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LA RÉFORME DES PROCÉDURES DE

TRAITEMENT DES DIFFICULTÉS DE


L’ENTREPRISE AU MAROC

DECEMBRE 2008

Cette publication a été élaborée pour l’USAID (United


( United States Agency for
Development ). Elle a été préparée dans le cadre du
International Development).
programme d’amélioration du climat des affaires au Maroc, mis en
œuvre par DAI.
La réforme des procédures de traitement des difficultés de l’entreprise au Maroc

Amélioration du Climat des Affaires au Maroc


Improving the Business Climate in Morocco

Rapport du Programme
Les opinions de l'auteur exprimées dans cette publication ne reflètent pas
nécessairement celles de l'Agence américaine pour le développement international
ou celles du gouvernement des États-Unis.

Remerciements
La publication de ce rapport a été rendue possible grâce à l'appui fourni par
l'Agence américaine pour le développement international (USAID - (United States
 Agency for International Development) aux termes du contrat N° GEG-I-00-04-
00001, N° de commande : GEG-I-02-04-0000. L’auteur principal de ce rapport est
Rémy Kormos, Coordinateur de la composante réforme juridique et judiciaire du
Programme Amélioration du climat des affaires.

L’équipe du Programme tient à remercier Mme. Nadia Amrani, Chargée de


Programme au Département de la Croissance Economique de l’USAID, pour son
appui, ainsi que Mme. Lara Goldmark, Directrice du Programme et M.
Mohammed Ouzeroual, conseiller technique au sein du Programme, pour leur
apport technique.

Nous souhaitons également exprimer notre profonde reconnaissance à toutes les


personnes qui ont contribué de prés ou de loin à la préparation de ce rapport.
La réforme des procédures de traitement des difficultés de l’entreprise au Maroc

TABLE DE MATIERES
Liste des abréviations et acronymes ...........................
........................................
...........................
...........................
.....................
........ii
introduction....................................
introduction...................... ...........................
...........................
............................
...........................
...........................
.........................1
...........1
PARTIE I: Considérations générales relatives au processus de réforme...............2
I.1. Les défis de la réforme des procédures collectives..............................................
collectives....................................................2 ......2
I.2. Étendue et portée des réformes......................
réformes .............................................
..............................................
.....................................3
..............3
I.3. Ne pas répéter les erreurs de la réforme de 1996.....................................
1996.......................................................4
..................4
I.4. Le processus de réforme doit englober l’ensemble du système de traitement des
entreprises en difficulté
difficulté : La loi, la réglementation et les institutions ....................... .......................55
I.5. Jurisprudence et doctrine ..............................................
.....................................................................
.............................................7
......................7
I.6. Une note sur l’évaluation du système actuel et les données statistiques sur les
 procédures collectives
collectives....................
...........................................
...............................................
...............................................
.............................7
......7
I.7. Les normes et méthodologies d’évaluation internationales.....................
internationales .....................................10
................10
I.8. Droit comparé ............................................
...................................................................
..............................................
.......................................11
................11
PARTIE II : Questions spécifiques à aborder.............................
aborder...........................................
............................
..................13
13
II.1. Équilibrer les droits et obligations des créanciers et des débiteurs..........................13
débiteurs..........................13
II.2. Les tribunaux de commerce.......................
commerce ..............................................
..............................................
.......................................16
................16
II.3. Les syndics : Nécessité d’assurer une meilleure sélection, formation, supervision,
compensation et motivation ..............................................
.....................................................................
.......................................16
................16
II.4. La prévention (Articles 548 à 559) ...............................................
......................................................................
...........................18
....18
II.5. Commencement de l’action en justice et des procédures de redressement et de
liquidation (Articles 560-570 et 637-701) ...........................................
...............................................................19
....................19
II.6. Redressement (Arts. 571-618) et perspectives comparatives sur la
« Réorganisation » et la Sauvegarde.................................
Sauvegarde........................................................
.......................................20
................20
II.7. Autres sujets...................................
sujets..........................................................
...............................................
...............................................
...........................23
....23
Conclusion ..........................
........................................
............................
...........................
...........................
...........................
...........................
.....................25
.......25
Bibliographie de la réforme de la loi relative aux entreprises en difficulté difficulté .........27
La réforme des procédures de traitement des difficultés de l’entreprise au Maroc

