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Droit pénal international

La matière est la même que l'on parle de DIP ou de DPI : ce n'est que le point de vue qui change.
Cheriff Bassiouni (internationaliste) dit dans son Introduction au droit pénal international (2002) qu'il s'agit
de « deux revers d'une même matière ». Dans ce cours, il ne s'agit donc pas de reprendre le débat sur
l'appellation de la matière.
Article de Michel Massé (professeur à l'université de Poitiers), « À la recherche d'un plan, peut-être même d'un titre, pour une
nouvelle discipline juridique », Mélanges à Claude Lombois : Apprendre à douter, Questions de droit, questions sur le droit (2004)

SECTION 1 : DÉFINITION DU DROIT PÉNAL INTERNATIONAL

Le droit pénal international peut être défini en reprenant les mots de Claude Lombois (Droit pénal
international, Précis Dalloz, 1979) : c'est l'ensemble que forme la discipline juridique ayant pour objet les
rapports du droit de punir et de la souveraineté des États. On est donc ici au milieu du droit pénal et du
droit international : le droit de punir renvoie au droit pénal, tandis que la souveraineté des États renvoie au
droit international. À partir de cette définition, Lombois distingue deux volets dans le DPI :
 le droit des infractions internationales : c'est en fait le droit pénal international stricto sensu ;
 le droit pénal extra-national : renvoie en fait à la saisine par des règles internes de situations
infractionnelles présentant un caractère d'extranéité.
L'objet du droit pénal international est donc double, puisque d'un côté il recouvre la définition et la
punition des infractions internationales (ex: le génocide est l'infraction internationale par excellence, puni
par la Cour pénale internationale), mais d'un autre côté c'est aussi la punition en droit interne des
infractions ayant un caractère d'extranéité (ex: comment poursuivre le meurtre d'un Français commis par
un Argentin au Japon?).
En réalité, ces deux facettes ne sont pas toujours faciles à distinguer car elles s'entremêlent  : les
infractions internationales par nature (qui devraient rester dans la sphère internationale) trouvent en effet
souvent un écho en droit interne. Ainsi par exemple, le génocide est défini par les textes internationaux
(Convention sur le génocide de 1948 et statuts des tribunaux), mais il est également puni par le Code pénal
français.
Cet entremêlement entre le DPI stricto sensu et le droit pénal extra-national se connaît aussi à un
autre niveau, inversé : il s'agit aussi des infractions internes qui se voient de plus en plus définies au niveau
international (ex: le blanchiment d'argent puni par le droit français mais présentant des éléments
d'extranéité, on a créé des conventions internationales sur le blanchiment d'argent ; de même pour le délit
de fausse monnaie, ou encore la pollution).
Pour marquer cette distinction, Lombois distinguait les infractions internationales par nature d'un
côté, et les infractions internationales par le seul mode d'incrimination d'un autre côté :
 Les infractions internationales par nature renvoient aux agissements contraires au droit
international public, et tellement nuisibles à l'ordre public international qu'on a décidé de les
réprimer au niveau international. Il s'agit donc de comportements gravement contraires au droit
international public. Elles sont donc internationales au sens matériel (car la valeur à laquelle elles
portent atteinte est une valeur internationale), mais aussi au sens formel (car elles sont définies
dans un texte de droit international).
 Les infractions internationales par le seul mode d'incrimination quant à elles renvoient à
l'hypothèse d'un intérêt protégé n'appartenant pas à l'ordre international, mais commun à plusieurs
voire à tous les États. Cette valeur commune qu'on souhaite protéger nécessite donc un texte
international pour prévoir l'infraction correspondant à sa protection. Ces infractions ne sont donc

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des infractions internationales qu'au sens formel (parce qu'un texte les prévoit) et non pas au sens
matériel (elle n'est pas internationale, seulement commune à tous les États, ex: trafic de
stupéfiants, blanchiment d'argent...).
On peut critiquer cette distinction ; Lombois la pose ainsi pour marquer une différence de gravité
entre les infractions internationales (génocide, crime contre l'humanité, crime de guerre, crime d'agression)
et les autres.

SECTION 2 : LES OBJECTIFS DU DROIT PÉNAL INTERNATIONAL

Au delà de cette définition, le droit pénal international poursuit des objectifs précis. Dans tous les
cas, il s'agit d'organiser la répression d'infractions qui débordent la compétence d'un seul État, soit parce
que l'infraction implique plusieurs États, soit parce que l'infraction constitue une atteinte à l'humanité toute
entière. Qu'on soit dans l'un ou dans l'autre cas de figure, le droit pénal international essaie d'organiser au
mieux les règles qui permettent la poursuite de tels comportements : qui est compétent pour poursuivre et
juger ? Comment obtient-on des preuves ? Comment attraper les personnes mises en cause ? Comment
permettre ou autoriser la punition, alors même que dans son propre pays la personne condamnée bénéficie
d'une immunité ? Les juges eux-mêmes ne se sont pas encore prononcés sur toutes ces questions.
À un second niveau, cet objectif de lutte contre l'impunité internationale contribue aussi à la
préservation de la paix et de la sécurité internationale. En permettant à un État de réprimer une infraction
qui a troublé son ordre public malgré de nombreux obstacles liés au caractère international de l'infraction,
on dissuade aussi les États lésés d'agir directement sur un territoire étranger ; c'est ce qui contribue à
apaiser les tensions internationales.
Un bon contre-exemple de cette idée est l'affaire Eichmann, criminel de guerre nazi, l'un des
responsables de la solution finale. À la fin de la seconde guerre mondiale, il trouve refuge en Argentine et a
ainsi réussir à échapper au procès de Nuremberg : exfiltré par les agents du Mossad pour être jugé en Israël,
il est condamné à mort en Israël. [Cf Hannah Arendt, Le procès Eichmann (concernant la banalité du mal).] Les Argentins
se sont insurgés de cette capture au mépris des règles internationales : le Conseil de sécurité, dans une
résolution n°138 du 23 juin 1960, a déclaré que « la répétition de tels actes, qui portent atteinte à la
souveraineté d'un État membre, et en conséquence provoque des désaccords entre nations, peut menacer la
paix et la sécurité internationale ».
Aujourd'hui, on trouve des règles de plus en plus importantes relative à l'entraide internationale  ;
ces règles, qui visent à permettre la collaboration entre États membres pour punir les infractions
internationales, tendent à gommer ces tensions. De même, le fait de définir au niveau international ces
infractions, on contribue à un petit niveau à un retour à la paix.

