Numéro varia
Édition électronique
URL: http://revues.imist.ma/index.php?journal=rpe&page=article&op=view&path%5B%5D=12867
ISSN : 2509-0399
Date de mise en ligne : 28 juin 2018
Pagination : 01-28
Référence électronique
Ouchchikh, R. « Impact des chocs monétaires et de taux de change sur l’économie
marocaine : une approche svarx », Revue "Repères et Perspectives Economiques" [En ligne],
Vol. 2, N° 2/ 2ème semestre 2018, mis en ligne le 28 juin 2018.
URL: http://revues.imist.ma/index.php?journal=rpe&page=article&op=view&path%5B%5D=12867
Impact des chocs monétaires et de taux de change sur l’économie marocaine : une approche svarx
Résumé
La mise en place d’une politique monétaire appropriée dépend, entre autres, de la
compréhension de l’impact des chocs monétaires et de taux de change sur l’économie.
En considérant les contraintes externes à cette politique, nous proposons un modèle
vectoriel autorégressif structurel avec variables exogènes (SVARX) afin d’examiner
l’incidence de ces chocs sur la production et les prix au Maroc. Les résultats des
estimations montrent qu’un choc monétaire restrictif entraîne une contraction transitoire
de la production, une baisse persistante des prix, un effet de liquidité significatif et une
appréciation du taux de change. Par ailleurs, un choc positif du taux de change produit
une baisse de faible ampleur des prix, une contraction de la masse monétaire et une
hausse du taux d’intérêt. Finalement, l’impact du choc de taux de change sur la
production réel est insignifiant.
Mots clés : Transmission de la politique monétaire, VARX structure, Maroc
Abstract
Understanding the effect of monetary policy and exchange rate shocks is a key for
central bankers to conduct monetary policy effectively. Taking into consideration the
external constraints on monetary policy, we estimate a structural vector autoregressive
model with exogenous variables (SVARX) to look at the effects of a positive monetary
policy and exchange rate shocks on real output and prices. The analysis highlight that a
positive monetary policy shock produce a transitory contraction in output, a persistent
decrease in prices, a significant liquidity effect and an appreciation of exchange rate.
Furthermore, the analysis provides evidence that a positive exchange rate shock generate
a short fall in prices, a contraction in monetary aggregate and an increase in interest rate.
Nevertheless, the exchange rate shock has an insignificant effect on real output.
Keywords: Monetary Transmission Mechanisms, Structural VARX, Morocco.
Introduction
La politique monétaire, qui désigne un ensemble d’interventions de la Banque centrale
sur la monnaie en circulation dans l’économie, a reçu une grande attention au sein la
littérature économique et plus spécifiquement son rôle et ses incidences. L’effet réel de
la politique monétaire découle de la présence de la rigidité et de l’ajustement lent des
prix (Rotemberg, 1982 ; Calvo, 1983 ; Blanchard et Kiyotaki, 1987) et de l’information
incomplète sur laquelle sont fondés les décisions des agents privés (Phelps, 1970 ;
Lucas, 1972). Le rôle actif de la politique monétaire dans les fluctuations économiques
semble donc incontestable.
appréhendant les effets de ces chocs sur les variables macroéconomiques telles que les
prix et la production1.
Introduite par Sims (1980), la méthodologie des modèles VAR s’avère plus adaptée à
l’étude de la transmission des chocs. Généralement établie à partir d’un nombre réduit
de variables, elle se révèle singulièrement appropriée à l’analyse des chocs monétaires
(Christiano et al., 1998). En particulier, leur version structurelle est plus utilisée dans
l’analyse de la transmission de la politique monétaire2 (Mojon et Peersman, 2003, p 56).
1
Voir Ouchchikh (2014) pour une revue de littérature détaillée.
2
Cette approche a inspiré plusieurs travaux s’intéressant à l’estimation des effets et des canaux
de transmission de la politique monétaire comme, par exemple, Eichenbaum, 1992; Taylor,
1995; Bernanke et Gertler, 1995; Leeper et al., 1998; Christiano et al., 1999, Barran et al., 1995;
Coudert et Mojon, 1995; Peersman et Smets, 2001; Morsink et Bayoumi, 2001; Ganev et al.,
2002; Angeloni et al., 2003; Disyatat et Vongsinsirikul, 2003, Elbourne, 2008; Ouchchikh,
2014, 2017).