LISTE DES ABRÉVIATIONS ET ACRONYMES


BERD Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement
CIMAR Centre International de Médiation et d’Arbitrage de Rabat
CNUDCI Commission des Nations Unies pour le Droit Commercial
International
DFID UK Department for International Development 

EU Etats-Unis
MARC Modes Alternatifs de Résolution de Conflits
MJ Ministère de la Justice
OHADA Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires
RRNC Rapport sur le Respect des Normes et des Codes
SFI Société Financière Internationale
USAID Agence Américaine pour le Développement International
La réforme des procédures de traitement des difficultés de l’entreprise au Maroc

INTRODUCTION

Ce rapport, élaboré par le Programme « Amélioration du Climat des Affaires au


Maroc » de l’USAID (le « Programme ») a pour ambition de participer au soutien
du processus de réforme des procédures de traitement des difficultés de
l’entreprise engagé par le Royaume. Il s’adresse à toute personne concernée par
cette réforme, y compris les officiels, les parlementaires, les magistrats, les juristes,
les universitaires, les hommes d’affaires, les investisseurs et les banquiers. Il vise à
identifier les principaux problèmes auxquels se confronte le processus de réforme
et à examiner les approches possibles pour les résoudre.
Ce rapport ne propose pas d’amendements du texte juridique régissant le
traitement des difficultés de l’entreprise (le livre V du Code de commerce, Loi No.
15-95 du 1er  août 1996), pas plus qu’il ne recommande d’approche technique
particulière. Il s’inscrit plutôt dans une optique d’accompagnement des efforts
déployés actuellement par les experts marocains en vue d’améliorer les procédures
collectives, et ce, en citant les ressources internationales et comparatives
disponibles, et en soulignant quelques-uns des défis à relever.
Le rapport ne prétend pas non plus fournir une évaluation détaillée du système de
traitement des entreprises en difficulté tel qu’il se présente aujourd’hui au Maroc. Il
s’appuie sur les travaux du Programme/USAID qui collabore avec des experts
marocains et étrangers en droit commercial depuis plusieurs années et il se penche
en particulier sur la réforme des procédures collectives en faisant référence à des
documents déjà élaborés sur le sujet. Il s’appuie également sur une série
d’entretiens que les auteurs ont conduits en mars 2008, avec des officiels, des
magistrats, des juristes, des universitaires, des hommes d’affaires et des banquiers
afin d’identifier les principaux problèmes et préoccupations auxquels les
« utilisateurs » du système sont confrontés.
La première partie de ce rapport décrit brièvement certaines considérations
générales, stratégies et ressources se rapportant au processus de réforme du droit
des entreprises en difficulté, proposant des actions éventuelles ou des étapes à
suivre. La deuxième partie se penche sur quelques réformes juridiques,
réglementaires et institutionnelles spécifiques qui devront être vraisemblablement
discutées, sans pour autant prétendre donner une liste exhaustive des questions
techniques ni établir les priorités de la réforme.
N’hésitez pas à contacter le Programme ( contact@climatdesaffaires.ma ) ou Rémy
Kormos ( rkormos@dpkconsulting.com  pour toute question ou commentaire
relatifs à ce rapport.
La réforme des procédures de traitement des difficultés de l’entreprise au Maroc

