Vous nous interrogez, par courrier du 4 septembre 2020, au sujet d’une opération
impliquant un SIVOM et un bailleur social. L’opération envisagée est la suivante :
• acquisition par le SIVOM d’un terrain en ZAC pour y réaliser une résidence
autonomie ;
• conclusion concomitante d’un bail à construction entre le SIVOM et le bailleur
social afin que ce dernier construise la résidence autonomie ;
• conclusion d’un bail entre le bailleur social, bénéficiaire du bail à construction,
et le SIVOM, portant sur la résidence autonomie une fois achevée.
Vous nous indiquez que « l’objectif du SIVOM et du bailleur social est que le prix d’acquisition du
terrain par le SIVOM soit payé par le règlement concomitant des loyers cumulés du bail à construction ».
Cette opération de résidence autonomie intervient dans le cadre d’un appel à projet lancé
par le département, le projet conjoint du SIVOM et du bailleur social ayant été lauréat.
• Le SIVOM est-il compétent pour créer une structure pour personnes âgées ?
Une modification des statuts est-elle possible/nécessaire ?
• Le bail conclu entre le SIVOM et le bailleur social pour la construction de la
résidence doit-il être une bail emphytéotique administratif (BEA) ? Existe-t-il
des alternatives (acquisition du terrain par le bailleur social et mise à disposition
au profit du SIVOM) ?
• Le choix du constructeur par le SIVOM doit-il faire l’objet d’une mise en
concurrence ?
• Comment mettre en œuvre une opération « blanche » au regard des règles de la
compatibilité publique ?
L’article 6 des statuts du SIVOM indique : « le nouveau Syndicat exerce l’ensemble des compétences
ci-après, exercées par les syndicats fusionnés. Le syndicat issu de la fusion est substitué de plein droit, pour
l’exercice de ses compétences dans son périmètre, aux anciens Syndicats dans toutes leurs délibérations et
tous leurs actes.
Les prestations de services entrant dans le cadre de compétences du Syndicat au profit d’une collectivité,
même non adhérentes d’un autre établissement public de coopération intercommunale ou d’un Syndicat
mixte sont autorisées. Elles doivent faire l’objet de convention et respecter les dispositions du Code des
marchés publics ».
A la lecture de cet article, il nous semble que le Syndicat ne dispose pas d’une
compétence générale pour créer une structure « personnes âgées » (acquérir des
terrains, passer les marchés de travaux, gérer la résidence, etc.). Il n’est, en effet investi que
d’une compétence « spéciale » pour gérer « la Résidence pour Personnes Agées, dénommée
« EHPAD La Farigoule » ». Il ne nous semble pas non plus possible de considérer que
cette opération pourrait constituer une activités « complémentaire » à l’exercice des
compétences du SIVOM. En effet, de tels activités ne pourraient qu’être liées aux
compétences « spéciales » qui ont été attribuées au SIVOM.
Conclusion : pour que le SIVOM puisse créer une structure « personnes âgées »
(distinctes des structures qui relèvent de sa compétence) une modification de ses statuts
sera nécessaire.
Dès lors que le SIVOM aura acquis la parcelle, il ne lui sera pas possible de conclure un
bail à construction avec l’organisme chargé de réaliser les travaux de construction de la
résidence autonomie. En effet, bien que ce terrain ne sera pas – dès son acquisition –
affecté à l’utilité publique, il aura toutefois vocation à être affecté, à l’avenir, à un service
public. Par conséquent, le terrain relèvera, selon nous, du domaine public par application
de la théorie de la domanialité publique « virtuelle ».
Rappelons que cette théorie remonte à l’affaire Eurolat, à l’occasion de laquelle le Conseil
d’Etat a jugé qu’était soumis aux principes de la domanialité publique (au nombre
desquels le principe d’inaliénabilité) « un terrain appartenant à une collectivité publique, affecté à un
service public, et destiné par les parties à être aménagé à cet effet »3. Par la suite, l’arrêt
Association ATLALR4 semble avoir suggéré que la théorie de la domanialité publique
virtuelle avait été
abandonnée par le CGPPP, mais qu’en vertu de la non-rétroactivité du Code, les biens
entrés « par anticipation » dans le domaine public avant son entrée en vigueur ne pouvaient
en être sortis du seul fait de l’intervention dudit Code.
