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Droit des collectivités territoriales

Droit des collectivités locales, Bertrand FAURE, 2016, Dalloz


Droit des collectivités locales, Virginie DONIER, Dalloz

Introduction
Le droit des collectivités locales brille par une sorte de destinée assez étrange. En effet, ce
droit, pendant des années, a fait l’objet de formidables débats politiques, juridiques, scientifiques qui ont
suivi la construction de l’État français. Au moment où cette décentralisation s’est concrétisée, après de
1982, celle-ci ne semble plus véritablement un enjeu.

Autour de la décentralisation à la française on a une sorte de consensus politique, mais aussi social.
On s’accorde sur le modèle de l’administration française. Les mouvements régionaux sont bien souvent
renvoyés dans les extrêmes.
On est dans une situation paradoxale parce que les collectivités locales sont aujourd’hui des institutions
majeures, et depuis 1982 et de la réforme constitutionnelle de 2003, elles ont une place importante dans
l’organisation administrative.
Par ailleurs, de plus en plus, ces structures tendent à se fondre dans une mécanique administrative au point
de devenir de simples rouages de l’État. Les éléments juridiques qui permettaient d’identifier les collectivités
locales sont en train de s’effacer.

On a également une crise départementale au point que certains d’entre eux annoncent leur
disparition. Cette crise des institutions locales est d’autant plus importante que ces collectivités sont de plus
en plus imprégnée par le modèle de l’entreprise.
Partie 1  : Histoire, concept et théories de la décentralisation

Chapitre 1  : La strate de l’âge féodal (1000-1330)

Il s’agit de la première grande période des collectivités locales. C’est une période particulière
dans l’histoire politique puisque l’État n’est pas vraiment présent vu qu’il apparaît plus tard. Politiquement
c’est une période où les pouvoirs sont partagés, et qui a connu une forte expansion démographique
et économique.
Les grands historiens de cette époque estiment que l’activité économique se développe à cette période.

Au delà de ces éléments économiques, politiques, on a aussi un fonctionnement qui se met en place
et qui repose sur la solidarité. Ces mécanismes de solidarité vont marquer les collectivités. Il s’agit d’un
fonctionnement communautaire très fort au point que pour faire parti de la communauté d’habitant il
fallait faire partie de la famille par le sang ou par le mariage.
Le rapport à la terre se met également en place à cette époque. Par ailleurs, parmi les institutions locales
qu’on voit apparaître, on a des structures qui préfigurent les communes et d’autres qui vont servir d’assise
aux départements et aux régions.

I. La ville médiévale.

A. L’origine du mouvement urbain.

La ville médiévale est chargée d’une résonance particulière et souvent on fait correspondre
l’origine de nos communes avec l’émergence des communes associées ou encore de communes
jurées. Les villes médiévales vont prendre des formes juridiques très différentes qui prennent la forme de
franchise ou de prévôtés pour les villes du Nord, des villes de consulats ou encore de communes pour
les territoires du Sud.

Il est certain que cette période correspond à l’explosion du mouvement urbain qui deviennent des
lieux attractifs, d’échanges et de contacts. Ces villes se constituent d’une manière anarchique. Dans un
premier comme différentes communautés de marchands, d’industriels mais aussi religieuses ou tout
simplement de familles.
Pour faire le lien avec notre époque, on voit que les villes ressemblent aux villes d’aujourd’hui où les
commerces sont à l’extérieur des remparts, et où on a un système de gestion éclatée de la ville.

Ce fonctionnement va se transformer, se modifier avec l’apparition des marchands et des


bourgeois qui vont progressivement prendre le pouvoir. Ce sont des acteurs économiques qui
développent le commerce et qui vont construire l’unité des villes médiévales. Ils prennent le pouvoir
pour mieux organiser la ville et pour mieux négocier avec les Seigneurs et le Roi un statut pour sécuriser le
fonctionnement de ces villes.
La forme juridique qui va consacrer cette évolution est la commune jurée, la commune associée qui va
réunir dans une entité juridique les membres de la communauté, par un serment, et où cette structure
sera distincte. On voit apparaître une structure juridique distincte de ses membres.

B. Les caractères de la ville médiévale.

Ces caractères sont multiples :


• L’autonomie : on voit des structures qui cherchent à se gouverner toutes seules, à
s’administrer librement. Elles essayent d’avoir une gestion autonome des intérêts collectifs. C’est
à cette période qu’on voit apparaître l’idée d’une administration des collectivités. Les collectivités
vont donc pouvoir fixer leurs propres lois. Cette administration se construit dans un rapport de
forces les autres institutions de pouvoirs mais il y a l’idée que ces communes vont pouvoir fixer
un certain nombre de réglementations pour gérer des services collectifs. Cela entraîne un
système fiscal propre à chaque collectivité et un système de justice. Cette gestion autonome ne
signifie pas forcément une gestion publique. Le but des marchands est d’échapper aux contraintes
extérieures et de faire face aux flux de populations. Le but n’est pas d’organiser la ville selon le
modèle grec de l’Agora sur la place publique. Ce sont des associations de bourgeois qui sont tenus
par un serment et par un régime d’obligations solidaires.
• Le système de l’élection : pour désigner les personnes chargées des différentes
responsabilités dans la ville on utilise le système de l’élection qui s’oppose directement au
système féodal qui procède par le mode du lignage, de la descendance. Le système d’élection
permet de faire apparaître de nouvelles catégories d’acteurs politiques qui vont pouvoir imposer leur
autorité. L’élection fonctionne essentiellement grâce au système de clientèle

II. Le pays, la province : identité longue et coutume.

Ce sont les autres formes territoriales qui vont marquer cette période et qui peuvent encore
aujourd’hui servir de point de départ aux départements et aux régions. Ces structures ne sont pas des
structures communautaires, ce sont des zones géographiques qui se constituent pour des raisons
économiques et en fonction des contraintes du terrain.
Ces structures vont progressivement se construire par la mise en place de réglementations communes
élaborées dans le cadre d’Assemblées réunies plus ou moins régulièrement et qui vont fixer
progressivement un arsenal de réglementations et de pratiques, de privilèges qui vont faire leur particularité.

Ces structures sont plus importantes et elles vont fonctionner quasiment jusqu’au développement de
la Monarchie absolue (XVIIeme siècle) et dans un rapport très ambigu par rapport à l’État.

Conclusion
On voit se mettre en place les principes d’autonomie et d’élection dans les villes médiévales
ainsi que les rapports avec l’État. Ces structures vont connaître une évolution différente. Les
coutumes et les villes vont connaître une crise très importante à la fin du Moyen-Age pour trois
raisons (la peste, la Guerre de 100 ans, et la crise économique qui en découle). D’autant plus que le
pouvoir royal va se développer et qui va progressivement réduire le pouvoir de ces villes.
L’histoire des pays est plus complexe puisque ses structures vont mieux résister aux contraintes
économiques, politiques. Il faudra attendre le développement de la Monarchie absolue pour voir leur
effacement.
Chapitre 2  : Les collectivités locales soumises à la raison d’État, la strate de l’âge classique

L’absorption des structures territoriales dans l’État ne résulte pas de crises économiques ou
sociales. Elle est le produit de la mise en place d’une nouvelle logique pour penser les relations sociales.

Section 1 : La rationalisation du local.

Il s’agit de la caractéristique de cette strate car c’est le principe de raison qui va jouer un rôle
essentiel pour organiser la société. Selon Leibniz « Rien n’est sans raison  ». Ce principe conduit un
nouveau mode de gouvernement et va entraîner une nouvelle forme de représentation du territoire.

I. L’art de gouverner.

Ce nouvel art de gouverner est lié à l’apparition de l’État et c’est d’abord au sein de l’État qu’il se
manifeste. Décrire la formation historique de l’État est difficile, mais identifier les nouveaux principes
d’organisation du pouvoir est beaucoup plus facile. On peut voir apparaître cette nouvelle logique
principalement avec deux auteurs qui sont Machiavel et Bodin.

Machiavel est celui qui va opérer la rupture la plus franche et qui va poser les nouvelles
bases du fonctionnement de l’État. Il nous dit qu’il faut couper, établir une césure entre la citée des
hommes et la citée des Dieu et il va estimer que l’organisation de vie sociale appartient aux humains.
Il va venter la force, l’audace des grands fauves. Autrement dit, dans un monde sans idéal, il faut organiser
la vie publique comme on peut, grâce aux stratagèmes, aux ruses, voire aux mensonges pour gouverner. Il
dessine donc un nouvel art de gouverner.

Ce nouvel art de gouverner va s’appuyer sur un autre concept mis en avant par Bodin, il s’agit du
concept de souveraineté. L’État n’est plus une organisation politique qui rend la justice, l’État c’est celui
qui fait la loi et le souverain est bien celui qui va être la source unique du pouvoir.
A partir de là on va avoir une nouvelle organisation du pouvoir qui sera centralisée et où on voit
apparaître un principe essentiel pour la décentralisation, c’est le principe d’unité.

II. L’émergence du territoire.

La nouvelle logique qui se met en place avec l’émergence de l’État s’appuie sur une
transformation de la représentation à partir du XV eme siècle. Cette représentation se fait par une
perspective, il s’agit d’abord d’une technique picturale qui sert à faire des tableaux qui permettent de
représenter d’une manière scientifique la réalité.
La perspective permet de créer des cartes afin de rationaliser le rapport à l’espace et d’organiser
géographiquement l’espace. On voit apparaître la notion de territoire, qui est un espace représenté d’une
manière géométrie et sur lequel le Roi va pouvoir exercer sa souveraineté.

Cette perspective va avoir des conséquences juridiques puisqu’elle va permettre au pouvoir royal de
réorganiser les territoires. La commune va réorganiser avec une loi de 1789 et le département avec une
loi de 1790. Ce moment particulier est celui de la Révolution française où on voit apparaître d’une part
la commune et d’autre part le département. Ces communes et départements conduisent à une nouvelle
division du Royaume où d’une part toutes les structures territoriales de l’Ancien Régime sont fondues dans
le modèle de la commune, et d’autre part on voit émerger le département qui symbolise cette nouvelle
division.

Section 2 : L’émergence progressive des collectivités décentralisées.

Hauriou explique qu’après que l’État ce soit rééquilibré avec les structures territoriales, celui-ci va
imposer son autorité jusqu’à éliminer les anciennes structures territoriales de l’Ancien Régime. Il
nous dit que « quand les institutions primaires sont totalement éliminées, l’État est obligé de reconstituer
avec sa propre substance une équilibre de superposition en décentralisant au-dessous de lui ».
Cette phrase résume toute l’histoire de la décentralisation qui montre que l’État, lorsqu’il veut se
développer, est obligé de produire de la décentralisation et de se reproduire dans les structures territoriales.

I. La IIIeme République et la mise en place des principes de la décentralisation.

L’émergence de la IIIeme République est un moment charnière de l’histoire. Tout le XIX eme siècle est
marqué par un retrait de l’État avec une stabilité juridique remarquable établie par le Code civil. Cette
stabilité juridique va se fissurer avec le développement de l’État à partir de 1860 qui doit répondre à un
certain nombre de problèmes économiques et sociaux.
La IIIeme République se retrouve dans un contexte politique difficile, elle est menacée par les
monarchistes et par ailleurs elle doit sécuriser la société après la défaite contre les prussiens en 1870 et
surtout après un phénomène historique qui est le phénomène de la commune. Ce phénomène a vu Paris se
soulever et demander de construire une société où les villes allaient s’autogérer.

L’État doit se développer, imposer les principes républicains sur l’ensemble du territoire sans se
fragiliser. On a donc deux lois
• 1871 : loi de transition qui consolide le département.
• 1884 : une grande loi qui pose les principes de la décentralisation et opère un basculement
véritable dans l’État.

A. Le principe de l’élection.

1. Historique.

L’idée que les collectivités territoriales doivent être organisées par l’élection n’est pas récente. Dès le
Moyen-Age c’est un mécanisme utilisé pour permettre à une nouvelle catégorie sociale de prendre le
pouvoir et d’échapper au système traditionnel du lignage qui veut que le fils reprenne les fonctions
du père. On va donc mettre en place un système différent, il s’agit de l’élection.
Dès la Révolution française on retrouve le système de l’élection et dès la Constitution de l’an I ce
système préfigure. Ce principe qui va fonctionner va être effacé par Napoléon puisque ce sont les préfets qui
vont nommer les membres des conseils locaux.
Ce principe va être discuté tout au long du XIX eme siècle. Selon les lois de 1831 et 1833 on pose le
principe de la personnalité juridique des communes et des départements et qui nous dit que le
conseil municipal sera élu par un dixième de la population.

Avec le début de la IIIeme République, les lois de 1871 vont réintroduire pour les communes et
les départements en urgence le principe de l’élection puisqu’il est urgent pour l’État de trouver une
nouvelle génération d’acteurs politiques qui prennent en charge la vie locale. Ce principe de l’élection
va être consacré par la loi du 5 avril 1884 posant le principe de l’élection des assemblées locales au
suffrage universel direct avec un scrutin de liste et un mandat de six ans. La seule particularité concernant
les départements est que l’exécutif du département sera maintenu au profit du Préfet.
On voit bien que l’élection, au niveau local, est un moyen objectif de désigner des responsables qui
vont servir de relais à une politique nationale. Au moment de la Révolution française, le but est de trouver de
nouveaux acteurs politiques contre le système en place. Le système de l’élection locale n’est pas pour créer
des représentants de la collectivité, on cherche un acteur politique pour mettre en place des politiques
publiques.

2. Le régime des élections aujourd’hui.

Ce principe de l’élection se retrouve au niveau de la Constitution puisque l’Art.72-1 de la


Constitution prévoit que les collectivités territoriales s’administrent librement en conseil d’élus. A
partir de là on a différents modes de scrutin qui sont utilisés. Pour les élections régionales on a, depuis 2004,
un scrutin proportionnel de liste à deux tours avec une prime majoritaire.

Pour les élections départementales, depuis 1833, on avait un scrutin uninominal majoritaire à deux
tours dans le cadre de cantons. Depuis 1990 on a essayé de faire des réformes qui ont été plus ou moins
remises en cause. En 2010, le Gouvernement va tenter un mode d’élection assez original puisqu’il
prévoit désormais que l’élection servira à désigner des conseillers territoriaux qui vont siéger à la
fois au Conseil général et au Conseil régional.
Le Gouvernement de Hollande a abrogé la loi de 2010 en 2013. Cette nouvelle loi met en place un scrutin
particulier où désormais au niveau du département on va élire un binôme homme/femme avec un scrutin
majoritaire à deux tours. Le but est de réduire la nombre des cantons, toutefois le nombre de scrutin
demeure.

Pour les élections municipales, la loi du 17 mai 2013 donne l’idée que pour les petites
communes (moins de 1000 habitants) c’est un scrutin plurinominal avec panachage. Pour les autres
communes, on a un scrutin proportionnel de liste avec une prime à la majorité.