SECTION 3 : LES DIFFICULTÉS POSÉES EN DROIT PÉNAL INTERNATIONAL

Ces difficultés sont dues d'abord à la définition de la matière, qui est complexe. Une seconde
difficulté est due au fait que le droit pénal international est alimentée par des sources multiples.

§1: Un carrefour entre droit pénal, droit pénal international, et relations internationales

Cette matière se trouve à un point de rencontre entre droit pénal d'un côté, et relations
internationales de l'autre. Le DPI est la discipline qui a pour objet les rapports entre le droit de punir et la
souveraineté des États : il s'agit donc bien de punir par delà les frontières, mais en même temps cette
branche du droit se heurte à certaines difficultés et certains principes issus du droit international public. De
façon plus concrète, le droit pénal international se heurte aussi aux réalités des relations internationales

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(droit éminemment politique).
Le droit pénal international est encadré par le droit international public. En effet, le droit
international public organise la préservation des souverainetés des États, et notamment le droit de punir.
Dès lors, comment peut-on organiser l'idée de lutter contre l'impunité internationale, tout en le combinant
avec la préservation de la souveraineté des États ?
Un bon exemple est celui de la compétence universelle, qui se définit comme la compétence grâce
à laquelle un État peut poursuivre et juger une infraction qui n'a pas de lien de rattachement avec lui. On
est donc complètement dans la contrariété avec l'idée de souveraineté, qu'il y ait un lien territorial
(infraction commise sur le territoire) ou un lien personnel (ressortissant d'un État).
La conception de la compétence universelle poussée à son paroxysme est la conception belge : en
Belgique, on a considéré que l'on pouvait poursuivre en Belgique tout grand criminel qui n'a ni la nationalité
belge, ni aucun lien avec la Belgique (lois de 1993 et de 1999). Mais alors, une avalanche de plaintes et de
pressions ont été déposées en Belgique contre des dignitaires étrangers (ex: plainte déposées contre la
première guerre du Golfe) ; en 2003, la Belgique a donc supprimé sa loi de compétence universelle absolue.
Aujourd'hui, en droit français la compétence universelle existe, mais elle est subordonnée à une
condition : on peut juger tout individu étranger qui a commis un acte très grave (génocide, crime de
guerre...) dès lors qu'on l'attrape sur le sol français. Le droit pénal international se heurte aux réalités que
sont les relations internationales : les relations internationales influencent le droit pénal international, et
inversement le droit pénal international influence les relations diplomatiques.

a) Le droit pénal international influencé par les relations internationales


La mise en œuvre même du droit pénal international est parfois empêchée ou freinée par les États,
quand elle semble contraire aux intérêts nationaux (ou personnels) des États. Il arrive en effet que certains
mandats d'arrêts internationaux ne soient pas exécutés par l’État à qui on demande de remettre une
personne, surtout lorsque la personne en question provient d'un État tiers avec lequel l’État requis ne veut
pas avoir des relations difficiles. Ex: si la France demande au Japon de lui remettre un individu chinois, le
Japon pourrait freiner cette remise pour ne pas détériorer ses relations diplomatiques avec la Chine. De
même, il peut arriver que les États empêchent le cours de leur propre justice lorsque sont concernées des
hautes personnalités étrangères : on recommande alors à ces individus de quitter le territoire national.
De manière plus générale, la justice pénale internationale se heurte à des résistances étatiques :
ainsi par exemple, le Statut de la CPI n'a pas été ratifié par les États-Unis, la Chine, la Russie et l'Inde. En
outre, on connaît une influence importante de considérations politiques dans la bonne marche de la justice
pénale internationale. Ex: l'extradition telle qu'elle est prévue dans le CPP français dépend de l'appréciation
du pouvoir politique ; l'entraide judiciaire internationale n'est en réalité pas toujours une entraide judiciaire
(= elle ne se fait pas de juge à juge).

b) Les relations internationales influencées par le droit pénal international


La stricte application du droit pénal international peut parfois susciter le mécontentement d'un
autre État ; il peut en découler des tensions dans les relations internationales, pouvant aller jusqu'à des
conséquences diplomatiques graves. Exemples :
 Dans l'affaire Cesare Battisti (individu condamné pour terrorisme dans les années 1970), l'Italie a
rappelé son ambassadeur du Brésil. Enfui en France, l'Italie l'a condamné pour contumace  ; il a été
accueilli en France et a bénéficié de la « doctrine Mitterrand » en faveur des Italiens soumis au
terrorisme. Chirac a enlevé sa bénédiction, le juge a fait une nouvelle demande d'extradition qui a
été acceptée, Battisti est parti au Brésil qui lui a accordé l'asile politique.
 L'affaire Florence Cassez avait détérioré les relations entre la France et le Mexique, au point de ne
pas célébrer l'année du Mexique en France.
 L'exemple historique est le rejet catégorique de la Serbie de laisser les agents autrichiens enquêter
sur son territoire après l'attentat de Sarajevo de 1914. À la suite de cet événement, l'Autriche a
déclaré la guerre à la Serbie.
 Plus récemment, le protocole additionnel à la Convention bilatérale d'entraide judiciaire en matière
pénale entre la France et le Maroc (signée en 2008) a été négocié entre les pouvoirs exécutifs