L’arrêt Commune de Baillargues du 13 juin 20165 a mis fin au doute qui pouvait persister sur
la survivance ou non – suite à l’entrée en vigueur du CGPPP – de la théorie de la
domanialité publique virtuelle. Dans cette affaire, le Conseil d’Etat a jugé que « quand une
personne publique a pris la décision d’affecter un bien qui lui appartient à un service public et que
l’aménagement indispensable à l’exécution des missions de ce service public peut être regardé comme
entrepris de façon certaine, eu égard à l’ensemble des circonstances de droit et de fait, telles que,
notamment, les actes administratifs intervenus, les contrats conclus, les travaux engagés, ce bien doit être
regardé comme une dépendance du domaine public ».
En l’espèce, il résultera, selon nous, d’un faisceau d’indices concordants que le terrain en
ZAC acquis par le SIVOM pour construire une résidence autonomie ainsi que les contrats
conclus avec des tiers pour construire ce bâtiment auront pour effet de provoquer l’entrée
du terrain dans le domaine public du SIVOM, par application de la théorie de la
domanialité publique « virtuelle ».
Dès lors, la conclusion d’un bail à construction sur ce terrain au profit d’un tiers (en
l’occurrence, le bailleur social) sera jugée illégale, puisqu’elle confère des droits réels
« civils » incompatibles avec le principe d’inaliénabilité du domaine public6. En réalité, seul
un titre constitutif de droits réels « administratifs » – tel que le bail emphytéotique
administratif (BEA)7 ou l’autorisation d’occupation temporaire constitutive de droits réels
(AOTDR)8 – pourrait être conclu sur ce terrain. Encore faut-il cependant, que les
conditions requises soient réunies9.
Conclusion : la conclusion d’un bail à construction sur le terrain acquis par le SIVOM
est, selon nous, illégale en raison de l’application de la théorie de la domanialité publique
« virtuelle ».
On peut rappeler, à titre liminaire, que le législateur a subordonné la conclusion d’un BEA
ou d’une AOTDR (qui prend généralement la forme d’une convention) a plusieurs
conditions cumulatives.
Depuis l’entrée en vigueur du Code de la commande publique (1er avril 2019)13, les articles
L. 1311-2 (BEA) et L. 1311-5 (AOTDR) du CGCT disposent :
• La conclusion d’un BEA ou d’une AOTDR ne peut avoir pour « objet l’exécution
de travaux, la livraison de fournitures, la prestation de services, ou la gestion d’une mission de
service public, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit
d’exploitation, pour le compte ou pour les besoins d’un acheteur ou d’une autorité concédante
soumis au code de la commande publique ».
• Dans le cas où la conclusion d’un BEA ou d’une AOTDR « serait nécessaire à
l’exécution d’un contrat de la commande publique, ce contrat prévoit, dans le respect des
dispositions du [CGCT], les conditions de l’occupation du domaine ».
En l’espèce, il ne fait pas de doute, selon nous, que la convention qu’entend conclure le
SIVOM avec le bailleur social est « requalifiable » en contrat de la commande publique.
L’article L. 2 du Code de la commande publique (CCP) dispose que « sont des contrats de la
commande publique les contrats conclus à titre onéreux par un acheteur ou une autorité concédante, pour
répondre à ses besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services, avec un ou plusieurs opérateurs
économiques ». La requalification d’une convention en contrat de la commande publique
suppose que plusieurs critères soient réunis.
• que « l’objectif du SIVOM et du bailleur social est que le prix d’acquisition du terrain par
le SIVOM soit payé par le règlement concomitant des loyers cumulés du bail à
construction ».
• que serait conclu « un bail entre le bailleur social, bénéficiaire du bail à construction, et le
SIVOM qui a consenti le bail à construction, portant sur la résidence autonomie une fois
achevée ». Ce bail devrait être « de longue durée » comme vous l’indiquez
également.
Nous ne disposons pas de tous les éléments pour apprécier les conditions de la
rémunération du bailleur social. Il nous semble néanmoins qu’elle proviendra
principalement des loyers versés par le SIVOM sur une longue période pour l’occupation
de la résidence autonomie. Sous réserve d’informations contraires sur ce point, il nous
semble donc que le paiement des loyers peut s’analyser comme le « prix » d’un marché
public, ce qui confère un caractère onéreux à l’opération.
Vous écrivez que « le SIVOM et le bailleur social ont indiqué que la construction des logements de la
résidence autonomie relèverait du financement en PLS (Prêts Locatifs Sociaux) et qu’à ce titre,
l’établissement public était dispensé de mettre le constructeur bailleur social en concurrence. […] De même,
je ne pense pas que la procédure d’appel à projet du Département puisse pallier l’absence de mise en
concurrence ».
Il n’existe, dans votre cas, aucune possibilité pour exonérer cette opération d’une
procédure préalable de publicité et de mise en concurrence.