Conclusion
Ces systèmes d’élection ont pour but de construire des majorités stables dans les Conseils
locaux qui permettent aux exécutifs de fonctionner avec une tranquillité politique remarquable. Ces
assemblées locales ne sont pas là pour essayer de représenter une diversité d’opinions en donnant
notamment un statut à l’opposition. La grande différence avec les assemblées nationales c’est qu’il n’y a
pas d’opposition dans les assemblées locales.

B. La clause générale de compétence.

Il s’agit du deuxième grand principe issu de la décentralisation de la IIIeme République et des lois
de 1871. Ces textes consacrent que les Conseils locaux règlent par leurs délibérations les affaires
d’intérêts locales. Ces textes se retrouvent encore aujourd’hui pour la commune dans l’Art.L2121-29
Code général des collectivités territoriales, ce principe a été supprimé pour le département et la région
par l’acte 3 de la décentralisation.
Ces textes reconnaissent aux Conseils locaux une marge d’action dès lors qu’il y a un intérêt
local. Le premier intérêt de ces textes est de renforcer les pouvoirs du Conseil. Dans l’esprit du législateur
l’idée est de faire échapper les collectivités locales au contrôle de l’État. Ce texte a été interprété par le
Conseil d’État d’une manière assez libérale en reconnaissant aux communes et aux départements une
marge d’action en dehors des textes législatifs, des missions attribuées par l’État une commune ou un
département peut donc avoir une politique publique dès lors que celle-ci ait reconnu un intérêt local.

Dès 1901, le Conseil d’État va consacrer cette idée dans l’arrêt Casanova. C’est un principe qui
va être consacré par le juge administratif et qui va permettre aux collectivités de remplir un ensemble
de mission non prévues par les textes. Cette loi générale de compétences ouvre un champ d’action très
large aux collectivités et qui leur permet d’agir dans les domaines auxquels on avait pas pensé. Sur le plan
de la technique administrative cette loi est importante puisque pendant plus d’une centaine d’années
elle a permis de distinguer les collectivités locales des établissements publics qui sont aussi une autre
forme de décentralisation administrative.

C. Un contrôle de tutelle.

C’est un principe essentiel consacré par la loi de 1884 qui permet un nouveau mode de relations
entre l’État et les collectivités locales. Sur le plan des principes on va estimer que les collectivités
locales ne sont plus dans l’organisation hiérarchique de l’État mais elle va être seulement soumise à un
contrôle de légalité qui porte sur les actes juridiques des collectivités locales.
Depuis la Révolution française, le Préfet pouvait nommer des exécutifs locaux mais il était le
supérieur hiérarchique puisqu’il avait un pouvoir d’instruction, de réformation, et d’annulation des
actes juridiques locaux pour des raisons d’opportunité et de légalité.

Avec la loi de 1884, on modifie le système puisque le Préfet ne peut qu’annuler les actes qu’il
estime illégaux. Cela veut dire que si la commune n’est pas d’accord avec l’annulation du Préfet, elle
peut saisir le Tribunal administratif et demander l’annulation de la décision du Préfet. Ce principe est
consacré dans l’arrêt Commune de Saint Blancard de 1911.
Ce principe de légalité de contrôle de tutelle est important puisqu’on va considéré qu’il est un
élément clé de la définition de la décentralisation. Selon Eisenmann la tutelle est la « clé de voûte de la
décentralisation ». Cela permet de montrer que la collectivité a une autonomie puisque le contrôle de
tutelle ne peut être qu’exceptionnelle car il n’existe que si il y a un texte. Selon un adage « pas de
tutelle sans texte, pas de tutelle au-delà des textes ». De plus, par conséquent, ce contrôle de tutelle devient
neutre politiquement. Le Préfet n’est pas là pour apprécier une politique locale, c’est juste un gardien de
légalité.
Cette tutelle a un domaine précis qui concerne les actes juridiques et elle ne peut pas porter sur les
personnes. Le pouvoir d’action contre les élus n’intervient donc qu’en cas de désobéissance
particulièrement grave.
Enfin, c’est un contrôle qui s’exerce uniquement par le Préfet sur les collectivités locales. L’intérêt est
double. D’une part, au niveau de l’État, une autre autorité ne exercer un contrôle sur les communes. D’autre
part, une collectivité locale ne peut pas exercer un contrôle sur une autre collectivité.

Aujourd’hui ce principe pose problème puisqu’on aimerait que la région soit un peu le pilote d’une
politique régionale. Ce principe de tutelle est essentiel, il voit le jour pendant la III eme République et il perdure
encore malgré la réforme de 1962 qui supprime le terme de tutelle.

D. La soumission au droit public.


C’est un principe qui n’est pas souvent mis en avant et passé sous silence. Il faut se souvenir
qu’à l’origine les collectivités territoriales étaient des associations qui relevaient du droit privé , et au-
delà de ce statut d’association le fonctionnement était privé. Cela veut dire que c’est un fonctionnement qui
n’était pas visible.
Au moment de la Révolution française, cela ne change pas et les décrets nous disent que les
municipalités font parties du Royaume mais n’appartiennent pas à la sphère publique. On situe ces
structures à mini-chemin entre la famille et l’État. En 1831, lorsqu’on attribue la personnalité juridique
aux communes et aux départements on considère que ce sont des associations de citoyen. En cela,
c’est donc le juge judiciaire qui était compétent et on appliquait les règles de droit privé.

En 1870, ce système va perdurer puisqu’on voit l’intérêt que le juge judiciaire est proche du citoyen
et des élus locaux. Alors qu’il n’y a qu’une seule juridiction administrative, le Conseil d’État, on a un maillage
de juridictions judiciaires qui restent compétentes pour gérer les collectivités locales. Ce développement du
droit administratif en 1873 ne va pas modifier les choses.
C’est à partir du droit du XX eme siècle que le contentieux des collectivités va basculer vers le
juge administratif à travers l’arrêt Terrier qui est l’acte de naissance du service public. Cette décision est
confortée par l’arrêt Feutry du Tribunal des conflits en 1908. Cet arrêt marque le basculement du
contentieux des collectivités locales dans le contentieux administratif. Cela va permettre au droit administratif
de se développer puisque l’État va augmenter sa surface d’action.

II. Les grandes lois de décentralisation de 1962 a 1963.

On peut se demander pourquoi il a fallu à nouveau décentraliser. Les textes de la IIIeme


République donnaient une marge de manœuvre importante aux communes et aux départements et
les principes de décentralisation étaient posés. Les structures territoriales vont rester dans l’ombre de
l’État et que, sauf crise majeure, elles sont pensées comme des prolongements de l’État.
Très vite, ces structures locales vont voir leur marge de manœuvre grignotée par leur État
providence qui intervient de plus en plus dans tous les domaines , créé de nouvelles administrations et
conduit donc les collectivités locales à jouer un rôle subsidiaire.

On a un repli progressif qui est lié au développement de l’État providence et qui va


nationaliser l’intérêt local. Peu à peu, on voit se développer l’État central. A ce mouvement de
centralisation les tentatives de décentralisation seront très rares. Ces tentatives vont complètement
échouer.
A la sortie de la guerre, Eisenmann dit qu’en France on est plus vraiment un État décentralisé
mais plutôt un État semi-décentralisé. On ne parle de décentralisation mais de rapport entre le centre et
la périphérie. Cette question de la décentralisation va réémerger à partir 1968 où l’État souhaite réagir
puisqu’on s’aperçoit que l’État ne peut pas tout faire. On voit apparaître l’idée de participation et donc le
développement de structures locales, d’autant plus que la France entre dans une crise économique à
partir de 1973.
Cette réforme de la décentralisation ne peut pas avoir lieu puisque le Président de l’époque n’aura plus de
majorité au Parlement.

A. Les grandes lois de décentralisation.

Ces lois apparaissent dans un contexte particulier de crise et une nécessité d’inscrire
réellement une décentralisation qui va permettre de mobiliser les énergies locales. Le but n’est pas de
créer un pouvoir local et des structures locales démocratiques, mais plutôt de faire en sorte que l’État
fonctionne mieux.
Cela se traduit par trois grandes avancées concrètes.

Les lois de 1982 et 1983 vont consacrer la place de la région et du département. L’idée de créer
des régions est ancienne, et elle a resurgit sous Vichy. Puis elle a été relancée à partir des années
1960. Cela conduit à une loi du 5 juillet 1972 qui consacre la région sous la forme d’un établissement
public.
La loi du 2 mars 1982 va plus loin puisqu’elle transforme cet établissement public en véritable
collectivité territoriale, et où l’Assemblée locale sera élue au suffrage universel. Le but n’est pas de faire un
pouvoir régional mais d’avoir des espaces permettant de coordonner les politiques locales.

On a également un renforcement du rôle du département. En 1982, désormais le Préfet n’est


plus l’exécutif du département, mais il est élu par l’Assemblée locale. On voit bien que le département va
prendre son autonomie. Par la suite, le département sera le principal bénéficiaire du transfert des
compétences, il va jouer un rôle moteur à partir de 1982.
La réforme de 1982 et surtout les lois de 1983 vont opérer un transfert concret des compétences
au profit des collectivités territoriales. La volonté du législateur est de déterminer clairement le rôle de
chacun et cela de manière très pragmatique. Il opte donc pour une loi de répartition des compétences en
transférant des domaines très importants (école, culture, économie, actions sociales…).
C’est une étape importante qui va s’accompagner de 1982 à 1988 avec plus de cinquante textes qui
transferts les compétences. On va transférer avec trois principes directeurs fixés dès 1983.
• Art.2 de la loi du 7 janvier 1983 : les transferts ne peuvent permettre à une collectivité
d’exercer une tutelle sur une autre collectivité.
• Le transfert du bloc de compétences : cela veut dire qu’un domaine doit être affecté à une même
catégorie de collectivité.
• Art.19 de la loi du 7 janvier 1983 : le transfert de compétences doit s’accompagner de transfert de
moyens. On vise des moyens financiers, techniques. L’idée est que le transfert n’est pas un simple
retrait de l’État et qu’il doit aider le transfert. Ce principe va avoir des effets très concrets, puisqu’on
va créer une fonction publique territoriale et on met au service des collectivités les services de l’État.

B. La constitutionnalisation du droit des collectivités locales.

C’est une réforme qui se fait sans trop de principes. Toutefois, cette décentralisation va se faire
d’une manière accompagnée par le juge constitutionnel. Depuis la Révolution française on trouve des
dispositions assez rares concernant les collectivités territoriales. En 1946 le constituant est allé plus loin
puisqu’il consacre un titre complet au profit des collectivités territoriales et il constitutionnalise le
principe de libre administration des collectivités territoriales . Selon l’Art.87 de la Constitution de 1946
« Les collectivités territoriales s’administrent librement en conseil élu ».
En 1958 on reprend ce principe à l’Art.72 alinéa 2 de la Constitution de 1958 « Les collectivités
territoriales s’administrent librement en conseil élu dans les conditions prévues par la loi ».

Jusqu’à la fin des années 1970 ce texte était dépourvu de portée juridique. Il faut attendre une
décision de 1979 pour que le Conseil constitutionnel consacre ce principe dans une décision du 23 mai
1979. Cette décision est suivie par une seconde décision du 20 janvier 1984 où le Conseil
constitutionnel censure une loi qu’il considère contraire au principe de libre administration.
Le mouvement de décentralisation pense trouver dans un principe une clé juridique pour asseoir le
pouvoir local. Certains auteurs reconnaissaient à ce principe une liberté locale aux collectivités territoriales et
qui s’accompagnait d’un pouvoir normatif propre au profit des collectivités.

Le Conseil constitutionnel a fait de ce principe une véritable liberté fondamentale qui permet
notamment à n’importe quel citoyen de faire une QPC. La décentralisation s’est appuyée sur ce principe.
Il reste que ce principe a très vite montré ses limites et on s’est aperçu que son contenu était faible. On
s’aperçoit que lorsqu’on regarde la jurisprudence du Conseil constitutionnel, ce principe va avoir une
portée juridique très réduite.
La portée juridique principale est que l’Art.72 alinéa 2 de la Constitution de 1958 confère au
législateur une compétence en matière d’administration.

Le juge va, à partir de là, dans sa jurisprudence, dégager une sorte de principe de
proportionnalité selon lequel le législateur ne peut réduire la liberté d’action des collectivités locales
que si un motif d’intérêt général le justifie. A partir de là, ce principe de proportionnalité permet au
Conseil constitutionnel de justifier toute atteinte à la liberté des collectivités.
Chapitre 3  : La post-modernité

Il semble que le droit des collectivités locales, depuis une trentaine d’années, répond à une autre
logique. Elle tend à rapprocher les collectivités locales de la sphère privée. Il y a un brouillage des principes
de la décentralisation.

Section 1 : Une nouvelle configuration des institutions territoriales  : entre déterritorialisation et
privatisation.

Dans le processus de déterritorialisation, les collectivités ont été produites par l’État comme
un prolongement de ce dernier. Leur territoire est fixé par l’État, leur mode d’organisation est souvent un
prolongement de l’État et leurs compétences sont données par l’État.
Il semble toutefois qu’il y ait une autre logique qui se soit mise en place à côté et qui remet en cause
la manière dont on se représente les collectivités territoriales, et comment on va les organiser. Le territoire
quadrillé de l’État tend à s’effacer au profit de développement d’institutions fonctionnelles.

Il se met en place une nouvelle logique où il faut penser de plus en plus la structure publique en
terme de libéralisme économique, de rentabilité et de performance. Ce mouvement n’est pas récent, et Karl
Polany montre qu’un moment l’économie n’est plus capitaliste où on a une sphère publique et une sphère
privée, mais une économie de marché. Dans l’économie de marché, le territoire devient un obstacle et il faut
développer des structures qui permettent la circulation des marchandises, des hommes .
L’idée même de collectivités territoriales devient problématique dans cette nouvelle logique. Cette
nouvelle configuration permet de penser que la solution est le développement de la sphère privée qui sera
plus à-même à s’adapter à ces nouvelles configurations.

I. Une dé-publicisation des collectivités locales.

Les outils du droit privé sont de plus en plus utilisés par la sphère publique.

A. La transformation des relations juridiques entre l’État et les collectivités locales  : la


contractualisation.

Le processus de décentralisation passe par la loi et d’ailleurs le principe de libre administration


le prévoit. Aujourd’hui on assiste à un changement des relations où l’État est pensé comme un partenaire
d’un jeu institutionnel ouvert. C’est pourquoi, désormais, une grande partie des relations juridiques se fait par
le biais du contrat.
Ce processus apparaît dès les années 1970 pour doter les collectivités d’une autonomie
d’actions plus large. Mais il va bien sûr s’amplifier d’une manière assez spectaculaire à partir des années
1980 au point qu’un certain nombre de compétences, comme de flux financiers, sont désormais transférés
par le biais du contrat. Aujourd’hui, il faut savoir qu’il existe trois types de contrats emblématiques.
• Le contrat de plan État-région (CPER) : c’est un document négocié entre l’État, la région et
d’autres auteurs locaux qui permettent de programmer sur plusieurs années des créations
d’infrastructures et des filières d’avenir. Ces contrats, d’une durée générale de sept ans, ont pour but
de réaliser des projets relatifs à l’aménagement du territoire et le développement de
politiques particulières de pointes.
• Les contrats de villes : ils sont mis en place par la loi du 10 juillet 1989. L’idée est de permettre des
interventions dans les domaines de l’habitat, le transport, la culture et les services sociaux.
Ces contrats vise la mise en œuvre le développement de politique, de renouvellement urbain.
Cette idée est renforcé puisqu’on parle aujourd’hui de contrat de cohésion sociale. Le législateur
a essayé de faire de ces contrats des contrats qui associent un certain nombre de partenaires
intéressés par les politiques de la ville. Tout cela est piloté par le Préfet qui encadre la rédaction du
contrat. Ces contrats dépassent le cadre de la commune puisqu’ils sont pensés à l’échelle de la ville
et regroupent des acteurs privés et des acteurs publics.
• Les contrats de pays : les pays sont des structures créées par une loi du 4 février 1995. Elles
doivent permettre le regroupement de différents acteurs sur une zone géographique plus large
qu’une ville.