PARTIE I: CONSIDERATIONS GENERALES RELATIVES AU PROCESSUS DE


REFORME

I.1. Les défis de la réforme des procédures collectives


Le droit des entreprises en difficulté est un domaine du droit commercial difficile à
aborder car il s’agit non seulement d’un domaine hautement technique, spécialisé et
difficile que peu de professionnels maîtrisent, mais aussi car il implique d’énormes
enjeux politiques, sociaux et économiques. La réforme d’un système de traitement
des entreprises en difficulté est beaucoup plus exigeante, par exemple, que la
réforme du droit des sociétés ou l’élaboration d’un projet de loi sur la médiation.
Les défis techniques découlent du fait qu’un système moderne de traitement des
entreprises en difficulté comporte de nombreux acteurs : l’entreprise en difficulté,
la direction, les salariés et les actionnaires de ces entreprises, leurs créanciers, les
magistrats, juristes et autres professionnels qui traitent les dossiers et même les
communautés où sont implantées ces entreprises. D’où la difficulté d’équilibrer
équitablement les différents droits, obligations et intérêts.
La réforme du cadre juridique relatif aux entreprises en difficulté est, par essence, à
tendance politique, en raison de son incidence sur des intérêts financiers,
économiques et politiques. Ceci est tout aussi vrai pour les pays en développement
que pour les pays industrialisés. C’est ainsi qu’en France et aux Etats-Unis, la
réforme des procédures collectives ou de la « bankruptcy » a suscité la polémique
tout en posant des défis techniques d’envergure. 1  En effet le diagnostic des
problèmes est complexe; ces problèmes sont diversement perçus par les différents
intervenants et le processus d’identification des solutions éventuelles est difficile
car il nécessite un équilibrage prudent des intérêts publics et privés qui sont parfois
en conflit. 2 La loi, les décrets et les institutions qui encadrent et mettent en œuvre
les procédures collectives n’existent pas de manière isolée : au contraire, il existe un
grand nombre d’interconnexions comme c’est le cas avec les règles de
nantissement du droit civil, la procédure civile, le droit des sociétés commerciales,
le droit social, la réglementation bancaire ou encore le droit fiscal.

1 Pour une description du lobbying et de la polémique engagée aux EU pendant les réformes de 1978, voir Bruce G.
Carruthers & Terence C. Halliday, Professionals in Systemic Reform of Bankruptcy Law: The 1978 U.S. Bankruptcy Code and
the English Insolvency Act of 1986 , 74 AM. B ANKR . L.J. 35 (2000). Les réformes de 2005 aux EU ont également été
critiquées comme étant mal rédigées et qualifiées de produit du lobbying par les principaux émetteurs de cartes de
crédit. En France, les amendements de 2005 introduisant la procédure de « sauvegarde » (Loi n° 2005-845 du 26
juillet 2005) ont été considérés par certains sénateurs comme excessivement favorables aux créanciers et furent
contestés au Conseil constitutionnel français, mais sans succès.
2 Ahmed El Hajjami, Réflexions sur la nécessité de refonte du livre V du code de commerce, Rapport du Colloque
organisé par le Ministère de la Justice et le Projet de modernisation des lois commerciales et des juridictions de
La réforme des procédures de traitement des difficultés de l’entreprise au Maroc

(y compris semble-t-il des experts étrangers) impliqués dans l’élaboration de la


nouvelle loi en 1995-1996 ont choisi de "transplanter" une version légèrement
simplifiée des deux lois françaises régissant les entreprises en difficulté. 7  Cette
transplantation n’a cependant pas pris suffisamment en compte les cadres
institutionnels existants, tels que le système judiciaire ou le contexte économique et
juridique marocain.8  De plus, les auteurs de la réforme de 1996 n’ont pas
suffisamment pris en considération le contexte socio-économique dans lequel la loi
française fonctionne. Par exemple, la France propose toute une série d’aides aux
entreprises en difficulté par le biais de fonds régionaux et locaux, des aides qui sont
inexistantes au Maroc.
Une autre insuffisance du processus de réforme de 1996 est que les auteurs de la
réforme se sont basés principalement sur le texte législatif français sans
suffisamment prendre en considération le cadre réglementaire français (par
exemple les décrets d’application) ni la jurisprudence française en vigueur. En
conséquence, les dispositions juridiques marocaines sont incomplètes et les juges
des juridictions commerciales au Maroc ont été obligés de développer toute une
jurisprudence afin d’essayer de combler les failles. De plus, le cadre réglementaire
pour le traitement des entreprises en difficulté est quasiment inexistant et les
institutions et les professions chargées de la mise en œuvre de la loi n’ont pas
bénéficié de l’encadrement nécessaire.
Recommandations / Étapes suivantes:

