogues). O n demande à l’élève de trouver le mot (chat»
(chapeau) et de le souligner.
Test 2. Compréhension de membres de phrases (12 tests). Soulignez les mots «a boy runningb (un
petit garçon qui court).
Test 3. Compréhension de phrases (8 tests). Soulignez le mot qui compléterait le mieux la phrase.
Test 4. Compréhension de directives (7 tests). Lisez la directive et faites ce qui est demandé.
Test 5. Compréhension de paragraphes (I 2 tests). Lisez les deux premières lignes. Lisez ensuite chacune des
phrases suivantes et marquez le mot qui la compléterait le mieux.
‘74
Nature et organkation des programmes d’enseignement de la lecture aux enfants
“Look, M,”
said Sally. 1
“Look, Spot.
you did.”
See what -
PUE Spot Little Quack
a baby kitten
a yellow duck
1 a little chicken
3
She went to get Little Rabbit.
She went to get Sally.
She went to get Grandmother.
Fig. 13.Exemple d’un test d’aptitudeà la lecture joint à un manuel de lecture élémentaire («New
basic reading test)) joint au manuel Fun with Dick und Jane, Chicago, Scott Foresman and Company
(Newbasic readers).
I. Compréhnsion du seru d’une phrase. L e maître invite les élèves 2 souligner chacun des mots qui
montrent qui Sally voulait désigner par le pronom vous.
2. Formationd’imagessensorielles. L e maître dit: ((Pensez à un petit animal couvert de duvet qui
a des ailes et qui nage. Auquel avez-vous pensé? Tracez un trait en dessous.))
3. Perception de rapports. L e maître raconte l’histoire à laquelle se rapporte l’image; puis il dit:
((Soulignez la phrase indiquant qui la m a m a n allait chercher dans la maison.))
‘75
L’enseignement db 14 leciure et de l’écriiure
Fig. 13 (suite). Exemple d’un test d’aptitude à la lecture joint à un manuel de lecture élémentaire.
4. Reconnaissance des réactions affectives. «Lisez cette histoire. Puis tirez un trait sous la figure qui
montre ce que Jane ressentait et quel air elle avait.))
5. Perception visuelle (sens). «Lisez les deux phrases. Soulignez le mot de dessous qu’il faut mettre
dans le blanc.) )
6. Anabsephonétique. «Tirez un trait sous l’objet dont le n o m commence par un s et complétez
la phrase.»
7. Anabse structurale (Sem). «Lisez la phrase. Lequel des trois mots faut-il mettre dans le blanc?»
176
C H A P I T R E VI11
L’ENSEIGNEMENTDE LA LECTURE
AUX ADULTES
Doter de l’instruction indispensable une génération d’adultes est une tâche non
moins utile que de donner aux enfants le goût et l’habitudede la lecture.A u cours
des dernières années, ce problème a été sérieusement étudié dans diverses régions,
et les nombreuses recherches et expériences contrôlées dont nous avons maintenant
les résultats fournissent d’utilesdirectives pour la lutte contre l’analphabétismesur
le plan mondial. Dans le présent chapitre, nous étudions spécialement la nature,
la portée et la structure des programmes d’enseignement de la lecture convenant
aux adultes. Les ouvrages cités en note nous ont été très utiles pour la rédaction de
ce chapitre1.
‘77
L’enseiEnernent de la lecture et de l‘écriture
LES P R O G R A M M E S A C T U E L S D’ENSEIGNEMENTDE L A L E C T U R E
Dans un nombre suprenant de régions,il n’a jamais encore été entrepris de cam-
pagne sérieuse contre l’analphabétisme.Dans ces régions, il faut partir de zéro,
et on ne peut guère compter y trouver un appui de la part des pouvoirs publics,
pas plus qu’on n’y dispose des maîtres qualifiés et du matériel d’enseignement
nécessaires.
Les programmes existants diffèrent considérablement par leur portée et leur
structure.Dans le cas des moins ambitieux,l’enseignementne dépasse pas le niveau
élémentaire et prend fin dès que les élèves possèdent (< les rudiments de l’instruc-
tion ». Ces programmes limités sont souvent imposés par l’insuffisance des fonds
disponibles,l’absencede maîtres qualifiés et la pénurie de matériel d’enseignement.
Mais dans bien des cas,ils répondent aussi à la conviction que les adultes,lorsqu’on
leur aura appris à identifier les mots, pourront s’entraîner tout seuls à la lecture.
L’expérience a maintes fois prouvé cependant que cet espoir est vain, et que seule
une faible proportion des adultes ainsi instruits poursuivent leurs études.
Certains programmes utilisent un matériel de lecture d’un niveau légèrement
plus élevé. Le Ministère de l’éducation du Brésil1 a publié en 1948 une série de
textes de base réunis en deux brochures,la première intitulée Ler (Lire), la deuxième
intitulée Saber (Savoir). Les collections qui ont été utilisées en 1950 au Soudan2
dans le cadre d’une campagne contre l’analphabétismeet celles qui sont adoptées
pour l’usagegénéral à Porto Rico et ailleurs sont encore plus complètes3.Elles per-
mettent généralement aux élèves d’atteindre,avant la fin de la période d’instruc-
tion, un niveau beaucoup plus élevé qu’avec les seuls manuels traditionnels.
Il existe des programmes encore plus étendus, prévoyant non seulement des
lectures plus poussées en classe, mais aussi des lectures complémentairesque l’élève
peut faire seul dès qu’il a terminé son instruction élémentaire,et même avant. Les
textes sont préparés par des comités ou bureaux spéciaux4,par des organisations
religieuses ou par des maisons d’édition. Ils concernent à peu près tous les sujets
auxquels peuvent s’intéresserdes adultes. Lorsqu’ilssont suffisamment simples pour
être lus sans effort et avec plaisir, ils développent l’aptitudeà lire et le goût de la
lecture.
Dans l’applicationde programmes élargis d’enseignement de la lecture,certaines
communautés préfèrent distinguer plusieurs étapes, correspondant chacune à un
objectif précis. U n programme de ce genre a été recommandé par Bivar en 1949
pour le bengali5.Un autre a été appliqué récemment dans le cadre du plan de
développement économique et social des régions rurales de l’Inde6.Il comprenait
quatre étapes: au cours de la première, les élèves déchiffraient des textes simples
affichés en différents endroits du village; au cours de la deuxième,ils étudiaient un
manuel élémentaire;au cours de la troisième,ils lisaient,sous la direction du maître,
un second manuel,contenant un vocabulaire de 520 mots; au cours de la quatrième,
ils faisaient des lectures plus ou moins personnelles sur des problèmes courants de
la vie rurale. Le programme récemment appliqué à Mysore (1nde)l comprend
également quatre étapes. Pour les pays américains de langue espagnole,on a recom-
mandé des programmes en trois étapes2.
Divers programmes ont été organisés en fonction des besoins particuliers de cer-
taines communautés.Aux Philippine?, le programme d’enseignement de la lecture
a maintenant pour objectifs d’apprendre aux élèves à résoudre certains problèmes
personnels et collectifs, d’accroître leurs connaissanceset de développer leur culture,
enfin de les amener à goûter la lecture et à réfléchirà ce qu’ilslisent.Après les pre-
mières leçons, plusieurs manuels sont utilisés; le Citizen’s Reader contient 35 récits
traitant de problèmes sociaux et économiques.In Our Community expose les qualités
idéales et pratiques du citoyen; enfin, le bulletin hebdomadaire Citizens Letters con-
tient des articles sur des sujets d’intérêt immédiat. Avec un bon instructeur,les
éIèves font des progrès rapides en ce qui concerne: l’aptitudeà lire et le goût de
la lecture; la compréhension des problèmes personnels et collectifs; l’acquisition
d’une culture de nature à développer leur personnalité et en faire de bons serviteurs
de la collectivité. D e tels résultats méritent tous les efforts.
La nécessité de donner aux adultes une instruction fonctionnelle se fait sentir
dans le monde entier. Une telle instruction doit se fonder sur des principes pédago-
giques solides et être adaptée aux conditions et aux besoins propres de chaque com-
munauté. Pour améliorer les programmes, il faut partir de la situation existante
et n’introduire de modifications que dans la mesure où les conditions locales le
permettent.
Nous ne pouvons prétendre dans le présent chapitre exposer des programmes
d’enseignement de la lecture qui répondent aux besoins de toutes les communautés.
Il nous a semblé préférable d’insister sur certains éléments qui, d’après des expé-
riences et des recherches contrôlées,paraissent susceptibles d’une large application.
Nous n’ignoronspas que nombre de ces suggestionsne peuvent être adoptées immé-
diatement dans certaines communautés,faute de crédits suffisants,de maîtres qua-
lifiés et de matériel d’enseignementapproprié. Nous espérons cependant qu’elles
aideront toutes les communautés à mettre au point, à longue échéance, les pro-
grammes étendus et efficaces qu’exige la vie moderne. Nous étudierons au cha-
pitre XII l’adaptation des programmes d’enseignement de la lecture aux condi-
tions et aux besoins particuliers des communautés.
P R I N C I P A U X O B J E C T I F S D’UN P R O G R A M M E D ’ E N S E I G N E M E N T
D E LA LECTURE A U X ADULTES
‘79
L’enseignement de la lecture et de l’écriture
Les uns concernent les avantages pratiques qui résultent du fait de savoir lire.
Ainsi, l’adulte doit pouvoir :
I . Selon les besoins pratiques de la vie quotidienne déchiffrer les avis interessant sa
sécurité,trouver son chemin,se tenir au courant des événements,correspondre
avec sa famille et ses amis;
2.Améliorer la santé,les conditions sanitaires, les soins aux enfants, les récoltes,
les conditions de vie;
3.Comprendre le milieu physique et social où il vit, les problèmes personnels et
collectifs qui s’y posent, ainsi que les principes en cause et les solutions pos-
sibles;
4.Connaître les traditions, les institutions et les coutumes locales;
5.Adopter les attitudes et les principes qui le feront effectivement participer à la
vie de la famille, de la communauté,de la nation;
6.Apprendre à connaître des faits concernantd’autreslieux,d’autrespays, d’autres
peuples,d’autres époques;
7.Elargir son horizon intellectuel;
8.Se cultiver et développer sa personnalité par la lecture des œuvres littéraires;
9.Satisfaire ses aspirations religieuses par la lecture des textes sacrés;
IO.Trouver dans la lecture une source de satisfactions personnelles.
Ce ne sont là que quelques suggestions;les besoins et les valeurs essentiels diffèrent
selon les communautés et les cultures. Chaque communauté a donc le devoir d’étu-
dier dans le détail à quels besoins la lecture doit répondre et quelles valeurs elle
doit servir, pour que les individus puissent participer effectivement aux activités
et à la culture du groupe.
Les autres concernent les attitudes et les mécanismes qui sont à la base de l’ins-
truction fonctionnelle. Voici,d’après les recherches résumées dans les chapitres III
à v et d’après des rapports provenant de diverses régions,quels doivent être à cet
égard les objectifs de l’enseignementde la lecture:
I . Inspirer aux adultes le désir d’apprendre à lire a à tout prix D;
2.Les habituer à réfléchir à ce qu’ilslisent et à approfondir le sens de leurslectures;
3.Les habituer à reconnaître exactement les mots, sans aide;
4.Développer chez eux l’aptitude à comprendre le sens des textes: sens littéral,
sens suggéré et sens implicite (voir chapitre IV);
5.Les habituer à réagir intelligemment à leurs lectures;
6.Les rendre capables d’utiliser les idées acquises,pour améliorer leurs connais-
sances, acquérir des attitudes rationnelles, résoudre les problèmes individuels
et collectifs;
7.Leur apprendre à lire vite, tout en comprenant parfaitement le sens du texte;
8.Les rendre capables de lire convenablement,à haute voix,en ne perfectionnant
dans cet exercice que ceux qui manifestent des dispositions et un intérêt parti-
culiers;
9.Développer leur intérêt pour la lecture,et les amener progressivement à recher-
cher des lectures de qualité;
IO.Les habituer à lire régulièrement,pour le plaisir et pour augmenter leurs con-
naissances.
L’instruction fonctionnelle,dans la conception moderne, ne consiste pas seulement
à connaître ses lettres et savoir lire un manuel élémentaire. Pour l’acquérir,il faut
un délai variable suivant les communautés.La durée des cours effectifs sera com-
prise entre cent cinquante et trois cents heures.
I 80
Enseignement de la Lecture aux adultes
STRUCTURE D U P R O G R A M M E
NBCESSITÉD’UNE PRÉPARATION
Les jeunes gens et les adultes qui s’inscrivent aux cours de lecture progressent de
façon très inégale.Ces différences1 tiennent en grande partie à des variations indivi-
duelles en matière d’aptitudes,d’instruction générale,de connaissance de la langue,
de santé, d’acuité visuelle et auditive, etc. D’autres facteurs affectent certaines
communautés plus que d’autres. En voici quelques exemples.
181
L‘enseignement de la lecture et de l’écriture
O n voit combien il importe de bien connaître les facteurs qui interviennent dans
l’apprentissage de la lecture. L’expérience et la recherche révèlent que, pour
apprendre à lire, l’adulte doit avoir les qualités suivantes:
I. Intelligence suffisante pour pouvoir donner un sens au mot imprimé. C o m m e
nous l’avons dit au chapitre VII, la plupart des enfants possédant les autres
qualités requises sont capables d’apprendre à lire dès qu’ils ont atteint l’âge
mental de six ans. La plupart des adolescents et des adultes qui s’inscriventau
cours d’alphabétisationont une maturité d’esprit bien supérieure,mais il existe
des exceptions frappantes.En outre,dans les communautésindigènes,on constate
que certains adultes ont acquis des habitudes qui leur ont fait perdre toute
aptitude à apprendre, quelles qu’aient été leurs dispositions naturelles. Il im-
porte donc d’examiner soigneusement les élèves qui s’inscrivent au cours afin
d’évaluer leur aptitude à apprendre.
2. Désir d’apprendre à lire G à tout prix ».
3. Sentiment net que chaque mot écrit ou imprimé comporte une signification.
4. Connaissances suffisamment étendues,notamment en ce qui concerne les choses
et les activités dont il est question dans les premières leçons.
5. Possession d’un vocabulaire parlé suffisant, comportant des expressions d’un
182
Enseignement de la lecture aux adultes
Divers moyens peuvent être utilisés pour déterminer l’aptitude à lire, dans le cas
de jeunes gens ou d’adultes. D’abord,avant d’ouvrir le cours d’alphabétisation,il
faut procéder à une enquête sur la communauté,en vue de déterminer notamment:
la fonction actuelle et les fonctions possibles de la lecture dans la communauté;
les textes de lecture disponibles, compte tenu des goûts et des besoins existants;
la proportion de jeunes gens et d’adultes sachant lire; le degré d’empressement
manifesté par les illettrés pour apprendre à lire. O n verra ainsi quels sont les pro-
blèmes à résoudre si l’on veut relever le niveau d’instructionde la communauté et
inciter ses membres à apprendre à lire.
En deuxième lieu,il faut interviewer les futurs élèves. Le maître se sera préparé
à ces interviews en participant à l’enquête précédente; il pourra aussi se livrer à
une enquête personnelle sur la communauté,prendre contact avec ses membres,
se renseigner sur a leurs activités, leurs traits caractéristiques et leur mode général
de vie1». Les interviews avec les futurs élèves ont généralement lieu au centre d’en-
seignement.
Le maître doit, à cette occasion,s’efforcerd’établir avec chaque élève des rela-
tions cordiales.Il doit aussi se renseigner,autant que possible,sur les points suivants:
raisons pour lesquelles l’élève veut s’inscrireau cours d’alphabétisation;hésitations
et craintes éventuelles qu’il manifeste; maturité d’esprit apparente; expérience
antérieure;aptitude générale à apprendre à lire-d’après la liste des qualités requises
(voir plus haut).
Enfin, il note le nom, l’adresse et l’âge approximatif de l’élève.Bien des com-
munautés donnent à remplir à cet effet une fiche telle que celle reproduite à
la page 184.
L a fiche doit être établie en tenant comptedes besoins de la communauté.O n doit
aussi prévoir des questions permettant d’évaluer l’aptitudeà apprendre à lire (voir
chapitre XI). La plupart des renseignements pourront être obtenus au cours de
l’interview. D e nombreux maîtres notent aussi à cette occasion les réponses et les
réactions typiques de l’élève;pour ne pas gêner ce dernier, il vaut mieux le faire
I. Teach’sguide, p. 4-5.
L‘enseignement de la lecture et de l’écriture
DÉTERMINATION
DU DEGRÉ D’INSTRUCTION
Nom ..................................................... Village .............................................
Age .................................................... Date ....................................................
Profession ........................................... Enquêteur ........................................
de mémoire, une fois l’entretien terminé. Dans certaines communautés, des spécia-
listes locaux font passer aux élèves, à la fin de l’interview, un test mental2 et plu-
sieurs tests visuels et auditifs simples. Les renseignements ainsi obtenus peuvent
utilement être résumés sur des fiches ‘sousle titre << Aptitude à apprendre à lire B
(voir modèle, chapitre VII, p. 151). Ces données permettent au maître de fixer
en toute confiance le programme des premières leçons.
