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"Zemmour a fait mal à ses adversaires en utilisant une

stratégie similaire à celle de Trump"


Pour Nicolas Baygert, "il y a un vrai souci" pour le président Macron actuellement.

©FLEMAL JEAN-LUC

Marie Rigot & Jonas Legge


Publié le 02-04-2022 à 11h45 - Mis à jour le 02-04-2022 à 11h46

Une pandémie sans précédent, une guerre sur le continent européen <
https://www.lalibre.be/international/europe/elections-france/2022/03/02/linvasion-
russe-redefinit-la-presidentielle-francaise-cest-une-excellente-nouvelle-pour-le-president-
de-la-republique-GXLZGKNBXNG2TE34UUJWVNRVXI/ > … Le contexte dans lequel s'est
déroulée la campagne présidentielle française aura été plus que particulier. Si certains
candidats en ont profité pour tirer leur épingle du jeu, d'autres ont particulièrement
souffert de cette situation singulière. Pour LaLibre.be < https://www.lalibre.be/ > ,
Nicolas Baygert, professeur de communication politique à l'Ihecs et Sciences Po Paris,
revient sur les moments forts et les flops politiques de ces dernières semaines au sein
de l'Hexagone.
Cette campagne présidentielle < https://www.lalibre.be/international/europe/elections-
france/2022/03/26/presidentielle-la-drole-de-campagne-sanime-enfin-un-peu-
C3PXGWVMEVAZTGCCPF7I7CG4SA/ > semble n'avoir jamais vraiment démarré. Les
candidats ont-ils tout de même réussi à attirer l’attention des électeurs ?

On ne saurait minimiser l'engouement observé autour de la candidature d'Eric Zemmour.


Ses meetings ont été de francs succès. Ces candidats qui apparaissent hors champ
politique, c'est ce qui a, lors de cette campagne 2022, constitué l'élément de nouveauté.
Les électeurs se retrouvent face à une offre politique originale. Mais il est vrai qu'il n'y a
pas réellement eu de campagne, le débat ne prend pas. Macron est resté en retrait. Il a
bien un meeting organisé ce samedi mais, dans l'ensemble, il a opté pour une sorte
d'obstruction. Beaucoup de candidats jugent que c'est une des pires campagnes au
niveau du fond, mais Jean-Luc Mélenchon trouve lui que c'est l'une des plus belles. Il
estime qu'il y a des offres politiques très claires, très radicales, qui permettent aux
citoyens de faire leur marché. Les offres de centre droit et de centre gauche qui étaient
dominantes ont perdu beaucoup d'importance. Les propositions radicales sont
davantage mises en avant par les médias que par le passé.

>> À lire également: "Le duo du second tour de la présidentielle


française est quasi sûr, mais une chose pourrait sauver Mélenchon" <
https://www.lalibre.be/international/europe/elections-
france/2022/03/26/le-duo-du-second-tour-de-la-presidentielle-
francaise-est-quasi-sur-mais-une-chose-pourrait-sauver-melenchon-
6NYAGFYR3JCLZIQ62WB5L7XWDU/ >
A-t-on pu observer de nouvelles pratiques ou tendances malgré tout ?

Auparavant, la campagne présidentielle constituait le temps fort de la communication


des politiques. Or, cette fois, nous sommes dans une campagne de communication
permanente qui a démarré au lendemain du second tour en 2017. Jean-Luc Mélenchon
ou Marine Le Pen n'ont jamais cessé de se comporter en candidats. Avant, tout passait
par les chaînes traditionnelles et les principaux quotidiens, qui donnaient le ton.
Aujourd'hui, les règles du jeu ont changé. La nouvelle génération de leaders populistes a
fait bouger le centre de gravité vers les réseaux sociaux, qui récompensent les contenus
plus radicaux et pénalisent les politiques plus modérés. Dans les nouveautés, on
constate aussi une prime à l'amateurisme : plus les images donnent l'impression d'être
tournées avec un smartphone, sans travail léché, plus elles donnent un caractère
authentique au candidat. Il parait plus crédible dans sa communication. Les codes du
web prennent le dessus sur la communication politique classique.

