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GRAND SEMINAIRE SAINT PAUL D’ABADJIN KOUTE

CYCLE DE PHILOSOPHIE

MYSTERE DU SALUT

Prof : P. APPOLINAIRE KOUAKOU ADAMS

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SOMMAIRE

INTRODUCTION
I- PRELIMINAIRES
A- Révélation et mystère du salut
1- La révélation, premier pas du mystère du salut
2- La création comme révélation de l’identitaire trinitaire de Dieu
3- L’histoire et sa compréhension dans l’économie du salut
B- Approche conceptuelle des termes mystère et salut
1- Le salut
a) Le salut une aspiration universelle avec des accents divers
b) La notion de salut
c) La notion de salut dans la révélation biblique
2- La notion de Mystère
a) Sens profane
b) Sens biblique
II- HISTOIRE DU SALUT OU ECONOMIE DU SALUT
A- L’initiative personnelle de Dieu : les étapes
1- Les promesses divines
2- La vocation d’Abraham
3- L’élection d’Israël
B- Les institutions médiatrices du salut en Israël
1- La royauté
a) L’institution royale en Israël
b) La fonction du roi
2- Le sacerdoce
a) Le parcours du sacerdoce en Israël
b) La fonction du Prêtre en Israël
3- Le prophétisme
a) Le temps du prophétisme
b) Le prophète
4- La Vision messianique
a) L’espérance messianique et les attentes salvifiques d’Israël
b) Le messie
III- JESUS LE CHRIST: MEDIATEUR ET PLENITUDE DU MYSTERE DU
SALUT.
A- L’incarnation comme plénitude du mystère du salut
1- La question du salut comme point de départ de la question de Dieu.
2- L’horizon antico-testamentaire, patrimoine historico-religieux de Jésus
a) Jésus dans l’un et l’autre testament
b) La perspective messianico-salvifique
B- le cheminement messianique de Jésus
1- Le ministère du règne ou l’annonce du royaume
a) La proclamation du règne imminent et déjà là
b) Les caractères du règne de Dieu
IV- LE MYSTERE DE L’EGLISE
1- Le temps de l’Eglise
2- l’Eglise sacrement de salut
3- La mission de l’Eglise
CONCLUSION
2
INTRODUCTION

Ce présent cours intitulé ‘‘mystère du salut’’, se présente comme la porte d’entrée;


mais aussi un récapitulatif du parcours de la compréhension de la révélation de Dieu dans le
temps-histoire de l’homme. En effet, Dieu s’est révélé. Cette auto-proclamation de Dieu
constitue le fondement de la promesse de salut faite à l’homme. La foi catholique confesse
ainsi son attachement à Dieu qui s’est fait homme (incarnation), qui a vécu avec les siens, et
qui a présenté le projet de salut offert à l’homme. C’est donc une histoire, mais une histoire de
salut car la finalité de cette histoire est l’ouverture à la vie divine.
Cette histoire comporte ainsi plusieurs étapes significatives qui sont à comprendre
dans la globalité du dessein unique-salvifique de Dieu. Ainsi, La réalité chrétienne est
constituée, dans son fondement original et dans sa signification vitale, de l’expérience de la
rencontre de l’homme avec Dieu; parce que Dieu premièrement s’est fait proche et s’est
manifesté à l’homme, assumant, dans des formes diverses, la même dimension humaine 1. Cela
est l’évènement et la nouveauté absolue de notre être chrétien, que continuellement nous
devons redécouvrir et méditer pour connaitre plus en profondeur et en vérité les
caractéristiques pour pourvoir aussi savourer et vivre la validité et le sens joyeux. Tout
s’origine et nait de ce point initial: Dieu agit en notre faveur, vient rencontrer l’homme,
l’appelle et l’invite à la communion avec lui. En d’autres termes, Dieu s’est révélé en usant le
mode de l’être et de l’agir humain. Le salut a donc une histoire. Ainsi nous comprenons que
«Dieu n’est pas solitude infinie, mais évènement d’amour…»2.
La foi catholique pour exprimer cette rencontre de Dieu avec l’homme parle
d’histoire, économie ou mystère du salut. La finalité de chaque terme est de préciser que
l’offre de salut adressée par Dieu à l’homme s’est déroulée dans le temps (kronos), l’espace
de l’homme. En effet, le divin, l’invisible s’est fait visible progressivement à l’homme. Nous
constatons cependant que chaque terme oriente la vision sur un aspect particulier. En effet,
quand on parle de mystère du salut, ici, c’est le regard porté sur Dieu. Il y a une tension à
soustraire ce salut de l’homme pour l’orienter du côté de Dieu qui a l’initiative, qui le conduit
et qui le mène à sa fin. Histoire du salut insiste sur le caractère empirique, la caractéristique
terrestre de ce salut. C’est donc pour pourvoir prendre en compte ces deux pans que certains
adoptent le terme ‘‘économie du salut’’.

I- PRELIMINAIRES
1
L’expérience biblique de Dieu, soit dans l’AT que Dans le NT nous montre des différents visages de Dieu: Dieu
invisible Gn1,18 qui habite une lumière inaccessible 1Tm6,16 vient lui-même dans la visibilité de créature sans
aucun intermédiaire. Celui qui n’a pas de forme a pris forme dans le monde et dans l’histoire et peut être
rencontré dans un mode totalement Humain.
2
Benoit XVI vêpres Pentecôte 2006.

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A- Révélation et mystère du salut
1- La révélation premier pas du mystère du salut
Toute l’histoire de la foi chrétienne voire du mystère du salut repose sur un fait
unique: Dieu s’est révélé. La révélation est donc le fondement de tout le discours sur l’homme
et sur la proposition de salut à lui offerte par Dieu. Ainsi, sans révélation il n’y a pas de salut.
C’est le pas fondateur du dessein de Dieu en faveur de l’homme. Dans le christianisme, tout
commence par la révélation Divine. Pour St Paul, L’évangile qu’il annonce en prêchant Jésus
Christ est la révélation d’un mystère enveloppé de silence aux siècles éternels mais
aujourd’hui et qui doit être ‘‘porté à la connaissance de tous les peuples païens…pour les
conduire à l’obéissance de la foi’’. L’Apôtre Jean témoin de cette révélation insiste pour
indiquer que: «Nous vous annonçons la Vie Eternelle qui était (en la personne du verbe)
auprès du Père et qui nous est apparu. Ce que nous avons vu et entendu, nous vous
l’annonçons, afin que vous soyez en communion avec nous et que notre communion soit avec
le Père et avec son Fils Jésus-Christ».
La révélation, c’est le préalable dont on parle et sans lequel toutes les vérités dont
traite la théologie s’écroulent. La révélation au-delà de tout reste un évènement supra-
catégorial et une catégorie transcendantale. Ainsi, elle est présupposée à toutes les données
théologiques en même temps elles le contiennent. En effet lorsqu’il est question de
connaissance, de rencontre ou d’expérience de Dieu, cela signifie du point de vue du
christianisme, que l’homme connait Dieu parce que et dans la mesure où Dieu s’est donné et
se donne à connaitre. En d’autres termes, l’homme rencontre Dieu et fait l’expérience de Dieu
parce que Dieu s’est révélé à l’homme. La révélation marque le début de l’histoire de Dieu
avec l’homme.
Ainsi, nous comprenons combien il est important d’étudier cette complexe expérience
de cette rencontre de l’homme avec Dieu, rencontre qui constitue proprement la ‘‘révélation
chrétienne’’. L’étude de la révélation comprend un vaste champ dont le contenu essentiel soit
dans le fait que Dieu est intervenu dans l’histoire de l’homme, se manifestant lui-même et son
dessein de salut. Nous comprenons alors pourquoi la révélation se déroule, à travers un
cheminement historique, finalisé à un accomplissement, qui comporte des moments, dans
lesquels la révélation se pose comme une ‘‘économie’’ ou ‘‘histoire du salut’’.

2- La création comme révélation de l’identité trinitaire de Dieu


La grande nouveauté qu’apporte la doctrine chrétienne sur la création est celle
d’indiquer l’identité de ce Dieu qui crée en se révélant, en indiquant son identité. Le véritable
enjeu de ce mystère du salut, c’est surtout de connaitre celui qui offre et qui appelle au salut:
‘‘Or la vie éternelle c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul véritable Dieu et celui que tu as
envoyé, Jésus-Christ’’ Jn17,3.
La révélation nous apprend que Dieu créateur est un Dieu d’amour, Dieu trinitaire. Le
Dieu de la révélation est celui qui ne possède son être qu’en se communiquant. C’est le
mystère trinitaire du Père, du Fils et de l’Esprit. La conception chrétienne de la création est
caractérisée par la révélation du Christ et l’expérience de l’Esprit. Dans ce mystère trinitaire
justement, Dieu est fondé sur l’altérité, sur la communion. Le Dieu créateur est le Dieu
trinitaire, le Père est la cause créatrice, le Fils est la cause formative (1Co8,6) et l’Esprit est la
cause vivifiante de la création (les activités distinctives des personnes). Le concept trinitaire

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de la création est en lien avec la transcendance de Dieu et de son immanence. Le
panenthéisme dans le concept trinitaire de la création intègre les éléments vrais du
monothéisme et du panthéisme. Il précise que Dieu qui a créé le monde habite en même temps
le monde. Ce monde créé par Dieu ne peut se penser que sous forme trinitaire.

3- L’histoire et sa compréhension dans l’économie du salut


La question de l’histoire dans l’étude de la christologie est très importante. En effet,
affronter la question de l’histoire, c’est entrer au cœur même du mystère de la révélation de
Dieu en Jésus. On dira qu’il n’y a pas révélation sans histoire car la révélation s’est faite dans
l’histoire. L’historicité de la révélation ouvre aussi toute la réflexion sur Jésus de Nazareth,
son humanité, sa nature sa divinité, conscience, etc.
Ici, nous rencontrons le grand problème du Jésus historique et Christ de la foi qui a été
débattu à la fin du 19°siècle.
K. Rahner: ‘‘La Trinité économique est la Trinité immanente, et vice versa’’ En synthèse:
l'axiome fondamental de Rahner affirme que Dieu un et trine se révèle dans l'histoire
(économie) comme il est dans sa vie intra-trinitaire (immanent). Une telle économie est
réalisée en Jésus Christ et est accueillie seulement par la foi. Dieu s'est révélé dans l'histoire et
il est légitime de penser que cette manière d'agir corresponde à sa manière d'être dans la
plénitude de sa vie intra-trinitaire.
Pour la foi chrétienne, voire le christianisme, l’histoire s’inscrit dans la compréhension
de la révélation de Dieu. Elle a donc un sens particulier et révèle l’action concrète de Dieu
dans le temps et dans l’espace. L’histoire n’a donc pas sa finalité en elle-même mais en Dieu.
Histoire vue comme un processus qui à sa fin à la plénitude de l’établissement du règne de
Dieu.
Le terme histoire référé à la révélation peut avoir plusieurs significations. Surtout
l’histoire fait partie de la révélation puisqu’elle est le contexte temporel et spatial dans lequel
se réalise la révélation. En effet, la révélation s’effectue dans des temps et lieux déterminés,
qui la contraignent à être insérée et soumise entre les limites de l’histoire. Dans le cas
d’Abraham, nous lisons qu’il se trouvait à Ur, Bethel où Mambre quand il reçut la révélation.
La révélation de Jésus est reliée à certaines déterminations historiques propres de son temps et
de l’histoire humaine. Cette insertion dans l’histoire constitue un facteur déterminant de la
révélation. La détermination historique est ce qui distingue la révélation chrétienne à chaque
révélation naturelle mystique, laquelle au contraire est dérivée du temps et de lieux
indescriptibles, au-delà de nos dimensions concrètes.
Un second sens est que l’histoire entre dans la révélation dans la mesure où elle est
objet et contenu de la révélation même. Ce qui apparait avec évidence dans notre symbole de
foi, dans lequel viennent affirmés non seulement des doctrines abstraites, mais aussi des faits
historiques: né, a souffert sous ponce Pilate, mourut, fut enseveli, ressuscita. De la même
façon, s’expriment les symboles de foi d’Israël dans lesquels au début est rappelée la vocation
d’un patriarche (Abraham), puis le souvenir de l’événement salvifique de la libération
d’Egypte avec Moise et l’entrée dans la terre promise(Dt26).
Le troisième sens du terme histoire peut indiquer que certains événements prouvent la
vérité de la révélation. Ceux-ci sont la confirmation visible et documentée du message
salvifique. Aussi ils acquièrent une valeur apologétique. Cependant, la valeur apologétique
n’épuise pas la totalité de la signification intrinsèque de l’événement, bien qu’elle doit être
toujours indiquée pour avoir une vision intégrale de la révélation.