Action de la collectivité.
L a collectivité peut, par diverses méthodes, susciter chez les adultes le désir d’ap-
prendre à lire. Autrefois, on organisait souvent une campagne spectaculaire de pro-
pagande en faveur de l’alphabétisation: à grand renfort d‘affiches, de défilés, de
réunions publiques et d’entretiens personnels, on démontrait les avantages de l’ins-
truction et les progrès réalisés par d’anciens illettrés. Lorsque l’enthousiasme était
à son comble, les inscriptions aux cours étaient ouvertes. D e telles campagnes ont
abouti à des résultats appréciables, mais un grand nombre d’élèves manquaient de
persévérance, s’étant inscrits plutôt sous l’effet de l’enthousiasme collectif que par
désir personnel d’apprendre à lire.
Dans les régions où l’analphabétisme est répandu, on peut commencer par
apposer des panneaux portant l’inscription << Danger ) )et attirer l’attention sur leur
sens. O n peut également afficher dans quelque lieu très fréquenté un panneau résu-
mant les nouvelles importantes. Les adultes qui savent lire se rassemblent devant
le panneau, le lisent et discutent les informations qu’il donne; on s’efforce d’amener
ceux qui ne savent pas lire à participer aux discussions. O n peut encore, par la
même méthode, afficher des avis et des bulletins traitant de questions d’intérêt
général.
Les moniteurs de l’éducationde base emploient une méthode extrêmement effi-
cace qui consiste à créer des situations de nature à démontrer que par la lecture
on peut résoudre des problèmes importants, ou obtenir des avantages très appré-
ciables. O n a vu au chapitre I~~ que, dans certaines régions,les gens ont manifesté
un vif désir d’apprendredès qu’ilsont compris que, grâce à la lecture,ils pouvaient
améliorer leur production - qu’il s’agisse de denrées agricoles, de volailles ou de
chapeaux.
Dans d’autres communautés,on insiste davantage sur les agréments et l’intérêt
culturel de la lecture.Les illettrés sont invités à se réunir pour écouter la lecture de
récits, de descriptions ou de textes sacrés. La lecture est coupée de discussions.
Quelques réunions de ce genre font comprendre aux illettrés l’intérêt et les agré-
ments de la lecture. Les méthodes à utiliser pour susciter le désir d’apprendre
à lire varient donc suivant le niveau culturel de la communauté, ses contacts
avec d’autresgroupes culturels,la fonction qu’y remplit la lecture,enfin les goûts
et les aspirations de chacun. Plus on aura fait, avant l’ouverture des cours, pour
élargir l’horizon intellectuel des futurs élèves et susciter chez eux le désir d’ap-
prendre à lire, et plus les progrès vers l’instructionfonctionnelleseront rapides dès
le début.
Rôle du maître.
Le maître entre en scène lorsque la communauté s’est acquittée de sa tâche. Grâce
aux interviews qu’il a eues, il connaît exactement les aptitudes et les besoins des
élèves, ainsi que les conceptions,les goûts et les attitudes qu’a développés chez eux
l’action de la communauté.
Les deux premières leçons sont fréquemment utilisées,au moins en partie, pour
compléter la préparation des élèves. Ceux-ci discutent les motifs qu’ils ont d’ap-
prendre à lire et les avantages qu’ils attendent de l’instruction,du point de vue per-
sonnel, familial, professionnel et social. Le maître pose des questions et offre des
suggestions pour encourager les plus timides à donner leur avis et pour amener
chacun à exprimer clairement ses idées.D e telles discussions permettent notamment
de mieux faire comprendre au maître les capacités, les connaissances et les besoins
des divers membres du groupe.
Il est bon, également, de prévoir, dès les premières leçons, quelques lectures
simples, car les élèves sont impatients de commencer à lire. Il faut leur faire com-
prendre que lire c’est pénétrer le sens d’un texte,et montrer aux plus hésitants qu’ils
sont capables d’apprendre à lire. O n pourra employer à cet effet des inscriptions
telles que: ((Danger », a Stop », a Voie libre », (< Pelouse interdite », ou des plaques
indiquant des noms de rue ou d‘édifice.
Cette partie du cours peut s’ouvrir par une discussion sur l’utilité des signaux
de circulation, des écriteaux, plaques d’immeubles,etc. Après en avoir montré
l’importance,le maître demandera à ses élèves s’ils ont remarqué des signaux ou
avis quelconques dans la localité. A mesure qu’il reçoit des réponses,le maître les
porte au tableau en écriture a script », dont l’emploiest recommandé au chapitre XI
pour l’enseignement de l’écriture.Dès qu’il a porté une inscription au tableau, le
maître la lit et la fait lire par quelques élèves, puis par l’ensemble de la classe.
Si plus de quatre ou cinq inscriptionssont mentionnées,le groupe peut choisir pour
les apprendre quelques-unesdes plus courtes et des plus importantes. Les exercices
de lecture de ces inscriptions doivent être poursuivis jusqu’à ce que les élèves soient
‘85
L’enseignement de la lecture et de l‘écriture
Dans tous les pays et dans toutes les langues,ces objectifs successifs sont essentielle-
ment les mêmes:
1. Accroître le désir d’apprendre à lire;
2. Développer l’aptitudeà lire;
3. Habituer l’élève à lire de façon réfléchie et à pénétrer le sens de chaquepassage;
4. Lui faire acquérir un vocabulaire visuel soigneusement choisi,répondant à ses
besoins essentiels en matière de lecture;
5- Lui apprendre à identifier correctement les mots nouveauxou peu familiers (cette
opération est plus ou moins difficile selon la langue);
6. L’habituer à bien comprendre le sens des textes;
7. L’habituerà réfléchir à ce qu’il a lu et à utiliser les connaissances acquisespour
répondre à des besoins individuels ou collectifs;
8. L’inciter à lire pour le plaisir et pour s’instruire;
9. Susciter chez lui le désir de se perfectionner encore dans l’art de lire.
I 86
Enseignement de la lecture aux adultes
Les délais à prévoir varient considérablement selon les communautés et les cultures.
En règle générale, il faut compter de 20 à 40 leçons d’une heure. D e toute façon,
l’instructiondoit être poursuivie jusqu’à ce que les élèves sachent lire couramment
et intelligemment des textes très simples,et jusqu’àce que le fait de savoir lire cons-
titue pour eux un avantage pratique dans certaines situations au moins de la vie
quotidienne.
Dans bien des communautés,il faut fixer l’heure et le lieu des cours selon les con-
venances individuelles,mais l’enseignement collectif présente de nombreux avan-
tages au stade préparatoire. Dans la situation sociale ainsi créée, les efforts per-
sonnels de chacun sont appréciés en fonction des besoins, des aspirations du groupe.
Ceux qui n’éprouventpas encore G un ardent désir d’apprendre à lire ) )se sentent
stimulés par l’enthousiasmedes autres.Les moins doués bénéficient de l’intelligence
et de la vivacité des meilleurs. L’enseignementcollectif est également plus écono-
mique, car les instructions et les explications essentielles sont données simulta-
nément à de nombreux élèves. Il vaut mieux que les classes ne comprennent pas
plus de vingt adultes; dès que ce nombre est dépassé, il faut répartir les élèves
en plusieurs groupes, suivant le degré d’aptitude,en se fondant sur les résultats
antérieurs.
Les salles de classe doivent être aussi attrayantes que possible. Il faut prévoir
des pupitres confortables,un bureau pour le maître, un tableau noir, un panneau
d’affichageet une table ou des étagères pour les livres.Aux murs on fixera des écri-
teaux d’usage courant, ainsi que des affiches ou des tableaux intéressants accom-
pagnés de courtes légendes. Avant la leçon, le maître écrira <(Bonjour» sur le
tableau noir et disposera sur la table des photographies, un journal,quelques livres
simples. Pendant que la classe se réunit, il s’entretiendra familièrement avec les
élèves,attirant leur attention sur ces objets et les incitant à découvrir ce que c veulent
dire D les mots écrits.
Certains maîtres utilisent des mots ou des phrases qui présentent déjà un sens impor-
tant pour les élèves sur le plan de la vie quotidienne. Dans bien des communautés,
certains panneaux ou affiches sont connus de tous. O n peut les présenter retranscrits
)sur des cartons ou au tableau jusqu’à ce qu’ils soient identifiés sans
en (< script )
187
L’enseigmment de la lecture et de l’écn’iure
hésitation. Dès qu’une inscription de deux mots ou plus est identifiée,chacun des
mots qui la compose est identifié et appris à son tour. Puis ces mots, ou certains
d’entre eux, sont décomposés en leurs éléments, et ces éléments sont utilisés pour
construire d’autres mots qui font déjà partie du vocabulaire parlé des élèves. En
mettant en évidence l’utilitéde chaque inscription,le maître peut faire comprendre
aux élèves les besoins et les usages de la communauté,et leur apprendre à cher-
cher le sens de chaque mot. Lorsque les élèves se mettent à vouloir déchiffrer
toutes les inscriptions qu’ils rencontrent, ils se constituent rapidement un petit
vocabulaire visuel. Mais il faut rapidement avoir recours à un matériel moins rudi-
mentaire.
Dans certaines régions de l’Amérique du Sud, de l’Afriqueet de l’Inde,où les
inscriptions imprimées sont rares, on utilise souvent pour les premiers exercices de
lecture des adagesou des proverbes.Ces textes sont d’abordapprisdans leur ensemble,
puis chaque mot est identifié et décomposé en ses éléments,qui sont ensuite utilisés
pour former d’autres mots et pour identifier les mots mal connus. L’expérience
montre qu’une telle méthode habitue l’élève à lire de façon réfléchie et lui fait
acquérir - à condition que les textes soient bien choisis -un vocabulaire visuel
extrêmement utile. Il existe toutefois un inconvénient : lorsque plusieurs mots nou-
veaux sont présentés simultanément dans une phrase, les élèves les distinguent
difficilement. C’est pourquoi il faut éviter de présenter plus d’un ou deux mots
nouveaux à la fois dans une phrase. Pour faciliter l’identification,les mots nouveaux
doivent être prononcés puis écrits chacun séparément,avant que soit présenté le
proverbe ou l’adage où ils figurent.
Les maîtres (surtout dans les missions) font souvent usage de chants populaires
où les répétitions sont fréquentes1.Le texte de la chanson est distribué aux élèves,
qui, tout en chantant, étudient les mots écrits jusqu’à ce qu’ils soient capables de
les identifier tous à première vue. Les mots les plus importants sont décomposés
ensuite en leurs éléments phonétiques, qui sont utilisés pour former d’autres mots
et pour identifier d’autres textes ou chansons.
O n utilise également des tableaux (Ziteracy charts) suggérant le mot par l’image.
Chaque mot est d’abord prononcé,puis décomposé en ses éléments,afin de familia-
riser les élèves avec le son des diverses lettres avant de leur mettre entre les mains
le manuel de lecture. La méthode des K mots clés »3 est également employée a u
mêmes fins. O n reproche à ces deux méthodes de donner trop d’importance aux
éléments phonétiques, en négligeant le sens du texte. O n peut remédier en grande
partie à cet inconvénient en présentant chaque mot dans un contexte (image ou
phrase) qui en fasse ressortir le sens et en faisant lire aux élèves de nombreuses
phrases où figurent les mots qu’ils savent reconnaître.
Films jîxes.
Depuis dix ans, l’usage s’en est rapidement répandu. Ils permettent de présenter
n’importe quel type de matériel. Pendant la seconde guerre mondiale, plusieurs
pays les ont largement utilisés pour apprendre aux recrues le vocabulaire parlé et
I. HOLDING, Mary, «Adult literacy experiment in Kenyan, Oversear education, XVI,octobre 1945,
p. 204-208.
2. LAUBACH, Frank C., The euh one teach one method: Ig50 sufifilementto teaching the wodd to rend, N e w
York, Committee on World Literacy and World Literature, 20 pages.
3. Conçue par Karl Vogel (Des Kindes entes Schulbuch, Leipzig, 1843), cette méthode, largement
utilisée en Amérique latine, a été introduite au Mexique au début de ce siècle par l’éducateur
suisse Heinrich Rebsamen, c o m m e le signale Alfred0 Basurto Garcia dans son étude, déjà citée,
La lectura, p. 93.
188
Enseignement de la lecture aux adultes
écrit indispensable au militaire. Le film fixe The story of private Petel présente les
substantifs les plus usités; Introduction to language présente les verbes et les préposi-
tions.
Chaque vue de ce film fixe est accompagné d’un sous-titre.L’objet ou l’activité
correspondant à chaque vue est discuté et, à l’occasion,présenté. Les hommes
l’associentaux mots du sous-titre.Ils acquièrent ainsi un vocabulaire visuel qui leur
permet d’aborder avec confiance et succès l’étude du manuel The army reader. Les
films fixes sont dorénavant appelés à jouer un rôle de plus en plus important dans
les cours d’alphabétisation.
leur semblent les plus importantes. Celles-cisont alors transcrites sous une forme
très simple en dessous de la question:
Que faisons-nousà l‘école?
Nous lisons;
Nous écrivons;
Nous comptons;
Nous chantons.
Le maître lit la première ligne, que toute la classe répète et qui est ensuite lue
à tour de rôle par plusieurs élèves. O n procède de même pour les autres lignes.
Le maître demande aux élèves d’indiquer les différentes lignes, en leur posant
des questions telles que celle-ci:<< A quelle ligne est-il écrit: Nous lisons ? D
Quand les diverses lignes ont été identifiées, le maître demande successivement
aux élèves:<< Montrez-moile mot nom,le mot lisons, le mot chantons, le mot comptons,
le mot écrivons. B
Chaque mot reconnu est aussitôt inscrit au tableau noir oh tous se trouvent
bientôt rangés en colonne.Le maître demande alors aux élèves de reconnaître ceux
qu’il désigne et de les découvrir dans les phrases inscrites au tableau.
Le lendemain,la leçon est rapidement revue. Il est utile à cet effet de préparer
des cartons,portant chacun un mot, écrit en caractères d’imprimerie ou << script »,
de dimensions suffisantes pour que toute la classe puisse facilement les voir. Le
maître montre ces cartons l’un après l’autre jusqu’à ce que les élèves les recon-
naissent à première vue.
Le maître prépare une nouvelle leçon,avec le vocabulaire de la première aug-
menté d’un mot nouveau, par exemple:
Mous savons lire;
Nous savons écrire;
Nous savons compter;
Nous savons chanter.
Les diverses phrases et les mots qui les composent sont reconnus par le m ê m e
procédé que le premier jour. Lorsque les élèves sont capables de reconnaître tous
les mots, le maître demande, par exemple: << Qu’apprenons-nous à l’école ? D Les
élèves répondent :
Nous apprenons à lire;
Nous apprenons à écrire;
Nous apprenons à compter, etc.
Ces réponses sont inscrites au tableau noir et étudiées par la même méthode.
Le maître inscrit au tableau une nouvelle phrase, par exemple: Nous pouvons
apprendre à lire.B Les élèves lisent la phrase,identifient les mots qui la composent
et les retrouvent dans les phrases précédentes.
Les élèves composent ensuite, à l’aide des mots qu’ils connaissent, d’autres
phrases, par exemple :
Nous pouvons apprendre à écrire;
Nous pouvons apprendre à compter;
Nous pouvons apprendre à chanter.
L’expression h l’école peut être ajoutée à toutes les phrases précédentes. Ainsi
le vocabulaire s’accroît progressivement. Il ne faut pas introduire plus de deux ou
trois mots nouveaux à la fois;les élèves peu doués ne peuvent en apprendre davan-
tage en une leçon, bien que les meilleurs puissent en apprendre cinq et plus. Le
Enseignement de la lecture aux adultes
maître doit toujours faire reconnaître chaque mot inscrit au tableau. Les élèves
apprennent ainsi à distinguer les mots et à les décomposer en leurs éléments.
Cette méthode permet aux maîtres de préparer un matériel répondant aux
intérêts immédiats de leurs élèves1. Le plus difficile est d’introduire les mots nou-
veaux suffisamment lentement et de présenter constamment les mêmes mots dans
des phrases différentes. C o m m e nous l’avons dit au chapitre VII, cette méthode
présente des inconvénients et des limitations. Mais tous les maîtres doivent savoir
préparer de tels textes, m ê m e s’ils ne les utilisent pas comme matériel de base pour
l’enseignementde la lecture aux adultes.O n peut toujours compléter utilement une
leçon en notant au tableau les impressions et les idées des élèves.
Méthodes et 0bject;fs.
Presque tous les programmes préparatoires actuellement appliqués font appel à la
méthode globale. Quels que soient les caractères utilisés, chaque mot et chaque
phrase sont présentés à l’élève dans un contexte familier et intéressant pour lui.
Ainsi, les attitudes et les mécanismes indispensables à la lecture réfléchie se déve-
loppent rapidement, et les détails des mots, tels que la forme et le son des lettres,
les signes d’accentuation ou de tonalité,sont appris dans un contexte fonctionnel.
Les élèves apprennent ainsi à appliquer intelligemment les connaissances acquises
à la lecture de textes nouveaux.
