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NOAH PÉPIN

DOMPTÉE
Saison 1 | Partie 1

«Je veux être n’importe où sauf à la maison. Mais j’y suis coincée.
J’ai voulu m’enfuir depuis que j’ai commencé à marcher. Je ne peux
plus endurer la douleur que mes deux frères et mon père m'ont fait
subir. Mon seul but est de m’enfuir d’eux, n’importe où. Pourquoi
est-ce que j’ai attendu tout ce temps?! J’ai commis une grave erreur,
et je dois à tout prix réparer ça avant qu’il ne soit trop tard. J’ai 8
ans, et je ne suis jamais trop jeune pour m’en aller, fuguer. Je
déteste la baraque que j’ai vécu pendant huit longues années, à me
tourner les pouces en attendant le moment parfait pour m’enfuir.
Mais si je restais à la maison, Papa restait avec moi. Je ne pouvais
jamais être seule. Et Maman ne pouvait jamais être avec moi sans
avoir Papa près de nous. Comment partir si je n’ai pas d’intimité? Mon
éducation a été médiocre: L’école à la maison. Je ne me suis jamais
socialisée. Puis après, je suis censée être une humaine normale?! Je
suis la victime de mes frères et de mon père. Ils m’ont tellement
manipulé. Physiquement autant que mentalement. Et ça me fait chier!
J’aime beaucoup les carnavals. J’y avait été, celui de l’an dernier.
J’attends d’aller à celui qui aura lieu la semaine prochaine. Je vais
pouvoir m’enfuir à travers la foule. Ça sera le meilleur jour de ma
vie! J’aimerai bien voir la face que Papa fera quand il remarquera
que je me suis enfuie de son univers sordide! De son enfer! Je vais
pouvoir vivre librement! Me sauver du reste du monde pour aller
dans un paradis que je rêve depuis ma naissance: La paix. Vivre seule,
dans la tranquillité. L’indépendance, la nature, le bien-être, la solitude.
Tout simplement vivre.»

-2-
Tourner les pouces est une routine quotidienne pour lui. Ça le rend
calme en général. Mais aujourd’hui, il s’énerve plus qu’à l’habitude. C’est
étrange. Il se demande pourquoi. Il se cherche une excuse en disant qu’il
est juste rendu fou, ou bien qu’il est plus excité. Le bureau est un refuge
pour lui. Un moment de paix, fuir les bruits de ses neveux. Des monstres
parfois, d’autres fois, des anges. C’est toujours de même avec les enfants.
Et ensuite, les femmes sont en colère puisqu’elles sont clouées à la
maison tandis que leurs maris vont n'importe où, font n’importe quoi,
vivent n’importe comment. Parfois l’inverse. Rarement. Il meurt d’envie
de se verser une autre tasse de café. Ça serait sa cinquième. Il lui en
fallait, il est fatigué. Les lundis matins sont toujours les mêmes. Ils nous
envahissent de fatigue, au point de devenir fou avec le café, ou de juste
dormir, la tête accotée sur le bureau, la bave qui coule sur les liasses de
papier, les crayons ça et là. La tasse de café au coin de la table, menaçant
toujours de tomber sur le sol et se fracasser.
Edward détourne le regard de son écran de PC vers l’horloge, les
aiguilles qui bougent lentement, excepté celle des secondes. C’est si
ennuyant au poste de police. Rien d’important ne se passe. Juste des
chicanes de voisins, des petits cambriolages, des baggares entre deux
hommes sobres et ivre, ou bien des accidents de la route. Il y a eu
rarement un incendie, une fusillade, un suicide ou meurtre. Ce dernier
mot l’effraie et le repousse au fond de sa mémoire.
Edward se tourne vers son chef, le commissaire William Mongommery,
qui a cogné à la porte de son bureau.
- Réunion dans cinq minutes. dit le commissaire.

-3-
Edward sort de son bureau en claquant la porte derrière lui. Miranda,
la secrétaire, sursaute. Miranda est une femme assez peureuse et
soumise à tout le monde. Elle est comme un fantôme au commissariat et
William en semble bien ravi. Le fait qu’elle se sente inférieur à tout le
monde rend le commissaire plus excité et il essaie toujours de tâter ses
seins, où Miranda lui claque une gifle. Un moment surprenant en ce qui
la concerne. Personne ne peut la toucher sans qu’elle utilise la violence,
mais elle se sent soumise à tout le monde si on la blesse
psychologiquement.
- Tout va bien, Ed?
Ed est le surnom d’Edward. Il n’apprécie pas beaucoup ça, mais il se
contente de s’y habituer. Ça fait de nombreuses années qu’ils n’ont pas
eu une réunion tous ensemble. Ça doit être quelque chose de vraiment
grave qu’il s’est passé. Son ami, aussi collègue de travail, Alex, arrive et
lui fait une accolade bien sentie, qui Edward en retour, lui fait une tape
amicale sur l’épaule. Leur relation est bien solide, au point où les deux
femmes des amis se sont rencontrées et prennent leurs thés chaque
semaine. La belle vie!
- Eh…Oui je vais bien, merci Mir.
Miranda fait une grimace sur ce dernier mot. La vengeance d’Ed, ça!
pense-t-elle, et elle éclate de rire juste à y penser. Edward sourit en la
voyant comme ça. Alex chuchote dans l’oreille de son pot:
- Tu penses que Will va nous dire comment va sa relation avec sa
blonde?
Et le duo rit. L’effet de vivre dans un petit village éloigné comme celui
de St-Pierre et Miquelon. C’est à la France mais ils se considèrent
comme des canadiens. Ils ont les deux îles à s’occuper. Et le traversier de
St-Pierre à Miquelon est bien occupé. Tout le monde connaît tout le
monde et personne ne fait de mal à personne.

