Admiration (pour le travail effectué), gratitude (envers les auteurs), plaisir (de lec-
ture) et excitation (à l’idée d’intégrer ces idées dans mon travail de thérapeute) :
voici quelques unes des émotions que j’ai éprouvées en découvrant cet ouvrage,
consacré à l’une des approches psychothérapiques actuelles les plus précieuses
et fructueuses. Je pense que tous les thérapeutes éprouveront eux aussi ce même
genre de joies grâce à cet excellent outil de découverte et de travail !
Christophe André, MD
Médecin psychiatre, hôpital Sainte-Anne, Paris, France
Avec cet ouvrage clair et stimulant, Ueli Kramer et Emna Ragama donnent aux
émotions une place déterminante dans les processus thérapeutiques et démon-
trent l’intérêt majeur d’allier la recherche sur les émotions à la pratique clinique
pour comprendre et développer une psychothérapie centrée sur les émotions.
David Sander, PhD
Professeur de psychologie de l’émotion, Université de Genève, Suisse
III
La psychothérapie centrée
sur les émotions
Ueli Kramer
Psychothérapeute, psychologue-associé au Département de Psychiatrie-CHUV,
Université de Lausanne, Suisse ;
Département de Psychologie, Université de Windsor, Canada
Emna Ragama
Psychologue-psychothérapeute FSP, pratique privée à Genève, Suisse
Avec la collaboration de
Normand Gingras
Antonio Pascual-Leone
Catalina Woldarsky Meneses
Collaborateurs
Normand Gingras, psychologue-psychothérapeute, Ottawa Couple and
Family Institute Inc., Ottawa, Canada.
Antonio Pascual-Leone, psychologue-psychothérapeute, département de
Psychologie, Université de Windsor, Canada
Catalina Woldarsky Meneses, psychologue-psychothérapeute, pratique
privée, Lausanne, Suisse.
Remerciements
Nous sommes particulièrement heureux de présenter ce premier ouvrage
en langue française sur la psychothérapie centrée sur les émotions. Cet
ouvrage n’aurait pas vu le jour sans le soutien actif d’un grand nombre de
personnes et d’institutions.
Les deux auteurs tiennent à remercier Leslie Greenberg pour sa présence,
sa générosité et son humour ; Dominique Servant et la direction de la
collection « Pratiques en Psychothérapie » pour son précieux soutien, sa
confiance et son suivi ; Valérie Le Rey, Gaëtan Bretéché et la maison d’édi-
tion Elsevier Masson pour l’intérêt qu’ils ont montré à publier cet ouvrage.
Nous remercions Émilie Chappuis pour sa lecture précieuse et nos trois
contributeurs Normand Gingras, Antonio Pascual-Leone et Catalina Wol-
darsky pour leur collaboration aimable et rigoureuse à cet ouvrage.
La deuxième auteure (E. R.) tient à remercier : Sue Johnson et The Inter-
national Centre for Excellence in Emotionally Focused Therapy pour m’avoir
offert son enseignement de qualité et son réseau international ; Gilbert
Pinard (Université McGill), pour m’avoir sensibilisée à son art de la rela-
tion thérapeutique ; Gilles Bertschy, Jean-Michel Aubry, Lucio Bizzini et
Guido Bondolfi (Hôpitaux Universitaires de Genève), pour avoir initié ma
rencontre avec la psychothérapie centrée sur les émotions. Merci enfin à
mon compagnon Jean-Christophe, ma fille Mayleen et à Cyrielle pour leur
présence et leur encouragement.
Le premier auteur (U. K.) tient à remercier le Département de Psychiatrie
du Centre Hospitalier Universitaire Vaudois de l’Université de Lausanne
pour le soutien, la Société Académique Vaudoise et le 450e Anniversaire de
l’Université de Lausanne, qui m’ont permis de travailler sur ce livre durant
un congé scientifique. Je remercie le Département de Psychologie de l’Uni-
versité de Windsor, Canada, de m’avoir si chaleureusement accueilli durant
cette année. Je tiens à remercier Martina Belz et Franz Caspar de m’avoir
donné l’opportunité d’apprendre la psychothérapie centrée sur les émo-
tions en Suisse. Je remercie ma femme Nicole et ma fille Félicia pour leur
amour, patience et générosité.
Nous remercions nos familles, amis et collègues qui nous ont accompa-
gnés durant cette aventure d’écriture. Finalement, merci à nos clients, pour
leur confiance même dans la tourmente, leur fragilité. Ils nous apprennent
quotidiennement le métier de psychothérapeute et nous confirment ainsi que
les émotions sont si inévitables, si cruciales et si mobilisatrices de changement.
Ueli Kramer et Emna Ragama
Lausanne et Genève, Octobre 2014
Préface
C’est avec grand plaisir que j’écris la préface de ce premier volume en langue
française au sujet de l’emotion-focused therapy (EFT), intitulé La psychothérapie
centrée sur les émotions, par Ueli Kramer et Emna Ragama. La psychothérapie
centrée sur les émotions est fondée sur l’idée « Je ressens, donc je suis » : les
émotions ne sont ni secondaires à la cognition, ni des décharges auxiliaires
à la motivation. En réalité, les émotions donnent de la couleur et du sens
à la vie. Elles sont nos compagnons de vie, gouvernant une grande partie
de ce que nous faisons. Comme Vincent van Gogh l’a écrit à son frère en
1889 : « N’oublions pas que les petites émotions sont les grands capitaines
de nos vies et qu’à celles-ci nous obéissons sans le savoir. »
Avec l’avènement d’une conception de l’émotion comme une ressource
adaptive et un système de signification – au lieu de quelque chose dont
il s’agit de se débarrasser de manière cathartique, qu’il s’agit de modifier,
contrôler ou de corriger par la raison –, la compréhension du rôle de
l’émotion dans les relations humaines et en psychothérapie a connu un
changement radical. Ce « nouveau regard » reformule les priorités de la
recherche en psychothérapie qui s’intéresse à déterminer comment nous
pouvons faciliter au mieux le changement émotionnel, traiter les émotions
en tant que variable indépendante qui existe en tant que telle, au lieu d’un
produit de la cognition. Les questions-clés pour les psychothérapeutes
d’aujourd’hui sont : comment faciliter au mieux l’accès aux émotions,
comment permettre la conscience de l’émotion et comment aider à la trans-
formation de l’émotion mal adaptée ? Ce livre permet la compréhension
des moyens de faciliter ce type de changement émotionnel.
Il y a une dualité dans le travail avec les émotions. Cette dualité est due
au fait que les émotions primaires sont à la fois sources de savoir et don-
neuses de plaisir-douleur. Les sentiments nous donnent souvent un savoir
immédiat, intime et personnellement significatif au sujet de nous-mêmes
et des autres, d’une manière immédiate et très spécifique. Ces sentiments
demandent une attention et une articulation dans le langage, afin de pouvoir
préciser et clarifier ce qui est ressenti et de faciliter la compréhension de soi.
Mais à un certain point, les sentiments – comme résultat de traumatismes
ou de la négligence du passé – peuvent devenir des expériences destructives
accablantes. Ces sentiments comprennent de la souffrance et de la douleur
à des intensités qui ne sont pas supportables (ou du plaisir inqualifiable)
et peuvent ainsi devenir des sources de menace. Ils produisent ainsi des
expériences intolérables et peuvent représenter un danger à l’existence psy-
chologique. Dans ces cas, ils doivent être transformés ou régulés, afin de
préserver un sentiment de cohérence du soi.
XII
Focusing expérientiel
Si C. Rogers a développé un modèle structural de la personne et de son déve-
loppement, Eugene Gendlin (1996) a conceptualisé le processus et la focali-
sation sur soi. E. Gendlin s’est davantage intéressé au chemin parcouru par
Racines et place de l’approche centrée sur les émotions 9
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Racines et place de l’approche centrée sur les émotions 17
a pourtant protégé d’un danger potentiel ; cela est nécessaire à notre survie
au quotidien en tant qu’individu et en tant qu’espèce. Si l’émotion est ainsi
le compas de l’être humain, on peut dire que ce dernier perçoit le monde à
l’aide de ce système émotionnel. Ce système néglige certains événements
et focalise sur d’autres, en fonction des caractéristiques pertinentes pour
la survie. En termes phylogénétiques, les émotions dites négatives – liées à
une expérience déplaisante – ont évolué de manière à nous préparer à des
menaces, en développant une série de réponses émotionnelles. A contrario,
les émotions dites positives – liées à une expérience plaisante – ont certes
permis d’améliorer la qualité de vie, mais étaient rarement proches des
impératifs de la survie. Le niveau de différenciation expérientielle est ainsi
plus élevé pour les émotions dites négatives (« déplaisantes », comme la
honte, la peur, l’embarras, la tristesse, le deuil, la colère, la rage, etc.) que
pour les émotions dites positives (« plaisantes », comme la joie, l’intérêt, le
relâchement, le contentement, la compassion et l’amour). Cela s’illustre au
niveau lexical : nous avons plus de mots en langue française pour décrire
des adversités, comparés au nombre de mots pour décrire les événements
positifs. La joie, l’espoir et l’intérêt sont des forces qui nous animent à
explorer davantage, à différencier et à améliorer le statu quo, à rester dans
un lien compassionné avec l’autre significatif et à créer de nouveaux
contacts, à rester fondamentalement ouvert à une nouvelle expérience de
soi et de l’autre. Ces forces sont très utiles en psychothérapie. Elles guident
le client dans l’activité d’auto-exploration, le motivent à venir en séance
pour découvrir et changer ses habitudes émotionnelles et comportemen-
tales, ainsi qu’à faire de nouveaux liens. Les émotions positives peuvent
aussi contrebalancer les émotions négatives, les annuler et les transformer.
Par exemple, l’expérience de la joie n’est pas compatible avec celle de la
tristesse. Les émotions positives favorisent l’action ainsi que l’approche
et elles peuvent se confondre mutuellement, ce qui n’est pas le cas pour
les émotions négatives. La peur suscite la préparation à la fuite, la colère,
la préparation à l’attaque, la honte, la préparation à la perte de la face,
le dégoût, la préparation au rejet d’un objet, et la tristesse, la préparation
au retrait. Les émotions nous préparent à l’action, visant l’adaptation et la
survie (Frijda, 1986).
ersécutée, peut être fier d’une autre personne, peut ressentir de la miséri-
p
corde pour l’autre ou se sentir une personne rabaissée. Il faut aussi ajouter
que l’individu tout-venant, comme le client en psychothérapie, a parfois de
la peine à correctement identifier les émotions en lui (pour une démons-
tration expérimentale de la qualité de la représentation des émotions chez
les tout-venants, voir Nabi, 2002).
Selon Greenberg et collaborateurs (1993), ces états complexes sont en
lien avec des structures profondes (des schèmes émotionnels, voir section
suivante) ou avec un affect central fondamental. Ces structures profondes
sont à l’origine de ramifications expérientielles plus complexes, par exem-
ple de nuances et de goûts d’expériences différents. Ces structures sont
composées par des synthèses dialectiques et dynamiques, reconstruites
à répétition, entre des éléments par moments contradictoires, comme les
sensations corporelles, les significations attribuées, dans leur interaction
perpétuelle avec le monde environnant (Pascual-Leone, 1991).
Ces entités sont discrètes : même si le mot attribué à un tel état (comme
le mot « triste ») est identique pour deux clients, la qualité expérientielle
d’un tel état diffère d’une personne à l’autre. Par exemple, une cliente
en séance se pose la question de savoir pourquoi elle hésite à présenter
son petit ami peu conventionnel à ses amies. Elle dit : « Je souhaiterais le
leur présenter, mais je ne le fais pas. » Son comportement est orienté et
organisé par une structure interne qui n’est pas – pour le moment – repré-
sentée chez la cliente et se trouve en contradiction avec ses envies plus
conscientes, d’où son attitude d’interrogation face à elle-même. Le proces-
sus thérapeutique permet d’accéder à son sens profond d’être inadéquat, un
sentiment d’être fondamentalement une mauvaise personne et ayant une
influence négative sur les autres. C’est ce sentiment qui oriente l’action de
la cliente, de façon inadaptée, et empêche la réalisation de ses buts affec-
tifs et cognitifs. Un travail thérapeutique focalisant sur ce sentiment – un
travail expérientiel permettant sa transformation – sera bénéfique pour
cette cliente. Elle accédera à ce sentiment d’« être une mauvaise personne »,
avec son origine dans l’histoire d’attachement et accèdera à ce qu’elle
aurait voulu vraiment être. Après ce travail thérapeutique, la cliente modi-
fiera son comportement. Un autre exemple est un client présentant un
affect dépressif et qui se dit « bloqué » dans sa vie. Une formulation et
un travail thérapeutique permettent l’accès à la peur d’être exploité par
d’autres personnes, ce qui amène le client, comme réaction secondaire, à
ne plus entreprendre de nouveaux projets et ainsi à sombrer dans la dépres-
sion. Aussi, ici, la peur d’être exploité est une émotion « mal adaptée »,
faisant partie des émotions facilitées chez ce client, suite à ses expériences
relationnelles de négligence émotionnelle dans son histoire. La formation
de ces émotions peut être comprise dans un contexte traumatisant qui n’est
22 La psychothérapie centrée sur les émotions
Figure 2.1. Les conditions spécifiques pour la productivité des émotions en séance.
D’après Auszra et al., 2013.
