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Quand bien s’informer devient aussi vital


que bien manger
Indispensable au bon fonctionnement de nos sociétés et à leur compréhension, l’information est également
un produit de consommation. Inscrite dans un marché de l’offre et de la demande, elle s’éloigne parfois de
son but premier pour détourner l’attention de consommateurs de plus en plus demandeurs de contenus
sensationnels. Réussir à bien s’informer est devenu aussi compliqué que bien manger. Pour parvenir
à maîtriser la complexité du monde dans lequel on vit, les sciences de l’information vont devoir être
vulgarisées et généralisées pour diriger consommateurs et producteurs vers une information plus saine.

« Pour votre santé mentale, prenez du recul : informez-vous avec modération. » Verra-t-on un jour ce type de
mention légale figurer sur nos différents canaux ? Chaînes d’informations en continu, blogs, emails,
réseaux sociaux et messageries auront-ils ainsi le devoir de sensibiliser leur public au danger potentiel
qu’ils peuvent représenter ?

Il est en effet aujourd’hui indiscutable que, propulsée à haute dose, multiforme et associée à toute une série
d’alertes et autres notifications, l’information joue avec notre cerveau et pas toujours de la meilleure des
façons. Informations poubelles, vagues médiatiques... la question du volume est moins nouvelle que celle
de son impact amplifié depuis l’arrivée des objets connectés. Selon le Docteur Kardaras, expert américain
en addictologie, avec leurs applications à base d’alertes et de récompenses aléatoires, les téléphones, en
particulier, sont devenus une véritable pompe à dopamine. Ce neurotransmetteur du plaisir procure,
lorsqu’il est libéré par nos neurones, une sensation de bien-être et d’accoutumance, à l’image du sucre
consommé, pour le plaisir, en grande quantité dans notre alimentation malgré ses effets catastrophiques
sur la santé. La conséquence biologique directe est la mise en sommeil d’une partie du cerveau réfléchi
et raisonné pour stimuler, là encore, la dopamine. Si on ajoute à cela le manque de temps, on se retrouve
avec une grande partie du volume d’informations immédiates consommée comme dans un fast-food.
Derrière, c’est la création d’une véritable dépendance. On parle désormais d’addiction à l’information.

Pourtant, face aux transformations actuelles, nombreuses et majeures, qui vont s’amplifier ces prochaines
années, l’information joue plus que jamais un rôle prédominant. Dans un contexte où chaque individu
subit un grand écart informationnel, horizontal par le nombre de sujets à suivre, et vertical par le volume,
chacun doit pourtant parvenir à assimiler les changements d’un monde complexe pour se projeter :
quelle sera ma place dans la société de demain ? Quelles sont les compétences à acquérir ? Comment
repenser mon modèle économique ?

Désorientés, déstabilisés par le fait que tout soit remis en cause (définition et sens du travail, de la
famille, des croyances, impacts technologiques et climatiques) beaucoup se sentent emportés par un
tsunami qui exigerait un temps considérable pour tout lire et tout assimiler. Dans son ouvrage intitulé
A-t-on encore besoin des journalistes ? Manifeste pour un « journalisme augmenté », Eric Scherer affirme
que « le pouvoir des journalistes est moins dans la production d’informations que dans une mission indispensable
de filtre du tsunami informationnel mondial ». Quand on sait que l’humanité produit aujourd’hui autant
d’informations en deux jours qu’elle ne l’a fait en deux millions d’années, les risques de manipulation
et, in fine, de mise en danger de nos démocraties sont démultipliés. Il apparaît urgent de se mettre en
ordre de marche pour parvenir à naviguer dans les eaux complexes de la décennie à venir. Pour autant,
nous disposons de moins en moins de temps pour nous informer et ce temps disponible est trop souvent
inondé par des informations à faible valeur ajoutée.

Pour l’humain, de façon générale, vient s’ajouter une forme de compétition avec l’intelligence artificielle
(IA) et cette crainte d’être dépassé. Paradoxalement, pour être en mesure de maîtriser la complexité
du monde dans lequel on vit et la difficulté d’être bien informé, l’IA peut devenir un véritable allié.
Conscients du risque de laisser progressivement une machine penser pour nous, certains, comme Joël de
Rosnay, auteur de La symphonie du vivant, préfèrent parler d’IA en termes d’Intelligence Auxiliaire. Une
entreprise boursière, par exemple, explore actuellement l’utilisation d’un logiciel pour gérer la masse de
publications financières, comme les 9 000 pages de données produites quotidiennement par l’agence de
presse Reuters. Dans cet esprit, l’IA pourrait même être envisagée pour dépister les fausses nouvelles.
Il faudra malgré tout apprendre à déjouer nos propres déviations du traitement de l’information en
connaissant leurs mécaniques mentales pour sortir de nos bulles de valeurs et de croyances. Il s’agit là
d’une première étape pour s’opposer aux techniques d’influence qui cherchent à tromper notre cerveau.
Pour Etienne Klein, physicien et philosophe des sciences, « nous préférons le bien-être à la vérité : plutôt
que d’aimer la vérité parce qu’elle est la vérité, nous déclarons vraies les idées que nous aimons. Qu’elles soient
vraies ou fausses, peu nous importe : nous voulons simplement qu’elles nous fassent du bien à l’âme. »

Tout comme les nouvelles technologies ont récemment eu leur sommet « Tech For Good »* pour miser
sur leurs bienfaits, initions une démarche « News For Good »* pour encourager l’information positive
et constructive. Comme nous l’avons constaté avec l’hygiène alimentaire, quand les consommateurs
prennent conscience et modifient leurs comportements, alors les industriels s’adaptent pour répondre à la
demande. Il en va de même pour les médias : apprenons d’abord à aimer bien nous informer et la qualité
des informations produites n’en sera que meilleure. En favorisant, par exemple, la prise de recul et les
bonnes nouvelles, nous pourrions enfin sortir de la boucle infernale des informations négatives à faible
valeur ajoutée pour retrouver l’optimisme, stimuler l’envie d’agir et saisir les nombreuses opportunités
qui s’offrent à chacun d’entre nous ! Trois ans après le succès de son documentaire Demain, Cyril Dion
vient d’ailleurs de diffuser la suite Après-demain montrant l’impact significatif que peuvent avoir les
News For Good.

Ainsi, dans un contexte où la tendance est au bien manger et à la valorisation d’une hygiène de vie plus
saine, nous pourrions tout naturellement imaginer que le renforcement et l’entretien de notre esprit critique
et prospectif aillent également de soi. C’est pourquoi, individuellement et collectivement, remettons en
question notre façon de nous informer et soyons exigeants ! Comme le disait sagement Gandhi : « Vous
devez être le changement que vous voulez voir dans ce monde ».

* Tech For Good : le numérique au service du bien.


* News For Good : l’information au service du bien.
1 Selon le journaliste, en quoi bien s’informer et bien manger sont-ils comparables ?

2 Selon l’auteur, pourquoi faudrait-il mettre en garde le grand public contre la consommation excessive
d’information ?

3 Selon le journaliste, l’addiction à l’information serait dernièrement due à...


A [] l’apparition du smartphone.

B [] la surcharge d’informations.

C [] la multiplication des médias.


4 Selon le Docteur Kardaras, de quelle manière la dépendance physique à l’information se crée-t-


elle ?

5 D’après le journaliste, la manière de consommer l’information est...


A [] compulsive et rapide.

B [] ciblée et collaborative.

C [] épisodique et désordonnée.

6 Vrai ou faux ? Cochez (X) la bonne réponse et recopiez la phrase ou la partie de texte qui justifie
votre réponse.
1,5 point si le choix V / F et la justification sont corrects, sinon aucun point ne sera attribué.

Il est nécessaire de savoir gérer l’afflux et la variété des informations pour s’adapter à l’évolution
du monde.  ()Vrai  ()Faux

Justification :
7 Vrai ou faux ? Cochez (X) la bonne réponse et recopiez la phrase ou la partie de texte qui justifie
votre réponse.
1,5 point si le choix V / F et la justification sont corrects, sinon aucun point ne sera attribué.

Désormais, le rôle du journaliste consiste à sélectionner les sujets pertinents dans le flot continu
de l’information.  ()Vrai  ()Faux

Justification :

8 Vrai ou faux ? Cochez (X) la bonne réponse et recopiez la phrase ou la partie de texte qui justifie
votre réponse.
1,5 point si le choix V / F et la justification sont corrects, sinon aucun point ne sera attribué.

L’abondance d’informations garantit la préservation de nos sociétés démocratiques. ()Vrai  ()Faux

Justification : 

9 Selon Joël de Rosnay, l’intelligence artificielle doit être considérée comme...


A [] un outil dont le rôle est de réfléchir à notre place.

B [] une aide dont on a besoin pour trier les informations.


C [] un instrument dont le contrôle pourrait nous échapper.


10 Selon Etienne Klein, nous sommes manipulés par certains médias car nous...

A [] avons des difficultés à discerner le vrai du faux.


B [] négligeons de vérifier les sources d’information.


C [] sommes attirés par ce qui nous apporte du plaisir.


11 Quel impact nos changements de comportement auraient-il sur la nature de l’information ?


2,5 points

12 D’après le journaliste, sur qui repose finalement l’avenir de l’information ?



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Un chien au bureau :
le meilleur des antistress
Si 84 % des Français propriétaires de chiens rêvent de passer leurs jours ouvrés avec leur toutou*, d’après
l’enquête du site animalier Wamiz, ce rêve, nos voisins le vivent déjà davantage. Aux États-Unis, en
Angleterre, aux Pays-Bas, en Allemagne, c’est entré dans les mœurs. Dans ces pays, chaque 23 juin, c’est
le « Bring your dog to work day », en français : la journée où vous « amenez votre chien au bureau ». Nous
sommes légèrement en retard. Selon certaines sources, « ce n’est pas possible ici à cause des règles françaises
d’hygiène stricte ». Pourtant, en France, sauf pour les salariés de l’administration publique ou du secteur
alimentaire, aucune loi n’interdit la présence de leur compagnon animalier. Seul le règlement intérieur
d’une entreprise ou le refus de ses dirigeants le peut. « C’est parce que mon propre chien n’a pas été autorisé
dans le bâtiment où je travaille actuellement que j’ai décidé de créer ‘Bring your dog to work day’ », a raconté
l’initiateur du concept anglais, Jo Hamit, à l’Agence France Presse (AFP).

Une récente étude américaine, réalisée par des chercheurs de l’école de commerce de la Virginia Common
Wealth University, a mis en évidence que l’humeur des humains variait en fonction de cette présence
animale. Les jours sans animaux, l’ambiance était légèrement plus tendue, moins gaie. L’étude met en
avant des différences « étonnantes » également en termes de « stress ressenti par les employés », en
baisse les jours où les chiens étaient présents et en hausse les autres jours, selon son principal auteur,
Randolph Barker.

Plus de joie dans l’open space, c’est également l’expérience de Lison, journaliste : « Quand j’amène Charlie,
les gens viennent davantage me voir. Il y a plus de ‘bonjour’, plus de lien. Quand elle n’est pas là, ils demandent
de ses nouvelles. Ça se fait tout naturellement avec les autres propriétaires d’animaux, mais pas seulement avec
eux. En tous cas, c’est clair, mon petit coin d’open space est plus joyeux, surtout quand les chiens jouent, font des
bêtises. Quand je suis stressée, je regarde Charlie, couchée près de moi et aussitôt, je me sens mieux. De plus, je
suis bien obligée de la promener et ces quelques minutes dehors me permettent de prendre de la distance avec
les tâches que je suis en train d’accomplir. Résultat : en remontant à mon bureau, j’ai trouvé des solutions aux
difficultés sur lesquelles je bloquais avant de descendre. »

Depuis qu’elle peut venir au bureau avec Lisa, sa « fifille », Joanna, 37 ans, dessinatrice dans un cabinet
d’architectes, a de bien meilleures relations avec sa hiérarchie. « J’ai un tempérament quelque peu explosif.
Maintenant, quand je sens que mes nerfs prennent le dessus, je caresse Lisa et la crise est évitée. » Les promenades
de midi entre collègues propriétaires de toutous délient les langues, créent des liens plus amicaux. « Elles
m’ont aidée à surmonter ma timidité et les complexes liés à mon surpoids qui m’empoisonnaient quand j’ai été recrutée »,
témoigne Safia, 28 ans, assistante de direction.