Les élèves qui ont acquis ces attitudes et ces mécanismes abordent l‘étude du
manuel dans un esprit bien différent de ceux qui n’ontpas reçu une telle prépara-
tion.Ils savent que les mots écrits et imprimés représentent des idées;ils reconnaissent
à première vue presque tous les mots employés dans les premières leçons; ayant
pris l’habitudede réJléhir à ce qu’ils lisent,ils se comportent dès le début en lecteurs
avertis. Ils accomplissent de la sorte des progrès beaucoup plus rapides que les
élèves qui ont eu d’embléeun manuel entre les mains.Mais,quelle que soit la méthode
utilisée, les objectifs de la deuxième étape demeurent sensiblement les mêmes.
L’USAGE DU MANUEL
Les manuels de lecture sont aujourd’hui beaucoup plus employés que n’importe
quel autre matériel pour l’enseignement de la lecture aux adultes. Les maîtres
improvisés ou insuffisamment formés sont incapables d’organiser une série efficace
de premiers exercices de lecture sans le secours d’unmanuel soigneusement préparé.
Nous attirons ci-aprèsl’attentionsur certains problèmes que soulève l’emploi des
manuels pour l’enseignement de la lecture aux adultes.
Le matériel d’enseignement.
Autrefois, les textes de lecture étaient presque exclusivement tirés des manuels; ils
ne suffisaient pas à assurer des progrès satisfaisants.Aujourd’hui,on utilise de plus
en plus d’autrestypes de matériel:
I. U n manuel (ou plutôt une collection de manuels ou de brochures d’une cin-
quantaine de pages chacun, soit environ 150pages au total), conçu en fonction
des objectifs de la deuxième étape et adapté aux activités,aux goûts et aux besoins
du groupe à instruire,incite les élèves à s’appliquerde tout cœur et permet des
progrès rapides. Il va sans dire que tous les manuels ne conviennent pas égale-
ment à tous les groupes. Les conséquences qui en découlent sont étudiées au
chapitre XII.
D e tels manuels, intéressants dès les premières leçons,contiennent de nom-
breuses illustrations destinées à faire comprendre les mots et les idées.Très vite,
cependant,on s’efforce d’amener les élèves à découvrir par eux-mêmes le sens
des mots. Les mots, dès que l’élève a appris à les identifier, sont utilisés dans
des phrases ayant un sens;ils sontensuite décomposés en leurs élémentssyllabiques
ou phonétiques, qui servent dans les leçons suivantes à identifier des mots nou-
veaux. Par des méthodes analogues, l’élève apprend à interpréter les signes
qui indiquent la valeur phonétique des lettres, l’accentuation ou la tonalité.
Le vocabulaire utilisé au cours de la deuxième étape est limité à quelque
250 mots, choisis parmi les plus courants ou les plus indispensables.Les leçons,
Enseignement de la lecture aux adultes
I. GUDSCHINSKY,
Sarah, op. Lit.
GRIFFIN,
Ella, « L a graduation des manuels de lecture à l’usage des adultes)), Education de base et
éducation des adultes, vol. VI, no 3, juillet 1954,p. 102-109.Paris, Unesco.
RODRICUEZ BOU,Ismael, Suggestions pour la préparation d’un programme de lecture, Paris, Unesco, 1949.
(Documents spéciaux d’éducation, no 1.)
2. TOWNSEND, Elaine Mielke, ((Composition et utilisation des livres de lecture aymara», Education
de base et éducation des adultes, vol. IV, no 4, octobre 1952,p. 26. Paris, Unesco.
3. Teacher’s guide, op. cit., p. I.
4. WITTY Paul A.,et GOLDBERC, Samuel, «The use ofvisual aids in specialtraining units in the Army»,
Journal of educational psychologv, X X X V , février 1944,p. 82-90.
793
L’enseimementde la lecture et de l‘kcriture
Méthodes d’enseignement.
A supposer que l’on dispose d’un bon matériel de lecture, quelles méthodes d’en-
seignement doit-on adopter ? Les maîtres expérimentés divisent chaque leçon en
trois parties, les trois parties pouvant être groupées en une seule séance,ou réparties
sur deux ou trois.Les suggestionsqui suiventsont valables,que les élèves aient abordé
d’emblée l’étude du manuel ou qu’ils aient suivi un stage de préparation.
Préparation. Avant de faire lire la leçon, le maître s’efforced’y intéresser les élèves,
de rattacher ce qu’ils vont apprendre à ce qu’ils connaissent déjà, de leur pré-
senter les mots nouveaux dans un contexte familier. A mesure que ces mots se pré-
sentent au cours de la discussion,le maître les inscrit au tableau pour que les élèves
en apprennent en m ê m e temps la forme et le sens. Il peut également inscrire au
tableau des mots connus,faire reconnaître les éléments syllabiques ou phonétiques
familiers qu’ilscontiennent et se servir de ces éléments pour identifier les mots nou-
veaux. Divers moyens sont employés pour éveiller l’intérêt: discussion sur le titre
de la leçon,analyse des images,examen des questions que la lecture doit permettre
de résoudre, etc.
Lecture de la leçon. Dès que les élèves manifestent le désir de lire et sont prêts à com-
prendre la leçon,on les fait lire,en les aidant à bien saisir le sens du texte. Par des
questions,le maître les amène à lire intelligemment, phrase par phrase. Pour ré-
pondre à chaque question, les élèves doivent lire silencieusement une portion du
texte et en trouver le sens en se servant des mots et des éléments de mots déjà appris,
ainsi que des mots nouveaux inscrits au tableau.
Après cette lecture silencieuse, le maître demande à un élève d’expliquer le
sens du passage et à un autre de le lire à haute voix. La leçon, après avoir été lue
ainsi phrase par phrase,peut être relue en une fois,silencieusement,en vue de répondre
à d’autres questions,posées par les élèves ou par le maître. A u début,les questions
appellent une réponse composée des mots et des phrases mêmes de la leçon. Plus
tard, on pourra amener l’élève à choisir ses propres expressions. Avant la fin de
la classe,la leçon peut être relue encore une fois à haute voix, entièrement ou en
partie. Le maître doit toujours noter soigneusement toutes les erreurs et tous les
points sur lesquels il pourra avoir à revenir.
Exercices complémentaires. Il faut enfin aider l’élève à résoudre les difficultés particu-
lières qu’ila rencontrées au cours de la leçon.Ces difficultés peuvent être communes
à toute la classe; par exemple, les élèves ont pu confondre deux mots à la lecture.
Dans ce cas, le maître inscrira ces mots au tableau et demandera aux élèves d’en
analyser les différences, en les décomposant en éléments connus. Les difficultés
peuvent aussi varier suivant les élèves; dans ce cas, le maître fera relire la leçon
par tous et passera dans les rangs en interrogeant chacun sur ses problèmes parti-
culiers.
Les exercices complémentaires servent aussi à faire acquérir à l’élève les con-
naissances et les mécanismes qui lui permettront de lire de mieux en mieux. Les
techniques à utiliser à cet effet sont étudiées plus loin. Le maître contrôle tous ces
exercices,interrogeles élèves sur leurs lectures complémentaireset mesure les progrès
accomplis.
‘94
Enseifnement de la lecture aux adultes
à se servir de ces éléments pour identifier les mots nouveaux. Cette méthode est
illustréepar la figure 15,qui reproduit troispages d’unmanuel de lecture d’espagnoll.
La phrase de la page 2 constitue l’exercice de lecture du jour. La page 3 montre
que le mot arado comprend la voyelle a et les deux syllabes ru et do. La page 4 pré-
sente six mots composés à l’aide de ces éléments. Si les manuels utilisés ne com-
prennent pas de tels exercices, les maîtres doivent en composer eux-mêmes.
Il est facile d’identifierles mots dans les langues phonétiques à orthographerégu-
lière. Dans le cas d’autres langues, le maître attirera dès le début l’attention sur
les ressemblances et les différences de forme et de son ainsi que sur les caractères qui
distinguent les mots. Dès que ses élèves ont découvert,par exemple,que le mot seau
commence par le son s, il leur demande de citer d’autres mots commençant par le
même son. D e cette manière, ils apprennent la forme et le son des diverses lettres.
Les élèves utilisent les consonnes apprises pour identifier des mots nouveaux qui,
à une consonne près, ressemblent à des mots qu’ils connaissent. Si, pFr exemple,
le nouveau mot à déchiffrer est peau, les élèves s’aperçoiventtrès vite qu’ilressemble,
à une lettre près, au mot seau qu’ils connaissent.S’ilsont appris le son p, ils le substi-
tuent au son s dans le mot seau et obtiennent ainsi le mot peau. A la fin de la deuxième
étape, les élèves connaîtront les sons de la plupart des lettres et seront capables de
s’en servir, avec l’aide du contexte, pour déchiffrer de nouveaux mots. Ils seront
également beaucoup plus aptes à reconnaître les éléments structurels des mots,
comme les désinences (ent, ou,etc.), les préfixes et les suffixes,et à s’enservir pour
découvrir, par rapprochement, la prononciation des mots nouveaux.
Par un entraînement méthodique,les élèves apprennent rapidement à reconnaître
les mots à la fois d’après le contexte,d’après la forme et d’après la structure mor-
phologique et phonétique2.
O n procède de même pour apprendre à reconnaîtred’autres caractéristiques des
mots imprimés. Dans certaines langues -en arabe par exemple -les voyelles ne
sont pas représentées par des lettres, mais indiquées par un signe ou par une modi-
fication de la forme des consonnes.Dans d’autreslangues,on emploie divers signes
pour indiquer l’accentuationou la tonalité. Toutes ces particularités de la langue
écrite doivent être présentées et identifiées d’aborddans un texte,pour servir ensuite
à reconnaître et à lire d’autresmots et d’autresphrases. Une méthode d’enseigne-
ment doit,pour être valable,ne négliger aucun élément de la langue et reposer sur
des principes psychologiques sains.
Les mêmes méthodes à peine modifiées permettent d’habituer l’élève à recon-
naître seul les idéogrammes et les caractères syllabiques.En chinois ou en japonais,
dès que l’élève dispose d’un petit vocabulaire visuel, certains mots connus sont
transcrits en symboles phonétiques. Ces symboles sont ensuite appris et utilisés pour
déchiffrer d’autresmots écrits de la m ê m e façon,comme s’il s’agissait d’une langue
phonétique. Ensuite,les mots écrits en écriture phonétique sont associés aux mêmes
mots écrits en caractères chinois ou japonais.
Chaque langue pose des problèmes particuliers.Il ne saurait être question d’étu-
dier ici la forme,la structure,le vocabulaire et les autres caractéristiques des diverses
langues.Les auteurs de manuels, les maîtres et les autres spécialistes pourront con-
sulter à ce propos les ouvrages généraux cités en note3 ci-dessous,ainsi qu’au cha-
pitre III. Ils devront également se documenter sur les caractéristiques de leurs
angues respectives.
I. Mi tierra. Silabario para adultos, Santiago de Chile, Ministerio de Educacion, 1949,p. 2-4.
2. GRAY, William S., On their own in reading, Chicago, Scott Foresman and Company, 1948.
3. PIKE,Kenneth L.,Phonernics, a techniquefor reducing languages to writing, A n n Arbor (Michigan),
University of Michigan Press, 1947.
NIDA, Eugene, Morphology. The descr$tiue anabsis of wordr, 20 éd., A n n Arbor (Michigan), Uni-
versity of Michigan Press, 1949.
L‘enseignement de la lecture et de l’écriture
Parmi les autres qualités qu’ily a lieu de développer au cours de la deuxième étape,
signalonsl’aptitudeà lire à une vitesse raisonnable.Pour cela,il faut savoir identifier
les mots, souvent par groupes de deux et plus, avec exactitude et rapidité. Divers
exercices sont à conseiller à cet effet: on montre rapidement aux élèves les fiches
sur lesquelles est inscrit un mot ou un membre de phrase; on inscrit au tableau des
phrases ne contenant que des mots connus et on les efface rapidement;on fait lire
rapidement aux élèves une page, pour trouver la réponse à une question. D e tels
exercices aident les adultes à identifier rapidement des groupes de mots de plus en
plus nombreux.
O n utilise beaucoup aujourd’hui les livres de lectures complémentaires ne con-
tenant que des mots qui figurent déjà dans le manuel. Ces livres sont indispensables
parce que les manuels eux-mêmesne contiennent pas assez d’exercices pour donner
aux élèves l’habitude de lire couramment; ils donnent aux élèves la possibilité de
lire beaucoup, en recherchant le sens du texte. Le maître indique aux élèves, après
chaque classe, un ou plusieurs passages à lire chez eux.
D’autre part, de nombreux élèves ne dépassent pas la deuxième étape; il est
donc indispensable de susciter chez eux le désir de lire et de leur donner l’habitude
de lire régulièrement, pour se distraire et pour s’instruire.Les livres de lectures
complémentaires décrits plus haut sont aussi très utiles à cet égard. En outre, les
maîtres devront placer sur la table de lecture tous les textes simples et intéressants
qu’ils pourront se procurer, attirer l’attention des élèves pendant la classe sur
l’intérêt que présentent ces textes pour tous ou pour certains, en lire des passages
à l’occasion.Ils devront encourager les élèves qui font des lectures personnelles à
en rendre compte en classe;ils devront les inciter à discuter les nouvelles et à lire les
bulletins d’information et les journaux. Bref, ils ne devront négliger aucun effort
pour développer chez tous le goût de la lecture personnelle.
Les maîtres expérimentés notent chaque jour les difficultés de chaque élève et
l’aidenten conséquence. D e temps à autre, ils vérifient objectivement les progrès
et les déficiences au moyen de tests1.Voici quelques exemples de tests simples :
I . Les élèves savent-ilsreconnaître à première vue les mots appris dans le manuel ?
O n choisit trente mots que l’ondispose par groupes de trois sur dix lignes.O n dit
aux élèves: ( (Soulignez le mot .. . à la première ligne, le mot . . . à la deu-
xième ligne,etc.B O n compte le nombre de mots correctement soulignés pour
mesurer les connaissances des élèves en matière de vocabulaire.
2. Les élèves comprennent-ilsle sens de ce qu’ilslisent ? O n prépare un court pas-
sage, composé exclusivement de mots connus, et se terminant par deux ques-
tions, ou davantage,formulées elles aussi en termes connus. Pour chaque ques-
tion, les élèves ont à choisir entre trois réponses, dont une seule est correcte.
Aucun délai ne doit être imposé. Le nombre des réponses exactes permet de
mesurer le degré de compréhension du texte.
3. Les élèves sont-ils capables d’identifier des mots nouveaux,formés d’éléments
connus ? O n choisit une série de mots nouveaux, qu’on inscrit successivement
au tableau.Après un certain délai, on demande aux élèves qui connaissent le
I. C o m m e le montre la liste figurant à l’annexe, il n’existe que très peu de tests de lecture pour
élèves semi-alphabétisés;les maîtres spécialisés ont recours A des tests destinés aux jeunes enfants
ou en préparent eux-mêmes. L’absence de tests de lecture pour adultes dans les diverses langues
se fait vivement sentir.
Enreignement de la lecture aux adultes
nouveau mot de lever la main. En notant ceux qui lèvent la main et en vérifiant
leurs réponses, on peut mesurer les progrès de chacun.
4. Quelle est la vitesse de lecture des élèves ? O n choisit ou on prépare un texte
composé de mots connus. O n le donne à lire aux élèves, en leur posant une
question à laquelle ils ne peuvent répondre qu’après avoir lu tout le texte. Ils
doivent lever la main dès qu’ils peuvent répondre.En notant l’ordredans lequel
les élèves lèvent la main, on peut comparer les vitesses de lecture.
Ces tests, d’abord très simples, peuvent devenir plus compliqués à mesure que
les élèves font des progrès. O n peut aussi mesurer d’autresfacteurs.En fonction des
résultats,le maître apportera à chaque élève l’aidedont il a besoin.Parfois,la majo-
rité des élèves présentent les mêmes déficiences, et on peut alors s’occuper d’eux
pendant les heures normales de cours.Dans d’autrescas,il faudra répartir les élèves
par petits groupes,pour fournir à chaque groupe l’aideparticulière dont il a besoin.
Les attitudes et mécanismes de base étant acquis,la troisième étape a pour objet de
préparer les adultes à lire couramment et intelligemment tous les textes comportant
un vocabulaire d’usage quotidien.
‘97
L’enseignementde la lecture et de l’écriture
Pour la troisième étape, à ceux qui viennent de terminer avec succès la deuxième,
viennent s’ajouterceux qui ont fréquenté l’écoledans leur enfance ou qui ont suivi
autrefois un cours d’alphabétisationet désirent se perfectionner. L’enseignement,
qu’il soit individuel ou collectif, doit tenir compte du niveau atteint par chaque
élève. La classe devra comprendre au maximum vingt élèves, ayant des aptitudes
et des besoins à peu près identiques. D’ordinaire, l’enseignement collectif devra
être largement complété par une aide individuelle répondant aux besoins de chacun.
Les tests sont très utiles pour évaluer les aptitudes et les besoins des élèves. Les
auteurs de la Home andfamib lafe seriesl ont composé un test quadruple (voir fig. 16).
Mais il n’est pas toujours possible d’appliquer de tels tests. C’est pourquoi nous
exposons brièvement quelques tests moins scientifiquesque l’on peut appliquer avec
avantage dès la première leçon. A cet effet, les élèves sont répartis en groupes de
vingt,à peu près, sous la direction d’un maître et d’un assistant.