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français et marocain en février 2015, pour mettre fin à une brouille diplomatique très forte. Ce
protocole additionnel a donné lieu à une loi d'approbation du 24 juillet 2015 (où la France s'est
aplatie devant les exigences marocaines). À l'origine du différend, trois plaintes pour torture ont été
déposées en France contre le chef de la sécurité marocaine (la torture étant l'une des infractions
ouvrant la compétence universelle). À l'occasion du déplacement de ce chef à Paris en février 2014,
le juge qui s'occupe du dossier a demandé son audition ; cette demande d'audition a profondément
mécontenté le Maroc, qui par mesure de rétorsion a rompu toute coopération judiciaire avec la
France et a gelé tous les dossiers. Au motif de « favoriser une coopération plus durable et efficace
entre la France et le Maroc », le protocole a ajouté un nouvel article dans la Convention bilatérale
d'entraide qui apporte des nouveautés :
◦ Cet article prévoit un principe d'information mutuelle dans le cas de faits commis sur le
territoire de l'autre partie, lorsque les faits sont susceptibles d'avoir été commis par un
ressortissant de cette dernière ; en d'autres termes, des faits ont été commis au Maroc par un
Marocain sur une victime française, il y a donc un principe d'information mutuelle (= le juge
français saisi de l'affaire est tenu d'en informer son homologue marocain). Il s'agit là d'une
restriction au principe de compétence passive (= infractions commises sur un Français, à
l'étranger).
◦ Cet article ajoute aussi un principe de recueil d'observations de l'autre partie, dans le cas de
procédures pénales engagées auprès de l'autorité judiciaire d'une partie, par une personne n'en
possédant pas la nationalité, et pour des faits commis sur le territoire de l'autre partie par l'un
de ses ressortissants. = Selon cette idée, il faut donc admettre que le Maroc puisse faire des
observations à la France dans l'hypothèse d'une plainte déposée en France par un non Français,
à propos de faits commis au Maroc par un Marocain. On trouve là une restriction forte au
principe de compétence universelle puisqu'on demande au Maroc des observations, aux vues
desquelles l'autorité judiciaire initialement saisie déterminera les suites à donner à la
procédure. => C'est donc une incitation à classer ou à se dessaisir.

§2: La multiplicité des sources de droit pénal international

Une autre difficulté est liée à la multiplicité des sources. Comme toute déclinaison du droit pénal, le
droit pénal international est lié au principe de légalité : nulle infraction, nulle peine ne peut être appliquée
à un individu si elle n'est pas prévue par un texte ou par le droit au sens large. Deux conceptions :
 conception stricte : l'incrimination et la peine sont strictement prévues dans un texte formel tel que
la loi (conception française) ;
 conception plus souple : l'incrimination et la peine doivent simplement être prévues par le droit au
sens large (textes + jurisprudence) ; cette conception issue des pays du Common Law est elle
adoptée par la CEDH, selon une jurisprudence constante.
En DPI, plus que la source elle-même, ce qui compte est que l'infraction soit identifiée, prévisible
et accessible. Le problème des sources est particulier en la matière : en effet, elles sont pour partie issues
du droit national, et pour une autre partie issues du droit international.

1. Les sources nationales


Elles peuvent être d’origine purement nationale : c’est le cas des règles qui régissent la compétence
pénale française dans l’espace et qui sont déterminées de façon totalement unilatérale.
 Ces règles de droit national peuvent être une continuité de règles internationales (c'est souvent le
cas), soit parce que ces règles constituent une forme de complémentarité de règles de droit
international pur, soit parce qu’elles constituent une véritable transposition en droit interne de
règles de droit international.
 Les sources nationales complémentaires : c'est l'exemple des règles relatives à l'extradition, qui
sont prévues dans le Code de procédure pénale français qui dit comment le droit pénal français
s'applique en l'absence de convention régissant l'extradition.

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 Les sources nationales venant transposer des dispositions internationales : c'est le cas des textes
relatifs aux infractions pénales internationales (ex: loi contre le génocide, loi du 17 août 2015
portant adaptation de de la procédure pénale au droit de l'UE dans laquelle on trouve de
nombreuses dispositions visant à transposer des textes de l'UE, parmi lesquelles un texte visant à
régler les conflits de compétences entre deux États au sein de l'UE).

2. Les sources internationales


Ces sources internationales relèvent elles-mêmes de plusieurs catégories :
 les PGD du droit international : il s'agit des notions de base que les États ont en commun,
dénominateurs communs à tous les systèmes (ex: le viol) ;
 la coutume internationale : pratique des États, fréquente et uniforme (ex: vient de la coutume
internationale l'idée que les chefs d’État bénéficient d'une immunité) ;
 les conventions internationales : elles peuvent être appliquées en droit français dès qu'elles ont été
signées par la France, ratifiées et publiées en vertu de l'article 52 de la Constitution.

3. Les sources européennes


Il s'agit là d'un statut hybride entre le droit national et le droit international. Ces sources ne sont pas
celles du Conseil de l'Europe (47 États membres, CESDH, juridiction de la CEDH qui siège à Strasbourg), mais
celles de l'Union européenne (28 États, les textes sont des directives, la cour compétente est la CJUE au
Luxembourg).
Le traité de Rome est une Union économique. Lorsque le Traité de Lisbonne est entré en vigueur en
2009, l'UE a acquis de vraies compétences en matière pénale : possibilité depuis d'adopter des directives en
matière pénale (alors qu'avant il n'était possible d'adopter que des décisions-cadres).

SECTION 4 : DÉLIMITATION DU CHAMP DU COURS

La discipline étudiée en cours est très large : elle comprend le droit international pénal, mais aussi le
droit pénal international, façon dont le droit français se saisit d'infractions comportant un élément
d'extranéité. Même au point de vue du DPI, le champ est encore trop large et se décline sur deux plans :
 sur un plan, la loi française incrimine des infractions internationales  : la loi intègre des infractions
internationales par nature dans notre droit pénal (crime contre l'humanité, crime de génocide,
crime de guerre et crime d'agression) ;
 sur un autre plan, la loi française prend en compte l'existence d'un élément d'extranéité.

Concernant la répression par le droit français des crimes internationaux, il ne faut pas oublier que la
compétence de l’État est la compétence naturelle en application des critères classiques (compétence
territoriale, personnelle, etc). Si un génocide était commis en France, il serait naturel que la loi française soit
compétente parce que cette infraction est punie dans le Code pénal français, et qu'elle a lieu sur le territoire
français : c'est le sens même de la création des juridictions pénales internationales qui ne peuvent se
substituer aux États, mais qui visent à palier la défaillance des États (ex: Rwanda et ex-Yougoslavie).
 Arrêt CEDH, Maktouf, 18 juillet 2013 : cet arrêt montre bien ce passage de témoin entre le tribunal
international et les juridictions nationales.
Cette idée de complémentarité apparaît clairement dans les statuts de la CPI car elle n'a pas de
compétence naturelle, mais seulement une compétence secondaire (art. 1er du Statut de Rome). = Elle est
créée en tant qu'institution permanente qui peut s'exercer contre les personnes pour les crimes les plus
graves ayant une portée internationale. Cette compétence naturelle des États pour juger des crimes
internationaux commis sur leur sol suppose qu'il y ait une incrimination en droit interne ; c'est le cas
aujourd'hui en droit français pour trois des quatre grands crimes internationaux (génocide, crime contre
l'humanité, crime de guerre).