Les animaux aussi y trouvent leur compte : les deux tiers d’entre eux sont plus sereins, selon leurs
maîtres. « Mon chien qui stressait d’être seul à la maison aboie moins, fait moins de bêtises. Il est plus doux et plus
sociable », confirme Alexandra, 42 ans, chargée de projets évènementiels. « J’ai toujours amené mes chiens
au bureau, déclare Gilles, 55 ans, le ‘papa’ de Mawo, un jeune Shar Pei. Dans ma société, l’environnement
est plus que favorable puisqu’ils sont non seulement tolérés mais aussi souhaités. J’emmène Mawo plus pour lui
que pour moi – pour qu’il puisse se balader sur la moquette au lieu de rester seul à la maison. Mais je ne peux
qu’apprécier de voir mes collègues prendre une petite pause pour jouer avec lui. Il est clair que cette pause les
détend, allège l’atmosphère et invite à des conversations. »

Le site animalier Holidog organise pour la première fois cette année en France une « semaine de l’intégration
des animaux sur le lieu de travail » pour « sensibiliser les entreprises aux avantages de laisser leurs employés venir
au travail avec leurs animaux », a expliqué son fondateur, Julien Muller, à l’AFP.

De son côté, Purina, une marque d’aliments pour animaux lance une grande campagne pour inciter les
entreprises à ouvrir leurs portes aux bêtes. Si l’enjeu de l’opération est de favoriser une relation plus
harmonieuse avec l’animal, il s’agit aussi de diminuer le coût social du stress, estimé en France entre
deux et trois milliards d’euros annuels. Plus qu’un mouvement ou une tendance, l’objectif du fabriquant
de croquettes est de susciter une véritable « alliance » internationale entre 8 pays européens (France,
Royaume-Uni, Espagne, Portugal, Suisse, Italie, Allemagne et Russie). Il faut dire que dans l’entreprise
Purina, les animaux sont les bienvenus. Elle se dit d’ailleurs prête à aider les entreprises volontaires
à accueillir ces amis non humains car, pour que tout se passe bien, certaines règles sont à respecter :
préserver des espaces réservés aux humains, apprendre la propreté au jeune chiot avant de l’amener au
bureau, éviter d’amener un animal trop bruyant, etc.

Ceux qui sont à l’initiative de la journée « Amenez votre chien au bureau » ont d’ailleurs recommandé des
principes à « respecter strictement » : le consentement écrit des collaborateurs et une médaille autour
du cou de l’animal avec le nom du propriétaire.

Reste que tout le monde n’aime pas les chiens et que certains en ont peur, au point de développer une
authentique phobie. Ainsi, pour Géraldine, 32 ans, graphiste, cohabiter avec Zorba, une femelle labrador,
tient parfois du supplice. « Savoir qu’un chien se balade partout me plonge dans une insécurité totale. Pour
moi, c’est comme si une mygale se promenait dans les bureaux. Impossible de me concentrer car je m’attends en
permanence à le voir surgir. De plus, je me sens stupide et isolée car tout le monde aime les chiens. Aussi, à ma
peur s’ajoute celle d’être mal jugée par les autres. Pour que j’aie moins peur ? Je pense qu’il faudrait que son maître
et moi prenions le temps de faire les présentations pour que je comprenne mieux ce qui se passe dans la tête de
cet animal et qu’il devienne un être familier. »

* toutou : synonyme affectueux de chien.


1 Aller au travail accompagné de son chien est décrit dans le texte comme…
A [] une pratique originale.

B [] une mesure bénéfique.


C [] une idée révolutionnaire.


2 Vrai ou faux ? Cochez (X) la bonne réponse et recopiez la phrase ou la partie de texte qui justifie
votre réponse.
1,5 point si le choix V / F et la justification sont corrects, sinon aucun point ne sera attribué.

Amener son chien au travail est une pratique moins courante en France que dans certains pays.
()Vrai ()Faux 

Justification :

3 Vrai ou faux ? Cochez (X) la bonne réponse et recopiez la phrase ou la partie de texte qui justifie
votre réponse.
1,5 point si le choix V / F et la justification sont corrects, sinon aucun point ne sera attribué.

La loi française interdit la présence des chiens dans les services publics.
()Vrai ()Faux
Justification : 

4 Qu’est-ce qui a conduit Jo Hamit à créer le « Bring your dog to work day » ?

5
Selon les résultats de l’étude menée par les chercheurs de la Virginia Common Wealth University,


6 Pour Lison, en quoi sortir son chien pendant sa journée de travail est-il bénéfique ? (2 réponses attendues)

– 
7 Vrai ou faux ? Cochez (X) la bonne réponse et recopiez la phrase ou la partie de texte qui justifie
votre réponse.
1,5 point si le choix V / F et la justification sont corrects, sinon aucun point ne sera attribué.

La majorité des chiens qui accompagnent leur maître au travail sont plus détendus. ()Vrai  ()Faux

Justification : 

8 Vrai ou faux ? Cochez (X) la bonne réponse et recopiez la phrase ou la partie de texte qui justifie
votre réponse.
1,5 point si le choix V / F et la justification sont corrects, sinon aucun point ne sera attribué.

La présence des chiens au travail facilite les échanges entre les salariés. ()Vrai ()Faux

Justification : 

9 Quelles autres initiatives sont-elles dans la même lignée que le « Bring your dog to work day » ?
(2 réponses attendues)

– 

10 D’après Purina, inviter les animaux domestiques au bureau permet indirectement de réduire…
2 points
A [] le taux de chômage.

B [] les tensions sociales.


C [] les dépenses publiques.


11 Quels conseils donnent les initiateurs de la journée « les animaux au bureau » pour faciliter

l’intégration des chiens ? (2 réponses attendues)

– 

– 

12 D’après le témoignage de Géraldine, un chien sur le lieu de travail peut nuire…


A [] à la créativité

B [] à la sociabilité
... des salariés qui ont peur des chiens.
C [] au professionnalisme

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La propriété des œuvres d’art
urbain, tout un paradoxe
À Paris, deux voleurs d’art urbain ont subtilisé, en plein jour, des œuvres de l’artiste Invader*. La mairie
a depuis porté plainte, non pas pour « vol » mais pour « usurpation de fonction* ». Car ces vols posent
question : à qui appartiennent ces œuvres posées illégalement ? […] 
Le problème du vol de l’art urbain n’a rien de neuf, ce phénomène a commencé dans les années 80. En
cause, la valeur sans cesse plus importante de l’art urbain sur le marché de l’art.

La cote des œuvres d’Invader, certaines pouvant se vendre plusieurs dizaines de milliers d’euros, explique
d’ailleurs certainement les vols répétés, « plusieurs centaines en quelques années, regrette Invader. Une
grande partie a probablement été réduite en miettes lors de leur arrachage ». Aux yeux de l’artiste, la valeur
d’une œuvre d’art urbain dérobée n’est pourtant que « de quelques euros, le prix du carrelage ». En l’absence
d’un certificat d’authenticité, difficile en effet pour les voleurs de prouver qu’il s’agit bien de l’œuvre
originale, d’autant que ces dernières sont souvent abîmées lors du processus d’extraction. Invader ne
laisse rien au hasard : « Je travaille avec des matériaux de plus en plus fragiles et je ne signe pas mes mosaïques
de rue et je fais confiance aux maisons de ventes aux enchères et aux galeries sérieuses, qui n’accepteront jamais
de vendre une œuvre provenant de la rue », précise-t-il.

L’art urbain au cœur d’un paradoxe juridique


Toute la difficulté, quand il s’agit de vol d’art urbain, est surtout de savoir qui peut porter plainte et
pour quel motif. Invader a préféré ne pas porter plainte « ne voulant pas agir dans la précipitation » mais
reconnaît « qu’une bonne jurisprudence* ferait du bien à l’art urbain ! » Dans l’immédiat c’est donc la mairie
qui a porté plainte, pour « usurpation de fonction » et non pas pour vol, l’œuvre ne lui appartenant pas.

Par nature, l’art urbain est éphémère : étant posé sur un mur sans qu’aucune autorisation n’ait été
demandée, il est à la lisière de la légalité. « Cela dit, est-ce que ça prive pour autant un artiste des droits
sur son œuvre ? » interroge Michel Vivant, professeur à Science Po Paris et spécialiste de la propriété
intellectuelle. « C’est là où il existe un paradoxe ! On peut à la fois dire qu’il n’a pas de droits alors que le propriétaire,
lui, en a. Mais l’artiste a créé une œuvre et, si elle est reconnue comme une œuvre, il a des droits dessus. »

Le propriétaire d’un mur où se situe une œuvre d’art urbain peut donc dire qu’il en veut ou non, mais
ne peut en disposer, cette dernière étant protégée par le droit d’auteur. « Le paradoxe du droit d’auteur,
c’est qu’une œuvre ne sera dite œuvre que si un juge vient vous dire qu’il considère que c’est une œuvre au sens
du droit d’auteur », explique Michel Vivant. « Ça n’est d’ailleurs pas spécifique à l’art urbain, c’est un problème
qui se pose aussi dans l’art contemporain. »

Ainsi, plus une œuvre appartient à un art considéré comme classique, traditionnel, plus un juge sera
enclin à la faire protéger par le droit d’auteur. « Le fait que le statut de l’artiste soit reconnu ne change rien
à son statut officiel », insiste Michel Vivant, « mais cela va changer énormément son statut de fait. Si je suis
l’avocat qui défend les intérêts de cet artiste, je vais dire : ‘Attention, il est connu partout !’, et le juge se sentira
presque obligé de le reconnaître ».
Dans le cas d’un vol, la victime est finalement le propriétaire : « Le vol, c’est le support, dans sa conception
la plus classique, et seul le propriétaire peut s’en plaindre ». Pour autant, aucun individu ne peut décoller ou
découper une œuvre pour la vendre ou l’exposer, car il dénature l’œuvre et porte atteinte ainsi au droit
de l’auteur. Et si l’auteur de l’œuvre ne peut se plaindre de la soustraction physique, il peut attaquer en
justice quiconque veut exploiter son œuvre...

Des œuvres de moins en moins illégales ?


C’est tout ce paradoxe qui fait de la question de l’art urbain, selon Michel Vivant, « une question extrêmement
intéressante. Le cas de l’art urbain appelle une interrogation sur les droits qui entrent en conflit, comme les droits
de propriétaire physique et de propriétaire intellectuel. On est au cœur des interrogations de type sociétal ».