En télévision, l’émission de Cyril Hanouna < https://www.lalibre.be/culture/medias-


tele/2021/04/23/cyril-hanouna-animateur-debat-lors-de-la-presidentielle-2022-cest-
quelquun-de-brillant-qui-connait-la-societe-francaise-
JDAOQZ6G7ZCCDA6MXGPCWFRAWA/ > a joué une place prépondérante dans cette
campagne. Etes-vous surpris par son impact ?

Les derniers dispositifs médiatiques qui fonctionnent pour créer le débat sont proposés
par des personnalités du divertissement. Les émissions d'Hanouna sont dans la
dramatisation, cherchent à créer un clash, un moment de télévision. On n'est pas dans
l'explication mais dans la confrontation radicale des points de vue avec un animateur
qui compte les points. Hanouna n'est pas dans une démarche journalistique de
recadrage. Au contraire, il cherche la conflictualité renforcée.

C'est plutôt favorable à des candidats extrêmes...

Quand vous avez un discours plus modéré, plus complexe, comme Yannick Jadot, vous
êtes forcément moins dans la pensée slogan ou dans une forme de démagogie
télévisuelle facilement mise en place. Les médias comme TPMP vont plutôt chercher de
tels invités qui maîtrisent les codes du spectacle <
https://www.lalibre.be/culture/medias-tele/2022/03/24/marion-marechal-recadre-cyril-
hanouna-apres-une-question-sur-marine-le-pen-je-ne-vais-pas-parler-de-ma-vie-familiale-
et-personnelle-ici-MWOJ2XLZVFCV7HQ56IZL3YR2XE/ > . Si vous n'êtes pas un bon
performeur, vous paraissez fade. Que vont alors faire les candidats de centre droit ou de
centre gauche ? Jouer sur leur personnalité. Valérie Pécresse va parler de sa vie, de sa
jeunesse.

Les candidats se comportent-ils différemment sur les chaînes traditionnelles ?

Sur TF1 ou France Télévisions, on a plutôt pu voir du "stand up politique", avec des
candidats qui déroulent leurs discours ou qui répondent aux questions des journalistes,
mais sans être dans le clash ou la confrontation et donc sans vraiment être mis en
difficulté. On a aussi vu que lorsque des candidats s'opposent, comme Zemmour et
Pécresse sur TF1, on est très vite dans l'invective. Il n'y a donc plus cette culture de
l'argumentation, de la pédagogie du candidat qui est capable de convaincre dans un
contexte plus ou moins hostile. Ca ne laisse rien présager de bon pour le débat du
second tour.

Quel est le principal flop de communication dans cette campagne ?

Le flop absolu, c'est celui de la primaire populaire. Cette espèce de dynamique


plébiscitaire qui était censée aboutir à une candidature commune à gauche a désigné
Christiane Taubira. Le problème, c'est qu'elle n'était absolument pas préparée, pas
tacticienne, et qu'elle n'avait d'autre stratégie que combattre l'extrême droite. Cette
"gauche castor", qui ne fait rien d'autre que barrage, ne suffit plus pour fédérer. On trouve
un autre flop du côté des écologistes : depuis sa défaite à la primaire, Sandrine
Rousseau < https://www.lalibre.be/international/europe/elections-
france/2022/03/03/sandrine-rousseau-exclue-de-lequipe-de-campagne-de-yannick-
jadot-O7ODXE5R7BFVDOIQZHOHRBI2KM/ > n'a fait que torpiller, saboter la campagne
de Yannick Jadot < https://www.lalibre.be/international/europe/elections-
france/2022/03/04/pour-le-candidat-ecologiste-yannick-jadot-cest-la-faute-a-rousseau-
OFAJBJ23VNBS3AJHQP4M2MSEXM/ > . Du coup, lui se sent obligé de radicaliser son
discours pour coller à l'agenda ultra progressiste de Sandrine Rousseau. De façon
générale, c'est une gauche zombie, incarnée par Anne Hidalgo, qui ne comprend pas la
crise existentielle qu'elle est occupée à traverser.
Présidentielles 2022 : Christiane Taubira gagnante de la Primaire populaire.