C’est un mouvement qui va plus loin que les collectivités territoriales puisque les relations entre
les collectivités peuvent faire l’objet de contrats. En effet, la région peut passer un contrat avec une
ville par exemple. On voit donc que la relation contractuelle se développe jusqu’au point que le
législateur consacre dès 2005 la possibilité que les collectivités territoriales pouvaient passer des
conventions de coopération décentralisées qui permettent aux collectivités françaises d’engager des
relations contractuelles avec des collectivités étrangères.
On voit bien que l’État a abandonné avec ces conventions une part de sa souveraineté,
notamment celui de signer des conventions internationales.

B. L’externalisation des services publics locaux.

La collectivité locale est chargée de gérer un certain nombre de services publics, qui
pouvaient être purement administratifs comme la gestion de l’urbanisme, mais qui pouvaient avoir une
dimension économique. Traditionnellement, la commune a eu recours à des structures privées pour gérer
des services publics locaux.
Par exemple, depuis le XIXeme siècle une grande partie des communes avaient transféré la
gestion de l’eau. Simplement, à partir des années 1980, ce recours à des structures privées s’est amplifié
pour plusieurs raisons. D’abord pour des raisons pratiques, les communes ne pouvaient pas tout faire.
Ensuite pour des raisons idéologiques, certains estiment que le secteur privé est plus performants
que le secteur public.
Les collectivités ont externalisé leurs services vers des associations ou des sociétés chargées
de mettre en œuvre des politiques locales. L’intérêt de ce recours pour une commune est que cela
permet de faire sortir la gestion de ce service du budget.

Le législateur est venu accompagné ce processus en créant 2 types de structures.


• La société de communautés mixtes locales en 1983 qui permet aux communes de créer des
structures pour gérer un équipement.
• Loi du 28 mai 2010 : le législateur permet la création de sociétés publiques locales ayant
entièrement un capital public pour réaliser des aménagements publics.

Conclusion
Cette dé-publicisation ne soulève pas de problème en tant que tel, elle peut même se comprendre
au regard de l’histoire des collectivités qui sont des structures hybrides, à mi-chemin entre la
sphère publique et la sphère privée.
Toutefois cela rend beaucoup plus opaque l’organisation administrative française. En effet, les
contrats négociés entre l’État et les collectivités sont négociés dans le plus grand secret, alors que la loi est
débattue publiquement. De plus, le contrôle de ces structures privées est problématique. Enfin, notamment
pour la contractualisation, on s’interroge sur la portée juridique exacte de ces contrats.

II. La déterritorialisation des collectivités locales.

L’ordre territorial se fixe progressivement et notamment avec la Révolution française avec un


système qui s’appuie sur les départements et des structures territoriales uniformes. Aujourd’hui, on a vu se
multiplier de nombreuses structures, publiques ou privées, qui remplissent des missions administratives et
qui fonctionnent sur le mode du réseau. Ce système de réseau s’appuie sur le développement des
structures privées et la contractualisation.
Mais il a été accentué par deux phénomènes qui sont le développement d’une politique de
coopération fonctionnelle et la transformation de la notion de compétence publique.

A. Le développement d’une politique de coopération fonctionnelle.

L’idée de coopération date de 1837 où le législateur essaie de favoriser la coopération entre les
communes pour gérer les biens et mettre en œuvre des travaux. Ce mouvement s’est amplifié avec la
décentralisation sous la IIIeme République avec pour principal objectif de permettre la réalisation de projets
complexes qu’une simple commune ne pouvait pas réaliser.
A partir des années 1960, l’idée était que ces structures devaient permettre de limiter, de
regrouper des communes et de modifier la carte communale. On espérait que cela débouche sur une
fusion de communes. Ces coopérations pouvaient prendre des formes juridiques diverses (associations
ou sociétés, établissements publics de coopération intercommunale).

Aujourd’hui, on a un certain nombre de structures qui se mettent en place. Il s’agit des communautés
urbaines, des communautés de communes depuis la loi du 6 février 1992, des communautés
d’agglomération depuis la loi du 22 juillet 1999, et des métropoles depuis la loi du 27 janvier 2014.
Ce sont des structures hybrides puisqu’elles sont fortement marquées par l’État au moment de leur
création au point que la loi du 27 janvier 2014 donne des pouvoirs considérables aux Préfets pour dessiner
les périmètres de ces structures. On voit l’idée que toutes les communes de France doivent être intégrer
au principe d’administration.
Elles sont hybrides, d’autre part, puisque les textes juridiques ne parlent pas de territoires, mais
simplement de périmètres. Cette nuance a des conséquences parce que le périmètre, par définition, est
beaucoup plus souple à aménager.
Également, on a attribué à ces structures des compétences qui sont souvent définies d’une
manière assez floue.
Enfin, concernant le mode de désignation et d’organisation de ces structures, il a fallu attendre
de 2010 pour voir apparaître un mode de suffrage universel de ces structures malgré qu’elles existent
depuis un certain temps.

Il faut savoir qu’au delà de ces établissements publics, le législateur a multiplié la création de
structures qui se superposent aux collectivités locales pour gérer une politique particulière. C’est le
cas des pays qui ont été créés par la loi du 4 février 1995. En cela les pays pouvaient prendre la forme
juridique qu’on voulait et ils étaient là pour pour gérer une zone géographique cohérente.
C’est aussi le cas des parcs régionaux, des parcs marins.

B. De la transformation de la notion de compétence publique.

Les compétences des collectivités ont été pensées comme des transferts d’attribution de
l’État vers la périphérie, et qui se concrétisait par une habilitation juridique à exercer une mission
particulière.
Là aussi on a pu constater un glissement, à une évolution qui peut se manifester de deux manières.
Premièrement, dès 1982, les collectivités territoriales ont été soumises à une sorte de principe de
quo-responsabilité se traduisant dans la loi du 7 juillet 1983 marquant le lancement du transfert des
compétences vers les collectivités.
L’Art.1 de cette loi montre bien l’évolution montre bien l’évolution puisqu’il prévoit que les collectivités
locales « concourent avec l’État à l’administration et l’aménagement du territoire, au développement
économique, social, sanitaire, culturel et scientifique ». Par ailleurs, cette loi impose une sorte de quo-
responsabilité des acteurs locaux. De ce fait, l’action locale, quel qu’elle soit, est toujours pensée
conjointement avec d’autres acteurs locaux.
Deuxièmement, il y a une transformation de la manière dont on rédigeait les compétences. En
effet, une collectivité n’exerce plus une attribution précise, mais elle remplie des fonctions. Par exemple, en
1983 on confie aux communes le droit de l’urbanisme et on permet au Maire d’autoriser ou d’interdire
les constructions sur son territoire. On assiste à une évolution où le plan d’occupation du sol a évolué et
il est devenu un instrument de planification du développement durable de la commune.
Le Maire doit donc faire en sorte que la manière dont il va construire participe d’un projet de
développement durable de sa commune. Toutes les compétences sont donc pensées dans une
logique économique.

Section 2 : Les dernières étapes de transformation du droit des collectivités locales.

I. La réforme constitutionnelle du 28 mars 2003.

En 1958 le constituant prévoit un titre dans la Constitution consacré aux collectivités


territoriales, mais le texte était assez lacunaire puisqu’il reconnaissait le principe de libre administration
des collectivités territoriales mais le contenu était vague.
A la suite des réformes de décentralisation de 1982 et 1983, s’est posé progressivement la question
d’un renforcement constitutionnel du statut des collectivités locales. D’autant plus que le Conseil
constitutionnel, sur la base du texte de 1958, avait bloqué certaines réformes qui concernaient la Corse.

A partir de la fin du XX eme siècle, on voit un double objectif qui est à la fois le renforcement de
l’autonomie, mais aussi la clarification des compétences. A la suite de l’élection de Jacques Chirac
en 2002, le Gouvernement de Rafarin s’engage dans ce travaille et va proposer un acte II de la
décentralisation avec une réforme constitutionnelle et une série de lois afin de concrétiser une nouvelle
étape dans la décentralisation.
Le projet de texte était très ambitieux. A la suite de la discussion au Parlement, il va être un peu
amoindrie mais on voit une réforme importante du texte qui renferme des potentialités juridiques
remarquables.

A. L’analyse du texte.
Le texte apporte des avancées sur la question du pouvoir normatif, sur la répartition des
compétences, sur des questions institutionnelles, et sur des questions financières.

1. Les avancées du pouvoir normatif.

Nous sommes ici dans un système centralisé qui se traduit par le fait que le pouvoir normatif
appartient à l’État. Cela a deux conséquences. Premièrement, la loi ne se décentralise pas dans un État
unitaire. Au-delà de la loi, il n’y a qu’une seule source du pouvoir réglementaire provenant du Premier
Ministre selon l’Art.20 de la Constitution. Dans la logique de l’État unitaire français, il n’y a pas d’autres
sources du pouvoir réglementaire. Et le principe de libre administration existe mais sans pouvoir normatif,
sans pouvoir réglementaire autonome.
Les collectivités exercent leur pouvoir réglementaire en complément mais sans contredire
l’État. La norme régionale prime sur la norme.

En 2003, le constituant change de cap et nous dit que les collectivités locales s’administrent
librement, selon l’Art.72 de la Constitution, et disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leur
compétence. On peut donc penser que la Constitution prévoir un pouvoir réglementaire autonome.
Par la suite, le constituant précise à l’Art.72 alinéa 3 de la Constitution que « dans les conditions
prévues par la loi organique les collectivités territoriales et leur groupement peuvent, lorsque la loi ou le
règlement l’a prévu, déroger à titre expérimental et pour une durée et un objet d’unité aux dispositions
législatives ou réglementaires qui régissent l’exercice de leur compétence  ».
En cela, une région pourrait donc faire un texte qui serait contraire à un texte national.

Les seules limites à ce pouvoir expérimental est qu’il fallait une durée limitée, un pouvoir
limité, et que ce principe ne soit pas contraire à la politique constitutionnelle. C’est une révolution
puisse que c’est toute l’unité juridique du pouvoir qui est remise en question.

2. Les avancées sur la répartition des compétences.

Dans la décentralisation la répartition des compétences se fait de haut en bas. Le constituant a


voulu introduire le principe de subsidiarité qui conduisait à reconnaître des collectivités chefs de fil dans un
domaine donné.
Le principe de subsidiarité est un vieux principe chrétien mis en avant par Thomas d’Acquin
au XIIIeme siècle qui permet de légitimer les institutions. Il s’articule sur deux idées.
• Il faut favoriser l’individu avant tout et le recours à l’institution n’est que subsidiaire.
• Cet individu peut souffrir d’une incomplétude et il faut donc se mettre à plusieurs pour faire quelque
chose.
Ce principe justifie la création des institutions que pour compléter les insuffisances de l’individu.
Dans le système d’aujourd’hui, cela veut dire que les compétences doivent être attribuées aux institutions les
plus proches de l’individu puisque les institutions supérieures n’existent seulement pour palier aux
déficiences des institutions de base.
Le principe de subsidiarité engendre donc la disparation du concept de souveraineté.

Le constituant a freiné cela en enlevant le terme de chef de fil mais l’idée est restée dans l’Art.72
alinéa 2 de la Constitution « les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour
l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon  ».
Le texte constitutionnel rajoute à l’Art.72 alinéa 5 de la Constitution afin de faire le glissement en
rappelant qu’il n’y a pas de tutelles entre les collectivités, mais qui ouvre la porte en précisant que «  lorsque
la loi l’autorise une collectivité peut organiser les modalités de l’action commune de plusieurs autres
collectivités ». Désormais le principe d’égalité entre collectivités territoriales est remis en cause.

3. Les avancées institutionnelles.

On introduit la consécration de la région et on permet aux collectivités d’organiser un référendum


dans le cadre de leurs compétences. Enfin, la Constitution consacre un droit de pétition. Si ce droit avait été
mis en œuvre c’est un autre rapport aux politiques qui se met en œuvre.
Ce n’est pas allé plus loin puisqu’on attend encore les textes qui doivent concrétiser ce droit.

4. Les avancées financières.

On impose le principe de l’autonomie financière à l’Art.72-2 de la Constitution selon lequel les


collectivités locales doivent disposer de ressources propres qui doivent constituer une part
déterminante de leur budget. Également, tout transfert de compétence doit s’accompagner de l’attribution
de ressources équivalentes.
Là encore, c’est une révolution puisqu’en principe c’était la fin du système des dotations. Ce point
est très discutable parce qu’on s’aperçoit que doter les collectivités locales d’impôts locaux ne conduit pas
forcément à renforcer leur autonomie.

B. Le verrouillage du système.

Ce verrouillage se situe à plusieurs niveaux. D’abord, le constituant a gardé un texte constitutionnel


qui pose le principe de l’unité de l’État. Cela se traduit par le maintien du principe de l’indivisibilité de la
République et le principe d’égalité. Le constituant rappelle en 2003 que l’organisation administrative de la
France est décentralisée, et cela ne permet pas d’aller plus loin.
Le constituant a également refusé de faire une réforme qui aurait permis la clarification des
compétences en inscrivant la clarification des compétences dans la Constitution.

Deuxièmement, le constituant est venu directement du juge constitutionnel dans une décision de
2005 du Conseil constitutionnel qui vide le principe de subsidiarité de toute sa portée. Dans cette décision
la question était de savoir si le législateur, dans une loi sur l’énergie, avait raison de transférer la
compétence en matière d’autorisation de création des éoliennes au Préfet. Sur la base du nouvel Art.72 de
la Constitution l’État n’était pas le territoire le mieux adapté pour délivrer ces autorisations de construire.
Toutefois le Conseil constitutionnel a dit, qu’à l’occasion de cette décision, le Gouvernement n’avait
pas fait d’erreur manifeste de l’appréciation. Cela veut dire que le Parlement dispose toujours d’une liberté
d’appréciation pour attribuer les compétences et qu’il n’est pas lié par le principe de subsidiarité.

Troisièmement, concernant l’autonomie financière, cette question est compliquée mais là encore le
juge français a vidé le texte constitutionnel de sa portée juridique. Selon la décision du 13 août 2004 du
Conseil constitutionnel, le juge a estimé qu’une part d’impôt national dont le taux et l’assiette est fixée par
l’État qui revient aux collectivités locales, cette part d’impôt national constituait une ressource de la
collectivité locale.

