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VETAGRO SUP

CAMPUS VETERINAIRE DE LYON


Année 2016 - Thèse n°119

CONTRIBUTION A L’ETUDE DE L’USAGE DES


ANTIBIOTIQUES EN FILIERES AVIAIRES ET AUX
CONSEQUENCES DE CET USAGE EN MATIERE
D’ANTIBIORESISTANCE

THESE

Présentée à l’UNIVERSITE CLAUDE-BERNARD - LYON I


(Médecine - Pharmacie)
et soutenue publiquement le 16 décembre 2016
pour obtenir le grade de Docteur Vétérinaire

par

MATEO Clélia
Née le 08 novembre 1989
à Lyon (69)
VETAGRO SUP
CAMPUS VETERINAIRE DE LYON
Année 2016 - Thèse n°119

CONTRIBUTION A L’ETUDE DE L’USAGE DES


ANTIBIOTIQUES EN FILIERES AVIAIRES ET AUX
CONSEQUENCES DE CET USAGE EN MATIERE
D’ANTIBIORESISTANCE

THESE

Présentée à l’UNIVERSITE CLAUDE-BERNARD - LYON I


(Médecine - Pharmacie)
et soutenue publiquement le 16 décembre 2016
pour obtenir le grade de Docteur Vétérinaire

par

MATEO Clélia
Née le 08 novembre 1989
à Lyon (69)
LISTE DES ENSEIGNANTS DU CAMPUS VÉTÉRINAIRE DE LYON
Mise à jour le 09 juin 2015

Civilité Nom Prénom Unités pédagogiques Grade


M. ALOGNINOUWA Théodore UP Pathologie du bétail Professeur
M. ALVES-DE-OLIVEIRA Laurent UP Gestion des élevages Maître de conférences
Mme ARCANGIOLI Marie-Anne UP Pathologie du bétail Maître de conférences
M. ARTOIS Marc UP Santé Publique et Vétérinaire Professeur
M. BARTHELEMY Anthony UP Anatomie Chirurgie (ACSAI) Maître de conférences Contractuel
Mme BECKER Claire UP Pathologie du bétail Maître de conférences
Mme BELLUCO Sara UP Pathologie morphologique et clinique des animaux de compagnie Maître de conférences
Mme BENAMOU-SMITH Agnès UP Equine Maître de conférences
M. BENOIT Etienne UP Biologie fonctionnelle Professeur
M. BERNY Philippe UP Biologie fonctionnelle Professeur
Mme BERTHELET Marie-Anne UP Anatomie Chirurgie (ACSAI) Maître de conférences
Mme BONNET-GARIN Jeanne-Marie UP Biologie fonctionnelle Professeur
Mme BOULOCHER Caroline UP Anatomie Chirurgie (ACSAI) Maître de conférences
M. BOURDOISEAU Gilles UP Santé Publique et Vétérinaire Professeur
M. BOURGOIN Gilles UP Santé Publique et Vétérinaire Maître de conférences
M. BRUYERE Pierre UP Biotechnologies et pathologie de la reproduction Maître de conférences
M. BUFF Samuel UP Biotechnologies et pathologie de la reproduction Maître de conférences
M. BURONFOSSE Thierry UP Biologie fonctionnelle Professeur
M. CACHON Thibaut UP Anatomie Chirurgie (ACSAI) Maître de conférences
M. CADORE Jean-Luc UP Pathologie médicale des animaux de compagnie Professeur
Mme CALLAIT-CARDINAL Marie-Pierre UP Santé Publique et Vétérinaire Maître de conférences
M. CAROZZO Claude UP Anatomie Chirurgie (ACSAI) Maître de conférences
M. CHABANNE Luc UP Pathologie médicale des animaux de compagnie Professeur
Mme CHALVET-MONFRAY Karine UP Biologie fonctionnelle Professeur
M. COMMUN Loic UP Gestion des élevages Maître de conférences
Mme DE BOYER DES ROCHES Alice UP Gestion des élevages Maître de conférences
Mme DELIGNETTE-MULLER Marie-Laure UP Biologie fonctionnelle Professeur
M. DEMONT Pierre UP Santé Publique et Vétérinaire Professeur
Mme DESJARDINS PESSON Isabelle UP Equine Maître de conférences Contractuel
Mme DJELOUADJI Zorée UP Santé Publique et Vétérinaire Maître de conférences
Mme ESCRIOU Catherine UP Pathologie médicale des animaux de compagnie Maître de conférences
M. FAU Didier UP Anatomie Chirurgie (ACSAI) Professeur
Mme FOURNEL Corinne UP Pathologie morphologique et clinique des animaux de compagnie Professeur
M. FREYBURGER Ludovic UP Santé Publique et Vétérinaire Maître de conférences
M. FRIKHA Mohamed-Ridha UP Pathologie du bétail Maître de conférences
Mme GILOT-FROMONT Emmanuelle UP Santé Publique et Vétérinaire Professeur
M. GONTHIER Alain UP Santé Publique et Vétérinaire Maître de conférences
Mme GRAIN Françoise UP Gestion des élevages Professeur
M. GRANCHER Denis UP Gestion des élevages Maître de conférences
Mme GREZEL Delphine UP Santé Publique et Vétérinaire Maître de conférences
M. GUERIN Pierre UP Biotechnologies et pathologie de la reproduction Professeur
Mme HUGONNARD Marine UP Pathologie médicale des animaux de compagnie Maître de conférences
M. JUNOT Stéphane UP Anatomie Chirurgie (ACSAI) Maître de conférences
M. KECK Gérard UP Biologie fonctionnelle Professeur
M. KODJO Angeli UP Santé Publique et Vétérinaire Professeur
Mme LAABERKI Maria-Halima UP Santé Publique et Vétérinaire Maître de conférences
M. LACHERETZ Antoine UP Santé Publique et Vétérinaire Professeur
Mme LAMBERT Véronique UP Gestion des élevages Maître de conférences
Mme LATTARD Virginie UP Biologie fonctionnelle Maître de conférences
Mme LE GRAND Dominique UP Pathologie du bétail Professeur
Mme LEBLOND Agnès UP Santé Publique et Vétérinaire Professeur
Mme LEFRANC-POHL Anne-Cécile UP Equine Maître de conférences
M. LEPAGE Olivier UP Equine Professeur
Mme LOUZIER Vanessa UP Biologie fonctionnelle Maître de conférences
M. MARCHAL Thierry UP Pathologie morphologique et clinique des animaux de compagnie Professeur
M. MOUNIER Luc UP Gestion des élevages Maître de conférences
M. PEPIN Michel UP Santé Publique et Vétérinaire Professeur
M. PIN Didier UP Pathologie morphologique et clinique des animaux de compagnie Maître de conférences
Mme PONCE Frédérique UP Pathologie médicale des animaux de compagnie Maître de conférences
Mme PORTIER Karine UP Anatomie Chirurgie (ACSAI) Maître de conférences
Mme POUZOT-NEVORET Céline UP Anatomie Chirurgie (ACSAI) Maître de conférences
Mme PROUILLAC Caroline UP Biologie fonctionnelle Maître de conférences
Mme REMY Denise UP Anatomie Chirurgie (ACSAI) Professeur
Mme RENE MARTELLET Magalie UP Santé Publique et Vétérinaire Maître de conférences stagiaire
M. ROGER Thierry UP Anatomie Chirurgie (ACSAI) Professeur
M. SABATIER Philippe UP Biologie fonctionnelle Professeur
M. SAWAYA Serge UP Anatomie Chirurgie (ACSAI) Maître de conférences
M. SCHRAMME Serge UP Equine Professeur associé
Mme SEGARD Emilie UP Anatomie Chirurgie (ACSAI) Maître de conférences Contractuel
Mme SERGENTET Delphine UP Santé Publique et Vétérinaire Maître de conférences
Mme SONET Juliette UP Anatomie Chirurgie (ACSAI) Maître de conférences Contractuel
M. THIEBAULT Jean-Jacques UP Biologie fonctionnelle Maître de conférences
M. TORTEREAU Antonin UP Pathologie morphologique et clinique des animaux de compagnie Maître de conférences stagiaire
M. VIGUIER Eric UP Anatomie Chirurgie (ACSAI) Professeur
Mme VIRIEUX-WATRELOT Dorothée UP Pathologie morphologique et clinique des animaux de compagnie Maître de conférences Contractuel
M. ZENNER Lionel UP Santé Publique et Vétérinaire Professeur

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REMERCIEMENTS

A Monsieur le Professeur François GUEYFFIER


De la faculté de médecine de Lyon
Qui nous a fait l’honneur d’accepter la présidence de notre jury de thèse.
Hommages respectueux.

A Monsieur le professeur Philippe BERNY


De VetAgro Sup - Campus Vétérinaire de Lyon
Pour avoir accepté de participer à ce travail malgré les délais, pour la lecture consciencieuse
ainsi que les corrections apportées.
Très sincères remerciements.

A Madame le professeur Denise REMY


De VetAgro Sup - Campus Vétérinaire de Lyon
Pour nous avoir fait l’honneur de participer à notre jury de thèse, ainsi que toute l’aide précieuse
apportée dès la naissance de ce sujet et son dévouement à toute épreuve.
Sincères remerciements.

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6
Pour mes petits parents, pour ce que je suis aujourd'hui, pour les petites attentions, pour le confort de
vie offert qui m'a permis de grandir sans inquiétudes matérielles, pour les cours d'équitation, pour les
vacances dans le Vercors et ailleurs, les cadeaux, mais surtout votre présence à toute épreuve ! Merci !

Pour Mamie des Vosges qui est au ciel, je ne peux que te remercier pour ta chaleur et ta générosité sans
pareils pendant toute ma vie. Pour toutes nos conversations sur les animaux et ton merveilleux accueil
pendant les vacances, les révisions du concours véto et mes stages, même si tu n'en avais rien à fiche de
l'antibiorésistance chez les volailles, il y a un peu de toi dans mon diplôme et cette thèse. Tu me manques.
Toute ma reconnaissance du fond du cœur.

Pour ma famille de Lyon, les oncles, tantes et supers cousines, pour les repas de Noël toujours trop
garnis, les jeux, les matchs de rugby, ces répliques de films mille fois répétées mais toujours aussi drôles,
tous ces instants si simples mais qui nous unissent fortement depuis des années.

Pour mes amies de prépa, Cécile ma co-fondatrice et jumeau de main, Marie la mascotte et Elodie le
fossile, car avant l’école il y a eu ces difficiles mais chouettes années avec vous, merci pour votre folie,
nos rigolades, nos restos et nos grands n’importe-quoi ! N’oubliez pas l’essentiel : le gras, c’est la vie.

Aurélie, dans les bons comme les mauvais moments, pour m'avoir ramassée à la cuillère si souvent,
avec ton caractère solide tu iras loin c'est évident ! Malgré la distance, j’espère que nous continuerons à
râler ensemble.

Alexandra, merci pour les promenades à dos de gros poney, les balades de toutous, les chips devant la
télé et nos vacances, pour tous les cours de surf que nous prendrons encore et les churros et glaces au
Baileys que nous mangerons !

Mon groupe de clinique de 3A, merci pour tous ces bons moments autour d'un repas, d'une vache à
échographier, d’une raclette en Savoie ou d’un gâteau de fin de rotation !

Florine pour tous les repas et les bières chez toi, et le Club Poule qui m’a évidemment dirigée vers la
volaille !

La team volailles, pour tous ces supers instants posés, théseux, sportifs ou alcoolisés à Nantes, Toulouse
et au Canada, c'était dont ben l'fun avec vous ! On se donne rendez-vous tous les ans à Saint-Malo ou
ailleurs !

Sezny et Charlène, vivement la prochaine chouille mes mignons !

Pour tous mes maitres de stage et profs d’aviaire qui m'ont appris le métier. Pour Ariane qui a bien
failli me diriger vers la canine. Pour tous ceux qui m'ont fait découvrir la volaille avec une attention
particulière pour l'équipe de rêve au laboratoire des Herbiers, et surtout Antoine et toute l’équipe
volailles de Malestroit, je ne partais de rien mais je suis là grâce à vous !

Les chevaux qui ont traversé ma vie, qui ont renforcé mon amour des animaux, qui m'ont permis de
m'évader dans les moments de tristesse, pour tout le bien, le calme et l'équilibre qu'ils m’apportent.

Mes chats, ma Lulu et Doudou le « petit » chat noir, plein de caresses à vous mes félins sauvages.

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8
Table des matières
Table des tableaux................................................................................................................................. 15
Tables des figures .................................................................................................................................. 16
Table des abréviations........................................................................................................................... 18
INTRODUCTION ..................................................................................................................................... 19
PARTIE 1 ................................................................................................................................................ 21
LES USAGES DES ANTIBIOTIQUES EN FILIERES AVICOLES ..................................................................... 21
1. Préambule ................................................................................................................................. 21
1.1 Définitions ......................................................................................................................... 21
1.1.1 Anti-infectieux ou antimicrobiens ............................................................................. 21
1.1.2 Antibiotiques ............................................................................................................. 21
1.2 Classifications des antibiotiques ....................................................................................... 21
1.3 Prescripteurs et dispensateurs des antibiotiques vétérinaires ......................................... 22
1.3.1 Prescription du médicament vétérinaire .................................................................. 22
1.3.2 Ayants droits du médicament vétérinaire ................................................................. 23
1.3.3 Dispensation du médicament vétérinaire ................................................................. 23
1.4 Antibiotiques utilisés comme « promoteurs de croissance » ........................................... 23
2. Pharmacologie des antibiotiques utilisés en filières aviaires .................................................... 27
2.1 Propriétés chimiques des antibiotiques ............................................................................ 27
2.1.1 Structure chimique .................................................................................................... 27
2.1.2 pKa, solubilité et ionisation ....................................................................................... 27
2.2 Antibiotiques et bâtiments d’élevage ............................................................................... 29
2.2.1 pKa et solubilité dans l’eau de boisson ..................................................................... 29
2.2.2 Interactions avec le biofilm ....................................................................................... 29
2.2.3 Interactions avec les biocides .................................................................................... 30
2.2.4 Dureté de l’eau .......................................................................................................... 30
2.2.5 Améliorer la solubilité des traitements ..................................................................... 30
2.3 Pharmacocinétique chez les oiseaux (LANDONI et al., 2015 et ANADON et al., 2015) .... 30
2.3.1 Cavité orale................................................................................................................ 31
2.3.2 Œsophage et jabot .................................................................................................... 31
2.3.3 Estomac ..................................................................................................................... 31
2.3.4 Intestins ..................................................................................................................... 32
2.3.5 Métabolisme hépatique ............................................................................................ 33
2.3.6 Elimination rénale ..................................................................................................... 33
2.3.7 Tableau récapitulatif ................................................................................................. 34

9
2.4 Pharmacodynamie............................................................................................................. 36
2.4.1 Activité : bactériostatique ou bactéricide ................................................................. 36
2.4.2 Mécanismes d’actions ............................................................................................... 36
2.4.3 Spectres d’activité ..................................................................................................... 37
2.4.4 Mode d’action : concentration ou temps-dépendant............................................... 38
2.4.5 Notions de Concentration Minimale Inhibitrice (CMI) et de Concentration Minimale
Bactéricide (CMB) ...................................................................................................................... 38
2.5 Paramètres pharmacocinétiques et pharmacodynamiques de prédiction de l’efficacité
d’un traitement antibiotique......................................................................................................... 39
2.5.1 Les paramètres PK/PD ............................................................................................... 39
2.5.2 Modes d’actions des antibiotiques et indices d’efficacité ........................................ 40
2.6 Bactéries sur lesquelles agissent les antibiotiques et conséquences ............................... 40
2.7 Résidus et temps d’attente ............................................................................................... 41
2.7.1 Limites maximales de résidus .................................................................................... 41
2.7.2 Temps d’attente ........................................................................................................ 41
3. Spécificités de l’antibiothérapie en filières avicoles ................................................................. 42
3.1 Traitements de groupes .................................................................................................... 42
3.1.1 Groupe ....................................................................................................................... 42
3.1.2 Métaphylaxie ............................................................................................................. 44
3.1.3 Conséquences économiques d’un épisode bactérien en élevage ............................ 45
3.2 Equipements d’élevages et personnel .............................................................................. 45
3.2.1 Voies d’administration .............................................................................................. 45
3.2.2 Eau de boisson........................................................................................................... 46
3.2.3 Aliments médicamenteux.......................................................................................... 47
3.2.4 Injection ..................................................................................................................... 47
3.3 Diagnostic d’une maladie bactérienne (BERTIN, 2013)..................................................... 48
4. Antibiothérapie par filières et par espèces ............................................................................... 51
4.1 Choix de l’antibiotique (BERTIN, 2013) ............................................................................. 51
4.2 Cadre de l’utilisation des antibiotiques en élevages ......................................................... 52
4.3 Principales maladies bactériennes et leurs traitements chez les volailles........................ 53
4.3.1 Infections à Escherichia coli (GUERIN et al., 2012-a et SAIF, 2003-a) ....................... 53
4.3.2 Infections à mycoplasmes (GUERIN et al., 2012-b, KEMPF, 2015 et SAIF, 2003-c) ... 55
4.3.3 Clostridioses (GUERIN et al., 2012-c et SAIF 2003-d) ................................................ 56
4.3.4 Pasteurelloses (GUERIN et al., 2012-4d et SAIF, 2003-b) .......................................... 58
4.3.5 Riemerellose (GUERIN et al., 20012-e)...................................................................... 59
4.3.6 Infections à Enterococcus spp. (GUERIN et al., 2012-g et BALLOY, 2015)................. 59

10
4.3.7 Infections à Ornithobacterium rhinotracheale (GUERIN et al., 2012-f et SAIF, 2003-b)
……………………………………………………………………………………………………………………………...60
4.3.8 Infections à Brachyspira spp. (ROBINEAU, 2015) ...................................................... 61
4.3.9 Infections à Streptococcus gallolyticus (GUERIN et al., 2012-h) ............................... 61
4.3.10 Staphylococcies (GUERIN et al., 2012-h) ................................................................... 62
4.3.11 Botulisme aviaire (SMITH, 2015) ............................................................................... 63
4.3.12 Chlamydiose aviaire (GUERIN et al., 2012-j) ............................................................. 63
4.4 Bilan ................................................................................................................................... 64
5. Suivi des ventes et de l’utilisation d’antibiotiques en France ................................................... 65
5.1 Suivi des ventes d’antibiotiques à destination des volailles en France............................. 65
5.1.1 Cadre réglementaire.................................................................................................. 65
5.1.2 Principe en France ..................................................................................................... 65
5.1.3 Méthodes .................................................................................................................. 65
5.1.4 Indicateurs ................................................................................................................. 65
5.1.5 Résultats pour les filières avicoles et discussions (ANSES-ANMV, 2015 et 2016)..... 67
5.2 Suivi de l’usage des antibiotiques en élevages ................................................................. 69
5.3 Variabilité des usages entre élevages ............................................................................... 70
5.3.1 Facteurs zootechniques influençant les usages ........................................................ 70
5.3.2 Facteurs non zootechniques influençant les usages ................................................. 71
Conclusion de la PARTIE 1 ................................................................................................................. 71
PARTIE 2 ................................................................................................................................................ 73
L’ANTIBIORESISTANCE DANS LES FILIERES AVICOLES ........................................................................... 73
1. Généralités ................................................................................................................................ 73
1.1 Définitions ......................................................................................................................... 73
1.1.1 Résistance naturelle .................................................................................................. 73
1.1.2 Résistance acquise..................................................................................................... 73
1.2 Histoire .............................................................................................................................. 74
1.3 Support génétique et transfert des résistances ................................................................ 74
1.4 Existence des résistances dans le milieu ........................................................................... 76
1.5 Résistances croisées .......................................................................................................... 76
1.6 Co-sélection ....................................................................................................................... 76
1.7 Niveaux de résistances ...................................................................................................... 77
1.8 Coût biologique de la résistance ....................................................................................... 77
1.9 Méthodes de mesures de la sensibilité des bactéries....................................................... 78
1.9.1 Méthode qualitative : diffusion en milieu gélosé...................................................... 78
1.9.2 Méthodes quantitatives ............................................................................................ 80

11
1.9.3 Lecture de l’antibiogramme ...................................................................................... 80
1.9.4 Utilités individuelle et collective de l’antibiogramme ............................................... 80
1.10 Notions de criticité ............................................................................................................ 80
1.10.1 Critères de l’OMS....................................................................................................... 81
1.10.2 Critères de l’OIE ......................................................................................................... 81
1.10.3 Arrêté du 18 mars 2016 fixant la liste des antibiotiques critiques disponibles en
médecine vétérinaire ................................................................................................................ 82
2. Mécanismes et supports génétiques des résistances ............................................................... 83
2.1 Résistance aux tétracyclines.............................................................................................. 83
2.2 Résistance aux sulfamides ................................................................................................. 83
2.3 Résistance aux quinolones ................................................................................................ 84
2.4 Résistance à la colistine ..................................................................................................... 85
2.5 Résistance aux macrolides et apparentés ......................................................................... 85
2.6 Résistance aux aminosides ................................................................................................ 86
2.7 Résistance aux ß-lactamines ............................................................................................. 86
2.8 Résistance aux pleuromutilines ......................................................................................... 88
3. Facteurs influençant l’apparition des résistances en élevages avicoles ................................... 88
3.1 Diminution de la quantité d’antibiotique absorbée et résistance chez les bactéries
pathogènes .................................................................................................................................... 88
3.1.1 Postulats .................................................................................................................... 88
3.1.2 Sous-dosage de l’antibiotique ................................................................................... 89
3.1.3 Diminution de la disponibilité de l’antibiotique ........................................................ 89
3.1.4 Diminution de la consommation de l’antibiotique ................................................... 90
3.1.5 Diminution de la résorption orale ............................................................................. 90
3.1.6 Bilan ........................................................................................................................... 91
3.2 Voies d’administrations et résistances .............................................................................. 91
3.2.1 Voie orale .................................................................................................................. 91
3.2.2 Voies parentérales..................................................................................................... 92
3.2.3 Bilan ........................................................................................................................... 93
3.3 Schéma thérapeutique et résistance ................................................................................ 93
3.3.1 « Frapper vite » et résistances (FERRAN et al., 2010) ............................................... 93
3.3.2 « Frapper fort » et résistances (FERRAN et al., 2010) ............................................... 95
3.3.3 « Frapper longtemps » et résistances (FERRAN et al., 2010) .................................... 96
3.3.4 Bilan ........................................................................................................................... 97
3.4 Classes d’antibiotiques et résistances ............................................................................... 97
3.5 Associations d’antibiotiques et résistances ...................................................................... 98

12
3.6 Pratiques à risque (ANSES, 2014) .................................................................................... 100
3.6.1 Pratiques à abandonner sans attendre ................................................................... 101
3.6.2 Pratiques à abandonner à terme............................................................................. 102
3.6.3 Pratiques à encadrer ............................................................................................... 102
3.7 Facteurs non pharmacologiques et résistances .............................................................. 100
3.7.1 Génériques, impact économiques et résistances.................................................... 100
3.7.2 Contraintes réglementaires et résistances (ANSES, 2014) ...................................... 100
3.7.3 La mondialisation au service de l’antibiorésistance ................................................ 100
4. Transmission de l’antibiorésistance à l’environnement et à l’Homme ................................... 103
4.1 Emergence et transmission des résistances au sein de la flore digestive ....................... 103
4.2 Transmission des résistances à l’environnement............................................................ 103
4.3 Transmission des résistances à l’Homme ........................................................................ 104
4.4 Bilan ................................................................................................................................. 105
5. Surveillance de l’antibiorésistance en France et résultats en filières avicoles ....................... 106
5.1 Surveillance réglementaire de la résistance des bactéries zoonotiques et des bactéries
commensales ............................................................................................................................... 106
5.1.1 Cadre réglementaire................................................................................................ 106
5.1.2 Objectifs (SANDERS et al., 2014) ............................................................................. 106
5.1.3 Modalités de la surveillance (SANDERS et al., 2014) .............................................. 106
5.1.4 Edition des résultats ................................................................................................ 107
5.1.5 Résultats pour la filière poulets de chair ................................................................. 108
5.1.6 Résultats pour la filière dindes de chair .................................................................. 109
5.2 Surveillance réglementaire de la résistance chez Salmonella sp. ................................... 110
5.2.1 Cadre réglementaire................................................................................................ 110
5.2.2 Objectifs (DANAN et al., 2011) ................................................................................ 110
5.2.3 Modalités de la surveillance .................................................................................... 110
5.2.4 Résultats pour l’année 2014 .................................................................................... 111
5.3 Surveillance de la résistance chez les bactéries pathogènes non zoonotiques .............. 112
5.3.1 Présentation du Résapath ....................................................................................... 112
5.3.2 Résultats pour les filières volailles .......................................................................... 113
6. Actualités sur l’antibiorésistance en filières avicoles .............................................................. 119
6.1 Résistance des Enterobacteriaceae aux ß-lactamines .................................................... 119
6.1.1 ß-lactamases et céphalosporinases......................................................................... 119
6.1.2 Acquisition de la résistance aux ß-lactamines......................................................... 119
6.1.3 Transmission de la résistance au sein d’une filière : exemple de la filière poulets de
chair………................................................................................................................................. 120

13
6.1.4 Phénotypes de résistance rencontrés ..................................................................... 121
6.1.5 Impact sur la santé publique et l’environnement ................................................... 123
6.2 Résistance à la colistine ................................................................................................... 124
6.3 Résistance aux fluoroquinolones .................................................................................... 125
6.3.1 Campylobacter sp. résistante aux fluoroquinolones ............................................... 125
6.3.2 Salmonella enterica du sérotype Kentucky résistante à la ciprofloxacine .............. 127
6.4 Staphylocoque résistant à la méticilline.......................................................................... 129
6.5 Résistance aux carbapénèmes ........................................................................................ 130
Conclusion de la PARTIE 2 ............................................................................................................... 131
PARTIE 3 .............................................................................................................................................. 133
DISCUSSIONS ET REFLEXION ETHIQUE ................................................................................................ 133
1. Usage des antibiotiques .......................................................................................................... 133
1.1 Vente d’antimicrobiens ................................................................................................... 133
1.2 Bons ou mauvais usages ? ............................................................................................... 134
1.2.1 Usage « préventif » des antibiotiques en milieu infecté......................................... 134
1.2.2 Usage de l’enrofloxacine au démarrage des volailles de chair ............................... 134
1.3 Facteur économiques et réglementaires induisant de mauvaises pratiques ................. 135
2. Usage des antibiotiques en élevages et l’antibiorésistance chez l’Animal et l’Homme ......... 135
2.1 Mise en évidence et mesure de l’ampleur du phénomène ?.......................................... 135
2.2 Des phénomènes endogènes complexes ........................................................................ 136
3. Lutter contre l’antibiorésistance : rôles et implication des vétérinaires aviaires ................... 136
3.1 Le Plan EcoAntibio 2017 .................................................................................................. 136
3.2 Le vétérinaire aviaire : rôle de sensibilisation nécessaire ............................................... 137
3.3 Résultats des programmes de surveillance ..................................................................... 137
3.4 Vers de nouvelles perspectives pharmaceutiques pour les antibiotiques ? ................... 138
3.5 Vers des alternatives aux antibiotiques ?........................................................................ 138
4. Réflexion éthique : quelles sont les attentes sociétales en terme d’antibiotiques dans les
élevages et d’antibiorésistance ? .................................................................................................... 139
4.1 L’élevage des volailles et la demande en protéines animales ........................................ 139
4.2 Critiques vis-à-vis de l’utilisation des antibiotiques en élevages de volailles ................. 139
4.3 Le poulet sans antibiotique ............................................................................................. 140
Conclusion de la PARTIE 3 ............................................................................................................... 141
CONCLUSION ....................................................................................................................................... 143
BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................................................... 145