1. «Reading placement)),Home andfamib l$e series. Project for Literacy Education under the sponsor-
ship of the Federal Security Agency, Office of Education, Washington, Washington Educators
Dispatch.
198
Enseignement de la lecture aux adultes
Épreuve de la lecture à haute voix. O n choisit deux ou trois récits, du niveau des textes
qui seront utilisés au début de la troisième étape. Après en avoir expliqué le titre,
on en fait lire quelques lignes à chaque élève à tour de rôle, de préférence deux
fois, en notant le nombre et la nature des erreurs commises. O n fait recommencer
l’épreuve,avec des passages différents, aux élèves les moins doués,pour mieux déter-
miner leurs déficiences et leurs besoins.
Dès la deuxième leçon, les élèves peuvent être répartis en groupes, d’après les
résultats de ces épreuves. Le maître leur expliquera que les épreuves ont révélé
de grandes différences entre eux en matière d’aptitudes, et que chacun recevra,
dans le groupe où il a été placé, l’aide précise dont il a besoin. Pendant toute la
durée de l’instruction,le maître étudie soigneusement les progrès de chaque élève,
pour voir s’il n’y aurait pas lieu de le transférer dans un autre groupe. Le transfert
ne doit jamais être imposé;il faut faire comprendre à l’élève qu’il se met en retard,
et qu’un changement de groupe lui serait profitable.
LECTURES COMPLÉMENTAIRES
Dans certaines régions,les élèves peuvent s’intéresser à des questions que le manuel
et le livre de lectures complémentaires passent sous silence. Le maître s’efforcera
alors de se procurer des textes relativement faciles traitant de ces questions, et il
aidera ses élèves à les déchiffrer et à les interpréter.
La nécessité de textes de ce genre est à peu près universellement reconnue.A u
cours des dernières années,des brochures et des imprimés très utiles à cet égard ont
été préparés par différents offices de publications1 (en Afrique), par l’Union pan-
américaine (en langue espagnole), par diverses organisations agncoles, confession-
nelles et éducatives,et par certaines maisons d’édition.S’iln’existe pas de publica-
tions utilisables de ce genre, il faudra s’efforcer d’en composer sur place. Dans
plusieurs pays -notamment en Inde et aux États-Unisd’Amérique-on apprend
maintenant aux maîtres à produire du matériel de lecture simple,traitant des pro-
blèmes immédiats d’intérêt local.
Il convient de réserver un certain temps à l’étudedes problèmes individuels et
1. Voir: UNESCO, Revue anabtique de l’éducation, vol. VI, no 2: ((Offices de publications et centres de
production)), Paris, 1954.
200
Enseignement de la lecture aux adultes
collectifs urgents. Le problème à résoudre et les textes pertinents devront être dis-
cutés en classe. D’ordinaire,une aide spéciale sera nécessaire pour déchiffrer les
termes techniques.Mais il importe surtout d’aider les élèves à bien comprendre les
idées et à en apprécier l‘importanceet la valeur du point de vue des problèmes en
cause. Les nouveaux concepts devront souvent être expliqués et précisés. Chaque
passage sera discuté à fond. Le maître s’efforceraprincipalement d’aider les élèves
à clarifier leurs idées et à aboutir à des conclusions judicieuses.
LECTURES PERSONNELLES
DIAGNOSTIC
201
L’enseignement de la lecture et de l’écriture
dier. Tel élève devra être transféré dans un autre groupe; tel autre devra consulter
l’oculiste,tel autre encore devra être aidé spécialement -
soit pendant les heures
de cours,soit en dehors de la classe. O n pourra grouper pour les leçons supplémen-
taires les élèves qui en ont besoin et employer alors les mêmes méthodes qu’en
classe, mais en les adaptant aux besoins particuliers de chaque élève.
A la fin de la troisième étape, les adultes doivent savoir lire n’importe quel texte
composé exclusivement de mots courants. Si leurs lectures ne doivent pas dépasser
ce niveau, on peut considérer qu’ils sont suffisamment instruits. Cependant, dans
la plupart des régions, il y a lieu de compléter cette formation pour permettre à
tous d’avoir une instruction fonctionnelle et à quelques-unsd’accéder à la direc-
tion effective de leur communauté.
Tous les élèves qui ont terminé les trois premières étapes de l’instruction fonction-
nelle, ou qui sont de niveau équivalent,pourront être regroupés pour la quatrième
I. Les besoins et les caractéristiques des adultes retardataires en matière de lechire ont été longue-
ment étudiés par: BUSWELL, Guy Thomas, op. cit.; CHENAULT, Price (ed.), op. cit.; GOLDBERG,
W.D.,op. cit.
Samuel, op. cit.; et WALL,
202
Enseiggnement de la lecture a u adultes
étape. Si leur nombre l’exige,ils seront répartis en plusieurs groupes, d’après les
résultats de tests analogues à ceux qui sont utilisés à la fin de la troisième étape.
Il ne faut pas oublier qu’en groupant les élèves suivant le degré d’aptitude,on ne
peut tenir compte de toutes les difficultés particulières et que chaque élève aura
donc encore besoin d’une aide individuelle.
MATÉRIEL D’ENSEIGNEMENT
Il faut au moins trois types de textes. Pour les deux ou trois premières leçons,on
choisira des extraits d’ouvragesrelativement simples et intéressants pour tous, de
façon à susciter la confianceet le zèle des élèves. Mais il faudra recourir très tôt à
divers types de textes que les adultes doivent normalement savoir lire : articles de
journaux et de revues, bulletins d’information, ouvrages divers, etc. Ces textes
devront être un peu plus difficiles que ceux de la troisième étape et présenter un
vocabulaire plus étendu, moins familier et plus technique,bien que toujours d’usage
courant. Il est bon d’axer les lectures sur des thèmes d’intérêt commun ou d’actua-
lité:problèmes individuelsou collectifs,questionssociales,questionslittéraires,besoins
d’ordre spirituel,etc. En traitant successivement plusieurs thèmes de ce genre, on
habituera les élèves à lire différentes catégories de textes.
Enfin, les élèves devront faire des lectures personnelles. Des tests seront appli-
qués pour mesurer le degré de compréhension.La revue Reader’s digest1 a récemment
publié deux petits volumes de textes de ce genre: Adult education reader (LeuelA et
Level B).Chaque recueil contient de nombreux articles traitant de sujets qui inté-
ressent tous les adultes. Chaque article est suivi d’une série de questions (voir
figure 17). Le maître peut indiquer aux élèves à la fin de chaque leçon les lectures
à faire et les interroger sur ces lectures lors de la leçon suivante.
Les lectures dirigées en classe sont aussi nécessaires que pendant les étapes précé-
dentes.Au cours d’une discussion préalable,le maître s’efforced’intéresserles élèves
au texte qui va être lu, rappelle des lectures antérieures qui en faciliteront la com-
préhension, présente les mots ou les concepts nouveaux, et attire l’attention sur les
problèmes ou sur les points à étudier.
La lecture se fait en deux temps. Les élèves lisent d’abord le texte silencieuse-
ment, pour se faire une idée générale du contenu ou pour pouvoir répondre à des
questions précises à son sujet. Le maître vérifie ensuite s’ils ont bien compris le
texte, avant de passer à une étude plus détaillée. Celle-ciconsiste à relire le texte
pour en découvrir,suivant les questions ou les suggestions du maître, le sens impli-
cite, apprécier l’intérêt ou l’importancedes idées, ainsi que leur application à des
problèmes personnels ou collectifset déterminer dans quelle mesure ces idées doivent
modifier les opinions ou le comportement acquis. Cette partie de la leçon doit faire
une large place aux discussions et aux échanges d’idées et d’opinions, qui per-
mettront aux élèves de mieux comprendre les questions qui se posent et d’aboutir à
des conclusions mieux raisonnées.
Pendant la lecture,le maître prend note des difficultés rencontrées dans l’iden-
tification des mots, la compréhension du sens ou l’interprétationdes idées. U n cer-
tain temps doit être consacré à la fin de la leçon aux explications nécessaires.A la
1. THE&ADER’S DIGEST
EDUCATIONAL SERVICE, Pieasantviiie (NewYork).
L’ensei,ipement de la lecture et de I’ém‘ture
fin de la quatrième étape, les élèves doivent être suffisamment bien entraînés pour
pouvoir résoudre seuls, avec l’aidede certains instruments de travail,la plupart des
difficultés qu’ils risquent de rencontrer dans leurs lectures.
Le maître s’efforcera aussi d’encourager ses élèves à lire des textes d’un niveau
plus élevé. A cet effet,il rassemblera à l’usagede la classe un choix d’ouvragespour
adultes. Dans de nombreux pays, les institutions éducatives,les offices de publica-
tions et les bibliothèques1 fournissent aux maîtres des listes de livres classés par
matière et par difficulté croissante. D e telles listes sont très utiles.
Une partie de chaque leçon sera consacrée à l’analyse de certaines des publi-
cations présentées et à la lecture d’extraits présentant un intérêt particulier pour
la classe. A cette occasion, le maître encouragera également ses élèves à emporter
des livres à lire chez eux. Si la communauté dispose d’une bibliothèque,on deman-
dera au bibliothécaire de signaler et de prêter aux élèves des ouvrages traitant de
certains sujets. C o m m e au cours de la troisième étape, les événements d’actualité
seront régulièrement commentés,et la lecturejournalière des quotidiens sera recom-
mandée aux élèves. Ainsi, le maître S’efforcera sans cesse d’augmenter le nombre
et d’améliorer la qualité des lectures personnelles. Pour l’y aider, on organise dans
de nombreuses localités de petits cercles de lecture.
CERTIFICATS
U n certificat de fin d’études sera délivré aux élèves capables de lire seuls les divers
textes que doivent normalement pouvoir lire les adultes de la communauté.C’est là,
en effet, un résultat qui mérite une consécration publique. Il faut espérer toutefois
que la communautéfournira aux titulaires de ces certificatsla possibilité de s’inscrire
à des cours de perfectionnement,où ils pourront faire des lectures dirigées conformes
à leurs intérêts.
I. WALLACE, Viola, Booksfor adult beginners: grades I to VI, Chicago, American Library Association,
‘954>P. 66.
204
ANNEXE
FIND THE WORD DRAW A LINE TO THE SAME WORDS
Tbc Thr
The Bmwns lirrle Sally Brown
Tbs B ~ W M
Mn.Bmwn Mary Bmwn
8mwM BKIWM
Hem ia Hem are
The Thhr
BmWni
John Brown Bmwn
MIS.
The Bmvni
lirrle Saily Bmwn ne Bmwm
Thz Tbc
Saiiy is lirrle. O
five o’clock.
&d cime U
cighi o’clock
go CO bed Orly.
T h e Browns
go Co work rogether.
Fig. 14. Spécimens d’exercices tirés d’un Iivret à utiliser avec un manue1 américain de lecture
élémentaire. Les exercices de la page 5 (Trouver le mot. ..)ont pour objet d’habituer l’élève à dis-
tinguer les mots écrits. Ceux de la page IO (Joindre d’un trait les mots qui sont les mêmes) exigent
une discrimination beaucoup plus poussée. Les exercices de la page I 1 (Vrai ou faux?) exigent une
identificationprécise des mots et une parfaite compréhension d u sens. Ceux de la page 40 (C’est à
huit heures que. ..)exigent à la fois la discrimination et l’identification des mots et la compréhension
du sens.
Workbook in learning to read better. To accompany reader one: A day with the Brown
family, Educator’s Washington Dispatch, Washington, 1950.(Home and family
1$e series.)
205
L'enseienement de la lecture et de l'écriture
m
\
m
c
/
1
.
N
206
Enseimement de la lecture aux adultes
store
family
Fig. 16. Spécimens de quatre types d’épreuve servant à évaluer les connaissances et les besoins
des nouveaux inscrits aux cours d’alphabétisation. L e test complet comprend dix épreuves de ce
genre. L a note attribuée à l’élève est égale au nombre des épreuves réussies.
Première épreuve: Identifier un mot prononcé par le maître.
Deuxième épreuve: Identifier le mot illustré par l’image.
Troisième épreuve: Identifier le membre de phrase illustré par l’image.
Quatrième épreuve (voir page suivante).
Reading placement: project for literacy education under sponsorship of the Federal
Security Agency. Office of Education, Educator’s Washington Dispatch,
Washington, 194.9,p. 1-4. (Home and famib lge series.)
L’enseignement de la kcture et de l>écrituse
208
Ensei.enement de la lecture aule adultes
...... Les hommes ont apporté des sacs de sable pour renforcer
la digue.
.. .... Le gardien de la digue et ses hommes ont fait leur ronde.
... ... Le tocsin a fait sortir Ies hommes de leur lit.
.... .. Deux heures durant, les hommes ont tenu la vanne de la
digue.
Liste I : Liste 2:
ennemi bas
fermé ami
haut début
fin ouvert
Fig. 17.Spécimens d’épreuves de lecture pour adultes. Les exercices portent sur un récit de la
lutte que les habitants des Pays-Bas ont menée dans la nuit d u I~~ février 1953 pour protéger leur
pays contre la mer déchaînée.
D’après: Ma@ of the world and other stories, Reader’s Digest: Adult education
reader, Level B, Pleasantville, The Reader’s Digest Educational Service, Incor-
porated, 1954, p. 18.
L’enseignement de la lecture et de récriture
TESTS D E L E C T U R E
ACER reading tests (forms A and B). D e u x versions parallèles établies par 1’Australian Council
for Educational Research de Melbourne. Age: dix à treize ans. Ces tests donnent satis-
faction aussi bien pour l’évaluation collective que pour l’évaluation individuelle. Cinq
tests de lecture avec instructions et exemples d’application: 10 ( (W o r d knowledge »;
20 ( (Speed of reading D; 30 ( (Reading for general significance »; 40 a Reading for note
details N ; 50 G Reading for inference n. (Cf.Australian Council for Educational Research,
Test Division catalogue, Melbourne, 1954, p. 10-11.)
ACER reading tests (form C). Établis par 1’Australian Council for Educational Research de
Melbourne à l’intention des classes primaires, à partir de la classe III en Australie-Occiden-
tale et de la classe IV dans les autres États australiens. Trois tests: 10 N W o r d knowledge D;
20 ( (Speed of reading »; 30 ( (Reading for meaning ». (Cf. Australian Council for Educa-
tional Research, Test Division catalogue, Melbourne, I 954, p. I I .)
Achievement tests in silent reading :Dominion tests. Établis par le Department of Educational
Research, Ontario College of Education, University of Toronto, 1941-1950. Distribués
par le Vocational Guidance Centre. Classes 1, 2, 2-3, 3-4, 4-6, 5-6. (Cf. BUROS, Oscar
Krisen, ed., Thefourth Mental measurements yearbookl, Highland Park ( N e wJersey), Gryphon
Press, 1953, notice 529, p. 567-568.)
Barème de Vaney. Test individuel distinguant cinq niveaux de lecture. Paris, Société Alfred
Binet. Le test est reproduit dans: FERRÉ, André, Les tests à l’école, 2e éd., Paris, Bourrelier,
1950,p. 30-32. (Carnets de pédagogie pratique.)
California reading tests. Los Angeles, California Test Bureau, 1933-1950. Classes 1-4.5, 4-6,7-9,
9-14. Trois scores: ((Reading vocabulary », (< Reading comprehension », N Total ».
Dépouillement par l’International Electrical Test Scoring Machine pour les classes 4-I 4.
(Cf. BUROS4, notice 530, p. 568-570.)
Compréhension de lecture. Tests collectifs de T h . Simon. Paris, Société Alfred Binet. Reproduits
clans: FERRÉ, op. cit., p. 62-76.I~~ et 2edegrés, avec images; 3edegré, sans images. (Lecture
silencieuse.)
Débuts de la lecture. Test individuel, établi par M’leR e m y pour grouper les enfants arrivant à
l’école primaire selon leur aptitude à lire. Paris, Société Alfred Binet. Reproduit dans :
FERRÉ, op. cit., p. 26-29.
Durrell-Sullivan reading capacity and achievement tests. Yonkers-on-Hudson ( N e w York), World
Book Co., 1937-1945.D e u x (< primary tests B (2.5-4)et deux ( ( intermediate tests D (3-6).
Cinq scores: a W o r d meaning », N Paragraph meaning », i< Spelling >) (facultatif),(< Writ-
ten recall N (facultatif), a Total ». (Cf. BUROS4, notice 562, p. 600-601.)
Elemntary reading: every pupil test. Columbus (Ohio), Scholarship Tests, Ohio State Depart-
ment of Education, 1936-1951.Classes 4-6.D e u x parties: a General ability D, a Speed and
comprehension ». (Cf. BUROS4, notice 532, p. 577.)
Examen de lectura. Sigma I de M . E . Haggerty. Traduction de l’anglais en espagnol et étalonnage
dans les écoles primaires de Sucre (Bolivie) par René Halconruy et Saiil Mendoza. Sucre
(Bolivie), Ed. Charcas, 1942.Reproduit dans: Nuevos Rutnbos: revista de la Escuela Nacional
de Maestros, 1942,p. 93-132.Classes 1-3. Indique les normes par âge, par classe et par
sexe. (Lecture silencieuse.)