Elle est une approche flexible en donnant plus de liberté aux données et en imposant au
même temps une structure théorique aux estimations au moment de l’identification des
chocs structurels. En outre, leur flexibilité permet de se concentrer sur des questions
récurrentes constituant le centre d’intérêt des autorités monétaires, telles que les effets
du changement de l’orientation de la politique monétaire sur les variables
macroéconomiques clés sous différents scénarios.
Par ailleurs, la conduite de la politique monétaire dans une petite économie ouverte avec
régime de change fixe, comme le Maroc, diffère de celle des pays développés ayant un
régime de change flexible. En effet, sous un régime de change fixe crédible, la Banque
centrale devrait prêter une grande attention à la stabilisation du taux de change autour
de sa cible. Dans ce cadre, l’implémentation de la politique monétaire devrait se
concentrer sur les variations du taux de change et sur l’orientation de la politique
monétaire des pays ancres. Par ailleurs, l’ouverture de l’économie nationale lui fait subir
des perturbations de son environnement extérieur, comme le choc de demande étrangère.
Les effets de ce choc sont plus prononcés car les exportations marocaines sont
concentrées sur l’Union Européenne.
En retenant ces spécificités, nous développons un modèle SVARX afin d’analyser les
effets des chocs monétaires et de taux de change au Maroc. La fonction de réaction de
la Banque centrale y est spécifiée en imposant des restrictions d’identification de court
terme. Nous estimons un modèle de type AB introduit par Amisano et Giannini (1997).
A notre connaissance, il n’existe pas de travaux empiriques examinant l’effet des chocs
de politique monétaire et de taux de change sur l’économie marocaine au moyen d’une
approche SVARX qui retient les contraintes externes imposées à cette politique. Cette
étude vise à combler en partie ce vide. Le reste de ce travail se structure de la manière
suivante : la première section expose une brève revue de littérature, la seconde présente
les données et le modèle SVARX estimé. La troisième section expose et commente les
résultats obtenus.
du taux de change. Dans cette veine, les économistes se sont particulièrement intéressés
à l’examen de la validité des intuitions théoriques et à l’analyse de l’impact réel des
chocs monétaires au cours des cycles économiques. La littérature économique parvient
à un consensus voulant que la politique monétaire exerce des incidences réelles à court
terme alors qu’elle est neutre à long terme. L’impact palpable à court terme de celle-ci
peut s’expliquer par deux types d’imperfections. Le premier est lié à la rigidité, à
l’ajustement lent et à la coordination des prix suite aux modifications de la politique
monétaire (Rotemberg, 1982 ; Calvo, 1983 ; Blanchard et Kiyotaki, 1987). Le second
type concerne l’information incomplète sur laquelle s’appuient les décisions des agents
privés. Dans cette veine, Phelps (1970) et Lucas (1972) ont montré que les effets réels
de la politique monétaire peuvent découler d’une information imparfaite sur les prix
dans différents marchés. A long terme, ces effets disparaissent car les agents privés
disposent de l’information nécessaire. Toutefois, la nouvelle macroéconomie ouverte
reconnait que la politique monétaire peut avoir des incidences réelles même à long
terme. Cette intuition théorique est largement confortée par les turbulences financières
de 2007 déclenchées à l’origine par une politique monétaire américaine expansionniste
pendant une longue durée.
Par ailleurs, avec l’internationalisation croissante des économies et l’adoption des
régimes de change plus flexibles, le taux de change s’est vu attribué un rôle important
dans les modèles macroéconomiques à économie ouverte (Obstfeld et Rogoff, 1995).
En effet, les fluctuations du taux de change ont des répercussions importantes sur les
performances économiques et impliquent un coût économique important pour la société.