-4-
- Je crois que c’est quelque chose de grave.
Alex l’arrête et lui pointe du doigt une de leurs camarades.
- Pourquoi Cassandra s’est teindue les cheveux? C’est trop laid!
Edward lui donne à nouveau une tape sur l’épaule.
- Est-ce qu’on t’a appris au primaire que c’est non à l’intimidation?
Et que les préjugés sont interdits? dit Edward en riant.
Alex rit en retour avant de s’asseoir sur l’une des chaises. Il aime bien
celle à côté de la fenêtre. Et Edward préfère celle près de la corbeille.
Miranda tire la chaise en face du tableau, entre les deux hommes,
Cassandra à côté d’Alex et William Mongommery à l’autre bout de la
table, en face de Miranda. Il reste une chaise vide qui n’a jamais servi à
quelque chose. Le commissaire prend la parole:
- Il y a quelque chose de grave, inhabituel, qui s’est passé dans la
forêt…
Il s’interrompte et admire Miranda.
- Prends ça en note. lui ordonne-t-il, et Miranda obéit. Près de
l'étang du Cap au diable. Une jeune fille a été retrouvée ce matin
par un chasseur. Elle est morte dans un chariot de barbe-à-papa
abandonné depuis longtemps. Elle est dans une phase de
décomposition assez avancée. Il va falloir ana- lyser le tout avec les
techniciens, qui doivent prendre le vol à Montréal. Mais en
attendant leur arrivée, on doit se contenter de ce qu’on possède
comme outils. Miranda, tu vas vérifier l’identité de la jeune fille,
son passé, sa famille, ses amis, tout. Alex et Cassandra, vous irez
sur la scène de crime à la recherche d’indices. Et Edward, tu vas
faire du porte-à-porte dans le voisinage. Même s’il y a personne
près du lieu du crime. Et quant à moi, je vais m’occuper des p’tites
nienseries du monde de d’habitude. Allez, au boulot!

-5-
Mais Edward a d’autres choses à faire que du porte-à-porte, il en a
marre que son supérieur lui donne des petites tâches inutiles. Il va
trouver le propriétaire du kiosque, c’est un morceau que son chef a
oublié, comme toujours quand ça concerne une enquête, même les
simples cambriolages entre adolescents. L’enquête s’avère être complexe.
Ils sont tous éblouis et la bouche ouverte en entendant les paroles de
William. Un meurtre. Un scandale. Encore plus difficile à endurer pour
un archipel comme St-Pierre-et-Miquelon. Mais plus facile à trouver le
coupable dans un plus petit territoire. Surtout s’il est éloigné de la terre
ferme.
Quand la réunion touche à sa fin, Alex se lève et se penche vers son
copain.
- Je peux te parler? Entre gars?
Quand Alex veut discuter en privé avec quelqu’un, c’est de mauvais
augure. Edward acquescie et entre dans le bureau de son ami.
- De quoi veux-tu me parler?
Alex prend une grande inspiration avant de s’élancer.
- Je suis en couple avec une femme que j’ai rencontré dans un resto.
Elle est si mignonne. Tu es déjà au courant de ça. Bref, je l’ai
demandé en mariage et elle a accepté. Mais le plus gros de tous est
qu’on s’est rencontré il y a à peine un an et elle est déjà…
Alex plaque ses mains sur son visage et pleure. Edward lui frotte
vigoureusement le dos pour le consoler, ce qui a fait effet.
- Elle est enceinte.
Edward écarquille grand les yeux et il se ravise avant d’applaudir mais
Alex lui chuchote:
- Arrête! Il ne faut pas que… Ça doit rester secret mais vu que tu es
mon meilleur pot, je n’ai pas pu résister à la tentation.
- Félicitations! ne put de s’empêcher de parler à voix haute.

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Alex le remercie et il fait tourner la roue de l’autre sens.
- Et toi? Comment ça se passe, ta vie de célibataire?
Edward rougit et Alex a compris la situation qu’il se passe et il reste
bouche bée avant de s’exclamer:
- Oooooooohhhhh!!!! Je le savais! C’est qui? Tu as couché avec?
- Eh bien…c’est…difficile à comprendre…mais elle ne veut pas
d’enfants. Et moi j’en veux. Donc j’essaie de la convaincre de
changer d’idées.
- Tu lui as donné ta main?
Edward ne put s’empresser de secouer la tête, ce qui cause une
déception sur le visage d’Alex. Maintenant, il faut débuter l’enquête.

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PROCHAINE PARTIE
Lundi 20h

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