En second lieu, le fait qu’une procédure d’appel d’offres ait été organisée pour confier la
réalisation du projet au SIVOM et au bailleur social ne permet pas d’exonérer les
membres du « groupement » sélectionné du respect des règles de publicité et de mise en
concurrence. Ainsi, lorsqu’un pouvoir adjudicateur (en l’occurrence le SIVOM) est
membre d’un groupement d’opérateurs économiques cette qualité ne l’exonère pas des
exigences de transparence dans la passation de ses propres contrats relevant du champ de
la commande publique au sein du groupement. Il ne peut donc pas invoquer cette qualité,
pour confier à un autre membre du groupement (en l’occurrence le bailleur social) la
réalisation d’un contrat de la commande publique, sans publicité ni mise en concurrence.
• Recours en annulation
Une opération passée au mépris de la réglementation des marchés publics est constitutive
du délit de favoritisme (ou délit d’octroi d’avantage injustifié), défini et réprimé par
l’article 432-14 du Code pénal : « est puni de deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 200
000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction, le fait par une personne
dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou investie d’un mandat électif
public ou exerçant les fonctions de représentant, administrateur ou agent de l’Etat, des collectivités
territoriales, des établissements publics, des sociétés d’économie mixte d’intérêt national chargées d’une
mission de service public et des sociétés d’économie mixte locales ou par toute personne agissant pour le
compte de l’une de celles susmentionnées de procurer ou de tenter de procurer à autrui un avantage injustifié
par un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté
d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics et les contrats de concession ». Un tel délit se
prescrit par six ans à compter de sa commission.
En cas de non-respect des règles de la commande publique, nous ferons observer que le
risque pénal ne concerne pas seulement le SIVOM mais également le bénéficiaire du délit
de favoritisme (en l’occurrence, le bailleur social) pour « recel ». L’article 321-1 du Code
pénal « le recel est le fait de dissimuler, de détenir ou de transmettre une chose, ou de faire office
d’intermédiaire afin de la transmettre, en sachant que cette chose provient d’un crime ou d’un délit.
Constitue également un recel le fait, en connaissance de cause, de bénéficier, par tout moyen, du produit
d’un crime ou d’un délit. Le recel est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende ».
Comme nous l’avons rappelé ci-dessus, le SIVOM est tenu de mettre en œuvre des
mesures de publicité et de mise en concurrence pour confier à un tiers la construction sur
le terrain acquis en ZAC de la résidence autonomie. Il n’est donc pas certain, à ce stade de
l’opération, que le tiers sélectionné par le SIVOM sera bien le bailleur social initialement
envisagé. En tout état de cause, la procédure mise en œuvre devra être conforme au CCP
et respecter les principes de liberté d’accès, d’égalité de traitement des candidats et de
transparences des procédures20.
Vous écrivez : « si le SIVOM entend faire une opération « blanche » en n’ayant pas à sortir le prix
d’acquisition du terrain, il me semble que cela ne le dispense pas de prévoir les lignes budgétaires, tant en
dépenses pour l’acquisition du terrain (prix et frais d’acte) et la mise à disposition de la construction
(loyers), qu’en recettes (loyers du bail à construction), et que les fonds nécessaires devront circuler sans
possibilité de compensation ».
En somme, serait-il enviable que « le prix d’acquisition du terrain par le SIVOM soit payé par le
règlement concomitant des loyers cumulés du bail à construction » ?
Cependant, nous ne voyons pas comment les opérations d’acquisition du terrain (entre le
SIVOM et l’aménageur) et d’occupation du terrain pour construire la résidence (entre le
SIVOM et un tiers à l’aménageur) pourrait juridiquement se « compenser ». La
compensation est l’extinction simultanée d’obligations réciproques entre deux
personnes. Or, en l’espèce, il n’existe pas d’obligations « réciproques » entre le SIVOM et
le cocontractant sélectionné pour construire la résidence autonomie s’agissant de
l’acquisition par le SIVOM à un tiers (en l’occurrence, l’aménageur de la ZAC) d’un
terrain. Aucune compensation n’est donc susceptible de s’appliquer.
En toute hypothèse, le paiement, par avance, de la redevance ne peut excéder les sommes
dues pour une période quinquennale. Il n’est donc pas possible pour l’occupant de se
libérer intégralement de son obligation de payer la redevance domaniale pour toute la
durée de l’occupation, dès la conclusion de la convention.
Conclusion : par conséquent, et comme vous l’indiquez, « les fonds nécessaires devront circuler
sans possibilité de compensation ».