Bases théoriques et méthodologiques de la thérapie centrée sur les émotions 29
une information (« un signal ») aura plus de facilité à accéder à une auto-
organisation stable et régulée en termes émotionnels. La régulation des
émotions n’est pas seulement dépendante de la conscience qu’un individu
a de ses émotions et de leur valeur adaptive, mais aussi de leur expression. Si
l’expression activée est souhaitable et permet de transmettre un message de
manière efficace, une expression sous-tendue par une activation mal régu-
lée produit des effets contraires. Par ailleurs, l’expression émotionnelle doit
être socialement adéquate, au bon moment de l’échange interpersonnel
ou social, afin d’être vécue par l’interlocuteur (ou par le client ou par son
contexte) comme efficace. Il s’agit ici d’une balance subtile et fragile qu’il
s’agit de re-construire régulièrement et qui est caractéristique d’une santé
mentale et, ultimement peut-être, de la sagesse humaine. De manière géné-
rale, on peut dire qu’une intensité émotionnelle moyenne à basse est le plus
productif, mais il existe des situations où une tristesse intense et profonde
est nécessaire pour traverser un processus de deuil de la perte d’un proche,
ou une colère intense est nécessaire et efficace pour affirmer ses frontières
et ses besoins. Ainsi, contrairement à certaines conceptualisations géné-
riques de la régulation émotionnelle parlant de suppression, d’inhibition
ou de contrôle (voir Gross, 2002, 2007), Greenberg et Paivio (1997, p. 31)
définissent, de manière dynamique et idiosyncratique, cette fonction cen-
trale comme « la réalisation d’une expérience nuancée et l’expression de
celle-ci sous l’égide de sa propre conscience ». Dans ce sens, la maturité
émotionnelle n’est pas un long fleuve tranquille, mais implique l’attention
à nos expériences émotionnelles, la conscience émotionnelle et une expres-
sion nuancée de notre expérience, compte tenu du contexte interperson-
nel. Grandir émotionnellement veut dire surmonter nos anciennes peurs
et blocages émotionnels qui ne sont plus fonctionnels aujourd’hui, mais
l’étaient dans le contexte de notre histoire d’apprentissage émotionnel. Par
exemple, Paulette, une cliente en psychothérapie, se rappelle des propos de
sa mère. Elle décrit : « Je me rappelle de ma mère qui, quand j’étais triste,
me disait de ne pas “être triste… qu’il ne faut pas pleurer pour rien… que
cela n’avance en rien dans la vie… c’est comme ca”. Elle était souvent alors
très froide et distante dans l’attente que mes larmes se sèchent… Ma mère
disait alors : “Ha ! c’est mieux ! Et ne recommence pas ça !” ». Cet exemple
montre comment l’histoire d’apprentissage émotionnel peut contribuer à
des blocages et des limitations de l’expérience émotionnelle actuelle.
actuelle ne l’aide pas, cette cliente se sent comme dans une « trappe », sans
issue. L’exploration empathique permet ici de reconnaître cet état d’impuis-
sance comme un état secondaire sous-tendu par un sentiment ancien de
honte primaire mal adaptée, avec des craintes plutôt superficielles qui y
sont associées : « Si je re-commence à travailler et à aller mieux, je vais
devoir affronter des collègues trop critiques et je m’effondrai à nouveau ! »
Cela est un exemple d’une impuissance secondaire, cachant un sentiment
plus profond (et primaire) de la honte.
En psychothérapie centrée sur les émotions, l’évaluation du processus
émotionnel se déployant sur le moment est importante. À cet effet, il est
central pour le thérapeute de développer une acuité perceptuelle (Pascual-
Leone et Andreescu, 2013) lui permettant de différencier, chez un client, les
émotions secondaires des émotions primaires (mal adaptées ou adaptées).
Les interventions thérapeutiques centrées sur les émotions secondaires sont
très différentes de celles centrées sur les émotions primaires : le thérapeute
permet au client de passer autour de ces états émotionnels – tout en les
acceptant –, ou de les défaire pour accéder au « cœur » de l’information
émotionnelle précieuse en lien avec la réaction primaire. Les émotions
secondaires peuvent aussi être comprises comme émotions « de surface »
ou défensives, notamment par les approches psychodynamiques (voir
Fosha, 2000). Contrairement à ces écoles, la psychothérapie centrée sur
les émotions n’admet pas nécessairement une étiologie traumatique de ces
émotions et ne les met pas directement en lien avec une pulsion biologique.
De manière descriptive, ces émotions secondaires sont des manifestations
d’un système dynamique complexe – qu’est l’être humain – en réponse à
des réactions immédiates jugées comme « inappropriées » par ce même sys-
tème. Toutefois, nous admettons que souvent, les émotions secondaires
servent d’évitement des émotions primaires, notamment mal adaptées :
exprimer la rage en réaction à la honte, exprimer la détresse en réaction à
la peur d’être laissé seul.
Émotions instrumentales
Les émotions instrumentales sont exprimées dans un contexte interperson-
nel, sur la base du savoir chez l’individu que cette expression a un effet sur
autrui. Ce savoir peut exister sous forme d’un savoir explicite ou implicite
(savoir-faire). Depuis l’enfance, l’être humain apprend que l’expression de
certaines émotions provoque un état désiré. Par exemple, l’expression de la
colère peut produire une attitude de soumission chez l’autre et l’expression
de la tristesse peut engendrer de la sympathie pour le soi ou de la pitié chez
l’autre. Ainsi, un enfant peut exprimer de la colère pour contrôler ses parents
et/ou exprimer de la peur pour être sûr que ses parents le soutiennent.
Ces émotions ont un caractère superficiel, avec des tonalités de voix dra-
matisantes ou particulièrement aiguës. Aussi, ici, le thérapeute TCE doit-il
34 La psychothérapie centrée sur les émotions
Qualités vocales
En étudiant les émotions en psychothérapie, l’observation des indices para-
verbaux, dont la qualité vocale, est importante. Afin d’évaluer correctement
et de savoir différencier les différentes types d’émotions énumérées, le théra-
peute devient un être d’assimilation et d’intégration des éléments exprimés
par le client sur le moment, un « processeur auxiliaire » (Rice et Kerr, 1986)
en quelque sorte qui se « branche » complètement sur l’expérience du client
et intègre cette dernière à la place du client. La qualité vocale du client en
est un élément important.
Rice et Kerr (1986) distinguent plusieurs qualités vocales de base :
1. Qualité vocale externe. La qualité vocale externe est marquée d’assurance
et suggère que le contenu exprimé n’est pas une expérience vécue dans l’ici
et maintenant ; elle ne comprend pas d’accès à une nouvelle construction
symbolique. C’est comme si la personne adoptait un ton professoral, dans
le sens « Je m’adresse à… ». L’énergie présente est dirigée vers l’extérieur et
la voix est pleine et entière. Le rythme et l’accentuation sont réguliers, hau-
tement prévisibles et souvent marqués par une voix aiguë. Une intonation
particulière sur la fin de la phrase est fréquente. Cette qualité vocale est
souvent rencontrée dans les émotions instrumentales et secondaires.
2. Qualité vocale émotionnelle. La qualité vocale émotionnelle est le résul-
tat d’une émotion sous-jacente débordante. Ainsi, elle est perturbée et
déformée. Le schéma vocal habituel est brisé, par exemple par une voix qui
« craque », qui tremble, qui comprend des cris perçants ou s’efface presque
complètement. Le rythme est hautement irrégulier, y compris les accents
prosodiques. L’intonation vers la fin de la phrase est inattendue, nouvelle
et surprenante. Cette qualité vocale suscite ainsi de la tension au niveau de
la trame narrative et montre qu’un processus pertinent est actuellement
en train de se produire. Les clients en phase d’exploration émotionnelle,
éprouvant des émotions productives (p. ex., des émotions primaires mal
adaptées), mais non résolues et non complètement transformées, présen-
tent souvent cette qualité vocale.
36 La psychothérapie centrée sur les émotions
lien entre les émotions, les besoins et buts. Ces émotions ainsi opérant
hors-conscience ne sont pas modifiables ; elles génèrent des conflits entre
l’expérience vécue et les contraintes externes mouvantes. Par exemple, une
personne peut se sentir « bizarre », à chaque fois qu’elle conduit devant le
lieu de travail de son ex-conjoint, car elle continue, en réalité à avoir un atta-
chement non résolu à cette personne, malgré la séparation officielle. Il faut
souligner qu’il ne s’agit pas seulement d’un problème au niveau de l’éva-
luation ou de l’appréciation (appraisal), comme noté par certaines théories
cognitives (dans l’exemple donné, l’appréciation étant en cohérence avec la
réalité), mais bel et bien d’un problème plus global d’un réseau d’activation
émotionnelle, impliquant un non-accès, chez cette personne, à son conflit
interne entre la séparation réelle et l’attachement affectif au conjoint.
2. Une réponse interne du client à la perception d’une divergence entre le besoin
et la situation peut être problématique. Il s’agit ici d’une réponse dysfonction-
nelle à la perception d’une frustration d’un besoin. Par exemple, une cliente
réagit par un accès de colère intense et des pensées suicidaires lorsqu’elle
apprend que sa candidature à un poste n’a pas été retenue. La perception
de la frustration semble correcte ; ce qui est dysfonctionnel est l’intensité de
la réponse de la colère : au lieu d’essayer de comprendre les raisons du refus
pour se préparer à une nouvelle opportunité, elle est envahie par la colère.
3. Une importante source de dysfonctionnement au niveau du processus d’auto-
évaluation. L’évaluation de soi est toujours en jeu lorsqu’il s’agit de
construire une nouvelle signification. Elle peut être plus ou moins adaptée à
la réalité et au contexte ; le fait, chez une cliente, de se considérer comme
étant « trop grosse », malgré les apparences et d’autres autodescriptions plus
nuancées, en est un exemple. Il est important de souligner que ce ne sont
pas les contenus du processus d’auto-évaluation qui sont seuls à l’origine
des dysfonctionnements, mais avant tout l’interaction entre ces contenus,
les processus automatiques qui les enclenchent et la qualité de la symboli-
sation au niveau langagier.
4. Les dysfonctionnements peuvent se trouver au niveau des séquences émotion-
nelles complexes. Une cliente peut présenter toujours la même séquence
émotionnelle lorsqu’elle se sent stressée. Par exemple, à partir d’un sen-
timent profond d’inadéquation qu’elle n’arrive pas à pleinement éprou-
ver et symboliser, elle développe une rage foudroyante (par des moments
d’impulsivité par exemple), s’épuise et tombe typiquement dans un état
d’impuissance quasi léthargique. C’est seulement au moment où elle réussit
à accéder pleinement à son sentiment d’inadéquation que ces séquences
émotionnelles peuvent être comprises, dénouées et transformées.
Les dysfonctionnements psychologiques – dans d’autres littératures,
appelées des indices de la psychopathologie – du client sont à compren-
dre au niveau émotionnel. Les émotions, les besoins, leur degré d’articu-
lation avec la construction de la signification et les actions associées sont
Bases théoriques et méthodologiques de la thérapie centrée sur les émotions 41
des processus qui peuvent être à l’origine des problèmes présentés par les
clients. Une compréhension détaillée des émotions est donc à la fois une
porte d’entrée pour accéder à l’origine des problèmes présentés et un moyen
de faciliter le changement, la résolution et la transformation.
avec autrui et son ouverture envers l’autre et le monde. Comme le dit Buber
(1958), une personne ne peut être complètement sûre de l’expression de sa
propre souffrance, sauf si l’autre a réellement répondu à cette expression,
produisant ainsi une validation profonde de l’existence de la souffrance de
cette personne et ainsi de l’existence de cette personne toute entière. Ces
systèmes motivationnels sont donc fortement reliés et interconnectés.
L’identité est l’expérience d’être unique, de savoir se définir comme un
être différencié et développé, dans le sens d’un processus de croissance psy-
chologique. L’identité comprend une facette sociale, avec les rôles, statuts
et interactions de la personne avec son entourage, et une facette intime,
avec l’expérience subjective à la fois de continuité et de discontinuité dans
le temps. Fondamentalement, l’identité est ainsi une expérience relation-
nelle, soit dans le sens d’une relation avec soi-même, c’est-à-dire se narrer, de
manière plus ou moins cohérente, être la même personne à travers des expé-
riences assez différentes, soit dans le sens d’une relation à autrui, c’est-à-dire
assumer, ou transgresser, les rôles sociaux réservés au soi. Ainsi, l’identité et
les besoins rattachés sont empreints d’émotions et d’affects. Des émotions
typiques associées au besoin d’identité sont, parmi d’autres, la fierté, la honte,
l’intérêt, la peur, l’impuissance et la colère (Greenberg et Goldman, 2008).
Afin de donner du sens à leur vie, les personnes créent – ou se racontent
– certaines identités. Cela peut créer des incohérences dans l’expérience
du soi. Une personne peut par exemple faire l’expérience d’une relation
de couple insuffisamment validante. Dans ce cas de figure, il n’est pas rare
que le besoin de validation, comme facette identitaire, devienne tellement
important que la personne recherche une autre source de validation, par
exemple par ses collègues au sujet de ses accomplissements professionnels.
À un moment donné, ce déséquilibre peut devenir source de souffrance et
le besoin pur de reconnaissance peut émerger là où il manquait : au cœur
de la personne, face à son partenaire. Dans cette situation, c’est comme
si la « voix » du besoin du soi prend la place et s’exprime : « Je veux être
reconnu pour qui je suis ! » (exemple tiré de Greenberg et Goldman, 2008).
La validation généreuse du soi, de son identité et de son évolution sont
des contreparties interpersonnelles dont le soi a fondamentalement besoin.
Cela est en accord avec la théorie du soi (Self) développée par Rogers (1951).