- L’assistance technique des bailleurs de fonds étrangers peut soutenir l’action des
experts marocains en leur fournissant des ressources et des idées en la matière.
Mais c’est aux experts nationaux, familiers avec le contexte local, les pratiques et
les institutions qu’incombent l’évaluation, la conception, l’élaboration et la mise
en application des réformes.
I.4. Le processus de réforme doit englober l’ensemble du système
de traitement des entreprises en difficulté : La loi, la
réglementation et les institutions
La plupart des travaux de réforme entrepris à ce jour au Maroc se sont concentrés
sur les insuffisances du texte de la loi, proposant des amendements éventuels, c’est-
à-dire la réforme juridique.9   Ce travail, tout aussi important que pertinent, a été

7
 Les modèles français transplantés comprennent la Loi n° 84-148 du 1 er mars 1984 (introduisant
la procédure de « prévention »), les Lois n° 85-88 et 85-89 du 25 janvier 1985 (une révision
substantielle de la loi sur le traitement des entreprises en difficulté en matière de redressement et
de liquidation).
8
 Ahmed El Hajjami, Réflexions sur la nécessité de refonte du livre V du code de commerce, Rapport
Colloque USAID 2005, p.2.
9
  Voir, à titre d’exemple, Ahmed El Hajjami, Entreprises en Difficultés: Propositions
La réforme des procédures de traitement des difficultés de l’entreprise au Maroc

déterminant pour le lancement du processus de réforme et devra


 vraisemblablement se poursuivre. Mais d’autres recherches et analyses similaires
devront être entreprises sur les problèmes et les défis se rapportant à la mise en
application de la loi, y compris au niveau du cadre réglementaire et au niveau du
renforcement du fonctionnement des institutions. L’absence de décrets
d’application relatifs au Livre V semble avoir donné lieu, par exemple, à plusieurs
problèmes de mise en œuvre. 10   L’évaluation, menée en 2006 au Maroc par la
Banque Mondiale, sur le système de traitement des difficultés de l’entreprise, a
conclu que bon nombre des domaines prioritaires de réforme ne se rapportent pas
principalement à la législation mais plutôt à son application par les tribunaux (cadre
institutionnel) et, à la réglementation et la formation des professionnels dans le
domaine des procédures collectives (cadre réglementaire).11   Cette question a été
rappelée de façon constante au cours des récentes réunions du Programme avec les
parties concernées au Maroc.
Recommandations / Étapes suivantes:

-  Avant de se lancer dans les réformes juridiques, les participants à ce processus


doivent analyser et convenir attentivement des lacunes ou des problèmes qui
pourraient être abordés au niveau de la réglementation plutôt que de la loi.
L’absence de toute règle relative à la formation, la nomination, la supervision, la
compensation ou la discipline des syndics est un exemple concret d’un cadre
réglementaire essentiel « manquant »; d’autres exemples sont aussi discutés ci-
après. Une première mesure à prendre serait d’examiner les décrets
d’application en vigueur en France en 1996, puisque c’est la loi française qui a
servi de modèle à la loi marocaine.
- Les aspects institutionnels du système de traitement des difficultés de
l’entreprise doivent également être évalués soigneusement dès le début de la
réforme. Par exemple, la mise en place d’un cadre institutionnel pour la
supervision des syndics et autres professionnels semi-indépendants pourrait
beaucoup aider au fonctionnement du système. Les capacités institutionnelles
des tribunaux de commerce à traiter les dossiers de procédures collectives
pourraient être renforcés grâce à l’amélioration de la gestion interne des
dossiers et la formation initiale et continue, des juges et des greffiers, dans des
domaines tels que la comptabilité et la gestion d’entreprise.