Quels ont été les temps forts ?

Le temps fort, c'est le déclenchement de la guerre en Ukraine. Cette crise géopolitique a


saturé l'espace médiatique et a plongé l'opinion publique dans un état de choc. C'était le
sujet le plus discuté par les Français. A ce moment, on se disait que la campagne était
terminée, que l'effet d'aubaine pour Macron était trop important. Mais ce sont les
conséquences de la guerre en Ukraine, dont le pouvoir d'achat, qui ont repris le dessus.
Et Macron a perdu de son prestige de chef de guerre. C'est plutôt inquiétant pour lui, qui
avait presque instrumentalisé la communication présidentielle pour sa campagne.

N'a-t-il pas été trop loin en se faisant photographier avec sa barbe de quelques jours et
son pull à capuche noir à l'Elysée pour montrer son implication dans le conflit ?

Ce sont les photos de Soazig de La Moissonnière <


https://www.instagram.com/soazigdelamoissonniere/?hl=fr > , qui est la photographe
de Macron depuis déjà quelques années. Elle est très inspirée par Pete Souza, qui était
le photographe de Barack Obama. Sauf que Pete Souza capturait toujours de vrais
moments. Ici, avec Macron, ça sonne totalement faux, c'est de la mise en scène. On voit
bien qu'il s'agit de vendre à l'opinion l'image d'un président en guerre, comme l'est
Zelensky. Mais il est devenu la risée du web et de la presse internationale. Le magazine
conservateur britannique The Spectator < https://www.spectator.co.uk/article/macron-
the-reverse-zelensky > qualifiait la scène de la sorte : "Macron, le Zelensky inversé. L'un
est un comédien devenu président. L'autre est un président devenu comédien".
Macron baisse dans les sondages. Sa stratégie de ne pas entrer en campagne est-elle
en train de s’effriter ?

Pour le moment, il y a un vrai souci. Il a dû renoncer à l'utilisation de son compte Twitter


pour diffuser ses messages de candidat <
https://www.lalibre.be/international/europe/elections-france/2022/03/11/macron-
oblige-de-retirer-de-son-compte-twitter-la-lettre-dans-laquelle-il-annonce-sa-candidature-
a-la-presidentielle-HXXZLL63ORD63K5DCCZMPSVNGU/ > . Il doit officiellement
distinguer ce qui relève du président et ce qui relève du candidat. En plus, il est rattrapé
par le McKinseyGate < https://www.lalibre.be/international/europe/elections-
france/2022/03/31/presidentielle-francaise-quelle-est-cette-polemique-mckinsey-qui-
eclabousse-emmanuel-macron-MSOITLPVE5EQJN74JSTFRVULDU/ > . L'opposition
insiste pour capitaliser sur ce sujet. On se rappelle l'impact sur François Fillon du
PenelopeGate en 2017. Or, ici, on est dans des proportions plus importantes. Macron
doit faire attention à l'incendie que pourrait créer ce scandale. Le sujet pourrait
commencer à s'inviter dans les conversations des gens. Ces affaires autour de Macron
sont un temps fort de cette fin de campagne car le président paraissait jusqu'ici
totalement intouchable et déjà réélu.

Il a sorti une websérie sur les coulisses de sa campagne <


https://www.youtube.com/playlist?list=PLOitQA7zrTQXWoKZ5a-DcUOtvO3yV4AbS > .
Bonne idée, cet usage d’un format plutôt fictif ?

C'est un objet promotionnel qui est présenté comme un documentaire. Il n'y a pas
beaucoup d'intérêt. On est dans une sorte d'esthétique léchée qui emprunte certains
codes des séries Netflix. L'idée, c'est de mettre en avant l'intimité du candidat, afin de
compenser le manque d'empathie, qui est souvent reproché à Emmanuel Macron. Il
avait tenté, une première fois, l'exercice en 2017 avec un documentaire sur sa
campagne. Il avait déjà démontré à l'époque qu'il était le maître du faux off, c'est-à-dire
des moments qui ont l'air authentiques alors qu'ils sont ultra scénarisés. Je ne sais pas
pourquoi Macron continue dans ce format de campagne pastel.

