Vous êtes sur la page 1sur 21

Finance islamique : Financement des PME en Afrique

Mohamed ADRAOUI

Docteur en sciences de gestion

Université Hassan II Casablanca

Rachida EL YAMANI

Docteur en sciences de gestion

Université Hassan II Casablanca


Résumé
Depuis l’avènement de la énième crise financière de son histoire, l’exaspération de la
population mondiale ne cesse de protester appelant à plus d’éthique dans les affaires et
dans les comportements des acteurs de la finance et à leur tête les banques. Les
banques et établissements financiers dits « éthiques » attirent depuis quelques années
l’attention aussi bien des épargnants que des investisseurs.

L’institution bancaire islamique, grâce à ses prescriptions, et son capital réputationnel,


dû en grande partie à sa présence relativement récente, n’a pas subi de plein fouet la
crise des Subprimes. L’engouement croissant de tous les agents économiques pour ce
mode de gestion privilégiant la mutualité et l’investissement direct dans les projets et
une prétendue éthique, nous amène à croire que les établissements financiers
islamiques ont une marge de progression confortable.

Après une première partie dédiée à la présentation du paysage financier islamique, à


travers son histoire, les différents produits proposés et son mode de fonctionnement, le
présent travail traite les problèmes de financement des petites et moyennes entreprises
en Afrique.

Notre étude porte plus précisément sur l’identification le financement des petites et
moyennes entreprises en Afrique, quel apport peut jouer la finance alternative en
matière de diversification des sources de financement, notre travail tentera de répondre
aux interrogations suivantes :

 L’histoire et les principes de la finance islamique.

 Quelles sont les caractéristiques des PME en Afrique ?

 Quelles sont les principales sources de financement des PME en Afrique ?

 Quels sont les produits de la finance islamique ? et quel est le plus qu’elle
apporte aux PME

En espérant que le lecteur pourra trouver dans cette recherche les éléments
susceptibles de nourrir la réflexion et enrichissant d’autant un débat très pertinent en
ces temps de turbulence où le système qui a fait les beaux jours du monde financier
paraît à court de solutions.

MOTS CLES : Finance islamique, Finance conventionnelle, PME, banques


alternatives, produits financiers islamiques

135
INTRODUCTION

L’institution financière Islamique, grâce à son développement considérable, fait


indéniablement partie de nos jours du paysage financier mondial. La flambée du prix
des hydrocarbures a généré un excédent de liquidités des pays producteurs, notamment
dans le Golfe persique, contribuant ainsi à l’apparition, du moins à l’essor des
institutions financières Islamiques. Ces pays, dont le courant Islamique est considéré
comme le plus littéraliste, n’ont pas hésité à adopter ce mode de gestion des richesses
prohibant tout prêt assorti à des intérêts et favorisant la notion des PPP, à savoir le
Partage des Pertes et des Profits.

L’activité financière islamique est devenue mondiale. L’internationalisation s’est


traduite d’abord par la création de départements islamiques par les banques
occidentales dans les pays musulmans. Les grandes banques occidentales ont voulu
profiter des capitaux disponibles dans les pays du Golf.

La finance islamique n’est pas une nouveauté en soi en ce sens que les produits
proposés par les IFI existaient avant sur le marché bancaire conventionnel. De même,
le principe des 3P énoncé précédemment, et définissant les relations entre les
établissements et leurs clients comme étant des relations de partenariats, voire
d’association, ne constitue pas une révolution des métiers de la finance. Le contrat
Moucharaka n’est-il pas tout simplement qu’une variante peu originale du capital-
risque ou des opérations de LBO qui ont fait avant la crise les beaux jours du système
financier classique ?

L’originalité du système financier islamique réside d’une part, en la prohibition


formelle de toute opération de prêt à intérêt, ou usure plus exactement selon le
législateur musulman, la valeur temps de l’argent n’étant tout simplement pas
reconnue par ce dernier. D’autre part, l’interdiction de certaines activités illicites selon
la Shariaa, qui constitue le référent législatif du monde musulman, on cite tous les
cycles (de la production à la commercialisation) des boissons alcoolisées, l’industrie
porcine, les jeux de hasard.

Après une première partie dédiée à la présentation du paysage financier islamique, à


travers son histoire, les différents produits proposés et son mode de fonctionnement, le

136
présent travail s’est focalisé ensuite sur la problématique de financement des PME et
la finance islamique.

Il tentera de répondre aux interrogations suivantes :

 Les principes, le fonctionnement, et le développement de la finance islamique ?


 Quelles sont les principales limites de la finance islamique ?
 Le financement des PME en Afrique et la finance islamique.