On a un texte qui pourrait redevenir efficace mais il est pour le moment vidé de sa portée,
notamment par le juge constitutionnel. Cette réforme constitutionnelle a un bilan négatif, malgré tout elle a
permis de relancer la décentralisation et notamment la loi du 13 août 2004 dans laquelle le législateur
accentue largement le transfert de compétences au profit des collectivités territoriales dans tous les
domaines.
Aujourd’hui il y a très peu de domaines qui restent uniquement de la compétence de l’État.

II. La concrétisation du législateur.

A. L’acte 2 de la décentralisation.

La réforme constitutionnelle de 2003 est suivit par une loi Libertés et responsabilités des
collectivités territoriales du 13 août 2004. C’est un texte qui renforce concrètement le pouvoir des
collectivités territoriales puisqu’on voit des compétences importantes transférées telles que le RMI, le
logement, les aides économiques individuelles aux entreprises, port et aéroport, voies ferrées, les routes
nationales, la gestions des personnels techniques des services de l’éducation nationale.
On voit que ce sont des compétences qui, économiquement, coûtent cher. Cela s’est accompagné
d’un transfert de moyens avec des incertitudes puisque cela ne tient pas compte des évolutions sociales.

Au-delà, cette loi montre toutefois qu’on est dans une autre logique parce qu’on voit bien que le
législateur veut faire des collectivités des acteurs responsables. C’est d’ailleurs ce terme qui ressort de la loi,
cela n’est pas anodin parce qu’il contient des significations multiples. Dans le langage courant, on peut
considérer que les collectivités ont vu leur statut renforcé, et le principe de responsabilité est un principe qui
vient avec la liberté d’une collectivité locale.
On peut aussi penser que cette loi vient confirmer une évolution juridique et qu’elle consacre la
responsabilité des collectivités locales. En consacrant cette responsabilité, elle consacre leur obligation de
répondre à des problèmes qui sont posés. A partir de là, on peut s’inquiéter puisqu’il y a l’idée qu’en même
temps qu’on consacre la liberté des collectivités, l’État cherche à trouver des coupables à la crise qu’il
traverse.
Derrière ce titre, on voit toute une évolution du droit positif où on voit un accroissement de la
responsabilité pénale, administrative et personnelle des acteurs locaux.

B. L’acte 3 de la décentralisation.
Très vite, après la réforme constitutionnelle de 2003, les acteurs du système ont souligné
l’insuffisance des textes juridiques. Plusieurs rapports vont se succéder, jusqu’à un rapport de Baladur
en 2009 qui va dresser un constat assez sévère de la décentralisation qui souligne le caractère enchevêtré
des compétences, et l’existence d’un paysage administratif fragmenté.
On découvre qu’il y a trop de communes en France, trop de structures, trop d’élus. Ce rapport fait
une sorte de consensus politique et qui fait préfigurer de nouvelles réformes.

1. La réforme du 16 décembre 2010.

C’est une loi assez innovante qui essaie de répondre aux problèmes institutionnels que
rencontrent la France et auxquels le législateur ne s’était pas vraiment attaqué depuis la relance de la
décentralisation en 1982.
Cette loi est assez habile parce qu’alors que les rapports proposaient la suppression du
département et une réduction des communes, difficile à mettre en œuvre à cause d’un blocage du Sénat,
le législateur va avancer quatre nouveaux dispositifs pour améliorer le système administratif local.
• 1er dispositif : remplacement des conseils généraux et régionaux par un nouveau type d’élu local,
c’est le conseiller territorial. L’avantage est la réduction du nombre d’élus puisqu’il est représentant
des régions et des départements. Cela permet également des économies.
• 2eme dispositif : les départements et les régions pourront fusionner avec l’accord des assemblées et
par le biais d’un référendum.
• 3eme dispositif : On voit apparaître une nouvelle catégorie de structure, les métropoles, qui devaient
recouper les zones urbaines de plus de 500 000 habitants. Par ailleurs, la loi va favoriser des
mécanismes de fusions de communes par le biais de vote avec des majorités renforcées.
• 4eme dispositif : Dans cette logique de rationalisation des territoires, le législateur va prévoir la
spécialisation des départements et des régions, c’est-à-dire la suppression de la clause générale
de compétences.

Ce texte renfermait un certain nombre de potentialités mais on pouvait quand même douter de
son efficacité. Les critiques politiques vont porter en grande partie sur cette question du conseiller territorial.
On estimait que le conseiller territorial était une sorte d’institutionnalisation du cumul des mandats de
part sa fonction. En cela, lors de cumul de mandat, on ne sait jamais quelle fonction est favorisée.

La gauche qui est arrivée au pouvoir a bloqué le processus et François Hollande a voulu relancer
la décentralisation en posant de nouveaux principes. Cela a donné lieu à trois lois importantes.
• Loi du 27 janvier 2014 sur la modernisation de l’action publique et l’affirmation des métropoles.
• Loi du 17 janvier 2015 qui substitue aux 22 régions 13 nouvelles régions.
• Loi du 7 août 2015, loi Notre, qui vient préciser les deux autres textes mais aussi donner de
nouvelles compétences aux collectivités territoriales.

Le fond idéologique de ces textes est de simplifier les territoires en supprimant des structures. On
voit également l’idée d’adapter les territoires « au défit de notre temps  » avec notamment la mondialisation,
l’Europe…

2. Une transformation des structures territoriales.

Pour la première fois, on va toucher d’une manière claire au dispositif institutionnel avec l’idée qu’il
faut réorganiser les collectivités autour de deux pôles.
Premièrement, on a un binôme régions / départements qui est le caractère le plus innovant de la
réforme puisque la loi du 17 janvier 2015 réduire le nombre de régions à 13. Jusqu’à présent les
discussions tournées autour de la suppression du département et l’idée de faire des régions plus
cohérentes. Cette suppression va se faire avec un découpage qui est proposé afin de renforcer le poids des
régions au niveau européen.
Cela est discutable puisque le législateur n’a pas créé des régions homogènes, il existe encore des petites
régions. Surtout, la volonté du législateur n’est pas de développer un pouvoir régional en essayant de
construire des zones géographiques cohérentes, mais plutôt de faire des espaces administratifs
suffisamment grands pour attirer les fonds européens.
Cette loi laisse en suspens les futurs rapports entre ces régions et les départements.

Deuxièmement, concernant le binôme communes / intercommunalités, la loi de 2014 affine le


statut des métropoles qui permet certaines dérogations. Il y a l’institution de l’élection au suffrage universel
des délégués des établissements publics de coopération qui est consacré. Là encore, c’est une élection qui
se fait dans le cadre territorial de la commune. Également il y a la volonté du renforcement de
l’intercommunalité avec la mise en place d’un schéma départemental de coopération piloté par le Préfet et
qui doit créé des structures cohérentes d’au moins 15 000 habitants.
Cette volonté de simplifier les territoires se traduit par la suppression des syndicats intercommunaux et des
structures créées par la loi de 1995.

Le dispositif législatif est assez complet, et on voit bien que le législateur n’hésite pas à supprimer
des structures. Cette loi, après quelques péripéties, a confirmé le principe de spécialité des régions et du
département. En effet, la loi de 2014 avait réintégré la clause générale de compétence mais la loi Notre a
supprimé à nouveau cette clause.
Cela s’est accompagné d’un transfert des compétences en faveur des régions.

C. De la suppression de la clause générale de compétence.

A partir du début des années 2000, s’est posé la question de la suppression de la clause générale
de compétence. Il y a une forte demande politique qui apparaît de la part du Parlement que l’on voit
apparaître dans des rapports (rapport Baladur), et cela donne la loi du 16 décembre 2010 pour le
département et la région.
La loi de 2014 réintègre la clause générale de compétence, qui est a nouveau supprimé par la loi
Notre. Désormais on aurait une spécialisation des collectivités locales, la commune échapperait à ce
mouvement mais partiellement seulement, puisque ces structures sont elles-mêmes absorbées par des
établissements publics de coopération qui sont soumis au principe de spécialité.
On aurait une mise en ordre des compétences. D’une part, la décentralisation est donc dite
suffisante et d’autre part, on estime que c’est un levier important pour lutter contre l’entre-croisement des
compétences.

On peut donc s’interroger, puisqu’au-delà de la réforme législative on peut se demander ce qui


change réellement sur le terrain du droit, d’autant plus que les collectivités territoriales sont confrontées
quotidiennement à de nouveaux problèmes auxquels elles devront répondre.
Il y a une vraie volonté du législateur par deux circulaires en 2016 pour donner une liste des
compétences des collectivités, mais on va voir que le système, malgré cette volonté de spécialisation, ne va
pas changer pour plusieurs raisons.

D’abord parce que le législateur, en supprimant des textes, ne supprime pas forcément une norme
juridique. La clause générale de compétence est issue d’une interprétation disant que la suppression
d’un texte ne supprime pas une norme. En effet, la clause générale de compétence n’est pas issue d’un
texte juridique précis, mais d’une interprétation par le Conseil d’État d’un texte de 1884 qui consacrait le rôle
des Conseils locaux dans la gestion des affaires locales. Ce terme apparaît très tardivement, dans les
années 1960 dans la doctrine pour expliquer une évolution des normes jurisprudentielles et notamment que
le juge administratif permet aux collectivités d’agir dans le cadre de leur intérêt.
Il existe, par ailleurs, d’autres textes qui permettent d’asseoir la clause générale de compétence.
• Un texte introduit par la loi Notre, Art.L.4221-1 « Le Conseil régional a compétence pour
promouvoir le développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique de la région…  ».
• La Charte européenne de l’économie locale contient un texte qui peut fonder aussi une action
locale. Art.4 alinéa 2 « Les collectivités locales ont tout attitude pour exercer leur compétence  ».
Cette suppression de la loi va à l’encontre de la charte européenne qui permettait de fonder
n’importe quelle action locale.

On peut s’étonner de cette suppression d’autant plus que le législateur s’est bien gardé de
supprimer un des outils qui conduit au brouillage des compétences et à la contractualisation des actions
locales. Désormais le partenariat entre l’État et les collectivités sera renforcé, ce qui n’est plus autorisé par la
loi, le sera par le contrat.
L’inconvénient est que la contractualisation n’est pas transparente alors que l’élaboration de la loi est
transparente. Une partie de la décentralisation glisse aux mains du contrat. Il y a toutefois une reprise en
main de l’État.
En effet, dans la spécialisation des compétences, il y a la volonté de l’État d’apparaître le maître du
jeu, notamment dans la négociation des contrats, d’imposer plus facilement sa volonté. Cela créé de
l’insécurité juridique puisque les collectivités sont bien obligées de répondre à une demande sociale et la
suppression de la clause générale de compétence ne les empêchera pas d’y répondre.
Partie 2  : Les actions des collectivités territoriales

Chapitre 1  : Le champ d’application des collectivités locales

Le droit de la décentralisation est souvent un droit qui organise la répartition des


compétences. Cette répartition est importante puisqu’elle est matérielle. Il y a également une répartition du
pouvoir . C’est aussi une répartition des moyens financiers, du personnel…

Section 1 : Mécanismes et principes de la détermination des compétences.

De nombreux textes se sont sédimentés et aujourd’hui il est difficile de dire ce que peut faire
une collectivité territoriale, elles peuvent presque tout faire. Autrement dit, elles disposent d’une
marge de manœuvre immense puisque aucun secteur ne lui échappe.
Il y a trois types de compétences qui peuvent profiter aux collectivités territoriales.

I. Les compétences indéterminées qui trouvent leur fondement dans l’intérêt local.

Ces compétences ont historiquement trouvé leurs sources dans les lois de 1871 et 1884. Ces
compétences ont été maintenus malgré les réformes alors que le législateur a cherché à spécialiser
les collectivités. On peut penser, malgré les annonces du législateur dans la loi Notre de 2015, que ces
compétences demeurent malgré l’annonce de la suppression de la clause générale de compétence.
Il reste aujourd’hui qu’il faut préciser le contenu de ces compétences indéterminées qu’on ne
peut préciser qu’au regard de la jurisprudence.

CE, 20 novembre 1964, Ville de Nanterre : le Conseil d’État accepte la création d’un cabinet dentaire.
CE, 12 octobre 1990, Commue d’Ivry-sur-Seine : le Conseil d’État valide des aides financières à des
familles de grévistes au nom de l’aide sociale.
CE, 28 juillet 1990, Villeneuve d’Ascq : bourses données à des étudiants étrangers qui font une thèse.
Tribunal administratif de Lyon, 1998, : une charte de la ville de Lyon qui revenait sur la spoliation des
familles juives pendant la Seconde Guerre mondiale.
CE, 2014, Commune de Celloux : une petite commune de dix habitants récupère de l’argent et part aux
Antilles avec tous les habitants.
CE, 1984, Commune d’Aigues-Mortes : le Conseil d’État invalide le soutien financier à des grévistes.
CE : interdiction de l’octroi d’une subvention donnée à une association de défense contre les déchets
nucléaires.
CE, 1995, Commune de Secondigny : il revient sur une décision d’un Maire qui interdisait les expulsions
de locataires.

Le juge va regarder deux choses.


• Que la collectivité n’intervienne pas trop sur le plan économique et mettre en cause la liberté
des autres entreprises.
• Vérifier une certaine neutralité politique des communes et donc que la commune ne mène pas
une politique manifestement contraire à la politique nationale, n’intervienne pas dans un conflit
économique et politique.

II. Les compétences expérimentées.

Ces compétences sont issues principalement de la réforme constitutionnelle du 28 mars 2003 qui
marque une étape importante précisée dans une loi organique du 3 août 2003 qui fixe les conditions de
l’expérimentation.

A. L’expérimentation et la décentralisation.

L’expérimentation est une technique juridique assez ancienne que l’État a utilisé dans deux
hypothèses,, soit pour faire passer des lois délicates, soit pour réformer l’État. L’idée est que dans des
domaines sensibles il est important de légiférer avec prudence et de généraliser la portée d’une
norme que si elle a montré son efficacité.
La loi de 1975 sur l’IVG était au départ une loi expérimentale. C’est également le cas de la loi
instituant le RMI. On s’aperçoit que cette technique existait même avant puisqu’on trouve des décrets, dès
les années 1960, pour réorganiser les services de l’État.
On trouve donc régulièrement des textes dans des domaines assez divers, souvent
techniques, où le législateur va utiliser l’expérimentation. Au niveau des collectivités territoriales ont
retrouve cette technique notamment pour transférer à certaine régions la gestion du réseau ferré de
France, ou encore dans la loi du février 2002 qui transfert à titre expérimental, aux régions la
compétence en terme de port maritime et d’aérodrome.
La réforme constitutionnelle de 2003 s’inscrivait dans ce cadre en essayant de promouvoir
l’expérimentation qui devait être d’autant plus utile que le pouvoir constituant avait consacré, à l’époque, le
principe de subsidiarité. L’expérimentation est la technique qui permet donc de trouver le territoire le
mieux adapté pour l’exercice d’une compétence et mettre en place des politiques publiques plus
efficaces.
Dans le texte de 2003, cette expérimentation pouvait être plus ou moins importante car elle pouvait
concerner la loi, le domaine de la loi, et le règlement. C’était un mécanisme facteur de modernisation et
d’efficacité.
L’expérimentation est une technique qui peut être assez efficace et permet de légitimer la
décision puisque cela permet de lever les réticences d’une population et d’expliquer la prise de
décision politique.