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Le quatrième sens peut être appliqué à la révélation elle-même puisque les faits sont
révélateurs et porteurs d’un message. En effet, les interventions de Dieu dans l’histoire
contiennent en eux, une vérité, une manifestation de salut. Bien souvent, les actions divines
possèdent une capacité révélatrice semblable à celle de la parole. Par, dans la libération de son
peuple d’Egypte, Dieu envoie les plaies pour manifester et faire voir sa puissance au pharaon
et le pousser ou l’obliger à laisser partir son peuple.
Le miracle lui-même comme signe est une manifestation authentique de l’intervention
et de la présence de Dieu, plus loin, à être une confirmation de la parole révélée. Donc les
faits portent avec eux et révèlent le plan salvifique de Dieu et sa concrète réalisation: cela est
leur réalité profonde et leur sens.
B- Approche conceptuelle des termes mystère et salut
1- Le salut
a) Le salut une aspiration universelle avec des accents divers
Salut vient du terme hebreu ‘‘Yasha’’ qui signifie ‘‘être spacieux, large vaste’’ par
opposition donc à ‘‘être opprimé, être à l’étroit’’.  Dans le langage commun le mot ‘‘salut’’
sert à indiquer le fait de sortir indemne d’undanger, d’être un rescapé. La voie de sortie de
n'importe quelle difficulté dans laquelle il n'était pas certain d’y arriver avec ses propres
forces. Ici nous retrouvons Le salut peut concerner une personne, des biens. Il concerne aussi
bien la personne qui sauve. Cet usage évoque un sens de la providence inattendue.
Dans le langage religieux, le salut concerne l'homme dans tout son aspect. Pour
obtenir le salut, la religion lui propose des règles et comportements déterminés. Dans tous les
deux langages, le salut est présenté comme un affranchissement du mal, de la souffrance. Le
salut est donc en rapport avec tout l’homme. L’homme vu comme individu et collectivité.
Cependant différentes seront les conceptions du salut.
Selon les auteurs sur le thème du salut, quelques-uns considèrent que le salut vient de
Dieu dans une situation spatiale qui a pour base l’initiative de Dieu. C’est un salut guidé par
Dieu. D’autres par contre pensent à son origine humaine. Sur les bases de la recherche sur le
bonheur, le salut semble être pour quelques-uns une destinée, fruit de l'engagement humain.
Selon le lieu, quelques-uns la pensent être dans tel endroit et autres au-delà en des lieux non
précis. Ici intervient la réalité cosmogonique (cas des traditions africaines). D’autres encore
pensent que le salut est cosmologique ou personnel.

b) La notion de salut dans la révélation biblique


 L’expérience de salut-pour les hagiographes le salut est essentiellement l’œuvre de
Dieu. En effet, les écritures affirment que ce ne sont pas les rois ni les armées, ni les alliances
avec les grandes puissances qui garantissent le salut d’Israël Is24,14-15; 30,1-7; 31,1-3 ; mais
c’est plutôt Dieu qui sauve. L’homme ne peut pas se sauver lui-même. Son salut vient
d’ailleurs. Pour la révélation chrétienne, le salut est un don de Dieu. C’est en cela que la
naissance de Jésus nom qui signifie Dieu sauve devient l’élément fondamental du mystère
chrétien.
 L’expérience d’Israël : Israël va faire une expérience importante à savoir que le salut
ne se trouve pas à la portée de l’homme et cela il le constate dans les évènements historiques
de sa vie. Dieu vient toujours à sa rencontre pour le secourir en se révélant comme celui qui
‘‘combat’’ pour Israël et le sauve. La délivrance de l’esclavage et la sortie d’Egypte est l’un

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des points culminants et fondateurs de l’histoire du peuple juif. Ex15,1-18; Dt5,15; 6,23;
Amos 9,7; Os13,4. Cet acte libérateur est resté gravé dans la mémoire collective, est au cœur
de sa culture et de son culte et perpétué de génération en génération dans vie Ps66,6; Dt6,20-
23; 26,5 et est au cœur de tout le discours d’Israël sur Yahvé. De ces expériences il est
possible de comprendre comment Israël a acquis naturellement l’idée qu’en Dieu il y a
l’origine de chaque réalité. Mais l’explicitation théologique de cela est déterminée par
l’expérience du salut. En effet, c’est à travers ces évènements ponctuels, historiques qu’Israël
prend conscience que Dieu le sauve.
Nous saisissons en définitive qu’en Israël le salut présente deux dimensions:
temporelle et religieuse. L’expérience de vie d’Israël a toujours présenté la prédominance de
l’aspect temporel dans la mesure où celui-ci attendait les interventions divines, un succès
humain et politique. Le désir d’être libéré de l’oppression, de l’esclavage. En effet, du temps
des patriarches jusqu’aux sage d’Israël, le salut n’avait pas de connotation spirituelle. Il
consistait à la seule expérience historique, il était immédiat, expérimental, nationaliste et
matérialiste. Etre sauvé par Dieu c’est avoir une terre, une nombreuse postérité et une longue
vie sur la terre. C’est aussi être délivré d’un danger précis. Progressivement, Israël par le
concours des prophètes redécouvre un autre aspect du salut qui n’est plus basé sur l’aspect
matériel : libération-prospérité ; mais plutôt sur l’exigence de la fidélité à l’alliance avec Dieu
qui ouvre sur une transformation extérieure.
En effet, avec Job et Qohélet nous remarquons un changement de perspective : le sage
découvre que tout ce qui est humain et terrestre est voué au shéol, tout n’est que vanité sur la
terre, d’où la contemplation du Seigneur après les dures épreuves de la vie (Jb19,16) vers le
retour de l’exil, dans le Ps51,14. Ic i, la dimension personnelle du salut; une notion du salut
plus intériorisée, relative au pardon des péchés, prend de la propension, sans pour autant
négliger la réalité communautaire. On parlera alors des justes, les Anoïm, le petit reste
Am5,15 ; 9,8-10 ; Is4,2-3 ; 6,13. Enfin, avec les livres de Daniel et des Maccabées, cette
espérance en une vie future après la mort devient explicite Dn12,2 ; 2Mc7,9. Le salut atteint
alors une dimension eschatologique. La réalité de la vie éternelle est désormais concrète.
L’expérience de l’exil va encore donner une autre valence à la perception du salut en Israël
Za1,3; 13,8-9. Israël parviendra en définitive à comprendre que c’est le messie qui constituera
le gage nouveau pour lui. Is6,13; Jr23,5-6.
L’expérience historique d’Israël du salut liée à l’expérience religieuse des peuples
nous montre comment l’action voire son agir dépasse non seulement les attentes des hommes
mais surtout l’entendement de l’homme historique: ‘‘Vos pensées ne sont pas mes pensées, et
mes voies ne sont pas vos voies. Autant les cieux sont élevés au-dessus de la terre, autant sont
élevées mes voies au-dessus de vos voies’’ Is55,8-9. C’est donc un mystère. Ce mystère dont
le Christ est la charnière des différentes étapes, Dieu a voulu le révéler à l’homme.
Pour le Nouveau Testament, le salut est le Christ-Jésus. Le salut est lié à la personne
de Jésus et a une connotation spirituelle orientée sur le pardon des péchés et la libération de
l’emprise du diable. Tout est compris et interprété en fonction du Christ. Ainsi, les actes et les
paroles de Jésus illustrent l’avènement définitif du salut. Par la personne de Jésus, le salut se
personnalise et s’humanise. Il devient un nouveau don de vie et constitue l’entrée dans le
royaume de Dieu pour devenir enfant de Dieu, à la vie de Dieu, à la vie trinitaire, à la vie
divine. Il reste évident que cette offre du salut en la personne de Jésus ouverte à tous sans

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aucune exception et discrimination requiert une acceptation, une adhésion de l’homme par
l’intermédiaire de la foi. Tout appel de Dieu à l’homme exige une réponse dans la liberté
totale de celui-ci. Le NT explicite le sens plénier du salut en le présentant comme
l’accomplissement total et définitif de l’homme en Dieu. Il embrasse toute l’existence de
l’homme et trouve son aboutissement dans la plénitude de Dieu en Jésus-Christ. Donc, en
Jésus Christ, Dieu le Père a décrété de récapituler toutes les choses. La nouvelle économie du
salut est, donc essentiellement chrétienne, en ce sens qu’elle viendra aux hommes uniquement
par Christ et en Christ.
Il y a donc une dimension cosmique et eschatologique

2- La notion de mystère
a) Sens profane
Le terme mystère dans la réalité quotidienne porte une connotation assez hybride et
Produit un sentiment de peur et de curiosité. Le mystère est quelque chose
d’incompréhensible, d’inconnaissable et plonge l’homme dans l’inconnu. Il met l’homme en
face d’un dilemme. En effet, il suscite un sentiment de renoncement du fait de son aspect
mystérieux ou un désir de recherche et d’observation. Pour les profanes, le mystère est une
vérité qu’il faut accepter d’emblée sans chercher à la comprendre car elle dépasse les
capacités naturelles de notre raison et de notre intelligence humaine
b) Sens biblique
Le mot mystère vient du grec ‘‘mysterion’’et du latin ‘‘mysterium’’. Quant au sens
biblique de Mysterium, il signifie le plan salvifique de Dieu, son intention c'est-à-dire le salut
de l'homme. En effet, le plan divin du salut se révèle et se réalise pleinement en Christ
incarné, crucifié et ressuscité. En Lui, dans sa personne, nous avons, en compendium, la
révélation et la réalisation de l’éternel plan salvifique de Dieu.
 Ancien testament
Les écrits de l'AT, qui remontent à la période hellénistique utilisent "mysterion" plus
dans le sens philosophique et profane que dans le sens cultuel. Sg2,22 ‘‘Les méchants ne
connaissent pas les secrets de Dieu.’’ Évidemment, Jahvé s'entend comme celui qui se révèle
supérieur à la destinée et qui reste inconnaissable aux adorateurs des idoles (Sg14,15;23). Les
mystères de Dieu sont dévoilés aux connaisseurs, savants et disciples de la sagesse (Sg6,22).
Pour Dn2, 28ss, mysterion est une réalité eschatologique ‘‘Ce qui arrivera à la fin des jours’’
Dans l'Ancien Testament, le mot mysterion est employée d'une façon générale, pour
indiquer ce qui est mystérieux, arcane, secret, ignoré par les autres, plus particulièrement ce
qui est occulte, secret, mystérieux en Dieu, et méconnu par les hommes, à cause de sa haute
transcendance, mais qui peut leur être révélé. Enfin, il signifie dans un mode encore plus
spécifique, le plan salvifique de Dieu, quand arrivera la plénitude des temps.
 Nouveau Testament
 Les synoptiques
Les Synoptiques parlent du mystère et des mystères du Royaume de Dieu. Le mystère
du Royaume de Dieu semble ne pas être autre que le même avènement du Royaume
messianique en Christ. Il est révélé aux seuls disciples auxquels il est donné de le connaître.
La révélation du mystère comporte une relation d'intimité entre celui qui révèle et ceux à qui
il est dévoilé. La révélation du mystère implique une communion réelle ou participation du

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sujet au mystère révélé. Révéler, de la part de Dieu, est toujours communiquer, donner, rendre
l'homme participant à la réalité révélée. Il est ainsi révélé le mystère du salut à l'homme, c’est
faire cette participation au salut même. La parole de Dieu enfin est toujours efficace, elle est
sacramentelle3
 Les lettres pauliniennes
En premier lieu, Paolo adoptera le vocable mysterion pour désigner le plan divin du
salut. Ce mystère resté caché de toute éternité, est maintenant manifeste par l'Esprit. Le plan
divin du salut se révèle et se réalise en Christ incarné, crucifié et ressuscité, le Christ lui-
même est appelé par Paul mystère. Le Christ est le mystère personnel, le grand mystère ou
sacrement4. En Christ véritablement ont été manifestés et devenu puissantes la grâce
salvifique universelle et l'amour du Père pour les hommes.
 Les Pères de l’Eglise
Les théologiens du IIe sec se sont vus contraints de réfléchir sur le mystère du Christ
et sur sa communication dans l'annonce, dans la doctrine de foi et dans le culte, devant le défi
gnostique. Cependant, les Pères contre cette hérésie renvoient à Jésus le Christ qui avec un
amour actif pour tous, se soumît à la souffrance, de telle manière fut révélé comme sagesse de
la part de Dieu. Ils font valoir les événements vetero et néo-testamentaires comme mystère
dans leur lien intime et dans leur orientation au futur (avenir) définitif. Aussi, ils mettent en
relief le sens salvateur de la communion dans la communauté universelle et la dignité que
Dieu a donné à chaque réalité matérielle et corporelle. Ce sens chrétien de la praxi-éthique
dans la liberté, de l'histoire, de la communion et de la corporéité pousse les premiers Pères à
une utilisation polémique du vocabulaire mystique.
Le nom de mysterium est attribué aux événements témoignés par la Bible comme
réalisation historique du plan salvifique divin, du mysterium simplement; surtout les moments
de la vie de Jésus. Mais aussi des événements et institutions de l'ancienne Alliance, qui
peuvent être des anticipations typologiques de la Nouvelle, Justin, Dial 24; 40; 44; PG 6,258s;
561-564; 569-572).