Tandis que cette conception originelle a proposé une ligne développemen-
tale différente de l’attachement et des besoins de dépendance, Greenberg et
Goldman (2008) suggèrent plutôt que le besoin identitaire soit orienté vers
le contrôle et la compétence, ainsi que la connexion profonde en termes de
lien avec autrui. La formation identitaire devient ainsi, d’un point de vue
développemental et de la psychothérapie, un processus de co-construction,
dans lequel la notion de validation empathique du soi est au cœur. Ces
éléments ont été classiquement inclus dans la notion d’attachement (voir
ci-après), ce qui, selon Greenberg et Goldman (2008), ne rend pas compte
Bases théoriques et méthodologiques de la thérapie centrée sur les émotions 43
aussi pour un travail focalisé sur le contenu des émotions. Le thérapeute doit
être fondamentalement proche (au sens figuré du terme) de l’expérience
du client, disponible et ajusté moment-par-moment. Dans la thérapie de
couple centrée sur les émotions, cet espace d’attachement sécurisant a un
effet de modèle pour l’interaction de couple et peut générer des solutions
productives très rapidement. Pour la formation du futur thérapeute centré
sur les émotions, cela implique un travail expérientiel de profondeur sur
ses propres blessures d’attachement, afin d’être capable d’offrir cet espace
d’attachement sécurisant. L’importance du besoin d’identité implique que
le thérapeute doit activement valider l’expérience du client, dans le sens
de favoriser son développement identitaire. Le thérapeute doit être particu-
lièrement attentif à la validation empathique du sentiment d’être soi, ce qui
revient à proposer les variables de base et des développements techniques
de celles-ci.
L’empathie
L’empathie peut être définie comme une attitude du thérapeute qui vise
à « opérer au sein du cadre de référence du client et de rester en contact
46 La psychothérapie centrée sur les émotions
Communication
La communication au sujet de l’empathie, et de sa rupture, est également impor-
tante. Analogue à des ruptures de l’alliance thérapeutique dans le processus
thérapeutique dans son ensemble (Safran et Muran, 2000), il peut y avoir
des mini-ruptures de l’empathie. Ces dernières comprennent la conscience
du thérapeute à tout moment de son absence potentielle de l’empathie et
aussi qu’il est mal ajusté à l’expérience du client sur le moment. Le fait de
communiquer cette expérience au client montre à celui-ci que le thérapeute
est bien avec lui, malgré la rupture de l’empathie décrite. La communica-
tion empathique comprend le discours explicite du thérapeute au sujet de
la compréhension du client par le thérapeute. Le client doit savoir explici-
tement que le thérapeute est « de son côté » (Elliott, 1985).
Formes d’empathie
Selon Greenberg et Elliott (1997), il existe cinq formes différentes d’empa-
thie, correspondant à des techniques d’intervention relationnelles.
Compréhension
La compréhension empathique décrit l’intervention du thérapeute qui commu-
nique sa compréhension des éléments implicites reliés au vécu du client sur
le moment. Il n’y a pas de nouveau contenu ajouté par le thérapeute ; l’inter-
vention se focalise sur les éléments implicites exprimés sur le moment. Le
thérapeute communique à partir des mots et du cadre de référence du client
et la fonction de cette forme d’empathie est de soutenir le soi et de l’aider
à l’affirmation. Le thérapeute peut, par exemple, dire face à une cliente qui
manifeste, en décrivant une situation de déception amoureuse, des éléments
de tristesse et de colère : « Je vois que vous êtes à la fois triste et en colère. »
Évocation
L’évocation empathique décrit l’intervention du thérapeute qui active l’expé-
rience du client dans l’ici et maintenant, en utilisant des mots expressifs,
des métaphores ou une imagerie évocatrice. À nouveau, l’intervention est
formulée à partir du cadre de référence du client. Cette intervention sert
à l’évocation sur le moment d’une expérience encore mal représentée, ce
qui doit permettre l’accès de la représentation de l’expérience, dans le but
d’accéder à des informations expérientielles fraîches. Aussi ici, il n’y a pas
d’ajout de nouvelle information, mais l’expérience est rendue plus saillante.
Par exemple, le thérapeute peut dire face à un client qui évoque la scène
durant laquelle il part de sa maison familiale, tout en se sentant encore
attaché à sa famille : « Vous vous sentiez chassé de votre maison familiale. »
Exploration
L’exploration empathique décrit l’intervention du thérapeute qui encourage
le client à explorer « aux frontières » de son expérience et à construire de
nouvelles significations. À nouveau, la formulation du thérapeute utilise
50 La psychothérapie centrée sur les émotions
Conjecture
La conjecture (ou la supposition) empathique décrit l’intervention du thérapeute
qui offre une nouvelle information, tirée de sa propre expérience ou de son
cadre de référence. Cela est réalisé dans le cadre collaboratif, de manière non
autoritaire et dans un cadre de référence partagé entre le client et le théra-
peute. Ainsi, le thérapeute tient compte à la fois du cadre de référence du
client (de ses mots et expériences) et du cadre de référence propre au psycho-
thérapeute et les intègre. Il opère ainsi en parallèle du cadre de référence du
client ; il n’est pas en train de guider, ni de suivre. La fonction de la supposi-
tion empathique est d’offrir au client un symbole, qui potentiellement fasse
sens et lui permette d’éclaircir des aspects de son expérience qui n’ont pas
encore été éclaircis. De ce fait, la conjecture empathique concerne toujours
un aspect significatif du soi qui mérite attention, et qui ne l’a pas encore
obtenue jusqu’à présent. Par exemple, le thérapeute peut dire à une cliente
qui décrit un sentiment de rejet dans des situations interpersonnelles :
« Peut-être croyez-vous que vous n’êtes fondamentalement pas du tout
intéressante. »
Interprétation
L’interprétation fondée sur l’empathie est une intervention du thérapeute qui
vise à ce que le thérapeute puisse se construire un modèle du fonctionne-
ment du client, servant ensuite de base au thérapeute pour partager des
éléments avec le client, dont ce dernier n’est pas encore conscient. Cette
fois-ci, cette intervention vient du cadre de référence du thérapeute, sur la
base de sa compréhension empathique de l’expérience du client. La fonc-
tion de cette intervention est de relier les différentes expériences, ou aspects
de l’expérience, chez le client. Cette interprétation est réalisée de manière
non jugeante par le thérapeute en restant fondamentalement responsive et
ouvert à l’expérience du client sur le moment, lorsqu’il entend cette inter-
prétation. Le moment pour cette intervention doit être bien choisi et le
client doit être prêt à assimiler cette nouvelle information. Par exemple, le
thérapeute peut dire face à un client qui interroge ses problèmes de colère :
Bases théoriques et méthodologiques de la thérapie centrée sur les émotions 51
« Vous êtes très en colère et ceci vous protège de votre sentiment d’être
fondamentalement une personne inappropriée. »
Exemples d’interventions
Le tableau 2.2 montre différents exemples de ces interventions, en fonction
du but de l’intervention empathique. En effet, l’intervention empathique
Formulation de cas
Historiquement, la TCE s’est développée comme approche fondée sur les
indices du processus (voir chapitre 3) ; elle s’est basée sur l’évaluation du pro-
cessus émergeant sur le moment. La formulation de cas n’a pas fait partie de
l’arsenal technique des thérapeutes humanistes et néo-humanistes, ce qui est
en lien avec les problèmes inhérents à toute évaluation ou diagnostic dans le
domaine de la psychothérapie, comme souligné par Rogers (1951, p. 220) :
« Le diagnostic psychologique, comme généralement compris, n’est pas néces-
saire pour la psychothérapie et peut avoir des effets néfastes sur le processus
thérapeutique. » Malgré cet accent rigoureux sur le processus appliqué par la
TCE, il est de plus en plus considéré comme utile et productif de savoir for-
muler un cas, dans le but de développer un focus du travail thérapeutique.
Ainsi, un travail d’explicitation et de développement d’une méthode de
formulation de cas TCE a eu lieu (voir Goldman et Greenberg, 2015).
Cette méthode de formulation de cas TCE est fondée sur le primat du
processus et permet d’articuler un focus de travail thérapeutique autour
de la douleur psychologique centrale présente chez le client (Timulak et
Bases théoriques et méthodologiques de la thérapie centrée sur les émotions 57
à ses émotions, qui peuvent ensuite être utilisées pour la résolution des
problèmes.
Afin de savoir différencier ce qui est central chez le client de ce qui ne l’est
pas, le thérapeute a besoin d’une acuité perceptuelle (voir chapitre 3) et il doit
savoir faire usage du compas émotionnel. Ce dernier oriente le thérapeute
vers la douleur la plus profonde, la plus poignante et vivace, sur le moment.
Cela est particulièrement utile dans les cas où un certain nombre d’indices
émergent en parallèle dans le processus (voir chapitre 3) et le thérapeute et le
client doivent décider ensemble lequel est le plus vivace et le plus en accord
avec le focus thérapeutique et ainsi, potentiellement le plus productif à être
poursuivi, approfondi et résolu dans le processus thérapeutique.
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Bases théoriques et méthodologiques de la thérapie centrée sur les émotions 63
Tâches du thérapeute
Afin de réaliser l’évaluation du processus et la formulation de cas TCE, il
revient au thérapeute la tâche de bien percevoir les changements chez le
client, moment-par-moment et dans la globalité. Avec Pascual-Leone et
Andreescu (2013), nous appelons cette tâche l’acuité perceptuelle, déjà
brièvement mentionnée dans le chapitre 2. L’acuité perceptuelle comprend
la capacité entraînée chez un psychothérapeute à repérer les signes de pro-
cessus et à les traiter efficacement. Cette capacité est le premier pas indis-
pensable d’une intervention efficace orientée par les indices du processus ;
elle est donc particulièrement indispensable dans le cadre de la TCE. La
formation à la TCE débute ainsi par l’entraînement de l’acuité perceptuelle
(et moins par l’entraînement direct de techniques ou l’apprentissage de
théories complexes), pour laquelle des échelles développées en recherche en
psychothérapie peuvent être utilisées. L’entraînement au codage de
l’échelle de la connaissance expérientielle (experiencing ; Klein et al., 1986)
ou des émotions distinctes selon la classification des états affectifs de signi-
fication (Classification of Affective-Meaning States, CAMS ; Pascual-Leone et
Greenberg, 2005) peut s’avérer fort utile. Le thérapeute devrait savoir repé-
rer les différents types d’émotions, moment-par-moment, chez un client,
son style émotionnel, narratif et relationnel. Ce psychothérapeute devrait
savoir identifier les indices du processus dès leur émergence. Un thérapeute
devrait savoir utiliser son compas émotionnel pour être capable d’orienter
l’attention et le processus directement et systématiquement vers la douleur
du client. Une étude portant sur la formation a confirmé l’intérêt d’une telle
démarche dans le sens que les thérapeutes, ayant reçu ce type de formation
à l’acuité perceptuelle, rapportent des indices supérieurs de compétence et
de satisfaction avec leurs clients, comparés à avant la formation (Pascual-
Leone et al., 2013). On peut considérer qu’une acuité perceptuelle bien
entraînée permet au thérapeute d’avoir des ressources cognitives et affectives
Tâches dans le processus thérapeutique 67
La présence thérapeutique
La présence thérapeutique est une tâche centrale du thérapeute TCE. Par
« présence thérapeutique », Geller et Greenberg (2012) entendent un état
où la personne du thérapeute est complètement absorbée dans la rencontre
sur le moment avec le client, aux niveaux physique, émotionnel, cognitif et
spirituel. Il s’agit d’un contact profond et ancré avec soi-même de manière
à créer un espace d’ouverture à l’autre, marqué par le développement et
l’expansion de la conscience. Même s’il y a des caractéristiques communes,
l’expérience subjective de la présence n’est pas identique d’une personne
à l’autre. La présence thérapeutique est comprise comme un état évolu-
tif, donc jamais acquis pour toujours et le thérapeute continue ainsi en
séance, et en-dehors des séances, à accorder régulièrement la qualité de ce
contact avec lui-même. Cet état de présence contribue au développement
de la personne du thérapeute, son bien-être, y compris la prévention du
burn-out professionnel, le calme intérieur, l’autocompassion et une vitalité
journalière.
Le modèle développé et validé par Geller et Greenberg (2012) comprend
une série de composantes de la présence thérapeutique, avec trois tâches
du thérapeute : (1) ouverture à la présence, (2) processus de la présence
et (3) expérience de la présence. Le thérapeute complètement présent pra-
tique cette présence dans sa vie et est ouvert à la présence en séance avec
son client. Il ouvre un espace interne pour la présence, tout en mettant
consciemment entre parenthèse ce qui pourrait interférer avec cette pré-
sence thérapeutique. Par ailleurs, le thérapeute pratique en séance la récep-
tivité « en écoutant avec la troisième oreille », y compris une réceptivité
« corporelle » et sensorielle. Il suit le processus en faisant attention à l’expé-
rience intérieure sur le moment présent et communique avec authenticité,
en étendant la conscience. Il utilise un style de réponse intuitif, tout en étant
congruent à soi et attentif à l’autre. La présence thérapeutique comprend
aussi de s’accorder régulièrement avec soi-même, de rester en contact avec
soi-même, tout étant complètement absorbé dans le moment présent par
le contact avec le client. Cette expérience de disponibilité complète est
ainsi hors du temps, peut subjectivement « donner de l’énergie » et faciliter
l’ouverture d’un espace mental permettant une qualité de la connaissance
expérientielle optimale. Il y a plusieurs chemins pour cultiver la présence
thérapeutique, par le développement de soi, la spiritualité, une pratique
de tambours thérapeutique en passant par le rythme (Geller, 2009), ou encore
68 La psychothérapie centrée sur les émotions
Moment de présence − Exercice
Prenez un moment de pause.
Adoptez une position confortable. Portez attention à votre respiration.
Focalisez votre attention à l’intérieur de vous-même.
Rappelez-vous et re-prenez contact avec une expérience où vous étiez complète-
ment présent sur le moment, comme lors d’un coucher de soleil, lors de la
rencontre avec un bébé ou lors d’une vue merveilleuse de la nature. Que res-
sentez-vous dans votre corps maintenant ?
Rappelez-vous et re-prenez contact avec une expérience où vous avez été
en présence d’un(e) ami(e) qui a eu besoin de votre aide. L’avez-vous aidé ?