14
Table des tableaux
Tableau 1: pKa et soubilité des différentes molécules antibiotiques ................................................... 28
Tableau 2: Caractère acide ou basique des différentes molécules antibiotiques utilisées en filières
aviaires (HONORE, 2015) ....................................................................................................................... 29
Tableau 3: Pharmacocinétique des différentes molécules utilisées en filières aviaires. (GUERIN, 2012 ;
BOISSIEU, 2015 et ircp.anmv.anses.fr) .................................................................................................. 35
Tableau 4: Spectres des différentes molécules antibiotiques utilisées en filières avicoles ................. 37
Tableau 5: Résumé des thérapies antimicrobiennes disponibles et conseillées chez les volailles
(BOISSIEU, 2015 et GUERIN et al., 2012-11).......................................................................................... 64
Tableau 6: Répartition des ventes en 2014 par espèce animales en tonnage d’antibiotiques vendus et
en quantité de principe actif par kg de poids vif (ANSES-ANMV, 2016) ............................................... 67
Tableau 7: Evolution des ventes d’antibiotiques à destination des volailles entre 1999 et 2015
(ANSES-ANMV, 2016) ............................................................................................................................ 68
Tableau 8: Principales enzymes impliquées dans la résistance aux ß-Lactamines (BONNET, 2004 ;
MEUNIER et al., 2006 ; GUERIN-FAUBLEE, 2009 ; HAENNI et al., 2014) ............................................... 87
Tableau 9: Voies d’administration et résistances. ................................................................................ 93
Tableau 10: Schéma thérapeutique et résistances. .............................................................................. 97
Tableau 11: Résistance aux antibiotiques chez E. coli, C. jejuni et E. faecium isolées chez le poulet de
chair à l’abattoir en France (d'après EFSA-ECDC, 2015) ...................................................................... 108
Tableau 12: Résistance aux antibiotiques chez E. coli, C. jejuni et E. faecium isolées chez les dindes de
chair à l’abattoir en France en 2014 (d'après EFSA-ECDC, 2015) ........................................................ 109
Tableau 13: Résistance aux antibiotiques chez Salmonella spp. et Salmonella Enteritidis isolées chez
les poules pondeuses, poulets de chair en France en 2014 (d'après EFSA-ECDC, 2015) .................... 111
Tableau 14: Résistance aux antibiotiques chez Salmonella spp. et Salmonella Enteritidis isolées chez
les dindes de chair en France en 2014 (d'après EFSA-ECDC, 2015) .................................................... 111
Tableau 15: Evolution des taux de résistance à plusieurs antibiotiques parmi les souches d’E. coli
isolées chez Gallus gallus et les dindes (d'après Résapath, 2015 et GAY, 2016) ................................ 115
Tableau 16: Nombre de souches d’E. coli et proportion de souches non sensibles (I et R) parmi une
liste de cinq antibiotiques (ceftiofur, gentamicine, tétracycline, association sulfamide-triméthoprime
et enrofloxacine) chez les poules et poulets, et dindes (Résapath, 2015).......................................... 117
Tableau 17: Phénotypes de résistance aux ß-lactamines rencontrés chez E. coli dans les filières
avicoles dans plusieurs pays d’Europe. ............................................................................................... 122

15
Tables des figures
Figure 1 : Prémélange médicamenteux à base de bacitracine actuellement utilisé comme facteur de
prévention de l’entérite nécrotique dans certains élevages de poulets de chair au Québec (Photo :
Pierre-Yves DECAUDIN) ......................................................................................................................... 24
Figure 2: Evolution des taux de résistance à l’avilamycine, les streptogramines et la vancomycine
entre 1999 et 2010 (ANSES, 2014) ........................................................................................................ 26
Figure 3: Prémix à base de narasin et de nicarbazine (Maxiban®) utilisé dans l’alimentation des
poulets de chair afin de prévenir les coccidioses en élevage (Photo : Pierre-Yves DECAUDIN)............ 26
Figure 4: Cavité orale d’un canard de Barbarie (Photo : Clélia MATEO) ............................................... 31
Figure 5 : Proventricule d’un canard de Barbarie (Photo : Clélia MATEO)............................................ 32
Figure 6: Gésier d’un canard de Barbarie (Photo : Clélia MATEO) ........................................................ 32
Figure 7: Proventricule, gésier et intestins d’un canard de Barbarie (Photo : Clélia MATEO) .............. 33
Figure 8: Indices PK/PD (ANSES, 2014).................................................................................................. 39
Figure 9: Elevage de poulets de chair (Photo : Pierre-Yves DECAUDIN)................................................ 42
Figure 10: Elevage de poules et de coqs reproducteurs pour la filière chair (Photo : Pierre-Yves
DECAUDIN) ............................................................................................................................................ 43
Figure 11: Elevage de poules et de coqs reproducteurs pour la filière chair (Photo : Pierre-Yves
DECAUDIN) ............................................................................................................................................ 43
Figure 12: Elevage de dindons de chair (Photo : Clélia MATEO) ........................................................... 44
Figure 13: Elevage de poules pondeuses en système alternatif (Photo : Clélia MATEO) ..................... 44
Figure 14: Evolution de l’exposition des volailles par formes pharmaceutiques depuis 1999 (ALEA)
(ANSES-ANMV, 2016) ............................................................................................................................ 45
Figure 15: Différents matériels d'abreuvement en élevages de volailles de chair : abreuvoir et
pipettes (Le Roy).................................................................................................................................... 46
Figure 16: Pompe doseuse désignée par la flèche rouge (Réussir Aviculture, 2002) ........................... 46
Figure 17: Chantier d'injection organisé dans un élevage de canards (Agriculture.gouv, 2015).......... 48
Figure 18: Fiche d’élevage pour un lot de dindes de chair. Figurent l’âge des animaux en jours, les
consommations journalières d’eau par le lot en litres, les mortalités chez les mâles et les femelles
ainsi que les traitements mis en place. (Photo : Clélia MATEO) ........................................................... 49
Figure 19: Boitiers d’ambiance présent dans des élevages de volailles (Photo : Clélia MATEO).......... 49
Figure 20: Boitiers d’ambiance présent dans des élevages de volailles (Photo : Clélia MATEO).......... 50
Figure 21: Visite d’un élevage de poulets de chair au démarrage (Photo : Clélia MATEO) .................. 50
Figure 22: Prélèvements d’organes (poumons, os et cœurs) en vue d’un isolement et identification
bactérienne et réalisation de l’antibiogramme (Photo : Clélia MATEO) ............................................... 51
Figure 23: Lésions d’entérite nécrotique chez une dinde (Photos : Clélia MATEO).............................. 53
Figure 24: Lésions de péricardite fibrineuse et de périhépatite chez un poulet de chair (Photo : Clélia
MATEO) ................................................................................................................................................. 54
Figure 25: Lésion de salpingite chez une poule reproductrice (Photo : Clélia MATEO) ........................ 54
Figure 26: Lésion d’entérite nécrotique chez un poulet de chair (Photo : Clélia MATEO) ................... 57
Figure 27: Lésion de pneumonie chez une dinde atteinte de choléra aviaire (Photo : Clélia MATEO) 58

16
Figure 28: Aspect des foies d’animaux présentant des infections à Staphylocoque (Photos : Clélia
MATEO) ................................................................................................................................................. 62
Figure 29: Evolution du tonnage d'antibiotiques vendus à destination des volailles et du rapport
quantité de principe actif / masse de viande produite (mg/kg) de 1999 à 2015.................................. 68
Figure 30: Evolution de l'exposition (ALEA) des volailles par familles d'antibiotiques (ANSES-ANMV,
2016)...................................................................................................................................................... 69
Figure 31: Mécanismes de transfert des résistances entre bactéries (AFSSA, 2006) ........................... 75
Figure 32: Antibiogramme réalisé sur une souche de Pseudomonas aeruginosa isolée d’un échantillon
de lait de vache souffrant d’une mammite (Photo : Clélia MATEO) ..................................................... 79
Figure 33: Antibiogramme réalisé sur une souche d’Escherichia coli isolée de liquide articulaire d’un
poulet de chair souffrant d’arthrite (Photo : Clélia MATEO)................................................................. 79
Figure 34: Origines du sous-dosage en antibiothérapie dans les élevages de volailles........................ 91
Figure 35 : Système d'abreuvement (pipettes) en élevage de poulets de chair (Sodimel élevage) ..... 91
Figure 36: Apparition de mutations responsables de résistances en fonction de la charge bactérienne
au moment de l'initiation d'un traitement antibiotique (d'après FERRAN et al., 2010)....................... 94
Figure 37: Notion de fenêtre de sélection des mutants (CANTON, 2011) ............................................ 96
Figure 38: Interactions entre les différentes classes d'antibiotiques (d'après JAWETZ, 1952) ............ 99
Figure 39: Principe de l’injection in-ovo réalisée au couvoir (Réussir Aviculture, 2008) .................... 101
Figure 40: Différents lieux où il est possible d'isoler des souches d'E.coli résistantes (Paysan breton,
Cultivert et Photo: Clélia MATEO)........................................................................................................ 104
Figure 41: Transmission des résistances à l'environnement et à l'Homme ........................................ 105
Figure 42: Evolution des proportions de souches d’E.coli non sensible (I et R) à sept antibiotiques
chez les poules pondeuses et les poulets de chair (Résapath, 2015) ................................................. 113
Figure 43: Evolution des proportions de souches d’E.coli non sensible (I et R) à sept antibiotiques
chez les dindes de chair (Résapath, 2015) .......................................................................................... 114
Figure 44: Evolution des proportions de souches d’E.coli non sensibles (I et R) au ceftiofur (Résapath,
2015).................................................................................................................................................... 114
Figure 45: Evolution des proportions de souches d’E.coli non sensibles (I et R) au ceftiofur (Résapath,
2015).................................................................................................................................................... 115
Figure 46: Evolution des proportions de souches d’E.coli sensibles aux cinq antibiotiques (ceftiofur,
gentamicine, tétracycline, association sulfamide-triméthoprime et enrofloxacine) testés en filières
poules/poulets et dindes (Résapath, 2015) ........................................................................................ 117
Figure 47: Evolution des proportions de souches d’E.coli multirésistantes (au moins trois
antibiotiques sur les cinq testés) en filières poules/poulets et dindes (Résapath, 2015) .................. 118
Figure 48: Pyramide de production en filière avicole (FERRANTE et al., 2013) .................................. 121
Figure 49: Abattoir de poulets de chair (World Poultry, 2016) ........................................................... 126
Figure 50: Distribution géographique des différentes mutations sur le site GyrA créant des
résistances chez Salmonella enterica du sérotype Kentucky résistante à la ciprofloxacine. H : souches
humaines. V : souches non humaines. (Le Hello et al. 2013) .............................................................. 127
Figure 51: Plan EcoAntibio .................................................................................................................. 137
Figure 52: Le packaging du poulet élevé sans antibiotique vendu par l’enseigne Carrefour ............. 140

17
Table des abréviations
AMM : Autorisation de Mise sur le Marché

ANSES : Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’Alimentation, de l’Environnement et du Travail

BLSE : ß-Lactamase à Spectre Etendu

CMI : Concentration Minimale Inhibitrice

EFSA : European Food Safety Authority – Autorité Européenne de la Sécurité des Aliments

LMR : Limites Maximales de Résidus

OIE : Office Internationale des Epizooties

OMS : Organisation Mondiale de la Santé

SARM : Staphylocoque Résistant à la Méticilline

18
« A moins que les nombreux acteurs concernés agissent dans l’urgence, de manière
coordonnée, le monde s’achemine vers une ère post-antibiotiques, où des infections courantes
et des blessures mineures qui ont été soignées depuis des décennies pourraient à nouveau
tuer. »
Dr Keiji FUKUDA
Sous-directeur général de l’OMS
Le 30 avril 2014

INTRODUCTION
Les antibiotiques sont des médicaments permettant de prévenir et de soigner les infections
bactériennes. L’histoire de ces molécules commence en 1929 quand Fleming découvre la
pénicilline, et se poursuit en 1935 quand Domagk, un biochimiste allemand, remarque l’activité
antibactérienne de la sulfamidochrysoïdine. Cet antibiotique permettra par la suite de traiter les
infections à streptocoques. La découverte d’autres molécules à activité antibactérienne ouvre la
porte à de nouvelles thérapeutiques qui représentent une grande avancée dans le monde de la
médecine humaine : les antibiotiques permirent de traiter des infections graves comme la fièvre
typhoïde et de réduire les taux de mortalité associés.
La médecine vétérinaire et notamment la médecine des animaux d’élevages peut elle aussi
profiter de ces précieux médicaments afin de maintenir les troupeaux en bonne santé. Les
filières avicoles s’articulent autour de plusieurs acteurs allant de la sélection génétique à
l’abattage et la transformation des produits, en passant par la filière reproduction, l’accouvage
et l’élevage des volailles. Des vétérinaires exerçant dans le milieu de l’aviculture assurent la
gestion sanitaire de ces élevages à tous les étages de cette pyramide. En élevage avicole, les
animaux sont élevés en groupe, et la zootechnie, les maladies et la médecine sont raisonnés
selon ce principe. Si des antibiotiques pouvaient être utilisés comme additifs alimentaires afin
de promouvoir la croissance des animaux, cette pratique est interdite depuis 2006. L’ajout de
certaines molécules ionophores dans l’aliment des jeunes volailles est cependant toujours
réalisé afin de prévenir les coccidioses. Les antibiotiques sont désormais utilisés à titre curatif
et parfois préventif afin de traiter les infections bactériennes en élevage.
L’utilisation des antibiotiques tant en médecine humaine que vétérinaire s’est accompagnée de
l’apparition de résistances dont le corolaire est la diminution de l’efficacité de ces molécules et
l’incapacité de guérir certaines maladies bactérienne. Ce phénomène est devenu d’autant plus
inquiétant que l’offre en nouveaux antibiotique s’est tarie en l’absence de découverte de
principes actifs intéressants pour la médecine. La sélection de bactéries multirésistantes en
milieu hospitalier est extrêmement préoccupante. L’OMS estime que l’antibiorésistance est à
l’origine de 700 000 décès chaque année, et qu’en l’absence d’actions coordonnées et efficaces,
ce phénomène entrainera la mort de 10 millions de personne par an d’ici 2050 (OMS, 2015-a).
Ce constat alarmant légitime les plans mis en place afin de raisonner l’usage des antibiotiques
en médecines humaine et vétérinaire, notamment chez tous les animaux d’élevage.

19
20
PARTIE 1
LES USAGES DES ANTIBIOTIQUES EN FILIERES AVICOLES

1. Préambule

1.1 Définitions

1.1.1 Anti-infectieux ou antimicrobiens


La famille des anti-infectieux regroupe les désinfectants, les antiseptiques, les antibiotiques et
les antiviraux.

1.1.2 Antibiotiques
En 1957, Turpin et Velu- , nommeront "antibiotique" « tout composé chimique, élaboré par un
organisme vivant ou produit par synthèse, à coefficient chimio-thérapeutique élevé dont
l’activité thérapeutique se manifeste à très faible dose d’une manière spécifique, par l’inhibition
de certains processus vitaux, à l’égard de microorganismes ou même de certains êtres
pluricellulaires ». Cette définition englobe les antibiotiques antifongiques, antiparasitaires et
enfin antibactériens.
« Un antibiotique est un dérivé produit par le métabolisme de micro-organismes possédant une
activité antibactérienne à faible concentration et n'ayant pas de toxicité pour l'hôte. » Cette
définition cible les substances produites par des micro-organismes et qui sont toxiques pour les
autres micro-organismes. Elle a cependant été élargie et comprend les molécules obtenues par
hémi synthèse. Les agents obtenues par synthèse totale tels que les quinolones, les benzyl-
pyrimidines (triméthoprime), les pénèmes... sont des agents antibactériens de synthèse et non
des antibiotiques au sens strict.
On nomme cependant dans l'usage commun "antibiotique" toute substance à activité
antibactérienne et sans toxicité pour l'hôte.

1.2 Classifications des antibiotiques


De nombreuses classifications des antibiotiques existent et se recoupent. Ces classifications,
basées sur la chimie et la pharmacodynamie des molécules, permettent de prédire leurs modes
d’action et leur efficacité chez un hôte et sur une espèce bactérienne donnée. Les critères de
classifications énoncés ci-dessous seront développés par la suite :
- Structure chimique
- Activité

21
- Cible de l’antibiotique
- Spectre d’activité
A noter que d’autres classifications se basant sur l’âge et l’usage (humain ou vétérinaire) des
molécules sont parfois utilisées. Non basées sur la pharmacologie, ces dernières sont plutôt
empiriques. Il n’est par exemple pas rare de lire qu’il faut privilégier les « vieilles » molécules
en médecine vétérinaire.

1.3 Prescripteurs et dispensateurs des antibiotiques vétérinaires

1.3.1 Prescription du médicament vétérinaire


Depuis 2007, de nouvelles règles quant à la prescription des médicaments vétérinaires sont
dictées dans la législation afin de s’adapter au mieux à l’évolution de la pratique vétérinaire en
élevages (Agriculture.gouv, 2007). S’ajoute à cette législation de nouvelles contraintes pour la
prescription des antibiotiques critiques. Chez les animaux de production, deux schémas de
prescription adaptés à des situations différentes sont décrits.
- Prescription suite à l’examen clinique systématique voire nécropsique des animaux ;
Tout acte médical ou chirurgical peut également donner suite à la prescription de médicament
vétérinaire.
- Prescription sans examen systématique des animaux
Celle-ci est possible par un vétérinaire libéral ou salarié d’un groupement d’élevage et s’inscrit
dans une démarche encadrée et qui implique des soins réguliers dans cet élevage, un bilan
sanitaire, un protocole de soins et des visites de suivi.
Le bilan sanitaire est réalisé lors d’une visite est programmée à l’avance et réalisée au moins
une fois par an, en présence de l’éleveur et des animaux. A l’aide des documents d’élevage, il
conviendra de résumer avec l’éleveur les recommandations quant à la bonne conduite de
l’élevage. Un autre objectif de cette visite est de faire le point sur les principales maladies
rencontrées dans l’élevage. A l’issu de la visite de bilan sanitaire, le vétérinaire rédige un
Protocole de Soin d’Elevage (PSE). Ce dernier liste les différentes maladies qui peuvent toucher
l’élevage et pour lesquelles la prescription sans examen clinique ou nécropsique est possible.
Sont également indiquées les mesures sanitaires à mettre en œuvre dès l’arrivée d’une maladie,
les recommandations pour la bonne mise en place des traitements ainsi que les critères d’alerte
à partir desquels la visite vétérinaire devient nécessaire. Le PSE ne tient pas lieu d’ordonnance.
Afin de s’assurer du bon suivi des recommandations du PSE, le vétérinaire devra effectuer au
moins une fois par an une visite de suivi. Des visites régulières ainsi que des examens cliniques
ou nécropsiques de certains animaux sont le support de la bonne connaissance de l’élevage.

A noter que depuis le 1er avril 2016, une nouvelle législation encadre la prescription des
antibiotiques dits critiques (Légifrance, 2016-1). Dans le cas des filières avicoles, l’usage de

22
l’enrofloxacine est concerné. Ainsi, cet antibiotique ne pourra être prescrit qu’après examen
clinique ou nécropsique des animaux par le vétérinaire prescripteur, la réalisation de
prélèvements permettant l’isolement et l’identification de la souche bactérienne pathogène et la
détermination de l’antibiosensibilité de cette souche. En outre, l’enrofloxacine ne pourra être
prescrite que si l’antibiogramme indique que la souche n’est sensible qu’à cet antibiotique. Le
vétérinaire peut toutefois prescrire de l’enrofloxacine avant d’avoir obtenu les résultats des
examens complémentaires dans le cas d’infections bactériennes aigues entrainant de fortes
mortalités, pour lesquelles des traitements avec d’autres familles d’antibiotiques ne seraient pas
assez efficaces.

1.3.2 Ayants droits du médicament vétérinaire


Les ayants droits du médicament vétérinaire sont les personnes habilitées à détenir et à délivrer
au détail les médicaments vétérinaires. En France, deux catégories d’ayants-droits existent :
- Les ayants droits qui jouissent du plein exercice sont représentés par les pharmaciens et
les vétérinaires inscrits à l’Ordre.
- Les vétérinaires salariés des groupements agréés d’éleveurs sont des ayants-droits
jouissant de l’exercice restreint.

1.3.3 Dispensation du médicament vétérinaire


La dispensation du médicament est décrite dans l’Article R4235-48 du Code de la Santé
Publique (Légifrance, 2004). Elle regroupe plusieurs étapes qui accompagnent la délivrance :
- L’analyse pharmaceutique de l’ordonnance médicale si elle existe.
- La préparation éventuelle des doses à administrer.
- La mise à disposition des informations et les conseils nécessaires au bon usage du
médicament.
Les médicaments vétérinaires peuvent être délivrés par trois entités (Légifrance, 2016-1) :
- Le vétérinaire traitant ou un autre vétérinaire exerçant au sein du même domicile
professionnel administratif ou d’exercice peut délivrer les médicaments, sans toutefois
pouvoir tenir officine ouverte.
- Les groupements agréés d’éleveurs peuvent délivrer les médicaments présents sur le
Plan Sanitaire d’Elevage (PSE).
- Les pharmaciens peuvent délivrer les médicaments indiqués sur l’ordonnance présentée
à l’éleveur.

1.4 Antibiotiques utilisés comme « promoteurs de croissance »


Dans de nombreux élevages européens avant l’année 2006, l’ajout de certaines molécules à
activité antimicrobienne dans l’aliment était réalisé afin d’améliorer les performances
zootechniques des animaux. Cette pratique souvent controversée, basée sur des considérations
économiques et non sanitaires, se faisait souvent sans prescription vétérinaire. En 1999 en

23
Europe (hors pays nordiques), on estimait à 95% la proportion de poulets recevant une
alimentation supplémentée en antibiotiques (CORPET, 2000), à noter que les poules pondeuses et
les animaux élevés sous un label ne recevaient pas ces additifs. A l’époque, l’Union Européenne
a édité une liste positive de molécules indiquant leurs dosages et les délais de retrait pour chaque
production animale. De nombreuses molécules furent interdites d’usage en 1997 et 1998, si
bien qu’en 1999, seules cinq molécules non utilisées en thérapeutique étaient encore autorisées :
l’avilamycine, la flavomycine, le lasalocid, le monensin et la salinomycine (CORPET, 2000). Les
doses de ces additifs sont plus faibles que les doses thérapeutiques d’antibiotiques : de 5 à 100g
par tonne d’aliment sur de longues périodes.

Figure 1 : Prémélange médicamenteux à base de bacitracine actuellement utilisé comme facteur de prévention
de l’entérite nécrotique dans certains élevages de poulets de chair au Québec (Photo : Pierre-Yves DECAUDIN)

L’ajout de faibles doses d’antibiotiques dans l’aliment permettait d’augmenter le gain moyen
quotidien de poids (GMQ) des animaux ce qui contribuait à diminuer le temps d’élevage. Cette
pratique améliore également la valorisation de l’aliment en diminuant l’indice de
consommation de quelques pourcents : il est alors possible de produire une plus grande quantité
de viande avec la même quantité d’aliment. Enfin, Une plus grande homogénéité de poids est
observée au sein des lots (CORPET, 2000).
Le rôle des antibiotiques est complexe et n’est pas connu avec certitude, mais certains
mécanismes impliqueraient la flore intestinale. Il a en effet été montré que les antibiotiques
n’ont aucune propriété favorisant la croissance chez les poulets axéniques (CORPET, 2000 ;
SHRYOCK et al.). Les antibiotiques utilisés à de telles fins sont peu résorbés par voie orale, ce qui
potentialise leur concentration dans le tube digestif (SHRYOCK et al.). Les propriétés favorisant la
croissance observées avec l’injection parentérale d’antibiotiques s’expliqueraient par
l’excrétion de ces molécules dans la lumière de l’intestin (SHRYOCK et al.). Au sein de la flore,
l’urée est transformée en ammoniaque par les uréases bactériennes. L’ammoniaque est toxique

24
pour les entérocytes, et sa détoxification par le foie est également couteuse en énergie. A faible
dose, les antibiotiques inhibent les uréases bactériennes et diminuent donc la charge en
ammoniaque dans la lumière intestinale, le coût énergétique de son métabolisme par le foie, et
enfin, le renouvellement des entérocytes (CORPET, 2000). Le catabolisme des acides aminés est
également inhibé par les faibles concentrations d’antibiotiques, ce qui augmente la disponibilité
des nutriments et de l’énergie pour l’animal (CORPET, 2000). Les additifs ne modifient que peu
la composition de la microflore, bien que la population en lactobacilles soit en légère baisse.
Il a également été montré que les additifs facteurs de croissance ont de meilleurs résultats dans
les élevages à l’hygiène négligée que dans les élevages plus propres. Les antibiotiques agiraient
donc contre certaines bactéries pathogènes qui se retrouvent dans l’intestin. Chez le poulet, il a
été démontré que la dépression de croissance causée par Enterococcus faecium et Enterococcus
faecalis disparaissait avec l’ajout de pénicilline à faible dose (CORPET, 2000 et SHRYOCK et al.).
De même, l’entérite nécrosante causée par Clostridium perfringens disparait avec l’ajout de
pénicilline, d’avilamycine, d’avoparcine ou de monensin (CORPET, 2000).
Les effets bénéfiques sur l’environnement sont à relier directement avec la diminution de la
durée d’élevage des animaux, mais également à la diminution de concentration des fèces en
ammoniaque (SHRYOCK et al.).
D’autres bénéfices tels que le renforcement des défenses immunitaires digestives sont
recherchés (CORPET, 2000 et SHRYOCK et al.).
La portée de cet usage en termes d’antibiorésistance et de risque en santé publique est difficile
à évaluer. La surveillance de la résistance aux antibiotiques chez Enterococcus faecium isolée
de prélèvements de caecas de poulets à l’abattoir a été le support d’une étude réalisée entre
1999 et 2000. Une forte corrélation a été montrée entre la consommation d’avilamycine par les
lots de poulets et l’isolement d’Enterococcus faecium résistants à l’avilamycine dans leurs
caecas (CHAUVIN et al., 2005). De telles observations vont de pair avec la crainte de voir apparaître
des variants résistants aux antibiotiques, bien que le risque de transmission d’antibiorésistance
à l’Homme soit peu documenté. L’émergence d’infections nosocomiales à entérocoques chez
l’Homme, entraine l’interdiction d’usage de certaines molécules comme l’avoparcine et la
bacitracine en tant qu’additifs facteurs de croissance en 1997 (CORPET, 2000 et BALLOY, 2015).
Suite à l’augmentation inquiétante de la résistance à la vancomycine, le principe de précaution
est utilisé par l’Union Européenne afin d’abolir définitivement ces pratiques en 2006. Cette
interdiction s’est accompagnée d’une diminution progressive de la résistance d’Enterococcus
faecium isolée chez les poulets aux principaux antibiotiques utilisés comme facteurs de
croissance avant 2002, c’est le cas des streptogramines dont le taux de résistance a été divisé
par deux deux ans après l’arrêt de leur utilisation en élevage (ANSES, 2014).

25
Figure 2: Evolution des taux de résistance à l’avilamycine, les streptogramines et la vancomycine entre 1999 et
2010 (ANSES, 2014)

Cependant, l’arrêt définitif de ces pratiques s’est accompagné de l’augmentation de la


prévalence de l’entérite nécrotique chez le poulet. Au Québec, ces molécules ne sont d’ailleurs
pas nommées « facteurs de croissance » mais « facteurs de prévention de l’entérite
nécrotique ».
Aujourd’hui, l’addition d’antibactériens de la famille des ionophores comme le monensin et le
narasin dans l’alimentation des volailles est réalisée dans le cadre de la prévention des
coccidioses.

Figure 3: Prémix à base de narasin et de nicarbazine (Maxiban®) utilisé dans l’alimentation des poulets de chair
afin de prévenir les coccidioses en élevage (Photo : Pierre-Yves DECAUDIN)

26
2. Pharmacologie des antibiotiques utilisés en filières aviaires

2.1 Propriétés chimiques des antibiotiques

2.1.1 Structure chimique


La structure chimique est déterminante dans le mode d’action des molécules, et donne bien
souvent son nom aux familles. Nous présentons ci-dessous les principales familles
chimiques utilisées en thérapeutique aviaire :

- Tétracyclines : quatre cycles à six carbones accolés.