137
1. L’OCCIDENT A L’ASSAUT DE LA FINANCE ISLAMIQUE

La finance islamique connaît depuis vingt ans une expansion considérable. Le rapport
Arthuis relève que les données chiffrées concernant la finance islamique restent très
partielles et sont donc sujettes à caution1. Il n’en reste pas moins que tous les experts
s’accordent à dire que le marché de la finance islamique mondial dépasserait
aujourd’hui les 2500 milliards de dollars, soit 50 fois plus qu’il y a vingt ans.

D’après Standard & Poor’s, le marché bancaire islamique est au-dessous de son
vrai potentiel qui serait 4200 milliards2.

La répartition géographique de ce marché est la suivante : environ 70% d’actifs


détenus dans la région du golf persique, 20% en Asie-Malaisie et Indonésie-, les 10%
restants sont détenus en Europe, notamment à Londres, et aux Etats-Unis. Depuis
vingt ans, ses actifs ont augmenté entre 8 et 11%, en moyenne annuelle. Leur
progression serait de l’ordre de 15% par an. Aujourd’hui, la finance islamique opère
dans plus de 60 pays à travers plus de 300 institutions financières.

1.1. Une finance mondialisée ouverte aux non musulmans

« Nous adapterons notre environnement juridique pour que la stabilité et l’innovation


de notre place financière puissent bénéficier à la finance islamique » Ces mots
de Mme Christine Lagard 3, de l’Industrie et de l’Emploi, traduisent l’intérêt de
l’occident pour la finance islamique4 . Doit-on aussi y voir une réponse à M. Gordon
Brown qui veut faire de Londres « le portail occidental et le centre mondial de la
finance islamique5 » ?

Avec la globalisation économique et financière et l’engouement pour la finance


éthique et durable, les non musulmans s’intéressent à la finance islamique et
contribuent même à son développement en dehors de ses frontières naturelles, celles

1
Rapport d’information sénatoriale n° 33 du 17 octobre 2007 de la commission présidée par Jean Arthuis,
Commission des finances.
2
Anouar Hassoune et Mohammed Damak, « les habits neufs de la finance islamique » standard & Poor’s,
conférence sur la finance islamique organisée par Paris Dauphine, Paris, le 16 mai 2007
3
Ancien ministre des finances
4
Forum financier de l’association Paris Europlace, 2 juillet 2008.
5
Déclaration de M. Gordon Brown, le 13 juin 2006

138
des pays d’Islam. Ce qui a aidé cette finance à se développer c’est les pays musulmans
producteurs de pétrole, ils ont engagé des montants importants dans les institutions
financières islamiques.

Cette finance halal apparaît comme une formidable opportunité pour les
banques conventionnelles. Il s’agit d’un moyen alternatif pour investir et d’une façon
supplémentaire pour lever des fonds importants. C’est une finance qui permet de
gagner de nouvelles parts de marché. L’intérêt suscité par la finance islamique dépasse
le cadre du monde musulman. Elle devient un enjeu mondial, les experts de Standard
& Poor’s mais aussi de Moody’s s’attendent à ce que cette finance continue son
expansion géographique mondiale. La forte demande, à travers le monde, de produits
et services financiers en accord avec la Charia va encourager l’essor d’une offre de
produits bancaires islamiques toujours plus sophistiqués mais tangibles et stables car
non basés sur l’intérêt. Ces produits ne sont plus l’apanage des monarchies du Golf ou
de l’Asie musulmane.

C’est grâce à la mondialisation que la finance islamique connaît un renouveau,


avec, notamment, le lancement en 2002, par la Malaisie, du premier emprunt d’Etat
islamique, le soukouk, l’obligation islamique.

Cette finance pourra-t-elle néanmoins s’exporter à travers le monde pour devenir


un système financier à part entière ?

En mars, un rapport de Moody’s Investors Service signale que les pays non
musulmans « aussi importants sur le plan économique que le Japon, le Royaume-Uni
et la Chine pensent sérieusement à renforcer la place de la finance islamique sur leur
marché domestique, renforçant d’autant la crédibilité de ce phénomène ». Ces
pays veulent améliorer l’attractivité de leurs places financières pour les capitaux
à la recherche d’une gestion conforme à la Charia

1.2. Marché rentable

Les banques islamiques bénéficient en principe de réduction des risques liés à l’aléa
moral et à la sélection adverse. En participant au conseil d’administration des

139
entreprises, par les instruments de partages des bénéfices et des pertes (moucharaka),
les banques islamiques arrivent à améliorer leur niveau de performance. En effet,
plusieurs études comparatives montrent que les banques islamiques sont plus efficaces
que les banques conventionnelles.

Nous avons comparé les résultats sur fonds propres (ROE) de dix grandes
banques conventionnelles et de dix grandes banques islamiques. La taille des banques
est mesurée par leur total de l’actif.