Climat des Affaires au Maroc de l’USAID (2007). Il semble que d’autres bailleurs de fonds ont
également proposé des projets d’amendements et que les experts en droit commercial marocain
travaillent également sur des amendements.
10
  L’absence de décrets d’applications a été décrite par Prof. Mustapha Bentahar comme une
absence flagrante de mesures d’accompagnement   dans son article intitulé « La Protection des créanciers
dans les procédures collectives : mythe ou réalité? » Revue marocaine de droit, d’économie & de
gestion, No. 53 (2008), p. 67.
11
  Banque Mondiale, Rapport sur le Respect des Normes et des Codes (RRNC) : Maroc, les
La réforme des procédures de traitement des difficultés de l’entreprise au Maroc

I.5.  Jurisprudence et doctrine


 Au cours de ces dernières années, les tribunaux de commerce ont rendu des
jugements qui portent sur quelques unes des défaillances du cadre juridique et ont
résolu des questions portant sur l’application de la loi relative aux entreprises en
difficulté. Des professeurs universitaires dans plusieurs facultés de droit du
Royaume ont, pour leur part, entrepris l’analyse de nombreux aspects de
l’application des règlements marocains en matière de procédures collectives.
Recommandations / Étapes suivantes:

- La jurisprudence en vigueur concernant les entreprises en difficulté ainsi que les


textes doctrinaux doivent être rassemblés, organisés par domaine de procédures
collectives et mis à la disposition de tous les participants dans le processus de
réforme. Il semble qu’une bonne partie de ce travail a déjà été faite. Par
exemple, dans un article Mohamed Jaouhar a élaboré un tableau de la
jurisprudence du Tribunal de Commerce de Casablanca et de la Cour d’Appel. 12
Cet article présente également à une bibliographie, en annexe, qui énumère
plusieurs articles et études sur les procédures collectives au Maroc réalisés par
des universitaires, des avocats et des professionnels de la finance.
I.6. Une note sur l’évaluation du système actuel et les données
statistiques sur les procédures collectives
L’examen des études et des articles disponibles sur la loi relative aux entreprises en
difficulté, ainsi que les entretiens menés en 2008 par les auteurs donnent à penser
que les questions clés ont d’ores et déjà été identifiées. Sur certains points, il y a
consensus pour convenir que le système ne fonctionne pas comme prévu : par
exemple, la procédure de prévention n’est pas appliquée efficacement. Sur d’autres
questions, certaines parties plaident en faveur de réformes spécifiques : par
exemple, les représentants du secteur bancaire étudient actuellement des
propositions susceptibles d’accroître la participation des créanciers.
Par contre, il ne semble pas que des données statistiques détaillées sur le traitement
des dossiers d’entreprises en difficulté soient disponibles.
Des statistiques généraux sur les le nombre de procès et types de dossiers traités
par les tribunaux et de commerce ainsi que les cours d’appel de commerce existent
et donnent un aperçu sur les activités de ces juridictions spécialisées. 13 En 2007,
119,695 nouveaux procès (toutes catégories) ont été enregistrés, 155, 525 étaient en