- Sulfamides: famille de molécules très variées, toutes issues du sulfanilamide : cycle
aromatique, fonction amine et fonction sulfonamide en para.
- Diaminopyrimidines : cycle pyrimidine et un cycle benzénique méthoxylé.
- Aminoglygosides : hétérosides aminés libérant un aminocyclitol lors de l’hydrolyse.
- Quinolones et fluoroquinolones : noyau quinoléine avec fonctions cétone et acide
carboxylique.
- Pénicillines : noyau ß-lactame substitué : la chaine latérale permet de différencier les
pénicillines.
- Pleuromutilines : La tiamuline est composée d’un squelette diterpénique obtenu à partir
de la pleuromutiline.
- Polypeptides : La colistine est constituée d’un cycle de sept acides aminés relié à une
chaine de trois acides aminés.
- Macrolides : lactones macrocycliques reliés à des groupements osidiques aminés.

2.1.2 pKa, solubilité et ionisation


La solubilité des molécules détermine directement leur capacité à traverser les membranes
lipidiques, et donc leur distribution et leur persistance dans l’organisme ainsi que leur position
extra ou intra cellulaire. Celle-ci est dépendante de la présence et de la quantité de radicaux
hydrophiles (groupements hydroxyles…) ou lipophiles (groupements esters…) ainsi que du
degré d’ionisation de la molécule au pH sanguin.
Ce degré d’ionisation découle entre autres du pKa de l’antibiotique. Ce paramètre permet de
prédire quelle sera la fraction non ionisée de l’antibiotique au pH sanguin, qui pourra traverser
les barrières lipidiques et se déplacer en position intracellulaire. Les acides faibles sont par
exemple ionisés à la valeur de pH physiologique ce qui leur confère une mauvaise capacité à se
distribuer dans les tissus. Les bases faibles comme les tétracyclines sont quant à elles non
ionisées au pH sanguin, et il leur est facilement possible de traverser les membranes cellulaires.

27
Le phénomène de trappage ionique explique la persistance de certains antibiotiques au sein des
cellules. C’est le cas des molécules bases faibles (certains macrolides notamment…), qui
majoritairement non ionisées au pH sanguin peuvent aisément traverser les membranes
lipidiques et accéder au cytoplasme de certaines cellules. Dans ce milieu où le pH diminue,
l’équilibre bascule vers la prédominance des formes ionisées incapables de traverser les
membranes plasmiques et se retrouvant piégées en position intracellulaire.
Molécules pKa Solubilité

Amphotères Tétracycline : liposoluble

Propriétés basiques dominantes Oxytétracycline : hydrosoluble


Tétracyclines (fonction –OH)
Tétracycline : pKa = 9.1 (base
faible) Doxycycline : liposoluble à pH
physiologique.

Quinolones anciennes : Acides Ionisées ou non à pH physiologique


faibles (pKa compris entre 5 et 6 ,5) selon les molécules

Fluméquine : pKa=5.9 Liposolubles


Quinolones
Fluoroquinolones : amphotères

Colistine pKa=10 (base forte) Hydrosoluble

Amphotères Liposolubilité variable selon les


Sulfamides molécules
Acides faibles

Triméthoprime Base faible Faiblement hydrosoluble

Bases

Tylosine : pKa = 7.1 Très liposolubles (fonctions esters)


Macrolides
Erythromycine : pKa= 8.6

Acides faibles (fonctions –COOH) Ionisées au pH sanguin (mauvaise


diffusion)
Pénicillines Amoxicilline : pKa=2.4
Amoxicilline : liposoluble

Tiamuline Base faible (pKa=7.6) Liposoluble

Tableau 1: pKa et soubilité des différentes molécules antibiotiques

28
2.2 Antibiotiques et bâtiments d’élevage
En productions hors-sol où les traitements médicamenteux sont administrés dans l’eau de
boisson dans leur grande majorité, il est important de maitriser les propriétés chimiques des
antibiotiques afin de préserver leur intégrité dans les canalisations. Il est important de réaliser
régulièrement des analyses d’eau en bout de ligne afin de maîtriser la qualité chimique de l’eau
bue par les animaux.

2.2.1 pKa et solubilité dans l’eau de boisson


Selon le pH de l’eau et en fonction de leur pKa, certaines molécules sont susceptibles de
précipiter et de boucher les canalisations. Les animaux ne peuvent alors bénéficier du
traitement.
Acides Bases
Amoxicilline Colistine
Ampicilline Triméthoprime
Acide oxolinique Tylosine
Sulfadiméthoxine Tilmicosine
Enrofloxacine Tiamuline
Fluméquine Lincomycine
Néomycine
Oxytétracycline
Doxycycline
Tableau 2: Caractère acide ou basique des différentes molécules antibiotiques utilisées en filières aviaires
(HONORE, 2015)

Les médicaments à base d’amoxicilline, d’ampicilline et de sulfadiméthoxine qui sont des


substances acides précipitent s’ils sont incorporés à une eau de boisson acide. Il convient de
rehausser le pH de l’eau avec du bicarbonate de soude ou à l’aide d’un solubilisant basique tel
que le propylène glycol.
Les spécialités à base d’oxytétracyclines et de triméthoprime qui sont des bases précipitent dans
l’eau basique. Il est possible de diminuer le pH de l’eau en y incorporant de l’acide citrique ou
en utilisant un solubilisant acidifiant.

2.2.2 Interactions avec le biofilm


Les antibiotiques sont également susceptibles de réagir avec le biofilm présent dans les
canalisations, ce qui peut former des bouchons dans les lignes d’eau. De plus, le biofilm est
capable de capter les molécules antibiotiques (HONORE, 2015). Ces deux phénomènes rendent le
traitement indisponible pour les animaux.

29
2.2.3 Interactions avec les biocides
L’eau est le principal moyen d’administration de médicaments dans les filières aviaires. Le
traitement de l’eau est assuré par l’activité de biocides qui y sont déversés. Cette activité
dépendra de paramètres chimiques : l’analyse de ces paramètres dans les élevages permettra en
outre de déterminer le biocide le plus adapté.
La présence de ces biocides peut dénaturer les molécules médicamenteuses présentes aussi dans
l’eau de boisson. Une étude présentée au congrès de l’association mondiale des vétérinaires
aviaires qui s’est tenu à Nantes en 2013 a évalué la dégradation de l’ampicilline par différents
biocides (LEORAT, 2013). Cet antibiotique est dégradé à plus de 40% par un traitement à base de
peroxyde d’hydrogène et entre 10 et 15% par des traitements à base de chlore. Au contraire,
l’addition de thiosulfate de sodium dans l’eau chlorée avant l’ajout d’ampicilline aurait un effet
protecteur, la dégradation serait ainsi réduite de 3 à 5%.
La présence de biocides utilisés pour le traitement de l’eau peut conduire à la dégradation de
l’ampicilline présente dans l’eau de boisson pour un traitement. L’ajout de thiosulfate de
sodium aurait un effet protecteur quant à cette dégradation. En l’absence de données publiées,
il faudrait poursuivre ces études avec d’autres antibiotiques, médicaments et vitamines.
Il convient donc de stopper tout traitement de l’eau avant d’initier un traitement médical.

2.2.4 Dureté de l’eau


Il est à noter que plus la dureté de l’eau augmente, moins les traitements médicamenteux sont
solubles.

2.2.5 Améliorer la solubilité des traitements


L’eau tiède est propice à la bonne solubilisation des molécules, la température idéale se
rapproche de 25°C. Certains principes actifs sont détruits si celle-ci dépasse la valeur de 60°C.
Il convient de mettre la poudre dans l’eau et non l’inverse. Enfin, l’agitation de la solution ainsi
que l’ajout de solubilisants dans la solution facilitent la solubilisation des traitements.

2.3 Pharmacocinétique chez les oiseaux (LANDONI et al., 2015 et ANADON et al., 2015)
Le tube digestif des mammifères et des oiseaux diffèrent sur de nombreux points anatomiques
et physiologiques. Les processus de digestion des aliments sont de ce fait très différents entre
ces groupes d’espèces, ce qui est également le cas de l’absorption des médicaments. Les
particularités de la pharmacocinétique chez les oiseaux et plus particulièrement les volailles
sont résumées ci-dessous.

30
2.3.1 Cavité orale
Les oiseaux ne possèdent pas de lèvres ni de dents qui leur permettraient de garder la nourriture
en bouche. L’absence de palais mou ne permet pas de distinguer bouche et oropharynx. Le
régime granivore de certains oiseaux s’accompagne d’un développement important des glandes
salivaires. Ces glandes sécrètent cependant peu d’amylase.

Figure 4: Cavité orale d’un canard de Barbarie (Photo : Clélia MATEO)

2.3.2 Œsophage et jabot


L’œsophage comprend une partie cervicale et une partie thoracique. Il relie le larynx au
proventricule et peut être pourvu d’un jabot chez certaines espèces. Le jabot est une évagination
de l’œsophage cervical dans laquelle les aliments peuvent se stocker et seront ramollis. Ce
compartiment est tapissé par un épithélium kératinisé qui rend l’absorption des médicaments
très faible voire impossible. Le pH du jabot est variable selon les espèces : il est de 4 chez le
poulet, 6 chez la dinde, 6,3 chez le pigeon. Cette première caractéristique influence la stabilité
des médicaments qui y transitent. Par exemple, les tétracyclines précipitent à un pH voisin du
point isoélectrique qui est d’environ 5,5. La précipitation de ces molécules sera ainsi fréquente
chez les dindes et les pigeons mais pas chez les poulets. Le jabot est pourvu d’une flore de
lactobacilles qui peut métaboliser et inactiver certains médicaments comme les macrolides,
diminuant ainsi leur résorption orale. La vidange de cet organe a lieu toutes les 3 à 24h, ce qui
peut retarder l’absorption de certains médicaments.

2.3.3 Estomac
L’estomac des oiseaux comprend deux compartiments distincts séparés par un isthme. En
amont, le proventricule correspond à l’estomac glandulaire des mammifères. Les cellules de la
muqueuse sécrètent de l’acide chlorhydrique et du pepsinogène permettant d’acidifier le milieu.
En aval du proventricule, le gésier est un compartiment musculaire qui remplace les dents

31
d’autres espèces animales. Les aliments y subissent un broyage intense qui peut être potentialisé
par la présence de petits graviers ou de grit. Le temps de rétention dans l’estomac varie de 40 à
70 min. Le contenu gastrique est acide : les pH dans le proventricule et le gésier sont
respectivement de 4 et 2.5. Les bases faibles comme l’érythromycine peuvent être inactivées
par le pH acide. C’est aussi le cas de la pénicilline G dont le noyau s’ouvre au pH acide et
devient donc inactive.
Certains médicaments cheminent en quelques minutes le long du jabot et des deux
compartiments gastriques sans y stagner.

Figure 5 : Proventricule d’un canard de Barbarie (Photo : Clélia MATEO)

Figure 6: Gésier d’un canard de Barbarie (Photo : Clélia MATEO)

2.3.4 Intestins
L’intestin grêle comprend le duodénum, le jéjunum et l’iléon, non distinguables à l’histologie.
Le suc pancréatique alcalin neutralise l’acidité du contenu du gésier qui se vide dans le
duodénum. Le duodénum et le jéjunum représentent la surface principale d’absorption des
médicaments administrés par voie orale. Le pH dans l’intestin grêle varie de 6 à la sortie du
gésier à 7 en partie distale. La flore intestinale des oiseaux est très variable d’une espèce à
l’autre : celle du poulet de chair se compose de Lactobacillus spp. qui peuvent métaboliser les
macrolides, lincosamides et streptogramines. Les entérocytes sont riches en cytochromes P450.
La famille des CYP3A qui métabolise les macrolides et lincosamides est particulièrement
représentée, ce qui peut réduire la biodisponibilité de ces familles d’antibiotiques. Des pompes
d’efflux comme les glycoprotéines P sont présentes sur la paroi de l’intestin grêle. Celles-ci
interfèrent avec l’absorption de fluoroquinolones, doxycycline et tétracycline, et des macrolides
dans une moindre mesure. La quantité de ces glycoprotéines P est dépendante de l’âge : cette
quantité augmente chez le poussin pour atteindre un pic à 4 semaines, la diminution sera ensuite
progressive. On observera ainsi une absorption plus importante d’enrofloxacine à l’âge de 8
semaines par rapport à 4 semaines.

32
Les médicaments ne stagnant pas dans le jabot et les compartiments gastriques ont un transit
rapide, d’environ 5 à 6h chez le poulet de chair.

Figure 7: Proventricule, gésier et intestins d’un canard de Barbarie (Photo : Clélia MATEO)

2.3.5 Métabolisme hépatique


Le métabolisme hépatique est variable entre les espèces et même d’une souche à l’autre au sein
d’une espèce. Chez les oiseaux, il existe des réactions de phase I (oxydation, réduction et
hydrolyse) et de phase II. Les réactions de phase I font intervenir la grande famille des CYP450
ainsi que des flavines monoxygénases et monoamines oxydases. Les CYP sont les enzymes les
plus représentées avec au moins 41 gènes mis en évidence. Chez la dinde, le CYP1A4 et le
CYP3A37 sont respectivement similaires aux CYP1A2 et CYP3A4 humain. Lors des réactions
de phase II, la principale différence entre les oiseaux et les mammifères est liée à l’utilisation
de l’ornithine pour la conjugaison chez les oiseaux, alors que la glycuronoconjugaison est
prépondérante chez les mammifères.

2.3.6 Elimination rénale


Les reins des oiseaux et des mammifères présentent des différences anatomiques et
physiologiques marquées. Les néphrons des oiseaux sont de type reptilien et seulement 20 à
30% possèdent une hanse de Henlé. Le taux de filtration glomérulaire est moins important chez
les oiseaux que chez les mammifères de poids corporel équivalent : chez le poulet, ce taux est
par exemple deux fois plus faible que chez les mammifères. La filtration glomérulaire est en
outre intermittente chez les oiseaux. Bien que la plupart des déchets, notamment l’acide urique,
soit sécrétée, on ne sait pas ce qu’il en est des molécules médicamenteuses. La réabsorption
tubulaire est très faible voire inexistante. Celle-ci se fait par diffusion et est donc dépendante
de la concentration de médicament dans le filtrat et de son degré d’ionisation. Enfin, l’existence

33
d’une veine porte rénale peut modifier la biodisponibilité des médicaments injectés dans les
muscles de la cuisse, ce qui peut être le cas de la pénicilline. Les molécules injectées sont
drainées par les vaisseaux portes qui se ramifient en réseau capillaire péritubulaire. Elles seront
ensuite sécrétées activement dans les tubules.

2.3.7 Tableau récapitulatif


Absorption Distribution Elimination Temps d’attente
Oxytétracycline
10%® :
- Viande et abats : 7
Résorption Large diffusion Oxytétracycline: jours
Tétracyclines digestive dans 50% urinaire et - Œufs : 0 jours
moyenne (50%) l’organisme 50% digestive Doxycycline (Ronaxan
®):
- Viandes et abats :
Poulet : 4 jours
Dinde : 6 jours
- Œuf : x
Sulfadiazine +
triméthoprime
(Diaziprim®)
Bonne mais Bonne mais - Viande et abats :
variable selon la variable selon la Poulets : 12 jours
Sulfamides forme galénique forme galénique - Œuf : x
Sulfadiméthoxine +
triméthoprime
(Trisulmix®)
- Viande et abats : 6
jours
- Œuf : x
Acide Acide Acide oxolinique
oxolinique et oxolinique : Acide oxolinique (Inoxyl®)
fluméquine : extracellulaire, et fluméquine : - Viande et abats
bonne peu diffusible 70% urinaire et Poulets: 3 jours
Quinolones résorption orale 30% digestive Œuf : x
(75%) Fluméquine : Fluméquine
bonne diffusion (Flumisol®)
cellulaire - Viande et abats : 2
jours
- Œuf : x
Enrofloxacine : Enrofloxacine
Fluoroquinolones bonne (Baytril®)
résorption orale Diffusible - Viande et abats :
(75%) Poulets : 7 jours
Dinde : 13 jours
- Œuf : x

34
Absorption Distribution Elimination Temps d’attente
Spiramycine, Tylosine (Tylan®)
Diffusible. tylosine et - Viande et abats
lincomycine : Dinde : 3 jours
voies biliaire et Autres volailles : 1 jour
Bonne résorption Intracellulaires. urinaire - Œuf : 0 jours
Macrolides orale taux pulmonaires
>> taux Tilmicosine
plasmatiques Erythromycine : (Tilmovet®)
75% biliaire et - Viande et abats
25% urinaire Poulets : 12 jours
Dinde : 19 jours
- Œuf : x
Pénicilline V
(Baycubis®)
Amoxicilline et Bonne diffusion Amoxicilline : - Viande et abats : 2
pénicilline V : tissulaire, 30% digestive, jours
bonne résorption notamment 20% biliaire et - Œuf : 0 jour
Pénicillines digestive bronchique. 50% urinaire Ampicilline
(Ampisol®)
- Viande et abats : 8
Ampicilline : Ampicilline : Ampicilline jours
résorption digestive bonne injectable : voie - Œuf : x
moyenne distribution. urinaire Amoxicilline
(Cofamox®)
- Viande et abats : 2
jours
- Œuf : x
Colistine voie orale
(Milicoli®)
- Viande et abats : 1 jour
Faible diffusion - Œuf : 0 jours
Colistine Résorption orale tissulaire. Voie digestive Colisitne injectable
nulle. Extracellulaire (Virgocilline®)
- Viande et abats : 21
jours
Spectinomycine
Aminosides Mauvaise Faible diffusion Voie digestive (Lincospectin®)
résorption orale tissulaire - Viande et abats : 5
jours
- Œuf : x
Tableau 3: Pharmacocinétique des différentes molécules utilisées en filières aviaires. (GUERIN, 2012 ; BOISSIEU,
2015 et ircp.anmv.anses.fr)

La dénomination « Œuf : x » indique l’absence de LMR pour la production d’œufs, il est donc
interdit d’administrer ces substances aux poules pondeuses dès 4 semaines avant la ponte et
pendant toute la durée de celle-ci.

35
2.4 Pharmacodynamie

2.4.1 Activité : bactériostatique ou bactéricide

- Antibiotiques bactériostatiques : Ces molécules inhibent la croissance des colonies


bactériennes dans l’organisme. Les bactéries seront ensuite détruites par le système
immunitaire de l’hôte, en particulier par le mécanisme de phagocytose.
Les antibiotiques bactériostatiques sont les tétracyclines, les sulfamides, les
diaminopyrimidines, la tiamuline, les macrolides et les lincosamides.

- Antibiotiques bactéricides sur les bactéries au repos et en multiplication : L’activité de


ces antibiotiques débouche sur la mort des bactéries, par un mécanisme de lyse ou non.
La colistine, les aminoglycosides, les aminocyclitols (spectinomycine) ainsi que les
quinolones et fluoroquinolones appartiennent à cette catégorie.

- Antibiotiques bactéricides sur les bactéries en multiplication seulement : Les ß-


lactamines agissent uniquement sur les germes en multiplication.

2.4.2 Mécanismes d’actions


Il est possible de classer les familles d’antibiotiques selon leur cible dans la cellule bactérienne.
Cette cible est déterminante dans le mode d’action de l’antibiotique.
- Tétracyclines : Ces molécules se fixent de manière réversible à la sous-unité 30S du
ribosome ce qui affecte la synthèse des protéines cytoplasmiques bactériennes.

- Sulfamides et triméthoprime : Les sufamides et le triméthoprime agissent à deux


niveaux de la voie de synthèse d’un précurseur des bases azotées (l’acide folique) en
inhibant des enzymes de cette voie métabolique.

- Macrolides : Ces antibiotiques diffusent dans le cytoplasme bactérien et se fixent sur la


sous-unité 23S des ribosomes, bloquant la synthèse de protéines indispensables à la
croissance cellulaire.

- Quinolones et fluoroquinolones : Ces molécules planes s’intercalent dans l’ADN à


l’emplacement des gyrases (Gram -) ou des topoisomérases II (Gram+), bloquant la
réplication de l’ADN.

- Aminoglycosides : Après passage de la paroi et de la membrane plasmique, ces


molécules se fixent de manière irréversible à l’ARN 16S et à la sous-unité 30S des
ribosomes, menant à l’arrêt de la synthèse des protéines bactériennes.

36
- ß-lactamines : Ces antibiotiques se fixent de manière covalente à des enzymes à activité
trans-peptidase qui interviennent normalement dans la fabrication de la paroi
bactériennes, notamment le peptidoglycane. Ces derniers ne détruisent pas la paroi déjà
constituée, ainsi seuls les germes en multiplication seront détruits par cette famille
d’antibiotiques.

- Colistine : Cette molécule polycationique désorganise la membrane plasmique de la


bactérie en interagissant avec le LPS.

- Tiamuline : Cet antibiotique agit en se liant à l’ARN 50S des bactéries. La tiamuline est
un puissant inhibiteur des peptidyl-transferases.

2.4.3 Spectres d’activité


Tétracyclines Sulfamides + Triméthoprime
- Staphylococcus - Staphylococcus
- Streptococcus - Streptococcus
Très large - Entérobactéries - Entérobactéries
- Pasteurelles - Pasteurelles
- Mycoplasmes
- Clostridium
-Chlamydiaceae
Pénicillines A Fluoroquinolones
- Staphylococcus - Staphylococcus
- Streptococcus - Mycoplasmes
Large - Enterococcus faecalis - Pseudomonas aeruginosa
-Clostridium - Entérobactéries
- Entérobactéries - Pasteurelles
- Pasteurelles
Aminoglycosides
Plutôt large - Staphylococcus
- Entérobactéries
- Pasteurelles
Macrolides Lincosamides Quinolones Pénicilline
Etroit - Staphylococcus - Staphylococcus anciennes - Staphylococcus
- Streptococcus - Streptococcus - Entérobactéries - Streptococcus
- Clostridium - Clostridium - Pasteurelles - Clostridium
- Mycoplasmes - Mycoplasmes - Pasteurella
- Chlamydophila multocida
Colistine Tiamuline
Restreint - Entérobactéries - Staphylococcus aureus
- Pasteurelles - Streptococcus
- Salmonella enterica - Mycoplasmes
- Pseudomonas aeruginosa
Tableau 4: Spectres des différentes molécules antibiotiques utilisées en filières avicoles

37
2.4.4 Mode d’action : concentration ou temps-dépendant
Ces notions développées récemment permettent de définir deux catégories. Notons cependant
que ces modes d’action s’appliquent à un couple bactérie-antibiotique.
- Concentration-dépendant : Ces antibiotiques éradiqueront d’autant plus facilement les
bactéries que leur concentration au foyer infectieux est importante. Les ß-lactamines sur
les Gram-, les quinolones sur les Gram- ainsi que les aminosides et la colistine ont un
mode d’action concentration-dépendant.
Les fluoroquinolones, les aminoglycosides ainsi que la colistine ont un effet post-
antibiotique significatif : un effet antibactérien est encore observé lorsque l’antibiotique
n’est plus en contact avec la population bactérienne ou lorsque les concentrations sont
en deçà de la CMI.

- Temps-dépendant : Les antibiotiques temps-dépendant verront leur efficacité


augmenter avec le temps d’exposition : il convient de fractionner le traitement en
plusieurs administrations afin d’en garantir l’efficacité. Les quinolones sur les Gram+,
tous les antibiotiques sur Pseudomonas aeruginosa ainsi que les macrolides sur certains
germes ont un mode d’action temps-dépendant.
Les macrolides, les lincosamides ainsi que les tétracyclines ont un effet post-
antibiotique significatif. Les pénicillines, les sulfamides ainsi que le triméthoprime ont
un effet post-antibiotique nul.

2.4.5 Notions de Concentration Minimale Inhibitrice (CMI) et de


Concentration Minimale Bactéricide (CMB)
La Concentration Minimale Inhibitrice d’un antibiotique sur une souche bactérienne est la plus
faible concentration de cet antibiotique capable d’inhiber toute croissance visible à l’œil nu de
cette souche. Elle permet de mesurer l’activité bactériostatique de l’antibiotique sur la souche
étudiée dans les conditions standards.
Un autre test permet de calculer la Concentration Minimale Bactéricide d’un antibiotique afin
de mesurer son activité bactéricide. Un inoculum initial de 106 UFC/mL est mis en contact avec
un antibiotique. La CMB est la plus faible concentration d’antibiotique grâce à laquelle il reste
moins de 0.01% de bactéries après 24h de contact. Si la CMB et la CMI sont équivalentes, on
dit que l’antibiotique est bactéricide. Il ne l’est pas si la CMB>>CMI, autrement dit s’il faut
beaucoup augmenter sa concentration pour obtenir un effet bactéricide.

38
2.5 Paramètres pharmacocinétiques et pharmacodynamiques de prédiction de
l’efficacité d’un traitement antibiotique

2.5.1 Les paramètres PK/PD


Actuellement, l’antibiothérapie est envisagée selon l’approche PK/PD (FERRAN et al., 2010 et
BOUSQUET MELOU et al. 2012). Les paramètres dits PK/PD combinent des propriétés
pharmacocinétiques et pharmacodynamiques. La pharmacocinétique décrit l’exposition des
tissus à l’antibiotique et donc la capacité de la molécule à atteindre le foyer infectieux à des
concentrations suffisantes en termes de durée. Les informations à caractère
pharmacodynamiques décrivent l’action de l’antibiotique sur le pathogène ainsi que la
sensibilité de celui-ci au traitement, cette dernière étant le plus souvent représentée par la CMI.
Ces indices PK/PD sont des critères de substitution pour les essais cliniques permettant de
prédire l’efficacité d’un traitement sur la guérison clinique mais aussi bactériologique de
l’individu. La corrélation entre efficacité d’un traitement et valeurs des indices PK/PD a été
montrée par des infections expérimentales de rongeurs pour l’antibiothérapie humaine. Des
probabilités de guérison clinique élevées (supérieures à 80 voire 90%) ont été associées à des
valeurs seuils d’indices PK/PD, bien que celles-ci puissent varier avec l’état immunitaire du
patient ainsi que le stade de l’infection lors de la mise en place du traitement. Cependant, le
couple antibiotique-bactérie et le stade de l’infection pouvant être similaires d’une espèce à une
autre, il est possible d’extrapoler ces corrélations à d’autres espèces animales et notamment aux
animaux d’élevages.
Trois de ces paramètres sont utilisés en antibiothérapie : Cmax/CMI (la concentration
plasmatique maximale divisée par la CMI), AUC/CMI (l’aire sous la courbe divisée par la CMI)
et T>CMI (le temps pendant lequel la concentration plasmatique est supérieure à la CMI). Afin
de déterminer quel paramètre est le plus adapté pour prédire l’efficacité d’un traitement, il
convient de différencier les antibiotiques selon leur mode d’action : concentration ou temps-
dépendant ou encore co-dépendants.

Figure 8: Indices PK/PD (ANSES, 2014)

39
2.5.2 Modes d’actions des antibiotiques et indices d’efficacité
Pour les antibiotiques concentration-dépendants, « traiter fort » augmente la probabilité de
succès thérapeutique. Les rapports Cmax/CMI et AUC/CMI sont les paramètres PK/PD les plus
adaptés pour prédire le succès du traitement. Leur valeur augmente proportionnellement avec
la dose d’antibiotique administrée. Les aminoglycosides sont des antibiotiques concentration-
dépendants : l’indice Cmax/CMI d’une valeur de 10-12 est le plus corrélé au succès
thérapeutique. Les quinolones ont un mode d’action concentration-dépendant sur les bactéries
à Gram négatif : l’indice AUC/CMI est le plus corrélé avec l’efficacité du traitement.
Si on utilise un antibiotique temps-dépendant, T>CMI est l’indice PK/PD le plus à même de
prédire l’efficacité du traitement. Sa valeur augmente de façon non proportionnelle avec la dose
d’antibiotique administrée. Les ß-lactamines sont des antibiotiques temps-dépendants. On
estime que la probabilité de succès thérapeutique est élevée quand T>CMI est égal à au moins
40% du temps entre deux administrations si on lutte contre une bactérie à Gram positif, 80%
pour les bactéries à Gram négatif.
AUC/CMI est le paramètre PK/PD qui prédit l’efficacité d’un traitement avec un antibiotique
co-dépendant.