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§1: Les crimes contre l'humanité

La question de la répression des crimes contre l'humanité s'est posée dès la Libération pour
condamner les crimes nazis commis sur le sol français. Pendant longtemps, on a considéré que la
qualification de crime de guerre suffisait : l'ordonnance du 28 août 1944 était assez simple à appliquer, elle
faisait correspondre les faits constitutifs de crime de guerre selon le Code pénal aux dispositions du Code
militaire. Puis peu à peu, on a voulu distinguer les crimes contre l'humanité : cela s'est traduit par la loi du
26 décembre 1964 tendant à constater l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité tels que définis
par le statut de Nuremberg. Sur le fondement de cette loi, la chambre criminelle de la Cour de cassation a
affirmé le caractère autonome des crimes contre l'humanité dans les arrêts Cass. crim., 6 février 1975,
Touvier et Cass. crim., 20 décembre 1985, Barbie (chef de la milice à Lyon). Cependant, en raisonnant ainsi,
on limitait la définition des crimes contre l'humanité aux crimes commis par les pays de l'Axe durant la
Seconde Guerre Mondiale. Ainsi, cela n'incluait pas les crimes commis sur le Pacifique (TPI de Tokyo),
pendant la guerre d'Indochine, ou encore pendant la guerre d'Algérie.
C'est ce qui explique que le Code pénal français entré en vigueur en 1994 a créé l'infraction de
crime contre l'humanité, qui englobe en droit français le génocide et les autres crimes contre l'humanité
(symboliquement important car il s'agit de la première infraction du Code pénal : l'ordre des infractions a un
sens, le Code pénal cherche à dégager en priorité les plus importantes).
L'article 211-1 du Code pénal définit le génocide : « Constitue un génocide le fait, en exécution d'un
plan concerté tendant à la destruction totale ou partielle d'un groupe national, ethnique, racial ou religieux,
ou d'un groupe déterminé à partir de tout autre critère arbitraire, de commettre ou de faire commettre, à
l'encontre de membres de ce groupe, l'un des actes suivants :
- atteinte volontaire à la vie ;
- atteinte grave à l'intégrité physique ou psychique ;
- soumission à des conditions d'existence de nature à entraîner la destruction totale ou partielle du groupe ;
- mesures visant à entraver les naissances ;
- transfert forcé d'enfants.
Le génocide est puni de la réclusion criminelle à perpétuité. [...] »
Cette définition du génocide est très largement inspirée du droit international, en particulier de la
Convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide, premier texte international
définissant le génocide. Le mot de génocide a été inventé en 1943 par le magistrat polonais Lemkin.
Outre l'élément matériel et moral classique, qui permet d'englober toutes les atteintes volontaires
aux personnes (atteinte à la vie, à l'intégrité physique ou psychique, soumission à des conditions d'existence
de nature à entraver les conditions d'existence...), le droit français connaît une particularité par rapport au
statut des juridictions pénales internationales : c'est la condition du plan concerté. Cette mention du plan
concerté est une différence héritée en droit français du Statut de Nuremberg, qu'on voit apparaître dès
l'article 6. C'est l'idée selon laquelle le génocide a un caractère planifié, organisé, systématique. Elle exclut
qu'un acte isolé puisse entrer dans son champ d'application, alors même qu'il en caractériserait l'élément
matériel et l'élément intentionnel.
Ce plan concerté doit poursuivre un but précis qui est « la destruction totale ou partielle du groupe
visé » (ce groupe visé pouvant être un groupe national, ethnique, racial ou religieux, « ou tout groupe
déterminé sur un critère arbitraire »). La mention du « critère arbitraire » ne figurait pas dans la Convention
de 1948, mais a été introduite dans le Code pénal pour intégrer des critères de santé ou d'âge permettant
d'éviter une pratique eugénique (ex: exécuter toutes les personnes âgées, empêcher tous les handicapés de
naître...).
À ce texte qui punit le génocide, il faut ajouter l'article 211-2 qui punit la provocation à commettre
un génocide : selon ce texte, « la provocation publique et directe, par tous moyens, à commettre un
génocide est punie de la réclusion criminelle à perpétuité si cette provocation est suivie d'effet. [...] » Cette
incrimination est beaucoup plus récente : elle a été introduite dans le Code pénal par une loi du 9 août
2010 intitulée « Loi d'adaptation du droit pénal à l'institution de la Cour pénale internationale » ; l'idée était
de mettre le droit français en conformité avec le droit international. En introduisant cette provocation au

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génocide dans le Code pénal français, on a donc voulu répondre aux engagements internationaux. Mais la
particularité française tient en la distinction entre la provocation suivie d'effet et la provocation non suivie
d'effet. En effet, la provocation non suivie d'effet chez nous n'est pas punissable : on ne peut pas punir celui
qui a commis une infraction qui n'a même pas commencé à être exécutée. Cela a été contourné par le
mécanisme du mandat criminel. La première condamnation pour le génocide commis au Rwanda a été
prononcée dans l'affaire de la Cour d'assises de Paris, 14 mars 2014, Simbikangwa.
À côté du génocide, le Code pénal sanctionne « les autres crimes contre l'humanité », prévus à
l'article 212-1. Ce texte a été modifié à deux reprises depuis le Code pénal de 1994, et reprend aujourd'hui
presque mot pour mot l'article 7 du statut de la Cour pénale internationale concernant les crimes contre
l'humanité.
En droit français, la grande différence entre ces crimes contre l'humanité et le crime de génocide est
que le plan concerté n'a pas pour finalité la destruction du groupe victime.
L'article 212-2 du Code pénal prévoit que « lorsqu'ils sont commis en temps de guerre en exécution
d'un plan concerté contre ceux qui combattent le système idéologique au nom duquel sont perpétrés des
crimes contre l'humanité, les actes visés à l'article 212-1 sont punis de la réclusion criminelle à perpétuité.  »
Ainsi, à la différence des textes internationaux, les crimes contre l'humanité en droit français peuvent
s'appliquer quand les victimes sont des combattants. Il s'agit ici de la consécration de la jurisprudence
Barbie, qui voulait qu'on puisse appliquer la notion de crime contre l'humanité aux exactions commises
contre les résistants : en effet, les crimes de guerre étant déjà prescrits, la Cour de cassation a fait en sorte
qu'on puisse aussi appliquer le crime contre l'humanité aux combattants.
En outre, est sanctionnée par l'article 212-3 l'association de malfaiteurs en vue de participer à un
crime contre l'humanité, punie de réclusion criminelle à perpétuité : ici, c'est la déclinaison de l'association
de malfaiteurs classique pour les crimes contre l'humanité et les crimes de génocide. Ce qu'on veut, c'est
pouvoir punir bien en amont de la punition du crime, au niveau des actes préparatoires.
L'article 212-5 prévoit que ces crimes sont imprescriptibles (aussi bien la prescription de l'action
publique que la prescription de la peine).

