Rubrique CPEA
animée par Pierre Machtou
et Dominique Martin
Chirurgie
endodontique
ou endodontie
chirurgicale ?
Pronostic de la chirurgie
Les critères de succès en endodontie conventionnelle et chirurgi-
cale ont été décrits par Shimon Friedman, dans une étude pros-
pective de référence (3).
Le taux de succès d’un retraitement endodontique atteint 93 %.
Il est intéressant de noter que la présence de complexités lors du
retraitement, telles un déplacement de foramen ou une perfora-
tion va faire chuter le taux de succès à 50 % (5).
Le taux de succès d’une chirurgie endodontique atteint 91 % (7). 1b. Vue per-opératoire sous microscope de l’obturation à rétro
On peut donc considérer aujourd’hui que le retraitement endo- dans le micro miroir.
dontique et la chirurgie, lorsqu’ils sont tout deux réalisés dans les
meilleures conditions, ont des taux de succès comparables.
Cas clinique 2
2a. Molaire supérieure présentant une lésion au niveau 2b. Guérison à 1 an après traitement chirurgical.
de la racine mésiovestibulaire. La racine semble La préparation et l’obturation à rétro ont pu être
totalement calcifiée rendant le retraitement aléatoire. effectuées sur toute la longueur canalaire.
Cas clinique 3
3a. Absence de traitement canalaire 3b. Vue sous microscope d’un canal 3c. Obturation à l’IRM du canal
de 45 en dépit d’une reconstruction latéral sur la face vestibulaire principal et du canal latéral.
prothétique. de la racine.
3d. Radiographie
postopératoire après
traitement de l’ensemble
du système canalaire à rétro.
3e. Guérison à un an.
Cas clinique 4
4a b c
4a. Lésion d’origine
endodontique sur la 11.
Le traitement semble correct, Bibliographie
la couronne est bien adaptée
avec un tenon important. 1. Carr GB. Ultrasonic ro ot end preparation.
Dent Clin North Am. 1997 Jul ; 41 (3) :
4b. L’examen sous microscope 541-54.
révèle la présence de 3 portes
de sortie apicales. 2. Chuong B, Pi tt Ford. Root-end filling mat e-
rials : rationale and tissue reponse.
4c. Vue des obturations Endod Topics 2005 July ; 11 (1) : 114.
à rétro à l’IRM.
4d. Radiographie postopératoire. 3. Fa rzaneh M, Abitbol S, Friedman S.
Treatment outcome in endodontics: the
4e. Guérison complète à un an. Toronto study. Phases I and II : Ort h o-
grade re t reatment. J Endod. 2004 Sep ;
30 (9) : 627-33.
d e
4. Gilheany PA, Figdor D, Tyas MJ. Apical den-
tin permeability and microlea kage asso-
Endodontie chirurgicale ciated with root end resection and rétro-
grade filling. J Endod. 1994 Jan ; 20 (1) :
L’étanchéité apicale n’est possible qu’à partir de 3 mm d’obturation. Il a été 22-6.
démontré que les matériaux d’obturation restent perméables dans le premier
5. Gorni FG, Gagliani MM. The outcome of
millimètre et demi (7) donc, plus l’obturation est longue, meilleure est endodontic retreatment: a 2-yr fo l l ow-
l’étanchéité. L’idéal théorique est évidemment de réussir à préparer la totalité du up. J Endod. 2004 Jan ; 30 (1) : 1-4.
système canalaire, le désinfecter et l’obturer à rétro. La réalisation de cette
6. Kim S. Principles of endodontic microsur-
technique nécessite une instrumentation particulière. De nouveaux inserts à
g e ry. Dent Clin North Am. 1997 Jul ; 41
ultrasons permettent de préparer à rétro sur plus de 10 mm le système (3) : 481-97.
canalaire. Le diamantage n’est présent que sur la pointe de l’instrument pour ne
pas trop élargir le canal. L’obturation canalaire va être réalisée à l’aide de 7. Wang N, Knight K, Dao T, Friedman S.
Treatment outcome in endodontics- The
fouloirs longs et fins. Ces fouloirs vont permettre de condenser To ro n to St u d y. Phases I and II: apical
progressivement le matériau d’obturation sur toute la longueur de la préparation s u rg e ry. J Endod. 2004 Nov ; 30 (11) :
canalaire. Il est intéressant de noter que dans l’étude de Shimon Friedman, un 751-61.
échantillon de dents préparées selon cette technique présente un taux de succès
de 100 % (3). Plus la préparation canalaire remonte coronairement dans le
canal, plus la désinfection sera efficace et meilleur sera le pronostic.
Par ailleurs l’utilisation systématique du microscope opératoire permet de Adresse des auteurs
déceler à la surface de la racine la présence de canaux latéraux qui peuvent être *B e rt rand Khayat,
préparés et obturés. Président du CPEA
On ne parle plus alors de chirurgie endodontique mais bien d’endodontie 1 avenue Paul Doumer 75116 Paris
chirurgicale. Le traitement s’apparente à un traitement conventionnel réalisé par **Jean-Charles Michonneau
la voie rétrograde. Cette nouvelle approche de la chirurgie endodontique semble Attaché à l’Université Libre de Bruxelles
en augmenter considérablement les indications. ■
Revue de littérature
par Dominique Martin & Sandrine Dahan
Abramovitz I, Better H, Shacham p e u vent être dépassés et certains cas où la aujourd’hui ont largement évolué, ce qui nous
A, Shlomi B, Metzger Z. Case chirurgie s’imposait hier peuvent être retra i- pousse à relativiser les conclusions de cette
selection for apical surgery : tés en toute sécurité par voie orthograde étude.