12
  Mohamed Jaouhar, « Les sanctions applicables aux dirigeants des entreprises en difficulté,
Revue marocaine de droit, d’économie & de gestion, No. 53 (2008), p. 101.
13
Source: Ministère de la justice, décembre 2008. Sept catégories ont été recensées : référés,
ordonnances d’injonction de payer, ordonnances sur requête, procès de fond, distribution à
La réforme des procédures de traitement des difficultés de l’entreprise au Maroc

perdent confiance dans le système de traitement des difficultés, ce qui contribue, à


son tour, à limiter le crédit disponible et, par extension peut-être, le développement
économique plus généralement.
Il existe plusieurs explications possibles à cet état de fait. Les unes se rapportent à
l’application même de la loi. Par exemple, les débiteurs de mauvaise foi et leurs
conseillers juridiques ont trouvé des stratagèmes tels que celui « d’omettre » des
créanciers de la liste des créances afin de retarder l’action en justice et susciter les
litiges (voir ci-dessous pour plus d’exemples). Les juges et syndics sont souvent
incapables de dépister les requêtes abusives de dépôt de bilan, et ce, en raison du
manque de transparence des rapports financiers et de l’insuffisance de leur
formation et des ressources disponibles.
Certains experts soulignent qu’une partie du problème réside peut-être dans le fait
que le Maroc ne possède pas, contrairement à la France, d’un grand nombre de
mécanismes de contrôle et de soutien aux entreprises en difficultés, comme par
exemple de comités nationaux, régionaux et locaux qui offrent aux entreprises en
difficulté des aides financières et des conseils en matière de financement et de
restructuration. 25   L’existence d’un système efficace de soutien susceptible d’aider
les entreprises en difficulté à se remettre à flot —comme celui en France— peut
justifier des dispositions « pro-débiteurs » dans la loi, dans la mesure où le système
fonctionne efficacement et que les créanciers sont finalement remboursés, ne fût-
ce que partiellement. En revanche, si la majorité des entreprises se servent des
dispositions « pro-débiteurs » de la loi comme un bouclier contre les créanciers
pendant les procédures collectives mais se heurtent finalement à l’échec, les
créanciers (qui ne reçoivent aucun remboursement) auront légitimement le droit de
se plaindre de l’iniquité du système. Il s’agit là d’un exemple des risques que
comporte la transplantation d’une loi (française en l’occurrence) vers un contexte
juridique et économique différent (au Maroc).
Le déséquilibre entre les droits des débiteurs et des créanciers trouve son
explication dans le texte et la structure de la loi actuelle qui, comme indiqué ci-
dessus, reflète la politique française des années 80 qui est intentionnellement pro-
débiteurs. Dans l’hypothèse où le Maroc choisit d’amender le cadre juridique actuel
plutôt que de procéder à une restructuration radicale, et dans l’hypothèse que la
décision est prise de modifier l’équilibre des droits et obligations en accordant
davantage de droits aux créanciers, de nombreuses options sont possibles. En fait,
de nombreux experts marocains ont déjà formulé des réformes juridiques
25
  Ceux-ci comprennent le Comité interministériel de restructuration, le Comité régional de
restructuration industrielle et le Comité départemental d’examen des problèmes de financement
d’aide aux entreprises. Mustapha Bentahar, La protection des créanciers dans les procédures collectives:
mythe ou réalité ? , Revue marocaine de droit, d’économie & de gestion, No. 53 (2008), p.67. On
pourrait également citer le faite que pour beaucoup de PME au Maroc, les bilans ne sont pas
toujours fiables, un fait qui rend beaucoup plus difficile la mise en œuvre des procédures
La réforme des procédures de traitement des difficultés de l’entreprise au Maroc

