catalyse (du grec ancien : κατάλυσις / katálusis, « détacher »)1 se réfère à
l'accélération ou la réorientation de la cinétique de réaction au moyen d'un catalyseur, et dans certains cas à la sélectivité pour diriger la réaction dans un sens privilégié (réaction concurrente, production d'un produit plutôt qu'un autre)2. Le catalyseur est utilisé en quantité beaucoup plus faible que les produits réactifs. Il n'apparait pas en général dans le bilan de réaction, donc pas dans son équation globale. Cependant les molécules du catalyseur participent à la réaction dans une étape, ce qui explique leur influence sur la vitesse de réaction, et ensuite elles sont régénérées dans une étape subséquente 3. Le catalyseur reste parfois infimement mélangé au produit final. La catalyse joue un rôle dans de très nombreux domaines. Depuis plus de cent ans, elle a des applications dans le domaine du chauffage (exemple : la lampe Berger) : des combustions complètes, à température plus basse (moins dangereuses), quasiment sans flamme, et avec beaucoup moins de résidus de combustion dangereux (monoxyde de carbone, oxyde d'azote). Plus de 80 % des réactions chimiques industrielles sont réalisées à l'aide de procédés catalytiques en réduisant considérablement leur coût. Par exemple en 2007, les ventes mondiales de catalyseurs du domaine de dépollution des gaz de moteurs se montaient à environ seize milliards de dollars. La vision populaire de ce domaine des catalyses est négative : pollution, dispersions de poussières de métaux rares et dangereux, vols de catalyseurs automobiles. Ces domaines de la science sont mal connus. [réf. souhaitée] En biologie, dans les cellules, les enzymes, très nombreuses, jouent ces rôles d'accélérateur, de catalyseurs, dans les processus biochimiques : métabolisme digestif, de la reproduction, de la transcription de l'information génétique, les sciences du génome, le yaourt, la pâte à pain, etc.
Article détaillé : Théorie de l'état de transition.
Différents types de catalyse peuvent être distingués selon la nature du catalyseur :
catalyse homogène, si le catalyseur et les réactifs ne forment qu'une seule phase (souvent
liquide) ; catalyse hétérogène, si le catalyseur et les réactifs forment plusieurs phases (généralement un catalyseur solide pour des réactifs en phase gazeuse ou liquide) ; catalyse enzymatique, si le catalyseur est une enzyme, c'est-à-dire une protéine ; de nombreux caractères de la catalyse enzymatique (influence de la concentration du catalyseur, types de succession d'étapes, etc.) sont les mêmes que ceux de la catalyse homogène. La catalyse peut être aussi classée en fonction du mécanisme mis en jeu :
catalyse acido-basique (générale ou spécifique) ;
catalyse d'oxydoréduction ; catalyse nucléophile ; catalyse par transfert de phase. Un catalyseur ne modifie ni le sens d'évolution d'une transformation ni la composition du système à l'état final. Tout catalyseur d'une réaction dans le sens direct catalyse aussi la réaction en sens inverse. De ce fait, un catalyseur ne permet pas à des réactions thermodynamiquement peu déplacées de modifier leur taux d'avancement final. Par exemple, la réaction 2 H2O → 2 H2 + O2 ne se produit pas en l'absence de catalyseur (à température ordinaire) et aucun catalyseur ne peut la faire se produire avec un rendement satisfaisant. Cependant, comme un catalyseur peut modifier fortement la vitesse d'une réaction parmi un grand nombre de réactions concurrentes possibles, il peut favoriser une réaction qui parait ne pas exister en son absence. C'est le cas de l'oxydation de l'ammoniac par le dioxygène : en l'absence de catalyseur, la réaction (non intéressante d'un point de vue industriel) est
essentiellement : 2NH3 + O2 → N2 + 3H2O
en présence de platine comme catalyseur, il se forme surtout du monoxyde
d'azote (précieux intermédiaire dans la production d'acide nitrique) : 2NH3 +
O2 → 2NO + 3H2O Le monoxyde d'azote n'apparaît pas de façon mesurable en l'absence de platine.