C’est essentiellement la spécialisation dans les exportations et leur concentration en
termes de produits et de marchés, la dépendance vis-à-vis des importations et
l’endettement extérieur important qui expliquent l’effet des fluctuations du taux de
change sur les performances économiques. Une variation importante du taux de change
peut, par exemple, être source de pressions inflationnistes, de perte de compétitivité,
d’aggravation de l’endettement extérieur, de fuite des capitaux, de déséquilibres de la
balance des paiements,…..etc. Par ailleurs, vu que la stabilité des prix est l’objectif final
de la banque centrale, la compréhension de la répercussion des variations du taux de
change sur la dynamique des prix domestiques est d’un grand intérêt pour le décideur
3
Voir entre autres Thorbecke, 1997 ; Lastrapes, 1998 ; Bernanke et Kuttner, 2005 ; Neri, 2004 ;
Bjornland et Leteimo, 2009 ; Sousa, 2010
4
Voir aussi Iacoviello, 2000 ; Ahearne et al., 2005; Elbourne, 2008; Carstensen et al., 2009;
Sousa, 2010; Iacoviello et Neri, 2010.
Cushman et Zha (1997), Kim et Roubini (2000), Mojon et Peersman (2003), Disyatat et
Vongsinsirikul (2003), Al-Mashat et Billmeier (2007), Bjørnland (2008) montrent
qu’une politique monétaire restrictive se solde par une appréciation du taux de change.
Finalement, une autre ligne de littérature empirique s’intéresse au pass through du taux
de change sur les prix domestiques. Cette transmission s’effectue via le segment des
biens échangeables dans l’indice des prix à la consommation qui se répercute, en
dernière analyse, sur l’inflation. Cependant, il convient de noter que l’effet du taux de
change sur les prix domestiques via les prix des importations n’intervient que si les prix
de celles-ci sont fixés en monnaie de l’exportateur (Producer Currency Pricing).
Plusieurs travaux se sont intéressés à l’étude du pass through du taux de change en
raison de son importance capitale en termes de conduite de politique monétaire. Ceux-
ci soulignent une répercussion importante des variations du taux de change sur les prix
domestiques. Cependant, la tendance récente des résultats empiriques pointe vers un
pass through décroissant (Goldfajn et Werlang, 2000 ; Campa et Goldberg, 2005 ;
Burstein et al., 2007; Mihaljek et Klau, 2008; 2010; Ben Cheikh et Rault, 2015) en raison
des ancrages nominaux solides adoptés par les banques centrales, qui ont créé un
environnement de faible inflation (Taylor, 2000; Frankel et al., 2005).
A la lumière de cette brève revue de littérature, il nous semble judicieux de mieux
quantifier les répercussions réelles des chocs monétaires et de taux de change sur
l’économie marocaine. Cette question s’avère être purement d’ordre empirique dans
chaque contexte en raison de l’impossibilité d’inférer des conclusions claires de la
littérature théorique et empirique. Une évaluation plus précise des effets de ces chocs
permettrait d’éclaircir la prise de décision en matière de politique monétaire et de
change. Les données et la méthodologie empirique du travail seront présentées la section
suivante.
Le Maroc est une petite économie ouverte à régime de change fixe par rapport à un
panier dont la composition est fixée actuellement à 60% et à 40% respectivement pour
l’euro et le dollar. Ces pondérations sont censées refléter la structure du commerce
extérieur et l’ancrage de l’économie nationale à la zone euro. Le Maroc préserve, de ce
fait, des spécificités économiques différentes de celles des pays développés qu’il fallait
Etant donné les contraintes externes imposées à la politique monétaire nationale, nous
supposons que le comportement de l’économie pourrait être décrit par le modèle VAR
structurel suivant : Yt A( L )Yt 1 B( L ) X t C* Dt t (1)
Avec Yt est le vecteur des variables endogènes et Xt est le vecteur des variables exogènes.
𝜀𝑡 est le vecteur des chocs structurels, Dt regroupe les termes déterministes à savoir la
constante et la tendance dans notre cas.
Nous nous somme inspiré des travaux de Kim et Roubini (2000) et Elbourne et Haan
(2006). Suivant ces auteurs, le vecteur des variables endogènes inclut le 𝑃𝐼𝐵 réel
(𝑃𝐼𝐵𝑅 ), l’indice des prix à la consommation (IPC), l’agrégat monétaire M2 en termes
réel, le taux de change nominal effectif (TCNE) et le taux du marché monétaire (TMM) :
fluctuations des prix au Maroc. Les variables 𝑃𝐼𝐵𝑅 et l’IPC représentent l’activité
économique domestique et caractérisent le marché des biens. Elles sont aussi
considérées comme des objectifs finaux de la politique monétaire.