Les banques conventionnelles retenues sont: Bank of America, Barclays, BNP


Mellat, Citigroup, Crédit Agricole, Deutsche Bank, HSBC Holding, ING, Royal Bank
of Scotland, UBS.

Les banques islamiques retenues sont : Al Rajhi Bank, Bank Saderat Iran, Bank
Mellat, Bank Tejarat, Kuwait Finance House, Dubai Islamic Bank, Bank Sepah,
Agricultural Bank of Iran- Bank, Keshavarzi, Bank Maskan, Abu Dhabi Islamic Bank.

Comme nous l’avons déjà vu, les banques iraniennes dominent le classement des
banques islamiques dans le monde. Ces banques doivent être étudiées avec précaution
car leur islamisation résulte d’un processus historique différent de celui des autres
pays. Selon certains experts, l’évolution bancaire en Iran résulte d’une initiative
publique menée après la révolution de 1979 qui aurait transformé le système de
manière contrainte.

Les banques islamiques ont beaucoup de liquidité au passif et leur coût de


refinancement est faible. Il en résulte que les marges sont importantes d’autant que les
risques sont faibles sur certaines lignes de métier.

Il ressort de ces données que le système bancaire islamique présente une performance
globalement meilleure. Ainsi pourrait-on expliquer l’engouement pour l’ouverture de
guichets islamiques par les banques conventionnelles ?

Le marché des banques islamique est réparti en deux catégories : les banques
islamiques historiques par création ou par changement de statut et les banques
conventionnelles avec des fenêtres « charia compliant ».

140
Le passage du modèle de la banque conventionnelle au modèle « charia compliant » a
été en général réussi. Les banques qui ont adopté le statut islamique ont fixé des tarifs
plus élevés sans modification de leurs investissements, notamment dans la qualité des
services rendus. Le fait d’être « charia compliant » constitue un label convoité par la
clientèle.

La finance islamique présente des atouts mais aussi des contraintes. Cette finance
pourrait utilement contribuer à une réorganisation éthique des flux de capitaux à
l’échelle mondiale. Elle peut aussi jouer un rôle dans le financement des économies
émergentes et dans les pays occidentaux à fortes minorités musulmanes. Elle présente
un potentiel compatible avec la micro finance. Elle peut renforcer les expériences de
micro crédit à l’instar du gramen Bank pour des projets agricoles et de micro
entreprises. Par la technique du waqf ou tabous , elle peut servir au financement
d’activités à caractère social dans les économies émergentes mais aussi dans les
économies développée

2. LES LIMITES DE LA FINANCE ISLAMIQUE

2.1. Une finance encore fragile

Le talon d’Achille de la finance islamique se situe au moins à deux niveaux : sa taille


et ses acteurs. La taille de l’industrie financière islamique. Dans un rapport du sénat
de mai 20086, Anouar Hassoune affirme : « bénéficiant à l’origine des surliquidités du
golf Persique liées au prix du pétrole et renforcées par les effets du 11 septembre, la
finance islamique s’est orientée depuis les années 1990 vers la clientèle des
particuliers ». Jean Arthuis constate pour sa part que « la finance islamique fait partie
du paysage de la finance mondiale et que, soutenue notamment par l’évolution des
cours du pétrole, elle connait une croissance rapide ». La finance islamique serait donc
fortement dépendante de l’évolution des cours du pétrole. La volatilité du prix du
baril peut donc la fragiliser. En outre, cette finance est géographiquement
pour le moment peu diversifiée. Elle est très concentrée en termes d’actifs dans
les pays du Golf et en Malaisie.