2.6 Bactéries sur lesquelles agissent les antibiotiques et conséquences


Si le but d’une antibiothérapie bien menée est de cibler les bactéries pathogènes impliquées
dans un processus morbide, il apparait évident, au vu de la distribution de l’antibiotique au sein
de l’organisme, que d’autres bactéries appartenant aux flores commensales ne seront pas
épargnées. C’est le cas notamment de la flore digestive, vaste écosystème bactérien, qui sera
directement affecté par les antibiotiques pris par voie orale, voie d’administration privilégiée
des traitements chez les oiseaux d’élevages.
A noter cependant que quelle que soit la voie d’administration choisie, les antibiotiques ou leurs
métabolites se retrouveront malgré tout dans l’intestin où ils pourront exercer une pression de
sélection sur les populations bactériennes présentes. Les antibiotiques injectés par voie
parentérale pourront par exemple se retrouver dans les intestins par des mécanismes d’excrétion
biliaire ou via des pompes à efflux portées par les entérocytes.
Enfin, quand les traitements et/ou leur métabolites sont excrétés dans l’environnement avec les
fèces, les molécules encore actives pourront agir sur les flores des lisiers et des litières en y
exerçant une pression de sélection (TOUTAIN et al., 2012). La grande stabilité de certaines
molécules (oxytétracycline, tiamuline, enrofloxacine (TOUTAIN et al., 2012) et la doxycycline (LIN
et al., 2016)…) concourt à la dissémination de déterminants de résistance dans l’environnement
de l’élevage.

40
2.7 Résidus et temps d’attente

2.7.1 Limites maximales de résidus


Les médicaments autorisés chez les animaux producteurs de denrées sont ceux dont une Limite
Maximale de Résidus (LMR) a pu être définie pour la denrée. Cette LMR correspond à la teneur
maximale de résidus liée à l’utilisation d’un médicament dans une denrée, légalement autorisée
et reconnue comme sans danger pour le consommateur.
Les substances pharmacologiques sont classées dans deux tableaux définis dans le règlement
37/2010 (Journal officiel de l’Union européenne, 2010). Le Tableau I recense les molécules autorisées
chez les animaux de rente. Il regroupe les molécules pour lesquelles une LMR a pu être fixée
dans les denrées alimentaires, celles pour lesquelles il n’est pas nécessaire de fixer une LMR
ainsi que celles pour lesquelles une LMR provisoire (5 ans) a été fixée.
De nombreux antibiotiques figurent dans le Tableau I.

2.7.2 Temps d’attente


Le temps d’attente correspond au temps minimal autorisé entre la dernière administration de
médicament et l’abattage des animaux afin de garantir une teneur en résidus dans les denrées
inférieures aux LMR. Pour la viande et les œufs, ce temps d’attente s’exprime en jours. Ce
temps d’attente est précisé dans la notice des médicaments et doit être indiqué sur l’ordonnance
donnée à l’éleveur.
La prescription des antibiotiques hors AMM reste possible pour les vétérinaires si elle s’appuie
sur les données actualisées de la science. Elle n’est possible que si des LMR existent pour les
substances considérées dans les productions concernées (par exemple les œufs).
Lorsque le schéma thérapeutique diffère des recommandations du Résumé des Caractéristiques
du Produit (RCP), en particulier lors de l’augmentation de la dose administrée, de la durée du
traitement ou de la fréquence d’administration, le temps d’attente devra être adapté par le
vétérinaire (Légifrance, 2015-b). De telles modifications sont en général recommandées par les
organisations professionnelles vétérinaires pour une filière et une situation pathologique précise
(Journal Officiel de l’Union Européenne, 2010).

41
3. Spécificités de l’antibiothérapie en filières avicoles

3.1 Traitements de groupes

3.1.1 Groupe
Les filières avicoles se caractérisent principalement par une conduite en bande unique : les lots
sont composés d’animaux de même espèce, lignée génétique, âge, et issus du même couvoir.
La propagation des pathologies bactériennes est facilitée par la proximité des animaux dans le
bâtiment d’élevage. Les effectifs atteints dans les élevages avicoles excluent toute médecine
individuelle. Ainsi, les traitements mis en place concerneront le lot entier. Les animaux du lot
seront de même âge et physiologie, et de poids idéalement équivalents.

Figure 9: Elevage de poulets de chair (Photo : Pierre-Yves DECAUDIN)

42
Figure 10: Elevage de poules et de coqs reproducteurs pour la filière chair (Photo : Pierre-Yves DECAUDIN)

Figure 11: Elevage de poules et de coqs reproducteurs pour la filière chair (Photo : Pierre-Yves DECAUDIN)

43
Figure 12: Elevage de dindons de chair (Photo : Clélia MATEO)

Figure 13: Elevage de poules pondeuses en système alternatif (Photo : Clélia MATEO)

3.1.2 Métaphylaxie
En France et en Europe, la métaphylaxie représente le traitement d’un lot à partir d’un seuil de
morbidité ou de mortalité fixé arbitrairement. Cette stratégie thérapeutique associe donc le
traitement d’animaux cliniquement atteints, des animaux en incubation encore
asymptomatiques et l’antibioprévention des animaux encore sains mais qui seront tôt ou tard
en contact avec les animaux infectés (FANUEL, 2011).

44
Chez les Anglo-Saxons, la définition de la métaphylaxie est bien différente et s’apparente à de
l’antibioprophylaxie systématique sur tous les lots d’animaux (MILLEMAN et al., 2012).

3.1.3 Conséquences économiques d’un épisode bactérien en élevage


Un lot représente souvent plusieurs milliers d’animaux. Par exemple, un bâtiment de 1000 m2
peut contenir 8000 dindons âgés de 12 semaines, ou 22 000 poulets de chair. Outre les
conséquences économiques liées aux diminutions des performances zootechniques de
l’élevage, la mise en place d’un traitement de plusieurs jours peut atteindre le millier d’euros
selon la taille de l’élevage, l’espèce élevée, la molécule utilisée, la posologie choisie et la durée
de traitement.
Afin de limiter l’impact économique d’un épisode infectieux, le vétérinaire doit s’assurer de
l’exactitude du diagnostic de maladie bactérienne ainsi que de l’efficacité du traitement
proposé. Cet aspect met en lumière l’importance des examens complémentaires (autopsies,
culture bactérienne et antibiogramme) dans les filières avicoles.

3.2 Equipements d’élevages et personnel

3.2.1 Voies d’administration


Cette figure montre l’évolution de l’exposition des volailles aux antibiotiques selon la forme
pharmaceutique entre 1999 et 2015. Les traitements par eau de boisson sont largement
prédominants dans ces filières.

Figure 14: Evolution de l’exposition des volailles par formes pharmaceutiques depuis 1999 (ALEA) (ANSES-
ANMV, 2016)

45
3.2.2 Eau de boisson
Les traitements par l’eau de boisson sont largement prédominants en aviculture.

Figure 15: Différents matériels d'abreuvement en élevages de volailles de chair : abreuvoir et pipettes (Le Roy)

- Pompe doseuse

Figure 16: Pompe doseuse désignée par la flèche rouge (Réussir Aviculture, 2002)

La pompe doseuse est un système qui permet d’incorporer le médicament dans l’eau de boisson
par pulses réguliers dans le circuit. Installée en tête de circuit, elle permet de faire varier la dose
de médicament au fil du traitement.

46
- Bac de traitement
Le médicament peut aussi être mis en solution dans l’eau du bac de traitement. Comme la
pompe doseuse, ce dernier est branché en amont du circuit d’eau. Celui-ci peut être muni d’un
circulateur. Le fonctionnement du bac permet de maintenir les molécules en suspension et
d’éviter la formation de dépôts.
Il est recommandé de pré-diluer le traitement dans quelques litres d’eau tiède avant de l’ajouter
à l’eau du bac. Il est également nécessaire pour l’éleveur de se protéger lors de la préparation
du traitement avec le port de gants et d’un masque.

3.2.3 Aliments médicamenteux


En aviculture, les antibiotiques sont peu souvent donnés dans l’aliment. Cela peut être le cas
chez les éleveurs ne possédant pas le matériel adapté au traitement par l’eau de boisson. Les
inconvénients de cette voie d’administration sont liés à la variabilité de consommation
d’aliment entre les individus qui peut se traduire par une véritable anorexie chez certains,
notamment lors d’épisode infectieux.
Les ordonnances sont directement fournies à l’usine d’aliment qui prépare le mélange à partir
d’un prémix. Les sacs d’aliments médicamenteux sont stockés sous clé à l’usine d’aliment sous
la responsabilité du vétérinaire.

3.2.4 Injection
Ces derniers sont très rares et ne sont réalisés que chez les animaux de valeur comme les
reproducteurs ou à fort potentiel génétique. L’injection permet de s’affranchir de tous les
inconvénients de la voie orale liés à la pharmacocinétique des molécules. Les concentrations
plasmatiques atteintes sont satisfaisantes et ne souffrent pas de la variabilité inter-individuelle
liée à la voie orale.
Il est possible d’injecter l’antibiotique en voie sous-cutanée entre les épaules ou au milieu du
cou, ou dans les muscles de la cuisse ou du bréchet.
Cette technique d’administration nécessite de la main d’œuvre formée et bien organisée. Le
chantier doit être ergonomique afin d’assurer le confort des opérateurs ainsi qu’une cadence
régulière. Celle-ci ne doit cependant pas être trop rapide afin de diminuer le risque d’accident
d’injection.

47
Figure 17: Chantier d'injection organisé dans un élevage de canards (Agriculture.gouv, 2015)

3.3 Diagnostic d’une maladie bactérienne (BERTIN, 2013)


Si les antibiotiques, en plus de leur rôle curatif ont été autrefois utilisés à titre prophylactique
ou comme facteurs de croissance, leur usage est aujourd’hui restreint au traitement des
infections bactériennes. La métaphylaxie est largement dominante en filières volailles. Le coût
de cette pratique implique un diagnostic précis afin d’éviter tout échec thérapeutique et perte
économique liée au coût du traitement, à la baisse de performances zootechniques et à
l’allongement de la durée d’élevage afin de respecter les délais d’attente. Le diagnostic des
infections bactériennes est réalisé par le vétérinaire selon une démarche structurée en plusieurs
étapes, expliquée par Bertin (2013) :

- Commémoratifs et anamnèse
Il faut apprécier les taux de morbidité et de mortalité dans l’élevage. Ces données doivent être
comparées avec l’historique de l’exploitation.

48
Figure 18: Fiche d’élevage pour un lot de dindes de chair. Figurent l’âge des animaux en jours, les
consommations journalières d’eau par le lot en litres, les mortalités chez les mâles et les femelles ainsi que les
traitements mis en place. (Photo : Clélia MATEO)

- Visite d’élevage
Le vétérinaire s’intéresse à l’ensemble animaux-bâtiment. En entrant, il doit appréhender
l’ambiance du bâtiment déterminée par la qualité de l’air ambiant (ammoniac, température,
hygrométrie, ventilation...) et la luminosité. Ces données peuvent apparaître sur le boitier
régulateur des paramètres d’ambiance présent dans le sas.

Figure 19: Boitiers d’ambiance présent dans des élevages de volailles (Photo : Clélia MATEO)

49
Figure 20: Boitiers d’ambiance présent dans des élevages de volailles (Photo : Clélia MATEO)

Il faut également inspecter la litière (matériau, humidité…) ainsi que les systèmes
d’abreuvement et de nourrissage.
Les animaux doivent être observés calmement et à distance. Il faut observer leur répartition
dans le bâtiment. Le vétérinaire recherche la présence de symptômes (plumes ébouriffées, tête
entre les épaules, boiteries…) qui peuvent être frustres dans certains cas. L’observation
individuelle de certains sujets permet de détecter des lésions (arthrites, sinusites...).

Figure 21: Visite d’un élevage de poulets de chair au démarrage (Photo : Clélia MATEO)

L’autopsie en élevage de sujets morts récemment est possible et permet d’observer les
dominantes anatomo-pathologiques.

50
- Envoi des animaux au laboratoire
Le vétérinaire et l’exploitant choisissent les sujets qui seront autopsiés. L’examen nécropsique
approfondi s’accompagnera de prélèvements pour la recherche d’agents pathogènes et la
réalisation d’un antibiogramme.

Figure 22: Prélèvements d’organes (poumons, os et cœurs) en vue d’un isolement et identification bactérienne
et réalisation de l’antibiogramme (Photo : Clélia MATEO)

4. Antibiothérapie par filières et par espèces

Dans cette partie ne seront traités que les usages des antibiotiques dans le but d’endiguer une
infection bactérienne. L’utilisation d’antibiotiques ionophores tels que le monensin ou le
narasin (en association avec la nicarbazine) dans l’alimentation permet, dans une moindre
mesure, de prévenir l’apparition des coccidioses. Cet aspect ne sera cependant pas développé
ici.
4.1 Choix de l’antibiotique (BERTIN, 2013)
Le choix du bon antibiotique sera garant du succès thérapeutique. Il devra également être garant
de la santé publique en limitant le risque d’apparition de bactéries résistantes. Ce point sera
développé ultérieurement. Ce choix doit être réalisé de manière réfléchie et dépend de plusieurs
paramètres cités ci-dessous :
- Résultats de l’antibiogramme
- Distribution intra ou extracellulaire
- Pharmacocinétique
- Pharmacodynamie
- Toxicité

51
- Risque de développement de résistances
- Interactions médicamenteuses
- Coût
- Temps d’attente
Il faudra ensuite déterminer la dose et la voie de traitement idéales afin d’en garantir
l’observance. La dose de traitement dépend du poids du lot à traiter. Une mauvaise estimation
du poids vif peut entrainer des sous-dosages à l’origine d’échec thérapeutique ou de
l’émergence de bactéries résistantes. La toxicité de certains traitements peut s’exprimer en cas
de surdosage. Chez les volailles, les traitements sont majoritairement administrés par l’eau de
boisson. La solubilité des molécules devra donc être optimale. Il est également important de
bien estimer la quantité d’eau réellement consommée par les animaux, en prenant compte
l’éventuel gaspillage (fuites d’eau dans la litière, canards buvant dans des abreuvoirs en
cloche…). Il faut également prendre garde aux molécules conférant un mauvais gout à l’eau,
n’incitant pas les animaux à boire.

4.2 Cadre de l’utilisation des antibiotiques en élevages


Une étude réalisée auprès de cabinets vétérinaires des Pays de la Loire entre 2010 et 2014 cible
les principaux motifs de consultation en médecine avicole (MERIGOUX, 2015):
- La pathologie digestive ;
- Les troubles locomoteurs ;
- Les omphalites et la colibacillose au démarrage des volailles ;
- Les atteintes respiratoires.
La majorité des traitements ont lieu lors de la période de démarrage lors de laquelle il est
important de maîtriser le risque colibacillose (LECOUPEUR, 2016).
Ces troubles seront décrits dans la partie 4.4 ci-dessous.
A noter que pour la pathologie digestive nécessitant l’usage d’antibiotiques, son étiologie est
complexe et relie plusieurs causes agissant de concert et à l’origine de dysbactérioses :
transitions alimentaires, parasitismes intestinal, qualité chimique et bactériologique de l’eau de
boisson, frilosité…

52
Figure 23: Lésions d’entérite nécrotique chez une dinde (Photos : Clélia MATEO)

Il est possible en premier temps de contrôler ces atteintes digestives grâce à :


- l’acidification de l’eau
- l’utilisation de cuivre.
Si ces moyens ne permettent pas de contrôler l’entérite et que l’état de la litière se dégrade
fortement, il est possible d’utiliser :
- de l’ampicilline
- de la tylosine

4.3 Principales maladies bactériennes et leurs traitements chez les volailles

4.3.1 Infections à Escherichia coli (GUERIN et al., 2012-a et SAIF, 2003-a)


E.coli est un bacille de 2.5 microns de long à coloration à Gram négatif, souvent mobile et
asporulé. Hôte normal du tube digestif des volailles, seules 10 à 15% des souches sont
considérées pathogènes pour ces espèces. Contrairement aux mammifères, E.coli cause peu
d’entérites chez les oiseaux. En effet, les colibacilles pathogènes aviaires ou APEC (Avian
Pathogenic E.coli) ont la capacité de coloniser d’autres tissus que le tube digestif tel que l’arbre
respiratoire. Les souches O1, O2 et O78 sont souvent pathogènes mais pas toujours. Le sérotype
O78K80 est historiquement reconnu pathogène pour les volailles. La colibacillose est source
de pertes économiques importantes dans les élevages.
La forme respiratoire peut apparaître à tout âge mais s’observe surtout à partir de 6 semaines.
Le colibacille s’installe sur des lésions déjà présentes, dues à : des infections virales primaires

53
ou une mycoplasmose. De mauvaises conditions d’élevage, les parasitoses et carences
nutritionnelles sont favorisantes. Les signes cliniques sont ceux de l’affection primaire et sont
non spécifiques : toux, râles, jetage, sinusites…
Les colibacilles peuvent également être à l’origine d’une septicémie, de formes génitales,
d’omphalites chez les jeunes animaux, d’arthrites et synovites, de cellulite et de
coligranulomatose.

Figure 24: Lésions de péricardite fibrineuse et de périhépatite chez un poulet de chair (Photo : Clélia MATEO)

Figure 25: Lésion de salpingite chez une poule reproductrice (Photo : Clélia MATEO)

Le traitement repose sur l’utilisation d’antibiotiques réputés actifs sur les bactéries à Gram
négatif. Les colibacilloses aviaires ne se limitant pas au tube digestif, il est nécessaire de
privilégier des molécules résorbées par voie orale et à diffusion tissulaire rapide :
- Les associations sulfamides et triméthoprime (notamment la sulfadimethoxine)
- Les quinolones et fluoroquinolones: acide oxolinique, fluméquine et enrofloxacine
- Les tétracyclines : doxycycline (attention cependant aux résistances)
- Les ß-lactamines: amoxicilline, ampicilline
Afin de contrôler la population de colibacilles pathogènes encore présents dans
l’intestin, il est possible d’utiliser :
- La colistine
- La spectinomycine
Les injections de ceftiofur in-ovo au couvoir étaient réalisées afin de prévenir l’infection
des jeunes poussins. Depuis 2012, cette pratique est désormais interdite pour les animaux à
destination de la consommation française. Désormais, le ceftiofur peut être remplacé par la
gentamicine.

54
4.3.2 Infections à mycoplasmes (GUERIN et al., 2012-b, KEMPF, 2015 et SAIF,
2003-c)

Les mycoplasmes sont des petites bactéries dont une vingtaine d’espèces sont présentes chez
les oiseaux, toutes n’étant pas pathogènes. Seront évoqués M. gallisepticum (MG), M synoviae,
(MS), M. meleagridis (MM), M. iowae (MI). Dépourvues de paroi, celles-ci sont sensibles aux
désinfectants classiques mais naturellement résistantes aux antibiotiques agissant sur la
synthèse du peptidoglycane tels que les ß-lactamines. Ces bactéries peuvent néanmoins survivre
quelques jours dans le milieu extérieur. Les mycoplasmes présentent un tropisme particulier
pour l’appareil respiratoire, les articulations et l’appareil génital.
- Mycoplasma gallisepticum
Chez Gallus gallus, La maladie se déclenche à la faveur d’un stress (manipulation, entrée en
ponte…). Elle vient souvent compliquer une virose respiratoire primaire. Surinfectée par E.coli,
elle entre dans le complexe Maladie Respiratoire Chronique (MRC). Les symptômes sont peu
spécifiques : toux, jetage, râles trachéo-bronchiques…
L’expression clinique se traduit chez la dinde par une importante sinusite infra-orbitaire
bilatérale pouvant empêcher l’animal d’ouvrir les paupières. En plus de cette sinusite, des
lésions se situent dans la trachée, les bronches et les sacs aériens.
- Mycoplasma synoviae
C’est le principal agent de la synovite infectieuse du poulet et de la dinde. Au tableau clinique
que l’on retrouve lors d’infection à MG s’ajoute un retard de croissance, des ampoules du
bréchet et d’importantes boiteries avec gonflement de l’articulation tibio-tarso-métatarsienne.
Les lésions articulaires intéressent principalement l’articulation tibio-tarso-métatarsienne qui
contient du pus pouvant parfois envahir les gaines articulaires. Chez les pondeuses, les œufs
peuvent présenter un aspect particulier. Une malformation de la coquille au niveau de l’apex
confère à cette zone un aspect rugueux et une certaine fragilité.
- Mycoplasma meleagridis
Cette espèce est spécifique de la dinde et touche les jeunes animaux : retards de croissance,
troubles locomoteurs avec une démarche en « cowboy » et une tendance à rester sur les jarrets.
- Mycoplasma iowae
Cette bactérie affecte principalement la dinde reproductrice et secondairement les poules. Elle
se manifeste par une baisse de l’éclosabilité de 5 à 20%, des déformations embryonnaires
spectaculaires ainsi que de la mort embryonnaire tardive. Les dindonneaux nés viables ne
présentent quant à eux pas de séquelles.
- Mollicutes chez les palmipèdes
M. anseris et M. cloaque sont retrouvés chez les palmipèdes. Ces bactéries peuvent être agents
de cloacites chroniques chez les oies et de nécroses du pénis chez les jars qui se contaminent
suite au cochage des oies. Un traitement du lot associé à la réforme des mâles atteints est
nécessaire avant toute introduction d’animaux sains. Acholeplasma axanthum est un germe
associé à des troubles respiratoires chez les oies ainsi qu’une baisse de l’éclosabilité.

55
Le traitement anti-infectieux peut être réalisé chez les troupeaux multiplicateurs et
reproducteurs afin de réduire la transmission verticale. Cette solution n’est cependant
envisageable que si l’élimination du lot est économiquement irréalisable.
Le traitement fait appel à des antibiotiques actifs sur les mycoplasmes et susceptibles de
diffuser facilement dans les tissus atteints.
- Les macrolides et apparentés représentent les familles de choix : la tylosine et la
tiamuline sont indiquées.
- Les tétracyclines sont également indiquées, notamment la doxycycline.
- Le trempage des œufs ou l’injection in-ovo ont été décrits.
L’antibioprophylaxie est à étudier au cas par cas et seulement dans les élevages présentant
des épisodes récurrents de mycoplasmose. Cette pratique est déconseillée.

4.3.3 Clostridioses (GUERIN et al., 2012-c et SAIF 2003-d)


Les clostridies sont des bactéries à Gram positif anaérobie strictes retrouvées partout dans la
nature. Elles ont la capacité de former des spores qui leur confèrent une résistance extrême dans
le milieu extérieur. L’espèce pathogène majoritairement retrouvée chez les volailles est
Clostridium perfringens, mais C. colinum et C. septicum peuvent être isolées dans certains cas.
Dans les conditions propices à la multiplication bactérienne, celle-ci peut être massive et
expliquer la rapidité d’apparition du tableau clinique. Les toxines sécrétées par les clostridies
expriment le pouvoir pathogène de ces germes sur leurs hôtes.
L’entérite nécrotique à Clostridium perfringens touche principalement les animaux de 2 à 4
semaines. Cette forme clinique représente le tableau final d’un important déséquilibre au sein
de la flore digestive de l’hôte. Ces dysbactérioses peuvent avoir de nombreuses causes relatives
à des changements brutaux de régime alimentaire. Les sujets présentent un abdomen dilaté et
la mortalité apparaît brutalement et toucher 1 à 2% du lot par jour. En 2006, l’interdiction en
Europe des additifs facteurs de croissance et de stabilisateurs de la flore digestive a été suivie
par une forte incidence d’entérique nécrotique, bien que ce seul évènement ne puisse expliquer
à lui seul l’émergence de la maladie.

56
Figure 26: Lésion d’entérite nécrotique chez un poulet de chair (Photo : Clélia MATEO)

Plusieurs espèces de clostridies (C. perfringens ou C. septicum) peuvent surinfecter des lésions
déjà présentes dues à des affections intercurrentes comme l’anémie infectieuse du poulet. On
parle de dermatite gangréneuse. Les animaux présentent un désenplumement et la peau se
recouvre de lésions nécrotiques suintantes qui évoluent en croutes.
Le traitement de l’entérite nécrotique est efficace s’il est mis en place précocement. Il fait
appel à :
- La tylosine
- La lincomycine
- L’amoxicilline
- L’ampicilline
Le traitement de la dermatite gangréneuse fait intervenir :
- Des ß-lactamines
- L’oxytétracycline
- La lincomycine

57
4.3.4 Pasteurelloses (GUERIN et al., 2012-4d et SAIF, 2003-b)
Les pasteurelles sont des bactéries de forme coccobacillaires mesurant 1.5 microns de long,
immobiles et non sporulantes. Pasteurella multocida est un germe pathogène majeur en
aviculture, agent du choléra aviaire. Cette maladie provoque d’importantes pertes économiques
dans les élevages. P. gallinarum, P. haemolytica et P. anatipesifer sont des agents opportunistes
de surinfection.
L’évolution suraiguë se caractérise par des lésions septicémiques. Lors de cette forme, la mort
survient de manière brutale avec peu ou pas de signes annonciateurs : prostration, barbillons
violacés. Lors de la forme aigue, les oiseaux présentent de l’hyperthermie, des troubles
respiratoires, de la diarrhée hémorragique, sont assoiffés et refusent de s’alimenter. La mort
survient en quelques heures. La forme chronique est la continuité d’une des deux formes décrite
ci-dessus, ou due à des souches peu pathogènes qui se localisent dans des abcès. De nombreux
appareils peuvent être touchés : les articulations, l’arbre respiratoire, les barbillons qui peuvent
être œdématiés, l’oreille moyenne chez les dindes qui présentent alors un torticolis. Chez les
canards en gavage, la forme chronique du choléra est fréquente et se traduit par un gonflement
de la tête.

Figure 27: Lésion de pneumonie chez une dinde atteinte de choléra aviaire (Photo : Clélia MATEO)

Si la forme suraiguë ne laisse pas le temps de mettre en place un traitement, celui de la


forme aiguë est tout à fait envisageable et fait appel à des molécules visant les bactéries à
Gram négatif :
- La doxycycline
- Les associations sulfamides et triméthoprime
- La spectinomycine
- L’amoxicilline
- Quinolones et fluoroquinolones: acide oxolinique, fluméquine ou enrofloxacine
L’antibiogramme est nécessaire afin de tester la sensibilité de la souche isolée à différents
antibiotiques. Le traitement ne permet pas d’éradiquer complètement la bactérie du troupeau.

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4.3.5 Riemerellose (GUERIN et al., 20012-e)
Cette maladie est due à Riemerella (autrefois Pasteurella ou Moraxella) anatipestifer, une
bactérie à coloration Gram négatif non sporulée et immobile. Elle touche principalement les
palmipèdes et parfois les dindes.
Des signes nerveux et respiratoire associés à un retard de croissance sont fréquemment
observés. Les lésions révèlent une inflammation fibrineuse des séreuses.
La prévention de la maladie passe par le contrôle des conditions d’élevage, notamment pendant
la période de démarrage. Le recours au vaccin voire aux autovaccins est possible.
Le traitement est similaire à celui du choléra aviaire.
- La doxycycline
- La spectinomycine
- L’amoxicilline
- Les quinolones et fluoroquinolones: acide oxolinique, fluméquine ou enrofloxacine
Les formes suraiguës nécessitent un traitement antibiotique par voie parentérale.

4.3.6 Infections à Enterococcus spp. (GUERIN et al., 2012-g et BALLOY, 2015)


Les entérocoques sont des coques à Gram positif, non sporulées, aéro-anaérobie de la famille
des Streptococcaceae mais séparées des streptocoques. Les entérocoques sont des bactéries
retrouvées dans l’intestin des animaux mais aussi des hommes, certaines espèces sont des
pathogènes opportunistes. Enterococcus faecalis pourrait être un agent zoonotique. Les
principales espèces isolées dans les élevages de volailles sont E. faecalis et E. cecorum.
L’infection à E. cecorum est connue depuis une dizaine d’année dans de nombreux pays pour
affecter l’appareil locomoteur du poulet de chair. Les animaux contractent le germe entre une
et deux semaines d’âges. Le tableau clinique se manifeste dès l’âge de 3 semaines : difficultés
locomotrices évoluant vers la paralysie, animaux rechignant à se tenir debout et reposant sur
leurs jarrets ou sur le côté. Au fil des semaines, le lot devient de plus en plus hétérogène et la
mortalité apparait chez les sujets les plus faibles. Les canetons de Barbarie peuvent également
être atteints. Le tableau clinique rappelle alors le Syndrome de mortalité brutale du jeune
caneton bien que l’entérite soit moins sévère.
Les symptômes et lésions de l’infection par E. faecalis diffèrent selon les espèces : cette bactérie
est connue pour être l’agent causal de l’arthrite amyloïdienne de la poulette. Les manifestations
cliniques apparaissent dès l’âge de 6 semaines avec retard de croissances et boiteries. La
morbidité peut atteindre 20% du lot. Il convient alors d’éliminer les sujets atteints malgré la
perte économique induite. E. faecalis est également à l’origine de granulomes hépatiques et
endocardites chez la dinde et d’arthrite chez le canard.