Marine Le Pen semble ne pas être la même candidate qu’en 2017. Elle a notamment
adouci son ton. Partagez-vous ce constat ?
Tout à fait. C'est l'aboutissement de la dédiabolisation qui a été entamée par Marine Le
Pen en 2003, quand elle a pris les commandes de la communication politique du parti.
Le processus a clairement été parachevé grâce à l'entrée en campagne d'Eric Zemmour,
qui a diminué le coût d'adhésion à la radicalité. On constate aujourd'hui qu'elle mise
beaucoup sur son capital sympathie, qu'elle soigne sa stature de candidate
présidentiable. Elle a choisi comme thème de campagne le pouvoir d'achat et non pas
l'immigration, comme l'auraient fait Jean-Marie Le Pen ou elle-même auparavant.

Pour la première fois <


https://www.lalibre.be/international/europe/2022/03/28/presidentielle-francaise-un-
sondage-donne-jean-luc-melenchon-ou-marine-le-pen-face-a-macron-au-second-tour-
6MOHV35FF5EKDBNMRE4ESMHLSE/?
cx_testId=27&cx_testVariant=cx_1&cx_artPos=0#cxrecs_s > , un sondage la donne très
proche de Macron au second tour <
https://www.lalibre.be/international/europe/elections-france/2022/04/01/il-se-passe-
quelque-chose-quil-ne-setait-pas-encore-produit-auparavant-jean-michel-apathie-
explique-pourquoi-marine-le-pen-a-ses-chances-a-la-presidentielle-
43H6MIE6LBCSJCX44VRDGANSYE/ > . Cette perspective crée la panique du côté des
équipes de com' de Macron. On bascule donc à nouveau vers une tentative de
diabolisation de dernière minute de Marine Le Pen, qui ne marchera probablement pas.
Elle dispose, qui plus est, d'un réservoir de voix pour le second tour, à la fois du côté de
Zemmour mais également de Mélenchon s'il ne passe pas. Elle partage tout de même
avec le candidat d'extrême gauche un certain nombre de points communs très sociaux.

Les défections et ralliements à Zemmour ont-ils mis à mal la campagne de Marine Le


Pen ?

Le ralliement de la nièce de Marine Le Pen, Marion Maréchal <


https://www.lalibre.be/international/europe/elections-france/2022/03/06/le-ralliement-
de-marion-marechal-a-eric-zemmour-pas-forcement-gagnant-
6MVYDTPGCZDVLAMM2FJUML33MM/ > , aurait dû être le clou de son cercueil, mais il
est arrivé trop tard. Les gens n'étaient déjà plus dans la surprise. Cela n'a pas
démoralisé suffisamment le camp du Rassemblement national pour vraiment impacter
sa campagne. Il n'y a pas eu d'impact dans les sondages. A un moment, on se disait
qu'il y avait tellement de défections <
https://www.lalibre.be/international/europe/elections-france/2022/03/03/meme-le-fief-
de-le-pen-est-tente-par-zemmour-KFOGSYOBAFD3ZLWPS6CVWZC6VE/ > que Le Pen
allait peut-être faire un pas de côté, en disant qu'elle n'était pas la bonne candidate cette
année. Mais finalement, les trahisons et la souffrance personnelle exposées au grand
jour l'ont avantagée. Elle souffre d'une forme de mépris de classe, mais qui authentifie le
fait qu'elle est la candidate du peuple. Elle joue du fait que les "intellos" de droite et
d'extrême droite rejoignent Zemmour, tandis qu'elle est là pour protéger les Français.
Elle a finement joué le coup. Elle n'a pas trop été pleurnicher sur les plateaux, mais a
quand même profité de cette image de femme "trahie", qui tient bon.