Pourtant la question de l’art urbain a considérablement évolué. Ce dernier est devenu très populaire,
comme en témoignent les très nombreuses réactions sur les réseaux sociaux à l’annonce du vol d’œuvres
d’Invader. L’art urbain, est maintenant quasiment considéré comme un bien commun, au point de perdre
en partie son côté subversif. Il a d’ailleurs depuis bien longtemps fait son entrée dans les musées. […]

Surtout, si la législation n’a pas encore évolué, les mairies ont d’ores et déjà pris le pli et considèrent
l’art urbain avec une certaine bienveillance. « Nous continuons de lutter contre les interventions illégales et
dégradantes dans l’espace public mais la plupart des tags retirés ne représentent aucun intérêt artistique, confirme-
t-on à la mairie de Paris. Nous travaillons depuis longtemps avec une approche intelligente et différenciée :
quand les agents repèrent une intervention intéressante, ils appellent la mairie d’arrondissement qui souvent
connaît les artistes qui interviennent sur leur territoire, et il arrive que nous décidions de laisser l’œuvre d’art
urbain vivre sa vie ».

« C’est quelque chose d’assez nouveau », confirme Invader. « Et je ne pense pas travailler contre la ville mais
plutôt pour elle. Je pense que la mairie a conscience de cela et vient de l’exprimer en portant plainte. [...] Mais ce
qui m’a le plus marqué dans ce qui vient d’arriver est l’incroyable solidarité témoignée par de nombreux internautes
et riverains qui se sont sentis à leur tour dépossédés et dupés par les agissements de ces deux individus. Plus que
la ville, ce sont ses habitants qui reconnaissent et défendent mon travail et ça c’est le plus gratifiant ! »

* Invader : artiste de rue français qui installe sur les murs des grandes métropoles internationales, des représentations de personnages
inspirés d’un jeu vidéo japonais en carrelage ou en petit carreaux de mosaïque.
* usurpation de fonction : détournement à des fins personnelles d’une œuvre conçue pour un autre usage.
* jurisprudence : décision de justice qui fait loi.
1 Quel est l’objectif de cet article ?
A [] Soulever une problématique propre aux

B [] Proposer des solutions pour limiter les


… vols dans le monde de l’art.
C [] Alerter sur le phénomène grandissant des

2 Vrai ou faux ? Cochez (X) la bonne réponse et recopiez la phrase ou la partie de texte qui justifie
votre réponse.
1,5 point si le choix V / F et la justification sont corrects, sinon aucun point ne sera attribué.

Le vol d’œuvres d’art urbain est directement lié à l’intérêt qu’il suscite sur le marché de l’art.
()Vrai ()Faux 

Justification :

3 Invader déplore essentiellement…


A [] la dégradation subie par ses œuvres lors de leur vol.

B [] le prix dérisoire auquel ses œuvres volées sont revendues.


C [] l’inaction des galeries d’art pour lutter contre le vol de ses œuvres.

4 Vrai ou faux ? Cochez (X) la bonne réponse et recopiez la phrase ou la partie de texte qui justifie
votre réponse.
1,5 point si le choix V / F et la justification sont corrects, sinon aucun point ne sera attribué.

La nature même de ces œuvres ne permet pas aux voleurs d’en tirer un grand profit.
()Vrai ()Faux 

Justification :

5
Quels moyens Invader a-t-il mis en place pour remédier au problème du vol de ses mosaïques ? (plusieurs
réponses possibles, 2 réponses attendues)

– 

– 

6 Vrai ou faux ? Cochez (X) la bonne réponse et recopiez la phrase ou la partie de texte qui justifie
votre réponse.
1,5 point si le choix V / F et la justification sont corrects, sinon aucun point ne sera attribué.

Invader pense que la justice ne doit pas intervenir dans les problèmes concernant l’art urbain.
()Vrai ()Faux 

Justification :
7 Selon Michel Vivant, la situation des œuvres d’art urbain est particulièrement complexe car… 2 points
A [] elles ne sont pas le résultat d’une commande officielle.

B [] il est difficile de déterminer qui en détient réellement les droits.


C [] elles ne peuvent pas être considérées comme des œuvres originales.


8 Vrai ou faux ? Cochez (X) la bonne réponse et recopiez la phrase ou la partie de texte qui justifie
votre réponse.
1,5 point si le choix V / F et la justification sont corrects, sinon aucun point ne sera attribué.

Michel Vivant considère que la question de la propriété intellectuelle concerne uniquement


l’art urbain. ()Vrai ()Faux

Justification :

9 Dans quel cas un artiste urbain peut-il attaquer un voleur en justice ? (Plusieurs réponses possibles, 1
réponse attendue)

10 Citez trois éléments qui démontrent l’évolution de l’art urbain.


(Plusieurs réponses possibles, 3 réponses
attendues)

– 

11 De quelle façon la mairie sélectionne-t-elle les œuvres d’art urbain qu’elle conserve ?

12 Invader a été particulièrement touché par…


A [] le fait que la justice soit prête à reconnaître son travail.


B [] les décisions prises par la mairie en matière d’art urbain.


C [] les marques de soutien témoignées par ses concitoyens.



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Enseignants : le droit d’aimer
C’est un tabou. Les enseignants qui se lient à leurs élèves sont vus par leurs collègues comme des âmes
trop sensibles. Pourtant, les études montrent que le lien affectif est le premier levier pour la réussite
scolaire. Dans son ouvrage qui vient de paraître, Quand les profs aiment les élèves, Maël Virat invite à un
changement profond des mentalités.
Évidemment, le titre de cet essai frappe. Et pas forcément au bon endroit. D’emblée, on imagine des
amours coupables. C’est tout l’inverse, bien sûr, que défend Maël Virat, chercheur en psychologie qui
montre à quel point l’investissement affectif de l’enseignant est vertueux. Ce lien qu’il appelle « amour
compassionnel », et qui doit s’inscrire dans une « relation asymétrique » pour éviter toute ambiguïté, rend
les deux parties plus heureuses et, surtout, favorise l’apprentissage.
« On les voit en masse dans les séries, les films et les émissions. On les voit et on les aime ces enseignants qui
nouent avec leurs élèves des liens si puissants que les jeunes se subliment pour réussir leur formation. En théorie,
on apprécie donc cette idée de la pédagogie vocationnelle, pleine de bonnes intentions, qui se fixe des missions et
redonne espoir aux élèves en difficulté. Sauf que, dans la réalité, le système réprouve cet investissement affectif et
considère avec suspicion tout enseignant qui noue des relations personnelles avec ses élèves », observe Maël Virat.
Proximité décriée
Or, chaque fois que des élèves sont interrogés sur leur parcours scolaire, l’implication affective de
l’enseignant est nommée comme le premier levier de leur succès. Plus fort encore, chaque fois que des
futurs enseignants sont consultés, ils placent ce lien privilégié à l’élève parmi les premières motivations
qui les ont poussés à choisir ce métier. Et pourtant, sitôt dans le circuit, cette proximité est décriée par
les supérieurs et les collègues qui assimilent cet attachement à une faiblesse de caractère, dénoncent
un risque de partialité, une volonté de séduction, voire une tentative de manipulation, et promettent
confusion et épuisement à l’enseignant concerné.
Une montagne d’idées reçues, selon Maël Virat, qui observe qu’au contraire, les enseignants qui persistent
dans un enseignement basé sur l’attachement ont de meilleurs résultats, sont plus épanouis et moins épuisés,
car ils ne sont pas victimes de la dissonance qui accable la majorité des professeurs. La dissonance ? Oui.
« Spontanément, un enseignant veut le bien de ses élèves. Au plus profond de lui-même, ce professionnel nourrit
donc des affects et de l’émotion. Or il entre en dissonance du moment qu’il doit cacher ses émotions en classe et
c’est cette contradiction qui l’épuise », assure le chercheur.
Maël Virat dénonce dès lors un « conflit cognitif récurrent ». D’un côté, les enquêtes prouvent que le lien
affectif stimule les élèves et les enseignants. De l’autre, le système éducatif continue à interdire toute
implication personnelle, alors qu’elle est profitable aux deux parties. « Il est temps, dit le chercheur, de
résoudre cette aberration en installant durablement dans l’éducation le principe d’amour compassionnel. »
L’amour compassionnel ?
Selon Maël Virat, l’empathie, tant vantée aujourd’hui, peut très bien servir des desseins peu scrupuleux
comme ceux d’un vendeur malhonnête qui se met à la place d’un tiers non pas pour l’aider, mais pour
le berner. Alors que l’amour compassionnel est une action orientée vers le bien d’autrui et totalement
désintéressée.
Concrètement, ces « pédagogues du cœur » adoptent une « attitude comportant des émotions, des cognitions
et des comportements centrés sur la préoccupation, la sollicitude et la tendresse, ainsi qu’une tendance à soutenir,
aider et comprendre les autres », détaille l’auteur. Cet amour compassionnel, qui n’a donc rien à voir avec
l’amour amoureux, se déploie dans une relation asymétrique, c’est-à-dire « une relation non intrusive dans
laquelle l’enseignant se montre sensible et disponible, où il se sent responsable du développement de l’enfant et où
il fournit aide et soutien, en particulier sur le plan émotionnel, le tout sans attendre aucune réciprocité. »
Plus d’amour amène à plus d’autonomie
Dans son ouvrage, Maël Virat montre que l’enseignant qui pratique une telle démarche et n’espère
rien en retour est tout de même récompensé par une immense confiance des élèves et une plus grande
autonomisation de leur part. « Les élèves les plus attachés à leurs enseignants ne travaillent pas pour leur faire
plaisir, mais bien parce qu’ils jugent les activités scolaires comme étant importantes et plaisantes. » Autrement dit,
l’enseignant reste un passeur de contenus et l’enthousiasme qu’il déclenche dans sa classe, notamment
en s’intéressant vraiment aux enfants ou aux adolescents, ne se fixe pas sur lui, mais se reporte sur sa
matière.
Plus fort encore, cet enthousiasme déteint également sur les comportements sociaux des élèves en dehors
de l’école. Maël Virat assure « qu’une relation affective de qualité favorise une moindre consommation de
produits nocifs ». Comme elle favorise un moindre recours à la violence et de meilleures relations familiales.
Bien sûr, un tel amour compassionnel ne peut pas advenir dans n’importe quel contexte, reconnaît
l’auteur. Des programmes surchargés, des classes en sureffectif ou des établissements trop grands et
impersonnels nuisent à la qualité de l’investissement du professeur. Mais, plus que le contexte matériel
ou la logistique, c’est la culture de l’institution scolaire et sa méfiance à l’égard de ce lien affectif qui
inhibent surtout les enseignants.
Et la partialité ? Ou l’épuisement ?
Qu’en est-il du risque de partialité qui peut découler d’un tel attachement affectif ? « Les enseignants qui
pratiquent l’amour compassionnel n’ont pas de préférence, répond Maël Virat. Ils s’intéressent à chaque élève
de la classe pour l’aider à progresser. » Ce sont, au contraire, les enseignants qui refoulent leurs émotions
qui sont parfois auteurs d’injustices, car victimes de la dissonance évoquée plus haut. D’ailleurs, précise
le spécialiste, « le plus souvent, les émotions des enseignants transparaissent, même si ces derniers disent ne pas
les montrer. »
Quant à l’épuisement qui pourrait découler d’un tel investissement du professeur, l’auteur balaie aussi
cette réserve. « Déjà, les personnes les plus heureuses sont généralement les plus altruistes, et inversement. Faire
un don provoque une activation d’une région cérébrale connue comme le siège du plaisir et de la motivation. »
Cette observation est particulièrement vraie pour les enseignants dont la vocation repose sur cette envie
de contribuer au progrès cognitif, mais aussi humain de la société. « S’impliquer donne du sens à leur travail,
poursuit le spécialiste, le rend passionnant. »
Cercle vertueux
« Sachant que l’élève passe 25 % de son temps d’éveil à l’école, il n’est pas surprenant que sa joie à être valorisé
par un enseignant qui s’intéresse vraiment à lui rejaillisse spontanément sur son travail et sur l’enseignant. C’est,
conclut Maël Virat, un cercle vertueux qui pourrait parfaitement fonctionner si les écoles n’avaient pas peur
du verbe aimer. »
1
À quel paradoxe font face les enseignants dans l’article ?