L’agrégat monétaire M2 est introduit pour capturer le rôle de la monnaie dans la mise
en place de la stratégie de politique monétaire, car il constitue la variable d’ancrage
intermédiaire de celle-ci. Pratiquement, il va nous permettre d’isoler les chocs de
demande de monnaie de ceux de l’offre de monnaie. Le taux de change nominal effectif
est retenu dans nos estimations pour saisir son rôle dans la transmission de la politique
monétaire et pour évaluer les effets des chocs de taux de change sur la production réelle
et les prix. Le choix du taux de change effectif, au lieu du taux de change bilatéral,
permettrait de capter l’ensemble des effets réels transitant par le commerce extérieur.
Finalement, le TMM est retenu pour mesurer l’orientation de la politique monétaire. Par
ailleurs, cette variable générerait à partir de l’équation correspondante du modèle SVAR
un choc politique monétaire dont nous allons apprécier les effets réels sur la production
et les prix.
Par ailleurs, nos estimations retiennent le taux d’intérêt Euribor à trois mois afin de
capturer l’impact de la politique monétaire étrangère sur la politique monétaire
nationale. Car en plus du contrôle du taux de change ciblé, la politique monétaire
marocaine se focalise aussi sur les mouvements du taux d’intérêt du pays ancre. Et vue
le poids important de l’euro dans le panier de devises d’ancrage du Dirham et la structure
de nos échanges commerciaux, il nous semble judicieux de retenir le taux d’intérêt de
court terme de la zone euro pour représenter la politique monétaire externe.
Ces variables sont considérées comme exogènes et seront inclus dans le vecteur :
En effet, dans plusieurs études empiriques telles que Cushman et Zha, (1997), Amisano
et al. (1997), Kim et Roubini (2000), Dungey et Pagan (2000), Elbourne (2008),
Bjørnland et Jacobsen (2010) et Afrin (2017), les variables externes sont introduites
comme étant endogènes et de manière à être affectées avec retard par les variables
domestiques. Toutefois, pour beaucoup de pays comme le Maroc, qui est une petite
économie ouverte, les variables domestiques n’ont aucun effet sur les variables externes,
ce qui rendrait les modèles VAR estimés de cette manière mal spécifiés. Ainsi, en
introduisant les variables externes dans le vecteur des variables exogènes, nous
supposons que ces dernières ont un effet sur les variables endogènes sans qu’elles soient
affectées par ces dernières. La fonction de réaction de la Banque centrale inclut donc à
la fois les variables domestiques et externes. De ce point de vue, nous estimons qu’un
modèle SVARX est appropriée pour étudier l’impact des chocs monétaires et de taux de
change sur l’économie marocaine. La représentation SVARX permet de tenir compte de
la simultanéité d’une part, entre les variables réelles et les variables monétaires et d’autre
part, entre les variables endogènes et les variables exogènes. En outre, elle permet
d’estimer moins de paramètres et, par conséquent, dégage un degré de liberté élevé.
Pour examiner l’ordre d’intégration des variables, nous avons entrepris le test de racine
unitaire ADF ‘Augmented Dickey Fuller’ (tableau 1). Les résultats de ce dernier ne
rejettent pas l’hypothèse nulle de présence de racine unitaire pour l’ensemble des
5
TRAMO (Time Series Regression with Autoregressive Moving Average (ARIMA) Noise,
Missing Observations, and Outliers) et SEATS (Signal Extraction in ARIMA Time Series).
variables en niveau alors qu’elle est rejetée en première différence. Toutes les variables
sont donc intégrées d’ordre 1.
