Nous entendons souvent dire que nous devons réduire notre empreinte sur l'eau ou que nous devons réduire
l'empreinte des produits que nous consommons. Mais pourquoi ? Pourquoi est-ce si important ?
Il y a beaucoup d'endroits dans le monde où il y a une surconsommation d'eau, ce qui conduit à vider
les rivières, à faire baisser les nappes phréatiques ou à faire disparaitre les lacs. Ainsi, dans ces
endroits, l'eau est souvent trop utilisée pour irriguer les cultures, ce qui conduit à ces problèmes. Pour
prévenir ou résoudre ces problèmes, nous devons réduire notre empreinte aquatique. Nous importons
nos produits dans de nombreuses régions, aussi de régions en dehors de l’Europe. Le coton, par
exemple, provient de la zone autour de la mer d'Aral, qui est un grand lac qui disparait parce que les
rivières ne l’approvisionnent plus car l'eau est utilisée avant pour irriguer le coton. Il y a beaucoup de
ces lacs, comme en Iran, où le lac Urmia disparait parce qu'on y cultive la betterave sucrière, le blé et
d'autres cultures. Les nappes phréatiques du Midwest américain sont en déclin. Il y a donc une très
longue liste de problèmes de ce genre.
Si je comprends bien, on peut regarder à ce concept d'empreinte aquatique de différents angles. Vous
pouvez l'examiner du point de vue du consommateur ou du producteur. Pouvez-vous expliquer cela un peu
plus en détail ?
Du point de vue des consommateurs, nous comprenons maintenant mieux comment notre empreinte
aquatique est liée à différents problèmes dans le monde et quels éléments de notre mode de
consommation y contribuent le plus. 92 % de l'empreinte eau d'un consommateur est liée aux aliments
que nous consommons et non à l'eau que nous utilisons à la maison. Dans l'alimentation, il s'agit surtout
de produits d'origine animale. Environ 40 % de la consommation d’eau dans nos sociétés occidentales
est liée aux produits d'origine animale. Ainsi, nous pouvons changer notre alimentation, par exemple, si
nous voulons réduire notre empreinte aquatique.
On a parlé du point de vue du consommateur, mais il y a aussi le point de vue du producteur. Les
producteurs veulent contribuer à la réduction de l'empreinte aquatique et les entreprises peuvent
s'efforcer de réduire l'empreinte réelle de leur produit en regardant l'ensemble de leur chaine
d'approvisionnement et en faire part à leurs consommateurs. Les consommateurs et les producteurs ont
donc tous les deux un rôle à jouer.
Les grandes régions qui utilisent l'eau pour fabriquer des produits d'exportation, principalement des
denrées alimentaires, sont les États-Unis, l'Amérique du Sud, la Chine, l'Inde, l'Australie et ce qui est
intéressant, c'est qu'elles ne le font pas car elles ont tellement d'eau. Pensez à la surexploitation dans le
Midwest des États-Unis ou en Californie, ou en Inde et en Chine, où l'eau est très rare. En Australie aussi.
Ces pays utilisent l'eau pour l'exportation. C'est très contre-intuitif. Ce n'est pas parce que l'eau est bon
marché. Mais ils sont généralement plus compétitifs à cause de la main-d'œuvre qui est moins chère, des
terres bon marché, des subventions,... Donc ce genre de choses arrive, et l'eau n'a rien à voir avec cela.
Si l'on considère ces problèmes de gestion de l'eau par exemple pour la production d'aliments. Est-elle
principalement liée à l'irrigation, ou à une mauvaise irrigation, ou d'autres processus jouent-ils un rôle ?
L'irrigation est la cause principale des problèmes liés à notre empreinte aquatique, parce que la
nourriture est la principale cause de notre empreinte aquatique et parce que ce sont en fait les
politiques d'irrigation qui ont été mises en place dans le passé, même là où il y a une pénurie d'eau, qui
créent les nombreux problèmes que nous voyons. Une des solutions est d'avoir de meilleures
technologies d'irrigation, de meilleures stratégies d'irrigation mais aussi de meilleures pratiques
agricoles comme le paillage qui réduira l'évaporation. Il y a beaucoup de mesures de ce genre qu'on
peut mettre en oeuvre dans le domaine de l'irrigation.
Si les gens critiquent ce concept d'empreinte aquatique, c'est parce que c'est une façon très globale de voir
les choses. Ce qui est intéressant, mais les problèmes d'eau sont souvent très locaux. Ce concept peut-il
vraiment nous aider à résoudre les problèmes là où ils se posent ?
De nombreux problèmes sont en effet locaux et doivent être partiellement résolus localement, mais ce
sont les acteurs internationaux qui jouent un rôle décisif. Comme dans de nombreux conflits
internationaux, ils peuvent investir dans la chaine d'approvisionnement. Ils peuvent aider les agriculteurs
auprès desquels ils s'approvisionnent à utiliser l'eau de manière plus efficace. De même, les
consommateurs se situent souvent ailleurs que les producteurs. S'ils sont plus sensibilisés, on obtiendrait
un processus international où on chercherait tous ensemble à réduire notre empreinte sur l'eau. On a
donc besoin d'une prise de conscience mondiale des consommateurs. Il existe de nombreux accords
internationaux entre les gouvernements pour la réduction de l'empreinte aquatique. Il y a donc
certainement une composante internationale.