II- HISTOIRE DU SALUT OU ECONOMIE DU SALUT


A- L’initiative personnelle de Dieu: les étapes
Toute l’histoire du salut relève de l’initiative personnelle de Dieu qui par amour vient
à la rencontre de l’homme. L’histoire du salut est le dessein bienveillant du Père (Ep 1, 9-14)
se poursuivant dans le temps, avant de s’achever dans la Gloire. Elle est, en définitive,
l’histoire des alliances. La création est son point de départ, vite déconcerté par le péché
originel, refus de l’alliance première. Ainsi, la révélation voire l’incarnation se présente
comme l’évènement central de l’histoire du salut. «Ce mystère divin, ce dessein éternel
transcende donc le temps, comme Dieu lui-même qui transcende absolument le monde. Mais
ce dessein éternel s’est dévoilé aux hommes progressivement dans la durée de leur histoire
temporelle, tout en se réalisant en elle de façon immanente. Il n’y a pas d’une part réalisation
et d’autre part réalisation. Dieu a manifesté aux hommes son plan de salut, tout en le réalisant
progressivement dans l’histoire.»5 On comprend alors que cette histoire entre Dieu et les
3
Ibid., p.20-21.
4
Ibid., p.22.
5
J. BUR, Initiation au mystère du salut. Le sens chrétien de l’histoire. Cerf, Paris 1988, 30.

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hommes est une histoire qu’on peut localiser, qu’on peut dater. Elle a donc un début et une
fin. Elle commence formellement par la promesse faite à Abraham et culmine dans l’alliance
avec Israël, le peuple de Dieu.

1- Les promesses divines


Dieu personnellement entre dans l’histoire des hommes pour y réaliser son plan de salut
dont la première phase reste la promesse faite à Abraham et à David.

a) La vocation d’Abraham Gn12,1-3/Gn13,14-17


L’alliance avec Abraham est, historiquement, le vrai départ des relations d’amitié entre
Dieu et les hommes; elle aboutit à l’Alliance du Sinaï, acte de naissance du Peuple de Dieu.
La parole adressée à Abraham Gn13,14-17 comporte une triple promesse: descendance-terre-
je suis avec toi. Abraham est placé devant la promesse d’un pays et d’une descendance. C’est
en fait le rêve de tout semi-nomade: s’établir dans l’espace et établir la pérennité de son nom.
Son obéissance ne s’exprime pas en parole mais par une mise en route. L’auteur de la Lettre
aux Hébreux saisit bien la nature du rapport d’Abraham avec Dieu: Par la foi, Abraham obéit
à l’appel de partir vers un pays qu’il devait recevoir en héritage, et il partit ne sachant où il
allait (He 11,8). Abraham est appelé à la foi: telle est sa vocation. On peut en énumérer quatre
caractéristiques.
- Abraham est appelé comme individu, mais il est mis en relation avec une multitude
d’autres personnes: avec son peuple, mais aussi avec le monde entier. Toutes les familles de la
terre seront bénies en lui.
- La vocation d’Abraham a un caractère générique, du fait qu’elle est une vocation de
départ. C’est un début, et comme pour tout début, on ne peut savoir d’avance le parcours qui
conduira à la réalisation du projet, ni quelle forme il prendra. Il est demandé à Abraham
d’avoir confiance et de prendre la route, de cheminer dans la foi sans trop savoir où sa foi le
conduira. Il marche sur la seule base de sa confiance en Dieu. Il ne lui est pas demandé de
rassembler un peuple, comme Yahvé le demandera à Moïse. Il lui est juste dit qu’un peuple
naîtra de sa foi. Abraham ne verra pas cependant le fruit de sa foi.
- L’expérience de l’appel d’Abraham est une invitation. Il était libre de partir. S’il
n’était pas parti, Abraham aurait probablement poursuivi son petit train-train quotidien. Du
point de vue de l’histoire du salut, il n’y aurait pas eu la création d’un peuple croyant.
- L’appel d’Abraham provoque une rupture avec le passé. L’idée d’un retour en arrière
est exclue de l’expérience d’Abraham. Cette vocation de départ est un aller simple; c’est une
marche vers l’avenir avec un détachement de la précédente manière de vivre.
La promesse faite à Abraham, occupe une place primordiale dans la foi des Fils
d’Israël. Elle est devenue une référence, un point d’appui dans leur relation avec Dieu
Ex12,25; 32,13; Nb32,11; Dt6,3; 9,27 ; 1Chr27,3.

b) La promesse à David
Une autre promesse de Dieu qui va donner toute une orientation décisive au futur
d’Israël est celle faite à David : « J’élèverai ta descendance après toi. Celle-ci sera issue de

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toi-même et j’établirai fermement sa royauté : c’est elle qui bâtira une maison pour mon nom,
et j’établirai à jamais son trône royal »2Sm7,12-16.
Cette promesse répétée à plusieurs reprises à cause de son impact sur la destinée
d’Israël 2R8,19 ; 2Chr1,9 ; Ps132,11-32. Dans les moments de détresses, cette promesse faite
à David nourrira la foi du Peuple. Le peuple croit que Dieu lui donnera un nouveau David, un
descendant de David : Is11,1; 23,5; Ez34,24; 37,24-25.

c) Quelques observations
 La particularité de la promesse faite par Yahvé à Abraham est qu’elle est destinée
uniquement à la postérité de celui-ci. Cette promesse est donc exclusive car elle n’implique
aucun autre peuple, aucune autre nation païenne. C’est donc un peu plus tard selon la tradition
yahviste que la promesse faite à Abraham concernera les peuples de la terre. Ceci sera rendu
possible car pour la tradition yahviste, Yahvé n’est pas seulement le Dieu d’Israël, mais le
Seigneur de toute la terre. On découvre alors le caractère d’universalité de la promesse du
salut. Gn12,2-3; 17,6-16.
 Cette promesse de salut de la part de Dieu est une proposition, une offre. Ainsi, Dieu
propose et l’homme doit accepter. Cet accord devient foi. Tout doit se faire librement et
l’homme qui entend la proposition de Dieu, doit croire que ce Dieu s’est déjà engagé vers lui
et qu’il doit répondre à son appel.
 On remarque aussi une certaine progression voire une pédagogie de Dieu dans la
compréhension des promesses divines. En effet, les promesses de Dieu furent longtemps
terrestres c’est-à-dire une valeur matérielle. Pour Israël on c’était : une terre, un roi, une
descendance. Progressivement cette réalité prend une autre valeur. Les promesses divines
vont plus loin que les désirs humains. Abraham en fait l’expérience. En effet, à la place d’un
fils Dieu lui donne une descendance. La parole de Dieu ainsi ne s’arrête pas au stade de la
promesse mais déclenche un évènement ; elle est source d’histoire mais surtout une histoire
qui se réalise car la promesse pour Dieu s’est déjà réalisée Nb23,19. Cet accomplissement de
la promesse dépend uniquement de Dieu et des efforts de l’homme. Rm4,16.
 Yahvé : Dieu d’Israël et le Dieu de l’alliance
Toute la vie d’Israël est orientée et guidée par son attachement à Yahvé. Ainsi, Yahvé est
son Dieu. Le nom Yahvé exprime et veut exprimer la présence effective de Dieu dans son
peuple. Ex6,29; Ex3. Cette présence de Dieu est vivante et efficace et se manifeste surtout
dans la libération et dans l’alliance. Par ces deux moments de l’histoire, Yahvé se présente et
apparait-être le sauveur de l’histoire et le sauveur du peuple. Il installe le peuple dans un
cheminement vers l’accomplissement de l’alliance établie. L’histoire du salut devient alors un
dialogue entre Dieu et les hommes. Ex19,1-8; Ex24,1-9. Il est cependant important de relever
que bien qu’étant bilatérale, l’alliance sinaïtique est de l’initiative de Dieu, c’est une initiative
gratuite. Cela présente deux aspects importants de la personnalité de Dieu: l’amour fidèle et
stable Ex34,6 et la sainteté et la jalousie Ex34,6.

d) Moïse l’homme de l’alliance

11
Moïse est le personnage qui assume alternativement et synthétiquement la figure du
conducteur, du médiateur, du libérateur et du législateur. Il est aussi prophète et l’homme que
Dieu choisi pour éduquer le peuple. Ex4,1-6. Il incarne l’homme de l’alliance.
 Avec Moïse comme guide, la loi se présente comme le don de Dieu et la réponse
du peuple. En effet, c’est grâce à la torah qu’Israël réalise concrètement l’alliance dans tous
les secteurs de sa vie. L’alliance contractée entre Dieu et Israël établie une relation et un culte.
Toute la vie d’Israël est considérée comme une liturgie, un service à Yahvé. Sa liturgie
devient alors l’expression de son appartenance à Dieu et la ritualisation de sa foi.

2- L’élection d’Israël
L’élection d’Israël reste en n’en point douter une des réflexions qui a toujours préoccupée
bon nombres de critiques. Pourquoi Israël? Mais en vérité ce choix du seul pouvoir
discrétionnaire de Dieu. Tout choix historique ouvre toujours une valeur interrogative. Le
choix d’Israël s’inscrit dans l’objectivité même de Dieu. Il est fait par pure grâce et gratuité
comme le salut. L’élection d’Israël est essentiellement en vue d’un service. En effet, la
révélation s’opère en Israël, mais elle est en vue d’une extension. Du particulier on aboutit à
l’universalisme. L’irruption de Dieu dans l’histoire des hommes se fait donc par la porte
d’Israël. Il entre dans l’histoire humaine en faisant alliance avec un groupe d’hommes et lui
révèle quelque chose de son mystère. Les élus de Dieu, comme Abraham ou Moïse, ou même
le peuple dans son ensemble, ont un rôle à jouer envers l’humanité tout entière. Cette élection
est une alliance et non une élévation de statut. Dieu n’élit pas des êtres hors du commun. De
plus, chaque partenaire a des devoirs envers l’autre.
Nous comprenons en définitive que le choix d’Israël comme le pacte qui l’unit à Dieu sont
des moyens et des fins, le peuple élu n’est pas le but de l’histoire, il n’a pas à confisquer les
biens que Dieu lui a confiés en vue du salut du monde. L’élection, et déjà la vocation
d’Abraham Gn12,13, nous en avertit concerne ‘‘toutes les familles de la terre’’ et l’alliance,
comme Ex19 nous le rappelle, implique la consécration d’Israël au maitre de la terre entière.
Il s’agit pour Israël de servir Dieu devant le monde, le culte qu’il rend à Yahvé concourt au
bien de tous les peuples.

B- Les institutions médiatrices du salut en Israël

Le choix d’Israël par Dieu fait de lui le ‘‘médiateur’’, le moyen par lequel Dieu réalise sa
promesse de salut pour tous les peuples. En d’autres termes le salut de l’homme est rendu
possible par la participation d’autres hommes. Ainsi, Dieu se sert de l’homme et de diverses
médiations pour sauver ceux pour qui il est entré dans notre humanité. C’est toujours une
parole humaine aussi ambiguë qu’elle soit qui éclaire la pensée de Dieu. Dieu se dit en
langage humain par des humains choisis et établis par lui.
Dans l’AT, il existe trois(3) de types de personnages qui exercent la médiation entre la
communauté des croyants et Dieu. Ce sont les prêtres, les prophètes et les rois. L’étude de ces
trois médiations nous fera aboutir à la médiation du Fils de Marie: Jésus Christ.

12
1- Le sacerdoce

La vision du sacerdoce, du prêtre va prendre forme progressivement. En effet, en Israël


chaque personne était le prêtre de son sacrifice car c’est lui-même qui offrait un objet, un
animal, les fruits de la récolte et même un repas au Seigneur. Gn4,2-4; 8,20; 15,7-11

a) Le parcours du sacerdoce en Israël


 La période patriarcale (celle d’Abraham, Isaac et Jacob), le sacerdoce n’existait pas
en Israël. C’est le chef de famille qui offrait le sacrifice dans les sanctuaires fréquentés (Gn
22; 31, 54; 46, 1). On retrouve encore cette coutume à la période des Juges (Jg 6, 25-26; 13,
16, 23).
 La période de Moise : c’est à la tribu de Lévi que seront confiées les diverses
fonctions sacerdotales. Moïse et son frère Aaron en étaient membres (Gn 2, 1; 4, 14). Pas
étonnant que les traditions cultuelles aient conservé la figure exemplaire d’Aaron agissant
dans la Tente de la Rencontre au désert (Ex 28). Moise exerce les fonctions caractéristiques
des prêtres de l’AT : il communique les oracles Ex33,7; il répand le sang du sacrifice Ex24,6 ;
il intercède pour le peuple coupable Ex32 ;11-14. Tant que le peuple ne fut pas bien établi sur
le territoire d’Israël et qu’il n’a pas eu de temples où offrir des sacrifices à Yahvé, il semble
que la fonction de prêtre ait eu peu d’importance.
 Sous la monarchie : à la période royale, au moment de la succession de David,
apparaît une autre figure, Sadoq (1R 2, 35), qui marqua le développement du sacerdoce
vétérotestamentaire. Le terme prêtre, « kohén » en hébreu, signifie « se tenir debout ». Le
prêtre serait donc celui qui se tient debout devant Dieu. Notons qu’à la différence des rois et
des prophètes, on ne devient pas prêtre par vocation personnelle – à la suite d’un appel
particulier de Dieu – mais pour une fonction. (Ex 29; Lv 8; Jg 17, 10; 1R 2, 27; 12, 31). Le
prêtre est sanctifié, sacralisé pour la fonction sacrée qu’il doit remplir (Ex 30, 17-21; 1S 7, 1;
Lv 21, 5-8; Ex 28, 36). Il est mis à part pour le service des offrandes (Nb 8, 14; Dt 10, 8).
Cela lui donne le droit de fréquenter le sanctuaire, mais entraîne aussi l’obligation de
s’abstenir de certaines pratiques (Lv 10, 8-11; 21, 1-6).