On peut cependant imaginer, dans votre hypothèse, une compensation entre les
redevances domaniales qu’aura à verser le cocontractant de l’administration pour occuper
le domaine public et les loyers versés par le SIVOM pour gérer la résidence autonomie.
On rappellera, sur ce point, que l’article 1347-1 du Code civil dispose que « la compensation
n'a lieu qu'entre deux obligations fongibles, certaines, liquides et exigibles. Sont fongibles les obligations de
somme d'argent, même en différentes devises, pourvu qu'elles soient convertibles, ou celles qui ont pour objet
une quantité de choses de même genre ».
Cependant, on fera observer que cette situation n’est sans doute pas celle qui sera
retenue par le SIVOM s’il conclut un marché public de travaux. En effet, dans cette
configuration, le pouvoir adjudicateur (en l’occurrence, le SIVOM) est tenu de déterminer
le « prix » du marché, qui se matérialisera par le paiement régulier des loyers pour occuper
la résidence autonomie21. Pour déterminer ce prix, il pourra – par exemple – déduire, par
avance, la redevance domaniale du prix que paie le SIVOM à son cocontractant pour
gérer la résidence autonomie.
A cet égard, on fera observer que l’article L. 2125-1, dernier alinéa du CGPPP dispose :
« lorsque l'occupation du domaine public est autorisée par un contrat de la commande publique ou qu'un
titre d'occupation est nécessaire à l'exécution d'un tel contrat, les modalités de détermination du montant
de la redevance mentionnée au premier alinéa sont fonction de l'économie générale du contrat. Lorsque
ce contrat s'exécute au seul profit de la personne publique, l'autorisation peut être
délivrée gratuitement ».
En dépit des recherches effectuées sur ce point (et en l’état des informations dont nous
disposons), il ne nous semble pas possible d’envisager un montage alternatif à celui que
vous proposez, dans le but, notamment d’éviter l’application des règles de la commande
publique.
Vous indiquez : « il me semblait plus simple que le bailleur social soit l'acquéreur du terrain et
construise la résidence autonomie qui louerait ensuite au SIVOM (sous réserve de la modification de ses
statuts) ».
Cependant, vous écrivez aussi : « mais, compte tenu de la taille réduite des logements en résidence
autonomie et de la situation géographique du projet (village à plusieurs km de la grande ville), le bailleur
social ne souhaite pas s'engager dans l'acquisition du terrain et une construction aux caractéristiques
particulière difficilement utilisable en dehors du contexte de l'opération en cause, sans avoir la certitude de
l'engagement de location du SIVOM pour une longue durée ».
Dans cette configuration, il ne fait aucun doute que le SIVOM n’aurait pas pu s’exonérer
des règles de mise en concurrence pour prendre à bail la résidence autonomie que se serait
engagé à construire le bailleur social. Certes, « les services d'acquisition ou de location, quelles
qu'en soient les modalités financières, de terrains, de bâtiments existants ou d'autres biens immeubles, ou
qui concernent d'autres droits sur ces biens » sont soumis à des règles allégées de mise en
concurrence par l’article L. 2512-5, 1° du CCP. Cependant, cette disposition –
conformément à l’interprétation du juge de l’Union européenne23 – ne vise que
l’acquisition ou la location de biens, a minima, « entamés ». Dès lors que la location porte
sur un immeuble « à construire », elle ne peut pas être qualifiée d’ « autres marchés
publics », au sens de l’article L. 2512-5, 1° précité.
On ne peut d’ailleurs, à cet égard, tout à fait exclure que le département remette en cause
l’appel à projet remporté par le SIVOM et le bailleur social dans le cas où le SIVOM
viendrait à gérer cette résidence autonomie avec un tiers sélectionné suite à une procédure
de mise en concurrence.
Nous vous prions d'agréer, Mon Cher Confrère, l'expression de nos sentiments dévoués.
6 CE, avis, sect. soc., 22 juin 1993, n° 353205 : EDCE 1993, p. 391.
7 CGCT, art. L. 1311-2. Ces dispositions sont applicables à un SIVOM : CGCT, art. L. 1311-4.
9 Cf. infra.
10 Cf. supra.
11 Ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, art. 101.
12 Ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession, art. 72.
13 Ordonnance n° 2018-1074 du 26 novembre 2018 portant partie législative du code de la
commande publique, art. 6
18 Idem, n° 179.
19 Cf. supra.
20 CCP, art. L. 3.
21 Cf. supra.
23 CJUE, 29 oct. 2009, aff. C-536/07, Commission c/RFA : JurisData n° 2009-022395. – CJUE, 10
juill. 2014, aff. C-213/13, Impresa Pizzarotti c/ Cne Bari.