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Le traitement est conseillé lors d’évolution aiguë. On peut utiliser :
- Des ß-lactamines, notamment l’amoxicilline
- Des tétracyclines
- De la tylosine
Une étude conseille l’utilisation de la pénicilline V dans le traitement de l’infection à
Enterococcus cecorum (MIGNE et al., 2013). La sensibilité est en effet meilleure pour cette
molécule que pour les tétracyclines et la tylosine. Le spectre étroit de la pénicilline V permet
également de ne pas exercer de pression de sélection parmi les bactéries à Gram négatif qui y
sont naturellement résistantes (E.coli, Salmonella).

4.3.7 Infections à Ornithobacterium rhinotracheale (GUERIN et al., 2012-f et


SAIF, 2003-b)

Ce germe découvert récemment est un pathogène majeur chez la dinde, affectant l’appareil
respiratoire et/ou l’appareil locomoteur. Ornithobacterium rhinotracheale (ORT) est une
bactérie à coloration Gram négatif appartenant à la famille des Pasteurellaceae. Le poulet est
également sensible à l’infection.
Chez la dinde, la forme respiratoire de l’infection se manifeste le plus souvent autour de 7 à 8
semaines d’âge. Les animaux sont en dyspnée et présentent de la toux grasse, des éternuements,
du jetage ainsi que des sinusites. Les lésions s’observent sur l’appareil respiratoire, trachéite,
aérosacculite et pneumonie œdémateuse. Une autre forme associée à des boiteries apparaît chez
les dindes autour de 10 à 12 semaines d’âge. Les animaux rechignent à se déplacer et leurs
articulations tibio-tarso-métatarsiennes sont gonflées.
La maladie peut également toucher les poulets dès l’âge de 20 jours. On observe des troubles
respiratoires d’apparition aigue ou des atteintes des articulations d’évolution plus insidieuse.
Réaliser un antibiogramme sur la souche d’ORT isolée demeure indispensable avant
d’initier tout traitement antibiotique pour cette maladie. On choisira la molécule idéale
selon les résultats de cet examen.
En général, les souches d’ORT sont souvent résistantes aux associations sulfamides-
triméthoprime et à la colistine.
Pour la forme respiratoire, il est possible d’utiliser pendant un minimum de 4 jours:
- La doxycycline
- La tiamuline
- La tylosine
- La tilmicosine
- L’amoxicilline est réputée efficace à 25mg/kg, le prix est un frein à son utilisation
en France.
Le traitement des formes articulaires doit faire appel à des molécules diffusant facilement
dans les articulations.

60
4.3.8 Infections à Brachyspira spp. (ROBINEAU, 2015)
Les spirochètes sont des bactéries à Gram négatif anaérobies qui colonisent les caecas et le
rectum des volailles. Plusieurs bactéries sont représentées dont B. pilicolli qui infecte également
les porcs et peut être agent de zoonose. Une infection par Brachyspira spp. est à l’origine de
pertes économiques importantes dans les élevages.
Le genre Gallus est le plus sensible, de nombreuses poules pondeuses et poules reproductrices
peuvent être porteuses sans toutefois exprimer de signes cliniques. L’infection peut être à
l’origine d’une diarrhée brunâtre et fétide. Les œufs souillés ne pourront alors être
commercialisés. Elle cause également un retard à l’entrée de ponte ainsi qu’une chute de ponte.
Les poussins issus de poules infectées sont prostrés et ont une mauvaise croissance. Chez les
dindes, ces bactéries peuvent causer une typhlite sévère.
Le traitement fait intervenir :
- L’oxytétracycline
- La tiamuline
- La lincomycine
Chez les dindes, l’utilisation de la tiamuline est très délicate et doit exclure tout traitement
avec des ionophores.

4.3.9 Infections à Streptococcus gallolyticus (GUERIN et al., 2012-h)


Cette bactérie touche les palmipèdes et est à l’origine du Syndrome de mortalité brutale du
jeune caneton. Elle intéresse plus particulièrement les canetons mulards et Barbarie. Les lots
touchés présentent des taux de mortalité variant de 10 à 30%. Les canetons présentent des
symptômes nerveux peu spécifiques et des lésions septicémiques ainsi qu’une entérite
congestive.
S. gallolyticus infecte dans une moindre mesure les poulets et les dindes. La bactérie induit le
développement d’endocardites valvulaires végétantes à l’origine de la mortalité des animaux
ou de saisies à l’abattoir.
La prévention de la maladie s’appuie sur les méthodes classiques de biosécurité à tous les étages
de l’élevage, en particulier l’hygiène des points d’abreuvement.
Le traitement antibiotique doit cibler les bactéries à Gram positif et est à mettre en place
lors d’une évolution aiguë. On utilise :
- Les tétracyclines
- L’amoxicilline

61
4.3.10 Staphylococcies (GUERIN et al., 2012-h)
Les staphylocoques sont des coques à coloration Gram positif. Ces germes pénètrent
l’organisme à la faveur de lésions cutanées, et peuvent former des abcès, être à l’origine de
lésions d’arthrite ou évoluer selon un mode septicémique.
Toute plaie peut être infectée et représenter une porte d’entrée pour les staphylocoques :
ampoules du bréchet, lésions des pattes dues à une mauvaise qualité de la litière ou des blessures
de perchoir, plaies de chaponnage, griffures, épointage du bec et des griffes, lésions de
l’ombilic…
Les arthrites aux pattes ou aux articulations tibio-tarso-métatarsiennes représentent un véritable
obstacle au cochage et diminue de ce fait la fertilité des coqs.

Figure 28: Aspect des foies d’animaux présentant des infections à Staphylocoque (Photos : Clélia MATEO)

Comme pour les streptococcies, le traitement antibiotique doit viser les bactéries à Gram
positif.
- Les tétracyclines
- L’amoxicilline

62
4.3.11 Botulisme aviaire (SMITH, 2015)
Le botulisme aviaire est une affection nerveuse touchant les volailles et le gibier d’eau avec une
sensibilité variable selon les espèces d’oiseaux. Elle est due à l’action d’une neurotoxine
produite par Clostridium botulinum. Plusieurs types de toxine ont été décrits. L’apparition des
bactéries ainsi que de la toxine est favorisée par des conditions chaudes et humides. La bactérie
peut se trouver dans l’intestin des oiseaux, mais ceux-ci peuvent également se contaminer en
ingérant la toxine préformée. Le germe prolifère dans les cadavres d’animaux.
Le tableau clinique est dominé par l’apparition d’une paralyse flasque et de progression
ascendante : les premiers symptômes se caractérisent par une boiterie, une réticence à se
déplacer et une incoordination dans la démarche. Par la suite, les ailes pendent, le cou ne se
tient plus et les paupières se ferment. Les oiseaux meurent par insuffisance cardiaque ou
respiratoire.
Les volailles peuvent être traitées avec des antibiotiques actifs sur les clostridies :
- La pénicilline, l’amoxicilline
- La tylosine
- La lincomycine

4.3.12 Chlamydiose aviaire (GUERIN et al., 2012-j)


Cette maladie, causée par Chlamydia psittaci est une zoonose d’importance majeure qui touche
de nombreuses espèces d’oiseaux, d’élevage ou d’ornement. Cette bactérie est un germe
intracellulaire strict de résistance médiocre dans le milieu extérieur : des mesures de nettoyage
et de désinfection suffisent à assainir un bâtiment.
Les canards sont incriminés dans de nombreux cas de contamination humaine. La
séroprévalence serait en effet élevée chez les personnes travaillant dans des ateliers de gavage
ou d’éviscération. Les psittacidés représentent également une source de transmission à
l’Homme.
Le tableau clinique est variable d’une espèce à l’autre. Chez la dinde, la bactérie entrerait dans
le complexe respiratoire bien que son rôle pathologique soit encore discutable. Il semblerait que
le canard soit quant à lui un porteur sain.
Afin de prévenir l’apparition de la maladie, des mesures simples de nettoyage et désinfection
suffisent. Aucun vaccin n’existe actuellement mais cette piste intéressante est en cours de
recherche.
Le traitement ne peut éradiquer complètement la maladie.
- Il est recommandé d’utiliser des tétracyclines : oxytétracycline. en première
intention pendant 2 à 3 semaines.
- La doxycycline et les macrolides sont également envisageables.
- Les quinolones ne sont à utiliser qu’en second choix.

63
4.4 Bilan
Contre-
Molécule Molécules Voie Posologie Durée Indications indication,
interactions
Oxytétracycline 20- Infections
PO (eau de 40mg/kg respiratoires à
Tétracyclines boisson ou 3-5 mycoplasmes,
Doxycycline aliment) 10- jours pasteurelles,
20mg/kg Ornithobacterium
rhinotracheale
Toujours en Coccidiostats
Sulfadiazine association avec ionophores
Sulfamides le triméthoprime dans aliment
Sulfadiméthoxine en aviculture. (monensin,
salinomycine,
Colibacillose narasin)
Ampicilline PO (eau de 20 mg/kg 3-5 Infections du
boisson) jours système digestif,
de l’appareil
Injectable 10-20 locomoteur,
mg/kg septicémies.
ß-lactamines
Amoxicilline PO (eau de 10-20 5 jours Infections à
boisson) mg/kg Entérocoques
(amoxicilline,
pénicilline V)

Pénicilline V PO (eau de 13.5-20 Choléra aviaire


boisson) mg/kg (amoxicilline)
Acide oxolinique 15 (10-20) 3-5
mg/kg jours
Quinolones et Septicémie à
fluoroquinolones Fluméquine PO (eau de 12 mg/kg 3-5 E.coli
boisson) jours

Enrofloxacine 10 mg/kg 5 jours


Tylosine 100 mg/kg 3 jours Infections
digestives à
Tilmicosine 20 mg/kg 3 jours clostridium.

Spiramycine 150 000 3-5 Infections


PO (eau de UI/kg jours respiratoires à
Macrolides et boisson) mycoplasmes,
apparentés Erythromycine 20 mg/kg 3 jours Ornithobacterium
rhinotracheale

Lincomycine 3 mg/kg 7 jours

Infections
Pleuromutilines Tiamuline PO (eau de 20 mg/kg 3-5 respiratoires à Coccidiostats
boisson) jours mycoplasmes, ionophores
Ornithobacterium
rhinotracheale
Injection
Polymyxines Colistine PO (eau de 750 000 3 jours Colibacillose mortelle chez
boisson) UI/kg les
palmipèdes
Tableau 5: Résumé des thérapies antimicrobiennes disponibles et conseillées chez les volailles (BOISSIEU, 2015
et GUERIN et al., 2012-11)

64
5. Suivi des ventes et de l’utilisation d’antibiotiques en France

5.1 Suivi des ventes d’antibiotiques à destination des volailles en France

5.1.1 Cadre réglementaire


A la demande de la Commission Européenne, l’Agence Européenne du Médicament (EMA) a
lancé le projet « European Surveillance of Veterinary Antimicrobial Consumption » (ESVAC)
qui a pour objectif de suivre de manière harmonisée la vente et la consommation
d’antimicrobiens à usage vétérinaire dans les pays membres de l’Union Européenne. La France
participe à ce programme et a confié ce suivi aux mains de l’ANSES-ANMV. Ce suivi est
nécessaire quant à l’évaluation des risques en matière d’antibiorésistance en santé publique.

5.1.2 Principe en France


En France depuis 1999, l’Agence Nationale du Médicament Vétérinaire, en collaboration avec
le Syndicat de l’Industrie du Médicament Vétérinaire (SIMV), édite des rapports annuels
permettant de suivre la vente de molécules à activités antimicrobiennes et à destination des
animaux par les laboratoires qui les commercialisent (ANSES-ANMV, 2016). Ce suivi est basé sur
les déclarations de ventes annuelles par les laboratoires titulaires des Autorisations de Mise sur
le Marché (AMM). Il concerne les animaux dont la chair ou les denrées sont destinés à la
consommation humaine, mais également les équidés et les carnivores domestiques.
Afin de déduire la consommation d’antibiotiques par les animaux, on considère que la totalité
des molécules vendues leur sont administrées. Cette hypothèse n’a pas été vérifiée en 2013, ce
qui pose un biais dans l’interprétation des résultats obtenus en 2013 et 2014.

5.1.3 Méthodes
Les données sont collectées par un questionnaire envoyé à chaque laboratoire commercialisant
des antimicrobiens possédant une AMM vétérinaire. Chaque titulaire des AMM est tenu de
fournir la quantité de chaque médicament vendu. Depuis 2009, une estimation de la proportion
de vente pour chaque production animale est demandée, celle-ci n’est toutefois pas aisée
sachant qu’une même formulation peut être vendue pour plusieurs espèces. Ces données sont
finalement croisées avec l’estimation de la population animale et de ses fluctuations en France,
fournie par Agreste pour les animaux producteurs de denrées.

5.1.4 Indicateurs
Plusieurs indicateurs répondant à différents objectifs de lecture peuvent être calculés afin
d’évaluer la consommation d’antibiotiques au sein des différentes espèces et productions. Ces
derniers sont calculés en prenant compte la quantité de principe actif, posologie, la durée de
traitement, le poids des animaux traités et le poids des animaux adultes ou à l’abattage.

65
Le dénominateur du calcul des indicateurs est représentatif de la population animale traitée ou
potentiellement traitée par les antibiotiques, et doit prendre en compte les fluctuations de cette
population.
- Masse de la population animale (ou WAP pour Weight of Animal Population) en kg
produits.
- Masse d’animaux traités ou potentiellement traités en kg produits (ou WAT pour
Weight of Animal Treated).
- Masse abattue (en kg abattus).
- Population Correction Unit (PCU) : ce dénominateur utilisé par l’ESVAC est obtenu en
multipliant le nombre d’animaux traités d’une espèce donnée par un poids théorique
fixé à 1 kg pour les poulets et à 6.5 kg pour les dindes. Ce poids correspondrait au poids
des animaux lors du traitement.
Dans le cadre de ce suivi, on utilisera la masse d’animaux traitée ou potentiellement traitée,
exprimée en kg.
Les numérateurs doivent quant à eux représenter la quantité de principe actif consommé :
- Qai = quantité de matière active, exprimée en mg, g ou kg. Elle est facilement déduite
du nombre d’unités vendues multiplié par la quantité de principe actif dans chaque unité.
(L’acronyme Wacti pour Weight of active ingredients est utilisé en anglais.)
- L’ADDkg = Animal Daily Dose kg, qui correspond à la dose nécessaire de principe
actif permettant de traiter 1 kg de poids vif pendant une journée.
- L’ADD = Animal Daily Dose, qui correspond à la dose nécessaire de principe actif
permettant de traiter un animal type pendant une journée.
- L’ACDkg = Animal Course Dose kg, qui correspond à la dose de principe actif
nécessaire pour traiter 1 kg de poids vif pendant toute la durée de traitement.
- L’ACD = Animal Course Dose, qui correspond à la dose de principe actif nécessaire
pour traiter un animal type pendant toute la durée du traitement.
Les indicateurs obtenus sont :
- Quantité de matière active en mg de matière active par kg produit traité : cet indicateur
est obtenu en divisant la Qai (ou Wacti) par la masse de population animale
potentiellement consommatrice (Wacti/WAT), et s’exprime en mg/kg. Il s’agit d’un
indicateur « de vente ».
- ALEA : Animal Level of Exposure to Antimicrobials s’exprime sans unité. Il est obtenu
par ce calcul :
ALEA = Poids vif traité / (Nombre d’animaux x Poids des animaux à l’abattage)
L’ALEA est l’indicateur retenu dans le cadre du suivi des ventes d’antibiotiques en France. Ce
dernier est calculé en tenant compte des différences d’activité parmi les divers principes actifs,
impliquant différentes posologies, ainsi que les variations des populations animales au cours de
l’année. A noter que l’ACDkg ainsi que l’ADDkg sont aussi des indicateurs d’exposition.
La méthodologie appliquée ci-dessus ne permet cependant pas d’évaluer l’usage hors AMM de
certaines molécules. Par ailleurs, des mesures prenant en compte les différentes espèces de

66
volailles ainsi que le stade physiologique au cours du traitement permettraient de mieux évaluer
l’exposition de ces différentes catégories d’animaux aux antibiotiques.

5.1.5 Résultats pour les filières avicoles et discussions (ANSES-ANMV, 2015 et


2016)

Tous les résultats de cette partie figurent dans le rapport du suivi des ventes de médicaments
vétérinaires contenant des antibiotiques en France en 2015 (ANSES-ANMV, 2016).
Chats
Bovins Petits et Chevaux Poissons Lapins Porcs Volailles Autres Total
ruminants chiens
Tonnage
124.35 35.51 12.73 7.16 2.55 45.25 185.45 98.98 2.28 514.26
vendu

Pourcentage
24.18% 6.91% 2.48% 1.39% 0.49% 8.80% 36.06% 19.25% 0.44% 100%
Vente en
13.20 64.17 79.77 24.71 62.53 436.63 65.09 42.61 65.32 32.60
mg/kg
Tableau 6: Répartition des ventes en 2014 par espèce animales en tonnage d’antibiotiques vendus et en
quantité de principe actif par kg de poids vif (ANSES-ANMV, 2016)

En 2015, 19.25% du tonnage d’antibiotiques vendus étaient destinés des volailles. Si le


pourcentage dans le tonnage total varie peu, la quantité d’antibiotique ramené au poids des
volailles a nettement diminué en 2015 (de moitié par rapport à 2011). Sur les années 2014 et
2015, 43.5% de la colistine vendue en médecine vétérinaire est destinée aux volailles.
Ce tableau, qui exprime la quantité de matière active sans distinction de molécule ne peut tenir
compte de la réelle exposition des animaux.
Par ailleurs, ces données ne prennent pas en compte les différentes productions animales au
sein d’une même colonne. Le terme « volailles » regroupe différentes espèces (Gallus ponte et
chair, dindes, palmipèdes maigres et gras, pintades, cailles…) qui peuvent appartenir à stades
de productions différents (reproducteurs, œufs ou animaux de un jour au couvoir, animaux
d’élevage…).

1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006


Tonnage
221.4 237.2 249.3 251,0 261.9 251.3 254.6 237.7
vendu
Pourcentage
dans le
16.9% 17.1% 18.1% 18.9% 20.2% 19.9% 19.6% 19.2%
tonnage
total
Quantité en
76.14 80.92 82.10 89.85 95.15 95.03 99.17 102.02
mg/kg

67
2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015
Tonnage
254.4 242.2 216.4 203.4 202.0 176.6 156.6 177.2 98.98
vendu
Pourcentage
dans le
19.2% 20.7% 20.4% 20.0% 22.2% 22.6% 22.4% 22.7% 19.25%
tonnage
total
Quantité en
104.39 101.38 92.89 86.12 84.65 75.32 67.31 78.06 42.61
mg/kg

Tableau 7: Evolution des ventes d’antibiotiques à destination des volailles entre 1999 et 2015 (ANSES-ANMV,
2016)

Evolution du rapport quantité de principe Evolution du tonnage d'antibiotiques


actif (mg) / poids de viande produite (kg) vendus à destination des volailles en
France (tonnes)
120
100 300
250
80
200
60
150
40 100
20 50
0 0
1995 2000 2005 2010 2015 2020 1995 2000 2005 2010 2015 2020

Figure 29: Evolution du tonnage d'antibiotiques vendus à destination des volailles et du rapport quantité de
principe actif / masse de viande produite (mg/kg) de 1999 à 2015

Ce tableau exprime l’évolution du tonnage vendu mais également la quantité en mg/kg. Cette
dernière donnée ne reflète cependant pas l’exposition des animaux aux antibiotiques puisque
l’activité thérapeutique de chaque molécule n’est pas détaillée.
Par ailleurs, les résultats de l’année 2014 sont à interpréter avec précautions. La promulgation
en 2013 de la loi d’avenir agricole qui interdit désormais les pratiques commerciales, dont les
remises de marges arrière sur les antibiotiques, rabais et ristournes à compter du 1er janvier
2015, a poussé certaines structures vétérinaires à réaliser de nombreux stocks qui ne reflètent
pas l’usage réels de ces antibiotiques chez les animaux.
L’importance de ce stockage serait estimée à 3 ou 4 mois, ce qui surévalue l’exposition des
animaux aux antibiotiques en 2014 et la sous-estime en 2015. Cette affirmation se vérifie en
observant le chiffre d’affaire réalisé sur la vente d’antibiotiques au premier semestre 2015 par
rapport au premier semestre 2014.

- ALEA
Les résultats de ces deux dernières années montrent que les volailles sont majoritairement
traitées avec des polypeptides (colistine), des tétracyclines, des pénicillines, et enfin des
associations sulfamides et triméthoprime.

68
Figure 30: Evolution de l'exposition (ALEA) des volailles par familles d'antibiotiques (ANSES-ANMV, 2016)

- Exposition aux fluoroquinolones


Parmi cette classe de molécules, seule l’enrofloxacine possède une AMM chez les volailles.
L’administration se fait exclusivement par voie orale. Les traitements à base d’enrofloxacine
ont augmenté entre 2005 et 2011 puis diminué de 2011 à 2015. Le poids vif traité a augmenté
de 15,7% en 2014, mais ce chiffre est à interpréter avec précautions (voir plus haut). Pour les
deux dernières années, le poids vif de volailles traitées a diminué de 16.3%.
Entre 2013 et 2015, l’ALEA des volailles aux fluoroquinolones a baissé de 15.2%. En 2014,
1,8% du poids vif de volailles aurait été traité avec des fluoroquinolones.

5.2 Suivi de l’usage des antibiotiques en élevages


Le programme de surveillance du recours aux antibiotiques en élevages avicoles a été mis en
place en France par l’Observatoire avicole des consommations antibiotiques en 2003. Les
informations portant sur les antibiotiques utilisés ainsi que les modalités d’usages, mais
également sur les caractéristiques des lots au moment du traitement sont relevées par
l’organisation française de l’inspection ante-mortem des volailles via les Fiches Sanitaires
d’Elevages (FSE) transmises aux abattoirs par les éleveurs. Des échantillons représentatifs de
FSE ont été mensuellement collectés dans les abattoirs bretons de 2004 à 2008. Ce dispositif
n’a pu continuer suite au remplacement des FSE par les fiches d’Informations sur la Chaine
Alimentaire (ICA) qui ne répertorient que les traitements au cours des 30 derniers jours
d’élevage (CHAUVIN et al., 2010).
L’usage des antibiotiques dans les élevages avicoles, porcins et cunicoles français a également
été suivi grâce des enquêtes ponctuelles réalisées auprès des éleveurs ou des praticiens pendant
dix années d’affilées. Les élevages interrogés sont situés dans le Grand Ouest, principal bassin
de production en France. Ces enquêtes permettent de hiérarchiser les différentes familles

69
d’antimicrobiens en termes d’utilisation dans les élevages, d’observer les variations
d’utilisation entre les filières, de déterminer les différents facteurs associés à une consommation
importante d’antibiotiques par les lots, et finalement de suivre l’évolution des pratiques au fil
des années (CHAUVIN et al., 2012).
Le recueil des données est réalisé grâce à un questionnaire portant sur l’atelier, les pratiques
d’élevage et les animaux. Sont également recueillies les informations qualitatives et
quantitatives sur les antibiotiques administrés. Ces dernières s’appuient sur les ordonnances,
les factures de médicaments et les documents d’élevages. L’analyse des données est réalisée à
l’échelle de l’échantillon et les résultats de l’enquête sont extrapolables à l’ensemble des filières
(CHAUVIN et al., 2012).

Cette étude montre que la voie majeure d’administration des antibiotiques est la voie orale, la
voie parentérale ne représente quant à elle que 1% des lots traités (CHAUVIN et al., 2012). Les
familles utilisées varient d’une espèce à l’autre : alors que les pénicillines représentent environ
la moitié des usages en poulets de chair, le pourcentage ne dépasse pas les 15% en dindes de
chair, au profit des tétracyclines (CHAUVIN et al., 2012).

5.3 Variabilité des usages entre élevages


Le suivi des usages des antibiotiques en élevage a permis de mettre en évidence des variations
de ces usages, en termes de quantité d’antibiotiques administrés au sein des élevages (CHAUVIN
et al., 2010). Ainsi, la moitié des usages ne concerne que 10% des élevages de poulets de chair
(CHAUVIN et al., 2012). Le quart des élevages représente respectivement 67% et 70% des usages
totaux en productions de dindes et de poulets de chair, ces élevages sont dits « forts
utilisateurs » (CHAUVIN et al., 2012).

5.3.1 Facteurs zootechniques influençant les usages


Une étude menée sur 131 élevages de dindes de chair et portant sur 246 lots met en lumière
l’influence de nombreux paramètres sur les quantités d’antibiotiques utilisées : l’administration
de flores de barrière, la maîtrise des affections majeures et le respect des mesures de biosécurité
(changement de tenue et port de pédisacs avant d’entrer dans le bâtiment d’élevage) sont
statistiquement associés à une moindre utilisation d’antibiotiques.
La taille importante des lots est également reliée à la quantité d’antibiotiques utilisés. Ce
paramètre est mesuré par le nombre de salariés affectés uniquement à l’élevage des dindes :
ainsi, lorsqu’il y a plus d’un salarié par élevage, la consommation d’antibiotique augmente
(CHAUVIN et al., 2005). Par ailleurs, d’autres études avaient déjà montré que l’agrandissement des
lots était associé à d’avantage de maladies respiratoires et de mortalité chez les poulets de chair
(HEIER et al., 2002 et TABLANTE et al., 1999).

70
5.3.2 Facteurs non zootechniques influençant les usages
D’autres facteurs non zootechniques entrent également en jeu. On a par exemple pu observer
l’usage saisonnier de familles d’antibiotiques par rapport à d’autres, comme par exemple
l’usage des tétracyclines en production de dindes (CHAUVIN et al., 2010). Ce constat pourrait
s’expliquer par l’augmentation de la prévalence d’atteintes de l’appareil respiratoire en saison
froide.
L’entrée sur le marché de génériques a contribué au changement des habitudes en termes
d’antibiothérapie. Une étude menée entre 2003 et 2008 sur 7000 lots de poulets de chair et 5500
lots de dindes de chair a montré que l’arrivée de l’enrofloxacine parmi les génériques s’est
accompagnée de l’augmentation respective de 50% et 30% de son utilisation dans ces
productions (TOUTAIN et al., 2013).
Enfin, des contraintes réglementaires souvent liées à la longue durée des délais d’attente
limitent l’usage de certaines molécules et conduisent à de mauvaises pratiques, par exemple
l’utilisation de molécules plus récentes ayant des délais d’attente plus courts (ANSES, 2014).

Conclusion de la PARTIE 1
L’usage des antibiotiques dans les productions avicoles se démarque par les particularités des
modes d’élevage : élevage en bande unique, traitement de groupe et facilité de
l’administration par voie orale, en particulier dans l’eau de boisson.
L’arsenal thérapeutique autorisé chez les volailles comprend des tétracyclines, certaines
associations sulfamides et triméthoprime, des macrolides et apparentés, la colistine, des ß -
lactamines, des quinolones et une fluoroquinolone. Notons que les céphalosporines de 3 e et
4e génération ne sont plus autorisées en productions avicoles destinées à la consommation
française. De nombreuses préparations existent et permettent de traiter les infections
bactériennes décrites plus haut. Une démarche précise comprenant l’examen clinique ou
nécropsique des animaux, des prélèvements bactériologiques ainsi que la détermination de
l’antibiosensibilité (antibiogramme) oriente le vétérinaire vers le traitement le plus adapté.
Le coût des médicaments est également déterminant dans la mise en place d’un traitement.
Le suivi des ventes d’antibiotiques par les volailles en France est réalisé par l’ANSES qui
publie ces données dans un rapport annuel. Les résultats de l’année 2014 sont à interpréter à
la lumière de la promulgation de la loi d’avenir agricole. A noter que ce rapport ne distingue
pas les différentes filières avicoles. Des études directement réalisées en élevages de chair
montrent que la consommation d’antibiotiques est très variable d’un élevage à l’autre. Celle-
ci dépend de facteurs zootechniques, notamment le respect des barrières sanitaires, mais
également de facteurs économiques et réglementaires.