Tableau 1 : Résultats du test ADF
Variables Test Ordre d’intégration
PIBR -3.284914 (ct) (1)
∆PIBR -13.20872* (c) (0) I(1)
IPC -2.306736 (ct) (0)
∆IPC -9.054344* (c) (0) I(1)
M2 -2.777852 (c) (0)
∆M2 -8.553784* (c) (0) I(1)
TCEN -2.506581 (c) (1)
∆TCEN -5.935197* (0) I(1)
TMM -2.595053 (c) (0)
∆TMM -8.393909* (0) I(1)
Δ indique la différence première de chaque série. L’hypothèse nulle stipule que la série en question
dispose d’une racine unitaire. * signale le rejet de l’hypothèse nulle au seuil de signification de 1%. Le
chiffre entre () indique le retard optimal sélectionné à l’aide du critère SIC. Le retard maximal est fixé
à 4, (ct) indique le modèle avec constante et tendance, (c) désigne le modèle avec constante et finalement
si rien n’est indiqué, le modèle est sans tendance ni constante. Il est à noter aussi que les variables
exogènes (IPIZE et EURIBOR) sont I(1).
Ensuite, vu que ces séries sont stationnaires en première différence, se pose alors la
question de leurs propriétés de cointégration. A cet effet, le test de cointégration de
Johansen est mené sur le système de variables. Le tableau 2 récapitule les résultats au
seuil de 5% des tests de la trace et de la valeur propre maximale. Ces derniers indiquent
qu’il existe deux relations de cointégration entre les variables.
Le point de départ d’une analyse structurelle est la forme réduite du modèle SVAR.
D’après Breitung et al. (2004), les résidus de la forme réduite sont liés à ceux de la forme
structurelle ainsi : A t B t ou t A1B t (2)
Ce qui implique les restrictions suivantes :
u
A1BB' A1 ' (3)
donc imposer n(n - 1)/2 = 10 restrictions sur les corrélations contemporaines afin de
pouvoir identifier les cinq chocs structurels. En outre, la matrice B est diagonale.
Pour identifier les chocs structurels, nous poursuivons le schéma d’identification ci-
dessous :
A t B t
0
AS
1 0 0 0 0 uY b11 0 0 0
a AD
21 1 0 0 0 u IPC 0 b11 0 0 0
a 31 a 32 1 0 a 35 u M 0 0 b11 0 0 DM
(4)
a 41 a 42 a 43 1 a 42 uTCEN 0 0 0 b11 0 TCEN
0
0 a 53 a 54 1 uTI 0 0 0 0 b11 PM
Un préalable nécessaire avant l’examen des relations entre les sept variables au moyen
d’une analyse impulsionnelle, consiste à spécifier le schéma d’identification des chocs
structurels. En vue de cela, nous adoptons la méthode de factorisation non-récursive
introduite par Bernanke (1986), Blanchard et Watson (1986) et Sims (1986). Les chocs
structurels seront ainsi identifiés à l’aide des restrictions de court terme en raison de leur
pertinence à identifier les chocs (Christiano et al., 2005).
modèle. Le comportement des variables endogènes est expliqué par cinq chocs
structurels à savoir le choc d’offre agrégée (ɛAS), le choc de demande agrégée (ɛAD), le
choc de demande de monnaie (ɛMD), le choc du taux de change (ɛTCEN) et le choc de
politique monétaire (ɛPM).
Les deux premières lignes de la matrice A synthétisent les conditions d’équilibre sur le
marché des biens. En opérant une distinction entre les variables réelles (production et
prix) et les variables monétaires (masse monétaire, taux de change, taux d’intérêt), les
zéros de ces deux lignes montrent la présence d’un ajustement lent des variables réelles
aux variables monétaires. Autrement dit, la sphère réelle n’est affectée qu’avec un
décalage d’une période par les chocs des variables monétaires6. La troisième ligne
6
Cette hypothèse, proposée par Bernanke et Mihov (1995), est largement admise dans la littérature empirique. Le
modèle d’équilibre général dynamique et stochastique (DSGE) de Sims et Zha (2006) considère les inerties de la
production et des prix de ce type. D’ailleurs, les rigidités nominales sont habituelles dans les modèles DSGE.
