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TRAVAUX DIRIGES – 1ère année de Licence en droit DROIT CIVIL – 2nd semestre

Cours de Monsieur le Professeur Laurent LEVENEUR

QUATORZIEME SEANCE : Les incapacités

Correction

Exercice 1 : commentaire de l’article 477 du code civil

« Toute personne majeure ou mineure émancipée ne faisant pas l'objet d'une mesure de tutelle ou d'une habilitation
familiale peut charger une ou plusieurs personnes, par un même mandat, de la représenter pour le cas où, pour l'une
des causes prévues à l'article 425, elle ne pourrait plus pourvoir seule à ses intérêts.

La personne en curatelle ne peut conclure un mandat de protection future qu'avec l'assistance de son curateur.

Les parents ou le dernier vivant des père et mère, ne faisant pas l'objet d'une mesure de curatelle ou de tutelle ou
d'une habilitation familiale, qui exercent l'autorité parentale sur leur enfant mineur ou assument la charge matérielle
et affective de leur enfant majeur peuvent, pour le cas où cet enfant ne pourrait plus pourvoir seul à ses intérêts pour
l'une des causes prévues à l'article 425, désigner un ou plusieurs mandataires chargés de le représenter. Cette
désignation prend effet à compter du jour où le mandant décède ou ne peut plus prendre soin de l'intéressé.

Le mandat est conclu par acte notarié ou par acte sous seing privé. Toutefois, le mandat prévu au troisième alinéa ne
peut être conclu que par acte notarié. »

« Si jeunesse savait, si vieillesse pouvait », regrette l’adage. La maxime invite les juristes à se
demander si ce n’est pas précisément pour dépasser ce soupir d’impuissance qu’a été créé le mandat
de protection future, lui qui repose sur la conception – idéale peut-être – d’un sujet qui, sage avant
que d’être vieux, s’efforce d’anticiper, dans l’âge de sa lucidité, l’affaiblissement qui ne manquera
pas d’assombrir le crépuscule de ses jours ?

Bien sûr, en matière de mandat de protection future, comme plus généralement en matière de
protection des majeurs, il n’est pas question que de vieillesse : il s’agit ici en effet, beaucoup plus
largement, de porter l’attention du droit sur toute personne se trouvant « dans l'impossibilité de pourvoir
seule à ses intérêts en raison d'une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés
corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté », pour reprendre les termes de l’article 425 du
Code civil.
Les enjeux en la matière sont de taille et tendent à s’aggraver, au confluent de considérations de
nature économique, sociale et démographique. Avec l’allongement continu de la durée de la vie et
le vieillissement corrélatif de la population, le combat contre les maladies invalidantes et la perte
d’autonomie dont elles s’accompagnent est aujourd'hui une préoccupation largement répandue au
sein de la population française.

C’est dans ce contexte que le droit des majeurs protégés a connu plusieurs réformes successives,
portées en particulier par les lois du 5 mars 2007 et du 23 mars 2019, et marquées par le souci du
législateur de promouvoir l’autonomie des personnes protégées, l’anticipation des situations de
protection et la contractualisation de la mise en place des mesures de protection.

Fer de lance de ces nouvelles préoccupations et de cette nouvelle philosophie du droit des majeurs
protégés, le mandat de protection future, par lequel la protection du majeur vulnérable se voit à la
fois anticipée, contractualisée et déjudiciarisée, a été consacré par la loi du 5 mars 2007, dont il a
d’ailleurs constitué la principale innovation. Le chapitre du Code civil consacré aux « Mesures de
protection juridique des majeurs » s’est ainsi enrichi, aux articles 477 à 494, d’une nouvelle section
intitulée « Du mandat de protection future ».

Ce nouveau dispositif marque l’apparition d’un mode contractuel de protection, aux côtés des
mesures de protection d’origine judiciaire (sauvegarde de justice, curatelle et tutelle) et familiale
(habilitation familiale). Il peut se définir, selon les termes de l’article 477 du Code civil soumis à
notre commentaire, comme une mesure de protection qui permet à toute personne, le mandant, de
désigner un ou plusieurs mandataires qui seront chargés de la représenter si elle n’est plus en mesure
de pourvoir seule à ses intérêts. A ce mandat de protection future dit « pour soi » est adjoint, à
l’alinéa 3 de ce texte, un mandat de protection « pour autrui », permettant à des parents d’anticiper
la protection de leur enfant pour le jour où ils ne pourront plus l’assumer. Si le second doit
impérativement prendre la forme notariée, le premier peut également être conclu par acte sous
seing privé, ainsi que le précise l’article 477 en son quatrième alinéa.

Les quelque quinze années écoulées depuis l’entrée en vigueur de la loi de du 5 mars 2007 ne
permettent pas d’apprécier de façon concluante le succès du mandat de protection future, compte
tenu du faible nombre de mandats conclus. Selon les statistiques du ministère de la Justice, 1 164
mandats de protection future auraient été conclus en 2017 dont seule une centaine n’aurait pas eu
recours à la forme notariée, et 83 % des mandants seraient des femmes majoritairement âgées de
plus de 80 ans (Rapport AN 2075 sur les droits fondamentaux des majeurs protégés, 26 juin 2019, p. 38).

En raison sans doute du faible nombre de mandats conclus, le contentieux le concernant n’est pas
non plus abondant. Des difficultés liées à son articulation avec d’autres mesures, en particulier
judiciaires, se sont pourtant fait jour. S’est notamment posée devant la Cour de cassation la question
des mandats dits tardifs, en ce qu’ils interviennent pour tenter de contourner la mise en place d’une
tutelle ou curatelle en vue de laquelle une requête a déjà été formée : en dépit du principe de
primauté du mandat de protection future sur les autres mesures de protection, porté par les articles
428 et 483 du Code civil et réaffirmé par la loi du 23 mars 2019, la Cour de cassation tend à ce jour
à favoriser l’ouverture de la mesure judiciaire et à écarter le mandat (Civ. 1re, 12 janv. 2011, n° 09-
16.519, Civ. 1re, 29 mai 2013, n° 12-19.851).

L’étude de l’article 477 du Code civil offre donc à l’analyste l’occasion de s’interroger sur la
conformité du mandat de protection future aux principes d’autonomie, d’anticipation et de
déjudiciarisation de la protection promus par les récentes réformes. Ce dispositif est construit sur
la distinction entre mandat pour soi (alinéas 1 et 2) et mandat pour autrui (alinéa 3), distinction à
laquelle font écho les règles de forme prévues par l’alinéa 4. Afin de suivre les contours de cette
dichotomie, seront donc successivement envisagés le mandat de protection future pour soi,
efficacement encouragé par le législateur (I.) et le mandat de protection future pour autrui, quant à
lui insuffisamment encadré par le législateur (II.)

I. Un mandat de protection pour soi efficacement encouragé par le législateur

Si, au jour de sa conclusion, le mandat de protection pour soi est encouragé par des conditions
souples (A.), il est par ailleurs guidé, au moment de sa mise en place, par l’état de santé du
bénéficiaire de la protection (B.).