2
Pour Maël Virat, les jeunes enseignants se montrent...
A [] prudents

B [] indifférents
… à l’idée de développer un rapport affectif avec leurs élèves.
C [] enthousiastes

3 Que craignent les opposants à l’implication affective des enseignants ? (Plusieurs réponses possibles,
deux réponses attendues)

4 Vrai ou faux ? Cochez (X) la bonne réponse et recopiez la phrase ou la partie de texte qui justifie
votre réponse.
1,5 point si le choix V / F et la justification sont corrects, sinon aucun point ne sera attribué.

Selon Maël Virat, ce qui nuit à l’efficacité des enseignants, c’est le refoulement de leurs émotions.
()Vrai  ()Faux

Justification :

5 Vrai ou faux ? Cochez (X) la bonne réponse et recopiez la phrase ou la partie de texte qui justifie
votre réponse.
1,5 point si le choix V / F et la justification sont corrects, sinon aucun point ne sera attribué.

Maël Virat préconise l’empathie en classe.  ()Vrai  ()Faux

Justification : 

6
Pour Maël Virat, l’enseignant est dans une relation asymétrique avec ses élèves quand il... 2 points
A [] affiche ses préférences.

B [] est à l’initiative de la relation.


C [] agit sans espérer de contrepartie.



7 Selon Maël Virat, les élèves proches de leur enseignant...
A [] ont un besoin de reconnaissance.

B [] considèrent positivement le travail scolaire.


C [] perdent de l’autonomie dans leur apprentissage.


8 Vrai ou faux ? Cochez (X) la bonne réponse et recopiez la phrase ou la partie de texte qui justifie
votre réponse.
1,5 point si le choix V / F et la justification sont corrects, sinon aucun point ne sera attribué.

L’ approche pédagogique des enseignants a un impact sur la vie personnelle de leurs élèves.

()Vrai  ()Faux

Justification :

9 Vrai ou faux ? Cochez (X) la bonne réponse et recopiez la phrase ou la partie de texte qui justifie
votre réponse.
1,5 point si le choix V / F et la justification sont corrects, sinon aucun point ne sera attribué.

Selon Maël Virat, l’amour compassionnel privilégie les élèves en difficulté.  ()Vrai ()Faux

Justification : 

10 Selon Maël Virat, qu’apporterait l’amour compassionnel aux enseignants ?


11 En quoi l’attachement des enseignants à leurs élèves constitue-t-il un « cercle vertueux » ?


3 points
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Touriste ou voyageur, il faut savoir choisir !


En partant cet été à l’autre bout du monde, vous comptiez oublier votre quotidien passablement gris. Mais, ô surprise,
à votre arrivée, vous êtes toujours plus nombreux à avoir eu la même idée. Dans les restaurants complets ou sur les
plages surchargées, chaque vacancier vous rappelle tristement à votre condition de touriste : vous êtes un parmi
des milliers. L’enchantement est brisé.

De l’explosion des offres à bas prix aux menaces environnementales, le sociologue Rodolphe Christin
livre dans son Manuel de l’anti-tourisme une réflexion amère sur l’industrie touristique qui aliène* chacun
et menace l’équilibre de la planète.

Rodolphe Christin, dans votre livre, vous dites : « Être en vacances ne suffit plus, il faut partir en
vacances ». Pourquoi nous sentons-nous obligés d’occuper ainsi notre temps libre ?
Le tourisme est le produit d’une histoire liée aux congés payés obtenus en 1936 en France : les milieux
syndicaux, associatifs et religieux ont cherché à occuper au mieux le temps libre des salariés, tout en
contribuant à leur éducation. Le « tourisme social » s’est développé, en proposant des activités et des
colonies de vacances pour les plus aisés. Puis les entreprises ont pris le relais, en développant l’offre
touristique. Très vite, le fait de partir en vacances est devenu commun. Et cela n’a jamais été aussi vrai
qu’aujourd’hui. Rares sont ceux qui ne vous demandent pas où vous partez cet été. Et si ce n’est pas le
cas, vous êtes presque perçu comme un original.

Et que reste-t-il aujourd’hui des liens entre voyage et tourisme ?

Plus grand-chose... Le voyage est une quête presque philosophique, la recherche d’une connaissance sur
soi, les autres et le monde. Mais le tourisme peut difficilement y répondre, car il est devenu une industrie
du divertissement. En partant, chacun tente de rentabiliser au maximum son temps libre. Surtout, on
part pour oublier le monde plutôt que pour le découvrir. L’expérience de la découverte me semble donc
limitée. On a difficilement accès à la réalité de l’autre. En tant que vacancier, on est perçu comme une
source de profits. La plupart du temps, on n’est entourés que de touristes ou de prestataires de service
dans les restaurants, les bars, les hôtels... On fonctionne en circuit fermé !

À mon sens, le tourisme naît avec la fin de l’aventure. Auparavant, traverser la France en était une. Dès
lors que vous partiez à pied, à cheval, en calèche*, vous risquiez de ne pas atteindre votre destination, de
souffrir à cause des intempéries... L’espace était une épreuve. Pour que le tourisme se développe, il a fallu
que le déplacement devienne banal. Et c’est ce qu’on observe aujourd’hui : prenez les aires d’autoroutes,
les gares, les aéroports, ce sont des lieux fonctionnels qui se ressemblent partout sur la planète. À part
l’énervement et l’ennui, il ne peut pas vous arriver grand-chose.

Vous montrez également en quoi le tourisme de masse remet en cause l’équilibre global de la planète...

Les réalités touristiques deviennent aussi invivables pour les locaux. Aller chercher du pain peut devenir
compliqué si votre ville est constamment envahie par des touristes. Sans compter les problèmes que cet
afflux pose sur le plan environnemental : assainissement des eaux, traitement des déchets, pollution… Que
l’on ne s’étonne pas alors de voir se développer ici et là des mouvements de contestation « anti-touristes » !
Le tourisme de masse a ses conséquences. Pour autant, peut-on reprocher à quelqu’un de vouloir
profiter au mieux de son unique semaine de vacances de l’année ?

Si chacun avait accès aux dessous des réalités, on prendrait moins de plaisir à partir. [...] Vous savez, le
tourisme fonctionne grâce à un « idéal d’enchantement ». On vous vend un exotisme, une île perdue...
qui n’existe pas vraiment. D’abord parce que l’île en question n’est pas si sauvage que vous le pensez, et
qu’en plus, vous êtes la énième* personne à vous y rendre ce mois-ci. Même si tout a été organisé pour
que vous ayez le sentiment d’être seul au monde, c’est faux. Tout a été calculé pour que vous empruntiez
ce chemin plutôt qu’un autre. Or, je pense que c’est précisément dans l’imprévu que le voyage réapparaît.
L’accroc au circuit balisé fait que d’un coup, l’expérience dérape, et on a accès à une réalité qu’on n’aurait
pas dû voir.

Il y a donc un cercle vicieux : les destinations autrefois sauvages tendent à se populariser et à devenir
touristiques… Peut-on craindre qu’à terme, il n’existe plus d’endroits préservés ?

Il y en aura de moins en moins. À l’avenir, même des particuliers pourront vendre leur propre « expérience »
en tant que guide touristique. On voit déjà se développer ce type d’expérience individualisée avec la location
de logements de particulier à particulier. Plus largement, quand vous vous rendez en vacances dans une
destination insolite, vous tracez la voie à ceux qui vous suivront, surtout aujourd’hui où les moyens de
communication se sont démultipliés. Les gens postent des photos sur les réseaux sociaux, parlent de leur
lieu de vacances... C’est ainsi que des destinations deviennent à la mode. C’est toujours la même logique.
Est-ce que l’exploratrice Alexandra David-Néel imaginait, après avoir raconté son expédition, que l’Himalaya
serait aussi sale et encombré de déchets, plusieurs décennies plus tard ? Probablement pas. Ainsi, ne plus
dire aux gens où on part pourrait contribuer à préserver son lieu de vacances mais la vraie question reste :
pourquoi avons-nous tant besoin de partir ? Dès qu’on a un peu de temps libre, on a qu’une envie, c’est de
s’échapper. Les espaces de notre vie quotidienne sont-ils devenus si infréquentables ?

Quel regard portez-vous sur le tourisme dit « responsable » ?

Certains voyageurs sont parfois heurtés par ce qu’ils trouvent, notamment lorsqu’ils partent en séjour
dans des pays pauvres. Il y a une sorte de culpabilisation qui va les amener à se tourner vers d’autres types
de vacances, plus responsables, plus respectueuses de l’environnement et de l’intérêt des populations
locales. Mais d’une part, cela ne représente pas grand monde et surtout, ce type de tourisme n’a pas
vocation à transformer l’industrie touristique. Car en fait, si tout le monde choisissait ces prestations,
ce type de circuit ne serait très vite plus responsable…

* aliéner : isoler, éloigner, rendre hostile.


* calèche : voiture à quatre roues tirées par un cheval.
* énième : qui occupe une place très éloignée dans le classement.
1 Dans cet article, le ton de Rodolphe Christin par rapport au tourisme est plutôt…
A [] neutre.

B [] critique.

C [] optimiste.

2 Pourquoi le journaliste parle-t-il d’« enchantement brisé » dans son introduction ?

3 Vrai ou faux ? Cochez (X) la bonne réponse et recopiez la phrase ou la partie de texte qui justifie
votre réponse.
2 points si le choix V / F et la justification sont corrects, sinon aucun point ne sera attribué.

À l’origine, l’une des vocations des vacances était d’instruire les employés.  ()Vrai  ()Faux

Justification : 

4 Vrai ou faux ? Cochez (X) la bonne réponse et recopiez la phrase ou la partie de texte qui justifie
votre réponse.
2 points si le choix V / F et la justification sont corrects, sinon aucun point ne sera attribué.

À l’heure actuelle, rester chez soi pendant ses vacances va à l’encontre des normes sociales.
()Vrai  ()Faux

Justification :

5 En quoi les notions de tourisme et de voyage sont-elles incompatibles ?

6 Pourquoi le tourisme est-il un obstacle à la création de liens avec la population locale ?


7 Les lieux où se croisent les vacanciers lors de leurs déplacements sont...
A [] des espaces d’échanges entre touristes.

B [] des endroits pratiques et tous identiques.


C [] des points de départ pour la grande aventure.


8 Le touriste redevient un voyageur dès lors qu’il…


A [] reste suffisamment longtemps dans le pays.

B [] se trouve confronté à un événement inattendu.


C [] accepte de modifier sa manière de consommer.


9 D’après Rodolphe Christin, qui encourage le plus la fréquentation des lieux touristiques
insolites ?
A [] Les populations locales.

B [] Les touristes eux-mêmes.


C [] Les professionnels du tourisme.


10 Rodolphe Christin reste perplexe par rapport à ce qui…


A [] encourage à fuir le quotidien.


B [] favorise le tourisme de masse.


C [] crée des habitudes de voyages.


11 Selon Rodolphe Christin, qu’est-ce qui explique que certains touristes choisissent des vacances

alternatives ?
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Changer de poste, de métier... L’injonction
à la reconversion professionnelle
Fini le plan de carrière ! Il faut désormais savoir changer, se réorienter, se réinventer. Crise existentielle ou crise
du salariat ? Les employés veulent donner du sens à ce qu’ils font, à leur vie. Pour les aider, entraîneurs, start-up
et ateliers se multiplient.