b) La fonction du prêtre en Israël


La triple fonction du prêtre Selon la tradition la plus ancienne, les membres du peuple
rencontraient le prêtre pour consulter leur Dieu (Dt 33, 8-10). Ainsi, la première fois était
celle de consulter les oracles et d’en communiquer le contenu au peuple. Il utilisait les sorts
sacrés ; songes, et oracles, l’urim et le thummim qui sont des pierres sacrées, gardées dans le
pectoral du grand prêtre. Si le prêtre tire l’urim la réponse est ‘‘non’’, mais s’il tire le
thummim la réponse est ‘‘oui’’ Ex28,1-30 ; 1Sam14,36-42. Il utilisait aussi l’éphod pour
obtenir une réponse par ‘‘oui’’ ou ‘‘non’’ dans certaines situations historiques 1Sam30,7ss.
La deuxième fonction du prêtre fut celle de l’enseignement (Dt 31, 9. 26) : Ils enseigneront
tes décisions à Jacob, tes instructions à Israël (Dt 33, 10). Après l’exil, même si les prêtres ne
l’avaient pas abandonné (2Ch 15,3), l’enseignement se donna davantage dans les synagogues.
Il fut alors confié aux scribes et aux docteurs de la loi : des laïcs. Cependant, il revenait
toujours aux prêtres d’offrir les sacrifices (Dt 33, 10), ce qui ne signifie pas qu’ils eurent à
faire toutes les manipulations sacrificielles; les lévites les assistaient, l’offrant devant abattre

13
lui-même l’animal (Lv 1,5; 3, 2.8). Par ailleurs, c’est le prêtre qui déposait le sang de l’animal
sacrifié sur l’autel (Lv 1,5-9) et qui présentait la part qui revenait à Dieu. Le prêtre de
l’Ancien Testament est essentiellement l’homme du temple, du sanctuaire, le gardien de
l’arche et le gardien de la liberté du Dieu qu’aucune décision humaine ne saurait contraindre.
À Ces trois fonctions : interprète de Dieu, enseignant et serviteur de l’autel justifient
le titre de « médiateur » entre Dieu et les hommes qu’on a attribué au prêtre de l’Ancien
Testament. Plus tard, le Nouveau Testament le réservera exclusivement au Christ.

Apres l’exil, le prêtre commence à jouer un rôle plus important dans la vie des juifs. Il
a, à la fois, un pouvoir religieux et politique.

2- La royauté en Israël
a) L’institution royale en Israël

En Israël, parmi les personnages que Dieu a mis à part pour être ses représentants et les
médiateurs de ses dons, le personnage du roi occupe une place primordiale et prépondérante.
Il est à constater que l’institution de la royauté représente dans l’histoire du peuple de Dieu
une étape décisive. Il est néanmoins important de souligner que la royauté comme cela
subsistait dans les grands empires de l’ancien-orient n’existait pas en Israël. En effet, pour
Israël la royauté est vue comme une tentation au cours de son histoire Jg9,8-15. En effet,
jamais le titre de roi n’avait été donné à un homme. C’est donc avec Saul et David que sera
introduite la royauté en Israël mais celle-ci sera dépouillée de sa dimension mythico-
cosmique.
La constante en Israël était la priorité accordée à l’alliance. Ainsi, en vertu de
l’alliance contractée Adonaï seul régnait en Israël non pas en dictateur, mais en tant que celui
qui libère les êtres asservis. Face au danger des philistins et sur l’insistance du peuple, Dieu
accorde un roi à Israël à la manière des autres nations 1Sam9,16. Ainsi de façon formelle
Samuel consacrera religieusement l’institution royale en conférant l’onction à Saül 1Sam9,16-
17. Après Saül, David prendra les rêne de la royauté d’abord en Juda 2Sam2,1-4 puis en Israël
2Sam5,1-5. La prophétie de Nathan fait de la royauté davidique, une institution permanente,
faisant de la descendance davidique une dynastie royale à jamais dans le peuple d’Israël
dépositaire des promesses divines 2Sam7,5-16.

b) La fonction du roi
Contrairement aux peuples environnants, le cas de l’Egypte où le roi est considéré
comme dieu, en Israël le roi n’appartient pas à la sphère divine. Il est cependant un
personnage sacré dont il faut respecter l’onction 1Sam24,11. Autrement, le roi est soumis en
tant que homme aux exigences de l’alliance et de la loi 1Sam13,13-14 car, le vrai souverain
d’Israël c’est Yahvé lui-même . Le roi n’est que le gérant du droit de Yahvé. Le roi est le
canal des bénédictions divines6, c’est lui qui assure réellement la vie du peuple devant Dieu.
Le roi est chargé de faire appliquer la justice dans le royaume Ps72,1-4 ; 16,12 ;
Jr23,5. On constate souvent des rois qui accomplissent des actions sacerdotales. Ils offrent des
sacrifices 1Sam13,1-10 ; 1R3,4-5. Le roi est le lieutenant de Dieu 1Chr28,5.

6
Jacob E., Théologie de l’Ancien Testament, Delacheau, 1968, 190.

14
D’une façon générale, l’exercice de la royauté n’a pas été toujours aisé pour les rois.
En effet, presque tous les rois ont fait du mal aux yeux de Dieu et n’ont pas répondu à
l’attente de Dieu. L’expérience de la royauté prit fin avec l’épreuve de l’exil à partir de 587
avant J.C et à mesure que s’allonge cette épreuve, les yeux se tournèrent davantage vers le
Roi ‘‘des derniers temps’’, grâce aux activités des prêtres et aux oracles prophétiques.

3- Le prophétisme en Israël
a) Le temps du prophétisme
Le prophète c’est celui qui parle à la place de… En Israël le prophétisme biblique a
commencé à la fin de l’époque des juges 1Sam19,20-54. A l’origine dans la bible il a le sens
de voyant ou visionnaire, l’homme de Dieu Amos7,12-14 et le sens de devin Is3,2. Le
prophète à une étroite relation avec Dieu et avec la communauté tout comme avec les
instances. Le prophète est en réalité un don de Dieu à son peuple, on le devient par appel de
Dieu.
Le prophète en hébreu Nabi, est celui qui annonce quelque chose devant les gens. Le
prophétisme n’était pas seulement une fonction ou une réalité exclusive d’Israël. Il se présente
sous plusieurs formes en Israël. A côté des vrais prophètes de Yahvé se trouvent ceux de Baal
1R18,22, et les prophètes de métier 1R22,5.
Le prophète n’est pas un devin un diseur de bonne aventure ou quelqu’un qui sait
d’avance le cours des évènements pour les prédire. En effet, le prophète s’intéresse d’abord et
avant tout au présent. Il n’est pas un futurologue, mais un homme du présent. Ce qui
l’intéresse, ce n’est donc pas de deviner le futur, mais bien de changer le présent. 7Il s’emploie
à déchiffrer le présent et refuse une lecture déterministe de l’histoire, car il est convaincu que
l’avenir se conjugue avec l’initiative de Dieu et la réponse de la liberté humaine.

b) Le prophète : le Nabi
 Le prophète et Yahvé
‘‘Nabi’’ : appelé, est l’homme de Dieu 1R13,11 ; 17,18. Il est appelé par Dieu et pour
mission de transmettre le message de Dieu au peuple. Il a le devoir de transmettre fidèlement
et textuellement ce que Dieu lui a dit et rien d’autre de lui-même 1R22,14 ; Dt18,18. Le
prophète a la pleine conscience qu’il est revêtu de l’autorité divine quand il exerce son
charisme qui consiste à révéler à l’homme à la communauté des croyants ce que Dieu veut lui
dire. Le prophète est l’homme de l’esprit de Dieu car Dieu lui concède une connaissance
particulière de lui. En Israël, la fonction de prophète ne se transmet pas de père en fils
 Le prophète et la communauté
Le prophète est choisi par Dieu pour être envoyé vers le peuple. Le message de Dieu est
de divers ordres. En effet, cette parole de Dieu est tantôt un message de conversion tantôt un
message de salut qui préconise l’acte futur de Dieu. Le mode de transmission ici aussi est
varié : chant, oracle, des actions symboliques Jr19,1-15 ; Os13. La parole de Dieu est
conservée et mise en valeur par tous les moyens.
 Le prophète d’alliance et le culte

7
Prevost J.P., Pour lire les prophètes, Novalis, Cerf, Paris 1995, 14-15.

15
L’enseignement du prophète se résume surement dans l’exaltation du décalogue aussi
tout ce qui porte atteinte à cette prescription, tombe sous la censure des prophètes. Le temple,
lieu privilégié du culte est aussi le lieu de la prédication du prophète Amos7,10-15.
 Le prophète et la cours royale
Le prophète accompagne l’histoire de la royauté en Israël depuis le début jusqu’à la fin. Les
prophètes sont rattachés à la cour royale et reçoivent d’elle leur substance 1R22 ; Jr28 ; Ne
6,12. Sous la monarchie, on constate un prophétisme qu’on pourrait appeler institutionnel ou
officiel.
Par la bouche des prophètes, le Dieu unique intervient dans l’histoire. Le prophète a
donc pour mission d’annoncer tout le message de Dieu qui concerne le salut, lequel salut
s’accomplira en Jésus.

4- La vision messianique
a) L’espérance messianique et les attentes salvifiques
Nous évaluerons quelques moments particulièrement significatifs pour l'expérience
historique et religieuse d’Israël qui ont représenté l'ossature de la foi hébraïque, héritage
consigné à l'époque de Jésus. Surtout ce peuple fait:
 L’expérience d’un Dieu historique qui libère
En effet dans le petit credo historique (Dt26,5-9) sont recueillis les éléments essentiels
d'une expérience qui a été comprise dans la perspective de l'histoire de la libération dont Dieu
est l'auteur. Le thème central de la confession de foi deutéronomiste est la libération de
l'Egypte, l'exode vers la terre promise. À travers ces expériences, Israël découvre un Dieu qui
a l'initiative, il se fait rencontre avec l'homme, il est un ami et proche, il dialogue, secoure,
libère et il soutient. Ce peuple va fonder son attente de salut sur ces expériences antiques,
lesquelles promesses attendront toujours un nouvel accomplissement.
 L’expérience d’un Dieu… qui viendra
Cela advient après la sédentarisation des 12 tribus qui au début avaient une unité de
type cultuel et voulaient s’organiser dans un royaume, surtout après l'expérience heureuse de
la monarchie. En outre, la relation difficile entre les souverains et le peuple l’amena à une
attente toujours plus lucide d'un roi idéal. À cette expérience est liée l'espérance que Dieu
accomplit les promesses faites à David. ‘‘Je rendrai ton royaume stable’’. Il naît ainsi le
messianisme royal dans lequel on espère un royaume stable que Dieu seul sera capable d'offrir
dans l'avenir.
 L’expérience d’un Dieu époux fidèle qui ravive la foi
L'autre expérience est celle du Dieu époux fidèle qui ravive l'espoir qui arrive après la
déchirure ou division du royaume, la déportation. Dieu malgré l'infidélité d’Israël ne
l'abandonne pas mais il lui envoie des prophètes. L'amour de Dieu est toujours pour cela il n'y
a pas de place pour le désespoir. Il faut toujours attendre qu'il intervienne.
 L’expérience douloureuse d’un Dieu caché.
Dieu n'est pas seulement proche mais il est aussi lointain, mystérieux, il se fait voir et
il se cache. Cette expérience d’Israël se concentre dans un événement spécial comme celui de
Job, le juste souffrant qu'il fait l'expérience d'un Dieu qui maintient la foi aux promesses mais
il le fait en se cachant. YHWH est le Dieu du désert et le Dieu de la consolation.
 L’expérience du Dieu des origines et de l’avenir de l’humanité

16
Finalement, après l'exil Israël fît l'expérience du Dieu des origines et de l'avenir de
l'humanité, un Dieu proto-logique8 et eschatologique. L'expression effective de cette
perspective se trouve là où se raconte la création cosmique de la part de Dieu(genèse), et là où
on parle de l'avenir comme réalisation définitive et universelle de la seigneurie de Dieu
confiée au fils de l'homme dont le royaume est tel qu'il ne sera pas détruit(Daniel). Le langage
de la création et le langage apocalyptique.
Pour conclure, nous pouvons dire qu'à travers une série d'alliances successives (selon
la perspective l'historique) et l'unique engagement de Dieu qui va de la création à la fin de
l’histoire (selon la perspective proctologico-eschatologique), il y a comme un processus de
contraction, qu'il pousse à voir dans la personne du messie le signe de l'expansion du salut.
Les autres médiateurs humains dans l'histoire d’Israël n'épuisent pas en eux-mêmes
l'action salvatrice de Dieu. Ils renvoient toujours à une nouvelle attente d'une intervention
ultime et définitive. On comprend alors pourquoi la figure messianique de Moïse annoncera
un prophète pareil à lui sinon supérieur (Dt18,18). Le temps de Jésus vit justement cette
tension ouverte et soutenue par l'espoir en ce Dieu historique qui a libéré. Roi qui viendra.
Epoux fidèle qui ravive l'espoir. Caché, cependant qui n'abandonne pas dans la douleur; du
début à la fin enlace tous les hommes.