A. Au présent, un mandat encouragé par des conditions souples

La souplesse des conditions de conclusion du mandat de protection future, qu’il s’agisse des
conditions de fond comme des conditions de forme, révèle à n’en pas douter la faveur du législateur
pour ce dispositif auquel il a souhaité donner la préséance sur toutes les autres mesures de
protection, selon les termes combinés des articles 428 et 483 du Code civil.

L’article 477 est tout d’abord conçu pour pouvoir être conclu par le plus grand nombre de
personnes possible, sans intervention judiciaire, et même si ces personnes font déjà l’objet d’une
protection. Cette affirmation première doit être précisée à la lecture des deux premiers alinéas de
l’article 477. L’alinéa premier autorise la conclusion d’un mandat de protection future à « toute
personne majeure ou mineure émancipée ne faisant pas l'objet d'une mesure de tutelle ou d'une habilitation familiale ».
Quant à la personne en curatelle, précise l’alinéa 2, elle « ne peut conclure un mandat de protection future
qu'avec l'assistance de son curateur ».
Si l’article 477 n’évoque pas le cas de la personne placée sous sauvegarde de justice, celle-ci demeure
en principe capable de tout acte, et donc de conclure un mandat de protection future – à moins
que ce pouvoir ait été confié à un mandataire spécial, en application de l’article 435, alinéa 1er du
Code civil.
En toute hypothèse, une personne victime d'une atteinte à ses facultés mentales lui interdisant de
donner valablement son consentement ne saurait conclure un mandat de protection future, ainsi
qu’il ressort des termes généraux de l’article 414-1 du Code civil : « Pour faire un acte valable, il faut être
sain d'esprit ». La Cour d’appel de Douai a ainsi déjà eu l’occasion de confirmer l’annulation d’un
mandat de protection future conclu par une personne dont la santé mentale était altérée (Douai, 31
mars 2016, RG n° 15/02397, Dr. fam. 2016. 164, obs. Maria).

Quant aux conditions relatives au mandataire, en plus de la grande liberté de choix laissée par
l’article 480 du Code civil, l’article 477 offre au mandant la faculté de désigner un ou plusieurs
mandataires. Se dessine ici encore la grande adaptabilité souhaitée par le législateur pour ce
mécanisme, car le recours à plusieurs mandataires permettra, selon les compétences de chacun, et
la nature de leur lien avec le mandant, de « compartimenter les missions confiées, mettre en place un
contrepouvoir à celui du mandataire, ou ne pas exclure un membre de sa famille » (François Sauvage, « Le
mandat de protection future », Rép. D. Droit civil, 2021).

A la souplesse des conditions de fond répond la simplicité des conditions de forme. Ainsi, l’article
477 prévoit-il, en son alinéa 4, que le mandat de protection future conclu pour soi puisse prendre
la forme d’un acte notarié ou d’un acte sous seing privé. Cet acte sous seing privé sera toutefois
d’une nature particulière puisque, précise l’article 492 du Code civil, après avoir été daté et signé de
la main du mandant, il doit être « soit contresigné par un avocat, soit établi selon un modèle défini par décret en
Conseil d'Etat ». Ce modèle, aujourd'hui contenu dans le formulaire Cerfa n° 13592-04, n’aura date
certaine qu’à condition d’être enregistré moyennant un droit d’enregistrement de 125 euros, ainsi
qu’en dispose l’article 1377 du Code civil.
Il convient de préciser qu’en application des articles 489 alinéa 2 et 492 alinéa 3 du Code civil, tant
que le mandat n'aura pas pris effet, le mandant aura toute liberté de le modifier selon le même
formalisme que le mandat initial.
Le formalisme adopté aura par ailleurs une incidence directe sur les pouvoirs du mandataire.
L’article 493, alinéa 1er, dispose en effet que le mandat sous seing privé « est limité, quant à la gestion
du patrimoine, aux actes qu'un tuteur peut faire sans autorisation » et que la conclusion de tout autre acte
impose l’obtention d’une autorisation du juge des contentieux de la protection. En revanche,
conformément à l’article 490 du Code civil, le mandat notarié, « même conçu en termes généraux, inclut
tous les actes patrimoniaux que le tuteur a le pouvoir d'accomplir seul ou avec une autorisation », exception faite
des actes de disposition à titre gratuit, qui ne peuvent être conclus que sur autorisation judiciaire.

Certes, les statistiques précédemment rappelées semblent indiquer que la très large majorité des
mandats revêt la forme notariée – peut-être en raison de l’étendue des pouvoirs qu’elle permet de
conférer au mandataire. Il n’en demeure pas moins que le législateur a entendu offrir aux individus
concernés la possibilité de recourir à la forme simple, accessible et peu coûteuse de l’acte sous seing
privé – ce qui confirme une fois encore sa faveur pour ce mécanisme, et pour les idéaux
d’autonomie de la volonté et de liberté contractuelle dont il se veut porteur.

B. Au futur, une prise d’effet du mandat centrée sur le bénéficiaire de la protection

Comme le contrat qu’il est, le mandat de protection future entend offrir aux personnes concernées
une véritable « emprise sur l’avenir », pour emprunter au doyen Ripert l’expression qu’il avait forgée
au sujet du contrat. L’article 477 évoque en effet le moment de survenance de ce futur en vue
duquel le mandat est conclu, dans des termes généraux qu’il convient d’expliciter.

L’alinéa premier de l’article 477 définit le moment de mise en exécution du mandat comme le jour
où « pour l'une des causes prévues à l'article 425 », le mandant bénéficiaire de la protection ne pourrait
plus pourvoir seul à ses intérêts.
L’article 425 du Code civil, qui a vocation à s’appliquer à toutes les mesures de protection des
majeurs, dispose en son alinéa premier que « toute personne dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts
en raison d'une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de
nature à empêcher l'expression de sa volonté peut bénéficier d'une mesure de protection juridique prévue au présent
chapitre ».
L’élément déclencheur de la protection du mandant sera donc la survenance « d'une altération,
médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l'expression
de sa volonté ». On le voit, la temporalité de la mise en œuvre du mandat de protection future est tout
entière tournée vers l’état du mandant, bénéficiaire de la protection : en cela, elle semble bien
conforme aux objectifs d’autonomie et d’anticipation qui ont présidé à la naissance du mandat de
protection future.