Architecte de formation, passée par la scénographie d’exposition, Florence Laneurie se souvient de


son entretien avec une agence de publicité, il y a vingt ans. « On m’avait signifié : ‘Quand je regarde votre
CV, je ne sais pas qui vous êtes…’ ». Elle a ensuite été productrice de télévision pendant cinq ans, avant de
candidater pour la reprise d’un kiosque à cafés et sandwichs dans un square parisien. Quand on lui a
fait remarquer qu’elle n’avait jamais fait ça auparavant, elle a levé les yeux au ciel : « Si vous saviez ce que
c’est que l’économie d’un film, vous comprendriez que la gestion de stocks de gruyère râpé ne me fait pas peur. »
Elle a décroché la gérance du kiosque. L’éclectisme est aujourd’hui devenu un atout.

« Mes amis m’ont pris pour un fou », rapportaient immanquablement ceux qui avaient changé d’activité. Le
regard incompréhensif de l’entourage face à l’audace de l’aventurier faisait partie de la mythologie du
changement de vie. Mais il n’est plus d’actualité. À celui qui veut quitter son poste de chef de produit
pour devenir ébéniste, les amis crient désormais au génie. Plus personne ne se demande comment
maquiller son CV parce qu’il n’est resté que deux ans dans une entreprise. Aujourd’hui, c’est celui qui
travaille depuis plus d’une décennie au même endroit qui se sent obligé de rendre des comptes pour
justifier son manque de curiosité aux cabinets de recrutement.

Enquête après enquête, les Français affirment vouloir « changer de vie ». On ne sait pas bien ce que ces
trois mots recouvrent, mais c’est en tout cas dix points de plus qu’il y a une dizaine d’années, signale le
sociologue Rémy Oudghiri. La tendance est plus élevée chez les jeunes mais l’impatience est contagieuse.
En voyant les juniors enchaîner les expériences, leurs aînés finissent par se demander ce qu’ils font là.
Un cadre d’Eurostar* se souvient du jeune homme venu lui dire : « Ça fait deux ans que je suis là, je crois
que j’ai fait le tour. » Un an après, il avait changé de poste. Pas le jeune diplômé, lui.

« Bientôt la fracture ne sera plus entre ceux qui ont un CDI* et les autres, mais entre ceux qui ont un projet et ceux
qui n’en ont pas », estime Alexandre Dana dont le site LiveMentor fait de la formation aux indépendants et
aux entrepreneurs. « Tout un nouveau secteur se monte déjà autour de la crise du salariat », note Jean-Laurent
Cassely, auteur de La Révolte des premiers de la classe (Arkhê, 2017). « On constate l’émergence d’ateliers
‘Construire son projet de vie idéale’, de conférences ‘Je réussis mon projet de vie’, tout cela porté par une explosion
du nombre de coachs, profession à laquelle certains viennent eux-mêmes de se convertir ».

Autrefois, on parlait de la librairie ou du restaurant de tartes que l’on ouvrirait à la retraite ou dans une
seconde vie. L’injonction de l’époque est de le faire maintenant, là, tout de suite. « L’urgence est vécue
comme une norme sociale », souligne Christine Charlotin, d’OpenMind Conseil, qui entend régulièrement
des « si je ne le fais pas maintenant, je ne le ferai jamais ».

« Quand je vois les titres de magazine qui appellent à changer de vie, j’y lis plutôt ‘Quittez ce monde pourri de la
consommation’, décrypte Florence Laneurie. On est plus proche de la détox que de l’évolution professionnelle.
Il y a un côté ‘rapprochez-vous de celui que vous êtes vraiment et que vous n’avez jamais écouté’. » Le souci du
développement personnel a contaminé la sphère professionnelle. Arrive au monde du travail ce qui arriva
au couple dans les années 1970. Dans un cas comme dans l’autre, le compromis ou la routine serait à fuir :
quand cela ne va plus, il faut partir.

Chez Switch Collective*, Clara Delétraz nous montre un mur de témoignages : l’un s’est lancé dans un
CAP* de pâtisserie, un ingénieur EDF* a monté son bar, une autre fait « des créations pour des coques
d’iPhone ». Mais « dans une ambiance où on est condamné à réussir son changement de vie, peu de gens prennent
la parole pour dire ‘je regrette’ », observe Chantal Feldman, coach en entreprise. Et ceux qui mettent en
garde sont peu entendus, peut-être parce qu’ils font moins rêver.

« Les gens n’ont pas idée qu’aimer faire la cuisine et servir tous les jours 60 couverts en étant à l’équilibre, c’est pas
du tout la même chose… », alerte Pierre Beffa, un cadre en publicité qui a tenté l’aventure de la restauration
pendant deux ans avant de revenir à son métier d’origine. « Les métiers de bouche, ce sont des professions
avec une culture de l’autorité et une hiérarchie très traditionnelles », rappelle un financier devenu boucher.
« Et puis il y a la répétition du geste… ». « Sortir des poireaux de terre quand t’as les doigts qui gèlent et qu’il fait
deux degrés, c’est pas pour tout le monde, et c’est compliqué à expliquer à quelqu’un qui fait un peu de désherbage
en août et trouve ça cool », nuance un maraîcher bio passé par une école de commerce.

Démunies, les grandes entreprises veulent désormais faire passer le message que, chez elles aussi, tout
est encore possible. « Le contrat que je signe avec vous, ce n’est plus ‘vous rentrez chez moi et je vous promets
une carrière’ mais ‘rentrez chez moi et je vais vous permettre de vous développer, d’apprendre et d’améliorer votre
employabilité’. On vous traite comme si vous étiez en incubation », relève Philippe Burger, du cabinet Deloitte.

Pour la quête de sens, ces entreprises proposent à leurs salariés des journées de réflexion sur le
développement personnel, des congés sabbatiques pour faire un tour du monde ou s’impliquer dans
le montage d’une école en Indonésie. « Un de mes collègues, très ambitieux, est parti un an faire un tour du
monde, se souvient Paul Darrault, consultant d’une grande firme d’audit. On s’est dit qu’on s’était peut-être
trompé sur son compte, mais il est revenu avec les dents qui rayaient encore plus le parquet* ! » Le pas de côté
professionnel fait désormais partie du schéma d’ascension modèle.

* Eurostar : entreprise ferroviaire franco-britannique.


* CDI : contrat à durée indéterminée.
* Switch Collective : centre spécialisé dans le bilan de compétences et la reconversion professionnelle.
* CAP : certificat d’aptitude professionnelle donnant une qualification d’ouvrier ou d’employé qualifié dans un métier déterminé.
* EDF : Électricité de France.
* avoir les dents qui rayent le parquet : se dit d’une personne très ambitieuse.
1 L’article...
A [] constate

B [] condamne
… le développement de la reconversion professionnelle.
C [] encourage

2 Qu’est-ce que le témoignage de Florence Laneurie révèle de sa personnalité ?


A [] Sa rigueur.

B [] Son adaptabilité.

C [] Son enthousiasme.

3 Vrai ou faux ? Cochez (X) la bonne réponse et recopiez la phrase ou la partie de texte qui justifie
votre réponse.
2 points si le choix V / F et la justification sont corrects, sinon aucun point ne sera attribué.

Les proches des candidats à une reconversion professionnelle font preuve de bienveillance à leur
égard.  ()Vrai  ()Faux

Justification :

4 Être resté au même poste dans son entreprise pendant des années est…
A [] un atout

B [] un obstacle
… pour trouver un nouvel emploi.
C [] une condition

5 Vrai ou faux ? Cochez (X) la bonne réponse et recopiez la phrase ou la partie de texte qui justifie
votre réponse.
2 points si le choix V / F et la justification sont corrects, sinon aucun point ne sera attribué.

D’après le texte, les changements de carrière des juniors influencent de plus en plus les seniors.
()Vrai  ()Faux

Justification :

6 Selon Alexandre Dana, dans un avenir proche, les salariés se différencieront par...
A [] le plan de carrière.

B [] les formations suivies.


C [] le type de contrat signé.



7 Selon Christine Charlotin, pourquoi est-on aujourd’hui si pressé de changer de vie professionnelle ?

8 D’après Florence Laneurie, comment peut-on également interpréter la volonté de changer d’orientation
professionnelle ? (2 réponses attendues)

9 Vrai ou faux ? Cochez (X) la bonne réponse et recopiez la phrase ou la partie de texte qui justifie
votre réponse.
1,5 point si le choix V / F et la justification sont corrects, sinon aucun point ne sera attribué.

Selon Chantal Feldman, faire part de son échec suite à une reconversion professionnelle est plutôt
rare. ()Vrai ()Faux 

Justification :

10 Concernant leur expérience de reconversion, quel message commun transmettent les trois travailleurs

interviewés dans l’article ?

11 D’après Philippe Burger, pour paraître attractive, l’entreprise doit offrir aux salariés…

A [] la possibilité de s’épanouir.

B [] un contrat de longue durée.


C [] une meilleure rémunération.


12 Quel paradoxe Paul Darrault souligne-t-il dans l’attitude de son collègue ?



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Paris, pour qui fait-on la ville sans voiture ?

Cette année, une fois encore, une grande partie de la capitale française a été interdite à la circulation automo-
bile pendant la Journée sans voiture. […] Au-delà des désagréments pour les uns, des activités ludiques pour
les autres, cette opération ponctuelle est une préfiguration du type de ville que la politique de réduction de
la place de la voiture menée par la mairie de Paris pourrait faire advenir : une ville qui repousse progressive-
ment les automobiles au-delà de son périmètre. Le Conseil de Paris a en effet voté la piétonisation définitive
des berges de la Seine sur la rive droite, une ancienne « autoroute urbaine » vouée à être reconvertie en aire
de promenade et de loisirs piétons. Avec d’autre part l’interdiction de circuler qui sera étendue à tous les
véhicules diesel en 2020 on se projette volontiers dans un Paris où l’air sera redevenu pur, où la priorité sera
donnée aux transports collectifs et aux « modes doux » de déplacement, où les enfants courront dans les rues
redevenues leur terrain de jeu, où les adultes retrouveront le goût du petit commerce de proximité.

Faut-il le rappeler, la Journée sans voiture fait partie de ces initiatives dont les objectifs en font une mesure
allant dans le sens du progrès général et du bien-être de l’humanité. De fait personne ou presque ne conteste
que la ville sans voiture est un progrès par rapport à la ville bruyante, malodorante et polluée à laquelle elle
succède, ni que la situation exige des mesures vigoureuses pour nous protéger des gaz à effet de serre. Des
décisions comme l’exclusion des voitures du périmètre de Paris intra-muros ou la piétonisation des voies sur
berge ont beau ressembler à des reports du problème plutôt qu’à une solution d’ampleur, admettons sans
réserve que ces petits pas valent mieux que rien. Néanmoins, contrairement aux apparences, la question cen-
trale ne se situe pas forcément à ce niveau.

Car s’arrêter au discours sur la ville éco-citoyenne et festive quand on évoque la place de la voiture en ville
passe à côté d’enjeux économiques et urbains importants. Les auteurs d’un ouvrage récent (Nouvelles idéo-
logies urbaines, dictionnaire critique de la ville mobile, verte et sûre) affirment que les enjeux autour de la
place de la voiture en ville « ne sont pas solubles dans le clivage opposant caricaturalement les conserva-
teurs défenseurs de l’automobile et les anti-voitures progressistes. » La question n’est donc absolument pas,
rappellent-ils, d’être « pro » ou « anti » automobile. Posée de la sorte, l’alternative n’a aucun sens : l’enjeu de
santé publique est grave et personne ne le nie.

En revanche les auteurs remarquent que « la restriction de l’usage de l’automobile est souvent une
politique de sélection d’usages et d’usagers ». Dans les villes qui expérimentent les politiques déjà citées, ce
sont surtout les usagers pendulaires* de la ville et ceux qui la traversent qui font les frais de ces évolutions.