Comment était-ce d’être avec cet(te) ami(e), comment était-ce d’aider cette
personne ? Comment avez-vous fait pour l’aider, pour rester calme dans cette
situation difficile ? Que ressentez-vous dans votre corps maintenant ?
Connectez-vous à une expérience où vous avez été en présence d’un(e) client(e)
qui a eu besoin de votre aide. Vous l’avez aidé. Comment était-ce ? Comment
était-ce d’être avec ce(tte) client(e), comment était-ce d’aider cette personne ?
Comment avez-vous fait pour aider, rester calme dans cette situation difficile ?
Que ressentez-vous dans votre corps maintenant ?
Avant de revenir à la lecture de ce livre, notez sur une feuille quelques mots
qui décrivent votre expérience avec vous-même, les caractéristiques de votre
présence à vous.
La directivité de processus
En sus de la formulation de cas fondée sur le processus (Goldman et
Greenberg, 2015 ; voir chapitre 2), la directivité de processus est centrale
dans la TCE. Contrairement aux approches cognitives (Beck, 1995 ; Arntz
et Van Genderen, 2010), où une directivité de contenu est favorisée et
Tâches dans le processus thérapeutique 69
d’un dialogue sur deux chaises peut aussi donner l’occasion d’intensifier
l’expérience émotionnelle, en la dramatisant, afin d’accéder à une repré-
sentation plus claire et précise. L’intensification peut se faire en invitant le
client à crier, à taper sur un coussin ou à pousser la chaise en face. Toute-
fois, le thérapeute désirant intensifier l’expérience émotionnelle doit à tout
moment savoir quelle est l’expérience primaire adaptée à laquelle il s’agit
d’accèder et de compléter. Les thérapeutes peu sûrs de cette différenciation
chez un client particulier sont conseillés de ne pas utiliser l’intensification
(Greenberg et Safran, 1989). Par ailleurs, il existe également des situations
où le client ne désire pas travailler avec la chaise vide ; pour ces situations,
nous proposerons une alternative efficace.
Dans les sections qui suivent, nous présenterons les indices les plus
importants avec leurs interventions appropriées. Nous aborderons briève-
ment les indices relationnels, pour ensuite aborder plus largement les diffé-
rents indices plus spécifiques au travail thérapeutique TCE. Pour des ques-
tions de place, nous n’aborderons pas en détail l’exploration empathique,
l’ouverture d’un espace mental et la narration traumatique, expliquées
ailleurs (Elliott et al., 2004).
Indices relationnels
Deux indices relationnels sont décrits dans cette section. De la littérature
existant ailleurs à ce sujet (p. ex., Safran et Muran, 2000), nous allons les
aborder brièvement et renonçons notamment à la présentation de verba-
tims de clients.
Le début de la psychothérapie, c’est-à-dire les trois à cinq premières
séances, constitue un premier indice. Comme souligné par Gendlin et
Beebe (1968), le principe des traitements expérientiels est le contact
avant le contrat (contact before contract). En parallèle à l’élaboration d’une
formulation de cas et le développement d’un focus thérapeutique centré
sur les émotions, réalisés conjointement par le client et le thérapeute, ces
premières séances consistent à rencontrer et accueillir le client dans un
contexte de travail chaleureux et empathique. La construction d’une base
de confiance, l’établissement d’un focus de travail, y compris l’accord sur
les buts et les tâches sont des éléments-clés de ces premières rencontres.
Le niveau d’engagement du client avec du matériel émotionnel et central
est un facteur important que le thérapeute doit observer moment-par-
moment. Le tableau 3.1 résume les étapes de cette construction de l’alliance
thérapeutique, y compris les difficultés qui peuvent émerger.
Si l’alliance thérapeutique se construit tacitement entre le client et le
thérapeute, les étapes une à cinq se réalisent sans que le thérapeute y prête
attention. Dans les cas où la construction de l’alliance n’est pas optimale
et en cas de questionnement au sujet de son optimum, ce tableau peut
Tâches dans le processus thérapeutique 71
émotionnel peut être plus difficile à repérer, il est plus subtil dans le
processus. Par exemple, face au client qui vient en retard à répétition,
le thérapeute peut attirer l’attention du client sur ce point : « Il me
semble que vous êtes venu passablement en retard durant ces dernières
séances, y compris juste maintenant. Comment vous ressentez cela ? »
Le client décrit qu’il trouve difficile de venir en thérapie et le thérapeute
peut poursuivre : « C’est très important ce que vous me dites là… cette
difficulté-là. » Pour les clients, dans les deux exemples, on peut noter
qu’ils évoluent vers l’initiation de la tâche, où le thérapeute propose une
intervention d’exploration, ensuite d’approfondissement des schèmes
émotionnels et interpersonnels en lien avec la rupture observée entre le
client et le thérapeute, tout en gardant toujours en tête et dans le dia-
logue que le thérapeute lui-même a aussi contribué à la rupture. Ce type
de travail d’exploration, d’approfondissement empathique, allant vers
la résolution complète de la rupture peut contribuer à une connaissance
expérientielle – par rapport à la relation thérapeutique – plus profonde,
détaillée et précise. Il peut augmenter la collaboration et la qualité du
travail thérapeutique centré sur les émotions dans les étapes ultérieures
de la thérapie.
Tâches dans le processus thérapeutique 73
Indice de la vulnérabilité
Manifestation de l’indice
Le ressenti et l’expression de la vulnérabilité en séance sont centraux.
L’accueil bienveillant et chaleureux en séance de la vulnérabilité a été décrit
par les théoriciens centrés sur la personne (voir Rogers, 1951 ; Greenberg
et al., 1993). Il s’agit d’un moment où le client est sur le point d’accéder
et d’exprimer un sentiment profond de vulnérabilité, d’impuissance, avec
un sentiment commun d’épuisement. Par exemple, le client qui est sur le
point d’avoir les larmes aux yeux, la cliente qui montre des indices non
verbaux de la honte tout à coup dans la narration (i.e., regard tourné vers le
bas, voix qui tremble, rythme respiratoire légèrement augmenté), tous ces
éléments peuvent être des manifestations de cet indice. Le client peut aussi
verbalement exprimer d’être « au bout du rouleau », ou de ne pas « voir la
fin du tunnel ».
À l’émergence de cet indice, le thérapeute, psychologiquement présent,
répond par l’affirmation empathique (i.e., « je vois, c’est tellement dur
pour vous »), en signifiant au client tout au long de ce processus qu’il « est
avec » lui dans le dénouement de l’état de vulnérabilité. Le thérapeute
n’explore pas, ne rassure pas, et n’interprète pas, il est simplement là avec
le client.
François est suivi pour un état dépressif et relate un épisode traumatique
de son adolescence concernant sa première petite amie qui est tragique-
ment décédée dans un accident de voiture. Au moment de raconter cet
épisode, de manière plutôt surprenante selon lui, François accède à une
fragilité en lui ; il dit qu’il s’est senti « anéanti ».
François (ému) : « C’est dur d’en parler, je ne sais pas comment
j’ai fait pour m’en sortir… la prof en classe… avait annoncé le
décès de Caroline… et (le client baisse la tête et avale sa salive)… je
rentrais après l’école et restais sur mon lit cloué, complètement
perdu… seul… »
Thérapeute : « c’est si dur, je suis si cloué, si seul, perdu… »
F. : « Mh-hm »
T. : « … vraiment seul avec cette douleur d’avoir perdu… »
F. (en pleurs) : « Mh-hm. Oui, c’est tellement dur… je ne voyais pas
à quoi cela servait… je ne voyais pas d’espoir… »
T. : « cette souffrance est encore là aujourd’hui… cela semble sans
espoir, comme… tellement anéanti. »
présence thérapeutique. L’indice peut prendre des formes très variées, mais
les étapes de résolution se ressemblent à travers les clients.
Une fois que le client est dans la scène, le thérapeute recherche les
éléments qui ont été significatifs pour le déclenchement de la réaction
82 La psychothérapie centrée sur les émotions
dit enfin : « Cette fois, la vie m’a compris, la chance tourne… je ne peux pas
avoir autant de malheur… »
Frédéric : « J’ai été tellement heureux quand ma femme m’a
annoncé qu’elle n’était plus malade… je me suis dit : enfin ! ! Cette
fois, c’est mon tour d’avoir de la chance dans la vie. »
Thérapeute : « C’est mon tour d’avoir de la chance… la vie sera
juste maintenant avec moi… vous deviez être si rassuré. »
F. : « Et je me rappelle de ma rage quand j’ai appris la rechute du can-
cer !… J’aurai voulu hurler que cela n’était pas juste… pour moi…
mais c’est ma femme qui était malade… alors je n’ai rien dit. »
T. : « Cette rage, vous la sentez maintenant que vous me reparlez
de ce moment si dur ? »
F. (en montrant son ventre) : « Là ! Une boule dur, oui. »
T. : « Cette boule qui vous dit quoi ? »
F. : « Je ne mérite pas cela, j’aurai dû être épargné… elle n’aurait pas
dû mourir et me laisser avec cette souffrance encore une fois !… Je
suis maudit… peut-être qu’au fond je suis une mauvaise personne
qui mérite d’être punie… je dois mériter cela, car je suis mauvais. »
T. (le ton de la voix adouci) : « Vous pensez que vous méritez d’être
puni, car vous êtes une mauvaise personne… si mauvaise que la
vie s’acharne contre vous. »
F. (les yeux brillants) : « C’est peut-être cela qui se passe et je ne
m’en sortirai jamais. »
T. : « Ça vous touche, restez avez cela un peu… »
F. (visiblement ému) : « Oui (pause)… »
T. : « Qu’est-ce qui se passe en vous… »
F. : « Je n’avais pas vraiment réalisé que je me le disais… je ne sais
pas si c’est juste de se dire cela… je ne pense au fond pas vraiment
que je sois une mauvaise personne. »
Ce processus permet à Frédéric de comprendre l’origine de la croyance
précieuse, en accédant au schème émotionnel profond (le sentiment d’être
maudit ; « Je suis une mauvaise personne »).
Étape IV. Résolution partielle du bouleversement
de la signification : utilité de la croyance précieuse
dans le contexte de l’événement actuel
Arrivé à ce stade, Frédéric affirme qu’il continue à avoir droit à de la chance
dans la vie, mais reste dubitatif par rapport au sens que la perte de sa femme
peut vraiment avoir pour cette croyance. Une exploration lui a permis
d’accéder à l’idée qu’il en a le droit, « malgré tout ce qui m’est arrivé » (au
lieu de « à cause de ce qui m’est arrivé »).
Étape V. Révision
La ré-évaluation et la re-formulation de la croyance précieuse à ce
stade s’accompagnent par la modification de la qualité et de l’intensité
Tâches dans le processus thérapeutique 89
ne sais pas ce qui se passe, mais je sens bien qu’il y a quelque chose qui ne
va pas, je n’arrive pas à me l’expliquer. »
L’intervention indiquée pour cet indice est le focusing expérientiel, qui
a été développé par Gendlin (1964, 1981, 1996). Cornell (1996) et Leijssen
(1998) ont suggéré l’intégration du focusing dans le cadre de la thérapie
expérientielle. Le focusing est considéré comme « une attitude », une
manière du thérapeute d’être avec soi et avec le client, qui favorise la pré-
sence thérapeutique et la focalisation sur un thème émotionnel central.
Dans sa manière la plus classique, le focusing permet de nommer l’innom-
mable, d’accéder à une représentation idiosyncratique qui soit juste pour
un sens corporel (felt sense) donné. Le focusing expérientiel favorise donc la
mise en mots, le processus de la connaissance expérientielle et l’élaboration
de la signification à partir des éléments implicites (Gendlin, 1996). Leijssen
(1990 ; p. 228) décrit la tâche comme suit : « Attendre, rester tranquillement
présent avec ce qui n’est pas nommé, être réceptif à ce qui n’est pas formé. »
Cet état d’esprit implique une certaine ouverture patiente, tolérante, avec
compassion, une curiosité bienveillante, pleinement ancrée dans l’ici et
maintenant.
La littérature étant bien fournie au sujet du focusing expérientiel, égale-
ment en langue française, cette section sera courte et n’inclura pas de longs
verbatims.
Figure 3.2. Étape II. Initier le dialogue sur deux chaises pour la résolution
de l’autocritique.
T. : « Redites-lui. »
M. (en tapant sur l’accoudoir) : « Je veux… pas ça ! ! »
T. (doucement) : « Bien, mhm… au fond, vous ne voulez pas ça,
mais que méritez-vous, au fond ? »
M. : « (pause) je mérite… qu’on me considère avec douceur et
délicatesse, c’est ça ! Et aussi, je veux que tu (à la voix critique)
m’acceptes telle que je suis ! »
T. : « Dites-lui. J’ai besoin que tu me considères… »
Indice de l’auto-interruption
Manifestation de l’indice
L’indice de l’auto-interruption est une forme particulière d’un conflit
interne : une émotion primaire adaptée (ou un besoin, une tendance à
l’action), émergente dans le processus, est bloquée (Greenberg et al., 1993 ;
Elliott et al., 2004). Une partie interne ne tolère pas ce ressenti et son expres-
sion émerge. Cette partie peut être nommée la partie interruptrice. Ainsi,
cet indice peut ressembler, dans sa forme verbale au moins, à l’autocritique,
mais avec une composante d’interdiction plus forte (« ne dis pas X ou Y, tu
n’as pas le droit de le dire »). Typiquement, l’auto-interruption a un caractère
davantage non verbal ou corporel, avec des niveaux d’expressions variés.