Pour savoir si le mandat de protection est également déjudiciarisé – ce qui en est l’autre objectif
principal – il convient de se tourner vers l’articulation entre l’article 477 et l’article 481 du Code
civil. Aux termes de l’article 481, « le mandat prend effet lorsqu'il est établi que le mandant ne peut plus
pourvoir seul à ses intérêts. Celui-ci en reçoit notification dans les conditions prévues par le code de procédure civile.
/ A cette fin, le mandataire produit au greffe du tribunal judiciaire le mandat et un certificat médical émanant d'un
médecin choisi sur la liste mentionnée à l'article 431 établissant que le mandant se trouve dans l'une des situations
prévues à l'article 425. Le greffier vise le mandat et date sa prise d'effet, puis le restitue au mandataire ».
Concrètement, au jour où le mandataire constate que le mandant a glissé dans l’état décrit par
l’article 425, il se tourne vers un médecin agréé inscrit sur la liste du procureur de la République
pour que celui-ci confirme que le mandant souffre bien d'une atteinte à ses facultés mentales ou
corporelles l'empêchant d'exprimer sa volonté. Ce n’est ensuite que le greffe, et non le juge des
contentieux de la protection, qui, au vu de ce certificat et du mandat de protection future présenté
par le mandataire, datera la prise d’effet du mandat.

Le recours au juge est ainsi efficacement contourné, pour permettre une mise en œuvre rapide et
souple de la protection, sous le contrôle du médecin chargé de vérifier l’état du mandant.
Déjudiciarisation, mais aussi autonomie, anticipation et liberté contractuelle : le mandat de
protection future conclu pour soi semble donc, au moins dans ses principes, répondre à l’esprit
insufflé par les dernières réformes au droit des majeurs protégés.
L’accomplissement de ces objectifs, en particulier de celui de l’autonomie, devra être appréciée
différemment dans le cas du mandat de protection future conclu pour autrui, dès lors que cette
protection ne peut plus se référer exclusivement à la volonté et à l’état de santé du sujet à protéger,
mais doit laisser une plus large place au mandant, auteur de la protection. En raison de son caractère
intrinsèquement attentatoire à l’autonomie de la personne protégée, le mandat de protection pour
autrui se révèle donc comme un dispositif plus strictement – mais peut-être malgré tout
insuffisamment – encadré.

II. Un mandat de protection pour autrui insuffisamment encadré par le législateur

Au jour de sa conclusion, le mandat de protection future pour autrui se voit encadré par des
conditions strictes, tant sur le fond que sur la forme, que précise l’article 477 du Code civil (A.). En
revanche, le moment de mise en œuvre de la protection est marqué par une certaine confusion, due
sans doute à l’écartèlement du mécanisme entre la prise en compte de l’état de santé du bénéficiaire
et de celui du mandant (B.).

A. Au présent, un mandat encadré par des conditions strictes

Malgré la faveur du législateur pour le mandat de protection future, et sa volonté de le rendre


accessible au plus grand nombre, le mécanisme de la protection pour autrui engendre une atteinte
à l’autonomie de la volonté de la personne protégée, qui impose un contrôle rigoureux des
conditions de sa conclusion.

En premier lieu, le troisième alinéa de l’article 477 du Code civil identifie de manière restrictive les
mandants pouvant prendre l’initiative de cette mesure de protection : il ne s’agit que des parents
ou du dernier d’entre eux encore en vie. Point ne suffit toutefois d’être parent. Dans leur rapport
avec l’enfant, ces parents doivent soit être titulaires de l’autorité parentale si le mandat vise un
enfant encore mineur lors de sa conclusion, soit assumer « la charge matérielle et affective de leur enfant »
si celui-ci est majeur. Le cercle des mandants est donc ainsi très limitativement dessiné.
Par ailleurs, les parents doivent remplir une troisième condition pour conclure un mandat de
protection pour autrui, condition qui cette fois les concerne à titre personnel : ils ne doivent pas,
précise l’article 477, faire l'objet d'une mesure de curatelle ou de tutelle ou d'une habilitation
familiale. Comme dans le cas de la protection pour soi, la sauvegarde de justice du mandant ne fait
pas obstacle à la conclusion du mandat. En revanche, il n’est pas ici envisagé que le parent sous
curatelle puisse être autorisé à conclure le mandat avec l’assistance de son curateur, comme le
prévoit l’alinéa 2 du texte pour le mandat de protection pour soi. Les exigences sont donc plus
sévères à l’égard du mandant pour autrui.

L'intention du législateur est ici très nette : il s’agit de permettre aux parents d'un enfant handicapé
d’en confier la protection à une personne de confiance pour le temps où ils ne seront plus eux-
mêmes en mesure de s’occuper de lui. Mais si la volonté du mandant est au cœur du dispositif de
protection, force est de constater que l’enfant lui-même, même majeur, n’est envisagé par l’article
477 que dans une posture entièrement passive. Il n’est donc nullement nécessaire ni de l’informer,
ni de le consulter, ni sur le choix du mandataire, ni sur le contenu de sa mission – réserve faite des
dispositions de l’article 415 du Code civil, selon lesquelles la protection des majeurs « est instaurée et
assurée dans le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité de la personne », mais qui
semblent ici faire figure de vœu pieux.
Cette mise à l’écart du majeur à protéger est d’autant plus choquante que, à suivre strictement les
termes de l’article 477, celui-ci n’est pas nécessairement, au jour où le mandat est conclu, dans l’état
d’incapacité décrit par l’article 425.

Pour faire contrepoids à l’absence totale d’autonomie de la personne à protéger, l’alinéa 4 de l’article
477 impose le recours à l’acte notarié, là où le mandat pour soi pouvait également être conclu par
acte sous seing privé. Ce formalisme contraint, en ce qu’il impose l’implication d’un notaire, donc
d’un officier public chargé d’une mission de conseil, se veut protecteur des intérêts de l’enfant
bénéficiaire du mandat.
Ainsi qu’exposé précédemment la forme notariée permettra par ailleurs de donner un mandat
général par lequel le mandataire pourra accomplir non seulement des actes d'administration, mais
aussi des actes de disposition pour le compte de l'enfant handicapé. L’acceptation du mandataire
devra elle aussi être reçue par acte notarié, selon les termes de l’article 489 du Code civil.

Ainsi, malgré l’effort législatif d’encadrement du mandat de protection future pour autrui, le
dispositif ne se voit consacrer, sur les dix-sept articles que compte la section du Code civil consacrée
au mandat de protection future, qu’un seul alinéa. Dans ce mécanisme sommairement rédigé, la
volonté du bénéficiaire de la protection reste un point aveugle, alors qu’elle aurait pu – et même
dû, à en croire les nouveaux principes directeurs du droit des majeurs protégés – faire l’objet d’une
plus grande considération. Est ainsi notamment laissé irrésolu le conflit qui peut se faire jour entre
le mandat de protection pour autrui conclu par les parents et le mandat de protection future pour
soi rédigé par l'enfant lui-même, quand ses facultés lui permettent encore de se placer sous l’empire
des deux premiers alinéas de l’article 477. Cet écartèlement du dispositif entre parents et enfant,
entre auteur et bénéficiaire de la protection, se décèle également dans la confusion que recèle
l’article 477 sur le moment d’entrée en application du mandat.

B. Au futur, une date de prise d’effet incertaine du mandat de protection pour autrui

Alors que la prise d’effet du mandat de protection pour soi n’était soumise qu’à l’établissement
médical du fait que le mandant ne pouvait plus pourvoir seul à ses intérêts, celle du mandat de
protection pour autrui est encadrée par une double condition : l’une concernant l’état de l’enfant
bénéficiaire de la protection, l’autre concernant celui du ou des parents mandants.