Gates primary reading tests. N e w York, Teachers College, Columbia University, 1926-1943.
Classes 1-2.5. T y p e I, (
( W o r d recognition)); type 2, «Sentence reading»; type 3, «Para-
graph reading ». (Cf.Buros, Oscar Krisen, ed., %third Mental measurements yearbook
N e w Brunswick, Rutgers University Press, 1949,notice 486, p. 51 2-513.)
Gates reading readiness test. N e w York, Teachers College, Columbia University, 1939.Classe I .
Cinq scores: a Picture directions D, a W o r d matching », N Wordcard matching)), « R h y m -
ing », Letters and numbers ». (Cf.Buros 4, notice 566, p. 603-604.)
210
Enseignement de la leciure aux adultes
Graded uocabulary test de Cyril Burt. (Cf.a) Burt, Cyril L., Mental and scholastic tests, 2 e éd.,
Londres,Staples Press, 1947,p. 298-300; 6) Buros 4,notice B. 74,p. 872-873.)Les normes
écossaises pour le Graded vocabulary test de Burt ainsi qu’une nouvelle échelle mieux adaptée
à l’Écosse ont été publiées dans :VERNON, Philip E., Standardization of a graded word reading
test, Londres,University of London Press, 1938, 43 pages. (Scottish Council for Research
in Education, publication no 12.)
Croup test of reading readiness: Dominion tests. Etablis par le Department of Educational Research,
Ontario College of Education, University of Toronto, 1949-1951.Distribués par le Vo-
cational Guidance Centre. Destinés au jardin d’enfants et à la première année. Six scores:
((Discrimination objects-symbols-wordsH, ((Listening-remembering-observingH, << Fami-
liarity with word forms », (
(Memory for word formsn, «Motor Co-ordination)), «Total».
Versions A et B (1g4g),manuel et dessin du profil (1951).(Cf. Buros 4, notice 567,
P.604.1
Individual reading test. Établi par Lois W.Allen en collaboration avec 1’AustralianCouncil for
Educational Research. Analogue à certains tests de lecture de Burt. Age: cinq ans et
demi à dix ans. Trois scores: a Word reading)), ((Reading comprehensionn, a Speed of
reading n . (Cf. Australian Council for Educational Research, Test Division catalogue,
Melbourne, 1954,p. I I .)
Inter-America tests. Éditions parallèles en anglais et en espagnol, chacune en deux versions.
Dépouillement par l’InternationalElectrical Test Scoring Machine. Les tests portant sur
le langage comprennent: ( (Reading, general», ((Reading in subject-matterfields (voca-
bulary) », ((Language usage ». (Cf. American Council on Education, The teaching of
English in Puerto Rico, San Juan, Porto Rico, Department of Education Press, 1951,
p. 183-203.)
Metropolitan achievement tests (reading) . Etablis par Richard D.Allen en collaboration avec
d’autres experts. Hudson (New York), World Book Co., 1933-1949. Classes 3-4, 5-7.5,
5-9.5. Trois scores: a Readingn , VocabularyB , a Total ». Versions R (I 946),S (I947),
T (1949)et indications en vue de l’application du test (1947).(Cf. Buros 4, notice 543,
P. 582-5850)
Metropolitan readiness tests. Etablis par Gertrude H.Hildreth et Nellie L.Griffiths. Hudson
(New York), World Book Co., 1933-1950.Fin du jardin d’enfants et entrée en première.
Quatre scores: ( (Reading readiness», ((Number readiness», ( (Drawing a m a n D (facul-
tatif), «Total». Versions R (1949) et S (rg50), manuel pour la version R (1950).(Cf.
Buros 4, notice 570, p. 604-606.)
Nelson-Denny reading tests :uocabulary and paragraph; the Clapp-Young self-marking tests. Établis
par M.J.Nelson et E. C. Denny.Boston,Houghton Mifflin Co.,1929-1938.Classes 9-16.
Trois scores: e VocabularyO, a Paragraph comprehension», N Total ».Dépouillement par
l’InternationalElectrical Test Scoring Machine. Versions A (1929)et B (1930),manuel
(1938).(Cf. BUROS4, notice 544, p. 585-586.)
N e w Stanford reding test. Yonkers-on-Hudson(NewYork), World Book Co.Version du premier
degré (classes 2 et 3). Version du degré moyen (classes 4 à 6).
Oral word reading test. Établi et étalonné par A. E. Fieldhouse, avec directives pour l’appli-
cation. Wellington, N e w Zealand Council for Educational Research, 1952. I 6 pages.
Test réservé aux jeunes Néo-zélandais de sept à onze ans dont la langue maternelle est
l’anglais.
Prueba de leciura silemiosa. Établies par Alfred0 M.Ghioldi et Victor M.A.Baleani. Buenos
Aires, Editorial Kapelusz y Cia. Classes 4, 5 et 6.
Pruebas de instruccidn A C V . Établis par Gonzalo Abad, Edmundo Carbo et Ermel Velasco,
Quito (Equateur), Talleres Grificos Nacionales, s. d., 142 pages.
Schonell reading tests: a) test R2, ( (Simple prose reading test D (six à neuf ans); b) test R3,
a Silent reading test AD (sept à onze ans); c) test R4, N Silent reading test B D (neuf à
treize ans); d) test RI, ((Graded word reading test D (cinq à quinze ans); e) test R5,
a Test of analysis and synthesis of words containing cornmon phonic units n ;f) test R6,
a Test of directional attack on words)); g) test R7, N Visual word discrimination test)).
Tests individuels,à l’exceptionde R3 et R4. Tous ces tests sont reproduitsdans: SCHONELL,
Fred J., et SCHONELL, F. Eleanor,Diagnostic and attainment testing; including a manual of tests,
their nature, use, recording and interpretation, Edimbourg, Oliver and Boyd, 1950.168pages.
21 1
L’enseignement de la lecture et de récriture
C o m m e manuel pour tous les tests, à l’exceptionde RI: SCHONELL, Fred J.,Backwardness
in the basic subjects, 3‘ éd., Édimbourg, Oliver and Boyd, 1946, 560 p. C o m m e manuel
pour le test RI: SCHONELL, Fred J.,Thpsychology and teaching Ofreading, 2 e éd., Édimbourg,
Oliver and Boyd, 1946. (CEBUROS4, notice 552, p. 589-591.)
Seven plus assessment: Northumberland series. Etablis par C. M.Lambert. Londres, University
of London Press, 1951. Trois tests (sept à huit ans): «Arithmetic»,a Reading)), «Spel-
ling ». (Cf. BUROS4, notice 24, p. 60-61.)
Silent reading comprehension:Iowa everypupil tests of basic skills. Test A. Etabli par H . F.Spitzer,etc.
Boston, Houghton Mifflin Co., 1940-1947.Classes 3-5 et 5-9. Trois scores: ( (Reading
comprehension», ( (Vocabulary N, M Total ». Dépouillement par l’InternationalElectrical
Test Scoring Machine pour les classes 5-9. Versions L (rg40), M (1g41), N (rgp),
O (1943),manuel (1945);manuel de la batterie de tests (I 947). (Cf.BUROS4, notice 554,
P. 592.)
Stanfrd achievement test reading. Établi par Truman L.Kelley,Giles M.Ruch et Lewis M . Ter-
man. Yonkers-on-Hudson(New York), World Book Co., 1923-1943.Classes 2-3, 4-6
et 7-9. Trois scores: a Paragraph meaning », ( (Word meaning », a Total ». Versions D
(1g40),E (1940),G (rgp),H (1943):directives pour l’application (1940).(Cf.BUROS4,
notice 5553 P.592-593.)
Test boliviano de lectura silenciosa. Établi par René Halconruy.Sucre (Bolivie), Editorial Charcas,
1944.1 2 pages. Reproduit dans: Nuevos Rumbos: reuista de la Escuela Nacional de Maestros,
1944, p. 69-89. Classes 35 4 et 5. Normes établies par classe pour les garçons et pour les
filles. (Cf.HALCONRUY, René,a Création et étalonnage du Test métrique de lecture silen-
cieuse en Bolivie », dans: Journées internationales de psychologie de l’enfant, 21-26 avril 1954,
Paris, Musée pédagogique, I 954, communication 79.)
Test de graduacion: Bateria II - F o r m a A. Établi par José M.Gutiérrez et Mercedes Gonziles
Arias. L a Havane (Cuba), Editorial Minerva. Classes 2 et 3. Comprend, entre autres
scores: ((Lectura grabadosN, ( (Lectura pirrafos)), N Vocabulario». (Lecturesilencieuse.)
Test de graduacion: Bateria III - Forma A. Etabli par José M.Gutiérrez et Rosa Seara Pazos.
L a Havane (Cuba), Editorial Minerva. Classes 4, 5 et 6. Comprend, entre autres scores:
a Lectura », a Vocabulario». (Lecture silencieuse.)
Test de lectura depalabras - Forma A. Etabli par José M.Gutiérrez.L a Havane (Cuba),Editorial
Minerva. Classe I. (Lecture silencieuse.)
Test de lectura en silencio. Tipo A: lectura para apreciar el signijcado general, établi par José M.Gu-
tiérrez et Maria Luisa Pedroso (classes 3-8); Tipo B: [comprender hechos posteriores deriuados
de la lectura], établi par José M . Gutiérrez et Ignacia Ma. Alfonso (classes 3-6); Tipo C:
lectura para entender instrucciones exactas, établi par José M.Gutiérrez et Esther Porras
(classes 3-6); Tipo D:lectura para encontrar detalles, établi par José M . Gutiérrez et Ignacia
M a . Alfonso (classes 3-6). L a Havane (Cuba), Editorial Minerva.
Test de lectura Gates-Gutiérrez. L a Havane (Cuba). Editorial Minerva. Tipo I, N Reconoci-
miento de palabras)); tipo 2, ~Lecturade oracionesD; tipo 3, ~Lecturade pirrafos)).
Classes I et 2.
Test de lectura para la enseiianza primaria, superior y secundaria - Forma A. Établi par José M . Gu-
tiérrez. L a Havane (Cuba), Editorial Minerva. «Test para apreciar la velocidad y la
comprensi6n en lectura». (Lecture silencieuse.)
Test de lectura segura. Etabli par José M.Gutiérrez. La Havane (Cuba), Editorial Minerva,
I 941. (Lecture silencieuse.)
Test de lectura silenciosa E . N.M . Etabli par René Halconruy et Saiil Mendoza. Sucre (Bolivie),
Editorial Charcas, 1947,IZ pages. Classes 5 et 6.
Test de lectura silenciosa M . H.Etabli par René Halconruy et Saiil Mendoza. Sucre (Bolivie),
Editorial Charcas, 1942, 1 2 pages. Reproduit dans: Nuevos Rumbos: reuista de la Escvela
Nacional de Maestros, 1942,p. 133-152,Sucre. Classes 2, 3 et 4.
Test de lecture. Établi par Jean Simon (3, rue Pleyel, Paris) pour la prédiction de la réussite
en lecture. (Cf. SIMON,Jean, ( (U n e batterie d’épreuvespsychologiques pour la prédiction
de la réussite en lecture », dans Enfance. .., novembre-décembreI 952, p. 475-480, Paris,
Presses universitaires de France.) Adapté et étalonné en Belgique sous la direction de
M.Hotyat.
212
Enseignement de la lecture aux adultes
Tests de lecture silencieuse. Établis par Gladys L o w e Anderson. Reproduits dans: ANDERSON,
Gladys Lowe, La lecture silencieuse. Préface de Pierre Bovet. Neuchâtel et Paris, Delachaw
et Niestlé, 1929. 160pages. (Collection d’actualitéspédagogiques.) Traduit en espagnol: La
lectura silenciosa, Madrid, Espasa-Calpe, 1934,I 75 pages. (Ciencia y educacidn, seccidn con-
temfordnea.)‘Adaptéau Venezuela par Rosa Padlina: Test de lectura silenciosa. Formula A.
Formula B. Caracas, Institut0 Pedagogico Nacional, I 936.
Test métrico de lectura silenciosa. Établi par R e n é Halconruy. Sucre (Bolivie), Editorial Charcas,
1948.Forma A (16pages) Forma B (16pages); Manual. Classes 4, 5 et 6. En usage en
Bolivie et en Équateur. Adapté en français par l’auteur: Test métrique de lecture silemieuse.
Paris, Halconruy, 7,rue D u m o n t d’Urville, 1954.Forme A, avec dessins (14pages); Instruc-
tions pour les examinateurs (8 pages); Forme B (14 pages); Instructions pour les examinateurs
(9 pages). Actuellement en voie d’étalonnage pour les enfants belges. Adaptation en
kikongo en 1956. (Cf. HALCONRUY, René, «Création et étalonnage d u Test métrique de
lecture silencieuse en Bolivie », dans: Journées internationales de psychologie de l’enfant, 21-26
avril rg54, Paris, Musée pédagogique, I 954, communication 79.)
Testes ABC para veriJcaçEo de maturidade necessaria a aprendizagem da leitura e escrita, de Manuel
B. Lourenço-Filho,4”éd., avec éléments pour l’application.Sao Paulo, Edicoes Melhora-
mentos, 1952,122 pages. (Bibliotecade Educaçcïo, vol. 20.) Adaptation espagnole par José
D . Forgione (Buenos Aires, Editorial Kapelusz, 1952).
;rhorndike-Lorgereading test. N e w York, Teachers College, Columbia University, 1941-I 947.
Versions A et B revues, et manuel (1947).Classes 7 à 9. (Cf.BUROS4,notice 558,p. 596-597.)
Pour les tests de lecture en langue française on peut se référer à:
JONCKHEERE, T., et VANWAEYENBERGHE, A., Le problème des tests d’instruction.Essai de mise au
point, Bruxelles, 1937.(Revwde pédagogie, cahier IV.)
INSTITUT SUPÉRIEURDE PÉDAGOGIE (MORLANWELZ) , Rapport sur le niveau d’instruction pri-
maire en Hainaut en juin 1946,Morlanwelz (Belgique). Classes 3 à 6.
REMY, M . , et SIMON,Th., Tests d’instruction,Paris, Société Alfred Binet, 29, rue M a d a m e , 1941.
SIMON,J., Epreuves destinées à mesurer le rendement scolaire en première année primaire, Neuchâtel
et Paris, Delachaux et Niestlé, 1955.(Cahiers de psychologie et de pédagogie expérimentale.)
Sur les tests de lecture en langue française encore inédits, des renseignements peuvent être
fournis par les organismes suivants:
Belgique.
Institut supérieur de pédagogie, Morlanwelz.
Laboratoire de psychologie scolaire, Angleur.
Revue belge de psychologie et de pédagogie, G . Goosens, 16,rue de Vrière, Bruxelles II.
France.
Centre national de documentation pédagogique (Bureau des études et recherches péda-
gogiques), 29, rue d’Ulm, Pari~-5~.
Centre national de pédagogie spéciale, Beaumont (Seine-et-Oise).
Centre de psychologie scolaire, I I cours Jean-Jaurès, Grenoble (Isère).
Ecole pratique de psychologie et de pédagogie, Lyon.
Institut de psychologie, Faculté des lettres, Strasbourg.
Laboratoire de pédagogie expérimentale, École normale supérieure, Saint-Cloud (Seine-
et-Oise).
Laboratoire de psychologie de l’enfant, 41, rue Gay-Lussac, Paris-5”.
Suixse.
Institut des sciences de l’éducation, Laboratoire de pédagogie
. _ .
expérimentale, Ecole d u
Mail, rue d u Village-Suisse, Genève.
Adult reading test. N e w York, Institute of Educational Research, Teachers College, Columbia
University. Versions I et 2.
Watts-Vernon silent reading test. Londres, Ministry of Education et National Foundation for
Educational Research. Test inédit. (Cf. a.) DUNCAN, John, Backwardness in reading:remedies
and prevention, Londres, Harrap and Co., 1953,p. 20-21; b.) Great-Britain. Ministry of
Education, Reading ability, Londres, H. M. s. o., 1950, p. 10-13.)
C H A P I T R E IX
PRINCIPES FONDAMENTAUX
DE L’ENSEIGNEMENTDE L’ÉCRITURE
A P E R Ç U D E S T E N D A N C E S ET M É T H O D E S T R A D I T I O N N E L L E S
Une des anciennes méthodes d’enseignementde l’écriture montre que l’on s’atta-
chait surtout dans le passé aux questions de forme et de qualité1.
M ê m e au x x esiècle,la qualité de l’écriture avait conservé dans bien des pays
une telle importance que les établissements scolaires ne ménageaient ni leur temps
ni leurs efforts pour obtenir sur ce point les meilleurs résultats possibles. Il existait
en outre beaucoup d’écolesspéciales qui se consacraientexclusivement à la formation
de calligraphes.