§2: Les crimes de guerre

Pendant longtemps en droit français, la doctrine a considéré qu'il n'était pas nécessaire de punir de
façon autonome les crimes de guerre, et que les qualifications de droit commun suffisaient. En réalité, cette
approche méconnaissait la nature internationale des crimes de guerre ; surtout, ce raisonnement ne
permettait pas de punir l'ensemble des crimes de guerre tels qu'ils étaient définis en droit international. Par
exemple, l'emploi de moyens de combat interdits par le droit international n'a pas pendant longtemps été
puni en droit français. Il a donc fallu intégrer cette incrimination en droit pénal français, ce qui a été fait
avec la loi du 9 août 2010 portant adaptation du droit pénal à l'institution de la CPI. Depuis cette loi, on a
une incrimination autonome de crime de guerre qui permet d'éventuelles poursuites en France contre des
militaires français ou étrangers pour crimes de guerre.
Contrairement au crime contre l'humanité et au génocide qui sont au début du Code, les crimes de
guerre sont prévus aux articles 461-1 et s. du Code pénal. Le Code pénal punit ici les atteintes à la personne
humaine (ex: atteinte à la vie ou à l'intégrité), mais aussi l'enrôlement des mineurs.
Les peines sont lourdes pour les crimes de guerre en droit pénal français (allant jusqu'à la réclusion
criminelle à perpétuité), mais ils sont prescriptibles contrairement aux crimes contre l'humanité et
génocides. La question est allée devant le Conseil constitutionnel, qui n'a rien trouvé à redire à ces
dispositions : aujourd'hui, la prescription est de 30 ans pour les crimes de guerre et 20 ans pour les délits de
guerre. La question s'est posée de rendre imprescriptibles les crimes de guerre, mais ce n'est cependant pas
d'actualité pour le moment.

Le droit pénal français a donc intégré à son arsenal juridique des crimes internationaux par nature. Il
existe aussi une deuxième déclinaison du droit pénal international : la façon dont le droit français réprime
réprime des infractions comportant un élément d'extranéité.

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L'intégration par la loi française d'une infraction comportant un élément d'extranéité se décline sur
un plan substantiel (question de savoir comment la loi française organise sa propre compétence) traité
aujourd'hui dans le Code pénal, mais aussi sur un plan formel (comment concrètement se déroule une
procédure pénale transnationale, comment s'organise l'entraide pénale internationale).

PREMIÈRE PARTIE : LA COMPÉTENCE DE LA LOI PÉNALE


FRANÇAISE

Un peu comme le fait le droit international privé, le droit pénal international fixe la compétence de
la loi pénale nationale, sans prendre en conséquence la compétence éventuelle d'une loi pénale étrangère.
En effet, le juge national ne peut pas déterminer la compétence répressive d'un autre État, et ce pour deux
raisons :
 la détermination de la compétence répressive relève de la souveraineté des États étrangers ;
 par ailleurs, le juge pénal national ne peut pas appliquer une loi étrangère (d'abord parce que
souvent il ne la connaît pas, mais aussi parce qu'il n'a pas compétence pour l'appliquer).
Par conséquent, le juge pénal français peut seulement dire s'il est compétent ou non ; s'il n'est pas
compétent, il ne peut pas dire quel État est compétent. Lombois écrivait que « la règle française de
compétence répressive internationale détermine la sphère d'application de la seule loi française, et hors de
cette sphère, elle se désintéresse de savoir quelle autre loi pourrait être compétence car elle se désintéresse
de la situation. »
Chaque État pourra donc se déclarer compétent ou incompétent ; mais les lois qui déterminent la
compétence pénale internationale ne peuvent déterminer les cas dans lesquels la loi française sera
compétente. La question qui se pose est de savoir si les États, en déterminant les règles qui fixent leur
compétence répressive, peuvent choisir toutes les règles qu'ils veulent. Une fois leur compétence
déterminée dans l'espace, les États peuvent-ils au gré des lois, étendre leur compétence répressive ? Oui,
les États déterminent comme ils le souhaitent leur compétence.
Selon Didier Rebut, « la fixation de la compétence répressive est unilatérale, au sens où les États
délimitent eux-mêmes le champ d'application de leur loi pénale dans l'espace. » Cette règle de fixation
unilatérale a été posée très clairement par un arrêt très célèbre de la CIJ (anciennement Cour permanente
de justice internationale) : arrêt CPJI, Lotus, 7 septembre 1927. Dans cette affaire, un navire français
naviguait à destination de Constantinople et heurte un navire turc en haute mer. Dans ce choc, 8 marins
turcs meurent, 10 autres sont sauvés par le navire français qui poursuit sa route. En arrivant à
Constantinople, le capitaine du Lotus est arrêté par les autorités turques et condamné en raison des
dommages subis par les marins turcs. La France proteste en disant que le capitaine est français, le navire est
sous pavillon français, et que la Turquie ne dispose d'aucun titre de compétence pour juger les actes
commis car en haute mer, c'est à l’État du pavillon d'exercer la compétence pénale. Cependant, la Turquie
s'estime compétente dès lors que les victimes sont de nationalité turque. La CPJI pose une règle : « Chaque
État reste libre d'adopter les principes de compétence répressive qu'il juge les meilleurs et les plus
convenables. »
De façon universelle, les États ont choisi le système de la territorialité en vertu duquel dès lors
qu'une infraction est commise sur le territoire d'un État, le droit de ce territoire est applicable. En effet, le
territoire est l'expression même de la souveraineté. Mais tous les États ont également choisi d'autres chefs
de compétence : dans l'affaire du Lotus d'ailleurs, la CPJI dit que « s'il est vrai que le principe de territorialité

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du droit pénal est à la base de toutes les législations, il n'en est pas moins vrai que toutes les législations
étendent leur compétence à des infractions commises hors de leur territoire. »