En ce qui concerne le bénéficiaire de la protection, le troisième alinéa de l’article 477 prévoit le


même critère de mise à exécution du mandat que celui prévu pour la personne du mandant dans le
cadre de la protection pour soi : le mandataire est désigné pour représenter l’enfant « pour le cas où
cet enfant ne pourrait plus pourvoir seul à ses intérêts pour l'une des causes prévues à l'article 425 », soit, ainsi
qu’il a été rappelé précédemment, « une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit
de ses facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté ».
Selon l’hypothèse en considération de laquelle le législateur a pensé ce dispositif, celle de parents
d’un enfant handicapé mineur ou majeur cherchant à prévoir les modalités de sa protection pour
le temps où ils ne pourront plus l’assumer, l’enfant bénéficiaire se trouvera sans doute dès le jour
de la conclusion du mandat dans l’état d’altération de ses facultés décrit par l’article 425 du Code
civil. Rien, pourtant, dans les termes de l’article 477, ne l’impose. Plus encore, la formulation même
du texte, rédigé au conditionnel, laisse entendre que l’enfant visé par la protection ne serait pas
encore, lors de la conclusion du mandat, dans l’état d’incapacité prévu par l’article 425 : « pour le cas
où cet enfant ne pourrait plus pourvoir seul à ses intérêts ». La potentielle mise à l’écart du majeur à
protéger, alors même que ses facultés pourraient lui permettre de prendre part à cette importante
décision, a déjà été dénoncée plus haut – nous n’y reviendrons pas plus longuement.

En ce qui concerne ensuite le mandant, auteur de la protection, l’article 477 prévoit que la
désignation du mandataire « prend effet à compter du jour où le mandant décède ou ne peut plus prendre soin de
l'intéressé ». L’on comprend ici l’enchaînement chronologique présent à l’esprit du législateur : l’état
de vulnérabilité de l’enfant préexistait en principe à la conclusion du mandat, tandis que la perte de
capacité, par le mandant, de prendre soin de son enfant, ne survient qu’ultérieurement et marque
l’entrée en fonction du mandataire.
Il est en revanche regrettable que les motifs de cette « perte de capacité de prendre soin » n’aient
pas été établis avec plus de précision, laissant ainsi planer de nombreuses incertitudes pratiques.
Hormis le décès du mandant, qui a pour lui le mérite de la clarté, comment doit-on apprécier le
moment où le mandant « ne peut plus prendre soin de l’intéressé » ? Est-ce le jour où le mandant se trouve
lui-même dans l’état d’altération de ses facultés que décrit l’article 425 ? Faut-il en ce cas que le
mandataire – qui rappelons-le, n’a pas été désigné pour le parent mandant, mais pour son enfant –
fasse établir cette altération selon les modalités de l’article 481 précédemment étudiées ?
L’incapacité de prendre soin peut-elle résulter d’une simple perte de moyens financiers ? Et si le
mandat avait été conclu par les deux parents, faut-il qu’ils soient tous deux hors d’état de prendre
soin de l’enfant pour que le mandat prenne effet, ou l’un d’eux peut-il tenter d’assumer cette charge
seul ?

Certes, ces hésitations ne paraissent pas insurmontables. Elles sont cependant chargées d’enjeux si
graves qu’elles pourraient donner lieu à contentieux. Il faudra s’en remettre alors à la sagacité du
juge des contentieux de la protection, que l’on n’aura donc pas réussi à évincer totalement du
dispositif introduit par l’article 477 du Code civil, à tout le moins en ce qui concerne la délicate
hypothèse du mandat de protection pour autrui.
Exercice 2 : cas pratiques

Cas pratique n° 1

Madame Tracas est inquiète car l’état mental de sa mère, âgée de quatre-vingt-cinq ans et qui vit
seule dans un grand pavillon, est apparu décadent au point qu’elle oubliait très vite ses faits et
gestes. Elle aimerait donc la placer en maison de retraite pour qu’elle soit prise en charge, et ce sans
son consentement.

Elle aimerait également pouvoir contrôler les actes de sa mère pour éviter qu’elle ne dilapide le
patrimoine familial qui se compose de ce pavillon agrémenté d’un vaste jardin ainsi que d’un
portefeuille d’actions. Elle apprend toutefois que le jardin a été vendu il y a quinze jours à un
promoteur immobilier pour un prix très inférieur à ceux du marché. Sa mère n’a toutefois aucun
souvenir de cette vente.

1. La mise en place d’une mesure de protection

Une personne peut-elle engager une procédure permettant de placer sa mère sous un
régime de protection pour contrôler notamment les actes de disposition sur son patrimoine
?

En principe, toute personne majeure est capable juridiquement (article 414 du Code civil), et est
donc apte à exercer seule ses propres droits et obligations.

Toutefois, en cas de vulnérabilité, cette capacité peut être restreinte, par le biais de mesures de
protections juridiques (article 425 du Code civil). La mise en place de telles mesures implique « une
altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher
l'expression de sa volonté ». Cette altération doit être établie par un certificat médical circonstancié,
rédigé par un médecin expert (article 431 du Code civil).

Il existe trois types de mesures de protection judiciaire selon la vulnérabilité de la personne choisis
à l’aune des principes de proportionnalité et de subsidiarité : la sauvegarde de justice, par principe
temporaire (article 433) ; la curatelle, en cas de besoin d’assistance continu dans actes importants
(article 440 alinéa 1) ; et la tutelle, en cas de besoin d’assistance continu dans tous les actes de la vie
civile (article 440 alinéa 3).

En application de l’article 430 du code civil, la demande d'ouverture de la mesure judiciaire peut
être présentée au juge par la personne qu'il y a lieu de protéger ou, selon le cas, par son conjoint, le
partenaire avec qui elle a conclu un pacte civil de solidarité́ ou son concubin, à moins que la vie
commune ait cessé entre eux, ou par un parent ou un allié, une personne entretenant avec le majeur
des liens étroits et stables, ou la personne qui exerce à son égard une mesure de protection juridique.

Il importe par ailleurs d’envisager deux autres mesures l’une d’origine familiale, l’autre contractuelle.

L’habilitation familiale permet au juge d'habiliter un ou plusieurs proches du majeur protégé à le


représenter, l'assister dans les mêmes conditions que la curatelle, ou passer des actes en son nom.
Ces proches peuvent être choisis parmi les ascendants ou descendants, frères et sœurs ou conjoint,
partenaire ou concubin – dès lors que la communauté de vie n’a pas cessé avec la personne à
protéger (article 494-1 du code civil). Contrairement aux mesures judiciaires, l’habilitation familiale
doit impérativement être assumée par un proche, dont la désignation doit par ailleurs faire l’objet
d’un consensus familial (article 494-4 du code civil). La demande d’habilitation peut émaner soit de
la personne à protéger, soit de l’une des personnes énumérées à l’article 494-1 du code civil, soit
du Procureur de la République (article 494-3 du code civil).