B. Les conditions juridiques de l’expérimentation.

Elles ont d’abord été posées par le juge, et reprises dans la loi du 3 août 2003. Dès 1993, le juge
était intervenu pour fixer le cadre de l’expérimentation. A cette occasion il pose trois conditions.
• L’expérimentation doit être explicite.
• L’expérimentation doit faire l’objet d’une évaluation.
• L’expérimentation doit être provisoire.

Le constituant est revenu sur ces conditions en 2003 en allant plus loin. Il pose donc des règles
et un cadre juridique assez stricte qui se retrouve aujourd’hui dans le Code des collectivités
territoriales. Les conditions sont identiques, elle doit porter sur la loi ou une domaine matériel précis.
• C’est le législateur qui autorise les expérimentations : l’initiative appartient au pouvoir central, il
est simplement prévu que toutes collectivités territoriales entrant dans le champ d’une loi
expérimentale peut demander à bénéficier de l’expérimentation.
• L’objet n’est pas précisé : le constituant a refusé d’établir une liste de domaine où on pourrait
mener des expérimentations. Le Conseil constitutionnel précise que cet objet doit être précis et les
actes issus de l’expérimentation seront transmis au Préfet et publiés au journal officiel. Mais
alors, peut-on expérimenter dans tous les domaines ? On a des textes qui indiquent que le taux et
l’assiette de l’impôt est fixé par la loi, la possibilité d’expérimentation se heurte aussi à l’Art.34
de la Constitution qui donne une compétence précise au législateur.
• L’Art.1113-4 du Code des collectivités territoriales prévoit un contrôle de l’État qui reconnaît
au Préfet la faculté de demander à l’appui de son recours devant le juge une suspension
automatique de l’acte en cause. Autrement dit, le Préfet dispose d’un droit de suspension sur les
actes issus d’une expérimentation.
• La durée  : elle ne peut excéder cinq ans. C’est une expérimentation qui doit être assez courte.
Comment on va évaluer une politique publique en cinq ans ? Ce délai est très court puisqu’il faut
plus de temps pour que l’expérimentation porte ses effets. De plus, à partir de quand les délais vont
courir de l’expérimentation ? A partir du moment où il y a la loi, ou bien à partir les textes
d’application ? Cette durée de cinq ans est donc difficile à mesurer. Le législateur a préciser les
conditions de sorties de l’expérimentation qui sont assez schématiques, et il y a trois possibilités.
◦ Le législateur peut arrêter à tout moment l’expérimentation.
◦ Il peut demander une prolongation de trois ans.
◦ Il peut décider de généraliser l’expérimentation à l’ensemble du territoire.
• Les conditions d’évaluation : Art.1113-5 du Code des collectivités territoriales « Le
Gouvernement devra présenter aux fins d’évaluation un rapport au Parlement analysant les
conséquences de l’expérimentation en terme de coûts et la qualité des services rendus aux usagers
des collectivités locales  ». Les collectivités concernées seront associées à l’élaboration de ce
rapport. Il y a une double critique.
◦ C’est le Gouvernement qui fait l’évaluation, donc aucune neutralité. Il aurait fallu une
agence d’expérimentation avec des experts neutres.
◦ L’évaluation se fait en terme de coût. Or, en matière d’urbanisme, la question de l’esthétique
est importante par exemple.
C. Un bilan décevant.

Le bilan de l’expérimentation est décevant parce que la technique a connu un succès assez
relatif. Dès 2004, le législateur c’était emparé de ce mécanisme et l’Art.1 de la loi de 2003 nous dit que les
régions pourront, à titre expérimental, élaborer un schéma régional de développement économique.
Le texte prévoit d’autres possibilités assez étonnantes. Notamment l’Art.59 de la loi de 2003 qui
prévoit que les départements pourront se porter candidats en matière de mise en œuvre de protection
judiciaire de la jeunesse. Également l’Art.66 de la loi de 2003 offre aux communes la possibilité
d’intervenir dans le domaine du logement des étudiants.

On retrouve d’autres textes au 2007 qui vont permettre aux départements d’expérimenter des
politiques dans le domaine du RMI. Au-delà de ces effets, ces expérimentations n’ont pas été prolongés par
d’autres textes, et donc soit l’expérimentation n’a pas été mise en œuvre du tout, soit le législateur est très
vite intervenu pour généraliser la compétence à l’ensemble du territoire.
Le législateur, aujourd’hui, utilise qu’exceptionnellement cette technique. Il y a un certain
nombre de verrous explique le fait que l’expérimentation n’est pas utilisée en France.
• Ils tiennent à la formation de la volonté des élus.
• On reste très attaché au dogme de la définition de la loi comme expression de la volonté
générale. Cette technique de l’expérimentation remet en cause cette idée de la loi.

Par ailleurs on peut être très critique par rapport à cette méthode de l’expérimentation. En effet,
cette technique veut nous faire croire qu’on élabore une loi juridique comme une loi scientifique . La
loi doit être élaborée comme une loi juridique qui doit être testée, mesurée, améliorée, avant d’être
généralisée. Le législateur doit opérer comme un scientifique par tâtonnement jusqu’au moment où il
trouvera la bonne formule.
La loi scientifique est une loi vraie, et à partir du moment où on est face à une loi juridique dotée
des attributs d’une loi scientifique, ce qui veulent enfreindre la loi sont des fous. Dans certains pays,
on considérait que le marxisme est une politique vraie, et que donc si on était contre on était placé dans des
asiles.
La loi scientifique décrit un fait, alors que la loi juridique est un devoir être. Heureusement, nous
avons la liberté de faire ce choix d’enfreindre la loi ou la respecter.

III. Les compétences déterminées par la loi.

Aujourd’hui, une grande partie des compétences sont issues de textes législatifs et depuis 1982
le législateur intervient régulièrement pour décentraliser. Aujourd’hui, le paysage juridique est
extrêmement complexe et il est très difficile d’identifier l’ensemble des compétences.
En 2016, l’État a élaboré une circulaire qui portait sur la clarification des compétences et qui
essaie d’établir une présentation objective des actions locales.

Il y a une répartition assez complexe de la collectivité avec une volonté de spécialisation, l’idée
d’attribuer des services de proximité avec les habitations aux communes (les cimetières par exemple). Il
y a donc des compétences en matière de services de voiries communales, d’ordures ménagères…
Le département est le fidèle allié de l’État et il a bénéficié des mesures de décentralisations et
notamment en matière financière. Sa compétence se développe d’abord en matière d’aides sociales,
et élargi aux domaines de la santé et à des domaines périphériques.
A côté, le département s’est vu confié des compétences dans le domaine des transports publics, en matière
d’équipements (ports, aéroports, routes), ou encore dans le domaine de l’enseignement.
Concernant les compétences régionales, les régions sous forme d’établissement public on
était pensé pour répondre à des politiques de développement économique. On lui confie le domaine du
lycée, la politique culturelle, tourisme…
Enfin, concernant les établissements publics de coopération, les communautés de communes ont
profité de la décentralisation avec des compétences dans le domaine de la gestion de l’espace, de
l’environnement, le développement économique, ou encore la construction ou le fonctionnement
d’équipements culturels, sportifs ou sociaux. Ces compétences ont été renforcées puisque aujourd’hui on
gère la politique en matière d’urbanisme.

IV. Bilan des transferts de compétences.

Le bilan est double. La première chose qui ressort lorsqu’on étudie les compétences des
collectivité locales est qu’on est en présence d’un véritable enchevêtrement. C’est un constat qui est
banal et qui remonte au début des années 1990. Mais malgré les efforts du législateur le bilan reste le
même, voire il s’est aggravé.
Il pose problème parce que derrière cet enchevêtrement des compétences, il y a une des
causes de l’inflation de la défense publique. Cela conduit à maintenir des services et des structures
qui font la même chose dans différents niveaux du territoire. L’enchevêtrement conduit à la
multiplication des services et des fonctionnaires.

Au-delà, un second problème apparaît. On a une confusion des niveaux de responsabilité. En


cela on se demande qui est responsable de la politique économique ? Au-delà de cette identification
c’est le rapport du citoyen avec l’État qui est brouillé puisque le citoyen a plusieurs interlocuteurs,
dont il se sert comme des guichets auxquels il se présente et demande quelque chose.

Si on réfléchi aux racines de cet enchevêtrement, ces racines sont nombreuses et c’est là la
difficulté. La première cause de l’enchevêtrement des compétences c’est que depuis 1982 on a un
véritable feuilleton législation en matière de décentralisation. On sait que si législateur ne relance pas
la décentralisation, l’État va se centraliser.
La deuxième cause de l’enchevêtrement des compétences est dû au phénomène de la
contractualisation qui contribue à brouiller les pistes.
La troisième cause de cet enchevêtrement est que quelque soit les réformes, l’État n’est jamais
loin et reste compétent pour tout en France. L’État n’abandonne pas complètement sa compétence. Cela
veut dire que l’État conserve plus qu’un rôle de contrôle lorsqu’il délègue une compétence . Par son
budget, mais aussi par ses agents, ses compétences techniques et la puissance des administrations
centrales, il a gardé un poids en France qui est très important. Comme on a pas de répartition des
compétences constitutionnelles, l’État garde toujours ses compétences. Également le juge administratif
prend acte de cette situation et sur ce plan là il rappelle régulièrement la compétence de l’État.

CE Sect., 13 juillet 2016 : il s’agissait d’aider des populations de migrants en urgence parce que c’était
l’hiver. On sait que normalement c’est le département qui est compétent en matière d’aides sociales. Le
Conseil d’État a dit non, pour l’aide d’urgence c’est toujours l’État qui est compétent et le département
n’intervient qu’à titre subsidiaire.

Également, il y a une cause politique à cet enchevêtrement. En cela, quelle autorité


décentralisée renoncerait a avoir une politique en matière économique, sociale, environnementale ou
culturelle ?
Par ailleurs, il y a des raisons idéologiques. En cela, il y a une sorte de dictature du partenariat, de
la coopération. La coopération est une obligation, et une partie de l’action des administrations est de
trouver des partenariats. Dans cette logique de l’ordre idéologique, les compétences vont être partagées,
fractionnées, conjointes, et bien sûr enchevêtrées.
La question est de savoir si cette situation est grave. Le premier constat concret qu’on peut faire
est que l’enchevêtrement des compétences ne créé par d’insécurité juridique mais un léger
contentieux. La complexité du système juridique n’est pas un problème juridique. L’enchevêtrement des
compétences fait qu’il n’y a pas contentieux entre les collectivités territoriales.
Sur le plan économique, le bilan est assez difficile à faire. Bien sûr dans la rationalité
économique il vaut mieux centraliser pour réduire les coûts, mais à la fois on sait très bien qu’une
trop forte centralisation fragilise les systèmes. Concrètement, on a du mal à calculer le surcoût de
l’enchevêtrement des compétences.

Section 2 : L’action économique des collectivités locales.

Cette compétence est déterminante aujourd’hui. On rappeler que c’est une compétence très
ancienne puisque pendant longtemps les collectivités territoriales étaient des espaces qui se sont
constituées avant tout pour des raisons économiques.
C’est une compétence stratégique aujourd’hui dans un système français qui est en crise depuis
une quarantaine d’années sur le plan économique.
Enfin, c’est une compétence intéressante puisqu’elle n’est pas neutre juridiquement, elle a les
conséquences quant au droit à appliquer (droit public ou droit privé), et si la collectivité est un acteur
économique dès lors il faudra qu’elle applique des règles de droit privé et notamment plus
particulièrement les règles en matière de concurrence.

Quoiqu’il en soit, depuis 1982 le législateur est venu régulièrement conforter cette
compétence. Il y a deux aspects dans cette compétence . En cela la collectivité peut agir directement
dans le domaine économique, mais elle peut intervenir indirectement.
I. La collectivité locale, acteur économique.

Pendant longtemps, son intervention dans le domaine économique était limité par le juge
administratif et elle devait respecter le principe de liberté du commerce et de l’industrie . Cette
compétence était limitée puisqu’elle ne pouvait que pallier les carences du secteur économique.
Cette compétence a évolué assez curieusement du fait du droit communautaire.

A. L’interventionnisme classique des collectivités locales  : le développement de services publics


palliant les carences de l’initiative privée.

Dans la théorie classique libérale, le marché suppose une séparation nette entre la sphère
publique et la sphère privée. Il suppose donc que le système de libre concurrence assure la
régulation de la sphère privée. C’est cette conception la sphère publique ne doit pas intervenir en matière
économique.C’est cette conception qui est en toile de fond dans le cadre de l’intervention des
collectivités locales et en principe elles ne peuvent pas intervenir dans le domaine économique
puisqu’elles n’ont que des compétences administratives.

Ces principes, naturellement, n’ont pas résisté à la pratique et au développement de la


décentralisation. Très vite, dès 1901, le Conseil d’État a reconnu, dans l’arrêt Casanova, la possibilité à
une commune de créer un cabinet médical en constatant d’une part qu’il y avait un intérêt local, et
d’autre part qu’il existait des circonstances exceptionnelles qui pouvaient justifier cette intervention.
Cette jurisprudence s’est amplifié après la Première Guerre mondiale car, avec la guerre et la
crise économique qui a suivit l’a près-guerre, de nombreuses communes avaient développé des services
de ravitaillement pour aider les populations.

CE, Chambre syndical du commerce en détail de la Ville de Nevers, 30 mai 1930 : le Conseil d’État a
fixé les conditions pour que l’interventionnisme économique des collectivités locales soit reconnu légal. A
cette occasion on se demandait si la mise en place de ce type d’activité économique ne remettait pas en
cause la liberté du commerce et de l’industrie.
Le Conseil d’État répond que cette activité est légale à condition qu’on trouve un intérêt public, et qu’il y ait
des circonstances particulières qui justifient l’interventionnisme de la collectivité. Parmi ces circonstances
particulières, le juge va vérifier qu’il ait une carence de l’initiative privée qui justifie l’intervention de la
commune. Ici le juge admet qu’il n’y ait pas de circonstances particulières justifiant l’action de la commune.
CE, Zenard, 1933 : le juge administratif va valider la création de boucheries municipales.

A partir de là, les communes vont développer ces activités au point qu’on a pu parler d’un
véritable socialisme municipal parce que les communes ont développé des activités économiques
dans le secteur économique privé avec l’indulgence du Conseil d’État.
Ce mouvement s’est amplifié après la Seconde Guerre mondiale, d’autant plus que le juge a été
particulièrement indulgent.

CE, Ricordel, 19 février 1943 : le juge valide l’existence de restaurants économiques pour les pauvres.
CE, Delansorme : le juge valide aussi la création de parc de stationnement sachant que l’accès au
domaine public est libre.
CE, Ville de Nanterre, 1964 : le juge valide la création d’un cabinet dentaire en considérant qu’il existe une
carence qualitative de l’initiative privée.