D’autre part la piétonisation change l’image de la ville et donc, mécaniquement, améliore son attractivité. […]
Selon certains travaux, « la piétonisation accroît la valeur des biens immobiliers résidentiels et des fonds de
commerce », entraînant la constitution de « poches d’aisance », comme à Bordeaux, Nantes ou Paris.

Jouer sur les transports et la place de la voiture est une des manières les plus sûres de façonner la ville dont on
rêve de manière plus ou moins avouable. Il n’est pas difficile de constater que la qualité de vie a une fâcheuse
tendance à augmenter là où les gens ont déjà le plus de moyens de vivre de manière agréable et de profiter
des « aménités* urbaines », et qu’inversement ces quartiers pacifiés attirent une population triée sur le volet.
Ainsi, poursuivent les auteurs : « Si les opérations de piétonisation sont parfois présentées comme l’occasion
de réaliser un espace public commun à tous, offrant un lieu d’échange et de convivialité urbaine, et si effecti-
vement, elles rassemblent à un moment donné dans un même lieu une diversité de population, elles peuvent
dans le même temps alimenter des processus de ségrégation en matière d’habitat et de commerce. » Le para-
doxe est donc que ces transformations, qui rendent indéniablement la ville plus agréable et plus « humaine »,
« s’accompagnent aussi de mécanismes plus inquiétants du point de vue de la justice spatiale, comme l’évic-
tion, les déplacements, la stigmatisation de certains espaces et de certaines populations », écrivent encore
les auteurs.

À Paris, ces évolutions sont d’autant plus bénéfiques pour les propriétaires que la valeur du patrimoine immo-
bilier ne peut que se bonifier dans les quartiers concernés à mesure de ces évolutions. En fait, la population
pour laquelle la ville est repensée a tout intérêt à ces changements, puisqu’elle se recrute dans les segments
de la classe créative, qui dispose de flexibilité dans le choix de son lieu de travail, et peut donc plus facilement
s’épargner les trajets vers la périphérie.

L’accent mis sur la qualité de vie en ville doit se comprendre dans un cadre qui n’est autre que celui de la
mondialisation et de la redistribution de la division internationale du travail entre les territoires. Les villes s’y
livrent une compétition entre elles pour attirer les grandes entreprises et les travailleurs de l’économie de la
connaissance* qui leur sont nécessaires. Produire une ville agréable à vivre n’est donc pas simplement le petit
supplément écologiste des programmes des équipes municipales, mais une des conditions nécessaires pour
accroître l’attractivité à l’international et figurer dans les innombrables classements des villes qui comptent.
Le paradoxe est que les majorités qui les gèrent doivent mener une politique d’amélioration de la qualité de
vie dont la réussite se traduit en termes d’attractivité économique et de valorisation financière de la ville, et
donc provoque des effets pervers.

L’année dernière, plus encore que la pollution, ce sont les nuisances sonores qui ont baissé lors de la journée
sans voiture, signe que c’est bien un effet général sur la qualité de vie et l’ambiance urbaine qui est recherché
dans ce genre d’initiative. Dans un contexte de montée des inégalités spatiales, il n’est pas anodin de voir un
peu partout s’afficher un découpage du centre parisien comme zone d’exclusion ou « interdite » à la circula-
tion, comme l’aveu trop visible d’un entre-soi vert citadin.

Le Paris post-industriel et connecté d’après le tout-voiture sera indéniablement une ville bien plus agréable,
douce et sûre qu’au siècle précédent. Elle n’échappera cependant pas à la question centrale des inégalités par
rapport à l’espace, celle du droit à la ville.

* usagers pendulaires : personnes qui doivent parcourir quotidiennement des distances importantes entre leur domicile et leur lieu
de travail.
* aménités : plaisirs, agréments.
* économie de la connaissance : nouveau mode de développement dans lequel la richesse réside désormais dans le savoir
et les compétences.
1 Quel est l’objectif du journaliste dans cet article ?


A Militer pour la multiplication des mesures anti-voiture.
B Dénoncer l’attitude rétrograde des défenseurs de la voiture.
C Dévoiler les véritables conséquences de la journée sans voiture.

2 D’après le journaliste, quels avantages les mesures adoptées par le gouvernement engendrent-elles à
long terme pour les citadins ? (4 éléments de réponse)

– ............................................................................ – ............................................................................

– ............................................................................ – ............................................................................

3 Pourquoi des mesures comme la Journée sans voiture ne peuvent-elles faire l’objet d’aucune critique ?


......................................................................................................................................................................

......................................................................................................................................................................

4 Pour le journaliste, la mise en place de la Journée sans voiture est une mesure…

A inefficace.
B insuffisante.
C démagogique.

5 Vrai ou faux ? Cochez (X) la bonne réponse et recopiez la phrase ou la partie de texte qui justifie votre réponse. 1,5 point

1,5 point si le choix V / F et la justification sont corrects, sinon aucun point ne sera attribué. VRAI FAUX
La plus grande difficulté aujourd’hui est de faire comprendre aux citadins que la pollution automobile
est nuisible.
Justification : ...................................................................................................................................

.....................................………………………………………………………………….............................

6 Vrai ou faux ? Cochez (X) la bonne réponse et recopiez la phrase ou la partie de texte qui justifie votre réponse. 1,5 point

1,5 point si le choix V / F et la justification sont corrects, sinon aucun point ne sera attribué. VRAI FAUX
L’interdiction de la voiture en ville pénalise moins ses habitants que ceux pour qui elle est un lieu de passage.
Justification : ...................................................................................................................................

.....................................………………………………………………………………….............................

7 Vrai ou faux ? Cochez (X) la bonne réponse et recopiez la phrase ou la partie de texte qui justifie votre réponse. 1,5 point

1,5 point si le choix V / F et la justification sont corrects, sinon aucun point ne sera attribué. VRAI FAUX
La diminution de la circulation automobile dans une ville a pour conséquence une forte valorisation
économique et sociale.
Justification : ...................................................................................................................................

.....................................………………………………………………………………….............................
8 Quel est le profil des habitants qui choisissent de vivre dans des zones sans voiture ?

......................................................................................................................................................................

......................................................................................................................................................................

9 Selon les auteurs cités par le journaliste, la réalisation de zones piétonnes…

A reste le moyen idéal pour favoriser la mixité sociale.


B a des effets négatifs contraires aux objectifs affichés.
C est encore trop récente pour en mesurer les effets réels.

10 Comment le souci d’améliorer le cadre de vie en ville peut-il contribuer à aggraver la fracture sociale ?


......................................................................................................................................................................

......................................................................................................................................................................

11 Selon le journaliste, pourquoi la restriction de la circulation automobile n’est-elle pas un réel handicap
pour les habitants des zones concernées ?

......................................................................................................................................................................

......................................................................................................................................................................

12 Vrai ou faux ? Cochez (X) la bonne réponse et recopiez la phrase ou la partie de texte qui justifie votre
réponse.
1,5 point si le choix V / F et la justification sont corrects, sinon aucun point ne sera attribué. VRAI FAUX

L’amélioration de l’environnement en ville soulève des enjeux qui dépassent le cadre municipal et
même national.

Justification : ...................................................................................................................................

.....................................………………………………………………………………….............................

13 Dans le cadre de la rivalité entre les villes, quel enjeu représente l’amélioration de la qualité de vie ?

......................................................................................................................................................................

......................................................................................................................................................................

14 Le journaliste conclut son texte par…

A une provocation.
B un avertissement.
C une remarque ironique.
阅读
X, Y, Z : générations mythiques ou mythe
des générations ?
Génération X, Y ou Z… Ces catégories sont à la mode dans les médias. Pourtant, beaucoup de sociologues les
jugent trop caricaturales et réductrices pour rendre compte des spécificités de la jeunesse actuelle. 

Depuis plusieurs années, une expression connait un succès fulgurant : celle de « génération Y », qui
désigne les jeunes nés entre les années 1980 et 1990, dans l’univers d’Internet et des réseaux sociaux.

Avant eux, il y avait eu la génération X – les quarantenaires actuels – atteinte par le chômage, « génération
aux ambitions sacrifiées », celle des illusions perdues « après la bataille » de leurs aînés soixante-huitards*,
à qui ils reprochent de ne pas leur avoir laissé la place et d’être toujours aux commandes. Bienvenue
maintenant à la génération Z, les 15-20 ans d’aujourd’hui, appelés parfois e-génération, clones de leurs
grands frères Y, encore plus connectés, jamais sans leur smartphone pour communiquer par SMS ou
s’afficher sur YouTube.

Bref, chaque génération est définie par un style de vie, des manières d’être, des codes et des repères
spécifiques pour aborder le monde…

Entre fascination et défiance

La génération Y a pris forme au travers de nombreuses descriptions, analyses, et même autoportraits.


Ainsi, les deux journalistes Myriam Levain et Julia Tissier, toutes deux Y, se sont intéressées à cette
question : « Individualistes, insolents, instables au boulot, indécis en amour, dépolitisés, incultes... Les critiques
pleuvent sur les 18-30 ans. Il était temps de nous insurger contre ces lieux communs sans fondement (ou presque) ! Si
l’on nous comprend si mal, c’est que, au travail ou dans les sphères plus intimes du quotidien, nous inventons chaque
jour de nouveaux modes de vie. Et pour cause : familiers de la précarité*, nous avons dû apprendre à faire de notre
vision à court terme, un véritable atout. Bien sûr, il n’existe pas une seule jeunesse et nous sommes tous très différents.
Mais suite à nos observations, nous pouvons affirmer que les 18-30 ans ont des caractéristiques communes très fortes,
liées entre autres aux mutations sociales. Nous nous sommes rendu compte que certaines de nos névroses personnelles
étaient générationnelles ! Chaque génération vit des choses très marquantes : en ce qui concerne les Y, c’est le fait d’avoir
grandi en même temps que le développement d’Internet, de devoir obligatoirement composer avec la précarité… ».

On l’aura compris, les Y suscitent tout autant admiration et fascination que critiques et défiance. Côté
face, ces enfants des divorces, des familles recomposées, de l’entrée dans la vie en enchaînant des stages
et des contrats précaires, mais aussi de l’ère numérique et de ses innovations permanentes, ont été élevés
à l’école de la flexibilité. Ils ont développé de grandes facultés d’adaptation et d’inventivité, privilégiant
l’indépendance et la débrouille, en cultivant l’humour pour se dessiner un avenir optimiste malgré tout.
Côté pile, le monde des adultes les voit parfois hyper consommateurs, égoïstes voire profiteurs, comme
le montrait Tanguy, en 2001, le film d’Etienne Chatiliez devenu culte, au point que ce prénom est passé
dans le langage courant pour désigner ces jeunes qui s’éternisent à vivre chez leurs parents.

Mais c’est surtout dans le monde du travail que les Y font l’objet de vifs débats. Nombre de managers
les trouvent irrévérencieux, désobéissants à l’autorité et à la hiérarchie, et manquant de loyauté, prêts
à quitter l’entreprise à la moindre insatisfaction. Et pire encore pour les Z, derniers nés des actifs, vus
comme une génération « autocentrée, impatiente, déconcentrée, accro aux réseaux sociaux » qui n’arrive
plus à trouver sa place en entreprise… En 2010, pourtant, une vaste enquête sur le rapport au travail des
jeunes générations en donnait un tableau beaucoup plus nuancé. Plus qualifiés que leurs ainés, plus à
l’aise avec les nouvelles technologies, ces nouveaux venus auraient « des attentes plus élevées en termes de
développement personnel à travers le travail », notaient Dominique Méda et Patricia Vendramin. « La jeune
génération confirme l’évolution vers une conception « polycentrique » de l’existence, c’est-à-dire une conception de
la vie et un système de valeurs organisés autour de plusieurs centres (le travail, la famille, les relations amoureuses,
les loisirs, l’engagement…), l’équilibre des centres appartenant à chacun », concluaient les deux sociologues.