Enfin, le mandat de protection future, régi par les articles 477 à 494 du code civil, est une mesure
conventionnelle de protection, pouvant prendre deux formes : soit un mandat pour soi, qui doit
être établi par une personne ne faisant pas l’objet d’une mesure de protection (sauf sauvegarde de
justice ou curatelle avec l’autorisation du curateur), soit un mandat pour autrui, qui ne peut être
conclu que par un ou des parents pour leur enfant (article 477 du code civil). En toute hypothèse,
le mandat de protection future ne peut pas être conclu par une personne dont les facultés mentales
sont altérées (Douai, 31 mars 2016, RG n° 15/02397, Dr. fam. 2016. 164, obs. Maria).

En l’espèce, les facultés mentales de la mère semblent très altérées. Elle oublie en effet très
rapidement ses faits et gestes et a oublié avoir conclu un contrat de vente portant sur son jardin.

En conséquence, elle ne paraît pas en mesure de conclure valablement un mandat de protection


future pour elle-même. Par ailleurs, elle ne pourrait pas non plus faire l’objet d’un mandat de
protection pour autrui, qui devrait être donné par l’un de ses parents, et non par sa fille. La
protection conventionnelle est donc exclue.

L’habilitation familiale pourrait être envisagée, car sa fille fait partie des personnes pouvant saisir le
juge des contentieux de la protection d’une telle requête, et éventuellement être elle-même habilitée
dans ce cadre. Toutefois, en l’absence de toute précision sur la possibilité pour sa fille d’assumer
elle-même cette charge et sur l’existence d’une éventuelle opposition des autres membres de la
famille à sa désignation, il semble préférable de l’écarter.

Quant aux mesures judiciaires, une mesure de curatelle ne semble pas être suffisante au vu de la
gravité de l’altération des facultés mentales de la mère. Ainsi, une mesure de tutelle apparaît comme
plus appropriée. Par ailleurs, sa fille fait bien partie des personnes habilitées à saisir le juge des
contentieux de la protection pour requérir l’ouverture d’une mesure de tutelle au profit de sa mère.
Il faudra toutefois que l’altération des facultés mentales de la mère soit constatée médicalement et
donnent lieu à un certificat médical établi par un médecin expert. La fille pourrait dans ce cadre, si
elle le souhaite, être désignée comme tutrice. Le tuteur sera alors en mesure d’assister la mère dans
tous les actes de la vie civile.

Dès lors, sous réserve d’obtention du certificat médical attestant de l’altération des facultés de sa
mère, Madame Tracas pourra faire placer celle-ci sous protection judiciaire, vraisemblablement
sous tutelle.

2. Les conséquences de la mesure de protection

Le tuteur peut-il, sans le consentement de la personne protégée, contrôler son patrimoine


et décider de son placement en maison de retraite ?

La tutelle est un régime de représentation : le tuteur représente le majeur dans tous les actes de la
vie civile (article 473 du code civil), notamment dans les actes nécessaires à la gestion de son
patrimoine (articles 474 et 496 du code civil). Le tuteur accomplit seul les actes conservatoires et
d’administration, en revanche, il doit être autorisé par le conseil de famille ou le juge des contentieux
de la protection pour les actes de disposition.

En revanche, en vertu de l’article 459 du code civil, la personne protégée prend seule les décisions
relatives à sa personne « dans la mesure où son état le permet ». Par ailleurs, ce même article dispose que
« la personne chargée de la protection du majeur peut prendre à l’égard de celui-ci les mesures de protection strictement
nécessaires pour mettre fin au danger que son propre comportement ferait courir à l’intéressé. Elle informe sans délai
le juge ou le conseil de famille ».

En l’espèce, le tuteur pouvant accomplir les actes nécessaires à la gestion du patrimoine de la


personne protégée pourra passer seul les actes lui permettant la conservation du patrimoine de la
mère.

Toutefois, le placement dans une maison de retraite étant une mesure relative à la personne placée
sous tutelle, le tuteur ne pourra pas passer outre son consentement s’il n’y a pas été expressément
autorisé par le juge des contentieux de la protection. En revanche, le fait de vivre seule dans un
pavillon pourrait mettre en danger la personne protégée au vu de l’altération de son état mental, et
justifier ainsi le placement en maison de retraite sans son consentement.

Il en résulte que le tuteur pourra passer tous les actes nécessaires à la conservation du patrimoine
de la mère de Madame Tracas. En revanche, s’agissant de son placement en maison de retraite, elle
devra obtenir le consentement de la mère ou justifier du danger auquel elle s’expose en continuant
à vivre seule.

3. La validité de la vente

Un acte de disposition accompli par un majeur protégé́ avant l’ouverture de la mesure de


protection est-il valable ?

L'article 414-1 du code civil dispose que : « Pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit. C'est à ceux
qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte. ». Ainsi, des
actes juridiques accomplis par une personne soumise à un trouble mental au moment de la
signature, peuvent être annulés.

L’article 414-2, alinéa 1er, précise que : « De son vivant, l'action en nullité n'appartient qu'à l'intéressé. »

A côté de cette action de droit commun en annulation pour insanité d’esprit, l’article 464 du code
civil prévoit une action spéciale, applicable dans le cadre de la protection des majeurs : « les obligations
résultant des actes accomplis par la personne protégée moins de deux ans avant la publicité du jugement d'ouverture
de la mesure de protection peuvent être réduites sur la seule preuve que son inaptitude à défendre ses intérêts, par suite
de l'altération de ses facultés personnelles, était notoire ou connue du cocontractant à l'époque où les actes ont été
passés. Ces actes peuvent, dans les mêmes conditions, être annulés s'il est justifié d'un préjudice subi par la personne
protégée ».

L’article 475 du code civil prévoit par ailleurs, que pour faire valoir les droits patrimoniaux de la
personne protégée, « la personne en tutelle est représentée en justice par le tuteur ». Une fois la mesure de
protection ouverte, le tuteur peut donc engager l’action en nullité au nom de la personne sous
tutelle.

En l’espèce, la personne protégée a conclu une vente portant sur le vaste jardin attenant à son
domicile. Elle ne se souvient toutefois pas avoir passé un tel acte, alors qu’il a été conclu deux
semaines auparavant. Un tel acte cause un préjudice à la personne protégée en ce que la vente porte
sur un élément qui contribuait nécessairement à l’agrément et à la valeur du pavillon dont elle est
propriétaire. La vente a par ailleurs été conclue à un prix très bas, ce qui a pour conséquence de
porter atteinte au patrimoine de la personne protégée. Si le tuteur parvient à prouver l’altération
des facultés mentales de la mère à la date de la conclusion de la vente, celle-ci pourra être annulée
sur le fondement de l’article 414-1 du code civil.

Une annulation sur le fondement de l’article 464 pourrait être plus complexe à obtenir, dans la
mesure où elle nécessiterait de rapporter la preuve que le promoteur immobilier avait connaissance,
lors de la conclusion de la vente, de l’altération des facultés de la mère.