71
72
PARTIE 2
L’ANTIBIORESISTANCE DANS LES FILIERES AVICOLES

1. Généralités

1.1 Définitions

1.1.1 Résistance naturelle


La résistance naturelle ou intrinsèque d’une bactérie à un antibiotique est un phénomène
inhérent à la nature même de l’espèce bactérienne (GUERIN-FAUBLEE, 2009). Cette dernière
détermine le spectre d’activité des familles d’antibiotiques. Par exemple, les mycoplasmes sont
des petites bactéries dépourvues de paroi, ce qui les rend donc naturellement résistantes à toutes
les ß-lactamines dont l’activité bactéricide est liée à la destruction des parois bactériennes par
inhibition de la synthèse du peptidoglycane.
Ce déterminant est à différencier de la résistance adaptative qui est un phénomène transitoire
non lié à une modification génétique, apparaissant lorsque l’antibiotique est présent dans le
milieu et disparaissant ensuite. La résistance adaptative est un mécanisme qui concourt
également à la résistance à certains biocides (WALES et al., 2015), tout comme la formation de
biofilm qui rend la population bactérienne résistante à certains antibiotiques et désinfectants
(WALES et al., 2015).

1.1.2 Résistance acquise


Différentes notions de résistance existent selon les points de vue. Ce phénomène concerne une
part seulement des souches bactériennes appartenant à une espèce.

- Résistance bactériologique : Selon la définition de Chabbert, « Une souche est dite


résistante à un antibiotique lorsqu'une modification de son capital génétique lui permet de
tolérer des concentrations d'antibiotique nettement plus élevées que celles qui inhibent la
croissance in vitro de la majorité des autres souches de la même espèce dites sensibles. »

- Résistance pharmacologique : Une souche sera dite résistante si la concentration


d’antibiotique atteinte au site infectieux est inférieure à la CMI (SANDERS et al., 2009).

- Résistance clinique : Pour le clinicien, une souche bactérienne est résistante à un


antibiotique si la probabilité de succès thérapeutique est faible. Une souche est dite sensible
si la probabilité de succès thérapeutique est élevée. Le statut intermédiaire est attribué quand
on ne peut prévoir le succès ou l’échec du traitement (GUERIN-FAUBLEE, 2009).

73
- Résistance épidémiologique : Pour l’épidémiologiste, une souche sera dite résistante à un
antibiotique si la concentration minimale inhibitrice de l’antibiotique pour cette souche est
significativement plus élevée que celles des populations dites sauvages. Les souches
« sauvages » sont séparées des souches présentant un ou des mécanismes de résistance par
des seuils épidémiologiques (« cutt-off value ») définis par le European Comittee on
Antimicrobial Susceptibility Testing (EUCAST).

Les divergences de définitions sont à prendre en compte lorsque le laboratoire rend des résultats
d’antibiogrammes, où la catégorisation de la souche se fera selon les critères cliniques et non
épidémiologiques.

1.2 Histoire
Alors que les premiers antibiotiques ont été proposés dans les années 40, c’est peu de temps
après que l’antibiorésistance s’est imposée aux médecins. La pénicilline G, qui fut considérée
comme le traitement miracle contre les staphylococcies humaines fut rapidement abandonnée
en raison de l’émergence et de la dissémination du gène de résistance blaz confrontant ses
prescripteurs à l’échec thérapeutique (MADEC, 2014). Pour répondre à cette problématique, les
laboratoires développèrent la méticilline dont l’utilisation fut suivie de près par l’émergence de
staphylocoques résistants à la méticilline (SARM) en milieu hospitalier (MADEC, 2014). A
chaque émergence de résistances, les laboratoires mirent sur le marché de nouvelles molécules
afin d’éviter les impasses thérapeutiques, permettant aux médecins de rester efficaces contre
les maladies bactériennes pendant une cinquantaine d’années. Cette offre s’est petit à petit tarie
et seules trois molécules ont été approuvées par la Food and Drug Administration (FDA) ces
trente dernières années: le linézolide de la famille des oxazolidinones, la daptomycine qui est
un lipopeptide actif sur les bactéries à Gram positif et la fidaxomicine, une lactone
macrocyclique (SHAW et al., 2011). L’absence d’innovation dans le domaine pharmaceutique ainsi
que la diffusion des résistances dans et entre les écosystèmes (humains, animaux et
environnement) doit amener les professionnels de la santé à réfléchir à de nouvelles façons
d’appréhender les traitements des infections bactériennes. Il faudra en outre réfléchir aux
stratégies thérapeutiques et aux schémas posologiques afin de minimiser l’émergence de
mutants résistants.

1.3 Support génétique et transfert des résistances


Les résistances sont le résultat de phénomènes cellulaires complexes et variables avec l’espèce
bactérienne et l’antibiotique. Ces mécanismes, souvent liés à des activités enzymatiques où à la
cible même de l’antibiotique, sont portés par des gènes dits de résistances codant pour ces
enzymes ou cette cible.

Ces gènes peuvent appartenir au chromosome bactérien, un phénotype de résistance peut ainsi
apparaître à la faveur d’une mutation spontanée. Ce phénomène est rare et aléatoire mais peut
néanmoins voir sa fréquence d’apparition augmenter au sein de populations bactériennes de

74
taille importante comme les flores commensales ou digestives, ou au sein d’un foyer infectieux.
Dans ce cas, la mutation est soit transmise verticalement à la descendance, soit par
transformation d’un fragment d’ADN vers une bactérie réceptrice compétente. Ce fragment
sera intégré au génome de celle-ci par recombinaison homologue. Ce dernier évènement
nécessite de ce fait une certaine ressemblance entre les molécules d’ADN, ce qui ne peut se
faire qu’au sein d’une même espèce bactérienne ou entre espèces très proches.

Des éléments génétiques mobiles comme les plasmides peuvent également être porteurs d’un
ou plusieurs gènes de résistance. Ces plasmides peuvent être transmis aux bactéries voisines
par conjugaison, qu’elles soient de la même espèce ou non (le phénomène a été observé de
bactéries à gram positif vers des bactéries à gram négatif). Les plasmides ne se maintiennent
pas tous de manière stable au sein des bactéries, notamment à cause de la dépense énergétique
que représente l’expression des gènes présents.

Les transposons sont de petits éléments génétiques mobiles capables de s’intégrer dans un
génome bactérien ou au sein d’un plasmide. Un gène présent dans le transposon code pour une
transposase permettant l’intégration stable dans un réplicon. Ainsi intégré, l’expression des
autres gènes, dont certains de résistance, est possible. Ce mécanisme concours à la
dissémination efficace de déterminants de résistances dans les écosystèmes bactériens.

Les intégrons sont des systèmes de capture de plasmides, de transposons ou de cassettes


géniques. Le matériel génétique s’insère entre deux parties stables de l’intégron. Plusieurs
déterminants génétiques de résistances peuvent s’intégrer à ce système créant alors des îlots de
résistances.

Le transfert de gènes entre bactérie peut également être réalisé par un intermédiaire viral, le
bactériophage, on parle alors de transduction.

Figure 31: Mécanismes de transfert des résistances entre bactéries (AFSSA, 2006)

75
1.4 Existence des résistances dans le milieu
L’origine des résistances serait liée à la nécessité des bactéries de se protéger des substances
antimicrobiennes produites par d’autres microorganismes. L’analyse d’échantillons d’âges
géologiques variables montre que les gènes de résistance étaient déjà présents depuis des
milliers d’années, il semblerait donc que leur apparition soit concomitante avec le
développement de microorganismes sécrétant des molécules antibiotiques (ACAR et al., 2012). De
plus, de récentes études montrent que l’environnement représente un réservoir massif de gènes
de résistances (ACAR et al., 2012). Ces gènes témoignent de l’incroyable capacité d’adaptation des
bactéries à des environnements divers.

Les déterminants de résistance n’apparaissent pas avec l’utilisation des antibiotiques mais sont
favorisées par celle-ci. Les bactéries possédant des gènes de résistance, qu’ils soient issus du
transfert horizontal de matériel génétique ou d’une mutation, sont initialement minoritaires au
sein des écosystèmes microbiens. L’utilisation d’un antibiotique confère un avantage sélectif à
ces dernières, leur permettant de coloniser l’espace libéré par les bactéries sensibles. Notons
toutefois que cet avantage sélectif s’accompagne d’un coût biologique parfois élevé qui peut
limiter cette colonisation si l’antibiotique disparait du milieu.

1.5 Résistances croisées


On parlera de résistance croisée lorsque l’utilisation d’un antibiotique sélectionnera des mutants
résistants à l’ensemble des molécules de la même famille. Les mécanismes de résistances
impliquant la cible de l’antibiotique favorisent ce phénomène, tous les antibiotiques de la
famille ayant une action similaire sur la cible.

Lorsque le mécanisme de résistance implique des sécrétions enzymatiques venant modifier la


structure des antibiotiques, les nombreuses enzymes sécrétées auront des affinités différentes
pour des antibiotiques d’une même famille. Dans ce cas, la résistance sera semi-croisée.

1.6 Co-sélection
Certains plasmides sont porteurs de plusieurs gènes de résistance, conférant aux bactéries
porteuses la résistance à plusieurs classes d’antibiotiques. Ces bactéries sont dites multi-
résistantes lorsque le phénomène s’étend à trois familles d’antibiotiques et plus. On parle de
co-sélection quand l’utilisation d’une molécule d’une des familles entraine la résistance à toutes
les familles représentées sur le plasmide.

Il a été montré que la présence de métaux lourds, en particulier le cuivre et le zinc dans le milieu
favorise la co-sélection de gènes de résistance aux antibiotiques (LIANGWING et al., 2016). Cette
co-sélection serait le résultat d’un phénomène de co-résistance (présence de gènes de résistance
présents sur le même élément génétique), ou de sélection croisée (le même mécanisme de
résistance pour les métaux et l’antibiotique) (BAKER-AUSTIN et al., 2006). Il est possible
d’administrer du cuivre aux volailles lors de désordres digestifs, l’impact de cette pratique sur
la sélection de résistance n’a cependant pas été évalué.

76
Des phénomènes de co-sélection de la résistance à certains biocides existent également. Comme
pour la résistance aux antibiotiques, la résistance acquise aux biocides est le fruit de mutations
génétiques, altération de l’expression de certains gènes ou de l’acquisition d’éléments
génétiques mobiles (WALES et al., 2015). Les mécanismes de co-sélection impliquent notamment
la présence de pompes à efflux non spécifiques, de diminution de la perméabilité de la
membrane plasmique, de mutations ou surexpression du gène de la cible (WALES et al., 2015).

1.7 Niveaux de résistances


L’apparition d’un phénotype de résistance à un antibiotique chez une souche se traduit par une
augmentation de la CMI. On parle de bas niveau de résistance quand cette augmentation est
moindre, de haut niveau si elle est importante. La sélection de bas niveaux de résistance lors
d’un traitement représente un risque non négligeable en antibiothérapie, ce premier palier de
résistance pouvant faciliter l’apparition de mutants à hauts niveaux de résistance. Ce
phénomène est particulièrement décrit pour la résistance aux quinolones, ou plusieurs mutations
des gènes codant pour les cibles peuvent s’accumuler et rendre les bactéries de plus en plus
résistantes à cette famille (PEREZ-BOTO et al., 2014).

1.8 Coût biologique de la résistance


Les mutations chromosomiques ou l’acquisition de gènes permettant à des bactéries
initialement sensibles à un antibiotique de survivre en présence de celui-ci s’accompagne d’un
coût biologique, se traduisant par une moindre compétitivité vis-à-vis de la colonisation par
rapport aux souches sauvages (KEMPF et al., 2012). En effet, il semblerait qu’une partie du
métabolisme de la bactérie soit tournée vers la persistance de l’élément génétique acquis
(KEMPF et al., 2012).

Plusieurs études ont évalué la persistance de la résistance in vitro et in vivo, les résultats mettent
en lumière que l’arrêt de l’utilisation des antibiotiques ne se solde pas toujours par le retour à
la sensibilité. A grande échelle, l’arrêt de l’usage de l’avoparcine comme facteur de croissance
en Europe chez les porcs et les volailles s’est accompagné de la diminution de la résistance à
cet antibiotique mais le gène de résistance VanA est toujours présent. Après l’interdiction de
l’utilisation des fluoroquinolones en élevages de volailles aux Etats-Unis, le taux de résistance
à la ciprofloxacine chez Campylobacter jejuni dans les produits de découpe du poulet est resté
stable autour de 15%.
Il existe des mécanismes compensatoires tels que des mutations permettant d’atténuer le coût
biologique induit par la résistance acquise et d’augmenter la compétitivité de ces souches
(KEMPF et al., 2012). Ces mécanismes sont à l’origine de la stabilisation de la résistance dans la
population bactérienne.

77
1.9 Méthodes de mesures de la sensibilité des bactéries
Afin de prédire le succès d’un traitement antibiotique, il est possible de réaliser un
antibiogramme afin de mesurer la sensibilité in vitro de la bactérie visée pour une batterie
d’antibiotiques. Plusieurs techniques qui varient par leur facilité de mise en œuvre, leur coût et
le type de résultat existent. Dans tous les cas, l’antibiogramme se réalise en laboratoire par du
personnel formé. Le laboratoire, qui n’est pas obligatoirement accrédité par le COFRAC
(Comité français d’accréditation), doit cependant pouvoir assurer la reproductibilité du résultat
par la standardisation des techniques.
La réalisation de l’antibiogramme se fait en routine en médecine aviaire. Le choix des
antibiotiques à tester doit être raisonné et dépend de la bactérie. Sur une entérobactérie, un
disque d’acide nalidixique sera suffisant pour tester la résistance à l’ensemble des quinolones
dont la fluméquine. Il est également inutile d’utiliser des disques de ß-lactamines si l’on teste
la sensibilité de mycoplasmes.

1.9.1 Méthode qualitative : diffusion en milieu gélosé


Cette méthode, encore appelée la méthode des disques est la plus utilisée en routine par les
laboratoires d’analyses vétérinaires (HAENNI et al., 2014). C’est la plus facile à mettre en œuvre
et la moins couteuse. Elle permet de déterminer le statut sensible (S), intermédiaire (I) ou
résistant (R) de la bactérie pour certains antibiotiques : il s’agit donc d’un résultat qualitatif.

La méthode est décrite dans la norme AFNOR NF U47-107 présente dans les recommandations
du CA-SFM (CASFM, 2015). Un milieu gélosé est ensemencé avec une culture bactérienne pure.
Des disques imprégnés d’antibiotiques judicieusement choisis sont déposés à la surface de la
gélose. La boîte est ensuite mise à incuber entre 18 et 24 heures à 37°C.

A l’issue de l’incubation, les cultures bactériennes auront poussé sur la gélose mais des
diamètres d’inhibitions correspondant à l’absence de bactéries apparaitront autour des disques.
La longueur d’un diamètre dépend de la sensibilité de la bactérie à l’antibiotique considéré.
Ainsi, plus la bactérie est résistante à l’antibiotique, plus celle-ci pourra pousser proche du
disque et plus la zone d’inhibition sera restreinte. Pour chaque couple bactérie-antibiotique, des
diamètres seuils ont été déterminés afin de pouvoir classer la bactérie sensible, intermédiaire
ou résistante.

En plus du statut de la bactérie, cette méthode permet d’observer certains mécanismes de


résistance. Chez les entérobactéries présentant une résistance aux ß-lactamines, une image de
synergie en bouchon de champagne présente entre le disque d’amoxicilline + acide
clavulanique et le disque d’une C3G ou C4G est typique d’un phénotype de BLSE (HAENNI et
al., 2014). Une meilleure visualisation de cette image est permise par le rapprochement des
disques. Une hyperproduction de céphalosporinase est à suspecter quand la synergie n’est pas
visible. Dans ces deux cas, il faut considérer la souche bactérienne résistante à toutes les ß-
lactamines disponibles en médecine vétérinaire.

78
Figure 32: Antibiogramme réalisé sur une souche de Pseudomonas aeruginosa isolée d’un échantillon de lait de
vache souffrant d’une mammite (Photo : Clélia MATEO)

Figure 33: Antibiogramme réalisé sur une souche d’Escherichia coli isolée de liquide articulaire d’un poulet de
chair souffrant d’arthrite (Photo : Clélia MATEO)

79
1.9.2 Méthodes quantitatives
Les méthodes dites quantitatives visent à mesures la CMI d’une souche bactérienne pour un
antibiotique donné, exprimée en mg/L. La valeur de la CMI permet de déterminer le statut S, I
ou R de la bactérie vis-à-vis de l’antibiotique testé. Cette mesure peut être réalisée en milieu
liquide ou solide.

En milieu solide, une culture bactérienne pure est déposée sur des géloses contenant des
concentrations croissantes en antibiotique. Il est également possible d’utiliser des bandelettes
imprégnées d’un antibiotique à concentration croissante le long de la bandelette. Ces techniques
sont assez onéreuses et peu utilisées en routine (SANDERS et al., 2014).

La mesure de la sensibilité en milieu liquide est décrite dans la norme AFNOR NF U47-106
(CASFM, 2015) et nécessite l’utilisation de plaques de micro-dilution. Les puits contiennent
l’antibiotique testé en concentration croissante, et chaque puit est ensemencé avec un inoculum
bactérien pur et standardisé. La croissance bactérienne est étudiée après 18 à 24 heures
d’incubation. Le premier puit où l’on n’observe pas de croissance bactérienne permet de
déterminer la CMI de la souche bactérienne pour l’antibiotique testé. Cette méthode est aussi
rapide à mettre en œuvre que la diffusion en milieu gélosé, mais plus coûteuse car elle nécessite
autant de plaques que d’antibiotiques à tester, elle sera donc peu utilisée en routine (SANDERS et
al., 2014).

1.9.3 Lecture de l’antibiogramme


Les règles de lecture interprétative de l’antibiogramme sont énoncées dans le Comité de
l’Antibiogramme de la Société Française de Microbiologie (CASFM, 2015). Elles permettent de
conseiller l’usage d’un antibiotique plutôt qu’un autre qui apparaitrait sensible in vitro.

1.9.4 Utilités individuelle et collective de l’antibiogramme


L’antibiogramme permet d’orienter un choix thérapeutique. Pour le praticien, au-delà de la
prédiction du succès ou de l’échec thérapeutique ponctuel, la réalisation de cet examen permet
de connaître les tendances épidémiologiques des résistances au sein du troupeau et de sa
clientèle (HAENNI et al., 2014).

Cet intérêt peut être extrapolé à l’ensemble d’une région ou du pays. Le Résapath est un
organisme qui collecte depuis plusieurs années les antibiogrammes de plusieurs filières
animales. Les résultats sont compilés et permettent de tracer l’épidémiologie de
l’antibiorésistance par filière en France et d’en suivre l’évolution chaque année.

1.10 Notions de criticité


Les antimicrobiens sont des médicaments de grande importance en médecines humaine et
vétérinaire. Le phénomène d’antibiorésistance embrasse de nombreux pays et dépasse
allégrement la frontière d’espèce, il représente donc un danger majeur pour la santé publique.
Il convient donc aux professionnels des deux secteurs de santé d’agir dans ce sens. Les
80
réflexions quant aux usages d’antibiotiques ont donné naissance au concept de criticité. Il
incombe à l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et à l’Office Internationale des
Epizooties (OIE) de définir une liste d’antibiotiques critiques en médecines humaine et
vétérinaire respectivement.
Les modalités d’antibiothérapie pouvant différer d’une médecine à l’autre, la notion de criticité
ne sera pas la même pour un antibiotique à usage vétérinaire ou humain. Ces listes
d’antibiotiques ne seront donc pas toutes équivalentes même si certaines molécules telles que
les fluoroquinolones et les céphalosporines de 3e et 4e générations y apparaissent toujours.

1.10.1 Critères de l’OMS


C’est à l’OMS que revient la mission de déterminer quels sont les antibiotiques d’importance
critique en médecine humaine. Ces antibiotiques sont utilisés en dernier recours en milieu
hospitalier pour traiter les bactéries multi-résistantes, qu’elles soient nosocomiales ou
communautaires. Le SARM est un représentant de ces bactéries, sans oublier d’autres bactéries
à Gram négatif. Il convient de limiter l’usage de ces antibiotiques afin de préserver leur
efficacité, tant en médecine humaine qu’en médecine vétérinaire.

Un antibiotique critique répond à plusieurs critères, définis lors de réunion en 2005 (Canberra)
puis en 2007 (Copenhague).
- Cet antibiotique est le seul recours permettant de soigner une maladie humaine grave.
- On utilise cet antibiotique afin de traiter des maladies de sources non humaines, ou
causée par des microorganismes pouvant acquérir des déterminants de résistance de
sources non humaines.

1.10.2 Critères de l’OIE


L’OIE définit une liste d’antimicrobiens selon leur importance en médecine vétérinaire, cette
liste est parue en mai 2015 (OIE, 2015). Les critères sont différents de ceux donnés par l’OMS.
L’OIE a tout d’abord élaboré un questionnaire sur les agents antimicrobiens qui a été transmis
aux délégués de tous les pays membres. Ce questionnaire interroge sur le degré d’importance
de différentes molécules antimicrobiennes utilisées en médecine vétérinaire.

- Critère 1 : plus de 50% des pays ont jugé que cette classe d’antimicrobiens était
importante.
- Critère 2 : lorsque les antibiotiques de cette classe ont été identifiés comme essentiels
contre des infections données et que d’autres solutions thérapeutiques sont insuffisantes
voire inexistantes.
Sur la base de ces critères, trois catégories d’antibiotiques ont été déterminées :

- Agents antimicrobiens d’importance critique en médecine vétérinaire : ces molécules


répondent à la fois aux critères 1 et 2.

81
- Agents antimicrobiens très importants en médecine vétérinaire : ces agents répondent
au critère 1 ou 2.
- Agents antimicrobiens importants en médecine vétérinaire : ces derniers ne répondent
ni au critère 1 ni au critère 2.

1.10.3 Arrêté du 18 mars 2016 fixant la liste des antibiotiques critiques


disponibles en médecine vétérinaire
Le décret relatif à la prescription et à la délivrance des antibiotiques d’importance critique en
médecine vétérinaire est paru le 16 mars 2016 (Légifrance, 2016-a), en application de l’arrêté
ministériel paru le 22 juillet 2015 (Légifrance, 2015-b).

L’arrêté du 18 mars 2016, liste les antibiotiques d’importance critique (Article 1er) (Légifrance,
2016-b). Y apparaissent sans surprise les fluoroquinolones récentes ainsi que les céphalosporines
de 3e et de 4e génération. En médecine aviaire, les C3/4G ne disposent plus d’AMM. Les
spécialités à base d’enrofloxacine sont également concernées par ce projet. Par ailleurs, la
colistine ne figure pas dans cette liste.

Ce texte fixe les normes validées permettant la mesure de la sensibilité des souches bactériennes
(Article 4). Ainsi, les seules méthodes autorisées sont décrites dans les normes NF U47-107
(diffusion en milieu gélosé) et NF U47-106 (dilution en milieu gélosé) décrites en 1.9 (Légifrance,
2016-b).

Ainsi, les médicaments contenant une ou plusieurs substances d’importance critique ne


pourront plus être prescrits en préventif. Dans le cadre de la métaphylaxie qui est prépondérante
en médecine hors sol, ces médicaments ne seront prescrits que si la maladie justifie d’un taux
de mortalité élevé, fera suite à l’examen clinique ou nécropsique des animaux, et les résultats
de laboratoire obtenus via une méthode respectant une des normes listées ci-dessus devra
indiquer que la souche bactérienne incriminée n’est sensible qu’à cet antibiotique (Ordre National
des Vétérinaires, 2016).

Ce décret est entré en vigueur le 1er avril 2016.

A noter que le 27 juillet 2016, l’European Medicines Agency (EMA) ne classe pas la colistine
en tant qu’antibiotique critique mais préconise la réduction de son utilisation en élevage de 65%
afin de réduire le risque d’apparition de résistance plasmidique portée par le gène mcr-1 (EMA,
2016).

82
2. Mécanismes et supports génétiques des résistances

2.1 Résistance aux tétracyclines


La résistance aux tétracyclines se retrouve chez des germes pathogènes comme chez des
bactéries des flores commensales. Ces dernières représentent de ce fait un réservoir de gènes
de résistance pour les tétracyclines. Des bactéries résistantes aux tétracyclines ont été isolées
chez l’Homme, les animaux, les denrées alimentaires ainsi que l’environnement (ROBERTS,
1996). Trois principaux mécanismes sont impliqués dans la résistance à cette famille
d’antibiotiques.

Le mécanisme le plus étudié implique la synthèse de pompes d’efflux actif intercalées dans la
membrane cytoplasmique et maintenant la concentration intracellulaire de l’antibiotique
suffisamment basse pour permettre à la bactérie d’assumer la synthèse protéique. Ces pompes
sont codées par des gènes tet. Huit classes de gènes impliqués dans ce mécanisme de résistance
ont été décrites. Les classes A à E se retrouvent chez la famille des Enterobacteriaceae. La
classe P a été décrite chez Clostridium spp. Les classes K et L sont quant à elles retrouvées chez
les bactéries à gram positif, la classe K étant particulièrement présente chez Staphylococcus
spp. alors que la classe L est plus typique des genres Streptococcus spp. et Enterococcus spp
(SPEER et al., 1992). Ces gènes sont portés par des plasmides (SPEER et al., 1992).

Un second mécanisme moins étudié mais qui semble plus fréquent que les pompes d’efflux a
été décrit chez les mycoplasmes, les bactéries à gram positif et gram négatif (SALYERS et al.,
1990). Il consiste en la synthèse de protéines de 72-kDa protectrices des ribosomes empêchant
l’antibiotique d’interagir avec ceux-ci, même à concentration cytosolique élevée (ROBERTS,
1996). Les trois principales classes de gènes impliqués ont été caractérisées et séquencées :
tet(M), tet(O) et tet(Q) (SPEER et al., 1992). Ces gènes sont soit portés par le chromosome
bactérien, soit par des plasmides (SPEER et al., 1992).

Des enzymes de modification des tétracyclines en formes inactivées ont également été décrites.
Ces enzymes de 44-kDa codées par un gène plasmidique tet(X) nécessitent la présence de
dioxygène et de NADPH (SPEER et al., 1992).

2.2 Résistance aux sulfamides


Il existe de nombreux mécanismes de résistance aux sulfonamides et au triméthoprime. La
majorité concerne la cible de cette famille d’antibiotiques, la résistance acquise est donc croisée
pour l’ensemble des molécules de la famille. La cible des sulfonamides est la dihydroptéroate
synthase (DHPS), codée par le gène folP. La cible du triméthoprime est la dihydrofolate
réductase (DHFR), codée par le gène.

Un premier mécanisme concerne les sufonamides et le triméthoprime. Il résulte de la réduction


de la perméabilité pariétale et membranaire ainsi que de la présence de pompes à efflux
(ELIOPOULOS, 2001).

83
Un mécanisme de résistance aux sulfonamides exclusivement est permis par la modification de
la cible qui devient moins affine pour les antibiotiques de la famille. Des substitutions et des
séquences de répétition au sein du gène folP ont été découvertes chez des souches de
Campylobacter jejuni et sont associées à la résistance aux sulfonamides (GIBREEL et al., 1999).
Un autre mécanisme de résistance aux sulfonamides implique la production de cibles
additionnelles qui sont des variants de l’enzyme DHPS. Deux gènes plasmidiques, sul1 et sul2
sont impliqués. Ces enzymes ne sont plus affines pour les sulfamides mais le restent pour leur
substrat (SKOLD, 2000).
La résistance au triméthoprime peut quant à elle être due à une surproduction de DHFR
chromosomale suite à une mutation dans le promoteur du gène (ELIOPOULOS, 2001). Des
mutations dans le gène de la DHFR sont aussi associées à la résistance au triméthoprime
(ELIOPOULOS, 2001).