spécifiques, destinées à mieux équilibrer les droits des débiteurs et des créanciers.
Les quelques exemples ci-dessous en sont une illustration :
-  Abolir la « guillotine » de la déclaration des créances : Il convient de réviser le
système entier de la déclaration des créances afin que les créanciers soient
mieux avisés et protégés. 26  Le système actuel autorise beaucoup trop d’abus par
les entreprises débitrices et impose aux créanciers des formalités, selon certains,
injustifiées.
-  Accroître la participation des créanciers durant la procédure de redressement,
notamment en leur donnant accès à d’avantage d’information financière sur le
débiteur, et en mettant en place des mécanismes efficaces pour les représenter,
en leur permettant de participer à la préparation du plan et/ou en prévoyant des
mécanismes de vote des créanciers. 27  Il convient de noter que le représentant
des créanciers, en droit français, n’a pas été inclus dans le cadre juridique
marocain en 1996. Or si la loi marocaine prévoit qu’un contrôleur participe en
qualité de représentant des créanciers, celui-ci ne bénéficie d’aucun accès à
l’information du débiteur et ne participe pas à l’approbation du plan de
redressement. De plus, les créanciers marocains ne désignent pas souvent de
contrôleur et, le cas échéant, il ne représenterait souvent que les intérêts d’un
seul créancier.
-  Améliorer la qualité du rapport du syndic / plan de redressement. L’étude des
rapports des syndics laisse penser que les syndics ont parfois tendance à
surestimer la capacité financière de l’entreprise à poursuivre ses activités et
remplir ses obligations. En conséquence, certaines entreprises qui auraient dû
être rapidement liquidées se retrouvent engagées dans des procédures
interminables de redressement.28
- Revoir les délais prévus dans la loi pour les procédures collectives. Le Livre V
prévoit tout un ensemble de délais stricts, mais les sanctions pour les délais non
respectés visent généralement que les créanciers et pas les autres acteurs
(l’entreprise débitrice, le syndic, le tribunal). 29

26
 Id.
27
 Compte tenu de la loi marocaine, ces propositions peuvent paraître révolutionnaires, mais ces
mécanismes, inspirés par la US Chapter 11 reorganization , ont été adoptés en France pour la
nouvelle procédure de sauvegarde, laquelle prévoit des comités de créanciers, permet aux
créanciers de participer à l’élaboration du plan et leur accorde le droit de l’approuver (par vote à
la majorité).
28
 Mohammed El Idrissi, Les effets de la procédure de redressement judiciaire sur les intérêts de la banque ,
Colloque MJ-USAID 2005.
29
La réforme des procédures de traitement des difficultés de l’entreprise au Maroc

II.2. Les tribunaux de commerce


Les magistrats chargés des dossiers de procédures collectives jouent un rôle central
dans l’application de la loi sur les entreprises en difficulté. Ainsi, les réformes
judiciaires en général, la formation et les autres initiatives susceptibles d’aider les
magistrats des tribunaux de commerce dans l’exercice de leurs fonctions
profiteront également au système de traitement des difficultés de l’entreprise.
Lorsque les tribunaux de commerce ont été créés au Maroc en 1997 (un an après la
promulgation de la loi sur les entreprises en difficulté), ils étaient dotés de juges
ayant le même statut et la même formation que leurs collègues des juridictions
civiles et pénales. 30   Or, ce choix est très différent du modèle français où les
« juges » des tribunaux de commerce, qui sont des juridictions consulaires, ne sont
pas des magistrats mais des hommes d’affaires élus par la chambre de commerce
locale. 31 Le législateur français a prévu que le droit des entreprises en difficulté
sera appliqué par des hommes d’affaires et non par des magistrats professionnels.
Ces « juges » en droit français ont un rôle central dans la prise des décisions de
nature économique tant que juridique, comme, par exemple, décider s’il faut
procéder au redressement ou à la liquidation, ou si un plan de redressement est
possible.
Les réformes de 1996 et 1997 auront, semble-t-il, occasionné une sorte de
« déconnexion » au Maroc lorsque le cadre juridique basé sur la loi française a été
adopté, alors qu’un cadre institutionnel (c.-à-d. un système de tribunal de
commerce avec des magistrats juristes) entièrement différent était prévu. Cela ne
 veut pas dire qu’affecter des magistrats aux tribunaux de commerce était mal
orienté—le même choix a été fait aux Etats-Unis. Mais la déconnexion entre le
cadre juridique d’inspiration française d’une part, et un cadre institutionnel
complètement différent débouche, cependant, sur un système qui demande aux
juges des tribunaux de commerce marocains de prendre des décisions complexes
portant sur le management, la finance et le commerce en général, alors qu’ils n’ont
pas la formation requise ni l’expérience des hommes d’affaires. La solution à ce
problème résiderait probablement dans une combinaison de réformes juridiques
(en trouvant, par exemple, le moyen pour inciter les parties à négocier entre elles
en vue d’aboutir à une solution en dehors des procédures), de réformes
institutionnelles et de la formation judiciaire.
II.3. Les syndics : Nécessité d’assurer une meilleure sélection,
formation, supervision, compensation et motivation