6
Rapport établi par Jean Arthuis sur la finance islamique, n° 329 ; 14 mai 2008.

141
Les acteurs de la finance islamique sont encore de taille modeste comparativement aux
banques universelles occidentales. Si on compare la taille moyenne, en termes d’actif,
des dix grandes banques conventionnelles et des dix grandes banques islamiques, on
s’aperçoit que le bilan moyen des banques islamiques est d’environ 15 milliards de
dollars alors que celui de la banque conventionnelle est de 2400 milliards de dollars.
La prédominance des dépôts liquides dans les bilans des banques islamiques constitue
sans doute une des raisons de cette activité quelque peu bridée et de l’existence d’un
potentiel financier sous-exploité. Cette situation freine l’intermédiation et retarde le
développement bancaire.
La taille relativement petite des acteurs financiers islamiques peut donc constituer un
frein à leur expansion internationale. Il est sans doute nécessaire de restructurer ces
banques afin qu’elles évoluent vers une taille optimale en adéquation avec le
marché mondial. Des opérations de fusions et acquisitions sont indispensables dans
cette industrie afin qu’elles donnent naissance à des « Global Players »
internationaux. Mais ces évolutions sont tributaires d’améliorations nécessaires au
niveau de la gestion d’une forte liquidité au passif. Sans ces améliorations, les banques
islamiques risquent de voir leur rentabilité altérée.
Les acteurs de la finance islamique, comme le signale le rapport Jouini-Pastré : «
l’insuffisance du capital humain est à ce jour, un des principaux freins au
développement de la finance islamique. » le rapport signale que le nombre d’experts
est très faible. Dans le monde, on en compte moins de 100 pour plus de 300
institutions financières islamiques.
Les banques islamiques « ont difficilement la structure, la capacité, l’environnement et
le personnel pour remplir tous ces objectifs » liés à la mise en œuvre du financement
de projets de type capital-risque.
On peut légitimement penser que le recrutement des cadres et du personnel qualifié
devrait se faire sur la base de la maîtrise des techniques bancaires et de la
connaissance des standards du droit des contrats musulmans. Or, pour l’instant
l’équilibre dans les profils n’est pas encore acquis. Dans la finance islamique, il y a
encore un fossé qui sépare les techniciens de cette finance, souvent issue de la finance

142
conventionnelle, et les docteurs en droit musulman qui ignorent les rudiments de la
finance.

La finance islamique manque donc de cadres dotés de la double compétence. Cette


faiblesse caractérise l’Europe et les Etats-Unis et risque de ralentir son expansion au-
delà des pays historiques.

Les techniques financières et les compétences en droit musulman sont depuis


peu dispensées par des formations universitaires et des grandes écoles à travers le
monde. La question de la formation en finance islamique préoccupe les esprits.
On peut évoquer l’exemple de l’IFQ (Islamic Finance Qualification) qui résulte d’un
partenariat entre l’Ecole Supérieure des Affaires de Beyrouth et le Securities and
Investment Institute (SII) à Londres. L’Université d’Harvard a également lancé un
département de finance islamique. Les pays du Golf sont quant à eux déjà dotés de
formations adéquates. En France, l’Ecole de Management de Strasbourg fait figure
de pionnière, l’établissement délivre depuis janvier 2009 un diplôme en finance
islamique, homologué Bac+57.

2.2. La faible taille des banques islamiques

La plupart des banques islamiques des pays du Golf sont des banques
familiales de relativement petite taille. Quelques chiffres peuvent en témoigner :
-« la principale banque islamique est 100 fois plus petite que les plus grandes banques
conventionnelles »
-« si on compare la taille moyenne en termes d’actifs, des dix grandes banques
conventionnelles et des dix grandes banques islamiques, on s’aperçoit que le bilan
moyen des banques islamiques est d’environ 15 milliards de dollars alors que celui de
la banque conventionnelle est de 2400 milliards de dollars »
-« plus de 60% des banques islamiques sont en dessous de la taille minimale
recommandée par les études théoriques (500 millions de dollars US d’actifs). Les
actifs de la plus grande banque islamique (Al Rajni Banking and Investment

7
« Un diplôme de finance islamique à Strasbourg », 12 décembre 2008, la Tribune ».

143
Corporation sont égaux à seulement 2% des actifs de la plus grande banque du monde
»
Cette faible taille handicape les banques à plus d’un titre :
-les charges fixes inhérentes au fonctionnement de toute banque, par exemple les
charges relatives au fonctionnement des conseils, pèsent plus lourdement sur les
entités de petite taille
-les risques sont plus élevés car elles n’ont pas l’envergure suffisante pour se
diversifier géographiquement ou s’orienter vers d’autres métiers bancaires ;
-l’offre de nouveaux produits leur est difficile car les activités de recherche entraînent
des charges qu’elles ne peuvent absorber.

N’ayant pas la possibilité de recruter un personnel d’expertise, les solutions pour s’en
sortir sont rares. Elles sont souvent obligées de concentrer leur activité sur une
catégorie de clientèle, essentiellement les particuliers, dans une spécialisation, par
exemple la mourabaha relative à une catégorie de biens. Actuellement sur un marché
concurrentiel, elles ne sont pas armées pour mettre en œuvre des stratégies de
croissance tous azimuts.

Une autre possibilité est le regroupement avec d’autres entités ou la mise en place de
stratégies d’alliances avec des banques conventionnelles qui veulent développer
des activités islamiques. On assiste à quelques regroupements, par exemple la fusion
de la FIBB (Fayçal Islamic Bank of Bahreïn) et l’IICG (Islamic Investment
Company of the Gulf) qui forment désormais la Shamil Bank of Bahreïn. Mais ces
regroupements sont encore rares et semblent difficiles à réaliser, sans doute à cause du
caractère familial de ces banques.