2.3 Résistance aux quinolones


L’augmentation de l’usage des quinolones s’est accompagnée de l’apparition de résistance à
cette vaste famille d’antibiotiques. Trois mécanismes sont impliqués dans la résistance aux
quinolones.

Le premier mécanisme concerne les cibles de l’antibiotique. Les quinolones s’attaquent aux
gyrases et topoisomérases qui sont des enzymes impliquées dans les processus de réplication,
transcription et réparation de l’ADN bactérien. La majorité des bactéries possèdent les deux
enzymes. Les gyrases sont de gros complexes enzymatiques formés de deux sous-unités, dont
la protéine GyrA (97-kDa) codée par le gène gyrA et la sous-unité GyrB (90-kDa) codée par le
gène gyrB. Les topoisomérases sont quant à elles formées par les sous-unités ParC (75-kDa) et
ParE (70-kDa), respectivement codées par les gènes parC et parE. Chez les bactéries à gram
négatif, les gyrases semblent plus sensibles à l’action des quinolones, au contraire des bactéries
à gram positif chez lesquelles c’est la topoisomérases qui semble y être plus sensible. Des
mutations spontanées dans l’un de ces gènes. Ainsi, des bactéries à gram négatif atteindront un
premier niveau de résistance si une mutation apparaît spontanément sur le gène gyrA. Chez les
poulets de chair en Espagne, une enquête a montré que des souches de Campylobacter
résistantes aux fluoroquinolones étaient porteuses de la mutation Thr86Ile dans le gène gyrA.
(PEREZ-BOTO et al., 2014). Une seconde mutation d’une cible moins sensible augmente le niveau
de résistance. Il est supposé que ces mutations diminuent l’affinité de l’antibiotique pour sa
cible.

Un second mécanisme de résistance implique les processus qui contrôlent la concentration de


l’antibiotique dans le cytosol bactérien. Des porines telles que les protéines OmpC et OmpF
chez E.coli forment un canal permettant la diffusion passive des quinolones à travers la
membrane. Il existe également des pompes à efflux actif non spécifiques qui expulsent les
quinolones du cytoplasme. Des mutations des gènes concernés augmentent le niveau de
résistance.

84
La protection de la cible constitue le troisième mécanisme de résistance aux quinolones. Il s’agit
là d’un mécanisme de résistance plasmidique. Le gène incriminé est noté qnr et code pour une
protéine Qnr qui peut se lier aux gyrases et à la topoisomérase IV afin de les protéger de l’action
des quinolones. Bien que les mutations du type Qnr n’impliquent que de bas niveaux de
résistance, celles-ci facilitent l’apparition d’autres mutations conférant de plus hauts niveaux
de résistance aux mutants (JACOBY, 2005).

2.4 Résistance à la colistine


On a longtemps pensé que la résistance à la colistine était rare et le fruit de mutations
chromosomiques, ce phénomène est ainsi peu documenté. En 2015, un mécanisme de résistance
plasmidique a été mis en évidence en Chine (LIU et al., 2016).

Il existe plusieurs mécanismes de résistance portés par le chromosome bactérien. Le premier


implique un changement de structure du LPS de la membrane externe des bactéries à gram
négatif. Les phospholipides chargés négativement seraient échangés avec des composés de
charge neutre, ce qui limite la liaison entre la colistine et le LPS (LOHO et al., 2015). Des pompes
d’efflux actif seraient également à l’origine de la résistance à la colistine (LOHO et al., 2015).

Depuis peu, la résistance plasmidique a été détectée chez des souches commensales d’E.coli
chez des animaux de productions. Ce mécanisme de résistance est le fait d’un gène mcr-1 porté
par le plasmide pHNSHP45. Ce plasmide est facilement transférable entre différentes souches
de E.coli dont certaines déjà résistantes aux carbapénèmes, Klebsiella pneumoniae et
Pseudomonas aeruginosa (LIU et al., 2016).

2.5 Résistance aux macrolides et apparentés


La résistance aux macrolides est portée par trois principaux mécanismes : des modifications
ribosomales, l’expression de pompes à efflux et l’inactivation de l’antibiotique.

La modification de la cible qui est en fait une méthylation de l’ARN23S permet l’apparition de
résistance croisée à l’ensemble des molécules de la famille ainsi qu’aux lincosamides et aux
streptogramines B (LECLERCQ, 2002). Ce changement de configuration empêche l’antibiotique
de se fixer à sa cible. Le gène de résistance est porté par un plasmide. Ce phénotype MLSB codé
par le gène erm (erythromycin ribosome methylase) est répandu parmi de nombreux
microorganismes. Au moins 40 gènes erm ont été découverts, la majorité sont portés par des
plasmides ou transposons et sont donc transférés par la voie horizontale (LECLERCQ, 2002).

Un second mécanisme de résistance est lié à la réduction de la perméabilité membranaire


permise par la modification de pompes à efflux de type ABC (ATP binding cassette). Ces
transporteurs sont codés par des gènes msr(A) portés par des plasmides (LECLERCQ, 2002).

Un dernier mécanisme consiste en la modification de l’antibiotique. Contrairement aux


mécanismes impliquant la cible, l’apparition de celui-ci ne sélectionne pas de résistance à
l’ensemble de la famille mais seulement à un groupe plus restreint. Des estérases et
phosphotransférases concourent à la résistance à l’érythromycine et à d’autres macrolides à 14

85
ou 15 carbones mais pas aux lincosamides. Chez certaines souches de S. aureus, les
phosphotransférases sont codées par les gènes mph(C). La résistance aux lincosamides peut
résulter de la production de lincosamide nucleotidyltransferases codées par les gènes lnu(A) et
lnu(B) chez les staphylocoques (LECLERCQ, 2002).

2.6 Résistance aux aminosides


Plusieurs mécanismes de résistance aux aminoglycosides d’importance variable ont été décrits
(MINGEOT-LECLERQ et al., 1999).

Le plus important est la production d’enzymes qui modifient voire inactivent ces antibiotiques
qui se lieront de manière plus faible à leurs cibles que sont les ribosomes. Il peut s’agir de N-
acétyl-transférases (AAC), de O-nucleotidyltransferases (ANT) et de O-phosphotransferases
(APH). Une enzyme peut modifier plusieurs aminoglycosides et un même aminoglycoside peut
être inactivé par plusieurs enzymes, la résistance acquise sera donc semi-croisée. La présence
d’une de ces enzymes concourt à l’apparition de hauts niveaux de résistance.
Un deuxième mécanisme de résistance moins puissant résulte de la diminution de concentration
intra-bactérienne de l’antibiotique. La production de pompes à efflux a été décrite pour
quelques molécules chez E.coli (EDGAR et al., 1997). Il peut également s’agir de modifications
des protéines membranaires. Ces mécanismes sont à l’origine de l’apparition d’une résistance
modérée.

L’altération du ribosome au niveau du site de liaison a été décrite pour la streptomycine


uniquement (MINGEOT-LECLERQ et al., 1999).

2.7 Résistance aux ß-lactamines


De nombreux mécanismes sont décrits chez cette famille d’antibiotiques : diminution de la
concentration intra-cytoplasmique, mécanismes impliquant la cible et enfin, des modifications
enzymatiques.

Chez les bactéries à Gram négatif, la réduction du nombre de porines limite la concentration de
céphalosporines dans le cytoplasme. Des mécanismes d’efflux existent (GIGUERE et al.,).

La transformation de fragments d’ADN du gène des Penicillins-Binding-Proteins (PBP) peut


aboutir à la formation de gènes mosaïques codant pour des PBP modifiées ayant une affinité
moindre pour les ß-lactamines. Ce mécanisme est bien décrit chez les pathogènes humains tels
que les pneumocoques mais peu chez les animaux (GIGUERE et al.,). Chez Streptococcus sp., la
cible peut être modifiée. La CMI de toutes les ß-lactamines peut alors augmenter de manière
variable (GUERIN-FAUBLEE, 2009).

Chez Staphylococcus sp., la production d’une cible additionnelle PLP2a codée par le gène mecA
concourt à la résistance à la pénicilline G, aux aminopénicillines et à toutes les ß-lactamines
actives sur les staphylocoques (GUERIN-FAUBLEE, 2009).

86
L’inactivation enzymatique représente le principal mécanisme de résistance aux ß-lactamines.
Plus de mille ß-lactamases ont été décrites (GIGUERE et al.,) et sont classées d’après leur spectre
(GUERIN-FAUBLEE, 2009).et reprises dans le tableau suivant :

Enzymes Type Phénotype de résistance Particularités

Résistance de haut niveau aux Spectre étroit


aminopénicillines
TEM1, TEM2, SHV1 L’acide
Activité réduite des C1G et clavulanique est
C2G un inhibiteur
efficace.
Pénicillinases
Résistance de bas niveau aux
aminopénicillines
Pénicillinases Chez E.coli
résistantes aux Conservation de la sensibilité
inhibiteurs (TRI) aux céphalosporines.

Résistance de haut niveau aux


aminoénicillines,
Pénicillinases TEM ou Une synergie
SHV ayant muté. C1G et C2G apparaît en
présence d’acide
Diminution marquée de clavulanique
ß-Lactamases à l’activité des C3G et C4G. (visible sur
Spectre Etendu
Céphalosporines de spectre l’antibiogramme).
(BLSE)
CTX-M étendu (céfotaxime et
ceftazidime) pour le type
CTX-M.

Résistance aux Leur


aminopénicillines, même en hyperproduction
présence d’inhibiteur résulte de
AmpC : CMY, FOX... mutations du
Céphalosporinases C1G gène AmpC, du
Céphalosporines de spectre promoteur ou de
étendu (parfois) l’atténuateur de
ce gène.

Tableau 8: Principales enzymes impliquées dans la résistance aux ß-Lactamines (BONNET, 2004 ; MEUNIER et
al., 2006 ; GUERIN-FAUBLEE, 2009 ; HAENNI et al., 2014)

A noter que l’action combinée d’une BLSE et d’une AmpC associée à une diminution de la
perméabilité membranaire peut mener à la résistance aux carbapénèmes (GUERRA et al., 2014).

87
2.8 Résistance aux pleuromutilines
Les mécanismes de résistance sont variables d’une espèce bactérienne à une autre.

Chez Mycoplasma gallispeticum, la résistance à la pleuromutilines est liée à des mutations sur
le gène codant pour le domaine V de l’ARN 23S. Plusieurs mutations simultanées sont
cependant nécessaires à l’acquisition d’un haut niveau de résistance (LI et al., 2010).

Les mycoplames peuvent présenter un phénotype de résistance croisée à la tylosine (tous les
mycoplasmes résistants à la tiamuline le sont à la tylosine, l’inverse n’étant pas vrai) (GIGUERE
et al.,).

Chez les staphylocoques, la résistance peut être liée à des mutations sur le domaine V de l’ARN
23S tout comme M. gallispeticum, mais aussi à des mutations du gène rplC codant pour la
protéine ribosomale L3. Des mutations du gène vga codant pour des transporteurs ABC ont été
décrites. Dans ce cas, la résistance englobe aussi les lincosamides (Van DUIJKEREN et al., 2014).

En 2006, un phénotype de multirésistance a été détecté chez certaines souches animales de


Staphylocoques et d’E. coli, lié à la synthèse d’une méthyltransférase Cfr codée par le gène cfr
qui modifie la cible de plusieurs antibiotiques. Le gène cfr est localisé sur un plasmide. La
résistance s’étend aux phénicolés, lincosamides, oxazolidinones, pleuromutilines et
streptogramines A (LONG et al., 2010).

3. Facteurs influençant l’apparition des résistances en élevages


avicoles

3.1 Diminution de la quantité d’antibiotique absorbée et résistance chez les


bactéries pathogènes

3.1.1 Postulats
Les dosages d’antibiotiques sub-thérapeutiques sont ici considérés comme favorisant
l’émergence de mutants résistants parmi la population pathogène, en exerçant une pression de
sélection au sein du foyer infectieux sans atteindre les concentrations nécessaires à l’éradication
de ces mutants.

Par ailleurs, tout traitement administré par voie orale exercera une pression de sélection sur les
bactéries de la flore digestive.

88
3.1.2 Sous-dosage de l’antibiotique
Le calcul de la posologie de tout traitement doit tenir compte de nombreux paramètres
physiologiques : âge, sexe, poids... Ce dernier point est particulièrement important en
antibiothérapie, où des sous dosages seront à l’origine d’échec thérapeutiques tout en
maintenant la pression de sélection de mutants résistants dans les foyers infectieux, tandis que
des surdosages potentialiseront la toxicité de certains traitements et pourraient même être un
facteur de persistance de résidus dans les tissus et donc dans les viandes.

Il est nécessaire de connaitre le poids des animaux le jour de la visite et de tenir compte du gain
de poids quotidien des animaux, qui peut être élevé chez les volailles. Les bâtiments d’élevages
peuvent être équipés de balances dotées d’un système d’acquisition quotidien du poids des
animaux. Ce système calcule le poids moyen des animaux du lot chaque jour et permet d’obtenir
le GMQ quotidien en soustrayant le poids moyen du lot la veille au poids moyen du jour. Lors
du passage d’une maladie, il est possible que le lot s’hétérogénéise en poids.

Si le traitement est donné dans l’eau de boisson, il est nécessaire de connaitre la consommation
réelle en eau du lot, en tenant compte du gaspillage. Il peut être recommandé d’augmenter la
dose de traitement si le gaspillage est estimé important, notamment dans les filières canards où
ces animaux aiment jouer avec l’eau des abreuvoirs.

Si un traitement doit durer plusieurs jours, le calcul d’une dose journalière devient indispensable
afin de ne pas être en sous ou sur dosage. Cette dose devra être indiquée sur l’ordonnance.
Certains praticiens estiment le poids moyen du lot en milieu de traitement et appliquent la dose
correspondante à tous les jours du traitement. Cette méthode, bien que plus facile à mettre en
œuvre n’est pas conseillée.

Le vétérinaire doit par ailleurs s’assurer de la bonne mise en place du traitement en s’assurant
du matériel et des systèmes de l’élevage : pompe doseuse ou bac de traitement.

3.1.3 Diminution de la disponibilité de l’antibiotique

- Mauvaise dilution : il faut s’assurer que le système qui délivre le médicament dans l’eau
de boisson (bac de traitement, pompe doseuse) n’est pas défectueux. Quand le
médicament est mal dilué, sa concentration dans l’eau n’est pas homogène. Certains
animaux boiront une préparation sous-dosée tandis que d’autres auront accès au
médicament en surdosage donnant un mauvais goût à l’eau. Dans les deux cas, les
oiseaux peuvent être sous exposés.
- Bouchage des pipettes : c’est le cas des associations triméthoprime et sulfamides qui
précipitent dans les eaux dures, des aminopénicillines qui précipitent dans les eaux à pH
acide et de l’oxytétracycline qui précipite dans les eaux basiques (Voire Partie 1).
- Dégradation de l’antibiotique : Les aminopénicillines sont dégradées par la lumière en
6 à 8h (HONORE, 2015). De plus, certains traitements de potabilité de l’eau (boitiers
électriques, oxydants) peuvent fragiliser les molécules médicamenteuses (HONORE,
2015). Enfin, les biocides utilisés pour le traitement de l’eau de boisson peuvent dégrader

89
les molécules antibiotiques. C’est le cas de l’ampicilline qui est dégradée de 10 à 15%
par les traitements de l’eau à base de chlore, et à 40% par les traitements à base de
peroxyde de sodium (LEORAT, 2013).
- Interactions avec le biofilm : celui-ci peut se détacher, boucher les canalisations mais
aussi capter l’antibiotique qui ne sera plus disponible pour les animaux (HONORE, 2015).
Les canalisations doivent être nettoyées et désinfectées à chaque vide sanitaire.

3.1.4 Diminution de la consommation de l’antibiotique


Des paramètres zootechniques peuvent être à l’origine d’une consommation insuffisante de
traitement médicamenteux, incluant les traitements antibiotiques.

- Nombre insuffisant de points d’eau : chez les jeunes animaux les lignes de pipettes
doivent être en nombre suffisant afin que tous puissent les trouver de l’eau facilement.
- Mauvais goût de l’eau : Certains traitements dilués dans l’eau de boisson lui confèrent
un gout amer, entrainant une baisse de consommation de l’eau et donc un risque de prise
insuffisante de l’antibiotique. C’est par exemple le cas des associations sulfamides-
triméthoprime. Un surdosage aura un effet similaire.
- Difficulté à se déplacer : De la compétition aux points d’abreuvement ou d’aliment, ou
une difficulté à se déplacer jusqu’à ces points (boiterie, faiblesse..) sont deux facteurs
diminuant la consommation d’eau ou d’aliment. Outre la déshydratation et la faiblesse
induites, la consommation de médicament en sera diminuée.
- Anorexie : Les oiseaux malades ont tendance à diminuer leur consommation d’aliment,
peu de traitements médicamenteux sont donc utilisés dans ces filières.

3.1.5 Diminution de la résorption orale


La résorption orale varie selon les antibiotiques et est directement liée aux propriétés chimiques
de chaque molécule. Les macrolides sont globalement bien absorbés par la muqueuse digestive
mais ce n’est pas le cas de la colistine.
Des phénomènes d’entérite sont également préjudiciables pour l’absorption des molécules par
la muqueuse de l’intestin grêle.
- Entérite non spécifique : mauvaise transition alimentaire…
- Parasitisme : coccidioses, entérite à flagellés, ascaridiose…
- Entérite infectieuse : entérite nécrotique, entérite virale…

90
3.1.6 Bilan

Figure 34: Origines du sous-dosage en antibiothérapie dans les élevages de volailles

3.2 Voies d’administrations et résistances

3.2.1 Voie orale


En filières avicoles, la quasi exclusivité des traitements antibiotiques sont donnés par voie orale
et plus particulièrement dans l’eau de boisson.

Figure 35 : Système d'abreuvement (pipettes) en élevage de poulets de chair (Sodimel élevage)

La résorption orale est un caractère prépondérant à prendre en compte dans la réussite du


traitement ainsi que dans l’impact sur la flore digestive. Bien souvent, celle-ci est incomplète.

91
Ainsi, une fraction non négligeable ne sera pas absorbée, ce qui aura deux conséquences
majeures (BOUSQUET-MELOU, 2010) :

La première d’ordre pharmacocinétique concernera l’efficacité du traitement. La voie orale


présente d’importantes variations inter-individus quant aux concentrations plasmatiques
atteintes, ainsi, une unique dose ne produira pas les mêmes effets chez tous les animaux
(BOUSQUET-MELOU, 2010). Ce point sera renforcé par les variations de consommation d’eau ou
d’aliment inter-individus. Il existe donc un risque de sous-exposition pour une partie des
oiseaux traités et donc d’émergence de résistance chez les bactéries pathogènes qui pourra
ultérieurement se propager à l’ensemble du lot (BOUSQUET-MELOU, 2010).

La seconde concerne l’exposition de la flore digestive aux antibiotiques administrés. La fraction


non absorbée et encore active exerce une pression de sélection sur les bactéries commensales
du tractus digestif distal. Ces molécules se retrouveront excrétées dans l’environnement et y
persister de manière durable tout en y exerçant une pression sur les flores des litières
(BOUSQUET-MELOU, 2010). Les tétracyclines et les fluoroquinolones sont des molécules
particulièrement stables et susceptibles de se retrouver rejetées sous forme active dans
l’environnement (BOUSQUET-MELOU, 2010). L’oxytétracycline peut persister plusieurs mois
dans une litière et la tiamuline plusieurs années ! (BOUSQUET-MELOU, 2010 et TOUTAIN et al., 2012).

Une solution serait de développer des molécules de forte biodisponibilité orale et dont la
fraction non résorbée serait inactivée dans l’intestin afin de préserver les flores digestives et de
l’environnement.

3.2.2 Voies parentérales


La rareté de ces voies de traitements chez les oiseaux de productions s’explique par la difficulté
de mise en œuvre chez autant d’animaux : installation du chantier, main d’œuvre, temps,
matériel, coût. Ils sont de ce fait réservés à des animaux de forte valeur économique ou
génétique. Les voies privilégiées sont les voies intra-musculaire et sous-cutanée. La voie intra-
veineuse ne sera pas utilisée chez les volailles.

Les avantages de ces voies d’administrations sont pourtant en faveur d’une certaine efficacité
thérapeutique : dosage précis et non dépendant de la consommation en eau ou d’aliment, pas de
gaspillage, moins de variabilité inter-individus par rapport à la voie orale quant à la
pharmacocinétique des molécules. Ce dernier point est donc garant de l’atteinte des
concentrations attendues en antibiotiques au site infectieux, et donc de l’efficacité
thérapeutique.

On pourrait penser que de telles voies épargnent la flore digestive et auraient donc peu d’impact
en termes d’antibiorésistance dans ce secteur mais il n’en est rien puisque les traitements
injectés par voie parentérale se retrouvent en partie dans les intestins. En effet, les tétracyclines,
les macrolides ainsi que les fluoroquinolones sont excrétées dans la lumière intestinale par voie
biliaire (BOUSQUET-MELOU, 2010). Il existe également des pompes à efflux portées par les
entérocytes qui rejettent certains traitements dans l’intestin (BOUSQUET-MELOU, 2010).

92
3.2.3 Bilan
Voie orale Voies parentérales
Variabilité inter-individus Moins de variabilité
peu maîtrisée. interindividuelle qu’avec la
Succès thérapeutique voie orale.

Résorption orale incomplète. Bonnes concentrations


atteintes au site infectieux.
Site
infectieux Possible Peu probable
Emergence de
résistance Flore
digestive OUI OUI

Tableau 9: Voies d’administration et résistances.

3.3 Schéma thérapeutique et résistance

3.3.1 « Frapper vite » et résistances (FERRAN et al., 2010)


Cet adage décrit un traitement antibiotique précoce, c’est-à-dire lors d’une infection bactérienne
débutante. A ce stade, les animaux ne présentent pas toujours de signes cliniques de la maladie.

Le premier objectif visé est d’agir sur un inoculum bactérien de taille encore peu importante.
Différentes études in vitro et sur des rongeurs ont en effet montré que la taille de l’inoculum
bactérien est prépondérante dans la réussite d’un traitement antibiotique : plus l’inoculum
bactérien est de petite taille, plus la probabilité de succès thérapeutique est élevée Chez les
souris atteintes de pneumonies, on observe qu’un traitement précoce de 1 mg/kg de
marbofloxacine est plus efficace qu’un traitement tardif à base de 40mg/kg du même
antibiotique (FERRAN et al., 2011). Cette stratégie permet en outre de ne pas user de forts dosages
en antibiotiques. Par exemple, les quantités d’antibiotiques pouvant inhiber la croissance de 105
bactéries ne seront pas suffisantes pour bloquer la croissance de 108 bactéries (KONIG et al., 1998).
Traiter le plus précocement possible permet ainsi d’agir sur des inocula de « petite » taille et de
maximiser les chances d’efficacité thérapeutique tout en ayant recours à des quantités
« acceptables » d’antimicrobiens.

Le second objectif est de limiter l’émergence de bactéries pathogènes résistantes ainsi que la
diffusion des déterminants de résistances au sein du foyer infectieux, qui seraient à l’origine
d’échec thérapeutique et donc de pertes économiques pour l’éleveur. Des déterminants de
résistances peuvent apparaître à la faveur de mutations chromosomiques. Ces phénomènes
génétiques sont aléatoires et se produisent à une fréquence d’environ 10-8 à 10-9. Cette fréquence
tend cependant à augmenter dans les « vastes » populations bactériennes, comme les sites
infectieux. Mettre en place une antibiothérapie précoce sur un petit inoculum prend donc tout

93
son sens et permet bel et bien de maintenir cette fréquence de mutation à son niveau basal
(FERRAN et al., 2010).

Figure 36: Apparition de mutations responsables de résistances en fonction de la charge bactérienne au


moment de l'initiation d'un traitement antibiotique (d'après FERRAN et al., 2010)

En médecine aviaire, les traitements collectifs sont mis en place alors que tous les animaux ne
sont pas au même stade d’infection : certains individus manifestent des signes cliniques alors
que les autres sont cliniquement non atteints. Les densités atteintes en élevages favorisent
cependant la diffusion des pathogènes entre individus puis l’expression clinique, il est donc très
probable que les individus cliniquement sains soient en fait porteurs asymptomatiques du germe
et les symptômes seront amenés à apparaître sous peu. Il apparaît donc nécessaire d’entamer un
traitement collectif le plus tôt possible. On parlera de métaphylaxie lors de l’administration
d’un traitement aux animaux malades ainsi qu’aux animaux du même lot. Cette pratique se
justifie donc pleinement pour garantir un succès thérapeutique rapide.

Cette stratégie que l’on assimilera à un traitement curatif très précoce des animaux est à ne pas
confondre avec l’antibioprophylaxie qui consiste à traiter préventivement les animaux avant
une période à risque alors qu’ils ne seront peut-être jamais en contact avec la ou les bactéries
visées.

94
3.3.2 « Frapper fort » et résistances (FERRAN et al., 2010)
Cette stratégie consiste à exposer les bactéries pathogènes à des concentrations d’antibiotiques
très supérieures à leur CMI.

Le premier objectif de cette stratégie est d’éliminer toutes les bactéries pathogènes présentes au
foyer infectieux. Il s’agit ainsi de préserver la santé animale. L’efficacité du traitement et la
guérison bactériologique et clinique peuvent être prédites par l’utilisation des indices PK/PD
décrits en Partie 1. Les indices Cmax/CMI et AUC/CMI utilisés pour les antibiotiques
concentration-dépendants sont corrélés proportionnellement avec la concentration plasmatique
atteinte et donc la dose. Ainsi, les aminocyclitols et les fluoroquinolones verront leur efficacité
améliorée avec l’augmentation de la dose administrée. L’efficacité des antibiotiques co-
dépendants comme les tétracyclines sera exprimée par l’indice AUC/CMI et sera tributaire de
la dose mais aussi du temps d’exposition. Enfin, pour les antibiotiques dits temps-dépendants
comme les ß-lactamines, l’indice prédictif utilisé sera T>CMI qui pourra augmenter avec la
dose mais de manière non proportionnelle.

Le second objectif de cette manœuvre est d’éliminer les éventuels mutants résistants apparus à
la faveur d’une mutation chromosomique au sein de la population pathogène. Bien que ce
phénomène soit rare, sa fréquence peut augmenter au sein de grandes populations bactériennes
comme un site infectieux, particulièrement si le traitement est tardif. Les CMI de ces mutants
sont plus élevées que la CMI des populations sauvages, on les appellera CPM (Concentration
de Prévention des Mutants). Si la concentration plasmatique est supérieure à la CMI de la
population sauvage mais inférieure à la CPM, les bactéries sauvages seront éradiquées au profit
des mutants résistants qui envahiront le site infectieux et compromettront le pronostic.
Malheureusement, ce cas de figure apparaît systématiquement lors des pentes ascendantes et
descendantes de la concentration plasmatique au fil du temps : cet intervalle entre la CMI et la
CPM est appelé fenêtre de sélection des mutants (voir Figure 29). L’atteinte d’une Cmax
supérieur à la CPM sera donc absolument nécessaire afin d’éradiquer la population sauvage
ainsi que les mutants résistants. La sélection de nouveaux mutants sera de ce fait impossible
lors de la phase de décroissance de la courbe de concentration.

95
Figure 37: Notion de fenêtre de sélection des mutants (CANTON, 2011)

Il convient donc d’adapter le schéma posologique afin d’atteindre ces deux objectifs. Sur le
terrain, la dose optimale est difficile à appréhender car dépendante du couple
bactérie/antibiotique. Il ne faudra jamais sous-doser un antibiotique et administrer les doses
maximales permises par l’AMM.

L’impact de cette stratégie en termes d’exposition des flores digestives est toutefois difficile à
mettre en évidence et à évaluer à cause de plusieurs facteurs. Il est impossible de connaître avec
certitude et de maîtriser la fraction d’antibiotique non résorbée par voie orale et se retrouvant
dans les différents segments du tube digestif. De plus, la diversité des espèces bactériennes va
de pair avec la diversité de sensibilité (CMI). Enfin, les transferts de déterminants de résistance
(chromosomique ou plasmidique) au sein de cette population sont encore obscurs et non
maîtrisés. Ces facteurs mettent en lumière la complexité du défi.