Cependant, comment résoudre les conflits de compétence (= lorsque plusieurs États se déclarent
compétents pour une même affaire) ? Une fois qu'un jugement définitif étranger a été rendu, la solution qui
s'applique pour le jugement français mobilise le principe non bis in idem. Mais en amont du rendu du
jugement, comment décider de la compétence de tel ou tel État ?
Cette difficulté suppose qu'il y ait des règles internationales permettant de résoudre ce qu'on
qualifie de situation de litispendance internationale, dans lesquelles deux juridictions de nationalité
différente sont saisies de la même affaire. Le plus simple serait que l'un des deux renonce à sa compétence
au profit de l'autre. C'est précisément pour rendre les choses plus faciles qu'au sein de l'Union européenne,
a été adoptée une décision-cadre du 30 novembre 2009 visant à trancher les conflits de compétence en
matière pénale. Cette décision-cadre a été transposée en France par la loi du 17 août 2015 qui vise à
adapter la procédure pénale française au droit de l'UE. Pour transposer la décision-cadre de 2009, cette loi
de 2015 a créé les nouveaux articles 695-9-54 et suivants dans le Code de procédure pénale.
L'article 695-9-54 du CPP énonce le principe selon lequel « lorsque des procédures pénales
parallèles, conduites dans plusieurs États membres, et ayant pour objet les mêmes personnes pour les
mêmes faits, sont susceptibles de donner lieu à des jugements définitifs, les autorités compétentes des États
membres concernés communiquent entre elles des informations relatives aux procédures pénales  et
examinent ensemble de quelle manière elles peuvent limiter les conséquences négatives de la coexistence de
telles procédures parallèles. » Pour ce faire, les représentants de ces autorités judiciaires se rencontrent
pour essayer de trouver un accord permettant de concentrer la procédure pénale dans l'un des deux États.
Dans l'hypothèse où l'autorité judiciaire française décide de renoncer à sa compétence, alors elle dit à
l'autorité qu'elle va désormais « s'abstenir de tout nouvel acte dans l'attente des résultats de la procédure
menée dans l'autre État ». La seule obligation est que les parties doivent être averties de cette
concentration de la procédure dans un seul État.

Ces conflits de compétence sont dus au fait de l'extension de la compétence française. Le principe
naturel de compétence répressive est le principe de territorialité, en application duquel la loi pénale
française est compétente quand l'infraction a été commise en France (chapitre 1). Mais la chose se
complique quand une partie de l'infraction a été commise à l'étranger (chapitre 2) : c'est alors la
compétence extra-territoriale de la loi pénale française qui s'applique.
Ces deux questions ont été pendant longtemps tranchées par le Code de procédure pénale. Depuis
1994, la grande majorité de ces règles ont été abordées dans le nouveau Code pénal.

Chapitre 1 : Les infractions commises en France :


la compétence territoriale de la loi pénale française

Selon l'article 3 du Code civil, « les lois de police et de sûreté obligent tous ceux qui habitent le
territoire ». Pendant longtemps, ce principe a été le seul fondement à l'application territoriale de la loi
pénale. Le nouveau Code pénal français a été l'occasion de donner au principe de territorialité sa véritable
expression : c'est pourquoi le principe a été posé très clairement à l'article 113-2 du Code pénal qui dispose
désormais que « la loi pénale française est applicable aux infractions commises sur le territoire de la
République ».
La mise en œuvre de ce principe (section 1) n'est pas aussi simple qu'il n'y paraît, dans la mesure où
il n'est pas toujours aisé de déterminer le territoire français. En outre, il peut être compliqué dans certains
cas de localiser les infractions. Au fond, à partir de quand peut-on dire qu'une infraction a été commise sur

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le territoire de la République ?
Par ailleurs, ce principe de territorialité qui semble s'appliquer une fois ces questions résolues,
connaît quelques limites liées principalement à la question des immunités : la personne, même si elle a
commis une infraction en France, ne pourra peut-être pas être jugée en France car elle peut être protégée.

SECTION 1 : LA MISE EN ŒUVRE DU PRINCIPE DE TERRITORIALITÉ

§1: Le territoire de la République

En application du Code pénal, le territoire de la République s'entend non seulement du territoire au


sens strict (la terre), mais aussi des espaces maritimes et aériens, et enfin des navires battant pavillon
français et des aéronefs immatriculés en France. En d'autres termes, le territoire de la République
comprend le territoire en lui-même, et le territoire par extension.

A. Le territoire en lui-même

Selon l'article 113-1 du Code pénal, « le territoire de la République inclut les espaces maritimes et
aériens qui lui sont liés ».

1. L'espace terrestre (ou territoire au sens strict)


Le territoire au sens strict comprend la métropole et les îles proches, les DOM (Guadeloupe,
Martinique, La Réunion, la Guyane, et Mayotte), les collectivités d'outremer (Polynésie française, Saint-
Pierre et Miquelon, Saint-Martin et Saint-Barthélémy), les territoires d'outremer (terres australes et
antarctiques, Wallis et Futuna), et une collectivité sui generis (la Nouvelle Calédonie, qui devrait organiser
un référendum dans les prochaines années sur son indépendance).
Certains de ces territoires d'outremer sont traités exactement de la même manière que la
métropole (les DOM) : d'ailleurs, le Code pénal est entré au même moment dans les DOM qu'en métropole,
alors qu'il est resté en vigueur postérieurement sur le reste du territoire. On peut prendre en compte
certaines spécificités des DOM mais cela ne peut pas concerner la loi pénale qui s'applique comme en
métropole, en vertu du principe de l'assimilation législative (ex: il existe en droit français un délit
d'orpaillage qui ne s'applique que dans les DOM).
Pour les autres territoires d'outremer, le principe est inversé : on connaît un principe de spécialité
législative. Ainsi, pour que les dispositions de droit pénal et de procédure pénale s'appliquent, il faut des
textes qui l'énoncent ; c'est ce qui explique qu'à la fin de chaque loi pénale, un article ou une série d'articles
concernant les territoires d'outremer (hors les DOM) précisant ce qu'il en est.
Contrairement à une idée répandue, les ambassades et locaux diplomatiques ne sont pas exclus du
territoire français : ils ne sont donc pas des parcelles du territoire étranger, et relèvent par conséquent de la
compétence française. Toutefois, cette compétence est rendue difficile du fait de l'inviolabilité de ces
locaux.