Ne sont pas des catalyseurs…[modifier | modifier le code]
La température, bien qu'elle augmente la vitesse de réaction. Le catalyseur est une espèce chimique, ce que n'est pas la température. La lumière peut initier certaines réactions photochimiques, mais ce n'est pas un catalyseur pour autant car la lumière n'est pas une espèce chimique. De plus, la lumière ne ressort pas indemne, puisqu'une part de son énergie sera absorbée, et sa longueur d'onde sera donc modifiée. Un amorceur, bien que ce soit une espèce chimique, qu'il augmente la vitesse, et qu'il n'apparaisse pas dans le bilan. En effet, l'amorceur est consommé en début de réaction. Par exemple, un amorceur radicalaire permet de produire les premiers radicaux qui permettent à une polymérisation radicalaire de se produire.
Histoire[modifier | modifier le code] Étapes de la découverte[modifier | modifier le code]
Plaque commémorative et bronze de J. Berzelius qui, le premier, a proposé le mot « catalyse ».
Quelques étapes notables sur la découverte et la compréhension de la notion de catalyse
sont listées ici par ordre chronologique. Les premières découvertes sont liées au domaine de la biocatalyse :
6 000 ans av. J.-C., procédés techniques de la fermentation alcoolique des sucres,
utilisés par les Sumériens en Mésopotamie : production d'acide acétique de l'alcool au moyen d'enzymes. Accélération et orientation des fermentations du lait pour les fromages : les découvertes liées permettaient très rapidement de diminuer les risques de colonisation par les agents pathogènes et augmentaient nettement la durée de consommation des produits laitiers (à l'échelle du temps du produit de base, c'était une technique de toute première importance). Les processus de panification des farines permettant la réalisation en épaisseur de cuisson au four et une modification de la digestibilité du composant de base. Après ces débuts, la découverte de toute une série de nouvelles réactions catalytiques a eu lieu dans les XVIIIe et début du XIXe siècle.
Au milieu du XVIIIe siècle, le physicien britannique John Roebuck élabore un procédé
permettant la formation d'acide sulfurique par oxydation du dioxyde de soufre par l'air ; la réaction est effectuée en présence d'un catalyseur, l'acide nitrosylsulfurique, dans une cuve en plomb4. Vers 1780, multiples découvertes Antoine-Augustin Parmentier, pharmacien militaire, agronome, nutritionniste et hygiéniste français : catalyse acide du sucre. 1782, découverte de Carl Wilhelm Scheele, sur l'estérification catalysée par un acide des alcools. 1783, Joseph Priestley, transformation de l'éthanol à partir d'éthylène. 1794, Elizabeth Fulhame, décrit dans son Essay on Combustion l'importance de l'eau dans certaines réactions d’oxydation. Dès 1814, Constantin Kirchhoff rapporte l'hydrolyse de l'amidon catalysée par les acides. En 1817, Humphry Davy découvre que l'introduction de platine chaud dans un mélange d'air et de gaz issus du charbon conduit à chauffer à blanc le métal. En 1824, William Henry rapporte l'empoisonnement d'un catalyseur : l'éthylène inhibe la réaction entre l'hydrogène et l'oxygène sur du platine. Il remarque par ailleurs l'oxydation sélective dans la réaction entre l'oxygène et un mélange gazeux composé d'hydrogène, de monoxyde de carbone et de méthane. Le terme catalyse est introduit par Berzelius en 1835 (du grec καταλύειν, qui signifie dénouer) pour nommer la cause d'un groupe de réactions5. Cette idée n'eut pas que des adeptes et Liebig, par exemple, s'opposa, dans le cas de la fermentation, à la théorie de la catalyse avancée par Berzelius. Pour Liebig, la cause de la fermentation était due à la transmission de vibrations des particules de ferment 6. En 1845, William Grove montre qu'un filament de platine est également un catalyseur pour la décomposition de l'eau en hydrogène et oxygène. Dans les années 1850, Kekulé comprit que la loi d'action de masse et les forces catalytiques avaient de l'importance sur les réactions chimiques, et que les forces qui favorisaient l'association des molécules Aneinanderlagerung causaient également leur décomposition, et que des produits intermédiaires pouvaient être isolés 7. Voir la représentation ci-contre.