En toute hypothèse, l’action en nullité pourra être exercée par le tuteur au nom de la mère, dans
les cinq ans de la date du jugement d’ouverture de la tutelle.

Il en résulte que le tuteur pourra agir seul au nom de la mère pour faire annuler la vente qu’elle
avait conclue avant la mise en place de la mesure de protection, mais dans un moment où ses
facultés mentales étaient déjà altérées.

Cas pratique n°2

Monsieur Labile, un homme majeur et veuf souhaite organiser sa protection juridique future afin
d’anticiper un état de défaillance mentale et protéger son patrimoine vis-à-vis de Job, son fils
unique, notamment en prévoyant que son éventuel tuteur ou curateur serait sa nièce Sonia plutôt
que ce dernier.

Un majeur ne faisant pas encore l’objet d’une mesure de protection juridique peut-il
désigner à l’avance un représentant pour préserver ses intérêts en cas d’altération future de
ses capacités mentales, et une telle mesure peut-elle être contestée ?

Conformément aux articles 477 et suivants du Code civil, le mandat de protection future permet à
un majeur d’anticiper sa protection juridique, en désignant par avance une ou plusieurs personnes
pour le représenter dans le cas où il se trouverait dans l'impossibilité́ de pourvoir seul à ses intérêts
en raison d'une altération soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à
empêcher l'expression de sa volonté́.

Selon le premier alinéa de l’article 477 du Code civil, cette mesure n’est possible qu’à condition que
cette personne ne fasse pas déjà l'objet d'une mesure de tutelle ou d'une habilitation familiale.
L’article 480 donne toute liberté au mandant pour choisir son mandataire.

L’article 477 précise, en son quatrième alinéa, que le mandat de protection future peut prendre la
forme notariée, ou celle d’un acte sous seing privé. Dans ce dernier cas, l’acte devra être « soit
contresigné par un avocat, soit établi selon un modèle défini par décret en Conseil d'Etat » (article
492 alinéa premier).

Dans les deux cas, le mandataire désigné devra accepter le mandat qui lui est confié selon le même
formalisme que celui adopté pour le mandat : soit par acte notarié (article 489 alinéa premier), soit
en apposant sa signature sur l’acte sous seing privé (article 492 alinéa 2).

Concernant la fin de la mesure de mandat de protection future, l’article 483 du code civil limite les
hypothèses au rétablissement des facultés personnelles, au décès de la personne protégée ou à son
placement en curatelle ou tutelle, au décès du mandataire ou à son placement sous mesure de
protection. Par ailleurs, le mandat peut prendre fin par révocation par le juge des contentieux de la
protection à la demande de toute intéressé, notamment si l’exécution du mandat est de nature à
porter atteinte aux intérêts du mandant.

Il résulte des articles 428 et 483 du code civil que le mandat de protection future doit primer toute
autre mesure de protection. Néanmoins, en cas de conflit entre l’ouverture d’une mesure de
curatelle ou de tutelle, et l’exécution d’un mandat de protection future conclu tardivement pour
tenter de contourner la mise en place de cette mesure, la Cour de cassation tend à favoriser
l’ouverture de la mesure judiciaire et à écarter le mandat (Civ. 1re, 12 janv. 2011, n° 09-16.519, Civ.
1re, 29 mai 2013, n° 12-19.851).

En l’espèce, la personne concernée est majeure et souhaiter organiser à l’avance une éventuelle
mesure de protection afin d’anticiper le cas où elle serait victime d’un état de santé mentale
défaillant. Ne faisant l’objet d’aucune mesure de protection, cette personne peut donc conclure un
mandat de protection future pour organiser par anticipation cette protection. Puisque la désignation
de la personne chargée de sa protection est libre, il peut parfaitement désigner sa nièce,
conformément à son souhait. Celle-ci devra notifier son acceptation selon le formalisme choisi
pour le mandat.

Si le fils de la personne à protéger tentait de faire échec à l’exécution du mandat pour se faire
désigner lui-même en qualité de curateur ou tuteur, l’antériorité du mandat de protection future et
sa primauté sur les autres mesures devrait l’empêcher de parvenir à ses fins. Toutefois, il convient
pour la personne à protéger de ne pas tarder dans la conclusion du mandat, car si celui-ci était
conclu postérieurement au dépôt d’une requête en vue de sa mise sous curatelle ou tutelle, son
mandat ne pourrait plus prendre effet.

En cas de mise en place du mandat de protection future conformément au souhait du mandant,


tout intéressé, et notamment son fils, pourra saisir le juge des contentieux de la protection pour en
obtenir la révocation, mais seulement s’il parvient à démontrer que son exécution est de nature à
porter atteinte aux intérêts de son père.

Ainsi, la conclusion d’un mandat de protection future par Monsieur Labile au profit de sa nièce
Sonia pourra lui permettre d’anticiper un état d’incapacité́ et organiser sa protection comme il
l’entend.

Exercice 3 : Fiches d’arrêts

Document n° 1 - Civ. 2ème, 2 avril 2014, n° 13-10.758, Bull. n° 63

Un père avait, le 22 juin 2011, saisi le juge des tutelles aux fins d'ouverture d'une mesure de
protection au bénéfice de son fils majeur.

Par ordonnance du 8 août 2011, le juge des contentieux de la protection avait placé le fils sous
sauvegarde de justice. Par lettre adressée au juge des contentieux de la protection le 7 décembre
2011, avant l'audience du 13 décembre suivant, le père s’est désisté de sa demande. Par jugement
du 13 décembre 2011, le juge des tutelles a pourtant placé le fils sous tutelle et confié la mesure à
un mandataire judiciaire à la protection des majeurs. Par arrêts des 8 mars et 6 avril 2012, la cour
d’appel a confirmé le jugement en refusant de donner effet au désistement d’instance sollicité par
le père. La cour d’appel a en outre confirmé l’ouverture d’une mesure de tutelle à l’égard du fils, en
nommant un mandataire judiciaire en qualité de tuteur, refusant ainsi au père d’être désigné comme
tuteur de son fils.

Le père s’est pourvu en cassation en procédant à une triple critique de l’arrêt reposant sur des
fondements juridiques différents. Il a tout d’abord soutenu que son désistement aurait dû mettre
fin à l’instance, sans qu’il soit nécessaire que ce désistement soit accepté par le ministère public. Il
a également fait valoir que la mesure de tutelle était disproportionnée par rapport à l’état de son
fils, et qu’une curatelle renforcée aurait dû suffire à la protection de ses intérêts. Enfin, il a reproché
à la Cour d’appel de ne l’avoir pas désigné lui-même en qualité de tuteur et de lui avoir préféré un
mandataire judiciaire.

Trois questions de droit étaient ainsi posées à la Cour de cassation :

1°) Le juge des tutelles doit-il faire droit au désistement d’instance d’un père de sa demande
d’ouverture une mesure de protection judiciaire au bénéfice de son fils, désistement survenant
quelques jours avant l’audience ayant abouti à sa mise sous tutelle, et alors qu’une ordonnance de
placement sous sauvegarde de justice a déjà été rendue plusieurs mois auparavant ?