Le Conseil d’État va admettre que les personnes publiques puissent étendre leur service
public à des domaines qui ne leur ont pas été attribués. L’arrêt le plus révélateur de cette jurisprudence
libérale est l’arrêt Société Unipain du 29 avril 1970, où le Conseil d’État va valider l’existence d’une
boulangerie militaire qui vend du pain à des prisons.
Sur la base de cette jurisprudence, les collectivités locales vont développer des services
qu’elles vont facturer à d’autres collectivités ou à d’autres structures. Dès lors qu’il y a un lien
suffisamment direct entre le service public et la population le Conseil d’État va valider.

CE, Commune de Clairveaux, 23 décembre 1994 : des communes avaient créé des sociétés
d’économies mixtes qui étaient chargé de l’entretien et la construction de routes. Le Conseil d’État refuse
cette pratique puisque cela touche aux sociétés publiques chargées de cette activité.

Le juge ne vérifie plus tellement la carence de l’initiative privée, sauf exception, mais il vérifie si il y
a un lien entre le service proposé et les besoins de la population. Si il y a un lien entre les deux il n’y a
pas de problème.
On voit bien que d’un principe très restrictif, le Conseil d’État s’est assouplit à se demander
d’ailleurs si il existe toujours du fait de l’évolution juridique issu du droit communautaire.

B. La collectivité locale concurrente des entreprises privées.

Cour de justice, Höfner, 27 avril 1991 : pour la première fois il donne une définition de l’entreprise qui
désigne « toute entité qui exerce une activité économique indépendamment de son statut juridique et de
son mode de financement  ».

Le juge nous donne donc une définition très large de l’entreprise. En cela, dès lors qu’elle a une
activité économique, elle peut être qualifiée par le juge européen d’ entreprise. D’autant plus, la notion
d’activité économique est entendue très largement puisqu’elle peut aussi bien être une activité de
production, qu’une activité de service.
Concrètement la collectivité locale est une entreprise au regard du droit communautaire. La
conséquence juridique est qu’à partir de là, ces entités et les collectivités locales doivent être
soumises au droit de la concurrence.

Dans un premier temps, on a perçu cette évolution jurisprudentielle comme un effet pervers du
droit communautaire de la libéralisation qui remettait en cause le service public . Les collectivités
locales et le juge administratif ont fait de cette évolution jurisprudentielle un levier supplémentaire pour
l’action des collectivités locales.
Le juge administratif a considéré que les collectivités locales devaient bénéficier de cette
liberté d’entreprendre en tant qu’entreprise, à cause qu’elles respectent les règles de la concurrence.
Il marque alors une évolution dans deux arrêts dans les années 2000.

CE, Compagnie méditerranéenne d’exploitation des services d’eau, 16 octobre 2000 : pour la
première fois, le Conseil d’État dit que rien n’interdit à une personne publique de se porter candidat à un
marché public.
CE, avis Société Jean-Louis Bernard consultant, 8 novembre 2000 : il s’agit d’une affaire dans laquelle
une collectivité avait besoin de cartes de son territoire, et un institut de géographie relevant d’une université
emporte le marché public. Le Conseil d’État accepte à condition que les règles de la concurrence soit
respectées.

En cela, la collectivité n’est plus limitée par le principe de la liberté du commerce et de


l’industrie. Désormais elles peuvent être qualifiées d’entreprise au regard du droit communautaire. Le
Conseil d’État a essayé de limiter la portée de cette jurisprudence dans l’arrêt Société Armor SNC.

CE Ass., Société Armor SNC, 30 décembre 2014 : fixation des conditions dans lesquelles une
administration pouvait être candidate à un marché public. Il s’agit du département de la Vendée qui lance
une procédure de marché portant sur le drainage d’un estuaire. Trois candidats ressortent dont le
département voisin (Charente-Maritime) qui récupère ce marché.
Une des deux autres entreprises évincées fait un recours en disant qu’il n’y a pas d’intérêt local du
département de la Charente-Maritime à agir en dehors de son territoire. La Cour administrative d’appel
donne raison à l’entreprise requérante.
Le Conseil d’État va annuler la décision du juge et il va proposer une analyse en deux temps. D’abord il
revient sur le principe de la candidature, puis il va préciser les modalités de cette candidature. En cela, la
collectivité peut être candidate si elle a un intérêt public, et cet intérêt peut résulter que son
intervention soit dans le prolongement d’une mission de service public dont il a la charge.
Le Conseil d’État va plus loin en venant préciser la notion d’intérêt public et en disant que
notamment la collectivité peut intervenir dans le but d’amortir des équipements, de valoriser les
moyens dont dispose le service, ou d’assurer son équilibre financier.

Derrière cette jurisprudence le Conseil d’État ne fait que permettre aux collectivités publiques de
développer des activités économiques pour rationaliser des coûts. La première limite posée par le Conseil
d’État est que cela ne doit pas remettre en cause l’exercice de la mission de service public par la
collectivité locale.
Ce n’est que un deuxième temps, qu’une fois ce principe admis, que le Conseil d’État pose la
deuxième condition résidant dans le fait que la candidature ne doit pas remettre en cause et fausser le jeu
de la concurrence. Concrètement, il faut que le prix proposé par la collectivité soit déterminé en
prenant en compte l’ensemble des coûts directs et indirects concourants à la formation du prix.
Autrement dit, il ne faut pas que la collectivité puisse bénéficier d’un avantage qui découle de ses
moyens ou de ses ressources. Ou encore, il ne faut pas que le service qui soit payé par l’impôt avec des
fonctionnaires propose une prestation qui ne tienne pas du coût réel de la prestation.

II. L’intervention indirecte des collectivités territoriales.

La collectivité en tant qu’acteur sur un territoire peut être tentée d’aider son secteur privé pour
qu’il se développe. Après tout, on peut considérer qu’il est d’intérêt local à ce qu’une activité économique
se développe et permette un emploi solide sur un territoire.
Traditionnellement, on a admis que les collectivités pouvaient agir pour aider le secteur privé.
Par ailleurs cette action devait rester exceptionnelle pour au moins quatre raisons.
• Chacun doit rester dans sa sphère et on ne doit pas troubler le jeu de la concurrence.
• En France c’est l’État qui est responsable de la politique économique.
• Les aides aux secteurs privés peuvent coûter cher à des structures qui, par ailleurs, font beaucoup
de choses.
• Il y a une méfiance dans notre société rationnelle à tout ce qui s’apparente à une forme de don.

Jusque dans les années 1980, les aides publiques locales étaient interdites pour les raisons
évoquées et notamment on se méfiait des dons qui sont considérés comme du gaspillage. En 1982 le
législateur intervient parce qu’on est en pleine crise économique, et permet de développer des politiques
d’aides au profit du secteur privé.
Aujourd’hui, le dispositif est extrêmement complexe parce qu’il existe de multiples mécanismes qui
permettent aux collectivités d’aider le secteur privé. Le bilan est malgré tout relativement positif, et dans les
rapports on s’aperçoit que le moment de ces aides reste relativement faible puisqu’il représente 4  % de la
dépense totale des collectivités.

A. Les différentes modalités de l’interventionnisme économique indirect des collectivités


territoriales.

Cette action indirecte sur l’économie peut prendre des formes très variables. On trouve une palette
d’aides qui permet de donner des impulsions sur le terrain économique.

1. Les aides générales.

On les retrouvent aux Art.L.1511-2 et L.1511-3 du Code des collectivités territoriales.

a. Les concours financiers directs.

On retrouve trois types de mécanismes. La première forme est la forme des subventions, c’est-à-
dire un concours financier à fonds perdus. Il n’y a pas définition précise du système de subvention. La seule
limite vient du droit communautaire puisque ces subventions doivent respecter l’encadrement du droit de la
concurrence notamment.

Le deuxième mécanisme permet aux collectivités de faire des bonifications d’intérêts et des
prêts ou des avances à taux nul. Cela veut dire que la collectivité se transforme en quelques sortes en
banquier, ce qui peut surprendre puisque selon le droit bancaire seules les banques peuvent prêter de
l’argent. C’est un mécanisme très périlleux puisque le risque est grand.

Le troisième mécanisme prend la forme de prestations de services et qui permet de financer


des aides à la commercialisation de produits, ou parfois conseil aux entreprises. Là les entreprises
vont recevoir une aide financière pour pouvoir se développer et avoir des stratégies juridique pour se
développer à l’international par exemple.

b. Les aides à l’immobilier.

L’aide à l’immobilier est un levier extrêmement efficace pour les collectivités puisqu’elles peuvent
construire, rénover des immeubles afin d’en faciliter la réutilisation des intérêts privés. Ces aides peuvent
être de la location avec un loyer très faible, parfois même une vente avec un prix inférieur au
marché ; mais avec toute la palette qu’offre le marché immobilier.
Cela peut prendre la forme de location de quelques bureaux, voire même la construction d’une
grosse entreprise.
C’est un mécanisme assez complexe au statut juridique un peu incertain puisqu’en principe,
et selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel en matière de privatisation, on ne peut pas
brader des biens publics. Selon la rédaction même des textes, les collectivités doivent se contenter de
rabais, d’avantages qui sont calculés par référence aux conditions du marché.
La pratique est toutefois différente puisque les collectivités en charge de ces compétences, les
départements essentiellement, font souvent des cessions gratuites, ou offrent des conditions d’accès à ces
biens tout à fait remarquable.

CE, 3 novembre 1997, Commune de Fougerolles : le juge administratif du Conseil d’État a validé ce type
d’interventions alors qu’on pouvait penser qu’au regard du texte ce n’était pas possible. C’est une
jurisprudence qu’il maintient en exigeant qu’il existe des contreparties.

c. Le régime de garantie d’emprunt.

C’est un mécanisme qui est ouvert à toutes le collectivités (communes, départements et régions) et
qui permet à une collectivité de se porter garant d’un emprunt. Ce mécanisme peut inquiéter car les
collectivités ont eu largement tendance à utiliser ce mécanisme représentant un avantage politique.
Le législateur est venu encadrer ce mécanisme par une loi du 12 avril 1996 en posant
plusieurs principes.
• Il limite le montant des engagements financiers.
• Il fixe une répartition des risques puisqu’il ne peut garantir que 10 % de l’emprunt.
• Les collectivités ne doivent pas être obligée de rembourser toutes les sommes dues.

2. Les aides spécifiques.

Ces aides n’ont pas forcément pour objet le développement économique d’un territoire, mais elles
vont avoir un objet plus précis pour servir de levier dans un domaine particulier.

a. Les aides aux entreprises en difficulté.

Ce mécanisme est le premier mécanisme mis en place dès les années 1982 et qui avait été
offert à toutes les collectivités pour éviter certains abus. On confie ce mécanisme à partir de 1988
aux départements et aux régions.
Ce sont des aides très utiles mais qui sont aussi très délicates parce que d’une part elles peuvent
fausser le jeu de la concurrence, et d’autre part ce sont des aides dont l’utilité est discutable.

Faut-il aider une entreprise qui va mal ou aider à la création de nouvelles entreprises ? L’enjeu
juridique est alors de savoir ce qu’est une entreprise en difficulté, sachant que le juge va annuler des aides
qui sont donner à des entreprises non viables. Toute la difficulté est que ce type d’aides soit ponctuel,
temporaire et elles doivent permettre un retour à la viabilité.

b. Les aides à la création et au maintien des services en milieu rural.

Ce sont des mécanismes offert à toutes les collectivités. Le seul point difficile juridiquement est de
savoir ce qu’est une zone rurale.

c. Les aides à l’équipement rural.

d. Les aides faites par délégation de l’État.

On trouve plusieurs mécanismes. Le premier est l’aide à la pierre qui permet à une commune
d’acquérir et de réhabiliter des logements locatifs pour rénover de l’habitat privé.
Le deuxième mécanisme représente les fonds européens qui sont donnés à l’État mais désormais
les régions peuvent, à titre expérimental, se voir confier ce type de financement.
Le dernier concerne les aides aux entreprises données par l’État, qui peuvent être déléguées aux
régions dès lors qu’elles ont mis en place un schéma de développement économique.

Ce type d’aides contribue au brouillage des compétences puisque l’État va pouvoir transférer
certaines compétences à certaines collectivités.

e. Les exonérations fiscales.


Il s’agissait d’un des leviers important puisque lorsque les impôts locaux était important on pouvait
limiter les taxes de certaines entreprises pour les faire venir sur le territoire. Aujourd’hui, c’est la taxe foncière
qui fait office de levier.

B. Le rôle des différentes collectivités territoriales.

En 1982, le législateur a voulu faire de la région un acteur principal dans ce domaine. Mais
très vite ce législateur n’a pas pu, non plus, négliger les autres niveaux de territoire. On a une carte des
répartition des compétences assez complexe avec la région en chef de fil.

1. La région collectivités chef de fil.

En 1982, le législateur avait voulu faire de la région une collectivité prioritaire. Après la
réforme constitutionnelle de 2003, la loi du 13 août 2004 a retenu l’idée que la région devait jouer un rôle
de coordination. Ce n’est que la loi 27 janvier 2014 qui a consacré la région comme collectivité chef de fil en
matière développement économique.
Concrètement, cette compétence particulière de la région s’est traduit de deux manières pour lui
permettre d’assurer son rôle de direction en matière d’aide économique.

Le premier levier qui a permis à la région d’assurer ce rôle est qu’on lui a confié une mission
en matière de planification économique. Jusqu’en 2004, la planification économique relevait de l’État,
mais comme cette planification économique échouait régulièrement, on a donc décentralisé cette
planification qui a pour nom le schéma régional de développement économique.
Ce schéma, document administratif, essaie d’envisager pour l’avenir le développement
économique d’un territoire en prenant en compte les orientations stratégiques des conventions qui
sont passées entre l’État et la région, mais aussi en essayant d’articuler les stratégies des autres acteurs
publics et privés du territoire.
Ce document contraignant a pour mission d’assurer une coordination entre les différents niveaux de
collectivités territoriales. Le deuxième intérêt de ce schéma est qu’il permet aux régions d’assurer des
compétences à la place de l’État, et notamment de donner des subventions aux entreprises.

Le second levier confie aux régions une mission d’évaluation des aides données par tous les
niveaux de territoire. Cette mission est exigée par l’Europe et elle doit permettre aussi de renforcer la
coordination des dispositifs d’aides.
Il reste que c’est une mission particulièrement difficile. Au regard de ce dispositif on voit bien que
la région a un rôle particulièrement délicat et on peut douter que celle-ci puisse assurer pleinement
une fonction de chef de fil. On voit bien qu’elle est plus dans un travail de coordination que dans quelque
chose qui permettrait de favoriser des impulsions fortes. D’autant plus que les autres collectivités ont un rôle
important.

2. Le rôle des autres collectivités infra-régionales.

Le système est particulièrement complexe puisque les autres niveaux de territoire jouent
aussi un rôle en matière économique. Dans deux hypothèses les collectivités doivent agir en partenaires
notamment lorsqu’il s’agit de subventions ou de bonification de prêt.
Par ailleurs, les collectivités infra-régionales ont un rôle non négligeable. On peut tout d’abord citer le
rôle du département pour accorder des aides à des entreprises en difficulté. On peut aussi évoquer le rôle
de la commune et du département en matière d’aides à l’immobilier.