Marion Marechal et Eric Zemmour lors d'un meeting de campagne à Toulon. ©AP

À l'inverse de Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon semble faire une campagne


similaire à ses précédentes, sans prendre de risque. Il fait toujours appel aux mêmes
outils technologiques, son programme n'a presque pas changé… Est-ce étonnant ?

Non. Jean-Luc Mélenchon n'a jamais accepté sa défaite au premier tour en 2017. Il a
entamé sa campagne à ce moment-là. Il a un contre-modèle de société qu'il a continué
à consolider tout au long du mandat de Macron. Même s'il a commis pas mal d'erreurs
de communication durant cette période, Mélenchon a un énorme avantage par rapport
aux autres candidats de gauche: il a bossé. Il est le seul à gauche à avoir aujourd'hui
cette stature présidentiable < https://www.lalibre.be/international/europe/elections-
france/2022/03/31/melenchon-le-troisieme-homme-qui-se-reve-au-second-tour-
LZNLPJAZ7FGJ5IYUFQF3ZP6R6M/ > . Il a choisi la ligne radicale et il ne l'a jamais
quittée. Ce n'est pas quelqu'un qui cherche à rassembler, même pas à gauche. Il estime
qu'il a son audience, qu'il ne voit pas comme étant encartée ou inféodée à un parti
politique. C'est le peuple. Il a toutefois réussi à quelque peu rajeunir son programme et à
intégrer des éléments qui normalement sont propres à la gauche plus traditionnelle ou
aux Verts. Il leur a piqué des parts de marché. On voit que la stratégie de Mélenchon
porte davantage ses fruits aujourd'hui que l'union des gauches à laquelle il a refusé de
participer dès le départ.

À Nantes, Mélenchon refuse toute idée d'union à gauche

Après son meeting catastrophique, Valérie Pécresse a-t-elle réussi à remonter la pente
< https://www.lalibre.be/international/europe/elections-france/2022/02/22/une-
catastrophe-deux-candidats-qui-se-demarquent-une-deception-les-meetings-seront-
ils-determinants-pour-la-presidentielle-francaise-3UII5UQAVRDDNAJISSIN3SFO5U/ >
en termes de communication ?

Elle est aujourd'hui la porte-parole d'une coalition très fragile, qui souffre d'un problème
d'incarnation. Il y a un véritable problème de cohérence, d'homogénéité à droite. Ce n'est
pas facile pour elle, mais en plus elle a ses propres soucis. Tout d'abord, elle n'a jamais
vraiment été capable de faire ce qu'on attend d'un candidat lors d'une élection, c'est-à-
dire de fendre l'armure, montrer son côté humain. Quand elle s'en est approchée, c'était
tellement étonnant que tout le monde l'a souligné. Ensuite, elle n'a jamais vraiment
réussi à habiter un discours. Comparé aux autres candidats, il y a une vraie distance
cognitive par rapport à ce qu'elle dit. Il y a un véritable manque d'accents de sincérité
dans sa campagne. Enfin, elle a du mal à se démarquer, non pas par rapport à l'extrême
droite, mais par rapport à Macron. On ne sait pas quelle est sa valeur ajoutée par
rapport au candidat-président.

Zemmour a d'ailleurs dit qu'il l'appelait "Madame 20 heures 2"...


Oui, pour lui, c'est celle qui, à 20 heures 2, va annoncer son ralliement à Macron et
appeler ses électeurs à voter pour lui. Il y a donc une perte totale de crédibilité et de
raison d'être de sa candidature. C'était d'ailleurs fort de la part de Zemmour. Il a fait mal
à ses adversaires en utilisant une stratégie similaire à celle de Trump: donner des
surnoms à ses concurrents.

On a vu que Valérie Pécresse a adopté un ton plus radical au fil de sa campagne <
https://www.lalibre.be/international/europe/2022/02/13/a-droite-toute-un-pari-
dangereux-pour-pecresse-5DGQURGRGJA4JBL53Q5ZF22H2U/ > . Était-ce une bonne
stratégie ?