3.3.3 « Frapper longtemps » et résistances (FERRAN et al., 2010)


Le dernier point soulevé dans le paragraphe précédent pose la question de l’exposition des flores
digestives lors d’une antibiothérapie. Si l’impact digestif d’un traitement antibiotique semble
peu maîtrisé en termes de délais de mise en place ainsi que de dosage, le dernier levier d’action
sera la durée de traitement. Traiter longtemps augmente en effet le risque de sélection de
résistance au sein des flores digestives, il faudra donc limiter la durée de traitement à son
minimum sans toutefois compromettre la guérison. On peut toutefois difficilement réduire la
durée d’un traitement avec u antibiotique temps-dépendant.

96
3.3.4 Bilan
Traiter « pas
Traiter vite Traiter fort
trop » longtemps
Impact positif.
Impact positif. Une concentration Minimal sans
Impact sur le succès Efficacité accrue plasmatique compromettre le
thérapeutique quand la taille de supérieure à la CMI succès
l’inoculum bactérien éradique les thérapeutique.
est minimale. pathogènes (non
résistants).
Impact positif. Quand Impact positif.
l’inoculum bactérien Une concentration
Site est petit, probabilité plasmatique X
infectieux supérieure à la CPM
d’apparition de
éradique les mutants
mutant résistant résistants.
Impact sur réduite.
l’émergence Impact négatif du Minimale afin
de résistance traitement quelle que d’exercer une
Flore soit la vitesse de mise Impact négatif. pression de
digestive
en place. Non maîtrisé. sélection minimale
Non maîtrisé. sur la flore
digestive.
Tableau 10: Schéma thérapeutique et résistances.

3.4 Classes d’antibiotiques et résistances


Afin de préserver l’efficacité des molécules récentes en santé humaine, il est courant d’entendre
ou de lire que la médecine vétérinaire doit se cantonner aux « vieux » antibiotiques. L’argument
avancé est que leur usage présente moins de risque quant au développement de résistance aux
molécules plus récentes. Cet adage n’est cependant basé sur aucune preuve scientifique et est
remis en question depuis quelques années (AMYES et al., 2007 et TOUTAIN et al., 2012). Certains
auteurs n’hésitant pas à évoquer un « folklore de la microbiologie » (AMYES et al., 2007).

Dans les années 1990, la même stratégie a été utilisée par l’OMS, qui recommandait l’usage de
l’acide nalidixique dans le traitement des infections à Shigella spp. en Asie du sud-est. Suite à
cet usage, une mutation sur le gène gyrA est apparue et s’est diffusée, conférant aux bactéries
porteuses un phénotype de résistance élevée à l’acide nalidixique, mais également une
diminution de la sensibilité à la ciprofloxacine, une fluoroquinolone plus récente. Cette
mutation représente un premier niveau de résistance aux fluoroquinolones récentes dont l’usage
est désormais compromis pour le traitement de ces infections (AMYES et al., 2007). Un autre
exemple évoque le traitement des infections à Acinetobacter baumanii avec la péfloxacine, une
molécule à pouvoir pénétrant modéré dont l’usage s’est accompagné de l’augmentation de la
résistance à cette dernière mais aussi à la ciprofloxacine (AMYES et al., 2007). Ces deux exemples
montrent bien que l’usage de « vieilles » molécules peut sélectionner des résistances aux
molécules plus récentes de la même famille.

97
La limite entre antibiotique vieux et récent étant tout à fait arbitraire, il apparaît bien que l’usage
des molécules selon leur âge ne représente pas un critère de sécurité ou dangerosité pour la
santé publique. Toutain et Bousquet-Melou rappellent que les antibiotiques les moins récents
sont au contraire autant voire plus risqués en termes d’apparition d’antibiorésistance (TOUTAIN
et al., 2012). La plupart des « vieux » antibiotiques ont en effet une résorption orale faible. Chez
les volailles, les tétracyclines ont une biodisponibilité orale variant de moins de 5% à seulement
20% selon les molécules (TOUTAIN et al., 2012). Une importante fraction se retrouve donc dans
les intestins et peut exercer une pression de sélection sur les flores digestives qui contiennent
(en proportion limitée) des agents zoonotiques. Ces mêmes molécules seront ensuite excrétées
dans l’environnement avec les fèces où elles pourront encore sélectionner des déterminants de
résistance dans les flores des litières et des lisiers.

Ainsi, la médecine vétérinaire a au contraire besoin de nouvelles formulations pharmaceutiques


(TOUTAIN et al., 2012). Une première stratégie serait d’améliorer la pharmacocinétique et
notamment la résorption orale. Une seconde option serait de créer des formes qui
s’inactiveraient dans l’intestin ou dont les métabolites deviennent rapidement inactifs afin de
n’avoir aucun effet délétère sur les flores intestinales. Une dernière possibilité serait de
développer des formules s’inactivant rapidement dans les lisiers.

3.5 Associations d’antibiotiques et résistances


Il existe plusieurs indications à l’association d’antibiotiques. La recherche d’une synergie entre
les molécules permet d’augmenter l’efficacité d’un traitement, notamment l’effet bactéricide.
L’on peut également utiliser plusieurs molécules de manière concomitante afin de prévenir
l’apparition de mutants résistants. A noter que l’élargissement du spectre d’activité n’est pas
une indication à l’association d’antibiotiques, sauf dans les cas d’infections graves
plurimicrobiennes et dont l’urgence ne permet pas d’attendre les résultats d’analyse. Ce sont
les deux premiers objectifs résumés par Ganière (GANIERE, 2009) qui nous intéresseront par la
suite.

En 1952, Jawetz et Gunisson (2) ont établi des règles simples permettant de choisir les
associations optimales en tenant compte de l’activité bactéricide ou bactériostatique des
molécules. Ces règles sont résumées dans la figure ci-dessous (2). Rappelons que les
interactions entre deux antibiotiques dépendent des concentrations atteintes dans les tissus
infectés, ainsi que de l’espèce bactérienne et de la souche (GANIERE, 2009). Par ailleurs, il est
difficile de transposer des résultats obtenus in vitro à du vivant.

98
Figure 38: Interactions entre les différentes classes d'antibiotiques (d'après JAWETZ, 1952)

Au sein du foyer bactérien, une souche résistante peut déjà avoir été sélectionnée par une mono-
antibiothérapie précédente. L’acquisition de résistance peut également se faire par le biais de
mutations chromosomiques, dans ce cas, la probabilité d’apparition d’une mutation est
proportionnelle à la taille du foyer bactérien pathogène. L’augmentation de la bactéricidie
permise par une éventuelle synergie entre deux molécules rend l’association de deux molécules
antibiotiques intéressante. Cette conduite est également fondée sur la probabilité quasi-nulle de
voir apparaître plusieurs mutations sur les gènes de résistance aux deux antibiotiques.

Les associations de molécules peuvent également s’avérer intéressantes dans le cas d’infection
par des bactéries modérément sensibles, comme Pseudomonas aeruginosa ou des souches
d’E.coli productrices de ß-lactamases à spectre étendu (BLSE) (GANIERE, 2009).

L’utilisation de quinolones et fluoroquinolones s’accompagne de l’augmentation des niveaux


de résistance par paliers successifs. La notion de Concentration de Prévention des Mutants
résistants (CPM) permet de s’adapter à ce phénomène. Nous avons défini la notion de CPM et
de fenêtre de sélection des mutants précédemment. La prévention de la sélection des mutants
résistants implique de maintenir dans le foyer infectieux des concentrations d’antibiotiques
supérieures à la CPM. L’association d’un deuxième antibiotique à la quinolone ou
fluoroquinolone permet, dans le cas où la souche bactérienne est sensible à ce deuxième
antibiotique, de diminuer la CPM voire de fermer la fenêtre de sélection des mutants.

99
3.1 Facteurs non pharmacologiques et résistances

3.1.1 Génériques, impact économiques et résistances


En médecine humaine, Finch a montré qu’une corrélation positive existe entre le nombre de
noms commerciaux donnés à un antibiotique oral et sa consommation (FINCH, 2010). Selon lui,
l’augmentation de la consommation en antibiotiques va de pair avec l’émergence et la diffusion
de résistance. En 2013, Toutain et Bousquet suggèrent également que l’arrivée de nouveaux
génériques promeut les mauvaises pratiques vétérinaires en termes d’antibiothérapie (TOUTAIN
et al., 2013).

En 2005, une étude rétrospective réalisée au Danemark a montré que l’introduction de


génériques de la ciprofloxacine sur le marché danois s’est accompagnée de la diminution du
prix d’achat et de l’augmentation de sa consommation (de 0.13DDD/1000 habitants par jour à
0.33DDD/1000 habitants) entre 2002 et 2005 (MONNET et al., 2005). Parallèlement, les taux de
résistance à la ciprofloxacine ont doublé (MONNET et al., 2005). La consommation de
ciprofloxacine et les taux de résistance à cet antibiotique chez des souches d’E.coli isolées de
l’urine des patients traités est corrélée statistiquement (MONNET et al., 2005).

En médecine aviaire, nous avons évoqué en Partie 1 l’augmentation de la consommation de


fluoroquinolones chez les dindes et les poulets suite à l’arrivée de génériques sur le marché
français. L’extrapolation de ce qui est observé en médecine humaine suggère fortement un lien
de causalité entre le niveau de consommation de l’antibiotique et l’émergence de résistance.

3.1.2 Contraintes réglementaires et résistances (ANSES, 2014)


Le rapport de l’ANSES publié en 2014 souligne les contraintes réglementaires entrainant de
« mauvais » usages d’antimicrobiens. Ces contraintes sont souvent liées aux délais d’attente.
Les délais d’attente forfaitaires de certaines molécules limitent leur utilisation chez certaines
productions où la durée de vie est courte.

L’absence de révision des anciennes AMM est également préjudiciable si les posologies
indiquées ne sont aujourd’hui plus adéquates. L’utilisation de ces médicaments selon les
posologies de l’AMM conduit alors à un sous-dosage qui est un facteur de risque avéré de
l’apparition de résistance. La réactualisation de ces AMM serait nécessaire mais soulève le
problème de l’investissement financier que devraient fournir les industries pharmaceutiques,
notamment dans la réalisation d’études sur l’impact écotoxicologique d’un changement de
posologie. L’Anses va d’ailleurs rendre un rapport sur la « ré-évaluation des posologies des
antibiotiques anciens » en utilisant notamment les analyses PK/PD.

3.1.3 La mondialisation au service de l’antibiorésistance


En Finlande et en Suède, l’importation de poussins futurs reproducteurs porteurs de souches
résistantes aux céphalosporines a permis de diffuser cette résistance au sein des cheptels alors

100
que ces pays n’autorisent pas l’usage de ces molécules chez les volailles (POHJANVIRTA et al.,
2013 et NILSSON et al., 2015).

Enfin, des éleveurs de dindes du Morbihan ont contaminé leurs oiseaux avec une souche de
Salmonella du sérotype Kentucky hautement résistante à la ciprofloxacine après un voyage en
Afrique (GUILLON et al., 2012). Est suspectée la négligence des règles de biosécurité lors de la
mise en place des nouveaux dindonneaux au retour des vacances. Cette souche a également été
retrouvée chez un autre troupeau de dindes qui a été transporté à l’abattoir dans le même
camion. Cet exemple souligne la nécessité de mettre en place des barrières sanitaires étanches
dans l’élevage mais également à tous les maillons de la filière. Chez l’Homme, les infections à
cette souche sont majoritairement reliées à des voyages sur le continent africain (Le HELLO et al.,
2011).

Ces exemples illustrent la capacité des bactéries résistantes à traverser les barrières d’espèces
mais également les frontières, à travers les transports de volailles entre pays et les voyages
humains.

3.2 Pratiques à risque (ANSES, 2014)


Le rapport de l’ANSES publié en 2014 hiérarchise les différentes pratiques en antibiothérapie
selon le risque encouru en termes d’apparition d’antibiorésistance. Plusieurs pratiques à risque
se dégagent.

3.2.1 Pratiques à abandonner sans attendre

- Les injections de ceftiofur in ovo ont été interdites depuis 2012 pour le marché français.
Cet antibiotique a été remplacé par la gentamicine dans certains couvoirs. Les exigences
en termes d’antibioprévention de certains pays importateurs font perdurer cette pratique
dans les couvoirs produisant des poussins dont la viande sera destinée à l’export.

Figure 39: Principe de l’injection in-ovo réalisée au couvoir (Réussir Aviculture, 2008)

101
- Utilisations occasionnelles de céphalosporines de 3e et 4e générations en productions de
canards : les céphalosporines peuvent dans ce cas être remplacées par des pénicillines.

- Utilisation de céphalosporines de 3e et 4e générations chez les reproducteurs dindes : il


est possible d’utiliser d’autres ß-lactamines combinées à des injections de polypeptides.

- Administration systématique de fluoroquinolones (enrofloxacine) par voie orale aux


poussins de 1 jour de la filière poulet de chair : il convient de raisonner les traitements
au démarrage avec une analyse bactérienne et épidémiologique de l’infection visée, et
si le traitement s’avère nécessaire, de préférer d’autres antibiotiques en première
intention.

- Antibioprophylaxie systématique de toute maladie bactérienne : il faut mettre en place


les mesures de biosécurité nécessaires afin de diminuer la pression de sélection dans
l’élevage.

3.2.2 Pratiques à abandonner à terme

- Traitements préventifs en milieu infecté : ce paragraphe inclue les infections à


Escherichia coli, Enterococcus cecorum et faecalis, les mycoplasmoses, les infections
Ornithobacterium rhinotracheale, à Pasteurella multocida et à Riemerella
anatipestifer. La seule présence du germe dans l’élevage peut justifier la mise en place
d’un traitement métaphylactique. Même si l’antibiothérapie est réfléchie et ne cause pas
de résistance chez la souche de pathogène visée, c’est l’impact négatif sur les flores
digestives que l’on ne peut éviter.

- Usage de la colistine en aérosol pour lutter contre la colibacillose respiratoire.

3.2.3 Pratiques à encadrer


- Usage des fluoroquinolones.

- Usage des quinolones anciennes : la généralisation de cette pratique peut conduire à une
diminution de l’efficacité des quinolones de 2e génération mais aussi des
fluoroquinolones.

- Injections in-ovo d’aminoglycosides au couvoir.

102
4. Transmission de l’antibiorésistance à l’environnement et à
l’Homme

L’antibiorésistance est un phénomène complexe à prendre dans la globalité des systèmes


qu’elle englobe : l’Homme, le monde animal et l’environnement, ces trois entités n’étant pas
étanches et capables d’échanger des déterminants de résistance. L’existence de bactéries
capables d’infecter les humains et les animaux contribuent à cette perméabilité. A partir de ce
constat, il est possible d’appliquer la démarche « une seule santé » (« One Health ») à
l’antibiorésistance.

4.1 Emergence et transmission des résistances au sein de la flore digestive


Lorsqu’un traitement est donné à des oiseaux d’élevage, des mutants résistants sont susceptibles
d’être sélectionnés au sein de la flore digestive. L’impact d’un traitement à base de tétracycline
donné par voie orale sur la flore digestive a été étudié chez les poulets de chair. Les souches
d’E.coli et d’Enterococcus spp. isolées après le traitement voyaient leur CMI pour la
tétracycline devenir supérieure à 8 µg/mL tout en exprimant des phénotypes de résistance très
variés aux antibiotiques de la même famille, en particulier les gènes tet(M), tet(O) et tet(L)
(FAIRCHILD et al., 2005).

Les gènes de résistance peuvent être portés par le chromosome bactérien ou des éléments
génétiques mobiles comme des plasmides. La diffusion de ces gènes de résistance s’effectue
par les mécanismes décrits en Partie 1 : transfert vertical lors de la multiplication bactérienne,
et transfert horizontal d’éléments génétiques mobiles. Escherichia .coli est une bactérie
naturellement présente dans l’intestin des volailles et susceptible d’héberger des plasmides
facilement transmissibles à d’autres espèces bactériennes.

4.2 Transmission des résistances à l’environnement


Le milieu digestif étant cependant ouvert sur le milieu extérieur, il est avéré que les mutants
résistants sélectionnés sont excrétés dans la litière avec les fèces, puis se retrouvent dans
l’environnement des élevages via l’épandage des lisiers.

Par ailleurs, certaines molécules comme l’oxytétracycline, la doxycycline, la tiamuline et les


fluoroquinolones ou leurs métabolites sont excrétés sous forme encore active dans la litière avec
les fèces (1-2). Ces molécules pourront exercer une pression de sélection au sein des flores des
litières et des lisiers qui seront ensuite épandus.

En Allemagne, des souches d’E.coli résistantes ont été isolées dans des échantillons de
poussières en élevage. Le profil de résistance testé pour chacune de ces souches montre que
50% d’entre elles sont résistantes à au moins 5 des 10 antibiotiques testés (association
amoxicilline et acide clavulanique, ampicilline, cefoxitine, ceftriaxone, chloramphenicol,
ciprofloxacine, gentamicine, sulfisoxazole, tétracycline, association sulfaméthoxazole et

103
triméthoprime) (SCHULZ et al., 2016). Cette même étude montre que ces souches peuvent survivre
dans les poussières pendant 20 ans. La poussière des élevages représente donc un important
réservoir de bactéries résistantes. Ces poussières sont alors rejetées dans l’environnement de
l’élevage par les systèmes de ventilation des bâtiments. Il serait intéressant d’étudier la distance
du poulailler à laquelle on peut encore isoler des bactéries résistantes.

Une autre étude réalisée auprès d’élevages de poulets de chair et de poules pondeuses aux Pays-
Bas montre des souches d’E.coli résistantes voire multirésistantes peuvent être retrouvées dans
les bâtiments d’élevage et dans l’environnement direct des élevages : dans l’air ambiant des
élevages, au niveau des systèmes de ventilation, dans les eaux de rinçage, à la surface des eaux
à proximité des élevages (notamment pendant le nettoyage des bâtiments ou peu de temps
après), au niveau des sols et sur des mouches (BLAAK et al., 2015).

Figure 40: Différents lieux où il est possible d'isoler des souches d'E.coli résistantes (Paysan breton, Cultivert et
Photo: Clélia MATEO)

4.3 Transmission des résistances à l’Homme


La contamination de l’Homme par les bactéries résistantes peut se faire par contact avec les
animaux ou leur environnement (respiration des poussières (SHULZ et al., 2016), du duvet…). Les
personnes à risque sont les éleveurs ainsi que toute autre personne susceptible de rentrer dans
le bâtiment d’élevage ou de manipuler les volailles : le personnel des couvoirs, les techniciens
d’élevage, les vétérinaires, le personnel des chantiers d’injection, le personnel d’abattoir. Ainsi,
des études ont montré que des éleveurs de poulets de chair et dans une moindre mesure, des
éleveurs de poules pondeuses ainsi que des employés d’abattoirs pouvaient être porteurs
d’E.coli ou d’entérocoques résistants (Van den BOGAARD et al.,, 2001 et 2002). Récemment, des
souches d’E.coli porteuses de BLSE et de céphalosporinases de type AmpC ont également été
retrouvées chez des poulets et des éleveurs de poulets aux Pays Bas (DIERIKX et al., 2013).

La voie alimentaire est également en cause dans la transmission d’agents zoonotiques tels que
Salmonella, Campylobacter et même des enterococci. La contamination des carcasses de
volaille par des souches intestinales de Campylobacter lors du procédé d’abattage est mise en
cause. Ces bactéries sont détruites lors de la cuisson, mais la transmission au consommateur
peut se faire lors de la préparation de la viande. Lorsque ces bactéries zoonotiques sont

104
porteuses de gènes de résistance, la transmission de l’antibiorésistance à l’Homme ne souffre
aucune discussion.

4.4 Bilan

Figure 41: Transmission des résistances à l'environnement et à l'Homme

105
5. Surveillance de l’antibiorésistance en France et résultats en
filières avicoles

5.1 Surveillance réglementaire de la résistance des bactéries zoonotiques et des


bactéries commensales

5.1.1 Cadre réglementaire


La surveillance des zoonoses et agents zoonotiques a été harmonisée au niveau européen et est
désormais guidée par la directive 2003/99/CE (Légifrance, 2003). Celle-ci rend obligatoire pour
les Etats membres la surveillance des agents bactériens zoonotiques (Salmonella et
Campylobacter) au sein des productions de poulets et de dindes de chair. En France, la
surveillance de la résistance chez Campylobacter a été mise en place en 1999.

Cette même directive encourage la surveillance de la résistance chez d’autres agents bactériens
non zoonotiques mais qui peuvent néanmoins être témoin du niveau de résistance au sein des
flores digestives. Cette surveillance est basée sur une démarche volontaire. E.coli et
Enterococcus sont de bons candidats.

5.1.2 Objectifs (SANDERS et al., 2014)


- Mesurer les proportions de souches résistantes et suivre leur évolution dans le temps ;
- Comparer les taux de résistance de ces bactéries zoonotiques avec le taux de résistance
de souches de ces mêmes bactéries isolées chez l’Homme, à l’hôpital ou dans la
communauté ;
- Déterminer les phénotypes de résistance pour une liste d’antibiotiques définie et détecter
l’émergence de nouveaux phénotypes ;
- Détecter des phénotypes de multirésistance ;
- Evaluer le risque représenté par ces agents en santé humaine.

5.1.3 Modalités de la surveillance (SANDERS et al., 2014)


- Les poulets et les dindes de chair sont les productions aviaires concernées. 200 caecas
par an sont prélevés à l’abattoir. Certaines années, des peaux de cous de poulets ont
également été prélevées. Le plan d’échantillonnage doit être représentatif des filières
avicoles françaises. Les prélèvements sont réalisés dans huit départements pendant huit
mois.
- Les mesures sont réalisées par un réseau de laboratoires de référence sous la direction
du laboratoire de référence de l’Union Européenne pour l’antibiorésistance
(Technological University of Denmark). En France, l’ANSES de Ploufragan détermine
l’espèce de Campylobacter (C. coli ou C. jejuni) et mesure la sensibilité des souches.

106
- Les CMI sont mesurées par diffusion en milieu gélosé jusqu’en 2006, puis en milieu
liquide (méthode par dilution) depuis 2006.
- La détermination des phénotypes de résistance se fait à l’aide de méthodes
standardisées : pour la mesure de la CMI, la méthode de dilution en milieu liquide est
préconisée.

5.1.4 Edition des résultats


Ces données sont répertoriées par le European Center for Disease Prevention and Control
(ECDC). A partir de 2007, L’European Food Safety Authority (EFSA) écrit des rapports afin
d’harmoniser la surveillance des agents zoonotiques et commensaux (EFSA-ECDC, 2015). Cette
agence analyse les résultats de la surveillance conjointement avec l’ECDC.

Les souches bactériennes sont classées Sensibles ou Résistantes selon la définition de résistance
épidémiologique. Ces seuils critiques épidémiologiques (cutt-off value) sont définis par
l’EUCAST ou par le laboratoire de référence de l’Union Européenne.
Les résultats sont transmis par les Etats Membres à l’EFSA qui édite des rapports annuels
depuis 2010 (collectant des données depuis 2004). Ces rapports ne concernent pas que les
filières avicoles mais bien la résistance au sein des différentes productions animales et dans les
denrées alimentaires, ainsi que chez l’Homme.

107
5.1.5 Résultats pour la filière poulets de chair
Bactéries Taux de Molécules Pourcentage Evolution
résistance
Très élevé Tétracycline 63.3 % En diminution depuis 2011
(>75%)
Ampicilline 55,8 % En augmentation jusqu'en 2011
puis stabilisation.
Sulfaméthoxazole 48,2 %
Elevé Triméthoprime 42,9 %
E.coli Ciprofloxacine 44.2 % Evolution similaire pour ces deux
Acide nalidixique 42 % molécules. Stable depuis 2012.
(2014)
Chloramphénicol 5% Diminution constante depuis des
années. Stable.
Faible Céfotaxime 4% Stable depuis 2008
Ceftazidime 4%
Gentamicine 1.8 %
Colistine 1.8 %

Tétracyclines 72.6 %
Très élevé Ciprofloxacine 61.1 % Constante augmentation depuis
Acide nalidixique 59.4 % 2008. Oscille entre 50 et 65%
C. jejuni depuis 2011.
(2014) Streptomycine 0.6 %
Faible Erythromycine 0% Très faible depuis 2008.
Gentamicine 0%
Les résultats pour Campylobacter sp. s’intéressent particulièrement aux antibiotiques
utilisés en médecine humaine afin de soigner les infections à ces bactéries.

Extrêmement Tétracycline 91%


élevé Dalfopristine- 83 %
E. Quinupristine
faecium Très élevé Erythromycine 56 %
(2012) Elevé Ampicilline 25 % Constante augmentation depuis
2005.
Moyen Streptomycine 18 %
Faible Chloramphénicol 1% Diminution depuis 1999 (23%).
Tableau 11: Résistance aux antibiotiques chez E. coli, C. jejuni et E. faecium isolées chez le poulet de chair à
l’abattoir en France (d'après EFSA-ECDC, 2015)

- Multirésistance

Chez E.coli, la résistance aux céphalosporines s’accompagne généralement de la résistance à


d’autres molécules : en 2012, 34% des souches résistantes au céfotaxime et/ ou à la ceftazidime
le sont également à la ciprofloxacine, 48% au triméthoprime, 40% à la streptomycine, 92% aux
sulfamides et 86% aux tétracyclines. Ces résultats montrent bien que plusieurs gènes de
résistance sont probablement portés par des éléments génétiques mobiles, donc potentiellement

108
transmissibles à d’autres espèces bactériennes par transfert horizontal (SANDERS et al., 2014). Au
niveau européen, hormis pour les tétracyclines, les résultats affichés par la France se trouvent
dans les valeurs médianes des taux de résistances.

Le dernier rapport de l’EFSA met également en lumière la présence de souches de C. jejuni et


de C. coli multirésistants. En France, moins de 20% des souches isolées ne présentent aucune
résistance à un antibiotique donné. 50% des souches sont tout de même résistantes à deux
antibiotiques.

5.1.6 Résultats pour la filière dindes de chair


Bactérie Taux de Molécules Pourcentage
résistance
Très élevé Tétracycline 75.2 %
Ampicilline 64.3 %
Sulfaméthoxazole 45.8 %
Elevé Triméthoprime 37.4 %
Ciprofloxacine 21 %
E.coli Moyen Acide nalidixique 19.7 %
(2014) Chloramphénicol 16.4 %
Colistine 5.9 %
Faible Gentamicine 4.2 %
Cefotaxime 0.4 %
Ceftazidime 0.4 %

Très élevé Tétracycline 71.8 %


Ciprofloxacine 55.7 %
Elevé Acide nalidixique 52.3 %
C.jejuni Erythromycine 0.6 %
(2014) Faible Gentamicine 0%
Streptomycine 0%
La surveillance de Campylobacter jejuni est effectuée dans les pays où plus
de 10 000 tonnes sont abattus par an.
Ces résultats sont cependant variables d’un pays à l’autre, notamment
concernant la tétracycline (où la France affiche des valeurs plutôt hautes) et
les quinolones et fluoroquinolones.
Tableau 12: Résistance aux antibiotiques chez E. coli, C. jejuni et E. faecium isolées chez les dindes de chair à
l’abattoir en France en 2014 (d'après EFSA-ECDC, 2015)

- Multirésistance

Chez E. coli, la prévalence de souches multirésistantes est très élevée dans cette filière où moins
de 20% des isolats sont sensibles à tous les antibiotiques testés. Des variants peuvent être
résistants jusqu’à 8 molécules antibiotiques. Un nombre très faible de souches (0.4%) sont
conjointement résistantes à la ciprofloxacine et la céfotaxime. Cette souche était également

109
résistante à l’acide nalidixique, le triméthoprime, la colistine, l’ampicilline ainsi que la
ceftazidime.

Ces analyses mettent également en évidence l’existence de variants de Campylobacter


multirésistants. En France, environ 20% des souches isolées sont sensibles à tous les
antibiotiques testés, près de 50% de souches sont résistantes à deux antibiotiques et moins de
1% sont résistantes à trois antibiotiques. En Europe, la multirésistance à l’acide nalidixique, la
ciprofloxacine et les tétracyclines est retrouvée chez toutes les souches multirésistantes isolées
chez les dindes de chair.

5.2 Surveillance réglementaire de la résistance chez Salmonella sp.

5.2.1 Cadre réglementaire


Comme pour la surv