30
 Dahir n° 1-97-65 du 12 février 1997.
31
 Code de l’Organisation Judiciaire, Articles 413-1 et suivants. Voir aussi Richard L. Koral &
Marie-Christine Sordino, The New Bankruptcy Reorganization Law in France  : 70 AM. B ANKR . L.J. 437
La réforme des procédures de traitement des difficultés de l’entreprise au Maroc

 Andrée Brunet, Propos critiques sur le projet de réforme du droit français de la faillite,  Bilan
de 8 ans d’application de la nouvelle législation des procédures collectives au
Maroc (Rapport du Colloque organisé par le Projet de modernisation des lois
commerciales et des juridictions de l’USAID (Rabat, 8-9 avril 2005).

Cherkaoui Hassania, Droit Commercial (2ème édition – 2003)

 Ahmed El Hajjami, Réflexions sur la nécessité de refonte du livre V du code de commerce ,


Bilan de 8 ans d’application de la nouvelle législation des procédures collectives au
Maroc (Rapport du Colloque organisé par le Projet de modernisation des lois
commerciales et des juridictions de l’USAID (Rabat, 8-9 avril 2005).

 Ahmed El Hajjami,  Entreprises en Difficultés: Propositions d’amendements du Livre V du


Code de Commerce, Publication Programme Amélioration du Climat des Affaires au
Maroc de l’USAID (2007).

Mohammed El Idrissi, Les effets de la procédure de redressement judiciaire sur les intérêts des
banques , Bilan de 8 ans d’application de la nouvelle législation des procédures
collectives au Maroc (Rapport du Colloque organisé par le Projet de modernisation
des lois commerciales et des juridictions de l’USAID (Rabat, 8-9 avril 2005).

Mimoun Cherqui, Obligation de prévention et risques des banques face aux entreprises en
difficultés , Bilan de 8 ans d’application de la nouvelle législation des procédures
collectives au Maroc (Rapport du Colloque organisé par le Projet de modernisation
des lois commerciales et des juridictions de l’USAID (Rabat, 8-9 avril 2005).

Leila Zouhry, Légitimité de la continuation des contrats en cours dans les procédures de
redressement , Revue marocaine de droit, d’économie et de gestion, No. 53 (2008), pp.
31-44.

Mohamed Jaouhar, Les sanctions applicables aux dirigeants dans le cadre des procédures
collectives , Revue marocaine de droit, d’économie et de gestion, No. 53 (2008), pp.
101-130.

Mohamed Jenkal,  Auxiliaires de justice : syndics, avocats et experts , Bilan de 8 ans


d’application de la nouvelle législation des procédures collectives au Maroc
(Rapport du Colloque organisé par le Projet de modernisation des lois
commerciales et des juridictions de l’USAID (Rabat, 8-9 avril 2005).
La réforme des procédures de traitement des difficultés de l’entreprise au Maroc

Documentation Comparée

Général (Juridictions multiples)

Les documents de travail du Sénat, Série Législation Comparée, La Sauvegarde des


entreprises en difficulté (Étude comparative du US Chapter 11, Allemagne,
 Australie, Canada, Espagne, Royaume Uni, Nouvelle Zélande et les Pays Bas.

 Tunisie

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