2. L'espace maritime
L'espace maritime est aussi appelé mer territoriale ; il est fixé à 12 miles marins à compter de la
côte. Au delà de cette limite, la loi française cesse de s'appliquer. Cette compétence territoriale maritime
n'est cependant pas totalement la même que celle concernant la loi terrestre puisqu'il existe des limitations
concernant les navires battant pavillon étranger : en effet, les infractions commises en mer territoriale à
bord ou à l'encontre de navires battant pavillon étranger ne relèvent pas nécessairement de la loi française,
en vertu du principe de liberté des mers et du principe du droit de passage inoffensif.
Il en découle donc l'idée que sur l'espace maritime, la loi de compétence principale est la loi du
pavillon et la compétence territoriale est une compétence subsidiaire. En droit français, cette idée a été
relayée par un avis CE du 20 novembre 1906 à valeur législative : les infractions intervenues à bord d'un

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navire étranger ne relèvent pas de la compétence française, sauf si elles sont commises contre ou par une
personne ne faisant pas partie de l'équipage (cf affaire Mac Ruby, Cass. crim du 30 mai 1995, séance n°5 TD).
Toutefois, par exception, il est possible que la loi française soit compétente si le commandant du navire
requiert l'intervention des autorités françaises, ou si l'infraction compromet la tranquillité du port français
de séjour.
Il existe une Convention des Nations-Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 dite
Convention de Montego Bay, ratifiée par la France en 1996. Cette convention délimite une zone
économique exclusive (ZEE) qui s'étend au delà de la mer territoriale, dans la limite de 200 miles marins.
Cette ZEE fait l'objet d'un régime juridique particulier, qui donne à l’État des droits souverains, notamment
en matière d'exploitation et de gestion des ressources naturelles situées dans cette zone (ex: l’État peut
construire dans cette zone une île artificielle). Cette convention prévoit également la possibilité d'adopter
des dispositions pénales : en effet, en application de cette Convention, la France est compétente pour
adopter des lois ou règlements qui visent à prévenir, à réduire ou à maîtriser la pollution du milieu marin.
Cette réglementation s'applique aussi bien aux navires français qu'aux navires étrangers. Seulement, dans
ce cas, concernant les ressortissants étrangers, ils ne peuvent encourir qu'une peine d'amende et jamais
une peine privative de liberté. On trouve la traduction de cette Convention dans le Code de
l'environnement, notamment à l'article L. 218-48 (infraction d'immersion de déchets).

3. L'espace aérien
L'espace aérien est tout ce qui se trouve au dessus de la terre et de la mer territoriale, mais pas au
dessus de la ZEE. Ainsi par exemple, la compétence française peut être retenue si un avion détourné survole
le territoire français.

B. Le territoire par extension

Le territoire par extension comprend des navires et des aéronefs.

1. Les navires
L'article 113-3 du Code pénal prévoit la compétence territoriale pour les infractions commises à
bord et à l'encontre des navires français. Cette compétence est même exclusive pour les navires de la
marine nationale. Cette compétence exclusive est le pendant de la compétence exclusive reconnue pour les
lois étrangères : selon l'article 32 de la Convention de Montego Bay, la compétence est exclusivement celle
de la nationalité des navires militaires.
L'article 113-3 ne s'applique qu'aux navires, ce qui exclut les bateaux de navigation fluviale, en vertu
de la liberté des mers. C'est ce que la Cour de cassation a confirmé dans un arrêt Cass. crim du 17
septembre 2007, où la chambre criminelle a cassé un arrêt de la chambre d'instruction qui avait appliqué
cet article à un vol de bateau fluvial alors qu'il était amarré en Allemagne.

2. Les aéronefs
L'article 113-4 du Code pénal dispose : « La loi pénale française est applicable aux infractions
commises à bord des aéronefs immatriculés en France, ou à l'encontre des personnes […]. » Cet article
transpose donc aux aéronefs les dispositions applicables aux navires.
Ce texte a permis de fonder la décision par exemple de l'affaire Carlos, Cass. crim, 26 novembre
1996 (Bull. crim. n°424) : Carlos porte plainte avec constitution de partie civile pour enlèvement et
séquestration de personnes, sans ordre de la part des autorités constituées. En effet, selon lui, il a été
assailli par des fonctionnaires Soudanais, qui l'auraient menotté, mis une cagoule, et emmené à l'aéroport,
livré à des citoyens français eux-mêmes cagoulés l'embarquant dans un avion français. La Cour de cassation
au contraire dit que dès lors que cet individu se trouvait à bord d'un avion français, alors la loi française est
compétente.

Il ressort de ces textes (art. 113-3 et 113-4 C. pénal) que la loi française est applicable dès lors que
l'infraction a été commise à l'encontre ou à bord d'un navire ou d'un aéronef immatriculé en France, où

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qu'il se trouve. Les deux textes précisent que la loi française est la seule applicable pour les navires et
aéronefs militaires français.
On doit admettre que la loi française est compétente à propos d'infractions commises sur ou à
l'encontre de navires ou d'avions étrangers qui se trouvent sur le territoire de la République. Pour cela, il
faut également lire l'article 113-11 du Code pénal qui prévoit que « la loi pénale française est applicable
aux crimes et délits commis à bord ou à l'encontre des aéronefs non immatriculés en France, ou des
personnes se trouvant à bord, dans les cas suivants :
 quand l'auteur ou la victime de l'infraction est française ;
 quand l'appareil a atterri en France après le crime ou le délit ;
 quand l'avion a été donné en location à une personne (morale) qui a le siège principal de son
exploitation en France. »

§2: La commission de l'infraction

1°) Tout d'abord, le droit pénal français est applicable quand l'infraction est réalisée ou consommée
en France : on dit alors que l'infraction a été commise en France.