b) Le messie
 Le messie roi (pendant l’exil)
Selon les prescriptions on pensait que le messie viendrait de la tribu de David car le roi était
adopté comme fils de Dieu le jour de son intronisation. Le messie aura tantôt le visage d’un
messie pacifique Za l9,9 tantôt le visage d’un personnage gigantesque Za12. Mais dans tous
les cas Elie le prophète viendra pour préparer la venue de ce messie roi Mal3,23.
 Le messie prophète
La grande déportation qu’a connu Israël a provoqué une situation inédite : il n’y a plus de
roi, plus de temple, plus de Jérusalem. Il fallait donc des personnes pour représenter Dieu. Ils
seront le recours du peuple. La mission du prophète qui est rempli de l’Esprit de Dieu sera
une mission envers Israël et envers les nations. Ce messie sera le serviteur souffrant Is42,2ss.
Il agit sans bruit, il est bafoué, méprisé ; c’est en réalité un messie qui n’a rien de politique car
par ses humiliations, il sauve les frères de leurs péchés.
 Le messie prêtre (après l’exil)
Après l’exil, de retour, la préoccupation est d’organiser la nouvelle communauté. Deux
classes se mettent en œuvre : l’une sacerdotale et l’autre royale. Dans cette situation la classe
sacerdotale devient la plus importante dans le gouvernement des affaires parce que pendant
l’exil cette classe a été une référence. Il y a donc une valorisation de ce pontificat qui devient
l’origine de ce messianisme Jr33,14-22 ; Za6,9-14. Par ailleurs Ben Sirac exalte le sacerdoce
par rapport à la royauté Si45,25.
A Qumran, nous avons l’attente de deux messies : un messie prêtre lévitique et un
messie roi davidique.
 Le messie céleste
8
On entend par proctologie, ce qui traite des origines, du commencement, mais non dans le sens
chronologique, mais plutôt dynamique. La proctologie traite du commencement, que par nature est tension
vers son accomplissement.

17
Le visage du messie céleste s’exprime en des termes ‘‘le Fils de l’homme’’ de Dn7,9-14;

Ez2,1. Le titre ‘‘Fils de l’homme’’ en Dn est le symbole²² du peuple saint. Il devient aussi
sous l’influence de Dn7,13 un titre messianique 9. Le ‘‘Fils de l’homme’’ est finalement en
Daniel, le nom du roi céleste à venir, car le contexte historique de ce livre excluait tout espoir
sur le règne du roi-messie. Il sera donc victorieux des grandes puissances Dn7,18; 22. Ce
visage sera encore présent dans l’Apocalypse mais ici, le ‘‘Fils de l’homme’’ devient un être
céleste et transcendant désigné comme messie. Il a mission de juger et de sauver les hommes.

III- JESUS LE CHRIST: MEDIATEUR ET PLENITUDE DU MYSTERE DU


SALUT
A- L’incarnation comme plénitude du mystère du salut
Le mystère du Christ en tant que homme et Dieu, exprime d’une manière parfaite la
présence de Dieu au milieu des hommes, sa manifestation adéquate, dans le fait que
l’humanité assume toute la révélation de Dieu. Pour l’AT la dimension fondamentale était
celle de l’attente et de la promesse de Dieu, de la venue du Messie, c’est-à-dire une
orientation décidément déterminée, orientée vers le futur. Au contraire, pour la perspective
néotestamentaire la dynamique principale est celle d’aujourd’hui, du présent actualisé et
accompli en Jésus, l’événement est manifesté en Lui. Avec Jésus le temps est arrivé à son
terme et à sa plénitude. St Marc exprime cette réalité clairement: «Le temps est accompli et le
règne de Dieu s’est approché»Mc1,15. Paul utilise une expression similaire: «Mais lorsque fut
arrivée la plénitude des temps, Dieu envoya son Fils» Ga4,4. Dans les synoptiques, le terme
de la plénitude de la révélation en Christ est la partie essentielle de la présentation de
l’évènement christologique. Pour eux, Jésus, Messie et Fils de l’homme, n’est pas seulement
l’annonciateur et le prophète de l’évangile de Dieu, sa vie et ses actions, comme objet et
contenu de l’action salvifique surtout quand il parle de sa passion et mort (Mc 14,9; Mt26,13)
et quand il fait coïncider sa manifestation personnelle avec la venue du règne de Dieu
(Mt13,19 ; Mc4,14 ; Lc8,11ss)
Le sens de la plénitude révélatrice du Christ peut-être compris soit d’un point de vue
historique soit d’un point de vue ontologique. Historiquement Christ a été la plénitude de la
révélation parce qu’il a actualisé et porter à l’accomplissement, dans sa personne, les
promesses faites le long des siècles à Israël, dépassant essentiellement la fonction du simple
prophétisme. En effet, le Christ est l’événement ultime qui indique une action nouvelle et
particulière de Dieu ce début des temps ultimes ‘‘l’eschaton’’. Il est le définitif salut et
alliance qui ne peut être assimilé aux précédents. Ainsi, le Christ signe l’irruption de Dieu
dans le monde et le début d’une réalité nouvelle, même si préparée par les précédents.
Le mystère du Christ en tant qu’homme et Dieu exprime de manière parfaite la
présence de Dieu au milieu des hommes. Le fait de l’incarnation signe l’événement relative
par excellence, la rencontre pleine de Dieu avec l’homme et de l’homme avec Dieu, avec à la
base de cette union qui implique la divinité et l’humanité dans le mystère du Christ. Le Christ
est aussi la voie qui révèle la vérité et communique la vie c’est-à-dire le moyen à travers
lequel Dieu fait connaitre en plénitude ce qu’il est et ce qu’il veut  ce que nous sommes et ce
que nous sommes appelés à devenir dans le plan de Dieu. Dans un tel sens, Christ est l’unique

9
Joachim J., Du N.T; Lectio-Divina76, Cerf, Paris 1980, 324-325.

18
mode parfaitement accessible à l’homme que consent la connaissance de la vérité et l’accès à
la communion de vie avec Dieu. Chaque vraie connaissance du vrai Dieu comme chaque
authentique et intégral salut viennent de lui. Enfin Christ, est la parfaite réponse de l’homme à
la parole et à l’auto-communication de Dieu.

1- La question du salut comme point de départ de la question de Dieu


La confession de foi chrétienne parle du Dieu de Jésus-Christ, du Dieu qui est le Père
de notre Seigneur Jésus-Christ. A travers cette confession, selon notre credo, « …et en Jésus-
Christ, le Fils de Dieu ». On voit bien qu’il est imprudent, en théologie de séparer la question
de Dieu de celle de son Fils. Par le simple fait que « Jésus soit descendu du ciel pour nous les
hommes et pour notre salut » clarifie l’énoncé de cette foi. Ainsi la question de Dieu et de
Jésus se trouve dans l’horizon de la question du salut. Du point de vue chrétien, ce n’est pas
Dieu en soi, mais celui pour nous, celui de Jésus-Christ qui est un Dieu des hommes. On ne
peut parler de Dieu sans ajouter ce qu’il signifie pour l’humanité (He11,16), autrement ce
serait sans importance et suspect d’idéologie.
La connexion de la question de Dieu, celle du salut et de celle du Christ est un fait
évident de nos jours dans la foi chrétienne. C’est à partir de l’essence des choses qu’il devient
clair que pour la foi chrétienne Jésus-Christ, plus précisément la croix de Jésus-Christ, devient
le lieu à partir duquel tout se décide dans la question de Dieu. La question de Dieu, quand elle
est posée de façon concrète face au mal et à la souffrance, ne peut donc trouver qu’une
réponse christologique et sotériologique dans la théologie de la croix10.
En entreprenant cela, la foi chrétienne répond à la question du sens de la souffrance
sans recourir à un ordre cosmique abstrait. Le bien auquel Dieu ordonne tout à plutôt, d’après
la bible un nom concret : Jésus-Christ, en vue de qui tout a été créé et en qui tout se maintient
Col 1,16, la prédestination de toute réalité Ep1, 4.

2- L’horizon antico-testamentaire, patrimoine historico-religieux de Jésus


a) Jésus dans l’un et l’autre testament
Pourquoi notre perspective doit partir de la connotation historico-géographique de
Jésus, rapportée dans les sources tant bibliques qu’extras? Deux raisons :
La première raison, Jésus des évangiles s’est compris lui-même à la lumière des
écritures sacrées d'Israël. Ensuite, Jésus s’est attribué les textes et sujets présents dans la
littérature antico-testamentaire comme en témoigne le récit de Luc dans l'apparition aux
disciples d'Emmaüs.
La second raison est de caractère théologique et elle fait référence à l'unité de la
révélation. Nous lisons l'A.T à la lumière des événements racontée par le nouveau. La lecture
convergente de l'Ancien et nouveau testament est suggérée par la même intention que les
évangiles reconnaissent de Jésus qu'il affirme qu'il n'est pas venu pour abolir la loi et les
prophètes mais pour leur donner plein accomplissement. L'A.T assume donc une valeur de
référence permanente, la condition essentielle pour l'identification de l'histoire de Jésus, non
seulement dans un horizon préhistorique de la christologie mais comme perspective ouverte à
l'alliance de Dieu avec l'humanité exprimée dans une histoire de salut.

10
W.KASPER, Le Dieu des chrétiens, Cerf, Paris 1996 , 242.

19
b) La perspective messianico-salvifique
Il s'agit ici de savoir comme Jésus se lit voire se comprend même comme
l'accomplissement des promesses faites à son peuple en revenant à la manière avec laquelle
Jésus a rapporté à lui les Écritures d’Israël. Surtout:
 Jésus Fils de David: Jésus se présente comme fils ou Seigneur de Davide. En effet,
Quand Jésus demande aux scribes pourquoi le Messie est fils de David (cf. Mc 12,35 -37).
Jésus confirme aussi par la suite sa relation avec Davide montrant que cette relation a un sens
à découvrir bien différent que celui retenu.
 Jésus serviteur de Dieu: Jésus se présente comme serviteur de JHWH. En effet,
quand il cite le texte d'Isaïe et qu’il ajoute qu'en lui s'accomplit cette prophétie, Jésus se
présente comme serviteur de Dieu avec un ministère messianique.(cf. Lc4,21).
 Jésus Fils de l’Homme: Jésus se présente comme fils de l'homme. Les évangiles en
effet rapportent 82 fois ce titre que Jésus s’attribue sur le fond de Daniel cahpitre7. Ce terme
enrichi est lié à quelques actions propres à Dieu(le pardonne des péchés...) Jésus se présente
comme la sagesse (cf. Mt11). Grace à ces brèves ébauches qui y montrent que Jésus s'est
référé aux écritures.

B- Le cheminement messianique de Jésus


 L'expérience religieuse de Jésus :
À l'intérieur des études bibliques on est allé plus en affirmant la consistance portée par
l'hébraïcité de Jésus (E.P. Sanders). En effet, il n'est pas démontré que l'expérience religieuse
de Jésus mûrit dans le monde hébraïque. Cependant cela se déroule dans un dynamisme de
partage et de nouveauté par rapport à son monde.
 Dans le contexte de la religiosité quotidienne :
Dans le contexte de la religiosité quotidienne, nous voyons Jésus qui grandit
religieusement comme un authentique enfant juif. Les évangiles nous offrent le cadre:
circoncision, présentation au temple, présence à Jérusalem pour la Pâques. Ainsi, on nous
présente Jésus, pratiquant, qui doit réciter le ‘‘shema Israël’’ plusieurs fois par jour,
expression de la monolâtrie dans laquelle se concentre l'expérience religieuse d'Israël qui
reconnaît en Jhwh le Transcendant-proche, le Saint miséricordieux, le Roi-Père. Cependant,
pendant que dans l'AT était rare l'expression ‘‘abba’’ (mon père), elle apparaît dans la bouche
de Jésus. La nouveauté reste dans la qualité de la relation personnelle avec Dieu.
 Rapport avec Jean le Baptiste :
Nous voyons le dynamisme de partage et de
nouveauté. En effet, Jésus va chez le Baptiste pour se faire baptiser. Cela signifie qu’il
reconnaît la perspective pénitentielle de Jean et le reconnaît comme prophète. Cependant cela
ne signifie pas qu'il ait besoin de purification. En outre, Jésus et Jean ont une image différente
de Dieu. Pendant que le Dieu de Jésus ne suspend pas son jugement drastique ni ne
conditionne son pardon à force d’observance de la loi et du culte du temple, celui de Jean
n'offre pas nouvelles interventions de salut?
Le second pôle de divergence est la question du royaume. Pendant que Jean annonce le
royaume qui doit venir, Jésus annonce le royaume qui y est déjà mais pas encore en plénitude.
L'action salvatrice qui se réalise atteint l'homme dans toutes ses dimensions. Elle comporte en

20
ligne droite le pardon des péchés. Pour cela aussi, l'avenir annoncé n'est pas une réintégration
du statut originaire de l'homme mais une anticipation de la perfection eschatologique.
 La relation avec Dieu :
Dans la relation orante avec Dieu/Abba, on voit Jésus qui utilise un surnom qui n’apparaît
pas dans la précédente littérature juive. En outre, Il se présente comme le Fils qui s'adresse à
son Père avec affection et soumission. Autre traits caractéristique de sa prière, émerge le
‘‘Notre Père’’ qui est une prière type demandée par les apôtres: le regard tourné vers la haut
(qui est dans les cieux), regard porté en avant (vienne ton règne); dimension eschatologique,
éloge (louange) et supplication. Il apparait clairement que Jésus prie un Dieu Père et
Omnipotent et il exprime son intimité avec lui (Cf. la prière de Gethsémani).
En termes plus précis, nous pouvons dire que l'expérience religieuse de Jésus a mûrie à
l’intérieur de celle de son peuple. Cependant malgré le partage, il accomplit.