Mécanisme de la double décomposition vu par Kekulé en 1850.
En 1871, le procédé Deacon (en), utilisé pour l'oxydation de l'acide chlorhydrique en
chlore, est développé : il utilise un catalyseur à base de brique en argile imprégnée de sels de cuivre. Peu de temps après, en 1877, Clément Georges Lemoine démontre que la décomposition de l'iodure d'hydrogène en dihydrogène et diiode atteint le même point d'équilibre à 350 °C que la réaction soit menée avec ou sans catalyseur (platine). Cette propriété est confirmée deux ans plus tard par Claude Louis Berthollet avec l'estérification des acides organiques et l'hydrolyse des esters dont l'équilibre de réaction reste identique avec ou sans catalyseur. Vers 1901, Georg Bredig mettait en avant l'importance de l'empoisonnement d'un catalyseur8. La catalyse au développement de la chimie[modifier | modifier le code] Le début du XXe siècle marque une découverte qui continue d'avoir des répercussions de nos jours9. Wilhelm Normann réalise l'hydrogénation de l'acide oléique (acide cis-9- octadécènoïque C17H33COOH), liquide, en acide stéarique (acide octadécanoïque C17H35COOH), solide, sur du nickel finement divisé. Cette hydrogénation est encore largement utilisée au XXIe siècle dans de nombreux domaines (alimentation, pharmacie, savonnerie, parfumerie, peinture, etc.) et le nickel reste le catalyseur phare. La synthèse de l'ammoniac (NH3) à partir du diazote et du dihydrogène est mise au point par Fritz Haber sous haute pression, à température moyenne et catalysée par le fer (Fe3O4 réduit). Cet ammoniac peut être oxydé en monoxyde d'azote par oxydation, catalysé cette fois par le platine, pour servir de base à la fabrication d'acide nitrique (HNO3). En 1923, BASF commande une usine de fabrication du méthanol à partir de monoxyde de carbone et d'hydrogène sur un catalyseur à base d'oxyde de zinc et d'oxyde de chrome. Durant la même période, le procédé Fischer-Tropsch permet d'obtenir des alcanes, des alcènes et des alcools à partir de monoxyde de carbone et d'hydrogène à l'aide de catalyseur à base de fer et de cobalt. L'oxydation catalytique du dioxyde de soufre en trioxyde de soufre sur l'oxyde de vanadium(V) (V2O5) permet la synthèse à grande échelle d'acide sulfurique. À la fin des années 1930, le craquage catalytique apparaît, offrant la possibilité de rompre les liaisons C-C. Ce procédé Houdry, utilise un catalyseur à base d'argile de type montmorillonite traitée à l'acide, et permet de scinder les grosses molécules du pétrole, typiquement contenues dans les gasoils, en plus petites constituant les essences. Durant la même décennie, l'oxydation sélective de l'éthylène en oxyde d'éthylène sur un catalyseur à base d'argent est mise au point, développée et commercialisée par Union Carbide. Tous ces procédés permettent d'avoir accès à une échelle industrielle à des produits de base de la chimie, ouvrant ainsi la voie au développement de la chimie de base et de spécialité. Juste après la Seconde Guerre mondiale, les Trente Glorieuses profiteront largement à la chimie avec un grand développement des procédés en tout genre pour des productions de plus en plus diversifiées. La catalyse sera un acteur important de ce développement. La polymérisation se développe grandement en profitant des molécules de base produites. Dans les années 1950, le polyéthylène, le polypropylène et le polybutadiène apparaissent grâce notamment au procédé de polymérisation coordinative Ziegler-Natta utilisant des catalyseurs à base de complexes organométalliques de titane et aluminium. Le traitement du pétrole s'affirme avec l'hydrodésulfuration sur des catalyseurs à base de sulfure de cobalt et de molybdène, l'hydrotraitement des naphtas sur des catalyseurs cobalt-molybdène déposés sur alumine.