3. LA FINANCE ISLAMIQUE EN AFRIQUE :

La pénétration des banques islamiques s’est effectuée au début des années 1980 avec
la création de banques ( Massraf Faysal Al Islami) et de sociétés d’investissement dans
trois pays d’Afrique de l’Ouest à majorité musulmane : le Sénégal, le Niger et la
Guinée. Aujourd’hui, les établissements en activité sont essentiellement des

144
émanations des groupes les plus importants : Dar Al-Mal Al Islami Trust et Al –
Baraka Group.

Au Soudan sunnite, le succès de l’établissement, en 1977, de la Faysal Islamique


Bank, encourage les autorités à inciter l’installation d’autres banques islamiques. En
1984, l’ensemble du système bancaire a été réputé islamisé mais, en pratique, les
banques conventionnelles continuaient à pratiquer. Ce n’est qu’en 1994, que le
gouvernement décida de tenter à nouveau une islamisation du système, de manière
plus organisée et plus structurée.

Concernant le Maghreb, cette région pourrait devenir l’un des futurs centres de
développement de la finance islamique. Des établissements islamiques, de plus en plus
nombreux, y opèrent.

Une seule banque islamique propose actuellement ses services en Tunisie : la BEST
Bank (Beit Ettamouil Essaoudi Bank). Toutefois, ce type a adopté, en février 2007, un
projet de loi autorisant la création, en collaboration avec la BID, de la première banque
islamique pour le développement du commerce interarabei. Qui sera chargée de
financer et de promouvoir le commerce entre les pays arabes et, plus particulièrement, entre
les pays du Maghreb et de l’Orient.

En Algérie, la finance islamique affiche un certain dynamisme comparé à ses voisins.


Installée depuis 1991 au travers de la banque Al Baraka d’Algérie, elle s’est
redéployée, à partir de 2002, vers d’autres segments de marchés (professionnels,
particuliers). Longtemps en situation de monopole, la banque Al Baraka attire, du fait
de ses performances, d’autres établissements (Banque Al Salam des Emirats arabes
unis, Koweit Finance House). Toutefois, bien que le gouvernement ait autorisé la
commercialisation de produits islamiques, il refuse d’accorder des faveurs aux
banques islamiques en termes de conditions spécifiques d’exercices.

En fait, l’essor de la finance islamique dans cette partie du globe s’explique


notamment par les mutations que subit actuellement le secteur bancaire nord-africain-
privatisation). Dans cet environnement, les banques islamiques, très performantes sur
le segment de la banque de détail, veulent jouer un rôle dans le nouveau paysage

145
bancaire (en ce qui concerne la banque de financement et d’investissement, elles
sollicitent toujours l’expertise de leurs conseours étrangères). Toutefois, il ne semble
pas que la finance islamique puisse, à court terme, se développer comme technique de
financement dominante, d’autant que les établissements financiers ont pleinement
conscience que le critère déterminant, au-delà des règles de conformité à la charia,
restera la rentabilité économique.

Annexe 1 : instituions financières islamiques par région


Région Nombre d’institutions Parts en pourcentages
financières
Asie du Sud et du Sud- 36 42,4
Est
Pays du golf 19 22,4
Autres du Moyen-Orient 13 15,3
Afrique 9 10,6
Europe et Amérique 8 9,4
Total 85 100
Source : SOULEIMANI R (2010), La finance islamique : évolution, licence fondamentale en sciences économiques et
gestion, Université Hassan II Casablanca Maroc

4. LES PME EN AFRIQUE ET LA FINANCE ISLAMIQUE :

Les PME représentent une part importante dans le tissu économique Africain, et
participent dans la production et l’emploi. Cependant l’obstacle majeur de ces
entreprises reste toujours l’insuffisance des sources de financement, le crédit bancaire
classique ne permet pas de couvrir tous les besoins et demeure très faible. En effet les
institutions financières travaillent avec vigilance et considèrent le secteur des PME
trop risqué, tandis que les établissements de microcrédit n’ont pas assez de fonds pour
répondre aux besoins croissants des PME. En outre le financement des entreprises est
conditionné par la présentation de garanties jugées parfois trop contraignantes.

Le problème de financement des PME en Afrique s’explique par les raisons


suivantes :

 L’insuffisance des fonds propres ;

146
 Le manque de garanties ;
 Les taux appliqués très élevés ;
 Les problèmes de gestion ;
 Les risques de crédit ;
La procédure d’évaluation et de notation des PME doit être adaptée aux particularités
des PME, surtout pour ce qui concerne les garanties demandées et les taux appliqués
(excessifs), Ainsi, les modalités de remboursement des prêts devraient être conçues de
façon que le remboursement soit synchronisé avec les flux de recettes8. Surtout
lorsqu’il s’agit des entreprises ayant une activité saisonnière avec des flux de recettes
élevés mais non stables. Les décideurs africains devraient accorder une attention très
particulière aux PME, en développant l’accès au financement, ils devraient aussi
réduire la pression fiscale afin d’encourager la compétitivité de ces entreprises sur le
marché national et international.