a retrospective evaluation of aujourd’hui. Cette évolution technologique n’est
associated factors and rational. pas toujours suivie par un changement de Zuolo ML, Ferreira MO,
J Endod. 2002 Jul ; 28 (7) : 527-30. comportement dans l’indication de la chirurgie Gutmann JL. Prognosis in
et un recours abusif au traitement chirurgical a periradicular surgery : a clinical
L’étude d’Abramovitz et Coll a pour objectif été constaté. prospective study. Int Endod J.
d’évaluer et d’analyser les critères de choix qui 2000 Mar ; 33 (2) : 91-8.
motivent le praticien à prescrire un traitement Kvist T, Reit C. Results Cet article relate une étude prospective dont
endodontique chirurgical plutôt qu’un retraite- of endodontic retreatment : le but est d’évaluer le taux de succès du traite-
ment orthograde. L’American Association of a randomized clinical study ment endodontique chirurgical. De janvier 1992
Endodontists considère que la chirurgie apicale comparing surgical and à décembre 1993, 114 patients ont été recru-
n’est indiquée que lorsqu’un traitement appro- nonsurgical procedures. J Endod. tés et traités par un opérateur unique, endo-
prié ne peut pas être mené par des moyens 1999 Dec ; 25 (12) : 814-7. dontiste exclusif. Les auteur s ont été
non chirurgicaux. Cette définition laisse une Thomas Kvist et Claes Reit nous présentent particulièrement rigoureux dans la sélection
g rande part à l’appréciation de chacun, les limi- ici une des rares études randomisées visant à des cas. Tous les patients devaient répondre
tes posées sont floues et très relatives aux comparer les taux de succès du retraitement aux quatre critères suivants : une seule dent
capacités de l’opérateur. endodontique orthograde et du traitement par patient nécessitait un traitement, cette dent
Un chiru rgien et un endodontiste ont évalué la chirurgical rétrograde. Leur recherche a été avait présenté un échec endodontique qui avait
pertinence d’indication de chirurgie apicale de menée sur 95 dents monoradiculées présen- été retraité par voie ort h o g rade au moins une
200 racines adressées dans le service de chirur- tant un échec endodontique. Le choix du trai- fo i s , une restauration coronaire hermétique
gie buccale de l’hôpital de Tel Av i v. D e tement a donc été réalisé par tirage au sort a s s u rait l’absence de percolation et enfin l’ori-
nombreux paramètres ont été pris en compte, puis les patients ont été suivis régulièrement gine de la lésion devait être strictement endo-
dont la présence et la taille de tenons, le type pendant 4 ans. dontique. Ils se sont aussi appliqués à choisir un
d’obturation et la nature de la lésion. Seules À 12 mois postopératoires, le taux de guéri s o n protocole chirurgical répondant aux principes
45 % des racines adressées présentaient une était significativement supérieur dans le groupe biologiques fondés sur la preuve et impliquant
situation clinique qui justifiait une intervention de dents ayant subi un traitement chirurgical. l’utilisation de nouvelles technologies. L e s
chirurgicale. Les évaluateurs ont jugé que la Cependant à 48 mois, le taux de succès n’était patients ont été revus dans un laps de temps
chirurgie était indiquée lorsque la dent présen- plus significativement différent entre les deux c o m p ris entre un an et quatre ans après l’inter-
tait une obturation adéquate avec persistance groupes. Ceci peut être expliqué par une cica- vention et leurs traitements ont été classés
de symptômes, lorsque le retraitement était t risation plus lente après traitement non chirur- selon : échec, succès ou incertain. Les patients
impossible ou risqué en association avec des gical d’une part et par l’apparition retardée dont l’issue du traitement était incertaine ont
obstacles intracanalaires ou bien lorsque le d’échecs dans le groupe chirurgical. En effe t , été suivis pendant quatre ans.
tenon mesurait plus de 5 mm. En revanche, ils certains auteurs attri buent ces échecs retar- Le taux de succès a été évalué à 91,2 % sur
ont jugé injustifiée l’indication de chirurgie lors- dés à la percolation à long terme des maté- un total de 102 dents contrôlées. Cet excellent
que l’obturation était satisfaisante avec un tra i- riaux mis en place lors de la chirurgie. résultat peut être expliqué par la sélection
tement récent ou lorsque l’obturation était Ainsi, les auteurs n’ont pas montré qu’une des méticuleuse des cas, un protocole chirurgical
insatisfaisante et qu’il n’y avait pas de tenon ou deux techniques aboutissait à de meilleurs rigoureux et par la méthode d’évaluation : ont
que celui-ci était inférieur à 5 mm. résultats que l’autre. De plus, ils ont mis en été considérés comme succès tous les cas de
Au cours des dernières années, le matériel évidence qu’un long suivi postopératoire était cicatrisation même lorsque celle-ci était incom-
disponible en endodontie a beaucoup évolué, i n d i s p e n s a ble pour conclure au succès ou à plète.
l’apport notamment du nickel-titane et du l’échec d’un traitement. Par ailleurs, il faut noter
microscope ont ouvert de nouvelles possibili- que les interventions ont eu lieu entre 1989
tés de traitement.Ainsi de nombreux obstacles e t 1992 et que les techniques employ é e s ■