Le dispositif est d’autant plus complexe que la loi du 27 janvier 2014 qui créée les métropoles
confie à ces structures une pleine compétence en matière de développement économique. La région
est donc loin d’avoir un rôle central, et dans le schéma d’aujourd’hui, les métropoles sont et seront les
grands gagnants de cette répartition des compétences.

3. Le rôle de l’État.

L’État garde la compétence de la compétence en matière économique, et on s’aperçoit que


l’intervention économique des collectivités territoriales se fait en accompagnement de l’État. Autrement dit, la
responsabilité économique reste au niveau central.

Section 3 : Les attributions des collectivités locales en matière social et sanitaire.
La prise en charge des pauvres et des invalides a longtemps été une compétence locale parce que
la logique de la proximité joue, l’assistance. Depuis l’histoire des communes au XII eme siècle, on trouve des
actions dans ce domaine là. Dans le contexte économique des années 1980 on comprend que cette
compétence est particulièrement sensible et le législateur a choisi le département pour développer des
politiques de solidarité, et de proximité.
Pour autant, la commune a gardé un rôle toujours important et l’État, à titre subsidiaire, n’a pas
abandonné cette compétence au nom du principe de l’égalité et du principe de solidarité nationale.

Il réinvestit régulièrement alors le champ de l’intervention sociale. On peut citer la loi de 1988 sur le
RMI. Le dispositif reste complexe puisqu’on a le département qui joue le rôle de collectivité chef de fil, et
l’État qui recentralise certaines compétences pour relancer des politiques en matière sociale.
Pour autant, le bilan de l’action sociale semble très positif. Il est certain que les départements ont
montré leur efficacité dans ce domaine puisqu’on estime que c’est plus de 80 % de la dépense sociale des
collectivités locales qui vient du département. Ces département ont mis en place des politiques assez
innovantes dans ces domaines.
D’autant plus que la question de la protection des personnes vulnérables n’a fait que s’amplifier au
point que même la Cour de cassation rend un rapport sur le sujet.

I. Le département clé de voûte de l’aide et de l’action sociale.

Très vite, dès 1984, le département est devenu la collectivité de principe en matière d’aide sociale.
Cela est consacré par la loi du 13 août 2004 qui va ériger le département en collectivité chef de fil en
matière d’aides sociales. Cela veut dire que le législateur veut lui reconnaître un rôle d’impulsion et de
coordination en matière d’action sociale.
Il faudrait bien sûr nuancer cette présentation de cette cartographie notamment parce que les
caisses de sécurité sociale qui relève de l’État ont continué à jouer un rôle non négligeable dans ce
domaine.

A. Les compétences transférées.

Ces compétences sont particulièrement nombreuses et sont directement opérationnelles parce


qu’elles touchent directement les personnes. Concrètement cela se traduit de quatre manières.
• En matière d’aide médicale.
• En matière de personnes âgées.
• En matière de personnes handicapées.
• En matière de l’enfance.

A ces quatre compétences, le législateur rajoute la lutte contre l’exclusion notamment en récupérant
la gestion du RMI avec l’idée d’intégration, la protection maternelle et infantile, et une politique concernant la
compétence en matière de lutte contre les fléaux sociaux.
La loi de 2004 a recentralisé cette dernière compétence. Par ailleurs, le département s’est vu confier
une compétence en matière de planification puisque le Conseil général élabore un schéma départemental
d’organisation sociale et médico-sociale.

Ce schéma se fait d’une manière concertée entre l’État et les acteurs publics et privés. Ce sont des
documents prévus pour une durée de cinq ans et qui sont là pour évaluer les besoins de la population, mais
aussi pour faire un bilan quantitatif et qualitatif des dispositifs qui sont en place.

B. Les pouvoirs propres du Président du Conseil général.

C’est une originalité du système et le Président, dans des domaines assez nombreux, peut agir
directement et sans avoir à saisir son Conseil. Il est d’abord compétent en ce qui concerne l’admission à
l’aide sociale des familles, l’agrément pour l’exercice des professions d’assistants maternels ou d’assistants
familiales.
Il est compétent, avec le Préfet, pour mettre en place des plans d’alerte d’urgences pour des
personnes vulnérables. Également pour autoriser la création ou l’extension des établissement sociaux ou
médico-sociaux.
Il est aussi compétent car il jour un rôle central dans la fixation du budget du département et de
tarification des établissements.

II. Le maintien d’une compétence étatique.


L’État a conservé des leviers dans le domaine de l’action sociale. Ces leviers sont d’autant plus
important que c’est l’État qui fait la loi et qui continue de fixer les principes et les orientations en matière
d’aides sociales. L’aide sociale touche aux libertés publiques ; ces libertés doivent être exercées d’une
manière égalitaire.
On a régulièrement des textes qui viennent assurer une uniformité en matière de politique sociale.
On peut penser encore à la loi du 29 janvier 1992 concernant le logement.

C’est une politique recentralisée, d’autant plus que l’État joue un rôle non négligeable dans le
domaine de la santé, ce qui impacte les politiques sociales qui sont en périphérie de ce domaine de la santé.
D’autant plus que l’État va jouer un rôle non négligeable puisque certaines compétences données
aux départements peuvent dans certaines hypothèses nécessiter l’intervention de l’État. La fermeture des
institutions dans le domaine social ou médico-social relève d’un acte conjoint entre le Préfet et le Président
du Conseil général.
Le levier de la surveillance est d’autant plus importante qu’une partie des flux financiers vient de la
sécurité sociale.

III. L’émergence d’une compétence régionale.

Traditionnellement la région était peu présente sur ce secteur, ce qui est assez discutable parce que
les politiques économiques sont aussi difficiles à détacher des politiques sociales. Cette situation est en train
d’évoluer parce que la région reste pour l’État le territoire à partir duquel il mène ses politiques.
La mise en place des agences régionales de santé qui relèvent de l’État s’inscrivent dans le territoire
régional. Par ailleurs, le renforcement des compétences des régions du fait de la loi Notre de 2015 n’est
pas sans conséquences sur les politiques sociales.

Par ailleurs le développement de certaines compétences n’est pas sans incidence sur la politique
sociale. On voit alors que la région s’investit dans ce domaine et ce développement de son rôle se traduit
par une réforme dès 2002 puisqu’on a demandé aux régions d’établir un schéma régional de l’organisation
sociale qui doit reprendre les schémas départementaux et qui doit essayer de coordonner les politiques
d’actions sociales sur son territoire.
Par ailleurs, le législateur a confié aux régions une compétence en matière de formation dans le
domaine social. Et enfin, la région s’est vu reconnaître depuis une loi du 9 août 2004 une compétence en
matière de santé, notamment pour, avec l’État, décider de l’implantation des établissements en matière de
santé.

IV. Le rôle de la commune.

La commune reste un territoire important dans le domaine social avec simplement la difficulté qu’il
peut y avoir de grandes disparités selon les communes. Il s’agit en grande partie de compétences
facultatives qui vont dépendre de la volonté politique mais aussi de la richesse de la commune.
C’est souvent à cet échelon que la demande sociale est la plus importante. On a des interventions
très variées dans le domaine des crèches, de la cantine, de repas à domicile… Le département peut, par
convention, lui déléguer des compétences.

On a des dispositifs qui font l’objet d’un contrôle du juge administratif puisque ces mesures sont
prises sur la base de la clause générale de compétence. Il y a une structure dans certaines communes qui
joue un rôle important, ce sont les CCAS qui avait été prévu pour être dans toutes les communes de
France.
La réalité à montré le contraire puisque seules les communes importantes ont pu se doter de ces
structures. Et la loi Notre n’oblige ces structures que pour les communes de plus de 1500 habitants.
Lorsqu’elles existent, ces structures animent la politique sociale sur le département.

Les métropoles récupèrent les compétences des départements en matière d’aide social. Cela
montre la montée en puissance des départements. On s’interroge alors sur l’intérêt du département en
présence de métropole qui couvre la quasi totalité du territoire. On vide alors les départements de leur
substance sans vouloir les supprimer.

Chapitre 2  : Le contrôle des collectivités locales

Cela permet de préciser juridiquement les relations entre l’État et les collectivités locales. On voit
que ce contrôle a évolué et qui essaie à la fois de maintenir les collectivités locales dans la structure unitaire
de l’État et aussi de leur permettre de garder une marge de manœuvre.
Aujourd’hui il est difficile d’évaluer l’évolution de ce contrôle. On peut penser que ce contrôle a été
allégé avec les réformes de la décentralisation en 1892 qui suppriment le pouvoir d’annulation dont
disposait le Préfet pour mettre en place un contrôle a posteriori qui permet seulement au Préfet de saisir le
Tribunal administratif lorsqu’il estime qu’un acte local est illégal.
D’autant plus que depuis 1982, le Préfet a engagé un dialogue constructif avec les acteurs locaux.
C’est souvent la grille habituelle qui nous explique cette évolution vers plus de libertés pour les collectivités
locales. Le législateur annonce notamment la suppression de la tutelle pour les collectivités locales.

Or la réalité juridique est plus complexe. En effet, si le contrôle de la légalité des actes locaux a été
assoupli, d’autres mécanismes plus efficaces ont été mis en place pour maintenir sous surveillance l’action
locale.
On peut dire que depuis l’Ancien Régime, on est allé vers plus de liberté, mais à la fois on a jamais
été sous un régime de surveillance. Cette surveillance pèse sur tous les acteurs institutionnels, et surtout les
acteurs locaux des collectivités territoriales.

Section 1 : Le déféré préfectoral ou le contrôle de légalité des actes locaux.

I. La nature du contrôle.

En modifiant en 1982 les relations entre l’État et les collectivités locales, et en annonçant la
suppression de la tutelle, le législateur a mis en place un mécanisme de contrôle administratif sans pour
autant préciser la nature juridique de ce mécanisme.
La pratique jurisprudentielle a permis de préciser que ce contrôle administratif était un contrôle
juridictionnel, et qu’il était facultatif.

A. Le déféré : un contrôle juridictionnel.

Le législateur était silencieux sur la définition juridique de ce contrôle. Dans la Constitution de


1958, il est seulement prévu que l’État exerce un contrôle administratif sur les collectivités locales. Très vite,
le juge a précisé la nature de ce contrôle en affirmant clairement qu’il était un recours pour excès de pouvoir
dans l’arrêt Pistol du 27 février 1987.
Le Conseil d’État qualifie expressément le contrôle du Préfet en recours pour excès de pouvoir. En
conséquence, cela veut dire que le déféré instauré en 1982 est soumis à toutes les règles qui régissent le
recours pour excès de pouvoir. C’est-à-dire les règles de procédure, les conditions de recevabilité et les cas
d’ouverture.
Du coup, cela limite le rôle du Préfet, qui est limité à un simple contrôle de légalité d’un acte d’une
collectivité locale. Au bout du compte, le déféré institué en 1982 se situe dans le prolongement du contrôle
de tutelle mis en place sous la IIIeme République.

B. Le déféré : un contrôle facultatif.

Cette question du caractère facultatif du déféré préfectoral est une question beaucoup plus
complexe que la précédente. L’Art.3 de la loi du 2 mars 1982 indiquait que le Préfet « défère au Tribunal
administratif les actes qu’il estime contraire à la légalité ».
On pouvait penser, à partir de la lecture de cet article, mais aussi de l’analyse de la Constitution qui
prévoit un contrôle administratif de l’État, que le Préfet disposait d’une compétence liée et qui se traduisait
par une obligation de déférer un acte au Tribunal administratif dès lors qu’il estimait qu’il était contraire à la
légalité.
Très vite, les Tribunaux administratifs ont confirmé cette première interprétation.

Arrêt du 6 février 1984 : concerne un syndicat mixte de transport dans la région lyonnaise. Le juge
considère clairement que le Préfet a bien une obligation de faire respecter la loi.

On estime que le Préfet devient le Commissaire de la République, qui doit être le gardien de la
légalité. C’était une position défendue, d’autant plus qu’elle permettait aux citoyens de saisir le Préfet pour
attirer son attention sur l’illégalité d’un acte local. En cela, le Préfet se retrouvait lié par la demande du
citoyen et avait alors une obligation de saisir le Tribunal administratif.
Le Préfet n’était alors plus le représentant de l’État mais le Commissaire de la loi. Cette conception a
duré pendant jusque dans les années 1980, mais elle a été abandonnée par le juge administratif dans l’arrêt
Brasseur du 25 janvier 1991 pour plusieurs raisons.
• Si il existait une obligation qui pesait sur le Préfet, le législateur n’avait pas pour autant prévu de
sanction.
• Par ailleurs la pratique juridique a montré que le Préfet, inévitablement, ne pouvait pas contrôler tous
les actes des collectivités locales.
• La pratique a montré que, pour les Préfets, il était important de disposer d’une marge d’appréciation
dans l’estimation d’une illégalité puisque bien souvent celui-ci doit choisir entre l’annulation d’un acte
illégal et la mise en cause de l’action de l’État français qui serait pour une politique contraire à
l’Union européenne.
• Dans un certain nombre d’hypothèses, le Préfet doit faire un choix entre une décision illégale et une
décision opportune. L’appréciation d’opportunité ne peut pas disparaître dans le contrôle du Préfet.

On s’est aperçu que la posture de ce Préfet est une position impossible. Le juge en tient compte
dans sa décision Brasseur du 25 janvier 1991. le Conseil d’État a jugé que le refus du Préfet de mettre en
œuvre la procédure du déféré pour un acte illégal ne constituait pas une décision susceptible de recours
pour excès de pouvoir par un citoyen.
Cette question a été tranché en 1991, et elle a rebondit sur le terrain juridique, et plus
particulièrement sur le terrain de la responsabilité. La question était alors de savoir si on pouvait du coup
engager la responsabilité du Préfet sur la base de la faute.
Le juge de la Cour d’appel administrative de Marseille y a répondu dans un arrêt du 21 janvier 1999
concernant la commune de Saint-Florent en Corse. La Cour d’appel de Marseille considère que l’on peut
engager la responsabilité de l’État pour faute lourde. Ici, comme le Préfet s’était abstenu à plusieurs reprises
de toute intervention, le juge a considéré que cette attentisme de l’État était constitutif d’une faute.
Cette question marque une évolution puisque le Préfet dispose d’une marge d’appréciation, qui, pour
autant, peut conduire à l’engagement de sa responsabilité en cas de faute lourde.