Encadré1 : Le Fonds africain de garantie pour les petites et moyennes entreprises

La Banque africaine de développement (BAfD) a récemment intensifié ses efforts pour


améliorer l’accès des PME au financement. En juin 2012, elle a annoncé le lancement
officiel du Fonds africain de garantie, financé en partenariat avec les Gouvernements
danois et espagnol. Ce fonds doit permettre aux banques de répondre aux besoins de
financement des PME, d’accroître leurs prêts à ces entreprises et d’accroître aussi leur
financement des PME, d’accroître leurs prêts à ces entreprises et d’accroître aussi leur
capacité d’évaluer la solvabilité des PME. Il a commencé de fonctionner en 2011, avec
un capital de 50 millions de dollars financé par la BAfD et les Gouvernements danois et
espagnol. Son capital social devrait toutefois être porté à 500 millions de dollars au
cours des quelques prochaines années, grâce aux apports d’investisseurs privés,
d’institutions de financement du développement et autres donateurs bilatéraux. Le
Fonds fournit des garanties financières partielles aux institutions de prêt et un appui en
matière de renforcement des capacités à ces institutions ainsi qu’aux PME. Il a été
enregistré à des renforcements des capacités à ces institutions ainsi qu’aux PME. Il a été

8
CNUCED, « le développement économique en Afrique », rapport 2014 , Catalyser l’investissement pour une
croissance transformatrice en Afrique.

147
enregistré à Maurice en tant que société par actions à responsabilité limitée.

Source: Banque africaine de développement.

Notons de passage que malgré les programmes lancés (encadré 1) par quelques pays
africains (Afrique du Sud, Ouganda, Tunisie, Nigéria,…) pour améliorer l’accès au
crédit. Les résultats restent très insuffisants par rapport aux objectifs fixés, et cette
situation s’explique d’une part par le manque de gouvernance et de contrôle, et
d’autre part par la dépendance à l’égard des finances publiques. Il faut adopter une
approche indépendante et transparente, sans oublier l’évaluation continue et le
contrôle.

Les besoins croissants des PME exige des crédits à long terme puisqu’il y a un manque
important surtout pour le financement des investissements, C’est pour cela on dit que
la croissance des PME ne peut se faire qu’avec des ressources longues, il faut
souligner que les banques privilégient le court terme à cause de la nature de leurs
ressources qui proviennent généralement des dépôts à vue ou dépôt à terme. Une note
de la BCEAO sur "la situation du portefeuille des banques et l'évolution des crédits
aux PME" fait ressortir que le taux moyen de dégradation des banques dans un pays
ouest-africain avoisinerait 56,6 pour cent. Ainsi, il convient de trouver des mesures
adéquates pour restaurer une situation de confiance en trouvant les moyens permettant
aux banques de refaire leur trésorerie et, après, définir une nouvelle politique du crédit
pour les PME9.

Le développement des PME passe obligatoirement par une amélioration et une


diversification des formes de financement, afin d’assurer le décollage économique de
ces entreprises, « La question du financement est l’une des clés capables de
déverrouiller le potentiel des petites entreprises en matière d’innovation, de
modernisation et d’amélioration de la productivité », a indiqué le Secrétaire général de

9
Ibrahima BA, « PME et institutions financières islamiques ». services financiers et allègement de la pauvreté,
Document de travail n°6

148
l’OCDE, Angel Gurría, au cours d’une présentation du Tableau de bord effectué avec
le Gouverneur de la Banque populaire de Chine, Zhou Xiaochuan

On distingue deux types de besoins financiers des PME :

 Le financement du cycle d’investissement (Long terme).


 Le financement du cycle d’exploitation (Court terme).

5. LES PERSPECTIVES DE FINANCEMENT DES PME EN


AFRIQUE PAR LES BANQUES ISLAMIQUES

Le marché mondial de la finance islamique représente plus de 2500 milliards de


dollars à fin 2020, ce qui a motivé les pays africains pour chercher à se positionner, et
tirer profit de cette jeune industrie. Mais les statistiques montrent que le continent
accuse encore du retard sur la carte mondiale.