Aussi l’autocritique implique-t-elle l’évaluation du soi, tandis que l’auto-
interruption implique une action sur le soi. Parfois, l’auto-interruption peut
être exprimée uniquement au niveau corporel, par des maux de tête, des
sensations de nausées ou d’étouffement. La mise à distance d’une émotion,
notamment dans le contexte de l’apprentissage traumatique, a pu être
une stratégie adaptée à un moment donné, mais peut ensuite prendre les
formes extrêmes de dissociation ou d’une incapacité à ressentir, auxquelles
le thérapeute TCE doit donner une attention prioritaire (Paivio et Pascual-
Leone, 2010 ; voir chapitre 4).
Cet indice est détecté lorsque le client montre des signes de blocage au
niveau émotionnel. Il peut être décrit de manière simple comme « je viens
de ressentir quelque chose, mais c’est parti, comme si un rideau s’est fermé
Tâches dans le processus thérapeutique 101
T. : « Comme si vous voulez dire : “Je suis si seul et démuni, papa,
à devoir m’occuper de maman”. »
A. (visiblement touché) : « Je suis seul, oui, tu me laisses seul à faire
ça, c’est trop lourd pour moi. »
T. : « Vous êtes touché, qu’est-ce qui se passe en vous mainte-
nant ? »
d’un souvenir infantile qui peut apparaître lors de l’élaboration d’un conflit
avec une personne significative ou un état profond de honte. Par exemple,
le client peut constater, sur le moment, en évoquant une scène particulière :
« Je ne peux pas supporter cette douleur… je me sens si seul… j’ai besoin
de… je n’arrive pas à dire ! » L’angoisse primaire (ou profonde) devient
apparente dans cet exemple, ce n’est pas uniquement un état de détresse
globale et non différencié, mais le client ouvre la porte à l’accès au besoin,
qui serait pour le moment indicible (« j’arrive pas à dire ! »), mais bien dans
le focus de l’attention du client.
Laura est une jeune femme qui souffre d’anxiété et qui a subi les compor-
tements abusifs d’une mère dépendante à l’alcool. À travers le processus
thérapeutique, elle a déjà accédé à sa peur fondamentale d’être seule. Coin-
cée par cet état, qu’elle dit « bien connaître », elle reste habitée par un
intense désespoir, qui « lui gâche la vie ». Laura se rappelle de son expé-
rience de vie avec sa mère lorsqu’elle avait environ 13 ans. Elle accède à
Tâches dans le processus thérapeutique 115
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4 Adaptations spécifiques
de la psychothérapie
centrée sur les émotions
Même si la psychothérapie centrée sur les émotions a été développée en tant
qu’approche intégrative, mettant au cœur le client et ses émotions, loin
des catégorisations diagnostiques, ces dernières années ont vu l’émergence
d’adaptations cliniques de la TCE à un nombre de troubles psychiques.
Ces adaptations ont démontré qu’il est possible de respecter l’intégrité de
l’approche centrée sur les émotions, tout en tenant compte des spécificités
d’un nombre croissant de situations cliniques. Dans ce chapitre, nous abor-
derons avant tout la dépression et le trauma complexe, comme les deux
adaptations majeures validées de la TCE. Ensuite, des explorations sont pro-
posées au sujet du trouble d’anxiété généralisée, les troubles alimentaires et
les troubles de la personnalité. Le chapitre suivant (chapitre 5) abordera les
adaptations de la TCE au contexte conjugal.
Dépression
Plusieurs formes de dépression présentent des caractéristiques émotionnelles
particulières. Selon le modèle TCE, ces caractéristiques émotionnelles sont
comprises comme étant le facteur responsable de l’émergence et du main-
tien de la dépression, produisant des pensées dépressives empreintes de biais
cognitifs, des comportements de retrait social et une manière inadaptée de
gérer le stress (coping). Selon le modèle dialectique-constructiviste (Greenberg
et Watson, 2006), un processus dépressif peut être expliqué par l’articulation
entre l’expérience vécue de la perte, des composantes biologiques et une
construction d’un sens idiosyncratique. Ces composantes s’intègrent dans un
cycle mal adapté d’émotions créant et maintenant la dépression. Par exem-
ple, suite à la perte de son travail, un client ressent une tristesse à laquelle il
ne peut pas avoir directement accès en raison de son histoire d’apprentissage
émotionnel. Cette tristesse est ainsi remplacée par une expérience de honte
primaire mal adaptée et plus particulièrement par un sentiment profond
d’inadéquation de la personne. Ainsi, le client se sent inadéquat, faible et pas
à la hauteur des défis de la vie. Cet état d’inadéquation connu de longue date
par ce client est si désagréable qu’il est supplanté par des émotions réaction-
nelles de défaite et d’impuissance profonde, toutes des émotions secondaires.
Cette impuissance conduit le client à des cognitions secondaires d’autocri-
tique, à un sentiment d’être « sans énergie » et à une aboulie, accompagnés
La honte
Le sentiment de honte est particulièrement douloureux et contribue chez
le client à une tendance à se cacher, vouloir disparaître sur le moment, afin
d’éviter d’affronter le regard de l’autre. La honte, selon Tomkins (1963), est
l’émotion de l’indignité et de la transgression. La honte est une composante
du processus de socialisation et décrit le rapport entre la personne et son
environnement social et culturel, y compris les normes et les règles. Dans
le contexte de la psychothérapie de la dépression, la honte est générale-
ment mal adaptée (Greenberg et Watson, 2006), mais il existe aussi de la
honte adaptée. La honte adaptée peut impliquer une tendance à l’action
du pardon interpersonnel, de la réparation et du rapprochement psycho-
logique à l’autre. Par exemple, lors de l’exclusion sociale à l’adolescence,
un jeune éprouve de la honte adaptée lorsqu’il se fait exclure suite à une
hygiène inadaptée. Ou un adulte éprouve de la honte adaptée lors d’un
enterrement lorsqu’il marche, sans faire exprès, sur un bouquet de fleurs
posé par terre à l’intention du défunt. La honte primaire adaptée peut être
une ressource dans le processus de la thérapie de couple centrée sur les
émotions, comme étape indispensable lors du pardon interpersonnel suite
à une blessure d’attachement d’un des partenaires (Woldarsky Meneses et
Greenberg, 2014). En contraste, dans ce qui suit, nous parlerons unique-
ment de la honte mal adaptée.
Indépendamment de l’origine de ce sentiment de honte mal adaptée
dans une situation donnée (origine sociale ou interne), la personne se sent
fondamentalement « nu(e), rejeté(e), seul(e), méprisable » (Greenberg,
et Iwakabe, 2011). La honte fait ainsi partie des enjeux identitaires de la
construction de la personne ; la honte est ressentie si une personne se sent
attaquée ou diminuée dans son for intérieur, son rôle ou son statut dans la
société. La honte est différente de la culpabilité. La culpabilité s’exprime
avant tout en rapport avec des aspects spécifiques erronés de la personne,
et non pas avec l’identité fondamentalement fautive de la personne dans
sa totalité. Par exemple, dans le cadre d’une séparation conjugale, une per-
sonne peut se sentir coupable d’éprouver du plaisir ; elle peut se faire le
reproche de penser uniquement à elle et à la satisfaction de son plaisir au
moment où elle s’intéresse à une nouvelle liaison. Cette personne ne res-
sent pas nécessairement un sens profond d’inadéquation du soi.
L’émotion de la honte peut apparaître en lien avec le fait même d’être en
psychothérapie. Malgré une collaboration apparente, notamment chez les
clients avec dépression, il reste, chez plusieurs, des interrogations internes
de savoir « est-ce qu’il n’y a pas quelque chose de fondamentalement mau-
vais ou fautif chez moi ? ». Le thérapeute TCE est attentif à cette interroga-
tion intime, qui peut être là au début sans être nommée explicitement, en
étant attentif à son émergence verbale et non verbale et en proposant une
Adaptations spécifiques de la psychothérapie centrée sur les émotions 125
La peur
La peur, dans sa forme primaire mal adaptée, est une émotion centrale dans
le travail thérapeutique avec la dépression. Il s’agit ici d’une insécurité fon-
damentale en rapport avec les liens d’attachement. De manière générale,
il s’agit d’investiguer cette émotion en fonction du vécu du client et des
thèmes sous-jacents. Deux facettes existent : la peur d’être abandonné et de
ne plus pouvoir vivre dans le lien, et la peur du danger, suite à un abus. De
manière plus spécifique, plusieurs thèmes de peur peuvent apparaître dans
le discours du client déprimé (Greenberg et Watson, 2006) :
• le client peut avoir peur d’être rejeté ou jugé, ce qui interrompt ou
empêche la personne d’être authentique ;
• le client peut présenter une peur primaire mal adaptée, ce qui implique
que le monde est perçu comme un endroit maléfique ;
• le client a peur de répéter des erreurs familiales, ce qui peut entraîner des
inhibitions dans le rôle de parent ;
• le client a peur du changement, ce qui implique le sentiment de faire du
« sur place » ;
• le client peut exprimer des peurs d’avoir des émotions, ce qui peut résul-
ter en des blocages et auto-interruptions dans le travail thérapeutique sur
les émotions.
Toutes ces facettes de la peur primaire mal adaptée doivent être accédées
en thérapie, afin de favoriser leur transformation.
La tristesse
La tristesse est souvent présente dans la dépression, mais il faut différencier
l’émotion de la tristesse de l’état symptomatique de la dépression. Ce der-
nier peut se confondre partiellement avec les manifestations d’émotions
secondaires, en réaction à un sentiment de perte et de danger mal adapté
plus primaire. Il s’agit ici souvent de l’état d’impuissance secondaire. En
contraste, la tristesse peut aussi s’exprimer sous forme adaptée primaire,
par exemple, à la suite de la perte existentielle d’un proche, d’un projet,
ou, parfois, du sens de la vie. Les cibles thérapeutiques les plus productives
dans la dépression sont la tristesse en lien avec les blessures d’attache-
ment subies ou en lien avec un processus de deuil non résolu ou arrêté
prématurément. Dans le cas d’un deuil non-résolu ou d’un sentiment de
Adaptations spécifiques de la psychothérapie centrée sur les émotions 127
La colère
La colère fait partie des émotions inhérentes à la dépression. Dans
une étude sur les émotions autorapportées par des clients présentant
une dépression, l’expérience de la colère est la plus souvent rapportée
(Kagan, 2003). Aussi a-t-il été montré qu’une intensité élevée de colère
est en lien avec plusieurs problèmes psychosomatiques (p. ex., l’hyper-
tension et la maladie de Crohn), psychologiques et social (Broman et
Johnson, 1988), comparée à une colère faible ou modérée. Finalement,
les clients avec dépression présentent souvent une suppression de la
colère (i.e., la colère est présente au niveau de l’expérience, mais elle n’est
pas accédée, ni symbolisée, ni exprimée ; Akhavan, 2001 ; Greenberg et
Watson, 2006). La tâche thérapeutique primordiale dans le traitement de
la dépression devient ainsi l’expression de la colère affirmée. Il ne s’agit
pas ici d’une décharge émotionnelle de la colère en séance, comme préco-
nisé ailleurs, mais de l’expression de la colère de manière souvent modérée
(mais pas uniquement), ciblée (souvent en utilisant des mises en acte) et
spécifique (à l’intérieur d’une situation ou d’un contexte interpersonnel
impliquant un autre significatif particulier, voir chapitre 3). Cette colère
est empreinte de signification, sert à ériger une limite claire, pour mieux
connecter avec autrui de manière constructive, au lieu de rejeter l’autre
dans un mouvement de dédain et de rage.
Émotions positives
L’absence d’émotion « positive » dans la dépression requiert que le théra-
peute soit attentif et empathique par rapport à l’émergence dans le proces-
sus, même de manière discrète, de l’intérêt, de l’excitation, de la joie et de la
128 La psychothérapie centrée sur les émotions
Trauma complexe
Le traitement TCE des problèmes en lien avec le trauma complexe, c’est-à-
dire des problèmes psychologiques qui se sont formés consécutivement aux
traumatismes interpersonnels, de blessures d’attachement répétées et de
maltraitance infantile, représente un chapitre bien développé et une forme
de traitement validé empiriquement (Paivio et Pascual-Leone, 2010 ; Paivio
et al., 2010 ; Paivio et Greenberg, 1995). Hormis les principes et techniques
de la TCE décrite ci-dessus (voir chapitre 3), la psychothérapie centrée sur
les émotions du trauma complexe présente une série de spécificités par
rapport à l’approche originale. Ces différences émanent des particularités
de la population avec traumatismes complexes – en particulier suite à des
abus dans l’enfance –, du programme de recherche rattaché et des recom-
mandations cliniques pour cette population.
Premièrement, la qualité de la relation thérapeutique est encore plus
importante pour la population avec trauma complexe, comparée à d’autres
clients. Deuxièmement, une organisation en quatre phases de traitement, à
la fois bien distinctes conceptuellement entre elles et applicables de manière
récursive en clinique, caractérise le traitement ; il en suit une utilisation un
peu plus marquée d’une directivité de contenu, orientée spécifiquement
vers la mémoire traumatique. Troisièmement, il y a une adaptation tech-
nique spécifique proposée pour le travail sur les blessures d’attachement
non résolues. Quatrièmement, le mécanisme fondamental du changement
réside en la transformation de la mémoire traumatique.
Adaptations spécifiques de la psychothérapie centrée sur les émotions 129
otentiellement vécues par ces clients. Elle fait ainsi partie intégrante du
p
traitement curatif. La manière avec laquelle le client et le thérapeute pren-
nent congé peut être comprise comme un indicateur pour l’avancement
et la réussite de la psychothérapie. Dans le contexte du dialogue avec une
personne significative, d’abord, une attention particulière est portée à une
réparation imaginaire, un pardon interpersonnel, une séparation ou le fait
de tenir l’agresseur responsable de ses actes, réalisés par le client. À nou-
veau, un accompagnement empathique et encourageant de ces processus
sera tout aussi important que la transformation émotionnelle et mnésique
en tant que telle. Le thérapeute peut, par exemple, encourager le client, à
la fin de la thérapie, à évaluer sa compréhension actuelle du trauma, en la
comparant à celle décrite par lui-même en début du traitement, en décri-
vant les changements qu’il a observés.