S’agissant du nombre de retards à inclure dans le modèle, les critères d’information LR,
FPE, AIC, SC et HQ sélectionnent 1 et 4 (tableau 2 en annexe). Toutefois, étant donné
le nombre d’observation qui est relativement petit (72 observations) et dans le souci de
préserver un système stable et exempt d’autocorrélation, nous avons opté pour un
décalage de 3. Par ailleurs, avant d’entamer notre analyse au moyen des fonctions de
réponse et des décompositions de variances, nous procédons aux tests de solidité du
modèle estimé. Dans cette veine, plusieurs statistiques de tests ont été calculées afin
d’apprécier la qualité de l’estimation multivariée. Pour le diagnostic des résidus, le
tableau 4 résume les résultats des tests d’autocorrélation des résidus de Breusch Godfrey
(LM(h)), de normalité de Jarque-Bera (JB(k)), de l’hétéroscédasticité univariée (ARCH-
LM(q)) et multivariée (MARCH-LM(q)).
1.0
0.5
0.0
-0.5
-1.0
-1.5
-1.5 -1.0 -0.5 0.0 0.5 1.0 1.5
De plus, la figure 2 révèle que fonctions de réponse, convergent vers leur niveau
d’équilibre de long terme et, par conséquent, aucune trajectoire explosive pour les
variables.
A l’issue de ces tests, nous concluons que le modèle estimé est une représentation
convenable aux données utilisées.
La figure 2 présente les résultats qui sont encadrés par un intervalle de confiance
équivalent à 5% (courbes en pointillés) et s’étalant sur un horizon temporel de six ans.
Chaque colonne correspond aux effets d’un choc sur les différentes variables, alors que
chaque ligne traduit les effets des différents chocs sur une même variable. Les colonnes
4 et 5 retiendront plus particulièrement notre attention du fait qu’elles permettent
d’étudier les effets des chocs monétaires et de taux de change sur l’économie nationale.
S’agissant des prix, ils montrent une baisse durable mais qui n’est pas significative qu’à
partir du septième trimestre. Ils atteignent le pic au huitième trimestre avec -0.07%,
avant de converger lentement vers leur niveau antérieur. Cette réponse est cohérente
avec celle décrite dans le cadre IS-LM/ monétariste, c’est-à-dire une chute significative
et persistante du niveau des prix. Ainsi, la politique monétaire peut contrôler le niveau
des prix par l’intermédiaire du canal du taux d’intérêt. Tout au plus, nous remarquons
un effet de liquidité significatif, c’est-à-dire une baisse de l’agrégat monétaire suite à un
choc de politique monétaire. Le point d’impact maximal frôle 0.83% au cinquième
trimestre. En continuant l’analyse de l’effet du choc monétaire, nous soulignons une
appréciation intuitive du taux de change. Toutefois, celle-ci n’est significative qu’à
partir du neuvième trimestre et atteint un pic de 0.08% au dixième trimestre avant de
gagner lentement son niveau d’équilibre.
L’identification des chocs est l’un des problèmes délicats qui se pose pour les modèles
VAR. La décomposition de variance permet de le résoudre en identifiant au sein des
variations des variables endogènes les parts respectives des chocs affectant le modèle
VAR sur différents horizons. Autrement dit, elle indique l’importance relative de chacun
des chocs subis par les variables du système.
Les résultats des décompositions de variances sont présentés dans le tableau 5 ci-après
à un horizon de six ans. Ils montrent que le choc d’offre joue un rôle dominant dans
l’explication de la variance du PIB réel avec une part de 69% au bout de six ans. Le choc
monétaire constitue la deuxième source des fluctuations de la production suivie par le
choc de demande de monnaie avec des contributions respectives de 14% et 11% de la
variance après six ans. La part des chocs de taux de change et de demande agrégée est
négligeable.
de 56% à 35%, celle du choc de politique monétaire a augmenté de 4% à 47% alors que
celle du choc d’offre agrégée a baissé de 36% à 9%. Les contributions des chocs d’offre
agrégée et du taux de change sont insignifiantes.
Par ailleurs, nous relevons que la variance du taux de change est essentiellement
attribuée à ces propres chocs qui représentent 40% de la variance totale après six ans.
Le choc de demande agrégée vient en deuxième lieu avec une contribution maximale de
24% le sixième trimestre. Le choc d’offre agrégée constitue la troisième source de
fluctuations du taux de change en expliquant 18% de sa variance après six trimestres.