Les gouvernements des pays africains ont lancé plusieurs projets ces dernières années.
On note à titre d’exemple le premier projet de sukuks du Sénégal en 2014(une levée de
fonds de 200 milliards F CFA), la côte d’ivoire et le Togo ont lancé eux aussi des
projets similaires. Ces pays ont ainsi levé près de 1,2 milliard d’euros ces deux
dernières années10. En conséquence, plusieurs banques islamiques ont vu le jour.

La finance islamique dite alternative attire chaque jour de nouveaux entrants, mais le
cadre réglementaire et fiscal reste très faible11, il n y’a pas suffisamment de
réglementation de façon à rassurer les investisseurs. Le démarrage et la croissance de
cette activité passe nécessairement par la mise en place d’un cadre législatif favorable,
que ce soit le cadre fiscal ou même le cadre réglementaire encadrant cette branche de
la finance conventionnelle.

Les banques centrales africaines doivent adopter des règles spécifiques à la finance
islamique, Etant donné que leurs autorités ne maîtrisent pas les rouages de cette
industrie, eu égard à l’insuffisance de la formation.

10
François-Xavier Carayon, « L’afrique,eldorado de la finance islamique ». www.lemonde.fr
11
Ristel Tchounand, »Finance islmaique : il n’y a pas suffisamment de réglementation pour rassurer les
investisseurs ». latribune.fr

149
Par ailleurs les banques traditionnelles pourraient lancer de nouveaux produits
conformes aux principes édictés par la religion musulmane, afin de mieux répondre
aux attentes des clients, notamment les petites et moyennes entreprises. On pourrait
également encourager la pratique du leasing ou crédit-bail correspondant à l'Ijara Wa
Iktina. Inversement, la banque islamique pourrait trouver un moyen lui permettant
d'utiliser des opérations utilisées dans les banques classiques telles que l'escompte ou
le découvert bancaire selon des modalités conformes à la Charia12.

Le principe des 3P (Partage des Pertes et Profits) permet de bien répartir les risques
entre la banque et l’investisseur, L’entrepreneur pourra travailler dans des conditions
meilleures, car cette approche de financement lui permet de réduire les risques. A titre
d’exemple dans le contrat moucharaka le client apporte ses compétences et en même
temps la banque met à sa disposition les fonds demandés. Cette association incite la
banque à partager son savoir-faire et son assistance, C’est une occasion pour elle de
contrôler en permanence les projets.

Ce mode de financement correspond parfaitement aux PME, et plus particulièrement


aux entreprises ayant des projets mal définis. La banque islamique garde toujours une
vocation humaine, « La finance islamique intègre […] des valeurs morales et
éthiques. Un parallèle est souvent fait entre la finance islamique et l’investissement
responsable […]. L’investissement responsable cherche à optimiser à la fois le retour
financier et les comportements socialement responsables ou éthiques »13.

Les formules proposées par les banques islamiques (alternatives) peuvent rendre la
relation « banque-PME » plus équitable car la banque sera un véritable partenaire
(principe des 3P) et non pas un simple intermédiaire. De plus les banques islamiques
vont apporter leur expertise afin d’accompagner les PME, On peut rajouter aussi le fait
que la diversité en matière de produits de la finance islamique va bien évidemment
encourager les jeunes porteurs de projets , dont le souci majeur reste la présentation
des cautions et des garanties solides lors de la demande de crédit auprès des banques

12
Ibrahima BA, PME et institutions financières islamiques, Services financiers et allègement de la
pauvreté,document de travail n°6.
13
International Trade Center, Islamic Banking, A Guide for Small and Medium-Sized Enterprises, 2009

150
classiques. Il faut signaler aussi que le principe des 3P ( partages des pertes et profits)
va bouleverser en quelques sortes les méthodes de travail poursuivies par les banques
classiques qui devraient changer leur comportement et méthodes de faire en proposant
d’autres solutions complémentaires 14.

14
M.Adraoui,k.Rouggani, « la place de la finance islamique dans le financement des PME ».International
Journal of Innovation and Applied Studies ISSN 2028-9324 Vol. 18 No. 3 Nov. 2016, pp. 736-742

151
CONCLUSION

Aujourd’hui, le sujet intéresse davantage. L’accumulation des revenus pétroliers,


la fragilisation de la finance conventionnelle et les exigences de traçabilité financière
rendent le débat autour de la finance islamique « libre d’intérêt » plus précis. Certains
acteurs y voient un complément de gamme utile pour une expansion bancaire
internationale servant à canaliser une partie des revenus pétroliers. D’autres y
voient des perspectives d’une bancarisation de masse de population à la recherche de
« produits financiers durables », conformes à l’éthique musulmane.

Malgré son jeune âge, la finance islamique contemporaine a de grandes chances de


réussite en Afrique.