Cette insistance sur la forme et la qualité de l’écriture était particulièrement
marquée dans les pays où s’employaientdes logogrammes (comme en Chine), des
caractères syllabiques (comme au Japon) ou des lettres de type non latin (comme
dans de nombreuses régions d’Asie). Cela tenait à la complexité de ces caractères
et à la difficulté de les apprendre.Dans chacun de ces pays, un ou plusieurs modes
normalisés d’écriture étaient imposés. En Chine, par exemple, toutes les écoles pri-
maires étaient fournies des mêmes modèles, quels que fussent les dialectes parlés
dans leurs régions respectives. Les exercices portaient d’abord sur les caractères les
plus simples,puis sur des caractères de plus en plus complexesjusqu’à ce que l’élève
fût familiarisé avec des centaines ou m ê m e des milliers de caractères. O n trouve
au chapitre II (p.53) quelques indications sur les différents stades que comprenait
en pareil cas l’enseignementde l’écriture.Les tentatives répétées qui ont été faites
pour simplifier l’apprentissagede l’écriture chinoise n’ont pas donné de très bons
résultats en raison de la complexité essentielle des caractères à apprendre. Selon
le Comité des recherches sur la réforme de l’écriturechinoisel,la solution consisterait
à mettre au point un système d’écriture phonétique pour le chinois.
En Inde,à la différence de la Chine,chaque province imposait un mode d’écri-
ture adapté aux particularités de la langue en usage dans ladite province. Pour
enseigner l’écriture,aux enfants et aux adultes, on commençait par leur faire faire
des exercices sur les éléments communs à la plupart des lettres-lignes horizontales,
lignes verticales,lignes obliques et courbesz.Une fois que ces éléments étaient bien
connus, ils étaient successivement combinés en lettres, puis en mots et en phrases.
Ces méthodes synthétiques étaient d’ailleurs suivies communément dans presque
tous les pays employant d’autres caractères que ceux de l’alphabet latin.
Depuis quelques années on s’efforce dans plusieurs pays de simplifier l’appren-
tissage de l’écriturepar l’emploi de lettres liées, en faisant tout de suite écrire des
mots entiers et en adaptant les méthodes d’enseignement aux besoins des élèves.
A u Siam3,par exemple,c le plan d’étudesimpose un type défini d’écriture qui est
lié et vertical ou légèrement incliné à droite ». Certains exercices préliminaires sont
destinés à préparer les enfants à apprendre à écrire. Il n’y a pas de méthode spé-
CRITIQUE DES M É T H O D E S A N T É R I E U R E S
216
Principes fondamentaux de l’enseignement de l‘écriture
M É T H O D E S M O D E R N E S D’ENSEIGNEMENT D E L ’ É C R I T U R E
Les méthodes d’enseignement de l’écriture qui ont été élaborées au cours de ces
dernières années reposent à la fois sur une nouvelle conception des buts principaux
de l’enseignement et sur les conclusions de recherches touchant au développement
de l’enfant et à la psychologie pédagogique. Si les pratiques modernes diffèrent
entre elles sur beaucoup de points importants, elles s’accordent en général sur
un certain nombre de principes et de procédés fondamentaux.Nous prendrons tout
d’abord les points sur lesquels l’accord est largement réalisé.
POINTS COMMUNS
218
Principes fondamentaux de L‘enreigmment de l’écriture
219
L’enseignement de la lecture et de l’écriture
que les mots représentent des idées, il commence à éprouver le besoin de mettre
une légende sous tel ou tel de ses dessins,et il réussit, par imitation,à en écrire une
tant bien que mal. Ainsi, graduellement, sous l’impulsion d’un besoin profond
comme des encouragements de son entourage, l’enfant se prépare à faire de plus
en plus largement usage de l’écriture.Selon Freinet1,tout ce processusprécède,chez
la plupart des enfants, l’apparition du désir d’apprendre à lire.
L’intérêt qu’a le dessin pour préparer les enfants à écrire est reconnu depuis
plus de cent ans. Dans une étude sur les théories et les méthodes de Pestalozzi et de
certains de ses contemporains,Walch est parvenue aux conclusionssuivantes:a Etant
donné que l’enfant est apte à dessiner deux ans au moins avant d’être à m ê m e de
manier une plume avec assez d’aisance pour pouvoir écrire, il conviendrait qu’il
apprît à dessiner avant d’apprendre à lire [. ..]. La pratique du dessin aide à
tracer les lettres et développe chez l’enfant des qualités de soin,d’exactitudeet de
précision qui lui permettent d’apprendre plus vite à former ses lettres2.B
I. FREINET,C.,op. cit.
2. WALCH, Sister Mary Romana, Pestalozzi and the Pestalozzian theory of education. A critical study,Doctor’s
Dissertation,T h e School of Arts and Sciences, T h e Catholic University of America, Washington,
D.C., 1952, p. 134-135.
3. DOTTRENS, Robert, L’enseignement de l’écriture, op. cil.
4. Ibid., p. 39.
220
Principes fondamentaux de 1’ensei.gmment de l‘écriture
mots, tels qu’ils sont enseignés selon la méthode synthétique, n’ont ni valeur ni
signification pour l’élève. Essayer d’apprendre selon cette méthode est donc pour
lui une tâche apparemment dénuée de sens,qui ne l’incitepas à un effort vigoureux.
Les témoignages qui viennent d’être cités reposent principalement sur des expé-
riences concernantdes écritures en caractères latins.Mais dans les pays qui utilisent
d’autres caractères, les mêmes conclusions sont généralement applicables: les rap-
ports dont on dispose en font foi. La complication des caractères en usage dans cer-
tains pays pose évidemment des problèmes spéciaux lorsqu’ils’agit d’employer dès
le début des unités de langage présentant un sens. Ces difficultés méritent d’être
étudiées avec soin en vue de la mise au point de méthodes psychologiquement
saines.
En règle générale,l’écriturea script ) )est utilisée pendant les deux premières années
d’école.Elles s’apprendplus facilement et plus rapidement que la cursive et permet
aux élèves de l’école primaire d’écrire plus lisiblement et plus vite3.Les avantages
que présente,à ce niveau,l’emploide l’écriture(< script D ont récemmentété résumés
comme suit4:
I. La forme des lettres est plus simple que dans la cursive.
2. Il n’y a pas besoin de traits pour joindre les lettres entre elles, bien que l’écriture
(< script)
)liée soit souvent utilisée.
3. La pratique de l’écriture a script)) se rapproche de celle du dessin avec
laquelle les enfants sont familiarisés.
4. Les caractères de l’écriture c script ))sont identiques à ceux des livres de lec-
ture qu’ont les enfants, ce qui évite les confusions qui peuvent naître de l’étude
simultanée de deux formes pour chaque lettre.
5. Avec l’écriture a script », les enfants peuvent arriver plus rapidement à
~
I. XIe CONFÉRENCE
INTERNATIONALE DE L’INSTRUCTIONPUBLIQUE,L’enseignement de l’écriture,p. I 8.
2. Ibid., p. 17-18.
3. ((Handwritingn, dans: MONROE, Walter S., ed., op. n’t., p. 525.
HEESE, J.DE V., «The use of manuscript writing in South Airican schools)), Journal of educational
research, vol. XL, novembre 1946, p. 161-177.
PHILIPPINES, DEPARTMENT OF EDUCATION BUREAUOF PUBLICSCHOOLS,Bulletin,no26, Manille, 1951.
VOORHIS,Thelma G.,T h e relative merits of cursive and manuscript writing,N e w York, Bureau of Publica-
tions, Teachers College Columbia University, 1931.
4. N. E. A. RESEARCHDNISION,Manuscr$t handwriting, Washington, National Education Association
of the United States, 1951,p. 6-7.
22 1
L’enseiznement de la lecture et de l’écriture
exprimer par écrit leurs idées; ils éprouvent ainsi plus tôt un sentiment de satis-
faction et il y a moins d’échecs.
6. Sur les tableaux muraux, les couvertures de brochures et les ouvrages d’art,
l’écriture((script )
)a un aspect plus net et plus agréable que la cursive.
7. Les enfants peuvent comparer les lettres qu’ilsforment avec les lettres imprimées
et déceler ainsi plus facilement les erreurs qu’ils commettent.
8. La fatiguedes yeux et les risques de fatigue physique sont moindres dans l‘appren-
tissage de l’écriture script ))que dans celui de la cursive.
9. La surveillance à exercer sur les élèves est moindre que dans l’enseignement de
la cursive.
IO.En facilitant l’expression écrite des idées, l’emploi de caractères ( (script B
encourage l’expression créatrice.
I I. La netteté de cette écriture tend à créer une certaine sécurité affective.
12.L’emploi de l’écriture a script ) )s’harmonise avec le développement muscu-
laire et moteur des enfants de l’école primaire.
7. Les parents d’élèves préfèrent souvent l’écriture cursive et insistent pour qu’on
l’enseigne à leurs enfants.
Dans plusieurs pays, l’habitude est de faire apprendre l’écriture(t script D dans les
deux premières classes pour l’abandonneren faveur de la cursive dans la troisième
classel. Très rares sont les écoles où l’on continue à l’employer pendant toute la
durée des études élémentaires; certains éducateurs soutiennent cependant, en se
fondant sur un certain nombre de faits objectivement observés, qu’il faudrait s’en
tenir d’un bout à l’autre des études à cette forme d’écriture.
Aux Philippines,les autorités de l’enseignement recommandent que le passage
d’une écriture à l’autreait lieu vers la fin de la deuxième année de scolarité2.A la
suite d’une étude comparative faite dans les écoles sud-africaines,sur les notes d’écri-
ture obtenues par plus de 3.000 élèves des classes I à 7,Hesse3a établi que les élèves
I. FREEMAN, Frank N.,«Survey of manuscript writing in the public schools)), Elementary schooljournal,
vol. XLVI, mars 1946, p. 375-380.
POLKINGHORNE, Ada R.,G Current practices in teaching handwriting)), Elementary schooljournal,
vol. XLVII, décembre 1946, p. 218-224.
WISCONSIN. DEPARTMENT OF EDUCATION. COMMITTEE FOR RESEARCH INHANDWRITING, Handwriting
in Wisconsin. A survey of elementary school practice, Madison, University of Wisconsin, 1951, p. 77.
(Bulletin of the School of Education.)
2. PHILIPPINES. DEPARTMENT OF EDUCATION, BUREAUOF PUBLICSCHOOLS. Tentative guide in teaching
manuscript writing, Manille, 1951.(Annexe au Bulletin no 16.)
3. HEESE, op. cit. p. 176.
222
Principes fondamentaux de l’enseignement de l’écriture
Continuité. Les mouvements faits pour écrire deviennent également plus continus
et mieux coordonnés à mesure que l’élèveacquiert de la maturité. Plusieurs cher-
cheurs ont établi que l’adulte ( (a tendance à former ses lettres et ses mots comme
autant d’unités,tandis que l’enfant écrit en séries de traits presque séparés. En
outre, l’enfant s’arrête plus longtemps entre les traits». Ces constatations, selon
Freeman, militent en faveur de la méthode consistant à faire employer par les
jeunes enfants l’écriture ((script B - faite de traits séparés - tandis que l’écri-
ture cursive, a qui permet d’écrire les mots comme des unités », serait employée
par les enfants plus grands et par les adultes.
Rythme. Différentes études ont montré que l’écrituretend à devenir plus rythmique
à mesure que l’élève acquiert de l’adresseet de la maturité. Cette tendance est liée
à celle selon laquelle un tracé global se substitue, dans l’écriture déjà formée, au
tracé de traits séparés. Chaque unité ainsi tracée résulte d’unesérie de mouvements
qui en viennent progressivement à s’accomplirà intervalles réguliers.La succession
mieux rythmée de ces mouvements caractérise,elle aussi, le processus de la matu-
ration.
Nous avons ainsi relevé cinq principes ou pratiques assez communément admis
aujourd’hui pour ce qui est de l’enseignement de l’écriture aux enfants:
I. Les éducateurs songent en premier lieu à l’élève et les méthodes d’enseignement
font l’objet de maintes adaptations pour tenir compte des particularités indivi-
duelles.
2. U n entraînement préliminaire est donné aux enfants chaque fois qu’ils en ont
besoin, pour les préparer à écrire.
3. O n tend à partir des mots plutôt que des éléments des mots, pour l’apprentissage
de l’écriture.
4. Dans la plupart des pays utilisant un alphabet, et m ê m e dans certains autres,
Principes fondamentaux de l’enseignement de l‘écriture
QUESTIONS CONTROVERSÉES
Une des différences frappantes que l’on constate, tant dans la théorie que dans la
pratique de l’enseignementde l’écriture,se rapporte aux types d’écriture à employer.
Dans beaucoup de pays,on utilise,soitdès le début,soit -cequi estpréférable- après
avoir commencé par employer l’écriture a script », un type particulier d’écriture
cursive. Le but de l’enseignement donné est alors d’amener les élèves à reproduire
aussi fidèlement que possible le type d’écriture retenu. Cette pratique repose sur
plusieurs hypothèses. La première est que certains types d’écriture sont supérieurs
aux autres, en ce sens qu’ils sont mieux adaptés aux particularités physiologiques
de l’enfant,plus lisibles, plus artistiques,ou qu’ils permettent d’écrire plus vite sans
nuire à la bonne qualité de l’écriture.Ces questionsont faitl’objetd’un grand nombre
d’études constructives qui ont abouti à l’élaborationde nombreux systèmes d’écri-
ture,dont la supériorité repose en partie,selon leurs tenants,sur des caractéristiques
de style particulières. O n trouvera dans L’enseignement de l’écriture1 d’assez longues
études sur les types d’écriture utilisés dans les différents pays et sur les systèmes
d’enseignement de l’écriture qui leur correspondent.
Les autres hypothèses que l’on invoque en faveur de l’emploid’un type déter-
miné d’écrituresont les suivantes:a ) l’emploid’un même type d’écriture,dans une
école ou dans tout un système scolaire, garantit des progrès réguliers d’année en
année; 6) il permet d’obtenir une meilleure écriture parce que tous les maîtres
s’efforcent d’atteindre des résultats semblables; c) enfin, l’emploi de cette écriture
pendant une assez longue période permet aux maîtres de l’enseigneravec une com-
pétence croissante.
O n affirme également que, dans tous les cas où des intérêts commerciaux sont
en jeu, les avantages et inconvénients des différents types d’écriture sont étudiés
avec plus d’attention et qu’un meilleur matériel et de meilleurs guides ou manuels
des maîtres sont mis à la disposition des intéressés.Toutes ces hypothèses ont leur
valeur. Le véritable problème est de savoir si les avantages en question l’emportent
sr ceux que présentent d’autres systèmes.
226
PrinciPesfondamentaux de l’enseignementde l’écriture
Les mouvements des doigts doivent-ils compléter, quand on écrit, les mouvements plus amfiles
du bras?
Les résultats de l’observation et de certaines études objectives montrent que les
enfants et les adultes ont,en général,tendance à combiner les mouvements du bras,
de la main et des doigts. Certaines études faites sur des enfants indiquent que ceux
qui font usage de mouvements combinés écrivent aussi bien que ceux qui n’emploient
que les mouvements du bras. La position de la main a une importance toute parti-
culière. Elle doit permettre de passer avec souplesse d’une lettre à l’autre et d’un
mot à l’autre.O n obtient ce résultat en appliquant le principe de la ( (traction »,
autrement dit en ((faisant appel aux mouvements du bras et au pivotement de la
main sur le poignet, les doigts restant souples sur la plume1».
Existe-t-il un rapport entre le temps consacré aux exercices spéciaux d’écriture et le rythme des
progrès réalisés?
II ressort des données dont on dispose que ce rapport est faible, sinon inexistant.
O n a tenté d’expliquercette situation par l’absencede motifs d’intérêtet par l’emploi
de méthodes qui manquent d’efficacitéet de précision.
Les résultats de plusieurs expériences montrent l’efficacité d’une telle analyse. Les
différentes méthodes d’analyse qui peuvent être employées seront étudiées dans la
section relative au ((diagnostic ».
D e l’avis des spécialistes qui ont été consultés, le crayon à bille peut remplacer le
crayon ordinaire une fois passé le premier stade d’apprentissage de l’écriture, à
condition toutefois que ses dimensions s’accordentavec celles de la main de l’enfant.
Wright2 observe que l’emploi du stylographe libère de l’obligation de transporter
un encrier et permet de renoncer aux crayons ordinaires et aux crayons à bille qui
font des taches.Il y a là une critique implicite à l’égard des crayons à bille.
228
Primcifiesfondamentaux de I‘emeignement de l’écriture
Pour évalAer les progrès de leurs élèves,les maîtres se sont toujoursfiés à leur propre
jugement; il est arrivé aussi qu’en rassemblant dans leur classe des échantillons
d’écritureet en comparant entre eux les échantillons recueillis à différents moments,
ils pussent se rendre compte de ces progrès. Depuis quelques années, ont été mises
au point des techniques objectives d’évaluation susceptibles d’être appliquées de
façon plus ou moins uniforme par le personnel enseignant des différentes écoles ou
collectivités. Les évaluations faites jusqu’à présent ont porté essentiellement sur
la rapidité et la qualité de l’écriture.