II. Les règles de procédure du déféré préfectoral.

Ces règles ont été posé dans la loi du 1982 et ont peu évolué depuis cette période. L’idée générale
est qu’en principe, les actes des collectivités locales sont désormais exécutoires, c’est-à-dire qu’ils sont
valides dès qu’ils ont été publiés, et pour certains, dès qu’ils ont été transmis au Préfet.
La technique du déféré commence à partir du moment de la transmission des actes dont la liste est
établie par la loi. L’examen de la légalité par la Préfecture est la saisine du Tribunal administratif. Le
législateur en 1982 a établie une liste d’actes qui doivent faire l’objet d’une transmission en Préfet pour être
exécutoires. On trouve alors :
• Les actes réglementaires.
• Les actes individuels en matière de police.
• Les marchés publics.
• Les décisions relatives à la nomination et à l’avancement des fonctionnaires.
• Les actes de puissance publique des sociétés d’économie mixte ou des sociétés publiques des
collectivités locales.
• Les autorisations d’occupation du sol.

Seuls ces actes peuvent faire l’objet d’un déféré. Le législateur a donc voulu encadrer le contrôle du
Préfet. Mais le juge administratif a précisé cette liste d’actes transmis. Précisons que cette liste permet au
Préfet de faire un recours pour excès de pouvoir contre les contrats administratifs alors qu’il porte
uniquement sur les actes unilatéraux.
Également, le déféré est recevable aussi bien en ce qui concerne les autorisations de construire que
contre les refus de permis de construire.

La position souple du Conseil d’État permet au juge de reconnaître la possibilité du Préfet, dans un
arrêt 1997, de déférer une décision implicite de rejet. Dans les faits, un Maire est poursuivit pour
détournement de fond, or il continuait à recevoir ses indemnités de Maire. Le Préfet demande alors à la
municipalité de supprimer les indemnités et le juge administratif accepte la décision du Préfet.
Les seules limites concernent les contrats de droit privé passés par les collectivités locales qui
échappent au contrôle de l’État.

III. Les modalités du dialogue entre le Préfet et les collectivités locales.

Il faut comprendre que le déféré est plus qu’un simple contrôle juridictionnel et le juge a aménagé ce
contrôle pour permettre la mise en place d’un dialogue constructif entre l’État et les collectivités.
Plusieurs mécanismes ont été ouverts pour permettre ce dialogue. Premièrement, le juge
administratif a reconnu au Préfet la possibilité de demander des pièces complémentaires pour examiner la
légalité de l’acte transmis. Cette demande de pièces complémentaires doit être nécessaire selon le juge
administratif, mais elle va permettre d’en dégager un dialogue entre les acteurs parce qu’elle va suspendre
les délais de saisine du Tribunal administratif.

IV. Le bilan.

Le contrôle de légalité mis en place en 1982 est très largement discuté et pose beaucoup de
questions. Il est étonnant que ce contrôle très critiqué n’a quasiment pas évolué sur le plan des principes
juridiques mais qui a évolué dans sa pratique, d’autant plus que l’État s’est engagé dans un processus de
restructuration des Préfectures qui a conduit notamment à la fermeture d’une quarantaine de sous-
Préfectures en charge de ce contrôle de légalité.
Pour avoir un bilan il faut partir des chiffres.
• Nombre d’actes transmis : 5 millions d’actes dont 760 actes annulés chaque années.

Il y a en moyenne plus 100 000 observations qui sont faites par an sur la légalité des actes
administratifs. Sur ces observations, il n’y a en moyenne que 2 000 recours juridictionnels qui ne conduisent
qu’à 1 000 jugements.
Sur ce bilan, on considère que le rôle des préfectures et le contrôle de légalité est efficace où l’État
joue pleinement sa fonction de gardien de la légalité. Il faut affiner cette analyse en examinant sur quel type
de contentieux le contrôle du Préfet va porter.
On s’aperçoit alors qu’une bonne partie du contentieux touche la fonction publique territoriale, et que
le contentieux de l’urbanisme et des marchés publics est relativement faible. Au bout du compte, une grande
partie du contentieux n’est pas forcément là où on pouvait l’espérer.
Cela conduit à un contentieux qui pourrait être réalisé directement par les acteurs en cause. Faut-il
que le Préfet soit compétent en matière de contentieux de la fonction publique territoriale ?

La question qui se pose est de faire éclater le contrôle de légalité est de limiter le pouvoir de
surveillance du Préfet dans diverses administrations. On s’aperçoit que le contrôle des collectivités se fait
ailleurs.
On a un contrôle qui laisse passer des actes illégaux, d’autant plus que le Préfet n’est pas le mieux
placé pour contrôler ces actes.

Section 2 : Le contrôle des finances locales.

I. Panorama des contrôles.

Le contrôle de légalité a très vite montré ses limites ; et il est apparu assez vite, avec le
développement de la décentralisation et l’augmentation des budgets locaux, qu’il était important que l’État
surveille l’utilisation de l’argent public par les collectivités locales.
Le développement de ce contrôle apparaît dans les années 1990 et plusieurs textes vont être mis en
place pour assurer une plus grande transparence en matière de gestion locale.
• Loi du 6 février 1992 qui porte sur une amélioration de la démocratie locale.
• Loi du 26 janvier 1993 qui porte sur les délégations de services publics et des marchés publics.
• Loi du 4 février 1995 qui renforce les pouvoirs du Préfet, qui peut en matière de marchés et de
délégation de services publics disposer d’un pouvoir de suspensions des actes des collectivités
locales.

A partir de là, à côté des mécanismes de déféré, cette machinerie ce sont développées de nouvelles
institutions chargées de la surveillance des collectivités. On peut citer les chambres régionales des comptes
dont les moyens ont été largement renforcés à partir de cette période.
Il y a également la Cour des comptes qui fait un travail de surveillance d’enquête particulièrement
important, aussi la Cour disciplinaire budgétaire et financière. Il faudrait aussi évoquer le rôle de la Direction
de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Enfin, il faudrait aussi voir le rôle de
la Mission interministérielle d’enquête sur les marchés publics.

Ces nouvelles institutions vont jouer un rôle important de surveillance et d’évaluation des politiques
locales. Mais ce rôle de surveillance et d’information conduit à un contrôle plus efficace parce qu’il touche
directement à l’action des collectivités.
Il touche à la fois la question de la légalité, mais aussi l’opportunité de l’action des collectivités. Le
contrôle de légalité du Préfet sert juste à savoir si l’acte administratif est conforme à la loi.

Ces politiques mettent en avant la lutte contre la corruption, ce qui n’est pas sans poser de
problème, puisque cela met le doute sur le fait que les Maires seraient corrompus. Se met en place des
organismes qui ne sont pas là pour faire un contrôle de légalité mais qui évaluent directement les politiques
locales.

II. Le contrôle budgétaire des collectivités locales.

Ce contrôle est particulièrement étendu puisqu’il porte sur quatre points.

A. Le contrôle de l’adoption du budget primitif.

Le vote du budget est un moment essentiel dans la vie d’une collectivité puisque c’est l’acte
prévisionnel qui permet d’autoriser les dépenses et de percevoir des recettes. Selon les textes, ce budget
doit être voté au plus tard avant le 31 mars.
Les chambres régionales des comptes et le Préfet vont exercer une surveillance pour que le budget
soit bien voté. Si les délais ne sont pas respectés, ce qui arrive assez souvent, c’est le Préfet qui va saisir
les chambres régionales des comptes qui vont disposer d’un mois pour faire des propositions.

Ces propositions permettront soit le vote du budget direct, soit de permettre au Préfet de se
substituer à la collectivité et exécuter par arrêté le budget de la collectivité. Dans la pratique on remarque
deux choses.
• Cette procédure est assez courante : environ 3 000 budgets font l’objet d’une intervention de la
chambre régionale des comptes.
• Le juge administratif est bienveillant en ce qui concerne les collectivités territoriales.

B. Le contrôle de l’équilibre du budget.

Cette obligation qui pèse sur les collectivités territoriales ne pèse pas sur l’État, le budget doit être
voté en équilibre réel. Ce principe s’applique strictement aux collectivités. En effet, l’équilibre entre les
recettes et les dépenses doivent avoir été évalué d’une manière sincère. C’est une obligation très lourde
parce qu’un budget est un acte prévisionnel et on est pas certain des recettes et des dépenses.
Le juge, sur ce plan, fait un contrôle strict de cette obligation. En ce qui concerne la procédure, c’est
le Préfet qui, une fois que le budget lui est transmis, dispose de trente jours pour saisir les chambres
régionales des comptes.

La chambre régionale des comptes proposent des mesures qui sont soit reprises par la collectivités,
soit le Préfet exécute le budget.
Le nombre d’interventions du Préfet est encore assez nombreux. Il peut souvent s’agir d’une
stratégie politique où la collectivité vote elles-même un budget incorrect pour avoir l’intervention du Préfet.

C. Le contrôle des dépenses obligatoires.

Le principe de libre administration n’empêche pas au législateur de fixer des dépenses obligatoires
aux collectivités territoriales. On a alors une liste qui correspond aux dettes exigibles auprès de la
collectivités, puis des dépenses divers pour lesquelles la loi à fixer une liste.
Le juge a été amené à préciser cette liste afin de faire apparaître les dépenses obligatoires avec une
jurisprudence qui n’est pas sans subtilité.

Dans l’hypothèse où une dépense obligatoire ne figure pas au budget, toute personne intéressée,
mais aussi le Préfet et le comptable public, peut saisir une chambre régionale des comptes pour signaler
une non inscription d’une dépense obligatoire.
A partir de là c’est la chambre régionale des comptes, puis le Préfet, qui pourra imposer l’inscription
de la dépense obligatoire dans le budget. Le législateur a permis aujourd’hui de détourner ces règles de
finances publiques en favorisant les marchés de partenariats publics / privés qui contournent cette exigence.

D. Le contrôle de l’adoption des comptes administratifs.

Les comptes administratifs sont un document qui doit être fait par une personne publique et qui doit
retracé ce qui a été perçu en tant de recettes et en tant que dépenses, et qui vient une fois que le budget a
été exécuté.
Il y a un contrôle de la sincérité de ces comptes qui est effectué par la chambre régionale des
comptes. Si la sincérité de ces comptes n’est pas respectés, la chambre régionale des comptes intervient
pour en rétablir l’exactitude.
Section 3 : Le contrôle citoyen.

C’est le contrôle le plus important parce que d’abord, quantitativement et au-delà il est le plus
efficace. Ce contrôle citoyen s’appuie sur le principe de responsabilité.

I. La responsabilité juridique.

Depuis la relance de la décentralisation en 1982, on a assisté à une montée en puissance du


contentieux de la responsabilité des collectivités. Les collectivités sont entrés de plein pied dans l’ ère de la
responsabilité.
Cette responsabilité prend des formes juridiques très différentes. Bien sûr, elle prend la forme d’une
responsabilité administrative avec le fait que dans la réalité, c’est d’abord et avant tout le collectivités locales
qui sont visées au quotidien.

Elle prend aussi la forme d’une responsabilité pénale qui s’est déployées à partir des années 1990
avec une évolution notable avec la réforme du Code pénal en 1992 où les collectivités territoriales ne vont
plus bénéficier d’une juridiction particulière et vont tomber dans le droit commun pénal. Les acteurs locaux
vont alors être soumis au Code pénal comme n’importe quel citoyen.
Ce basculement est discutable mais on peut s’en réjouir parce qu’on peut considérer qu’un élu n’a
pas avoir une privilège de juridiction, n’a pas à être protéger pénalement. Également, le droit pénal est une
arme efficace pour lutter contre la corruption mais aussi pour lutter contre toutes les atteintes à
l’environnement, aux libertés publiques, à l’accès d’enfants étrangers à une cantine scolaire…
Ce développement se justifie d’autant plus que dans cette logique de la responsabilité il faut trouver
des coupables. Il y a toutefois une sérieuse inquiétude parce que cette question de la responsabilité est
infinie puisque, par définition, on en fini jamais d’être responsable. Ce besoin de trouver des responsables
est infini.

Cela a frappé les collectivités à différents niveaux. D’abord dans le droit de l’environnement où on
voit se développer un droit à l’environnement considérable d’autant plus renforcé avec le principe de
précaution. Ensuite, en matière économique avec deux incriminations importantes (prise illégale d’intérêt et
délit de favoritisme). Également, en matière financière avec le droit pénal sur la fraude.
Au-delà, c’est le développement de la pénalisation de la vie locale sur le terrain de l’imprudence ou
de la négligence. Les infractions non intentionnelles sont apparues dans le Code pénal avec l’idée de punir
toute personne qui avait causé un dommage et notamment la mort d’autrui par le fait d’une imprudence,
d’une maladresse, d’une négligence, ou d’un manquement à une obligation de sécurité.
C’est sur cette base juridique que s’est développée une responsabilité pénale à l’encontre des élus
locaux. Cette extension de la responsabilité a conduit à un contentieux pénal assez important et cela malgré
deux tentatives législatives en 1996 et en 2000 qui a modifié le Code pénal. Malgré cette nouvelle
rédaction, la Cour de cassation a maintenu sa jurisprudence particulièrement stricte à l’encontre des élus
locaux.

II. La responsabilité politique.

C’est le deuxième aspect du développement du contrôle des collectivités locales. Le développement


de la décentralisation s’est accompagné d’un contrôle politique des collectivités territoriales. Ce contrôle
politique est important parce que c’est lui qui permet de surveiller, vérifier, l’action des acteurs locaux.
Sur ce plan, il y a une vraie évolution depuis les années 1980 parce qu’on voit une autre manière de
gérer les collectivités qui se traduit par le fait qu’on en a fini avec ces dynasties d’élus qui contrôlaient
pendant vingt ans ou trente ans des collectivités locales.

Ce type de fonctionnement est passé et on a des renouvellements politiques avec des alternances
beaucoup plus régulières. Cette évolution s’est traduit de deux manières.

A. La mise en place d’un contrôle des élus par les élus.

D’abord par le fait qu’on a mis en place un contrôle des élus par les élus. Si on voit le
fonctionnement de la décentralisation le premier contrôle qui est exercé résulte de l’activité politique des
élus, renforcée par la création d’un statut de l’élu et par le fait qu’on ait donné des droits à l’opposition pour
contrôler l’activité des collectivités locales.
Le statut de l’élu se manifeste par une loi du 3 février 1992 qui créée un statut de l’élu et qui donne
du temps disponible pour les élus, des garanties professionnelles, des indemnités, et un droit à la formation.
Ensuite, on a vu se développer un statut de l’opposition qui s’est traduit par un renforcement du droit
à l’information par le biais de l’accès aux documents administratifs, un droit de débattre par le biais de
commission et qui se prolonge par un droit d’expression. Également, un renforcement des moyens
juridictionnels offerts aux élus locaux.

CE, Ville de Medon, 24 mai 1995 : arrêt qui permet aux élus des associations locales de saisir le juge
administratif. Jusqu’à présent, le Conseil d’État refusait car il n’y avait pas d’intérêt à agir.

B. Le renforcement d’un contrôle citoyen.

Il se fait bien sûr par une meilleure information, tout ce qui est politique de communication des
documents administratifs. C’est un contrôle par l’information mais aussi par le fait que de plus en plus le
citoyen participe à l’élaboration de la décision locale.
Il y a une évolution notable dans le droit de l’environnement et de l’urbanisme où on notait une
évolution des procédures de participation de l’élaboration des procédures publiques.
Le contrôle citoyen, par le recours au juge, le juge administratif accepte très facilement les recours
qui concernent les collectivités locales.

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