Des jeunesses plurielles

En fait, nombre de sociologues s’élèvent contre ces portraits jugés caricaturaux et l’emploi trop globalisant
du terme « génération », devenu un cliché. Pour la sociologue Cécile Van de Velde, spécialiste des
jeunesses en Europe, les inégalités liées aux études, au milieu social et au genre, créent des groupes
hétérogènes qu’il serait trop réducteur d’englober dans un modèle unique. La notion de génération Y
n’est qu’un miroir déformant de la réalité : « On annonce une génération connectée au tout numérique ? Mais
leurs ainés le sont tout autant. On déplore leur distance au travail ? Les Y sont avides d’emploi et d’intégration
sociale, gardant même, pour les jeunes Français, un rapport particulièrement affectif au travail. »

Dans un essai récent, le sociologue Serge Guérin et le philosophe Pierre-Henri Tavoillot affirment que
la génération Y est « un mythe », créé par des publicitaires en mal de « renouvellement de la machine
à consommer ». Il n’existe pas « une » jeunesse mais des manières plurielles de vivre sa jeunesse, avec
des ruptures, certes, mais aussi des continuités avec les générations précédentes, et « on prend pour un
phénomène conjoncturel ce qui est en réalité un mouvement profond et structurel de l’allongement de la période
entre l’enfance et l’âge adulte ».

X, Y, Z…, toutes ces formulations ne seraient que des fabrications pour désigner tout simplement une
jeunesse modelée par le contexte politique, social, économique et culturel du moment. À l’heure où les
grands récits, comme la religion ou les idéologies, se sont évanouis, « on invente une multitude de petits
récits du présent », ajoutent S. Guérin et P.H. Tavoillot. Et, notamment, ceux qui voudraient voir les
jeunes comme des zombies ou des mutants dont les modes de vie et les pratiques laisseraient les adultes
stupéfaits ! Mais est-ce que cela n’a pas toujours été une caractéristique de la jeunesse ?

* soixante-huitards : individus ayant l’âge d’avoir participé aux événements sociaux de mai 1968, ou ayant adopté les mœurs et les
idées libertaires de l’époque.

* précarité : état d’instabilité et de fragilité, sans garantie de durée.


1 Qu’est-ce qui rapproche et qu’est-ce qui différencie les générations Y et Z ?

2
D’après l’article, la génération X est celle des « illusions perdues » parce qu’elle n’a pas pu… 2 points
A [] faire les études qu’elle espérait.

B [] répondre aux attentes de ses aînés.


C [] jouer le rôle social qu’elle souhaitait.


3 D’après Myriam Levain et Julia Tissier, une qualité des Y est de…
A [] respecter tout le monde.

B [] s’intéresser à toute chose.


C [] s’adapter à toutes les situations.


4
D’après Myriam Levain et Julia Tissier, quels sont les éléments qui ont façonné l’identité des Y ?
(deux réponses attendues)

5 Vrai ou faux ? Cochez (X) la bonne réponse et recopiez la phrase ou la partie de texte qui justifie
votre réponse.
1,5 point si le choix V / F et la justification sont corrects, sinon aucun point ne sera attribué.

Selon certains, la génération Y est incapable de respecter les règles de la vie professionnelle.
()Vrai  ()Faux

Justification :

6 Vrai ou faux ? Cochez (X) la bonne réponse et recopiez la phrase ou la partie de texte qui justifie
votre réponse.
1,5 point si le choix V / F et la justification sont corrects, sinon aucun point ne sera attribué.

La génération Z est mieux perçue que la génération Y par le monde du travail.


()Vrai  ()Faux

Justification :

7 D’après D. Méda et P. Vendramin, les jeunes…


A [] font passer leur vie professionnelle au premier plan.

B [] considèrent que le travail n’est qu’un des aspects de la vie.


C [] voient le travail comme un obstacle à leur développement.



8 Pourquoi C. Van de Velde rejette-t-elle le terme de « génération » ?

9 D’après S. Guérin et P.H. Tavoillot, la génération Y est…


A [] une pure invention de marketing.

B [] une source d’inspiration journalistique.


C [] une hypothèse utile pour les sociologues.


10 Quelle est l’évolution fondamentale illustrée par le comportement des jeunes générations ?
2 points

11 Qu’est-ce qui a fait défaut aux jeunes générations dans leur développement ?

A [] Des croyances auxquelles se référer.


B [] Un réel engagement de la classe politique.


C [] Une croissance économique suffisamment forte.


12 Que suggère la dernière phrase de la journaliste sur les rapports intergénérationnels ?



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Le sens de la marche
Randonnées, pèlerinage, trekking… Les Français n’ont jamais autant marché. Ce phénomène marque pour
certains l’émergence d’une contre-culture touristique. Mode passagère ou mouvement de fond ? 

Longtemps, la marche a été associée, à l’errant, au va-nu-pieds. Elle devint même marginale, quand
l’Europe commença à se motoriser. La quête de vitesse, de performance et d’efficacité donnait à la marche,
lente et fatigante, un statut d’anachronisme*. Quelques années ont suffi pour que s’opère un revirement
complet. Après des siècles d’humilité, la marche s’offre une renaissance. Plus encore, elle se mue en
véritable phénomène de société. L’engouement s’est emparé aussi bien des campagnes que des villes,
où les voitures finissent par déserter les centres. Pratique corporelle – voire spirituelle – la marche que
l’on croyait gratuite est devenue simultanément un sport, un tourisme, un marché.

Comment expliquer ce retour en grâce ? Selon le sociologue David Le Breton, ce succès vient d’abord
de l’étonnante mutation de « l’imaginaire de la marche », qui se voit désormais associé à des valeurs
« heureuses ». La marche recèle en réalité des vertus qui résonnent chaque année davantage avec les
injonctions de l’époque. Elle est ainsi économique, ce qui n’est pas son moindre défaut. Nul n’a en effet
besoin de dépenser beaucoup pour voyager à pied. Elle est aussi écologique : son émission de gaz à effet
de serre reste très limitée. La marche relève donc du « tourisme vert », qui combine respect des ressources
naturelles, préservation du bien-être des populations locales et souci de soi. La marche à pied apparaît
enfin saine, bonne pour la santé et pour la ligne.

Mais cette conjonction de qualités ne saurait à elle seule expliquer le succès de la marche. Pour s’y
consacrer, il faut bien que le marcheur y trouve autre chose, de plus profond et personnel. Qu’au-delà
de la fatigue, de l’essoufflement, des douleurs parfois, un secret plaisir guide sa volonté. Les écrivains
ont souvent mis en avant les joies sensorielles de la marche et les rencontres qu’elle permettrait de faire.
La destination n’apparaît souvent que comme un prétexte. C’est le voyage lui-même qui importe. « Ce
qui importe dans la marche n’est pas son point d’arrivée », témoigne David Le Breton, « mais ce qui se joue
en elle à tout instant, les rencontres, l’intériorité, le plaisir de flâner, c’est exister, tout simplement, et le sentir. »

Des rêveries de Jean-Jacques Rousseau aux semelles d’Arthur Rimbaud, nombre d’œuvres littéraires et
philosophiques ont d’ailleurs été composées « à l’air libre ». Pour le philosophe Frédéric Gros, la marche a
pour mérite de transformer le rapport du corps à l’espace. « Le paysage est un paquet de saveurs, de couleurs,
d’odeurs, où le corps infuse*… », affirme-t-il. Tel panorama paraît plus beau, plus propice à la méditation, à
celui qui a pris la peine de gravir la montagne pour y avoir accès. Tout se passe comme si la marche, la
fatigue qu’elle entraîne, la persévérance qu’elle requiert étaient récompensées par un surcroît de beauté
et de liberté offert au seul marcheur. Elle rappelle à chacun son statut originel d’Homo viator*, avançant
à son rythme, calme et régulier, en migration perpétuelle, depuis la nuit des temps.

Offrant un autre rapport à l’espace, la marche promet aussi – et peut-être surtout – un nouveau rapport
au temps. La lenteur est nécessaire pour apprécier le mouvement. Les grands marcheurs en font tous
l’éloge. « Dans nos vies riches, bombardées de mots et de délais, le prix à payer est le temps qu’on nous vole »,
souligne ainsi l’écrivain-voyageur Sylvain Tesson.

On redécouvre même que la marche permet de vivre plus longtemps, non pas au sens où elle augmenterait
la durée de vie, mais parce qu’elle allonge, subjectivement, la temporalité : les heures à marcher semblent
plus longues que celles à travailler ou à discuter. Elles sont plus amples, « étirent » le temps, remarque
Frédéric Gros : « Elles font vivre plus longtemps parce qu’on a laissé respirer, s’approfondir chaque heure, chaque
minute, chaque seconde, au lieu de les remplir de manière forcée, alors qu’à l’inverse, quand on se presse, le temps
est plein à craquer, comme un tiroir saturé. »

Là réside sans doute l’une des grandes explications de l’essor de la marche : elle permet de se soustraire
aux impératifs d’immédiateté, de réactivité, de connexion permanente. En s’introduisant dans un chemin,
on s’offre une déconnexion. Déconnexion matérielle, d’abord. On éteint son ordinateur, on « débranche »
pour prendre un chemin. On accepte l’idée que son téléphone portable ne capte plus. On quitte un réseau
sans profondeur, sur lequel on « surfe ». Son propre horizon cesse d’être barré par l’écran d’ordinateur.
La déconnexion est ensuite spirituelle. La marche permet de « voir plus loin ». Elle lave des fatigues
anciennes et des malaises de la vie quotidienne, assurent aussi bien le sociologue David Le Breton que les
philosophes Pierre Sansot et Frédéric Gros. Le temps d’une parenthèse, ses adeptes cessent de ressasser
leurs soucis personnels et professionnels pour se retrouver, s’apaiser, cheminer.

De là à y voir une forme de subversion*, il n’y a qu’un pas que certains auteurs n’hésitent pas à franchir.
Ainsi l’anthropologue Franck Michel, dans la lignée de Frédéric Gros, considère-t-il la marche comme
« un mode philosophique d’être, de penser et de voyager ». Rappelant la tradition contestataire de la
marche, il établit un lien avec le développement récent de la randonnée de loisir : « Dans nos sociétés
figées, où tout tend à être planifié, marcher relève de la subversion. Voyager à pied, c’est aller de l’avant. À contre-
courant ». L’anthropologue Jean-Didier Urbain n’exclut pas, quant à lui, l’émergence d’une contre-culture
en réaction au culte de la vitesse.

Si tant d’auteurs cherchent à faire de la marche une philosophie, voire une façon politique d’être au
monde, la plupart des marcheurs ont l’ambition plus modeste. À la question « pourquoi marchez-vous ? »,
les réponses sont souvent simplistes et décevantes : parce que ça fait du bien, pour profiter de la nature…

Qu’est-ce qui impose alors à un si grand nombre, in fine, le désir de se lever et de marcher ? Sans doute
d’abord une tendance profondément inscrite dans l’être humain, que des siècles de progrès techniques
ne permettent pas d’effacer. Mais c’est aussi cet appel mystérieux qu’adresse à beaucoup l’horizon, et
auquel nous redevenons peut-être un peu plus sensibles avec la montée des valeurs écologiques. « Tout
grand paysage est une invitation à le posséder par la marche », écrit Julien Gracq.

* anachronisme : ce qui appartient à une autre époque.


