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Préface
Michel Capron
Dans RSE et développement durable en PME (2012), pages 7
à 10

Chapitre

L orsque le concept de RSE (responsabilité sociale des entreprises) fit

son apparition en Europe dans le courant des années 1990, l’idée qui
prévalait était que ce concept concernait surtout les grandes
1

entreprises ; n’était-il pas d’ailleurs en français la

traduction/transposition de la locution anglo-américaine Corporate
Social Responsibility ? En 1993, Jacques Delors, alors président de la
Commission européenne, incitait les dirigeants des grandes entreprises
à adhérer à un réseau européen des entreprises pour la cohésion sociale
(European Business Network for Social Cohesion) qui deviendra quelque
temps plus tard CSR Europe rassemblant aujourd’hui les grandes
entreprises européennes les plus engagées dans des démarches
volontaires de RSE.

Mais la préoccupation de la place de l’entreprise dans la société, de son 2

rôle et de ses impacts avait déjà été présente dans quelques cercles de
dirigeants de petites et moyennes entreprises dès le début des
années 1990. Ainsi, le Centre des Jeunes Dirigeants (CJD) avait-il mené
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années 1990. Ainsi, le Centre des Jeunes Dirigeants (CJD) avait-il mené
une réflexion sur « l’entreprise citoyenne » et le Centre des Jeunes
Dirigeants de l’Économie Sociale (CJDES) en 1996-97 avait élaboré un
« bilan sociétal » destiné à l’évaluation des comportements sociaux et
environnementaux des entreprises du secteur. À la même époque, aux
États-Unis, BSR (Business Social Responsibility) regroupait des milliers
d’entreprises (PME pour la plupart) cherchant à promouvoir la RSE.

En 2001, la Commission de l’Union européenne publiait le premier texte 3

qui allait faire date et rester pendant de nombreuses années la référence
en Europe : le Livre Vert « Promouvoir un cadre européen pour la
responsabilité sociale des entreprises ». Ce texte ne fait pas de
distinction entre PME et grandes entreprises en ce qui concerne les
domaines d’application de politiques de RSE. Au contraire, il appelle
(p. 8) à ce que la RSE « soit plus largement appliquée dans les PME, y
compris les micro-entreprises, puisque ce sont elles qui contribuent le
plus à l’économie et à l’emploi ».

Si on a pu s’interroger pendant quelque temps sur la pertinence de la 4

promotion de la RSE dans les PME, cette question apparaît aujourd’hui
dépassée, le problème étant plutôt de savoir comment tenir compte de
leurs spécificités. Les lignes directrices ISO 26000 sur la responsabilité
sociétale des organisations abordent le sujet dans un encadré (p. 10 de la
version française) qui fut notamment demandé par la délégation
chinoise lors des négociations. Il met en particulier l’accent sur les
atouts dont jouissent les PMO​[1] en matière de responsabilité sociétale :

plus souple en termes de gestion, souvent en contact étroit avec les

acteurs locaux et disposant d’une influence plus directe de la direction
sur les activités de l’organisation. Le texte mentionne que les dispositifs
à mettre en place peuvent être plus informels et plus souples, qu’il faut
prendre en compte le contexte propre et les conditions dans lesquelles
opère l’organisation et que, si l’organisation est concernée par la totalité
des questions centrales énoncée par l’ISO 26000, elle ne l’est pas par
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des questions centrales énoncée par l’ISO 26000, elle ne l’est pas par
tous les domaines d’action. En outre, il est suggéré que les PMO se
fassent aider pour élaborer des guides pratiques et des programmes
d’action et qu’elles agissent collectivement avec des organisations
sectorielles et paires pour économiser des ressources et améliorer leur
capacité d’action.

Peut-être parce que les PME ont, plus que d’autres, des difficultés à 5
imaginer le « comment faire », les nombreux outils qui sont proposés
depuis une douzaine d’années leur sont principalement destinés : en
France, le bilan sociétal du CJDES, « Performance globale » du CJD,
devenu GPS, « Dynamique PME », SD 21000, AFAQ 1000NR, transformé
en AFAQ 26000, « Témoin Lucie », etc.

Les raisons qui amènent à considérer que les PME sont autant 6
concernées que les grandes entreprises par la RSE peuvent être
nombreuses. Si on estime généralement que les grandes entreprises
sont essentiellement motivées par le risque de réputation, on pourrait
penser que les PME, dont la visibilité est moins grande et le degré
d’exposition médiatique plus faible, peuvent se dispenser de mettre en
œuvre des démarches de RSE. En fait, il n’en est rien, car leur proximité

avec l’environnement, leur familiarité avec les acteurs locaux et leur

implication dans le maillage territorial leur confère au contraire une
responsabilité particulière qui peut aussi les rendre vulnérables.

Fondamentalement, comme toutes les entreprises, les PME sont 7

encastrées dans la société, au sens large, dans laquelle elles évoluent.
Elles n’existent, en droit et en fait, que par le contexte institutionnel qui
a permis leur naissance ; elles ne peuvent se développer que si elles
bénéficient d’une légitimité leur permettant d’acquérir toutes les
ressources pour exercer leur activité. Elles sont donc redevables
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(accountable) à l’égard de cette société, ce qui signifie qu’elles doivent être

en mesure de répondre de leurs décisions et de leurs activités non
seulement à leurs organes directeurs mais aussi aux autorités
[2]
constituées et à leurs parties prenantes​ . Les lignes directrices
ISO 26000 précisent que le principe de redevabilité s’exerce à l’égard des
impacts sur la société, l’économie et l’environnement. Cette idée
englobe le fait d’assumer une pratique fautive, de prendre des mesures
appropriées pour y remédier et de mener les actions permettant d’éviter
qu’elle ne se reproduise.