Pour évaluer la rapidité, le procédé habituellement employé consiste à déter-
miner le nombre de lettres tracées par l’élève en un temps donné. Pour que les
élèves écrivent sans s’arrêter pendant toute l’épreuve,on ne leur fait écrire que des
phrases qu’ilsont apprises par cœur ou des mots qu’ils connaissentbien. O n s’efforce
d’éviter qu’ilss’arrêtentd’écrire pour réfléchir à ce qu’ils écrivent ou pour essayer
de se rappeler le mot ou la phrase qui vient ensuite. La durée de cet exercice est
généralement de deux minutes. Il importe que tous les élèves commencent et cessent
d’écrire dès qu’on leur en donne le signal. O n compte ensuite le nombre de lettres
qui ont été tracées pendant l’épreuve,et c’esten général le nombre moyen de lettres
par minute qui sert à exprimer le résultat.
La qualité de l’écriture,d’autre part,est objectivement mesurée par l’application
d’une échelle spéciale, composée d’échantillons d’écritures, qui sont rangées par
ordre croissant de qualité. La première échelle de ce genre a été publiée en 1910
par Thorndike2.Parmi celles qui ont été publiées tout récemment, deux ont été
mises au point en Espagne: celle de Fernhndez Huerta3 et celle de 1’EscuelaEspecial
de Orientacion y Aprovechamiento, de Valence4 (voir fig. 18). Une échelle spé-
cialement conçue pour l’évaluationdes écritures d’adultes5a été publiée dès 1920
par la Russel Sage Foundation (voir fig. 19).
L’échelle reproduite à la figure 18 a été établie par un procédé relativement
simple. Vingt-quatreéchantillons d’écriture particulièrement représentatifs ont été
prélevés sur l’ensemble de ceux qui avaient été apportés par 2.330 élèves. Onze
maîtres ont été invités à procéder chacun à leur classement par ordre de qualité.
La moyenne des onze numéros d’ordre ainsi attribués à chaque échantillon a été
considérée comme constituant l’indice de qualité de cet échantillon. L’ordre de
priorité a été déterminé par l’emploi de la technique Catell Well. En prenant de
deux en deux les échantillons ainsi classés, on a établi deux échelles dont l’une est
reproduite sur la figure 18.
DIAGNOSTIC ET REMÈDES
Toujours les maîtres ont étudié avec soin la nature des difficultés auxquelles se
heurtent les enfants et les adultes qui apprennent à écrire et, se fondant sur les
données ainsi recueillies, ont apporté à chaque élève le genre d’aide dont il avait
besoin. Mais depuis quelques années de grands progrès ont été réalisés dans la mise
au point de méthodes propres à répondre de façon plus objective et plus efficace à
ces mêmes fins.
Dès 1915, Freeman2a mis au point une échelle analytique pour l’évaluationde
l’écriture (voir figure 20). Elle est faite d’échantillons types dont la qualité a été
déterminée en fonction de cinq éléments: uniformité d’inclinaison,alignement, lar-
geur des traits,forme des lettres et espacement.En se conformant au mode d’emploi
joint à cette échelle,un maître peut identifier les différents types de fautes d’écriture.
Il devient dès lors possible d’établir un programme efficace pour la correction des
fautes de chaque type.
O n peut également,pour se rendre compte des défauts et des besoins de chaque
élève,se servir d’unea fiche d’appréciationde l’écriture3», comme celle que repro-
duit la figure 21. Cette fiche porte sur les particularités suivantes: accentuation des
traits, inclinaisons, dimensions, alignement, espacement des lignes, tracé des mots
et des lettres,formation et netteté des lettres. Son emploi permet d’étudieren détail
les besoins de chaque élève et de mettre au point des méthodes d’enseignementeffi-
caces.Les rubriques prévues sur la fiche varient,bien entendu,selon les caractéris-
tiques prédominantes des modes d’écriture correspondant aux différentes langues.
CONCLUSIONS
I. FERNANDEZHUERTA,
José, op. cit.,
2. MONTESSORI, Maria, Fonnarione a’ell’uomo; pregiudize et nebule. Analfabetismo mondiale. Cernusco su1
Naviglio (Italie), Garzanti, 1949,p. 109-1 IO.
3. BONNIS, L., ((Apprentissage de la lecture (simplificationet combinaison des méthodes en usage)»,
Psychologie de l’enfant et pédagogie expérimentale, bulletin mensuel no 405, IV-VI, avril-juin 1952,
p. 125-128; no 407,IX-XI, octobre-novembre 1952,p. 174-180.Paris, Société Alfred Binet.
4. BOREL-MAISONNY, Mme S.,«Comment apprendre à lire; méthode combinée [...] spécialement
pour enîants présentant des troubles du langage et rencontrant des difficultés», Psychologie a’e
-
l’enfant et pédagogie expérimentale, bulletins nos386 et 387, décembre 1948 mars 1949,p. 343-394,
Paris, Société Alfred Binet.
A N N E X E
Principes fondamentaux de l'enseignement de l'écriiure
233
L.'en.seignement de la Lxture et de l'écriture
Princ$es fondamenium de l'enseignement de l'écriture
Uniformity of Slant
Uniformity of Alinement
Quality of Line
Letter Formation
Fig. 20. Tht Freeman chart for diagnosing faults in handwriting (Tableau de Freeman pour le diagnostic
des défauts d'écriture), Cambridge (Massachusetts), The Riverside Press.
235
L>meignernent de la lecture et de l’écriture
-
Sample
8 É 4 8 8
2M 5Y 9 3m
-- - - 0-
........ ..... ..... ....
1. Heaviness ....... 3
........ ..... ..... ....
2. Slant ................ 5
Uniformity
Mixed
........ ..... ..... ....
7
Too large
Too small
4. dignment ........................... 8 ........ ..... ..... ....
Letters not closed ............ 5 ........ ... ..... ... ..... .....
TOTAL S C O R E ......
-........ .....
- --
..... .....
Scored by .............................................................................................
Fig. 21. A score Gard for the measurement of handwriting (Fiche d’appréciation de l’écriture). Cette
fiche indique les éléments à prendre en considération pour apprécier la qualité de l’écriture
et la note maximum qui peut être obtenue pour chacun de ces éléments. Ces valeurs ont été fixées
par combinaison des avis de plusieurs spécialistes de l’écriture.Pour plus de détails concernant l’éta-
blissement et l’emploi de cette fiche, voir: Gray, C. Truman, « A score card for the measurement of
handwriting)), Bulletin of the University of Texas, no 37, l e * juillet 1915,p. 45.
236
CHAPITRE X
L’ENSEIGNEMENT DE L’ÉCRITURE
A U X ENFANTS
Pour enseigner l’écriture à tous les enfants d’âge scolaire, il faut des programmes
d’une ampleur suffisante et qui soient bien adaptés au degré de maturité des
élèves, à leurs capacités,aux préoccupations de leur âge et à leurs besoins futurs.
Les problèmes qui se posent à cet égard varient considérablement avec les écoles.
Pour les établissements nouvellement créés, il s’agit de mettre sur pied des pro-
grammes fondés sur de bons principes et bien adaptés aux conditions et aux besoins
locaux.Ailleurs,les programmes existants devront faire l’objetd’un examen critique
et être modifiés d’après les leçons de l’expérienceet de la recherche. Ceux à qui ces
tâches seront confiées trouveront peut-être quelque utilité au présent chapitre1,
qui définit le but à atteindre,l’objetet la structure du programme,enfin les méthodes
d’enseignement,en fonction des faits et des principes de base énoncés au chapitre IX.
R Ô L E A C T U E L D E L’ÉCRITURE D A N S L A V I E D E L’ENFANT
Afin de pouvoir établir un bon programme pour les écoles primaires,il est indispen-
sable de bien comprendre tout d’abord le rôle que joue l’écrituredans la vie de
l’enfant.En dehors de l’école,les enfants s’en servent pour de nombreux usages.
Par exemple, ils inscrivent leur nom sur les objets auxquels ils tiennent; divers
jeux, de plein air ou d’intérieur,leur donnent l’occasiond’écrire; ils mettent des
titres à leurs dessins; ils s’adressent mutuellement des invitations; ils écrivent des
lettres à leurs parents et amis. L’expérience montre que si l’on se fonde,au moins
en partie, sur ces applications pratiques de l’écriture et sur les besoins dont les
enfants ont conscience,ceux-ciseront tout disposés à.faire les exercices qu’on leur
indique et mettront toute leur énergie à apprendre à écrire.
D’autre part, l’écriture est maintenant employée plus ou moins régulièrement
pendant toute la journée scolaire,pour aider à l’enseignement d’autres disciplines.
Les enfantsécrivent les mots nouveaux qui se présentent dans leurs leçons de lecture;
ils prennent note, très simplement, de ce qu’ils apprennent par l’observation,par
les discussions en classe et par la lecture;enfin,ils se servent couramment de l’écriture
pour les exercices et les devoirs. Pour que l’écrituresoit d’une qualité satisfaisante
dans ces diverses activités,il est indispensable que les enfants soient guidés de façon
presque continue.A la fin des études primaires,les élèves doivent avoir fait des pro-
grès marqués et pris l’habitude d’écrire correctement,aussi bien lorsqu’ils écrivent
spontanément que pour les exercices imposés.
I. O n s’est beaucoup servi, pour ce chapitre, des données de fait, des principes et des recornmanda-
tions contenusdans les quinze référencesqui figurent dans la note 1, p. z 14et 215 du chapitre IX.
237
L’enseignement de la lecture et de l‘écriture
BUTS ET S T R U C T U R E D U P R O G R A M M E
I. MONTEGSORI, Maria, Pédagogie scient8que; la découverte de L’enfant, Paris, Desclée de Brouwer, 1952
p. 158.
239
L’enseignement de la lecture et de l‘écriture
EXERCICES EN CLASSE
Les exercices préparatoires les plus efficaces ont été étudiés dans plusieurs paysl.
L’espace limité dont nous disposons ne nous permettra que d’en citer quelques-uns.
D’aprèsFreinet2,la préparation à l’écrituredoit faire partie du processus(c naturel>>
de développement des enfants. Aussi, dans les écoles qu’il dirige,les premières acti-
vités des enfants sont-ellesexemptes de toute solennité; elles sont également variées
et adaptées à leurs préoccupations immédiates. O n s’attache néanmoins à orienter
leur développement dans la direction voulue. Selon le processus décrit au cha-
pitre IX,l’enfantcommence à s’exprimer par le dessin, ce qui développe les capa-
cités motrices dont il aura besoin pour écrire. Après quelque temps,il éprouvera
le désir d’écrire et des modèles seront mis à sa disposition pour qu’il puisse les
copier. Gabrielli3 déclare que beaucoup des méthodes actuellement en usage en
Italie, tout en étant conformes aux principes de la méthode c naturelle », sont fon-
dées aussi sur l’idéeque le dessin et les exercices d’écriturepréparatoiresne doivent
pas être uniquement spontanés,mais faire intervenir aussi la mémoire par la repro-
duction de modèles.
En Allemagne,une méthode appelée Sprechspur4 connaît une certaine popularité.
En lisant une phrase écrite sur le tableau noir, le maître fait en même temps des
mouvements rythmiques de la main qui sont imités par les élèves. Ces mouvements
correspondent exactement aux inflexions de la voix. Le but n’est pas de reproduire
les lettres ou le mouvement des lèvres, mais bien d’établir une équivalence aussi
étroite que possible entre les sensations sonores et la sensation du mouvement.
Cette méthode, a-t-ondit, aide l’enfant à comprendre la structure du langage et
de l’écriture,à appréhender les concepts représentés par écrit en des mots et des
membres de phrase, et à découvrir les signes graphiques correspondants. Elle lui
permet en outre de comprendre le rôle des lettres dans l’acte de l’écriture,ce qui
le met à même de réaliser des progrès en écriture et en lecture.
Dans les écoles maternelles et les écoles enfantines modernes on a largement re-
cours, pour préparer les enfants à l’écriture,à des activités variées, laissant une
grande liberté à l’enfant, et répondant à ses goûts. Les capacités motrices sont
développées par les jeux,les constructions,le modelage et le dessin. D’autresmoyens
sont mis en œuvre en m ê m e temps; par exemple, le maître pourra écrire le nom
des élèves sur leur pupitre,sur leurs livres ou sur d’autresobjets,ou bien il rédigera
des étiquettes qu’il collera ensuite sur des boîtes contenant diverses catégories de
matériel, ou encore il écrira au tableau,chaque matin,le no-mdu jour de la semaine,
ainsi qu’une liste des principales activités de la journée. Eventuellement, il écrira
sous la dictée des élèves une lettre à un de leurs camarades malade.
Grâce à de nombreux moyens de ce genre, l’enfant éprouvera le désir de voir
ses pensées mises par écrit et il assimilera des impressions visuelles utiles concernant
la direction et l’enchaînementdes traits. C’est ainsi que les enfants apprennent plus
ou moins inconsciemment la correction des formes, le bon arrangement des lettres
et même l’emploi de la ponctuation. Il est très important qu’ils soient préparés,
mentalement et physiquement,avant de s’attaquerà ce qui est pour eux une tâche
nouvelle et difficile.
L’utilité particulière de différentsexercices ressort des résumés ci-après,portant
sur le système pratiqué à Genève (Suisse):a découpage-collage (légèreté,précision,
goût); modelage (souplesse, délicatesse du doigté); peinture-dessin (légèreté,pré-
cision,goût); exercices sensoriels du toucher et de la vue (observation des formes);
exercices musculaires des doigts, du poignet, de l’avant-bras (assouplissement,
tenue)l». En outre, dans beaucoup d’écoles,on pratique des exercices inspirés de
la méthode Montessori,qui s’apparententplus étroitement aux mouvements qu’exige
l’acted’écrire;ils consistent par exemple à a tracer des lettres dans le sable2>> et à
a toucher des lettres avec le doigt,la craie ou le crayon)). Dans certains pays, tels
que le Chili, on donne aux élèves des plaques de cuivre portant des lettres, des
chiffres et des images dont ils peuvent suivre le tracé. Cette méthode permet d’in-
culquer à l’enfantla sensation correspondant à l’acte d’écrire en faisant intervenir
à la fois la vue et le toucher.
Des renseignements provenant de l’Inde3,où l’on emploie des caractères com-
plexes, indiquent que les types suivants d’exercices préparatoires sont en usage,
notamment dans la province de Bombay: I. Tracé de lignes droites, penchées,
courbes,de demi-cercles,etc.; 2. Tracé de lettres dans le sable ou la sciure; 3. For-
mation de lettres au moyen de fil de fer,de bâtonnets,de graines, etc.;4.Les enfants
collent du sable sur des lettres dessinées au préalable par le maître sur des fiches
de carton; 5.Tracé de lettres sur l’ardoiseavec le doigt ou sur une surface blanchie
au préalable avec le crayon d’ardoise;6.Les enfants tracent la lettre en l’airavec
le doigt.>)
DURÉE DE L’ENTRA~NEMENT
Les exemples qui précèdent montrent la grande variété des méthodes que l’onemploie
aujourd’hui pour préparer les enfants à apprendre à écrire sans trop de difficulté.
Certaines de ces activités n’ont que des rapports lointains avec l‘écriture,alors que
d’autresont déjà été en faveur dans le passé pour les premières phases de I’enseigne-
ment systématique de l’écriture.Il n’a pas été possible d’établir scientifiquement
leurs mérites respectifs. O n peut cependant reprocher à certaines d’entre elles de
partir du principe qu’il faut apprendre d’abord à tracer les éléments des lettres.
Il semble bien que l’on doive préférer au début les exercices qui ne sont pas
trop spécialisés et qu’il faille les continuer jusqu’à ce que l’enfant exprime un vif
désir d’apprendre et possède une assez grande maîtrise de ses muscles pour tenir
les instruments de l’écritureet faire les mouvements nécessaires.Si,pour des raisons
pratiques, on est obligé de commencer l’enseignement de l’écriture,alors que cer-
tains élèves ne sont pas encore véritablement prêts à en tirer profit, il conviendra
de poursuivre les exercices préparatoiresen même temps que l’enseignementpropre-
ment dit.
BUTS À ATTEINDRE
243
L’enseignement de la lecture et de l‘écriture
L’emploi de l‘écriture (
(script ».
D e nombreux pays qui emploient l’alphabetlatin adoptent actuellement une forme
d’écriture simplifiée,appelée ( ( script », pour les premières années d’école. Ses par-
tisans déclarent qu’elle est plus facile à apprendre que l’écriture cursive et mieux
adaptée aux possibilités physiologiquesde l’enfant.Les faits rapportés au chapitre IX
justifient amplement cette affirmation.
Les divers genres de script actuellement en usage, y compris le ( (print-scriptD
et le << manuscript », diffèrent par de nombreux détails, mais ressemblent tous plus
ou moins aux caractères d’imprimerie.Les lettres qui diffèrentle plus en ( (script D
sont constituées en totalité ou en partie par des lignes droites (l,J), des cercles
(O, g) ou des portions de cercle (c, d). Pour que les débutants se familiarisent plus
aisément avec les proportions des caractères, plusieurs spécialistes suggèrent de
donner aux capitales et aux grandes lettres une hauteur double de celle des petites.
Une lettre fait exception à cette règle,c’estle t, qui doit être un peu plus court que
les autres lettres ascendantes. Les lettres descendantes, comme le g, se trouvent
avoir le m ê m e rapport avec n que les lettres ascendantes. A mesure que les élèves
se familiarisent avec l’écriture script, on peut réduire légèrement la hauteur des
lettres ascendantes et descendantes afin que les lignes d’écriture n’empiètent pas
l’une sur l’autre.