* infuser : s’imprégner de quelque chose.
* Homo viator : terme latin qui signifie « homme en chemin ».
* subversion : action qui change les valeurs établies.
1 Quelle est l’intention de la journaliste dans cet article ?
A [] Inciter à une pratique assidue de la marche.

B [] Démontrer le caractère universel de la marche.


C [] Critiquer les opinions de spécialistes sur la marche.


2 Vrai ou faux ? Cochez (X) la bonne réponse et recopiez la phrase ou la partie de texte qui justifie
votre réponse.
1,5 point si le choix V / F et la justification sont corrects, sinon aucun point ne sera attribué.

Au début de l’industrialisation des sociétés européennes, la pratique de la marche à pied a été


consolidée. ()Vrai  ()Faux

Justification :

3 Vrai ou faux ? Cochez (X) la bonne réponse et recopiez la phrase ou la partie de texte qui justifie
votre réponse.
1,5 point si le choix V / F et la justification sont corrects, sinon aucun point ne sera attribué.

La ferveur de la marche n’a rien à voir avec l’origine géographique des marcheurs.
()Vrai  ()Faux

Justification :

4 Quelles propriétés David Le Breton attribue-t-il à la marche ? (3 réponses attendues)

5
Comment l’effort physique influe-t-il sur la perception de l’environnement naturel du marcheur ? 3 points

6
Pourquoi la marche peut-elle être associée à un retour aux sources ?

7 Selon Frédéric Gros, la marche nous offre l’opportunité…


A [] d’appréhender différemment le rythme de la vie.

B [] d’accroître considérablement notre capital santé.


C [] d’améliorer notablement les relations avec autrui.



8 D’après la journaliste, dans quelle mesure la marche constitue-t-elle une évasion ? (deux réponses
attendues)

9 En quoi les deux anthropologues cités dans l’article voient-ils dans la marche une forme de
révolte ? (deux réponses attendues)

10 Les raisons évoquées par les marcheurs eux-mêmes semblent plutôt…


A [] dérisoires.

B [] spirituelles.

C [] inattendues.

11 Dans sa conclusion, la journaliste attribue à la marche un caractère…


A [] culturel.

B [] ponctuel.

C [] énigmatique.

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Tous victimes de l’industrie du bonheur ?
On ne naît égaux ni en droits ni en joie. Pourtant depuis quelque temps, livres et études en tous genres nous
promettent le bonheur. Mais d’où vient cette injonction* à être heureux à tout prix et a-t-on encore le droit
d’être malheureux ?

Il est où le bonheur ? Un peu partout à vrai dire. Entre les émissions de télévision et les étagères des
librairies, difficile de passer à côté des conseils magiques d’un maître de l’épanouissement personnel pour
être heureux. Même l’université américaine Yale propose désormais un cours s’intitulant « Psychologie
et vie heureuse ». Une quête sans fin qui est devenue au fil des années un véritable marché, alimenté
par les réseaux sociaux et leurs filtres à paillettes*.
Être heureux au quotidien ? Rien de plus facile ! Il suffit d’enlacer les arbres, de se lever à 4 h du matin, de
se répéter jour après jour des affirmations positives, de dire merci... Bref, le bonheur est à portée de main
si l’on en croit les différents ouvrages publiés récemment sur la question, qui s’appuient généralement
sur des études pseudo-scientifiques. Être heureux est devenu le but ultime de l’accomplissement de soi.
Emma Scali, thérapeute en psychothérapie individuelle à Paris, estime que la société de consommation
cherche à nous vendre du bonheur et crée en nous de fausses attentes avec les produits qui se vendent
sur le marché. Certes, ces derniers nous procurent un plaisir immédiat mais ils ne permettent pas
réellement d’être heureux.

En amour, en famille, et même au travail : il faut être heureux à tout prix. Quitte à devoir sortir son chéquier
pour suivre des thérapies du bonheur, collectionner les livres relatant les méthodes d’épanouissement
ou s’asperger d’huiles essentielles apaisantes pour chasser loin — très loin — les émotions négatives.
« C’est très mal vu d’être malheureux aujourd’hui », analyse Maïté Tranzer, psychologue clinicienne à Paris.
L’industrie du bonheur, qui brasse des millions d’euros, fait en sorte que les individus contrôlent leurs
sentiments négatifs de façon à ce que ces derniers ne les affectent en rien, résument ainsi Edgar Cabanas
et Eva Illouz dans leur ouvrage Happycratie.

Si la quête du bonheur remonte bien à l’Antiquité, sa définition a considérablement varié. « La différence


majeure entre l’Antiquité et la société actuelle, c’est que cette quête du bonheur est aujourd’hui trop souvent associée
à la notion de plaisirs ou d’accumulation de plaisirs, ce que les philosophes de l’époque critiquaient déjà », remarque
ainsi Emma Scali.

Alors que certains y voient l’expression d’un individualisme toujours plus prenant dans une société
de moins en moins collaborative et l’avènement* d’un matérialisme toujours plus ancré, d’autres la
considèrent comme l’évolution concrète de l’affaiblissement des spiritualités. « Nous vivons en Europe, dans
un monde de moins en moins religieux. Ainsi, le souci de soi devient envahissant, ce dont témoignent la psychologie
positive, les théories du développement personnel ou le retour aux sagesses d’Orient. Toutes proposent un bonheur
individuel, grâce à un travail sur le corps et l’esprit », confie le philosophe et politologue français Luc Ferry.

Et l’explosion des réseaux sociaux ces dix dernières années a également son incidence. La plateforme
Instagram* est devenue en huit ans à peine une vitrine privilégiée pour exposer son bonheur et sa réussite
aux yeux du monde. Rares sont ceux et celles qui décident d’y montrer leur vraie vie : on préfère recadrer,
sélectionner et montrer uniquement les moments qui pourraient faire « envie » aux autres ou du moins
ceux qui montrent à quel point on nage dans le bonheur. Pire, certains simulent dorénavant le bonheur
juste pour faire des photos. « De la poudre aux yeux », souffle Maïté Tranzer, psychologue clinicienne
à Paris, qui s’inquiète des répercussions sur le long terme de ces mensonges en ligne que l’on fait aux
autres, mais aussi à soi-même.

Le problème latent* à cette surexposition de bonheur est qu’elle crée de la frustration et de l’envie,
chez ceux qui y sont exposés. Pire, elle oblige peu à peu tout un chacun à porter un masque pour ne
rien laisser paraître de ses sentiments négatifs. « À force de ne montrer que ce qui va bien, on repousse ses
peurs, sa colère ou sa tristesse », explique Maïté Tranzer, qui rappelle que ces émotions négatives sont en
réalité la garantie du véritable accès au bonheur. « Si on n’accueille pas sa propre souffrance, on est forcément
rattrapé un jour ou l’autre et sur le long terme, cela peut créer des névroses* », précise-t-elle. Avant d’ajouter
qu’il est très important de s’écouter et de se remettre en question émotionnellement. Une idée défendue
également par Emma Scali qui souligne l’absurdité dans la volonté de contrôler ses émotions vendues
dans la plupart des ouvrages de psychologie positive. « Toutes les émotions nous parlent de nos besoins, donc
à mon sens, il ne faut pas chercher à contrôler ses émotions mais à les comprendre », ajoute-t-elle.

Une sorte d’autorisation explicite au malheur ? Absolument ! Fondre en larmes au fond de son canapé
de temps en temps pour lâcher la pression n’a absolument rien d’honteux ou de condamnable. « Bien au
contraire, cela peut permettre de rééquilibrer ses émotions », rassure Maïté Tranzer.

D’autant que le bonheur n’a rien d’universel : on ne naît pas égaux en joie. Chacun a sa propre définition
personnelle du bonheur et celle-ci évolue avec le temps : ce qui nous rend heureux à 20 ans, ne nous
rend plus forcément heureux à 30 ou à 40 ans. Attention, l’idée n’est pas d’ériger la plainte en valeur
mais plutôt d’accepter que la vie ne soit pas un long fleuve tranquille. « Le bonheur ne consiste pas en une
vie monotone ou ennuyeuse où il ne se passe rien et où les plaisirs succèdent à d’autres plaisirs, mais en une vie où
nous apprenons à nous découvrir nous-mêmes à travers les joies et les peines et le dépassement de ces dernières »,
philosophe ainsi Emma Scali. « La recherche du mieux-être passe par cette quête, à travers un besoin de retour
à la nature, à la quiétude, à la respiration, au yoga, etc. Ce mouvement est tout à fait valable à condition qu’il ne
nie pas que la vie porte en elle par essence des moments de joie et de tristesse, de peur et de colère », ajoute-t-elle.

Mieux vaut partir à la quête du mieux-être en apprenant à se connaître émotionnellement et à se


questionner régulièrement, plutôt que de chercher le bonheur dans les rêves formatés d’une industrie
mercantile.

* injonction : obligation.
* filtre à paillettes : expression imagée qui signifie rendre les choses plus belles qu’elles ne le sont en réalité.
* avènement : arrivée de quelque chose d’important.
* Instagram : réseau social qui permet de partager des photos et des vidéos avec ses contacts.
* latent : caché mais qui peut surgir à tout moment.
* névrose : trouble de la personnalité.
1 Dans son article, la journaliste...
A [] critique une certaine idée du bonheur.

B [] revendique le droit au bonheur pour tous.


C [] s’interroge sur l’existence même du bonheur.


2 Vrai ou faux ? Cochez (X) la bonne réponse et recopiez la phrase ou la partie de texte qui justifie
votre réponse.
1,5 point si le choix V / F et la justification sont corrects, sinon aucun point ne sera attribué.

Selon la journaliste, la recherche du bonheur donne lieu à une exploitation commerciale massive.
()Vrai  ()Faux

Justification :

3 Vrai ou faux ? Cochez (X) la bonne réponse et recopiez la phrase ou la partie de texte qui justifie
votre réponse.
1,5 point si le choix V / F et la justification sont corrects, sinon aucun point ne sera attribué.

La journaliste met en doute la crédibilité des ouvrages consacrés au bonheur.()Vrai  ()Faux 

Justification : 

4 Que dénonce Emma Scali quand elle dit que « la société de consommation [...] crée de fausses
attentes » ?

5 Pour les auteurs d’Happycratie, les méthodes de bonheur actuelles nous invitent à…
A [] éviter toute forme d’émotion.

B [] accepter toutes nos émotions.


C [] bloquer certaines de nos émotions.


6 Vrai ou faux ? Cochez (X) la bonne réponse et recopiez la phrase ou la partie de texte qui justifie
votre réponse.
1,5 point si le choix V / F et la justification sont corrects, sinon aucun point ne sera attribué.

Les philosophes de l’Antiquité admettaient aussi que le bonheur repose sur la satisfaction de
plaisirs. ()Vrai ()Faux 

Justification :
7 Luc Ferry explique l’attrait pour le bonheur par…
A [] le triomphe de l’individualisme.

B [] la perte des valeurs citoyennes.


C [] l’absence de recherche spirituelle.


8 Pour quelle raison Maïté Tranzer parle-t-elle « de poudre aux yeux » au sujet des réseaux sociaux ?

9 En quoi faire semblant d’être heureux fausse-t-il notre rapport aux autres ?

10 Maïté Tranzer et Emma Scali considèrent que l’accès au bonheur passe par…

A [] l’acceptation de la douleur.

B [] la maîtrise de nos sentiments.


C [] la satisfaction de nos besoins.


11 Citez deux raisons données par la journaliste pour lesquelles chacun peut être heureux de manière

différente.

– 

12 Selon Emma Scali, pour être heureux, il est indispensable...


A [] de se rapprocher de la nature.

B [] de résister à l’industrie du bonheur.


C [] d’assumer les hauts et les bas de l’existence.

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