1- Le ministère du règne ou l’annonce du royaume


Le chemin terrestre de Jésus se définit historiquement entre deux événements
indubitables: le baptême dans le Jourdain et sa mort. Il s'agit de celle qui est appelée
communément la vie publique dans laquelle se déroule son ministère, marqué par la
perspective dominante du "royaume."
Nous avons déjà essayé d'indiquer la ligne que Jésus suit, ou mieux, qu'il trace dans le sillon
de la foi d’Israël, selon le dynamisme de la continuité/nouveauté. Maintenant il s'agit de
souligner les caractéristiques prédominantes de son ministère, qui s'ouvre avec l'annonce du
royaume: "Le temps est accompli et le royaume de Dieu est proche; convertissez-vous et
croyez en l'Évangile" (Mc 1,15).
L'ancien témoignage attribué à Pierre par l'auteur des Actes des apôtres dessine
sommairement le tableau de l'événement historique de Jésus avec ces mots:
‘‘Vous savez ce qui est arrivé dans toute la Judée, en commençant par la Galilée après le
baptême prêché par Jean; c'est-à-dire comment Dieu consacra dans l’Esprit saint et puissance
Jésus de Nazareth qui passa en faisant du bien et en guérissant toutes ceux qui étaient sous le
pouvoir du diable, parce que Dieu était avec lui. Et nous sommes témoins de toutes les choses
accomplies par lui dans la région de la Judée et à Jérusalem. Mais ils le tuèrent en le pendant à
une croix’’. (Ac10,37-39).
De ce texte nous pouvons relever les éléments essentiels qui constituent le ministère de
Jésus: le début de sa prédication en Galilée, après l'investiture messianique inaugurée avec le
baptême; l'activité thaumaturgique et exorciste au nom de Dieu; la phase successive de son
ministère en Judée, avec l'épilogue de la mort, subvenue à Jérusalem.
"Le temps s'est accompli, le royaume (règne) de Dieu est arrivé. Convertissez-vous et
croyez en évangile" (Mc 1,15). Le royaume (règne) de Dieu constituait la "cause" de Jésus.
Jésus ne nous dit Jamais expressément ce qu’est ce royaume (règne) de Dieu. La chose unique
qu'il dit consiste en ce qu'il est proche. Le message de Jésus sur l'arrivée du royaume (règne)
de Dieu doit se comprendre sur l'horizon de la question de l'humanité par la paix, la liberté, la
justice et la vie. Pour comprendre cette relation entre l'espérance originaire de l'humanité et la
promesse de l'arrivée du royaume (règne) de Dieu, il faut partir de la conception commune de
la Bible dont l'homme ne possède même plus de paix, de justice, de liberté et de vie. La vie

21
est continuellement menacée, la liberté oppressée et perdue, la justice piétinée. Le royaume
annoncé représente une libération des pouvoirs.

a) La proclamation du règne imminent et déjà là


Les deux moments initiaux du choix messianique de Jésus le baptême et les tentations.
Ils ouvrent la voie à la proclamation du royaume qui constitue le fondement de sa prédication
et de sa pratique. Pour mieux comprendre la valence du sujet central de l'activité de Jésus, il
faut se référer à l'arrière-plan de l'idée du royaume, laquelle expression grecque basiléia tû
theû évoque celle hébraïque de malkut Jahveh ou araméenne de malkuta djhwh, dérivante de
la foi antico-testamentaire de JHWH qui est roi/seigneur, cf. Ps 93,1; Is 52,7).
L'idée sous-jacente indique une activité de Dieu, que le peuple d’Israël attend; parce
que jamais historiquement réalisée. Pour cela il est instauré une époque eschatologique de
justice et de paix. Si nous considérons le tableau des attentes messianiques et des espoirs
salvateurs qui traversent les courants religieux du temps, on relève diffusément le climat
eschatologique qui les rapproche, aussi avec différentes accentuations: les apocalyptiques de
Qumran sont tendus vers le nouvel éon; les pharisiens attendent l'accomplissement pleine de
la loi par un messie davidico-royal; les zélotes aspirent à la libération du joug étranger et à
l'instauration d'une théocratie politique. Même si les sadducéens, au contraire, ne sont pas
animés par les expectatives eschatologiques, ils partagent cependant avec les autres groupes la
perspective commune de la sainteté d’Israël et de la souveraineté de JHWH, qui sont les
fondements principaux de la religiosité hébraïque auxquels Jésus offre ouvertement une
alternative scandaleuse.
Jésus ne définit pas le royaume, mais il en prophétise la venue imminente: La
seigneurie de Dieu est "proche" (Mc 1,15; Lc 10,9 / Mt 10,7s.); ainsi, il y a une irruption
actuelle de la seigneurie/règne eschatologique de Dieu dans son activité d’exorcisme: "Si je
chasse par contre les démons avec la main de Dieu, c’est que le royaume de Dieu est arrivé
jusqu’à vous" Lc 11,20 / Mt 12,28; cf. Lc 20,23; Mt 11,5s. Mc 2,19 qui, avec les gestes
thaumaturgiques pouvait être reconnu comme le début de l'ère salvifique attendue par Israël,
cf. Is 35,5; 29,18s.; 26,29; 61,1s.
Donc, pour le peuple hébraïque, cela ne représentait pas une nouveauté, l'attente
croissante d'une intervention ultime et définitive de JHWH, selon ce que la tradition
prophétique avait préfiguré. En effet, la même pratique de Jésus tend à être interprétée dans
cette clé prophétique: la foule croit que Jésus soit un prophète, cf. Mc6,15; 8,27; Mt21,11.46;
Lc7,16; 24,19; Jn6,14; 7,40; 4,19; 9,17, de même il est plus qu'un prophète,( cf. Mt 12,41
"plus que Jonas"), qui ne s'exprime pas par la formule "Ainsi parle le Seigneur", mais avec sa
propre autorité (‘‘Mais moi je vous dis’’Cf.Mt5).
Les paroles et les actes de Jésus inaugurent le temps eschatologique de manière
surprenante en ce sens qu'ils anticipent ce qui pour Israël devait arriver à la fin; par
conséquent, la demande devient plus explicite: ‘‘Les pharisiens lui demandèrent: Quand le
royaume de Dieu viendra?’’. Il répondit: ‘‘Le royaume de Dieu ne vient pas de façon à attirer
l'attention, et personne ne dira: le voici ici, ou: le voici là. Parce que le royaume de Dieu est
au milieu de vous!’’ (Lc 17,20 -21).
En Jésus au milieu de son peuple, Dieu rend présent sa seigneurie, son royaume, et
ceci est annoncé par les paroles et confirmé par les signes que Jésus accomplit au nom de

22
Dieu. Ainsi, Le royaume apparaît comme une réalité dynamique, selon tout ce qu’attestent les
paraboles de Jésus et les signes qui l'accompagnent.
En définitive, Jésus ne définit pas le royaume mais il en prophétise la venue dans son
activité exorciste. Ses mots et ses gestes inaugurent le temps eschatologique. Trois sont les
caractéristiques de ce royaume de ce qui émerge des écritures.

b) Les caractères du règne de Dieu


Nous pouvons dire synthétiquement, que le royaume de Dieu, qui se rend déjà présent
dans la personne et dans l'œuvre de Jésus, revêt trois(3) caractéristiques, eschatologique
théologique et sotériologique.
 Caractère théologique du règne de Dieu
Le royaume (règne) de Dieu n'est pas premièrement un royaume (règne), mais Dieu,
du seigneuriage de Dieu, de la preuve de sa gloire, de son être.
Jésus réalise quelque chose de pareil à réinterprétation du seigneuriage et du domaine
de Dieu. Le domaine de Dieu consiste pour lui en la souveraineté de son amour. Son arrivée et
proximité signifient l'arrivée de la seigneurie de son amour. Cette réinterprétation s'exprime
avant tout dans la manière dont Jésus parle de Dieu comme Père (Abba) et comment il se
dirige vers lui en l'appelant le Père. En appelant le Dieu Abba on montre de nouveau l'idée
que Jésus a sur lui : Dieu est près de l'homme dans l'amour.
La dimension théologique du royaume se représente à l'intérieur du rapport de Jésus
avec Dieu. La difficulté de définir en termes précis qu'est-ce que Jésus entend par "royaume
de Dieu" ou "des cieux" vient du fait qu'avec des telles expressions il entend se référer à Dieu
qui vient dans la propre personne du Fils envoyé: c’est proprement dans un tel dynamisme de
relation en réalité entre le Dieu d’Israël et la personne de Jésus que le sens de l'annonce du
royaume doit être cherché.
C’est donc dans la tension entre l'identité théologique de Jésus et l'identité
christologique de Dieu que se joue la compréhension du royaume. Le caractère distinctif de
cette relation est la proximité de Dieu dans la proximité de Jésus aux gens qu’il rencontre et
auxquels il annonce la paternité de Dieu grâce à sa filialité divine.
Le royaume (règne) de Dieu est exclusivement et toujours de Dieu. La chose unique
que nous pouvons faire est de l'hériter. De la plus claire manière il exprime cela par les
paraboles. En dépit de toute l'attente humaine, des oppositions, des calculs et des
planifications, le royaume (règne) de Dieu est un miracle et action de Dieu, de sa seigneurie.
L'homme n'est pas condamné à une passivité pure. Ce qui lui est demandé c'est de se convertir
et de croire.
 Caractère sotériologique
Jésus concentre les espérances multiples de salut en une seule: la participation au
royaume(règne) de Dieu. Pour lui celui-ci est identique avec la vie (Mc 9,43; Lc 18,18). Pour
Jésus le temps du salut se manifeste, se réalise et s’actualise déjà, maintenant. Le salut est joie
pour Dieu, qui se traduit dans une joie à cause du prochain et avec le prochain.
Le salut du royaume (règne) de Dieu consiste en ce qu'il arrive à régner chez l'homme
et par l'homme l'amour de Dieu qui s’auto-communique. L'amour se manifeste comme le sens
de l'être. Uniquement dans l'amour monde et homme trouvent leur plénitude.

23
La valence sotériologique du royaume est précisément son contenu, cela veut dire
l'action salvatrice divine dont Jésus est le nom propre, Jeshua = Jahveh sauve. Le
comportement de Jésus exprime pleinement sa prédication: il approche les petits(cf. Mc 9,52;
Mt 10,42; 18,10.14); les simples, (cf. Mt 11,25), les publicains et les pécheurs, (cf. Mc 2,16;
Mt 11,19 par; Lc 15,1); les publicains et les prostituées,(cf. Mt 21,32); les pécheurs en
général, (cf. Mc 2,17; Lc 7,37-39; 15,2; 19,7). À tous, il manifeste la douceur paternelle et
miséricordieuse qui est rémission des péchés et joie du pardon. Les béatitudes synthétisent
admirablement le tableau de l'action de Dieu qu'en Jésus est à l'œuvre de manière privilégiée
vers les fins dernières (cf. Mt 5,3-12 / Lc 6,12 -23), ne préfigurant pas simplement ce qui
arrivera, mais déclarant l'anticipation que déjà advient dans le ministère de Jésus.
 Le caractère eschatologique du règne
L’espérance biblique sur l'arrivée du royaume (règne) de Dieu n'est pas un désir
simple ou une utopie. Cette espérance ne surgit pas non plus de l'observation des normes de
comportement du monde et de l'histoire et non plus des propensions et de tendances du
développement. La base unique de cette espérance constitue l'expérience concrète historique
d'Israël. L’espérance eschatologique ne représente pas de reportages anticipatoires des
événements futurs. Les expressions eschatologiques et apocalyptiques sont la transposition de
l'expérience et de l'espérance salvifiques actuelles comme passées dans la manière de
l'accomplissement. Il s'agit de la certitude de la foi, de ce que Dieu à la fin se montrera
l’absolu. Jésus annonce que l'espérance eschatologique s'accomplit maintenant.
Le caractère eschatologique du royaume s’instruit de l'espérance qui traverse non
seulement la foi ancienne d’Israël mais la prière même que Jésus enseigne aux disciples:
‘‘Que Ton règne vienne’’(Mt 6,20; Lc 11,2). Le royaume est parmi nous pourtant il doit
encore venir, car le royaume de Dieu est ‘‘mystère’’(Mc 4,11), qui attend de grandir, mûrir et
se dévoiler complètement, comme le grain de moutarde qui devient un grand arbre, (cf. Mc
4,30-32). Cependant, tel progrès arrive lentement et ce à travers des obstacles, comme il
arrive à la graine qui trouve difficulté à s'enraciner dans la bonne terre et fructifier, (cf. Mc
4,1-9). Et ceci, pour la raison fondamentale que le royaume de Dieu est un événement qui
atteint le cœur de l'homme, demande la liberté de sa réponse exige sa fidélité dans l'accueille,
par conséquence provoque la décision dans la suite de Jésus.
Cela signifie que le règne de Dieu a son début dans l'histoire, piégé par la croissance
de la zizanie à côté du grain, (cf. Mt 13,24 -30. 36-43), dont le résultat positif transcendant est
assuré, (cf. Mc 4,26 -29).
De tout ce que nous avons esquissé il est venu en lumière le caractère messianique du
ministère de Jésus, prophète et messie du règne de Dieu. Maintenant il s'agit de mentionner
les conséquences qu’une telle prétention a comportées, c'est-à-dire: d'une part, la convocation
de la communauté des disciples.