2°) Le juge des tutelles pouvait-il rejeter la demande du père de prononcer une curatelle renforcée
plutôt qu’une mesure de tutelle ?

3°) Le juge des tutelles pouvait-il refuser de nommer le père comme tuteur de son fils ?

Pour ces trois questions, la Cour de cassation a approuvé la décision retenue par la cour d’appel.

Sur le premier moyen, la Cour de cassation a estimé que dans une procédure aux fins d'ouverture
d'une mesure de protection en cours d'instruction devant le juge des tutelles, le désistement
d'instance émanant du requérant ne peut mettre fin à l'instance que si aucune décision prononçant
une mesure de protection n'a été prise. En d’autres termes, le désistement d’instance sollicité par le
père n’aurait eu de portée que si son fils n’avait pas déjà fait l’objet d’une mesure de protection
judiciaire. Or, tel n’était pas le cas en l’occurrence dans la mesure où le fils avait déjà été placé sous
sauvegarde de justice plusieurs mois avant le désistement.

Sur le second moyen, la Cour de cassation a approuvé la cour d’appel pour avoir prononcé une
tutelle et non une mesure de curatelle renforcée. La décision ne saurait prêter à débat au regard des
circonstances factuelles relevées par la cour d’appel à la lecture d’un certificat médical démontrant
l’impossibilité du fils à protéger ses propres intérêts, puisque ce dernier « souffrait d'un retard mental
et de crises d'épilepsie, qu'il était atteint d'un grave déficit intellectuel, ne sachant ni lire, ni écrire, ni compter, état
justifiant, selon le médecin, l'ouverture d'une tutelle ». Indépendamment même de ce rapport médical, la
cour d’appel avait pu elle-même constater la gravité de l’état du majeur à protéger, incapable de
répondre aux questions les plus simples le concernant.

Sur le troisième moyen, enfin, la Cour de cassation a approuvé la cour d’appel d’avoir refusé de
nommer le père comme tuteur de son fils. La décision ne saurait une nouvelle fois être critiquée.
Le père avait affirmé lors de l’audience que « tout le monde était d’accord » pour le projet de mariage de
son fils, alors que la cour d’appel avait relevé que ce dernier ne connaissait même pas le prénom de
sa future épouse, ce qui démontrait la mauvaise foi du père.

Au vu de ces éléments, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi.


Remarques : Cet arrêt offre une intéressante illustration du principe de proportionnalité des
mesures de protection judiciaire et de l’appréciation à laquelle se livre le juge du fond, sous le
contrôle de la Cour de cassation, pour justifier l’ouverture d’une mesure de tutelle par rapport à
une mesure de curatelle renforcée (voir également en ce sens : Civ. 1re, 27 févr. 2013, n° 12-14.127,
D. 2013. 2196, obs. Lemouland, Noguéro et Plazy ; Civ. 1re, 7 nov. 2012, n° 11-23.494, D. 2013.
2196, obs. Lemouland, Noguéro et Plazy ; RTD civ. 2013. 89, obs. Hauser). Il constitue par ailleurs
une confirmation de ce que les proches d’un majeur à protéger n’ont pas toujours à cœur de veiller
à ses intérêts, et que leur désignation en qualité de tuteur peut au contraire s’avérer dangereuse.

Document n° 2 - Civ. 1ère, 8 décembre 2016, n° 16-20.298

Le 29 septembre 2008, un homme né en 1976 a été victime d’un accident de la circulation qui lui a
causé un grave traumatisme crânien ayant entraîné une tétraplégie. Il en est résulté pour la victime
un état de complète dépendance, notamment dans la mesure où il était alimenté et hydraté de façon
artificielle à l’hôpital. Par décision du 17 décembre 2008, l’épouse de la victime a été habilitée à
représenter son mari de manière générale dans l’exercice des pouvoirs résultant de son régime
matrimonial.

Le 11 janvier 2014, le médecin de la victime a décidé de mettre un terme à son alimentation et à


son hydratation artificielle. Cette décision, après avoir été suspendue le 11 janvier 2014 par le
tribunal administratif, a été validée par le Conseil d’État le 11 janvier 2014. La décision a été
approuvée par un arrêt du 5 juin 2015 de la Cour européenne des droits de l’homme.

Le 17 août 2015, un signalement en vue de la mise sous mesure de protection de la victime a été
transmis par son médecin au Procureur de la République, qui a saisi le juge des tutelles aux fins
d’ouverture d’une mesure de protection judiciaire. Par jugement du 10 mars 2016, le juge des
tutelles a placé la victime sous tutelle pour une durée de 120 mois, désignant son épouse en qualité
de tutrice et l’UDAF de la Marne en qualité de subrogé tuteur.

Suite à l’appel formé par les parents et le frère de la victime, cette décision a été confirmée par la
cour d’appel. Les parents et le frère ont alors formé un pourvoi en cassation, articulé autour de
trois arguments.

Les demandeurs au pourvoi estimaient en premier lieu que la mise sous tutelle de la victime n’était
pas nécessaire dans la mesure où ses intérêts étaient préservés par un protecteur naturel, désigné
ainsi en raison des services effectifs qu’il rend à la personne hors d’état de s’exprimer, et qu’ils
pensaient en l’occurrence être le protecteur naturel de la victime.

Ils considéraient par ailleurs que l’épouse de leur fils ne pouvait être nommée tutrice en faisant
valoir qu’il y avait une rupture de la vie commune entre les époux du fait de son déménagement, et
qu’au demeurant l’épouse ne présentait pas l’impartialité requise.

Ils reprochaient enfin au juge des tutelles d’avoir prononcé une mesure de tutelle de dix ans, sans
avoir pour autant constaté que le médecin avait préconisé l’ouverture d’une tutelle supérieure à cinq
ans.

La Cour de cassation devait donc répondre à trois questions de droit :

1°) Les parents d’un majeur à protéger doivent-ils être préférés à son conjoint en qualité de tuteur
de ce majeur ?
2°) Dans quelles conditions la rupture de la vie commune entre le majeur à protéger et son conjoint
doit-elle faire obstacle à la désignation de ce dernier en qualité de tuteur ?

3°) Dès lors qu’un médecin a établi que l’état de santé d’un majeur à protéger n’était pas susceptible
d’amélioration, le juge des tutelles peut-il prononcer l’ouverture d’une tutelle pour une durée
supérieure à cinq ans, quand bien même le médecin n’aurait pas formulé de recommandation
relative à cette durée ?

La Cour de cassation a intégralement rejeté le pourvoi.

La Cour de cassation a tout d’abord jugé que la cour d'appel avait souverainement estimé
qu'indépendamment de leur présence quotidienne des parents de la victime à ses côtés, ces derniers
ne pouvaient pas avoir la qualité de protecteurs naturels qu’ils invoquaient en raison notamment
du conflit familial grave qui les opposait à l’épouse de leur fils. Ayant établi la nécessité de désigner
au profit de la victime un représentant légal pouvant avoir le recul nécessaire afin que les décisions
le concernant soient prises dans son seul intérêt, la cour d’appel a suffisamment justifié la
désignation de l’épouse en qualité de tutrice.