La forme des caractères latins non liés diffère dans une certaine mesure avec les
244
L’enseignement de l’écriture a m enfants
Problèmes qui se posent lorsque les formes d’écriture employées sont complexes.
Il y a longtemps que, dans presque tous les pays, les maîtres se sont aperçus de la
difficulté qu’éprouventles jeunes enfants à apprendre à écrire en raison de la com-
plexité des caractères. En Chine, par exemple, où l’on emploie des logogrammes,
on s’est efforcé depuis des siècles de simplifier l’enseignement de l’écritureen com-
mençant par les caractères qui contiennent le moins de traits. Cette méthode a
permis de faire quelques progrès,mais laisse de nombreuses difficultés sans solution.
Par exemple, il faut toujours consacrer de longs et difficiles exercices à l’appren-
tissage des divers caractères, avant que l’élève puisse écrire réellement. C’est pour
cette raison, entre autres, que l’on s’efforce actuellement de mettre au point une
nouvelle forme de langue écrite adaptée à la culture et aux besoins de la Chine2,
qui permettrait aux enfants et aux adultes d’apprendre à lire et à écrire sans trop
de difficulté. Des problèmes analogues se posent au Japon où de grands efforts ont
été faits par des particuliers et des commissions en vue de leur trouver une solution.
Les progrès réalisés jusqu’ici demeurent assez limités.
I. WISCONSIN.
DEPARTMENT
OF EDUCATION.
Committee for Research in Handwriting, Handwriting in
Wisconsin: a survey of elernentary school practice, Madison (Wisconsin), University of Wisconsin, 1951.
(Bulletin of the School of Education.)
z. CHUEH, Wie,’«Theproblems of reforming the Chinese written languageu, Peoples’ China, IO, 1954,
p. 18-26.
245
L’enseignement de la lecture et de récriture
Dans la plupart des autres pays qui emploient des formes complexes d’écriture,
diverses solutions ont été adoptées pour simplifier l’enseignement de l’écriture. La
plus courante consiste à enseigner d’abord les éléments des lettres, c’est-à-diredes
lignes droites et des lignes courbes. Dès que les enfants savent tracer ces éléments,
on les combine pour former des lettres, puis on forme avec celles-cides mots. Ce-
pendant, ainsi que nous l’avons déjà indiqué,l’emploi de méthodes purement syn-
thétiques pour l’enseignement de l’écriture présente plusieurs inconvénients. La
réforme des modes d’écriture,amorcée dans quelques pays, semble devoir donner
de bien meilleurs résultats. C’est ainsi qu’en Assam, on recommande une écriture
verticale, liée, pour l’école primaire, alors que l’écriture penchée est pratiquée
dans l’enseignementsecondaire.N Dans la résidence de Bombay,l’écritureN script N
(de0 muguri) est maintenant plus en faveur que l’écriture cursive (modi)l.P
Tant que l’on n’aurapas mis au point des formes simplifiées,de nombreux pays
demeureront obligés d’employer un type d’écriturecomplexe pour l’enseignement
de l’écriture aux enfants. Il convient donc de faire tous les efforts possibles pour
simplifier cet apprentissage2.Il faut donner aux enfants des raisons d’apprendre à
écrire,en leur faisant comprendrel’utilitéque présente l’écriturepour leurs besoins
personnels, de façon qu’ils soient prêts à faire d’eux-mêmesdes efforts néces-
saires.
le pupitre. Les deux bras doivent reposer sur le pupitre,les coudes dépassant légère-
ment le bord.
Les droitiers tiennent le papier avec la main gauche, qui le déplace progressive-
ment vers le haut, au fur et à mesure que la feuille se remplit et que l’écrituregagne
le bas de la page. Dans le cas des gauchers,le papier est tenu avec la main droite.
Pour l’écriture penchée, le haut du papier doit être légèrement incliné, vers la
gauche si l’enfant est droitier, vers la droite s’il est gaucher.
PROCÉDÉS D’ENSEIGNEMENT
Les meilleurs procédés d’enseignementvarient à bien des égards avec le genre des
caractères employés et avec la forme d’écriture prescrite. Toutefois, l’expérience
montre que certains principes généraux peuvent être appliqués.
I. Les enfants doivent se familiariser avec les formes et les usages de l’écriture
avant de commencer les exercices d’écriture proprement dits. A cet effet, dans
de nombreuses écoles, le maître écrit au tableau le nom du jour de la semaine,
les noms des élèves, une liste des activités de la journée, ou un bref compte
rendu de quelque expérience intéressante. Les progrès sont plus rapides si le
maître écrit nettement, lisiblement,et emploie le type d’écritureque les élèves
vont avoir à apprendre.
2. Pour amener l’enfant à écrire, il convient de le placer dans une situation telle
qu’il en éprouve de lui-même le besoin et qu’il en comprenne la signifi-
cation. O n peut lui faire écrire son nom, le jour de la semaine,ou une légende
pour une image. Lorsqu’une raison d’écrire impérieuse se faitjour dans l’esprit
de l’enfant,le maître écrit très lisiblement au tableau le mot en question. D e
cette façon,non seulement l’acte d’écrire reçoit un sens, mais l’enfant éprouve
les impressions sensorielles qui sont indispensables pour qu’il puisse commencer
à écrire convenablement.
Cela est vrai même dans le cas des écoles qui insistent,au début de l’enseigne-
ment, sur ce qu’il est convenu d’appeler les éléments de l’écriture.
3. Au début, on n’exigera pas des enfants trop de fidélité dans la reproduction
des modèles écrits au tableau. D e nombreux maîtres laissent les élèves copier
les modèles sans les aider beaucoup, ou m ê m e en les laissant faire tout seuls.
Ils considèrent que le plaisir qu’éprouve l’enfant à satisfaire par un moyen
nouveau un besoin dont il a conscience est beaucoup plus important que la
qualité du travail. Le résultat est que les caractères,les lettres ou les mots sont
perçus et reproduits surtout par les efforts propres de l’enfant, et souvent de
façon tout à fait inexacte.Par des exercices répétés,l’enfant apprend à observer
de plus en plus de détails, et les formes écrites deviennent plus exactes et plus
régulières. En insistant comme il se doit sur l’orthographe,on attire progressive-
ment l’attentiondes enfants sur tous les détails des mots et des lettres.
4. Ces actes d’écriture plus ou moins spontanés doivent être complétés assez tôt
par des exercices de breve durée. Ces exercices ont pour but d’enseigner les
mécanismes essentiels1 de l’écriture.A cet égard, il convient de ne pas oublier
deux choses : les élèves qui progressent lentement quant à la perception et à la
reproduction des détails des mots et des lettres ne doivent pas être obligés d’avan-
cer plus rapidement que leur développement mental ne le comporte;d’autrepart,
lorsqu’on enseigne un certain type d’écriture,il y a lieu de tenir compte des
différences individuelles.
247
L‘enseignement de la lecture et de l‘écriture
5. Deux principes doivent présider au choix des textes servant aux exercices :par
leur nature même, ils doivent permettre de concentrer l’attentiondes élèves sur
ce qui doit être amélioré,et d’autrepart ils doivent avoir une signification pour
l’enfant.U n maître avisé réussira souvent à choisir des textes d’exercicesà partir
des activités spontanées d’écriture décrites ci-dessus. Cette méthode présente
l’avantage que le matériel en question est déjà empreint de signification pour
l’élève,et qu’il est relativement facile de lui donner le désir de se perfectionner.
Il arrive que des maîtres inexpérimentés ne sachent pas choisir de bons sujets
d’exercice.Dans ce cas, il y a souvent intérêt à ce qu’ils se servent de manuels
d’exercicesmis au point par des spécialistes de la forme d’écriture employée.
Il convient cependant de faire précéder chaque exercice d’une explication sur
le sens et le but de cet exercice.
6. Il est indispensable que l’enfant perçoive nettement les mots et les lettres qu’il
doit reproduire.D’une manière générale,il est bon que les impressionspénètrent
fortement en lui par plusieurs sens. Supposons qu’il s’agisse d’apprendre aux
élèves la forme d’une nouvelle lettre: u) ils commenceront par tracer un modèle
de la lettre avec l’index,en disant le nom de la lettre en m ê m e temps; b) ils
traceront ensuite la lettre plusieurs fois, d’abord avec le doigt, puis avec un
crayon; c) ils cacheront le modèle et écriront la lettre une fois sur le papier;
d) on comparera la lettre avec le modèle. Si la reproduction est correcte, ils
l’écrirontplusieurs fois encore pour bien l’assimiler;si elle est incorrecte, ils la
traceront encore un certain nombre de fois avant de tenter un nouvel essai sans
voir le modèle. O n peut appliquer de plusieurs façons ce procédé,pour aider
les enfants à se rappeler exactement les lettres ou les mots et à apprendre à les
écrire, ainsi qu’à surmonter les difficultés particulièresqu’ilspeuvent rencontrer.
7. Afin d’obtenirdes résultats durables,il importe de faire répéter régulièrement le
tracé des divers éléments de l’écriture.O n peut le faire, en partie, au cours des
exercices spéciaux, mais les résultats ne seront pas vraiment satisfaisants tant
que l’enfant ne sera pas amené à appliquer chaque jour,dans les activités cou-
rantes pour lesquelles il se servira de l’écriture,les nouveaux mécanismes qu’il
aura appris.
Nous avons exposé certains principes directeurs qui sont appliqués à l’enseignement
de l’écrituredans la plupart des pays. Il ne peut être question de donner ici tout
le détail des diverses méthodes. Il est donc conseillé aux maîtres de se procurer les
meilleurs manuels qui existent pour la forme d’écriture qu’ils ont à enseigner. Ceux
qui n’ont encore jamais enseigné l’écriture c script D devraient étudier les recom-
mandations qui ont été faites à ce sujet.O n consultera aussi avec profit les bulletinsl,
publiés récemment par diverses institutions,exposant en détail les méthodes qui
se sont montrées les plus efficaces. Ceux qui ont été rédigés par des ministères ou
départements de l’éducation nationale2 dans divers pays méritent une attention
particulière.
I. DOUET,
Kathleen, Script and writing patterns for African schools, Londres, University of London Press
1949, 2 volumes.
MADISON
PUBLICSCHOOLS.
Handwriting Cornmittee,Manurcr$t writing in the ptIinaty grades, Madison
(Wisconsin), Curriculum Department, 1951,32 pages.
SWAN,Agnes, W e learn to write. Manuscript writing. Vol. I : Teachers guide, Detroit, Board of Education
of the City of Detroit, 1951.
RICHARDSON,Marion, Writing and writing patterns, Londres, University of London Press, 1948,
5 volumes.
P. PHILIPPINES. DEPARTMENT OF EDUCATION. Bureau of Public Schools, T h e use of munuscr@t writing
(pentscript) in grades Z and ZZ, Manille, 14 juillet 1951,3 pages, miméo. (Bulletin,no 16, 1951.)
- Tentative gui& in teaching manuscript writing, Manille, 1951,IO pages. (Annexe au Bulletin
no 16,1951.)
L’enseignement de l’écriture aux enfants
A u fur et à mesure que les élèves progressent,le maître doit noter chaque jour la
nature de leurs difficultés particulières et les aider selon leurs besoins, après avoir
étudié soigneusement dans chaque cas le niveau de développement général de
l’enfant,la précision de ses mouvements, son âge mental, ses déficiences physiques,
ses antécédents et le milieu où il vit. Il importe de ne pas exiger d’un enfant qu’il
reproduise exactement le genre d’écriture prescrit, s’il présente pour lui des diffi-
cultés anormales.
Afin de déterminer les difficultés qu’éprouvent ses élèves, le maître pourra
appliquer les critères suivants, dans l’ordreindiqué:lisibilité de l’écriture,formation
des lettres, espacement et inclinaison, s’il s’agit d’écriturecursive. En comparant
des échantillons de l’écriture des élèves avec les modèles, il découvrira facilement
les défauts particuliers qui empêchent certains enfants de faire des progrès satis-
faisants. La correction des défauts n’est généralement efficace que si l’enfant prend
lui-même conscience de ses points faibles et souhaite sincèrement qu’on l’aide à
s’en corriger. Aussi est-il bon d’encourager les élèves à conserver dans un dossier
divers échantillons de leur plus belle écriture et à étudier de temps à autre les pro-
grès qu’ils ont faits.D e cette façon,ils s’intéresserontvivement à la qualité de leur
écriture, noteront leurs défauts et accepteront volontiers des conseils.
Dès que les enfants réussissent à écrire, tant bien que mal, il faut les encourager à
le faire chaque fois que cela peut leur être utile. En fait, une grande partie des
exercices nécessaires pour apprendre à écrire convenablement devraient répondre
à un besoin réel de noter ou d’exprimerdes idées.Le maître devra donc encourager
les élèves à dire par écrit tout ce qu’ils peuvent exprimer avec les mots qu’ils con-
naissent. Tel enfant voudra peut-être donner un titre à une image ou rédiger un
message très simple; tel autre souhaitera raconter par écrit la partie d’une histoire
qui l’aura intéressé le plus;une discussion en classe pourra faire apparaître des faits
intéressants que des élèves voudront noter dans leurs carnets. Avant de le faire, il
sera bon que les élèves déterminent de concert avec le maître ce qu’il y a lieu de
noter, les mots nouveaux qu’il faut employer, etc.;souvent le maître devra fournir
des modèles pour quelques mots que les élèves ne connaissent pas encore.
Parmi les applications que les jeunes enfants peuvent faire de l’écriture,beau-
coup exigent la connaissance de certaines formes et de certains usages. Tel est le
cas, par exemple, de la rédaction d’une lettre à un camarade malade. Pour com-
mencer,le maître énumérera les choses que les élèves ont besoin de savoir:comment
dater la lettre,et à quel endroit; comment s’adresserau destinataire;comment ter-
miner la lettre; comment rédiger l’adresse sur l’enveloppe.Le maître fournira un
modèle, en écrivant au tableau le message que les élèves désirent envoyer. C’est
seulement lorsque tous les renseignements utiles leur auront été donnés et qu’ils
auront acquis la dextérité nécessaire, que les enfants pourront réaliser leur désir
d’écrire une Iettre. Le maître devra aussi leur proposer d’autres emplois de l’écri-
ture qui soient normaux pour des enfants de cet âge. O n stimulera ainsi chez eux
la volonté de bien apprendre à écrire.
Enfin,au cours de ce deuxième stade,il faut encourager les élèves à écrire pour
s’exprimer spontanément. O n les engagera à raconter,oralement et par écrit, des
histoires et des souvenirs personnels. Ils seront peut-être incités à rédiger une his-
toire par le plaisir même qu’ils auront pris à lire un récit pendant une leçon de lec-
L‘enseimement de la lecture et de I‘écriture
ture; ils établiront alors, sur la suggestion du maître, un bref résumé du récit; ce
résumé sera écrit au tableau avec l’aide du maître; ensuite les élèves le recopieront.
Après quelques exercices de ce genre, les enfants pourront essayer de faire par
écrit de brefs résumés des histoires qu’ils auront lues individuellement. L’étape
suivante consistera pour eux à rédiger des histoires de leur propre invention. O n
pourra recourir à des méthodes analogues pour les encourager à pratiquer d’autres
formes de rédaction répondant à leurs goûts.
BUTS À ATTEINDRE
Les pays qui ont adopté un genre d’écriture cursive peuvent se classer en trois
groupes: u) ceux qui sont en faveur de l’écriture verticale; b) ceux qui préfèrent
une écriture penchée dérivée de la «script»;c) ceux qui pratiquent une écriture fili-
formel. L’écriturefiliforme est une écriture penchée, arrondie, dont les jambages
et les boucles sont conçus de façon à faciliter la rapidité d’exécution)). Des études
scientifiques ont fait ressortir qu’il est préférable que l’écriture soit légèrement
penchée vers la droite. Cela suppose un ((mouvement latéral de la main qui
pivote sur l’avant-bras», mouvement le plus facile et le plus rapide pour tracer les
jambages en montant et en descendant.La plupart des éléments décoratifsqui carac-
térisaient un grand nombre des anciens types d’écriture ont disparu. La vitesse s’en
trouve accrue, ce qui est indispensable pour que l’enfant puisse se servir utilement
de l’écriture,dont il aura de plus en plus besoin au fur et à mesure qu’il grandira.
Malheureusement les recherches ne permettent pas encore de déterminer de façon
définitivequel est le meilleur de tous les systèmesconformesà ces principes généraux.
Après une étude approfondie des avantages que présentent les divers genres
d’écriture cursive, de nombreux pays prescrivent un genre unique pour l’ensemble
des écoles.Dans ce cas,sont généralement adoptés les cahiers d’exercicesnormalisés,
ou d’autres manuels servant aux mêmes fins.Dans d’autres pays, les différentes cir-
conscriptions administratives sont autorisées à choisir le genre d’écriture qui leur
convient.Ailleurs encore, la décision est laissée aux autorités locales. Le Ministère
de l’éducationnationale publie souvent des bulletins relatifs à l’écriture,qui servent
de guide aux maîtres et les aident à prendre des décisions et à donner une bonne
formation aux enfants.
(SCRIPTD À LA CURSIVE
LE PASSAGE DE L’ÉCRITURE (