Si la RSE peut schématiquement être considérée comme la contribution 8

des organisations au développement durable, le mouvement de la RSE
se doit de prendre en compte toutes les entreprises. Comme l’écrit très
justement David Vogel : « Le fait qu’une société a volontairement adopté
des pratiques sociales et environnementales responsables ne signifie
pas nécessairement que le bien-être collectif est amélioré si toutes les
[3]
autres entreprises n’étaient pas dans l’obligation de le faire​ . » On
imagine mal en effet que le développement durable puisse progresser si
les pratiques de RSE n’étaient l’apanage que de quelques grands groupes

multinationaux. C’est pourquoi l’argumentaire consistant à privilégier

la compétitivité et la rentabilité pour inciter les entreprises à se
comporter de manière responsable​[4] va à l’encontre de l’objectif
recherché : il renverse l’ordre de la fin et des moyens en
instrumentalisant le développement durable au profit d’une
amélioration supposée de la performance économique, qui n’est
d’ailleurs pas validée par de nombreuses recherches effectuées sur le
sujet.

Cela dit, la spécificité des PME à l’égard de la RSE se doit d’être 9

soulignée. Elle est de plusieurs types. Tout d’abord, les obligations
légales qui font partie de la RSE, comme on a parfois trop tendance à
l’oublier, ne sont pas les mêmes. Par exemple en matière de
transparence, la loi française ne fait pas obligation aux PME de
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transparence, la loi française ne fait pas obligation aux PME de

présenter un reporting extra-financier aux organes de gestion de
l’entreprise.

L’impulsion vient souvent de la personnalité du dirigeant ; celui-ci étant 10

en plus grande fusion avec l’entreprise, il peut plus directement
impliquer son personnel en fonction de ses propres valeurs. On retrouve
alors des formes de RSE s’apparentant au paternalisme ou à ce que fut la
première vague de RSE aux États-Unis, après la Seconde Guerre
mondiale, autour du mouvement de « business ethics ».

Les PME sont souvent dans la sphère d’influence des grands groupes qui 11
sont leurs donneurs d’ordre ; soucieux de leur image de marque et des
conséquences néfastes qu’auraient des pratiques irresponsables de leurs
sous-traitants, ceux-ci sont souvent à l’origine de pratiques RSE des
PME ; ainsi les contraignent-ils, notamment dans les pays émergents, à
suivre des procédures de certification sociale.

Dans ces pays qu’on ne saurait oublier, le travail informel est fréquent 12
dans les PME. Cela pose un problème particulier pour développer des
démarches de RSE. La dernière révision des Principes directeurs de
l’OCDE à l’intention des multinationales, en 2011, s’y est attachée en
étendant l’applicabilité des recommandations aux travailleurs
temporaires ou à d’autres formes d’emploi indirect ou non formalisé.

Enfin, la question de la reconnaissance se pose différemment dans les 13

PME que dans les grandes entreprises. Pendant le Grenelle de
l’environnement, la CGPME a demandé que soit conçu un label destiné à
mettre en valeur les PME « responsables ». Ainsi, l’engagement n° 202 du
Grenelle de l’environnement prévoit l’instauration de « labels
d’entreprises responsables pour les PME, décernés à partir de l’expertise
d’organismes certificateurs indépendants et accrédités sur la base de
référentiels à élaborer en cohérence avec les référentiels
internationaux ». La loi dite Grenelle 1 a ainsi inscrit l’obligation pour
l’État d’appuyer « la création, pour les entreprises de toute taille, de
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l’État d’appuyer « la création, pour les entreprises de toute taille, de

labels attestant la qualité de leur gestion dans les domaines
environnementaux et sociaux et leur contribution à la protection de
l’environnement et la mise en place d’un mécanisme d’accréditation des
organismes certificateurs indépendants chargés de les attribuer »​[5]. Les
travaux préparatoires ont néanmoins révélé la difficulté de la tâche :
notamment la définition des critères de RSE, les méthodes d’évaluation
et la qualité et l’accréditation des auditeurs.

Derrière cette initiative, on trouve la promesse pour les entreprises qui 14

seraient labellisées d’obtenir des réductions d’impôt afin d’alléger les
coûts de mise en œuvre de politiques de RSE, d’avoir un accès privilégié
aux ressources financières, aux marchés publics ou aux aides publiques.

Dans tout ce contexte où les idées bouillonnent et où émergent de 15

nouvelles normes et de nouvelles formes de régulation, le présent
ouvrage est particulièrement bienvenu. Il présente, sous des angles
différents, ce qu’est la RSE des PME ou ce qu’elle pourrait être. À l’heure
où les tentations sont grandes de revenir à une idéologie « petite-
patronale », autoritaire, nostalgique des conditions de travail et de vie
du dix-neuvième siècle et qui a en horreur les syndicats, le code du
travail et l’affirmation de nouveaux droits sociaux, il est salutaire que se
fassent entendre d’autres voix.

Notes

Petites et moyennes organisations.

Selon la définition fournie par ISO 26000.

Vogel D., Le marché de la vertu, Paris, Economica, 2008, p. 236.

Ce qu’on appelle dans le jargon managérial, le « business case ».

Alinéa 9 de l’article 53 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009.

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Auteur
Michel Capron

Professeur émérite en Sciences de gestion

Président du RIODD (Réseau international de recherche sur les organisations et
le développement durable)

Mis en ligne sur Cairn.info le 27/11/2014

https://doi-org.proxy.bib.uottawa.ca/10.3917/dbu.courr.2012.01.0007

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