Sur le deuxième argument, la Cour de cassation a considéré que la cour d’appel avait
souverainement estimé pour les raisons de fait évoquées ci-dessus qu’il n’y avait pas lieu d’écarter
l’épouse de la victime de la tutelle mise en place au profit de son mari, malgré la cessation de leur
vie commune, dans la mesure où l’épouse n’a déménagé que pour tenter de protéger leur fille de la
pression médiatique entourant l’état de la victime. La Cour de cassation a par ailleurs confirmé
l’appréciation de la cour d’appel, selon laquelle le tuteur ne constituant pas une juridiction, il n’a
pas à présenter les garanties d’impartialité requises par l’article 6 de la Convention européenne des
droits de l’homme.

Enfin, quant à la durée de la mesure de protection, La Cour de cassation a jugé que, conformément
à l’article 441, alinéa 2, du Code civil, le simple fait que le médecin expert ait constaté dans son
rapport que l’état de la victime n’était manifestement pas susceptible de connaître une amélioration
était suffisant pour que soit prononcée une mesure de tutelle d’une durée supérieure à cinq ans et
ne pouvant excéder dix ans. La circonstance que le médecin ait ou non préconisé une mesure de
tutelle supérieure à cinq ans était donc indifférente.

Remarques : L’affaire Vincent Lambert, aussi complexe que sensible, est riche d’enseignements en
matière de droit des majeurs protégés.

On peut notamment y trouver une application du système de préférence légale posé par l’article
449 du Code civil, à défaut de désignation par le majeur à protéger lui-même, au profit de son
conjoint, partenaire ou concubin « à moins que la vie commune ait cessé entre eux ». L’arrêt du 8
décembre 2016 est éclairant en ce qu’il précise que la cessation de la vie commune qui ne résulterait
que de l’hospitalisation du majeur protégé ne saurait faire obstacle à la désignation de son conjoint
en qualité de tuteur. Ce n’est qu’à défaut de pouvoir nommer tuteur le conjoint que le juge se
tournera vers les parents du majeur protégé qui ne constituent donc pas, dans l’esprit de la loi, ses
« protecteurs naturels ».

L’arrêt permet également de clarifier le rôle du médecin dans la détermination de la durée de la


mesure de protection : celui-ci n’intervient que pour établir l’état de santé du majeur à protéger et
pour indiquer si cet état est ou non susceptible d’amélioration. Il n’a pas à orienter la décision du
juge quant à la durée de la mesure de protection ouverte à son profit par une quelconque
préconisation.
Document n° 3 - Civ. 1ère, 27 juin 2018, n° 17-20.428

Par acte sous seing privé, un majeur placé en curatelle a vendu un local commercial, avec l’assistance
de sa curatrice. La personne placée sous curatelle est décédée avant réitération de la vente devant
notaire, en laissant pour lui succéder sa petite-fille, qui a refusé de réitérer la vente. L’acquéreur du
local commercial a sollicité l’exécution forcée de la vente, mais l’héritière lui a opposé la nullité du
contrat de vente conclu avec sa défunte grand-mère en raison de l’état d’insanité d’esprit de cette
dernière.

Par arrêt du 19 avril 2017, la cour d’appel de Toulouse a confirmé la nullité de la vente immobilière
pour insanité d’esprit de la venderesse.

L’acquéreur a formé un pourvoi devant la Cour de cassation en faisant valoir que l’héritière ne
pouvait valablement contester la validité du contrat de vente dès lors qu’elle ne pouvait justifier
d’une des causes prévues à l’article 414-2 du code civil et notamment, en l’occurrence, du fait que
l’existence du trouble mental résulterait de l’acte lui-même.

L’héritière d’une personne placée sous curatelle peut-elle solliciter l’annulation d’une vente conclue
par cette dernière avant son décès, alors même que cette dernière avait été valablement assistée par
sa curatrice lors de la vente ?

La Cour de cassation rejette le pourvoi en répondant par la positive à la question qui lui était posée.

L’action en nullité d’un acte pour insanité d’esprit peut en effet être intentée, après le décès du
contractant, par ses héritiers, dans les conditions prévues par l’article 414-2 du code civil. En
l’espèce, l’action de l’héritière reposait sur le 3° de cette disposition, qui accueille une telle demande
de nullité dès lors que « une action a été introduite avant son décès aux fins d'ouverture d'une
curatelle ou d'une tutelle ». La Cour de cassation met un terme à la confusion à laquelle la rédaction
de ce passage pouvait prêter : la recevabilité de l’action en nullité des héritiers est indépendante de
l’ouverture ou non, in fine, de la mesure de protection sollicitée. Par ailleurs, la Cour de cassation
précise que dans le cas où une mesure de protection aurait bien été ouverte avant le décès du
contractant, le respect du régime des actes passés sous l’empire de cette mesure est indifférent au
succès de l’action en nullité pour insanité d’esprit.

En d’autres termes, l'observation des règles de capacité propres au régime de protection ne dispense
pas de l'exigence d'un consentement lucide, lorsque l'acte exige un tel consentement. Tel est le cas
d'un acte de disposition conclu par un majeur en curatelle, peu important que le majeur ait été
assisté par son curateur dans la conclusion de cet acte.

Remarques : La Cour de cassation rappelle ici l’étanchéité de la frontière qui distingue l’action en
nullité de droit commun pour insanité d’esprit, prévue aux articles 414-1 et 414-2 du code civil, et
l’action spéciale en annulation des actes conclus par une personne placée sous tutelle ou curatelle,
pouvant remettre en cause les actes passés jusque deux ans avant la prise d’effet d’une telle mesure
(articles 464 et 465 du code civil). Cette décision est fondée sur l’article 466 du code civil, selon
lequel « les articles 464 et 465 ne font pas obstacle à l'application des articles 414-1 et 414-2 ». Ainsi, l’action
de droit commun en annulation pour insanité d’esprit reste ouverte, nonobstant la mise en place
d’une mesure de protection judiciaire. C’est pour cette raison que le respect des règles applicables
en matière de curatelle était en l’espèce indifférent.
Quant à la clarification opérée par la Cour de cassation sur les termes de l’article 414-2 3°, elle est
ainsi commentée par le Professeur Denis Mazeaud : « Qui peut le plus, peut le moins, au fond. Si l'exigence
d'une preuve intrinsèque de l'insanité d'esprit est évincée quand une action a été introduite avant le décès du contractant
en vue d'une ouverture d'une curatelle ou d'une tutelle, a fortiori, il doit en aller ainsi quand, lors de la conclusion du
contrat, le contractant vulnérable faisait déjà l'objet d'une mesure d'assistance, une curatelle renforcée, en
l'occurrence. » (D. Mazeaud, RTD Civ. 2018 p.627).

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