En effet, elle a repris des éléments de langage de Zemmour. Même si c'était pour les
déconstruire et s'y opposer, ça a plombé sa candidature. C'est un phénomène connu en
communication politique: lorsque vous prenez le "framing" (cadrage, ndlr.) de
l'adversaire, vous avez déjà perdu d'une certaine manière. Lorsqu'elle dit "le grand
remplacement, ce ne sera pas avec moi", tout le monde retient "le grand remplacement".
Elle valide une réalité politique et sociétale. Elle fait la campagne de son adversaire
d'une certaine manière.

Valérie Pécresse s'explique sur le "grand remplacement"

Zemmour a connu un début de campagne assez prometteur avant de chuter dans les
sondages < https://www.lalibre.be/international/europe/2022/03/24/presidentielle-en-
france-marine-le-pen-reduit-lecart-avec-macron-zemmour-en-chute-libre-selon-les-
derniers-sondages-32M3A3EE3FBRTHTWV2K764F25E/ > . Quelles ont été ses erreurs
?
Zemmour est probablement le candidat qui a perdu le plus de plumes dans le cadre du
conflit en Ukraine. Son intransigeance thématique et son ton professoral étaient
tellement installés dans le débat public que le fait qu'il se soit trompé aussi fortement
sur l'invasion russe, ça a probablement déçu. Certains se sont dit que, même dans ses
analyses géopolitiques, il n'était pas l'expert qu'ils imaginaient. Ensuite, il y a eu le
problème de son sujet de campagne, qui est l'immigration, le grand remplacement. Il
avait réussi à l'imposer depuis le mois de septembre. Or, maintenant, on voit clairement
qu'il y a un basculement vers le pouvoir d'achat qui est le thème de campagne de
Marine Le Pen, qui en bénéficie fortement.

Il y a une forme d'essoufflement aussi...

Eric Zemmour tourne quand même un peu en boucle <


https://www.lalibre.be/international/europe/elections-france/2022/02/21/dans-le-
discours-de-zemmour-deux-types-de-mots-sont-surrepresentes-et-particulierement-
revelateurs-de-son-ideologie-YVFPISMRNVAVRASHUBGJP75UFU/ > . Le "hype"
zemmourien du mois d'octobre est arrivé trop tôt et aujourd'hui le candidat n'a plus
grand-chose d'autre à offrir, à l'exception des ralliements. Chaque meeting lui donne
l'occasion de mettre en scène de façon spectaculaire un ralliement, une prise de guerre.
Enfin, Marine Le Pen a construit un capital sympathie autour de son personnage tandis
qu'Eric Zemmour n'a pas fait l'effort de se rendre plus sympathique aux yeux du grand
public. C'est un énorme handicap pour lui.

Eric Zemmour défend la "remigration" sur un marché en Seine-Saint-Denis


Il a pourtant tenté de se construire une image différente dernièrement, en se
présentant avec son fils pour la première fois face caméra <
https://www.dhnet.be/actu/monde/le-fils-d-eric-zemmour-sort-de-l-ombre-
623c6567d8ad582648ce3d87 > . Est-ce que ça peut participer à le rendre plus
sympathique aux yeux du public ?

Il est vrai que cette émission a très bien marché, chez les jeunes notamment. Donc oui,
c'est une stratégie qui fonctionne, mais est-ce que cela suffira ? Je ne pense pas. Mais il
ne faut pas pour autant parler de la candidature de Zemmour comme d'un flop.
Reconquête! compte en quelques mois des dizaines de milliers d’adhérents, c'est du
jamais-vu. Ce n'est donc pas terminé, surtout avec les législatives qui suivent la
présidentielle. Le phénomène de recomposition de la droite va se poursuivre, il va
probablement y avoir des défections chez les Républicains, si Valérie Pécresse ne
parvient pas à se hisser au second tour. Zemmour va-t-il jouer le rôle d'acteur de la
recomposition ? Pas sûr. Par contre, Marion Maréchal y participera sûrement, ainsi que
d'autres recrues de Zemmour. En réalité, il a créé un nouveau Front national.

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