De manière globale, il est postulé que la psychothérapie centrée sur les
émotions du trauma complexe est sous-tendue par la transformation
de la mémoire traumatique. La mémoire traumatique est ici comprise
comme une auto-organisation intégrée, ré-activée au moment de l’expo-
sition avec des stimuli qui ressemblent à ceux encodés en lien avec le
trauma (Van der Kolk, 1996). Les experts des différentes approches traitant
le trauma complexe, et plus spécifiquement traitant les symptômes du
stress post-traumatique, s’accordent pour dire que l’exposition répétée et
réalisée à ces contenus mnésiques dans le contexte d’une relation thé-
rapeutique chaleureuse et validante est la clé de voûte du succès d’un
traitement. Toutefois, les avis divergent quant aux processus impliqués
dans cette exposition. Les uns proposent que l’habituation à des stimuli
anxiogènes (Foa et al., 2000 ; Jaycox et al., 1998) conduit à des change-
ments dans la mémoire traumatique, les autres postulent que le processus
de construction de la signification serait la clé permettant la transforma-
tion mnésique (Ecker et al., 2012 ; Lane et al., 2014). Les deux processus
impliquent l’activation émotionnelle en séance et des éléments nouveaux
introduits dans la mémoire. Toutefois, la perspective de la construction
de la signification propose que les liens entre émotions et significations
soient intégrés en un nouveau schème émotionnel, avec des caractéris-
tiques spécifiques et idiosyncratiques (Paivio et Pascual-Leone, 2010). Il
s’agit de l’émergence d’une nouvelle émotion, grâce à un processus qui
est fondamentalement ancré à l’intérieur de soi, dans le contexte d’une
profonde connaissance expérientielle.
Troubles anxieux
Différentes formes d’anxiété
En général, l’expérience d’anxiété peut prendre plusieurs formes en psy-
chothérapie. L’anxiété peut être primaire adaptée, comme réaction directe
Adaptations spécifiques de la psychothérapie centrée sur les émotions 133
Troubles de la personnalité
Les troubles de la personnalité constituent un domaine encore peu investi
par les théoriciens et thérapeutes travaillant avec la TCE, mais il émerge
des travaux de recherche montrant que ces clients pourraient bénéficier
d’interventions TCE, sous réserve de quelques adaptations (Warwar et al.,
2008 ; Pos et Greenberg, 2012 ; Pos, 2014). Pour l’instant, des études de cas
existent pour les troubles de la personnalité borderline et évitante.
Comme souligné par Pos et Greenberg (2012) pour le cas du trouble de
la personnalité borderline, le dialogue sur deux chaises pour l’élaboration
de l’autocritique – technique particulièrement évocatrice d’émotions –
pourrait être inapproprié dans sa forme classique. Il est considéré que la
138 La psychothérapie centrée sur les émotions
adapté chez les clients borderline, il s’agit ici de traiter ce lien entre auto-
organisations émotionnelles. Au lieu de traiter de manière séparée les deux
voix différentes (l’autocritique vs la partie expérientielle), le travail se foca-
lise sur le lien entre elles. Le travail thérapeutique peut se faire ici avec le
cycle mal adapté de l’interaction entre les deux parties, et non pas avec
l’une ou l’autre partie isolément (voir chapitre 5 et Greenberg et Johnson,
1988 ; Greenberg et Goldman, 2008). Cette approche plus complexe
et douce face à l’évocation des affects dans l’élaboration de l’autocritique
en utilisant le dialogue sur deux chaises, permet à la fois un contact sou-
tenu avec le thérapeute et une régulation émotionnelle appropriée. Aussi, il
paraît nécessaire de vérifier soigneusement la capacité de représentation,
chez la cliente, des deux voix impliquées dans le processus d’autocritique,
avant d’entrer en dialogue en utilisant les deux chaises. Ainsi, les contenus
du dialogue sont pré-pensés par la cliente borderline, ce qui permet une
meilleure intégration lors du dialogue.
Une deuxième étude de cas TCE décrivant une cliente avec trouble de la
personnalité borderline concerne Sara (Kramer et Pascual-Leone, 2012). Sara
a bénéficié, comme Ève, d’un traitement en deux étapes, comportemental-
dialectique, puis centré sur les émotions. Suivant les recommandations de Pos
et Greenberg (2012) ainsi que de Paivio et Pascual-Leone (2010) pour le trauma
complexe, le traitement TCE a débuté ici par la résolution des problèmes en
lien avec l’autocritique (relation de soi à soi, en utilisant l’adaptation du dia-
logue sur deux chaises en tant que cycle mal adapté), pour être continué par
l’élaboration d’un conflit avec une personne significative. Pour cette dernière,
Sara a travaillé tour à tour des conflits non résolus avec la mère, intrusive et
contrôlante, et le père, effacé, non fiable et absent. L’accès à l’expérience de
la colère affirmée dans cette phase de traitement a été un événement-clé dans
le processus de guérison de cette cliente (Kramer et Pascual-Leone, 2012) et a
contribué à la diminution symptomatique à la fin du traitement.
Finalement, Pos et Greenberg (2012) soulignent l’importance donnée aux
réponses empathiques du thérapeute dans le cadre de la TCE pour les clients
avec trouble de la personnalité borderline. Ici, il est important de noter
qu’un regard inconditionnel par rapport à l’ensemble des éléments présen-
tés par le client est adopté. La chaleur et l’authenticité ne sont pas utilisées
de manière contingente, comme suggéré par les approches comportemen-
tales (p. ex., Linehan, 1993).
Pour un cas avec un trouble de la personnalité évitante, Pos (2014) a
démontré l’adéquation du modèle TCE au traitement des clients avec des
processus d’évitement expérientiel. L’auteure a identifié chez ces clients
lors de leur élaboration d’un conflit avec une personne significative, le
problème de la non-individuation au niveau expérientiel, ce qui revient
à une absence d’identité du soi, sur la chaise expérientielle. La non-
individuation émotionnelle surgit surtout en réponse à l’autre significatif,
140 La psychothérapie centrée sur les émotions
si ce dernier est vécu de manière négative (ce qui est très souvent le cas).
Ce problème de non-individuation se manifeste par une affiliation de sur-
face à ce que l’autre significatif (sur la chaise de l’autre) vient de dire.
La cliente peut réagir à la personne significative en disant par exem-
ple : « Elle a raison, je suis complètement faible » (Pos, 2014, p. 130).
Alternativement, ce problème peut mener à un évitement complet de
la communication et au retrait émotionnel sur la chaise expérientielle.
Finalement, la non-individuation peut mener à une révolte défiante et peu
productive, en disant simplement « non ! ». Une version de l’autocritique
par l’autocoaching fréquemment rencontrée dans les cas avec évitement
expérientiel est l’injonction, donnée à soi-même, du « simplement sois
normal ! ». Cela peut donner lieu à un conflit interne spécifique au trouble
de la personnalité évitante, entre cette injonction et la non-individuation
expérientielle (Pos, 2014). Dans le cadre de l’élaboration de l’autocritique
en utilisant le dialogue sur deux chaises, ces clients évitent ainsi d’évo-
quer une critique fondamentale, qui pourrait les toucher trop près de leur
for intérieur, mais débutent ce dialogue par une critique secondarisée (par
l’autocoaching). Cette critique de type autocoaching vise ici à mobiliser le
soi pour « simplement rester normal ». Par exemple, une cliente, Noémie,
présentant un trouble de la personnalité évitante, dit sur la chaise de la
critique : « Évite qu’on ne te remarque ! Tu dois travailler plus durement,
tu dois tout faire pour ne pas sortir de la masse ! » Même si cette « cri-
tique » est pertinente pour ce type de clients, elle ne représente pas le cœur
de l’autocritique fondamentale qui, chez Noémie, est autour de « tu es une
paresseuse ! », Ce niveau de profondeur est souvent évité par ces clients
dans un premier temps du dialogue. Une acuité perceptuelle du théra-
peute (i.e., savoir différencier la critique secondarisée par l’autocoaching
de l’autocritique fondamentale) est une capacité importante et contribue
à maintenir, dans le processus, le focus thérapeutique sur la critique fon-
damentale, même si elle reste seulement implicite – « entre les lignes »
– au début du dialogue. Dans un cadre thérapeutique bienveillant, il est
possible de pénétrer à la critique fondamentale et de faciliter un proces-
sus de résolution productive. Ce dernier implique d’arriver aux schèmes
émotionnels fondamentaux, qui chez Noémie, comprennent le sentiment
de honte face à l’inadéquation centrale de sa personne, avant de quitter
cette émotion dans le but de la transformer.
Pour ces clients avec trouble de la personnalité, le thérapeute doit pro-
poser un échafaudage solide aux processus d’expérience de son client, avec
l’émotion comme point d’entrée pour favoriser la profondeur de la connais-
sance expérientielle empreinte de nouvelles significations. Cet échafaudage
expérientiel paraît particulièrement important pour les clients avec trouble
de la personnalité, mais, comme souligné par Elliott et al. (2004), peut aussi
être utile pour tout client victime de stress intense, de négligence émotion-
nelle grave et d’abus.
Adaptations spécifiques de la psychothérapie centrée sur les émotions 141
Il faut noter que les changements proposés dans les traitements TCE pour
les troubles de la personnalité impliquent que les résultats thérapeutiques
sont attendus après davantage de séances, comparés aux traitements des
autres clients. Les clients décrits ci-dessus ont tous eu des traitements durant
au moins deux ans. Cela rend la validation par les méthodes quantitatives
en recherche plus laborieuse. Toutefois, les exemples donnés reflètent la pra-
tique au plus près ce que les experts TCE font à travers des contextes divers,
et permettent ainsi des adaptations créatives et efficaces du modèle de base.
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Adaptations spécifiques de la psychothérapie centrée sur les émotions 143
attentif aux signaux émotionnels de son partenaire. Il les lit avec beaucoup
de soin et réagit en conséquence et la différenciation en types d’émotions
s’applique (voir chapitre 2 ; Greenberg, 2002 ; Greenberg et Paivio, 1997 ;
Greenberg et Safran, 1987).
La réceptivité et l’accessibilité émotionnelle du partenaire sont des
concepts centraux dans la perspective de l’attachement, appliquée au
champ du couple. À l’époque, les notions d’attachement en clinique n’en
étaient qu’à leurs débuts (Weiss, 1982 ; voir chapitre 2), et l’application
au contexte conjugal permettait une meilleure compréhension des dimen
sions caractérisant les liens affectifs au sein du couple. Dans cette perspec
tive, les conflits relationnels résultent le plus souvent de blessures affectives
non exprimées provenant de besoins inassouvis d’attachement (proxi
mité, disponibilité et sensibilité) et identitaire (acceptation, valorisation,
voir chapitre 2). Ces conflits se visualisent au travers de dynamiques
cycliques négatives, caractérisées par des interactions intenses et des pro
fils de réponses émotionnelles. Par exemple, un partenaire pourrait repro
cher à l’autre : « Tu es tellement fermé… tu as peur de l’intimité ! » L’autre
partenaire pourrait alors répliquer : « Tu es tellement exigeant » ou « tu es
tellement demandant ! ». Dans cette dynamique d’attaque et de défense, la
réponse de l’un invalide celle de l’autre. Cela tend à augmenter la réactivité
émotionnelle et à intensifier la dynamique du conflit de couple.
Le changement thérapeutique en TCE-C ne découle pas d’une catharsis, ou
d’une amélioration de compétence ou d’une nouvelle compréhension, mais
de la sensibilisation et l’expression d’une nouvelle expérience émotionnelle
qui transforme la nature du cycle interactionnel du couple. L’antidote aux
conflits réside dans l’expérience de chacun d’exprimer sa vulnérabilité (i.e.,
expression des émotions primaires sous-jacentes), couplée à l’expérience
qu’elle puisse être accueillie et reconnue de manière empathique par l’autre.
Les changements de la dynamique du couple se font en accédant à des émo
tions sous-jacentes vécues par chacun des partenaires en vue de créer des
nouvelles expériences émotionnelles correctrices où l’ouverture mutuelle,
la réceptivité et la validation font place aux nouveaux types d’interactions
qui rétablissent la confiance et rapprochent – au lieu d’éloigner – les parte
naires (Greenberg et Johnson, 1988). Lorsque les deux partenaires réalisent
l’influence de la manière dont ils expriment leurs émotions sur leur cycle
négatif, ils peuvent être encouragés à prendre le risque d’exprimer leurs émo
tions sous-jacentes et ainsi s’engager dans un nouveau type d’interaction.
L’attachement
Selon Johnson (2004), les êtres humains ont un besoin inné de maintenir la
proximité avec un autre significatif. Un lien d’attachement dit « sécurisant »
implique une accessibilité mutuelle et une réceptivité émotionnelle. Cela
amène un sentiment de sécurité qui permet à l’individu de « réguler ses émo
tions, de traiter l’information, de résoudre des problèmes, de mieux composer
avec les différences et de communiquer clairement » (Johnson, 2008, p. 112),
en plus de promouvoir l’autonomie et la confiance en soi (Johnson, 2004).
