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La véritable histoire de
la Bibliothèque
d'Alexandrie
par Louis Desgraves
trad. de l'italien par Jean-
Paul Manganaro et
Danielle Dubroca
Paris : Éditions
Desjonquères, 1988. - 214
p. ; 22 cm. - (Les chemins
de l'Italie)
ISBN 2-904-227-245

La bibliothèque d'Alexandrie était la plus célèbre de


l'Antiquité ; son histoire est auréolée de légende, au
point qu'elle a réussi à incarner le mythe qui voulait
rassembler en un seul lieu clos les livres du monde
entier. Créée par Ptolémée I Sôtêr, fondateur en Égypte
de la dynastie grecque des Lagides et roi d'Égypte (305-
283 avant J.-C.), elle fut développée et enrichie par ses
successeurs. Zénodote, Callimaque peut-être, et
Ératosthène en furent les premiers directeurs. Avec la
bibliothèque de Sérapéion, elle aurait compté jusqu'à
700 000 volumes.
En utilisant les textes des auteurs anciens qui ont parlé
de cette bibliothèque, Luciano Canfora en retrace
l'histoire avec brio. Il relate sa fondation,
l'accroissement des collections et leur classement, la
rivalité avec Pergame et la fin dramatique de cette
collection qui nous a privés de textes importants de
l'Antiquité classique. L'historien grec, Hécatée
d'Abdère, dont des fragments des Histoires d'Égypte ont
été recueillis par Diodore de Sicile, visita l'Égypte et la
bibliothèque d'Alexandrie, « officine de l'âme », comme
l'indiquait une inscription. La bibliothèque venait d'être
fondée par Ptolémée Sôtêr sur les conseils de l'homme
d'État et orateur athénien, Démétrios de Phalère, réfugié
en Égypte après avoir été chassé du pouvoir par
Démétrios Poliorcète. Démétrios avait établi que pour
rassembler à Alexandrie « les livres de tous les peuples
de la terre », cinq cent mille rouleaux étaient
nécessaires. Ptolémée demanda à tous les souverains et
gouvernants de la terre de lui envoyer les œuvres de
tout genre, «poètes et prosateurs, rhéteurs et sophistes,
médecins et devins, historiens et tous les autres encore »
; il ordonna aussi de recopier les livres se trouvant sur
les bateaux faisant escale à Alexandrie, constituant ainsi
le « fonds des navires ». En se fondant sur l'autorité
d'Hécatée d'Abdère, Démétrios convainquit le roi de la
nécessité d'acquérir aussi « les livres de la loi judaïque »
et de les traduire. Le dessein des Ptolémée, mis en
œuvre par les bibliothécaires, était de recueillir les
livres du monde entier, mais aussi de les traduire en
grec.
A sa mort, entre 228 et 284, Théophraste légua à Nélée,
le dernier des élèves directs d'Aristote, la bibliothèque
du philosophe qui comprenait, en particulier, les livres
du maître qui avaient été élaborés avec la participation
des élèves, pendant les leçons d'Aristote ; mais
Ptolémée Philadelphe ne put obtenir de Nélée la vente,
pour la Bibliothèque d'Alexandrie, des documents
essentiels. Callimaque tenta, quant à lui, une
classification générale des ouvrages conservés à
Alexandrie, en rédigeant un catalogue de près de cent
vingt rouleaux, intitulé Catalogue des auteurs qui
brillèrent dans chaque discipline, ne représentant sans
doute qu'un choix, bien que très large, du catalogue
complet ; celui-ci ne fut rédigé que bien plus tard, du
temps de Didyme.
La constitution à Pergame, en Asie mineure, d'une
bibliothèque rivale de celle d'Alexandrie, eut des
conséquences néfastes. Des bandes de faussaires
offraient des rouleaux de faux textes anciens rafistolés,
parfois même de bonnes contrefaçons où l'authentique
et l'apocryphe étaient habilement mélangés ; l'histoire
de la pseudo Philippique de Démosthène acquise par la
bibliothèque de Pergame est exemplaire à cet égard.
L'Égypte alla même jusqu'à interrompre l'exportation du
papyrus, afin de priver de support la bibliothèque rivale.
Pergame réagit en perfectionnant la technique du
traitement des peaux. Mais la rivalité des deux
bibliothèques était encore bien plus profonde, car elle
concernait l'orientation des études, les savants de
Pergame s'intéressant au savoir caché des textes
anciens, tandis que ceux d'Alexandrie s'efforçaient, par
étude du lexique et confrontations scrupuleuses,
d'établir un texte aussi exact que possible.
Tous les utilisateurs célèbres de la bibliothèque
d'Alexandrie défilent sous nos yeux. On lit avec un
plaisir particulier les pages relatant le séjour de Diodore
de Sicile à Alexandrie et sa méthode de compilation
pour rédiger les quarante-deux rouleaux de sa
Bibliothèque historique ; celles consacrées à Didyme
d'Alexandrie ou à Strabon qui a fourni le plan exact de
la bibliothèque. Selon L. Canfora, et sa démonstration
emporte la conviction, la bibliothèque ne fut pas
détruite pendant l'incendie de la ville, au moment de la
campagne de César en Égypte, mais les rouleaux furent
sacrifiés, au VIIe siècle de notre ère, par l'émir Amrou
Ben Al-As, sur l'injonction du calife de Bagdad.
Tout en utilisant les sources les plus sûres, dont un
aperçu substantiel est donné en appendice, l'auteur a
l'art de rendre vivante et colorée une longue histoire
souvent embrouillée, d'en démêler tous les fils. Une
parfaite familiarité avec les auteurs anciens lui permet,
pour le plus grand plaisir du lecteur, de rendre vivants à
nos yeux cette célèbre bibliothèque et ceux qui furent
les artisans de son enrichissement puis de sa
destruction. Ce livre intéresse l'histoire des
bibliothèques, mais aussi celle des idées et de la pensée
de l'Antiquité classique.

Référence bibliographique
Luciano CANFORA, « La véritable histoire de la
Bibliothèque d'Alexandrie », Bulletin des bibliothèques
de France (BBF), 1988, n° 4, p. 334-334.
En ligne : https://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-1988-04-
0334-004 ISSN 1292-8399.

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