Les chocs monétaires et de demande de monnaie représentent respectivement 12% et
9% de la variance du taux de change après six ans.
Si nous considérons les variables monétaires comme étant des instruments d’absorption
des chocs réels (chocs d’offre et de demande agrégés), nous pouvons identifier leur
capacité relative à répondre à ces chocs. Nous soulignions à première vue le rôle
important de la demande de monnaie dans l’amortissement des chocs de demande
agrégée (36% de la variance au premier trimestre). Par ailleurs, nous mentionnons que
le taux de change vient en deuxième position en ce qui concerne l’amortissement des
chocs de demande agrégée, car ces derniers expliquent 24% de la variance du taux de
change après six trimestres. Finalement, nous relevons une capacité d’absorption non
négligeable des chocs d’offre par le taux de change et le taux de d’intérêt, car en effet,
le choc d’offre agrégée explique 18% de la variance du taux de change au sixième
trimestre et 17% de la variance du taux d’intérêt après cinq ans.
Conclusion
Dans cette étude, nous avons analysé l’impact des chocs monétaires et de taux de change
sur la production et les prix. En considérant les contraintes externes à la politique
monétaire et les spécificités du régime monétaire national, nous avons estimé un modèle
VARX structurel composé de deux vecteurs l’un pour les variables endogènes et l’autre
pour les variables exogènes. Généralement, les résultats obtenus montrent que la
réaction des variables macroéconomiques cadre avec les intuitions de la théorie
économique et avec les résultats de la littérature empirique7.
En effet, nous relevons que le choc monétaire produit une baisse transitoire du PIB réel
et une chute persistante des prix. Ce dernier résultat montre le rôle actif du canal du taux
d’intérêt dans la transmission des impulsions monétaires. C’est un argument pertinent
pour une éventuelle transition de Bank Al-Maghrib vers une stratégie de ciblage de
l’inflation. Car en effet, le fonctionnement de ce canal permet à la Banque centrale de
comprendre comment, dans quelle ampleur et dans combien de temps le taux d’intérêt
affecte l’inflation. Par ailleurs, nous relevons la présence d’un effet de liquidité
significatif. En même temps, le choc monétaire génère une appréciation significative du
taux de change.
En ce qui concerne l’impact du choc de taux de change, nous enregistrons une réaction
non significative de la production réelle. En revanche, les prix affichent une réponse
négative conforme aux attentes. Celle-ci traduit la présence d’un pass through
significatif du taux de change sur les prix domestiques quoique de faible ampleur, ce qui
plaide pour un effet indirect du taux d’intérêt sur les prix qui passe par le taux de change.
Ce résultat est un argument en faveur de la poursuite de la politique de flexibilisation
graduelle du taux de change du fait qu’elle ne compromis pas l’objectif de stabilité des
prix de BAM. L’appréciation du taux de change provoque également une contraction de
la masse monétaire. Toutefois, en réponse au choc de taux de change, le taux d’intérêt
affiche une hausse contre-intuitive qui est tout à fait concevable dans le cadre d’un
régime de change fixe.
Les variables financières sont aussi analysées dans une optique d’amortissement des
chocs réels. Les conclusions de l’analyse révèlent un rôle important de la demande de
monnaie et du taux de change dans l’absorption des chocs de demande agrégée, et un
7
Voir Ouchchikh (2014) pour une revue de littérature empirique détaillée.
rôle non négligeable du taux de change et du taux d’intérêt dans l’amortissement des
chocs d’offre agrégée.
Au demeurant, si le présent travail arrive à évaluer les effets des chocs monétaires et de
taux de change sur la production et les prix, nous ignorons encore comment s’opèrent
ces effets. Autrement dit, quelles sont les composantes de la demande qui véhiculent les
incidences de ces chocs. Par conséquent, une attention particulière devrait être accordée
aux réactions des composantes de la demande, telles que l’investissement, la
consommation, les importations et les exportations, aux chocs monétaires et de taux de
change dans une éventuelle extension future de ce travail. Enfin, il convient d’évaluer
également l’impact des composantes anticipées de la politique monétaire et du taux de
change, car ce travail s’est intéressé uniquement aux effets des composantes non
anticipées (chocs) de ces deux variables.
Références bibliographiques
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