Un lien d’attachement vulnérable provoque souvent des émotions dés
agréables au sein d’une interaction négative. Les besoins des partenaires n’y
sont que partiellement remplis malgré leurs tentatives en ce sens (Johnson,
2004, 2008). Établir un lien d’attachement sécurisant fournit le remède
nécessaire permettant aux couples d’exprimer leurs émotions et leurs besoins
avec précision et efficacité et de se sortir de leur cycle d’interaction négative
148 La psychothérapie centrée sur les émotions
Les interventions
Le processus : les stades
Dans sa conception initiale, la TCE de couple correspond à une démarche
de traitement en neuf étapes regroupées en trois stades. Ces étapes se suc
cèdent et s’imbriquent les unes dans les autres, la suivante incorporant les
éléments de la précédente. Chez un couple affichant un niveau moyen de
150 La psychothérapie centrée sur les émotions
des conflits de longue date et de régler des problèmes concrets, ces derniers
étant maintenant dénués de leur connotation de menace de l’attachement.
Interventions thérapeutiques
Dans un premier temps, les interventions peuvent viser le maintien de
l’alliance thérapeutique ou la prise de conscience élargie d’un sentiment,
d’une émotion, ces deux visées contribuant à la prise de conscience de la
dynamique interrelationnelle, avec les prises de position de chacun, leurs
émotions primaires et secondaires, leurs comportements et perceptions. Il y
a souvent un élément de recadrage positif visant à encourager le développe
ment d’une vision positive d’autrui. À la lumière de la théorie de l’attache
ment, même les comportements les plus inusités sont interprétés comme
des tentatives, souvent inefficaces, de rapprochement vers l’intimité et le
bien-être conjugal. Dans un deuxième temps, les interventions viseront
la restructuration de la dynamique interactive où le poursuivi sera encou
ragé à prendre une place plus active dans la relation et où le poursuiveur
sera encouragé à faire confiance à son conjoint en « relâchant » sa prise
de position amère et critique et en demandant à l’autre de répondre à son
besoin d’affection. Dans la TCE-C, on fait appel aux interventions suivantes
pour démarrer et faire avancer le processus thérapeutique. Les mêmes inter
ventions pourront servir des objectifs différents, en fonction du stade dans
lequel le couple se trouve.
Refléter l’expérience émotionnelle
Il s’agit de se concentrer sur le processus de la thérapie, construire et main
tenir l’alliance et clarifier les réponses émotionnelles sous-jacentes aux
prises de position interactionnelles. Le reflet est l’intervention de base ; on
souligne ici l’importance d’un accordage au niveau de l’empathie et de la
dynamique interactive.
Thérapeute : « Pourriez-vous m’aider à comprendre ? Je crois que
vous dites que vous devenez si déprimé, si découragé dans ces
situations que vous vous trouvez à vouloir prendre le contrôle
de tout, parce que le sentiment d’être découragé est tellement
envahissant. Est-ce bien cela ? Dès lors, vous commencez à faire
des reproches à votre femme. Est-ce que je comprends bien ? »
Les interventions
Le processus : les stades
Greenberg et Goldman (2008) ont développé à partir du processus théra
peutique initial (Greenberg et Johnson, 1988) un modèle de traitement en
cinq stades.
Stade 1. Validation et formation de l’alliance
Ce stade permet l’établissement d’une alliance collaborative et sécurisante
entre le thérapeute et le couple. Elle est obtenue par le biais de la validation
de la douleur émotionnelle de chaque partenaire et de la formation d’un
lien affectif avec chacun (Greenberg et Goldman, 2008). Le lien entre le
couple et le thérapeute est essentiel d’une part, afin d’aider la réduction de
l’anxiété de chaque partenaire, d’autre part, afin de leur permettre de se sen
tir suffisamment en sécurité pour se révéler émotionnellement et s’exposer
(Greenberg et Goldman, 2008). Le thérapeute tente aussi de comprendre les
préoccupations fondamentales du couple et comment il aborde les enjeux
en lien avec l’attachement et l’identité.
Stade 2. Désescalade du cycle négatif
Le thérapeute travaille principalement à réduire la réactivité émotionnelle
entre les partenaires (Greenberg et Goldman, 2008). Les problèmes du
couple sont extériorisés, nommés et traduits sous la forme d’une dyna
mique, d’un cycle. De cette manière, une distance affective se crée entre le
couple et son problème. En collaboration avec le thérapeute, chaque parte
naire prend conscience de son rôle dans le cycle interactionnel identifié et
de ses besoins d’attachement et d’identité, ainsi que le lien avec des enjeux
individuels significatifs tels qu’un traumatisme ou des besoins non satis
faits durant la petite enfance ou lors d’une ancienne relation (Greenberg
et Goldman, 2008). Cela permet au couple de reformuler leur problème en
termes de besoins inassouvis plutôt qu’en termes de défauts, réduisant ainsi
encore la réactivité émotionnelle.
Thérapie de couple centrée sur les émotions 161
Interventions thérapeutiques
Le thérapeute est ici considéré comme un « coach des émotions ». Le
concept du « coaching » repose sur la prémisse que les partenaires ont
des ressources et un potentiel de croissance qui peut être développé par
un entraînement spécifique au niveau des émotions (Greenberg et Goldman,
2008). Ce travail se situe au niveau de la conscience émotionnelle et de
l’expression émotionnelle. Pour ce faire, le thérapeute TCE-C pourrait
proposer des tâches à domicile entre les séances, par exemple, proposer à
un mari d’observer ce qu’il ressent lorsqu’il est la cible des critiques. De
même, à son épouse, il pourrait lui proposer d’observer ce qu’elle ressent
lorsqu’elle se sent invalidée. Le mari pourrait rapporter se sentir inconsidéré
et la femme ressentir de la honte.
Conformément à l’origine humaniste de la TCE, le thérapeute ne
commande ni prescrit de changement. De même, il sera soucieux de ne pas
« juger » les partenaires en utilisant des termes susceptibles de compromet
tre la cohésion du couple. Par exemple, il est proscrit d’affubler un parte
naire de « manipulateur, narcissique, ou infantile ». Le thérapeute considère
plutôt les deux partenaires comme faisant de leur mieux, compte tenu de
leurs vécus, pour obtenir la proximité et la validation de l’autre, ce qui
est radicalement différent que de concevoir l’un ou l’autre des partenaires
comme étant problématique ou dysfonctionnel.
Sophie et Nicolas sont en couple depuis 20 ans. Lors de leur rencontre avec
le thérapeute, ils décrivent une dynamique « dominant/soumis ». Sophie se
sent constamment critiquée et sous l’emprise de Nicolas, qui, à son tour, ne
se sent pas assez considéré par Sophie. Le thérapeute cherche à désamorcer
les tensions en mettant l’accent sur la manière dont les deux partenaires
participent activement à la dynamique et en explorant les émotions et les
besoins qui sous-tendent la prise de position de chacun (dominant/soumis).
Thérapeute : « Sophie, je vois que vous êtes agitée, que vous cher
chez à vous défendre… c’est pareil pour vous, Nicolas… Nous
allons essayer de nous arrêter un peu afin d’essayer de voir ce qui
se passe là derrière. » [Le thérapeute décrit leur comportement et
invite le couple à regarder la situation autrement en explorant
leurs expériences sous-jacentes.]
Sophie : « Je suis énervée parce qu’il m’accuse encore une fois, j’ai
l’impression que quoi que je fasse, c’est toujours mal, Nicolas. »
(soupir)
T. : « Hm-mm, pouvez-vous prendre quelques instants pour regar
der ce qui se passe dans votre corps quand vous dites cela ? » [Le
thérapeute se concentre sur l’ici et le maintenant et guide Sophie
à observer les émotions qui sous-tendent sa réaction.]
S. (soupir) : « Um, je crois que je me sens triste… triste de nous voir
nous disputer encore… triste que je n’arrive pas à lui montrer que
j’avais de bonnes intentions quand j’ai appelé sa sœur. »
Thérapie de couple centrée sur les émotions 163
Conclusions
À notre connaissance, il n’existe pas d’autre texte qui regroupe les deux
développements récents de la TCE-C. Nous avons tenu à le faire afin de
rapporter au plus près l’historique de ces deux branches avec leur tronc
commun, à savoir la TCE. De ce fait, les deux modèles partagent beaucoup
166 La psychothérapie centrée sur les émotions
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168 La psychothérapie centrée sur les émotions
En tant que cliniciens, les deux coauteurs de ce chapitre observent tous les
jours des clients qui changent en psychothérapie. Si cette observation est
certes satisfaisante pour le clinicien, elle est aussi futile pour le chercheur :
le moment productif s’échappe et nous restons avec une trace de mémoire
forcément sélective et biaisée de ce moment d’interaction. Et les questions
centrales restent ouvertes, comme « est-ce que ceci était vraiment utile, et si
oui, pourquoi ? », « est-ce qu’autre chose aurait été mieux ? », « comment le
client a réussi à faire cela ? », « est-ce que cet effet se maintiendra à long
terme ? ». La recherche en psychothérapie, notamment portant sur les méca-
nismes de changement, donne quelques réponses à ces questions centrales.
La recherche est donc une tâche à la fois nécessaire et productive, c’est pour
cela qu’un tel chapitre spécifiquement dédié à la recherche TCE peut permet-
tre de comprendre encore mieux et en profondeur l’approche, ses atouts, ses
potentiels de développement et ses limites. Il est nécessaire, car nous pensons
qu’un psychothérapeute centré sur les émotions doit adopter, dans l’âme,
une attitude de modestie, d’émerveillement et d’intérêt candide devant
le phénomène du changement en psychothérapie, ce qui revient à l’attitude
d’un chercheur devant son objet d’étude. Finalement, mieux comprendre
un phénomène implique une meilleure théorie, une meilleure intervention
et une quête de répondre aux questions centrales encore en suspens.
Ce chapitre débutera par la discussion des données empiriques probantes
en lien avec les mécanismes de changement postulés (voir chapitre 2 pour
l’élaboration théorique de ces mécanismes), qui représentent le véritable
cœur des recherches portant sur le processus thérapeutique en TCE. Ensuite,
des recherches portant sur des tâches du thérapeute sont abordées, pour
terminer par la validation empirique globale, dans l’application de la TCE
aux différentes problématiques.
La psychothérapie centrée sur les émotions
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170 La psychothérapie centrée sur les émotions
Mécanismes de changement
Dans cet ordre, les mécanismes de changement postulés comme sous-tendant
l’approche centrée sur les émotions, sont la relation thérapeutique, la
connaissance expérientielle, les qualités de l’émotion, la transformation
émotionnelle et le processus d’assimilation, ainsi que l’intégration narrative.
La relation thérapeutique
L’alliance thérapeutique est aujourd’hui considérée comme le processus
relié au résultat thérapeutique de la manière la plus systématique, à travers
les approches thérapeutiques. Plusieurs méta-analyses ont synthétisé la
littérature, dont la plus récente au sujet de l’alliance thérapeutique dans les
traitements individuels (Horvath et al., 2011). Cette étude a méta-analysé
201 études, publiées ou non, durant la période de 1973 à 2009 (au total
plus de 14 000 clients). La taille de l’effet global, ajustée pour les tailles de
l’échantillon et les intercorrélations entre les mesures de résultat, est
de r = 0,275 (i.e., représente environ 8 % de la variance expliquée du résul-
tat thérapeutique). Ces effets sont comparables à travers les approches
thérapeutiques, sont robustes et ne dépendent pas du fait qu’une étude a
été publiée ou non. Dans la TCE, le développement de l’alliance est un
processus débutant à la toute première séance et la qualité de l’alliance à
ce moment-là, codée par le client, prédit le résultat thérapeutique à travers
plusieurs études (Pos et al., 2009 ; Wong et Pos, 2014b). La psychothérapie
centrée sur les émotions, ensemble avec d’autres approches thérapeutiques,
favorise une construction de l’alliance thérapeutique qui prévient les
possibles ruptures de l’alliance, ou les répare dans un processus de re-
négociation empreint d’empathie. Une récente méta-analyse (Safran
et al., 2011) a analysé les rôles de la rupture et de la résolution de l’alliance
thérapeutique dans la prédiction du résultat thérapeutique. Trois études et
au total N = 148 clients ont été inclus, tout traitement confondu. La taille
de l’effet globale était de r = 0,24, ce qui représente un petit effet, mais qui
est statistiquement significatif (p = 0,002).
La qualité de la relation thérapeutique, avec ses différentes composantes,
a montré des liens systématiques avec le résultat thérapeutique, au-delà
d’une approche particulière. Pour la TCE, l’empathie du thérapeute est pos-
tulée être un ingrédient central. Le thérapeute y propose un environnement
particulièrement accueillant et chaleureux empreint de la capacité et de la
motivation chez le thérapeute de comprendre l’expérience du client depuis
l’intérieur. Sur la base de 57 études conduites en langue anglaise (N = 3 599
clients et 224 effets distincts), Elliott et collaborateurs (2011) ont mon-
tré une taille d’effet modérée reliant l’empathie au résultat thérapeutique
(d = 0,30), ce qui correspond à l’explication d’environ 9 % de la variance du
résultat thérapeutique. Plusieurs formes de traitement ont été incluses dans
Validation empirique de la psychothérapie centrée sur les émotions... 171
sur la personne) ont été analysés. Les résultats montraient que le passage
crucial entre clarification du problème et nouvelle compréhension pouvait
être subdivisé en plusieurs sous-étapes, visant toutes la construction d’un
lien sémiotique (ou d’un « pont de signification » ; meaning-bridge ; Brinegar
et al., 2006). En cours d’assimilation progressive, la voix problématique est
devenue plus claire et entre en conflit direct avec la voix dominante, prend
clairement le centre de l’attention, avant qu’il ne se développe un respect
mutuel parmi des expériences contradictoires au sein du soi, qui peuvent
finalement converger vers une recherche d’une nouvelle compréhension
(Brinegar et al., 2006). La mise en évidence de ces sous-étapes est impor-
tante pour mieux saisir le rôle central revenant au développement de nou-
velles compréhensions. Le développement d’une nouvelle compréhension
(insight) peut être compris comme une des étapes-clés des psychothérapies
expérientielles, notamment la construction de différents types de compré-
hensions émergeant de l’expérience faite dans l’ici et maintenant (Pascual-
Leone et Greenberg, 2006).
processus a été étudié par des travaux de recherche (Watson, 1996). Des
séances résolues sont comparées aux séances non résolues. Les séances réso-
lues sur la tâche de l’exploration systématique des réactions problématiques
différaient des non résolues sur deux variables :
1. Une activité référentielle élevée du client, signifiant des liens établis par
le client entre son expression verbale et non verbale (Bucci, 1985), caracté-
risait les séances résolues. Cette activité référentielle concernait les passages
lorsque les clients décrivaient le point de réaction problématique, qui est
immédiatement suivi par une différenciation émotionnelle.