c) La Communauté des disciples de Jésus


En coïncidence avec le début de la vie publique, les évangiles nous présentent Jésus qui
appelle à lui des hommes, (cf. Mc1,16-20; Mt4,18-22; Lc5,1-11), différemment des rabbins
de ce temps qui étaient choisis par les disciples même si la rédaction de Jn1,35-51 semble
indiquer le début du mouvement des disciples vers Jésus, le quatrième évangéliste en donne le
vrai sens: "Ce n’est pas vous qui m'avez choisi, mais je vous ai choisis", (Jn15,16). L'appel de

24
Jésus, en vérité, pourrait être assimilé, par l'autorité avec laquelle il exerce, à la vocation que
Yahvé adresse aux prophètes de l'ancien Testament.
Les disciples de Jésus sont appelés à rester et demeurer avec lui pour partager son chemin
messianique et le ministère du royaume. Ceux-ci représentent le fruit premier que l'annonce
du royaume produit. En effet, ils sont appelés à abandonner tout en vue du royaume:
‘‘Chercher d'abord son royaume et sa justice et toutes choses vous seront données en surplus’’
(Mt 6,33; cf. Mc 10,28 -30).
La communauté qui est formée à la suite de l'unique Maître est faite de frères et a
seulement un Père qui est Dieu, (cf. Mt 23,8-12; Jn13,13). Le style de rapports est orienté à la
réciprocité du service, sans priorité d'honneur,(cf. Mc10,42-44; Mt20,20-28; Lc22,25 -27), où
les femmes trouvent aussi une place inédite, non seulement pour la présence à côté de Jésus,
(cf. Lc 8,1 -3,) dans son enseignement, (cf. Mt 5,27-28; 19,3 -9), dans ses gestes, (cf. Jn 4;
8,3-11; Lc 7,36 -50), mais surtout dans le moment crucial de la mort, (cf. Mt27,55; Jn19,25),
et à l'aube de la résurrection, (cf. Jn20,11 -18).
À l'intérieur de ce groupe, Jésus opère librement un choix particulier de ‘‘douze’’
hommes, de différentes extractions sociales et religieuses, (cf. Mc3,13-19; Mt10,1-4; Lc6,12-
16) ‘‘pour qu'ils restent avec lui et pour les envoyer à prêcher. Ils eurent le pouvoir de chasser
les démons’’ (Mc3,14 -15). La figure singulière est celle de Simone Fils de Jean à qui Il
donne le nom de Pierre (Kéfa) qui ensemble avec les autres partagent la responsabilité de
représenter le nouvel Israël, des douze tribus.
Les évangiles nous montrent l'entrelacement continu des relations que Jésus établit
avec les disciples, les gens communs, les autorités religieuses et politiques de son temps.
C’est vraiment au long de son chemin messianique que se mûrissent les adhésions et
apparaissent les difficultés entre autre la véritable crise de Césarée de Philippe, (cf. Mc 8,27-
33; Mt 16,13-20; Lc 9,18 -21) qui marque un virage dans la phase Galilélique du ministère.
Après s’être tourné à Israël, en vue de joindre tous les gens, Jésus dédie une attention plus
directe aux douze et cherche de les préparer à la phase finale de son ministère, qui se réalisera
de manière douloureuse à Jérusalem. Son contraste avec les autorités religieuses hébraïques
tend à s'envenimer, jusqu'à se consumer dramatiquement à l’approche de pâque juive.

d) Le caractère salutaire des miracles de Jésus


Dans son évangile, saint Jean parle de signe qui, en effet est un acte intentionnel, un
message, un appel adressé par une liberté à une liberté. 11 Pourtant, cette fonction de "signe",
valable surtout pour un esprit grec n'est pas la seule ni la principale dans la pensée des
évangélistes ou de Jésus. Elle risquerait de rester beaucoup trop extérieure, extrinsèque au
Salut et au Règne de Dieu advenus en Jésus Christ. En fait, le miracle est le «signe» (sèmeion,
Jean) de la puissance de Dieu (dunamis, Synoptiques) déjà à l'œuvre. La résurrection de la
fille de Jaïre, par exemple, est une épiphanie du Dieu Sauveur. Cette résurrection "contient"
réellement la dunamis du Seigneur ressuscité pour nous et elle la manifeste (épiphanie) par
avance. Il en va semblablement pour tous les miracles de Jésus Christ dans les Evangiles,
selon des degrés et modes divers. Tous manifestent la puissance du Christ sur le mal, le péché,
la maladie, la mort. Dans ces miracles, le salut commence.

11
B. SESBOÜE, Croire, Paris, Droguet & Ardant, 1999, p. 242.

25
La vie que Jésus a menée n’a rien de celle d’un magicien ou d’un thaumaturge. Les
actes miraculeux de Jésus sont de l’ordre de la discrétion, dans le sens du bien orientent le
regard vers le haut, vers Dieu. La problématique des miracles de Jésus n’est pas une question
scientifique, mais religieuse et théologique: il s’agit de la foi et de la glorification de Dieu. En
Les miracles de Jésus ne sont pas d'abord un argument apologétique, même si l'Eglise
primitive les a aussi employés dans ce sens (comme encore de nos jours, d'ailleurs). Le
miracle chrétien (c’est-à-dire du Christ, ancien ou moderne) laisse toujours à l'homme sa
liberté de décision pour Jésus-Christ ou non; personne n'est convaincu par les miracles du
Christ s'il n'accepte de le recevoir dans sa vie.
Marc rapporte les premiers miracles, juste après le résumé du message annonçant la
venue du Royaume (Mc 1, 21). Ce sont donc des signes de l’avènement de ce Règne. Par les
miracles il faut comprendre que le salut n’est pas seulement une grandeur spirituelle, mais
qu’il concerne l’homme tout entier et l’atteint aussi dans sa dimension corporelle. En clair,
par les miracles, il convient de s’assurer que, le salut par le Règne de Dieu a déjà commencé,
dans la double dimension corporelle et temporelle du Royaume de Dieu. Ils ont une grandeur
eschatologique qui annonce l’avenir. Ils sont un gage de l’espérance de l’homme pour lui-
même et pour son univers en la libération de l’esclavage et de la corruption (Rm 8, 21). C’est
l’insertion de toute la réalité de l’univers dans l’économie historique de Dieu. Les miracles de
Jésus sont avant tout des indices de la présence du salut, permettant de déceler que le Règne
de Dieu vient et qu'il est déjà là. C'est une fonction des miracles que de renvoyer à autre chose
de plus grand et de plus intérieur et spirituel. C’est seulement dans ce contexte que les
miracles sont «intelligibles» et qu’ils ont un sens.
Par les miracles, Jésus fait comprendre son autorité eschatologique en se plaçant sous
la volonté de Dieu; c’est un acte d’obéissance du Fils, ce qui le différencie de la magie et des
miracles thaumaturgiques de l’hellénisme. Ainsi, libèrent-ils l’homme pour qu’il se mette à la
suite du Christ. La suite du Christ signifie en même temps la mission. C’est pourquoi à ses
disciples, Jésus ne donne pas seulement le pouvoir de la parole, mais aussi celle de l’action,
c’est-à-dire celui de faire des miracles (Mc 6, 7; Mt 10, 1; Lc 9, 1). Ils doivent conduire à la
foi et amener l’homme à la question suivante: «Qui est celui-là» (Mc 1, 27; 4, 41; Mt 12, 23)?
Cette foi n’est pas des phénomènes extraordinaires quelconques mais Dieu lui-même.
Le sens ultime des miracles de Jésus est donc qu’en lui Dieu est en lice, et que Dieu a
agi en lui pour le salut de l’homme et du monde.

IV- LE MYSTERE DE L’EGLISE


L’avènement du salut, même s’il concerne ou s’adresse à un individu concret en un
point précis de l’espace et du temps, concerne aussi tous les hommes. En effet, par sa nature,
la révélation tend vers la communion : la communion de l’homme avec Dieu et par ce fait la
communion de tous les hommes touchés par le Christ. Cette réalité communautaire du salut
est déjà préfigurée dans le choix du rassemblement de plusieurs peuples pour constituer Israël.
La nécessité de l’Eglise dans l’ordre du salut est clairement annoncée par le Concile Vatican
II à travers les expressions explicites, notamment, « sacrement universel », « signe et
instrument » et surtout LG48 «Elevé de terre, le Christ a tiré à lui tous les hommes (Jn12,32) ;
ressuscité des morts, il a envoyé sur les apôtres son esprit de vie et par lui, il a constitué

26
l’Eglise comme sacrement universel de salut ».  L’Eglise du Christ est à la fois le signe et le
moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tous les hommes.LG1
L’Eglise se présente comme le nouveau peuple de Dieu fondé sur les apôtres qui prend
le nom de ‘‘Ecclésia’’. Le rôle essentiel de l’Eglise est d’être témoin de la révélation apportée
par le Christ : « Car il a plu à Dieu que les hommes ne reçoivent pas la sanctification et le
salut séparément, hors de tout le lien mutuel ; il a voulu au contraire, en faire un peuple qui le
connaîtrait selon la vérité et le servirait dans la sainteté » LG9.

1- Le temps de l’Eglise
La succession des interventions divines qui se produisent à des moments précis choisis
par Dieu (Kaïros) constituent l’économie du salut. Cette économie s’accomplit
progressivement dans le temps (Kronos), dans l’histoire des hommes. Pour les juifs (A.T)
l’évènement décisif marquant la fin ou le sommet de l’histoire du salut est a venue du Messie.
Pour les chrétiens (Jésus N.T), le grand évènement de l’histoire du salut est déjà arrivé, son
centre est constitué par un fait historique déjà accompli dans le passé : la vie et l’œuvre de
Jésus surtout l’évènement pascal. Entre Pâques et la parousie se déroule le temps de l’Eglise.
Le centre de l’histoire du salut est déjà atteint, mais la fin est encore attendue. Le salut
est déjà venu mais pourtant nous l’attendons encore. Nous sommes déjà sauvés et nous avons
encore à nous sauver. L’économie du salut dans le temps de l’Eglise se déroule sous une
certaine ambiguïté. Mystère.