Mais l’augmentation de la complexité par l’innovation des produits « charia compliant »


doit être maîtrisée. Il faut donc espérer d’un futur conseil financier de la charia ; de
préférence d’origine publique en France, préserver le caractère tangible de cette finance
libre d’intérêt (FLI) de sorte qu’elle demeure une finance au service de l’économie
réelle. Tout dérapage « spéculatif » basé sur des « effets de leviers » inconsidérés
donnera raison à ses détracteurs.

La ligne jaune à ne pas dépasser en matière d’innovation financière islamique reste donc
à définir notamment à la lumière de la crise mondiale actuelle. Elle constitue l’un des
enjeux principaux pour l’apparition d’une véritable finance islamique à la française dans
les années à venir

L’arrivée des banques alternatives en Afrique pourrait dynamiser l’économie, grâce à la


multiplicité des offres de financements destinées aux entreprises et aux ménages, La
Pme peut accélérer sa croissance, il faut juste s’adapter avec le nouveau paysage
financier grâce à une meilleure réactivité et bonne gouvernance au niveau de la gestion
et des choix stratégiques afin de relever le défis.

152
GLOSSAIRE

 Sharia/Charia' : loi islamique révélée au prophète Mahomet et inscrite dans le


Coran et Sounna. Un produit conforme à la Sharia répond aux exigences de la
loi islamique.
 Sukuk : similaire à une obligation adossée à un actif, le Sukuk est un billet de
trésorerie qui confère à l’investisseur une part de propriété dans un actif sous-
jacent et lui assurant un revenu à ce titre. L’entité émettrice doit identifier les
actifs existants à vendre aux investisseurs Sukuk, par transfert à une entité ad
hoc. Les investisseurs jouissent alors de l’usufruit de ces actifs, au prorata de
leur investissement. Ils supportent généralement le risque de crédit de
l’émetteur plutôt que le risque réel lié aux actifs détenus par l’entité ad hoc. Les
Sukuk peuvent être cotés et notés en fonction du marché cible mais ce n’est pas
obligatoire. Les Sukuk sont généralement émis par des entreprises, certaines
institutions financières et des Etats souverains.
 Riba : l’une des trois interdictions fondamentales en finance islamique (avec le
Gharar et le Maysir). Littéralement, augmentation ou ajout. Techniquement,
toute augmentation ou tout avantage obtenu par le prêteur et constituant une
condition du prêt. Tout taux de rendement sans risque ou « garanti » sur un prêt
ou un investissement relève de la Riba.
 Mudaraba : partenariat d’investissement. Technique de financement utilisée
par les banques islamiques dans laquelle le capital est intégralement fourni par
la banque tandis que l’autre partie assure la gestion du projet. Les bénéfices
sont partagés selon une clé de répartition fixée au préalable et les pertes
éventuelles sont supportées par l’investisseur.
 Musharaka : partenariat d’investissement dans lequel les conditions de partage
des profits sont prédéfinies et les pertes sont proportionnelles au montant
investi ; C’est une forme de capital-investissement.

153
REFERENCES

Ouvrages
 Dr. Abdul Rahim Abdul Rahman An Introduction to Islamic Accounting
Theory and Practice, Ed CERT, 2012
 Muhammad Ayub Understand Islamic finance 2007, John Wiley & Sons
 Tariqullah Khan et Habib Ahmed Gestion des risques en finance islamique,
2001, BID
 Elyes Jouini et Olivier Pastré La finance islamique : une solution à la crise ?
2009, Economica
 Geneviève Causse-Broquet, La finance islamique, 2011, Revue Banque
Edition
Mémoires d’expertise comptable et recherches
 LORIN Christophe Le suivi du risque dans une banque, approche
méthodologique et outils d’analyse
 JAOUEN, Michel Vers une gestion quantitative du risque de crédit dans
une banque,
 Karim CHERIF, HES Genève Analyse des produits financiers islamiques
 Louise St-Cyr, HEC Montréal Mesure et analyse du risque d’exploitation
 Sofia BENNAMARA, Université de Laval Finance islamique et capital-
risque
 Malika Amri, Université Toulouse 1 Les spécificités des contrats de
financement dans les banques islamiques

Sites institutionnels
 Ernst and Young Bahrein http://www.ey.com/EM/en/About-
us/Bahrain Islamic Development Bank www.isdb.org
 The Accounting and Auditing Organization for Islamic Financial Institutions
(AAOIFI) http://www.aaoifi.com/aaoifi/
 Ministère des Finances Marocain www.finances.gov.ma
 Islamic Finance Standards Board www.ifsb.org
 Al Rajhi Bank http://www.alrajhibank.com Qatar Islamic Bank
www.qib.com.qa
 Al Baraka Bank www.albaraka.com

154

Vous aimerez peut-être aussi