2. Une description vivace était suivie par un changement dans l’expérience
émotionnelle, ce qui se produisait dans les séances résolues. Ces résultats
corroboraient le modèle de résolution du point de réaction problématique,
développé et décrit par Rice et Saperia (1984 ; voir chapitre 3). L’utilisation,
par le client, d’un langage concret et vivace dans la description d’un point
de réaction problématique favorise l’activation et la différenciation émo-
tionnelle et devient ainsi une première étape indispensable pour la résolu-
tion du point de réaction problématique.
Finalement, dans une étude portant sur des survivants d’abus dans
l’enfance, Paivio et collaborateurs (2010) ont comparé la confrontation en
imagination – une version adaptée à cette population du dialogue en utili-
sant la chaise vide pour la résolution d’un conflit avec une personne signi-
ficative (Paivio et Pascual-Leone, 2010 ; voir chapitre 4) – à l’exploration
empathique. La dernière intervention, ressemblant à l’exploration systéma-
tique des réactions problématiques décrite dans le chapitre 3, n’implique
pas le dialogue avec la chaise vide et est particulièrement adaptée pour les
clients préférant ne pas travailler selon cette méthode, surtout en cas de
présence d’anxiété sociale comorbide1. Si les deux variantes d’interventions
produisaient des effets pré-post significatifs, les deux traitements étaient
cliniquement efficaces comparés à l’absence de traitement. Toutefois, la
version utilisant la chaise vide présentait un léger avantage (d = 1,67) sur
celle sans la chaise vide (d = 1,24). En plus, la variante avec la chaise vide
a permis à davantage de clients de terminer le traitement avec un change-
ment cliniquement significatif, mais aussi avec davantage d’arrêts préma-
turés (comparée à la variante sans le dialogue avec la chaise vide). Notre
expérience est, peut-être contre-intuitivement, que les thérapeutes utilisant
le dialogue sans les chaises physiques se perdent plus facilement dans la
tâche, tout comme leurs clients ! Pour cette raison, l’utilisation de la chaise
vide est un outil thérapeutique permettant de structurer et de favoriser un
dialogue ; il semblerait que cet outil demande moins de ressources cog-
nitives et est plus facile à implémenter par les thérapeutes de différents
niveaux d’expertise.
Dialogue d’autocompassion
Le dialogue d’autocompassion a été étudié par plusieurs recherches
(Goldman, 2014 ; Ito et al., 2010a,b ; Sutherland et al., 2014). En utilisant
l’analyse de la tâche thérapeutique, Ito et collaborateurs (2010a,b) ont
comparé au total N = 8 clients et 14 segments de TCE. Des segments avec
résolution en termes d’autocompassion ont été comparés aux segments sans
résolution. Tandis que le soutien tendre ne différenciait pas les segments
avec résolution des segments sans résolution, l’expression du besoin d’être
soutenu et la présence d’un processus de deuil (i.e., faire le deuil de la non-
disponibilité du soutien) étaient associés à la résolution en termes d’auto-
compassion. En utilisant l’analyse de la tâche thérapeutique, Goldman
(2014) a micro-analysé dix séances d’autocompassion. Cette analyse a
permis d’affiner l’indice comprenant l’angoisse primaire et un sentiment
aux couples qui n’ont pas eu accès à la résolution de leur blessure durant
leur thérapie de couple. La personne blessée bénéficiant d’une résolution
de sa blessure a également pu exprimer son besoin existentiel face à son
partenaire dans le contexte de la thérapie de couple et n’a pas accusé
son partenaire en séance. Une attitude d’affirmation et de compréhension
était associée à des agresseurs bénéficiant d’une résolution de la blessure,
tandis qu’une attitude défensive et de retrait était associée à des agresseurs
qui ne bénéficiaient pas de résolution de la blessure d’attachement. Les
couples résolus présentaient également des indices de pardon interperson-
nel élevés et une meilleure satisfaction conjugale à la fin du traitement.
Dans une étude similaire, Greenberg et collaborateurs (2010) ont comparé
l’effet de la TCE de couple avec celui d’une liste d’attente où les couples
servaient de leur propre témoin durant la phase d’attente. Les blessures
d’attachement incluses ont été similaires à celles rapportées dans l’étude
de Makinen et Johnson (2006). Les couples après traitement TCE pour
leurs blessures d’attachement présentaient des meilleurs indices comparés
à la période d’attente, notamment sur la satisfaction conjugale, confiance
mutuelle, pardon interpersonnel et niveaux de symptômes. Ces change-
ments sont maintenus à 3 mois de follow-up (sauf pour la confiance chez
l’agresseur, qui présentait déjà des moyennes relativement élevées, expli-
quant cette absence de changement ; Greenberg et al., 2010). Ces deux
études indiquaient que la TCE de couple, utilisée dans le cadre de la tâche
de résolution d’une blessure d’attachement, est efficace sur un bon nombre
d’indices de changement et favorise le pardon interpersonnel et le lâcher-
prise émotionnel dans le contexte marital.
Il reste la question de savoir comment exactement ces changements
au niveau du pardon interpersonnel sont produits. En utilisant l’analyse
de la tâche thérapeutique, Woldarsky Meneses et Greenberg (2011, 2014)
ont micro-analysé une série de séances conjugales, afin de développer
un modèle de progression vers le pardon interpersonnel, étape par étape.
Le modèle rationnel développé (Woldarsky et Greenberg, 2011) postulait
qu’une série de composantes différenciait les couples bénéficiant d’une
résolution de la blessure d’attachement des couples qui n’en bénéficiaient
pas. Ce qui avait été postulé était notamment l’expression de la honte (pri-
maire adaptée) par l’agresseur, l’acceptation par le partenaire blessé de cette
honte et son expression du pardon interpersonnel, ainsi que l’expression
par l’agresseur d’une excuse authentique (de manière élaborée, allant au-
delà d’un simple « excuse-moi »), ensemble avec l’acceptation du pardon
interpersonnel. Sur un échantillon de couples avec blessures d’attachement
en traitement de couple TCE (Greenberg et al., 2010), Woldarsky Meneses et
Greenberg (2014) ont pu corroborer empiriquement le modèle rationnel éla-
boré et ont notamment montré que l’expression de la honte, l’acceptation
de celle-ci et l’expression du pardon interpersonnel prédisait, ensemble avec
Validation empirique de la psychothérapie centrée sur les émotions... 191
sont globalement tout aussi efficaces que les TCC (sauf pour la thérapie de
soutien). La TCE apparaît systématiquement comme l’approche humaniste
la plus efficace et prometteuse dans ces comparaisons.
Traitement de la dépression
L’efficacité spécifique de la TCE pour le traitement de la dépression a été
démontrée par une série d’études : trois études randomisées contrôlées
ont comparé la TCE à plusieurs traitements. La TCE était comparée aux
approches centrées sur la personne et les études ont montré que l’ajout
des tâches de mise en acte (de type résolution de l’autocritique ou d’un
conflit émotionnel avec une personne significative) rendait ces traitements
supérieurs aux traitements fondés sur les variables relationnelles (Goldman
et al., 2006 ; Greenberg et Watson, 1998). Le follow-up à 6 et 18 mois après la
fin du traitement a montré moins de rechutes dépressives chez les clients en
TCE, comparés à ceux en l’approche centrée sur la personne (Greenberg et
Watson, 1998 ; Ellison et al., 2009). Une autre étude randomisée contrôlée
a comparé la TCE avec la TCC pour le traitement de la dépression majeure
en 16 séances de psychothérapie (Watson et al., 2003). Les deux traitements
ont présenté des améliorations significatives dans les indices mesurant la
dépression, l’estime de soi, les symptômes généraux et les attitudes dysfonc-
tionnelles ; toutefois, la TCE présentait de meilleurs indices de changement
dans le domaine des problèmes interpersonnels, comparée à la TCC. Il est
important de noter que ces trois études, conduites par deux groupes de
recherche différents, soutiennent la conclusion que la TCE est efficace pour
traiter la dépression, avec des effets comparables aux TCC et supérieurs aux
psychothérapies centrées sur la personne. Sur cette base empirique, la TCE
est reconnue comme faisant partie des traitements empiriquement soute-
nus pour la dépression, par l’American Psychological Association (APA).
Afin de tester le rôle joué par le dialogue avec la chaise vide pour la réso-
lution d’un conflit avec une personne significative, deux groupes de clients
ont été recrutés (Greenberg et al., 2008), tous présentant des blessures inter-
personnelles ou émotionnelles, survenues dans le contexte d’une relation
interpersonnelle au moins deux ans avant l’étude. Plus de la moitié des
participants avaient des blessures survenues avec leurs parents ; les blessures
comprenaient l’abandon, la critique, la négligence et la trahison, avant tout.
Un groupe bénéficiait de séances avec des dialogues avec la chaise vide pour
la résolution d’un conflit avec une personne significative, l’autre groupe rece-
vait un traitement de groupe psychoéducatif au sujet du pardon interperson-
nel et du lâcher-prise. Les résultats montraient une meilleure effectivité des
interventions fondées sur la chaise vide dans la réduction des symptômes,
des plaintes et dans la résolution du conflit avec la personne significative.
Conclusions
En conclusion, la psychothérapie centrée sur les émotions est un traite-
ment remarquablement efficace pour un grand nombre de contextes et
de problèmes. Si ses efficacités absolue et relative sont bien établies, souli-
gnons que des avancés extraordinaires ont été faites en ce qui concerne
la compréhension des mécanismes de changement et des tâches thérapeu-
tiques responsables des changements symptomatiques. La qualité, la pro-
fondeur, la quantité et la rigueur méthodologique des études portant sur
les processus de changement en TCE sont uniques et aucune autre forme
de psychothérapie ne peut, à notre connaissance, présenter ce niveau de
détail de compréhension des mécanismes de changement en jeu, qui sont
clairement prédictifs du résultat thérapeutique. Ces travaux sont particu-
lièrement importants, car ils servent d’inspiration et d’exemple à l’ensem-
ble du champ de la psychothérapie au niveau international, aussi dans le
monde francophone. Finalement, les résultats de ces recherches sur les
processus sont si poignants et ont un degré de résolution si fin qu’ils peu-
vent être appliqués directement dans la pratique quotidienne du clinicien
travaillant avec le modèle TCE, et au-delà.
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202 La psychothérapie centrée sur les émotions
Acquisition de la compétence
en des tâches thérapeutiques
Il s’agit ici du développement de la présence et empathie thérapeutique, de
l’acuité perceptuelle, la qualité de la formulation de cas et des interventions
évocatrices et facilitatrices du changement. L’acquisition des tâches spéci-
fiques du thérapeute est centrale dans le processus de formation à la TCE ;
elle doit se réaliser à partir de l’enregistrement vidéo des séances avec des
clients et leur visionnement par le psychothérapeute. À travers les séminaires
et les supervisions de cas (les dernières accessibles au participant à partir
d’un certain niveau de compétence), le thérapeute acquiert la compétence
dans ces domaines. Pour le développement de la présence thérapeutique, la
pratique de la mindfulness, du tambour thérapeutique fondé sur le rythme,
la spiritualité et d’autres activités créatrices centrées sur l’élaboration du
sens de la vie sont utiles. Pour le développement d’une acuité perceptuelle,
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8 Perspectives – Vers une
approche spécifique
et intégrative
La psychothérapie centrée sur les émotions étant parmi les approches thé-
rapeutiques les mieux validées empiriquement, notamment au niveau de la
compréhension détaillée des mécanismes de changement, deux questions
demeurent ouvertes :
1. Comment la TCE peut-elle être articulée avec d’autres approches thé-
rapeutiques, afin de pouvoir faire ce qu’un certain nombre de cliniciens
pratiquent tous les jours : une approche intégrative du traitement du client
et de ses problèmes ?
2. Quelles sont les applications cliniques spécifiques que la TCE peut et doit
explorer davantage, à la fois par les cliniciens et les chercheurs ?
Perspectives spécifiques
Dans le chapitre 6, Pascual-Leone et Kramer ont élaboré une synthèse
contemporaine de la recherche dans le domaine de la TCE. Une perspective
particulièrement intéressante dans le domaine de la mise en évidence des
changements émotionnels à travers la TCE est le recours aux méthodes
d’évaluation neurobiologique. Comme élaboré dans le chapitre 2, l’émo-
tion est un état complexe, avec des composantes biologiques, physiolo-
giques, psychologiques, de construction idiosyncratique de la signification
et interpersonnelles. Si la recherche actuelle en TCE s’est focalisée sur les
éléments psychologiques, un nouveau défi représente les mesures neurobio-
logique et physiologique de l’émotion, comme corrélat du changement thé-
rapeutique en TCE. Des considérations méthodologiques, fondées sur les
principes de la TCE, ont été élaborées par Pascual-Leone et collaborateurs
(soumis), discutées par Lane et collaborateurs (2014) et démontrées par
Doerig et collaborateurs (2014).
Dans le contexte de la TCE de couple, une étude récente (Johnson et col-
laborateurs, 2013) a utilisé un paradigme particulièrement intéressant pour
la mesure du changement émotionnel : celui de « se donner la main ». Au
Perspectives – Vers une approche spécifique et intégrative 211
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