2- L’Eglise sacrement du salut


Le mystère de l'Église imprime une orientation vers un double Mystère de la foi, le
Mystère trinitaire et le Mystère christologique. Il n'est pas possible de comprendre l'Église si
ce n’est en référence à Dieu père et Fils et Esprit Saint. Rien ne peut se comprendre à fond
dans l'Église si ce n’est à lumière du mystère de Christ et de l'Esprit Saint. En effet, déjà S.
Cyprien affirmait que l'Église comme peuple de Dieu est unifié par la Trinité selon la Trinité
et dans la Trinité12..
Comme le Christ est le sacrement de Dieu, de même l'Église est le sacrement du Christ.
En effet Comme Christ rendait pressent le Père qui, en lui et par lui, se révélait aux hommes
et opérait leur salut, de même l'Église rend présent le Christ aux hommes qui se succèdent
dans le temps, et continue son œuvre salvifique. Donc, Comme Christ, l'Église aussi est une
réalité visible et historique, qui contient en elle une réalité invisible opérant de manière
mystérieuse mais efficace. L'Église est sacrement visible de l'unité salvifique c’est à dire signe
et instrument de l'union intime avec Dieu et de l'union du genre humain13.

a) Corps mystique du Christ


Comme le Christ est le Signe absolu et suprême qui révèle le Père et porte l'Esprit comme
son Amour, semblablement l'Église qui sert le Christ, porte le Christ et son amour et dans le
Christ est introduit dans la plénitude de Dieu et dans l'amour divin qui sauve. L'Église est
12
LG 4.
13
LG. 1 e 9

27
envoyée par le Christ pour être instrument de salut dans une continuation subordonnée et
participée de cette mission dans laquelle le Père a envoyé le Christ, ce Rédempteur universel.
Elle est sacrement, parce qu'elle est Corps de Christ. L'Église vraiment est sacrement du
Christ, en tant qu’elle est son Corps mystique.
La définition de l'Église, en effet, met en relief les deux réalités essentielles de chaque
sacrement; la visible et l'invisible ou spirituelle. En disant que l'Église est un corps, nous
entendons directement ce qu’un tel mot signifie dans son sens évident, cela revient à dire,
quelque chose de visible, saisissable par la sensibilité externe cognitive, l'aspect corporel de
l'Église. Cette réalité physique, corporelle, visible a été toujours défendue vigoureusement par
le Magistère contre les mouvements spiritualistes.
En second lieu, en ajoutant l'adjectif mystique au Corps de Christ, on entend souligner, sans
mettre en question sa visibilité, la dimension spirituelle et invisible de l'Église; indiquer que
sous la forme d'une communauté humaine, se cache une réalité divine, non saisissable par
l'expérience sensible, mais seulement par la foi qui, outre à avoir, comme chaque autre forme
d'association humaine, un but et des intérêts communs à tous les membres, l'Église est, de
plus, animée par la Grâce divine, qui, par le vouloir de Dieu, s'est revêtit d'éléments sensibles
dans une communauté de croyants, les rendant, par elle, accessible à l'expérience des
hommes. Cela est le sens de l'épithète mystique, selon les théologiens médiévales, qui pour la
première fois l'ont attribué à l'Église du Christ. En ce qui concerne le rapport entre les
éléments intérieurs, spirituels et mystiques et ceux extérieurs de l'Église qui ont une réalité
sacramentelle, ils doivent être considérés comme totalement inséparables.

b) Le contenu de la sacramentalité de l’Eglise


Affirmer que l'Église est sacrement du Christ, en tant que son Corps mystique signifie,
donc, que Christ est présent dans l'Église avec laquelle il s'identifie, se révèle, et se
communique aux hommes. Le Christ est présent dans l'humanité par lui assumée. Il continue
dans son Église, habite, et œuvre en elle sous la forme d’une communauté salvifique. Cela est
vu comme le prolongement de la présence du Verbe parmi nous, initiée dans l'incarnation. Il
continue à s'incarner, après l'ascension, à travers les siècles, dans son Corps mystique qui est
l'Église vivifié par son Esprit. Il est présent enfin, quand l'église prie et rend gloire au
Seigneur, car c’est lui qui l’a promis: "là où deux ou trois réunis en mon nom, je suis au
milieu d'eux"14.
Le Christ remplit l'église de ses dons, l'éclaire, la dirige, la sanctifie, la nourrit, la fait
grandir, la conduit vers sa pleine consommation. Mais la sacramentalité de l'église nous
permet de dire plus. En effet, le Christ n’est pas seulement présent dans l'Église, il s'identifie
d’une certaine avec elle. Le Christ est l'Église. Cela aussi est une affirmation indubitable.
Le Christ est présent et s'identifie avec l'Église, pour se révéler et se communiquer par
elle, aux hommes qui se succèdent dans le temps. Ceci signifie que le devoir primordial de
l’Eglise est celui de manifester le Christ, être l'épiphanie du Christ, comme le Christ est
l'épiphanie du Père. L'Église est, donc, comme sacrement du Christ, instrument efficace de
salut. Ceci cependant, doit être bien compris. Elle est certes instrument de salut, mais est au
même moment, le salut même réalisé, rendu présent dans l'histoire. Le salut messianique

14
SC. 7, cf. Mt18,20.

28
promis par les prophètes n'est plus lointain, mais présent dans le désir incarné en Christ et
dans son Corps mystique, qu’est l'Église.

3- La mission de l’Eglise
Le concile définit l’activité missionnaire comme toute initiative spéciale par laquelle
tout prédicateur de l’Evangile, envoyé par l’Eglise et allant dans le monde, s’acquitte de sa
charge de prêcher l’Evangile et d’implanter l’Eglise parmi les peuples ou groupes humains
qui ne croient pas encore au Christ (A.A6).

a- Activité missionnaire des ministres


Le chapitre III de la constitution Lumen Gentium, a traité du sacerdoce ministériel,
comme étant une œuvre de collaboration avec le Grand Prêtre Jésus-Christ. Celle-ci se
présente à travers sa triple mission de prêtre, de prophète et de roi. En clair, c’est « en la
personne des évêques qu’assistent les prêtres, le Seigneur Jésus-Christ, Pontife suprême, est
donc présent au milieu de ses fidèles»15. Ainsi, comme le Christ fut consacré et envoyé dans le
monde par le Père (Jn 10, 36), il consacre et envoie à son tour les Apôtres dans le monde. Ce
même processus de consécration et de mission sera transmis aussi aux principaux
responsables de sa mission tels que, les évêques, les prêtres et les diacres. De ce fait, ils ne
sont pas à nouveau consacrés par l’Esprit-Saint pour recevoir une mission différente de celle
de toute l’Église, mais pour recevoir cette même mission à un titre spécial. Dans ce cas, le
mandat donné aux Apôtres par Jésus-Christ peu avant son Ascension au Ciel : « Allez dans le
monde entier et prêcher l’Évangile à toute la créature» 16, revient aussi à l’ordre épiscopal aidé
des prêtres et de l’ensemble des ministres.
La mission sacerdotale des ministres de l’Église a pour but de rassembler de toutes les
nations le peuple de Dieu, pour célébrer avec lui les mystères du Christ, et le conduire vers la
patrie, en vue du retour glorieux du Seigneur. Cette mission qui est une et unique comme celle
des Apôtres implique trois fonctions : fonction cultuelle et sacrificielle, la fonction
prophétique et la fonction pastorale. Les prêtres qui ont reçu une fonction spéciale de l’Esprit-
Saint, sont investis de la mission d’évangéliser, de sanctifier et de gouverner le peuple de
Dieu, dans la communion hiérarchique avec l’ordre épiscopal. Aux ministres du Christ revient
avant tout le ministère de la Parole, sous ses formes les plus variées. C’est cette fonction que
le concile de Trente présentait comme le propre des évêques, contrairement à Vatican II qui
l’attribue aussi aux prêtres17.
Quels sont donc les moyens employés par les ministres? Selon Vatican II, cette
annonce de la Bonne Nouvelle est faite en différentes étapes : « De la pré-évangélisation qui
crée les prémices pour l’annonce de l’Évangile, à l’homélie, en passant par l’évangélisation
proprement dit, la catéchèse et les conférences ou enseignements religieux, les prêtres ont la
possibilité d’expliciter et de valoriser dans toute sa plénitude le charisme qu’ils ont reçu de
l’Esprit-saint. Pour ce fait, leur but sera d’enseigner non pas leur propre sagesse, mais la

15
LG 21 § 1.
16
Mc 16, 15.
17
Cf. PO 4.

29
Parole de Dieu, et d’inviter tous les hommes avec insistance à la conversion et à la
sainteté »18.
Ainsi donc, pour que le message qu’ils annoncent soit efficace, il est nécessaire de
l’appliquer aux circonstances concrètes de la vie de ceux à qui il est adressé. Par leur vécu, ils
devront être les témoins pour le peuple de Dieu.
Si les ministres ont avant tout l’obligation de la Parole, leur action sacerdotale trouve
son sommet dans le ministère de la sanctification. Leur tâche sacrée est donc d’unir les dons
du peuple de Dieu au sacrifice du Christ dans la célébration eucharistique. La sainte liturgie
est le moyen le plus éminent par lequel l’Église accomplit sa fonction sanctificatrice 19. En
second lieu interviennent aussi les prières et les œuvres de pénitence et de charité20.
a- Activité missionnaire des laïcs
Existant pour la gloire de Dieu, l’Église comprend que sa nature est essentiellement
missionnaire21. Tirant son origine de la Trinité, elle vit pour annoncer le Christ et Lui rendre
témoignage. Le Christ, envoyé pour témoigner de l’amour du Père pour l’humanité, lui a
manifesté sa sollicitude en envoyant d’auprès du Père l’Esprit qui travaille au cœur de tout
homme22. Et l’Église, à son tour, se doit de traduire cet amour divin au monde entier
jusqu’aux extrémités de la terre23.
Cependant, cette mission n’est pas une charge réduite à la seule hiérarchie. Elle est une
tâche commune dans laquelle les laïcs ont grâce et sens de la foi pour témoigner dans la vie
temporelle, de la vérité évangélique 24. «L’apostolat des laïcs est une participation à la mission
salvatrice de l’Église elle-même. Cet apostat, tous y sont députés par le Seigneur lui-même en
vertu du baptême et de la confirmation.»25 Le concile Vatican II reconnaît cela en ajoutant que
«tout laïc, en vertu des dons qu’il a reçus, est le témoin et, en même temps, l’instrument
vivant de la mission de l’Église elle-même, " selon la mesure du don du Christ " (Ep 4, 7)»26.
L’activité missionnaire des laïcs n’est donc pas seulement une subordination à celle du
prêtre mais une participation à la mission du Christ autant que le prêtre accomplit sa tâche en
rapport avec l’œuvre salvifique du Christ. Il est donc évident que les laïcs ont un rôle
prépondérant dans le témoignage à rendre au Christ. Ce témoignage consiste aussi bien dans
l’agit que dans la parole (1P 3, 15). En somme, les laïcs ont à propager, à faire connaître et à
aimer le Christ dans tous les milieux d’action. « Éclairés par la lumière de l’Évangile,
conduits par l’esprit de l’Église, entraînés par la charité chrétienne» 27, «il leur appartient de
rendre l’Église présente et agissante en des lieux où ils ont eux-mêmes la seule forme de
présence possible de l’Évangile »28. C’est pourquoi, «appartenant à la société dont ils
prouveront qu’ils en sont véritablement le ferment, il leur incombe dans le domaine de la

18
PO 4 § 1.
19
Cf. CIC 834.
20
Cf. CIC 839.
21
Cf. AG 2 § 1.
22
Cf. Rm 5, 5.
23
Cf. Ac 1, 8.
24
Cf. LG 35.
25
LG 33 § 1.
26
Ibidem.
27
AA 7 § 5.
28
Joseph THOMAS, Le concile Vatican II, Cerf, Paris 1989, 66.

30
politique, de l’économie, de la culture, des us et coutumes, d’évangéliser et de sanctifier les
hommes par leur action caritative, sceau de l’apostolat chrétien»29.
Au terme de ce chapitre retenons que la mission évangélisatrice que le Christ a confiée
à toute son Église la concerne en toutes ses composantes (le Peuple de Dieu) : ministres et
laïcs. De ce fait, appartenant au Corps Mystique du Christ, ils sont tous appelés à une vocation
universelle. A cela, ils ont à œuvrer conjointement, malgré leur diversité de charismes, pour
parvenir tous à la sainteté. C’est ensemble qu’ils participent à la mission du Christ et à la vie
de l’Église. Le document post-synodal Christifideleslaici a consacré la place, le rôle et la
mission du laïc dans l’Église et dans le monde, sa dignité, sa participation au ministère
sacerdotal, prophétique et royal du Christ30. Il a même abordé des thèmes contenus dans les
actes conciliaires tels Lumen gentium, Gaudium et speset Apostolicamactuositatem. Entre autres
thèmes, il y a la dignité de baptisé, la vocation à la sainteté, la participation à l’édification de
la communauté chrétienne et à la mission de l’Église, à son appartenance, le témoignage dans
tous les milieux sociaux puis l’engagement au service de la personne en vue de la croissance
intégrale et pour le bien commun de la société.
A cet effet, comment se découvre et se vit le sacerdoce et la mission du peuple de Dieu
dans ce monde déchiré par les conflits et les guerres, la famine et la misère, les contestations
sociales et les coups d’État, le chômage et l’insécurité?31

CONCLUSION

Au terme de notre parcours théologique qui nous a amené à souligner les faits saillants
de la rencontre salvifique de l’homme avec Dieu, émerge une compréhension claire de la
Révélation et de l’histoire du salut. Mais au-delà des expressions inadéquates et limitées reste
cependant le fait fondamental et unique qui constitue le vrai sens de l’être et du vécu chrétien:
il ne s’agit pas d’une théorie à apprendre seul avec l’intelligence ni seulement d’une
obligation étique ou d’une manière de se poser. La réalité chrétienne consiste essentiellement
à une manière d’être que pose l’homme devant Dieu dans la disponibilité totale à accueillir sa
parole de salut. Tout ce comportement de l’homme est rendu possible grâce à Dieu qui s’est
fait proche et lui manifeste le mystère de son être, un mystère d’infini communication
d’amour et de donation vers les créatures jusqu’à partager avec eux sa propre existence et la
richesse de son être. Tout ceci s’est déroulé et se déroule encore dans le temps histoire de
l’homme. On parle alors d’économie du salut qui atteint son point culminant dans l’auto-
communication de Dieu lui-même en son Fils. C’est cela que nous avons essayé de faire
ressortir tout au long de ce parcours.

29
AA 6-8.
30
Cf. CL 1-2.
31
Cf. Benoît XVI, Exhortation apostolique post-synodale, Aficaemunus, Edition commentée par Mathieu
NDOMBA et Paul BERE, Paulines, Abidjan 2011, 9.

31

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