2°) De plus, le droit français est également applicable lorsque l'un des faits constitutifs de
l'infraction a eu lieu en France : l'infraction est alors réputée commise en France. L'article 113-2 du Code
pénal que « l'infraction est réputée commise sur le territoire de la République dès lors qu'un de ses faits
constitutifs a eu lieu sur ce territoire. » Cet article 113-2 parle de faits constitutifs et non pas d'éléments
constitutifs de l'infraction (qu'on utilise pour parler d'élément matériel ou moral) : en effet, il suffit qu'un
fait participant à la commission de l'infraction soit commis en France pour que le droit français soit
compétent, peu importe que ce fait soit un élément constitutif de l'infraction ou pas. Par exemple, la
jurisprudence considère qu'il suffit qu'un acte préparatoire de l'infraction soit commis en France pour que
le droit français soit compétent, alors même que l'acte préparatoire n'est pas un élément constitutif de
l'infraction (mais il peut être considéré comme un fait constitutif de l'infraction).
 C'est ainsi selon la Cass. crim, 28 novembre 1996 qu'un Belge établi en Espagne peut être poursuivi
en France pour escroquerie dès lors que la remise des fonds (élément constitutif de l'infraction) a
été effectué en France.
 Cass. crim, 12 février 1979 : une propriétaire française de tableaux les confie à Paris à une
Allemande afin qu'elle les expose et qu'elle les vende à Cologne ; cette Allemande détourne une
partie du prix de vente, elle peut être poursuivie en France pour abus de confiance dès lors que
l'élément constitutif a été commis en France (c'est-à-dire la remise des toiles et le contrat de
mandat).
 Cass. crim, 9 novembre 2011 (RSC 2012, p. 144) : le fait pour un ressortissant suisse d'escorter en
France deux femmes étrangères dans le but de les conduire quotidiennement à Monaco pour
qu'elles se livrent à de la prostitution lors d'une grande rencontre automobile, constitue des faits de
proxénétisme pouvant relever de la compétence de la loi française, sur le fondement de l'article
113-2 al. 2 du Code pénal.
Une difficulté concernant la localisation des infractions tient à l'évolution des nouvelles
technologies, puisque avec l'arrivée d'internet, on s'est assez rapidement posé la question de savoir
comment rattacher l'infraction à un territoire, lorsque l'espace est virtuel. Une infraction commise sur
internet relève-t-elle de la loi française, dès lors que le site de diffusion est situé à l'étranger ? La
jurisprudence considère que cela dépend de l'infraction qui a été commise :
 Dans certaines décisions, elle considère que le simple fait de recevoir en France un message diffusé
par internet suffit à fonder la compétence de la loi pénale française. Quand on y regarde de plus
près, ce type de décisions concerne en général les infractions de presse (ex: diffamation) qui
répondent à des conditions dérogatoires et traitées dans la loi du 29 juillet 1881.
 Cass. crim, 8 décembre 2009 (n°09. 82-120) : Dans une affaire où il s'agissait d'un délit de menaces
de mort proférées à l'étranger mais diffusées à la télévision française (en l'espèce, les menaces

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avaient été proférées par le président croate à l'encontre d'un avocat français, et diffusées en
France), la Cour de cassation a considéré que ces menaces ne relevaient pas de la compétence
française, le principe de territorialité ne peut pas s'appliquer.

3°) La loi française est également compétente pour une infraction entièrement commise à
l'étranger, dès lors que la complicité a eu lieu sur le territoire français. L'article 113-5 du Code pénal dispose
que « la loi pénale française est applicable à quiconque s'est rendu coupable d'un crime ou d'un délit comme
complice […] ». En d'autres termes, cet article renvoie à deux cas de figure :
 Quand l'infraction principale a eu lieu sur le territoire français et que des actes de complicité ont
été commis à l'étranger, alors la loi française s'applique non seulement à l'auteur, mais aussi au
complice (même si celui-ci ne s'est jamais rendu en France) car on considère que le complice se
rattache à l'infraction.
 Quand l'infraction principale a eu lieu à l'étranger et que la complicité a été commise en France,
alors la loi française ne peut pas s'appliquer pour punir les auteurs, mais en revanche elle sera
compétente pour juger tout complice. Toutefois, pour pouvoir juger en France le complice d'une
infraction commise à l'étranger, deux conditions doivent être réunies (du fait que la complicité
dépende de la criminalité du fait principal auquel elle est associée) :
▪ l'infraction principale doit être punissable en France ;
▪ l'infraction principale commise à l'étranger doit être incontestée : il faut donc qu'elle ait
donné lieu à une décision définitive de la juridiction étrangère.

4°) La jurisprudence admet que les infractions commises à l'étranger soient jugées en France s'il
existe un lien de connexité ou d'indivisibilité avec d'autres faits commis en France. La connexité et
l'indivisibilité sont des notions proches mais pas synonymes :
 l'indivisibilité est le fait pour des infractions d'être liées par une cause ou un dessein commun ;
 la connexité renvoie quant à elle à un lien de corrélation (unité de temps et de lieu) entre deux
infractions.
C'est ainsi par exemple que la loi française a pu être compétente pour juger d'une infraction
commise à l'étranger, dès lors que l'association de malfaiteurs (qui avait réalisé les faits à l'étranger) était
constituée en France.

SECTION 2 : LES LIMITES LIÉES AU PRINCIPE DE TERRITORIALITÉ

Ces limites sont principalement de deux ordres :


 la loi française s'applique à tous les délinquants qui commettent une infraction sur le sol français,
quelle que soit leur nationalité et quel que soit leur statut ; mais il existe une limite de type
personnel quand un individu est protégé par l'immunité de juridiction ;
 par ailleurs, si la loi pénale française s'applique de manière exclusive sans s'inquiéter du droit
étranger, il existe cependant des cas dans lesquels la décision prononcée à l'étranger doit être prise
en compte dans la compétence de la loi française.

§1: Les limites liées à une immunité

La compétence de la loi française peut se heurter à une immunité de juridiction d'une personne de
nationalité étrangère : ainsi, les actes de poursuite pénale ne seront pas être engagés à l'encontre de ces
personnes. Il ne s'agit pas à proprement parler d'une incompétence de la loi pénale française, mais il existe
un obstacle à la mise en œuvre de la loi qui rend les juridictions françaises incompétentes.
Ici, on opère donc une dissociation entre la compétence de la loi et la compétence du juge, qui a une
importance : parce que la loi française reste compétente, s'il y a une renonciation à l'immunité, alors les

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juridictions françaises pourront juger.

1. L'immunité des chefs d’État et gouvernements


D'abord, cette immunité profite aux gouvernants et aux organes d'un État étranger (c'est-à-dire
chefs d’États et membres de gouvernements étrangers). Cette règle découle de la coutume internationale
qui interdit que les chefs d’État et les gouvernements puissent être déférés et poursuivis devant une
juridiction autre que celle de leur État, en vertu du respect du principe de la souveraineté étrangère.
 C'est ainsi que la chambre criminelle de la Cour de cassation, dans un arrêt Cass. crim du 13 mars
2001 (Bull. crim. n°64) a refusé les poursuites engagées contre Khadafi alors qu'il était encore
président de la Libye (instruction d'un attentat commis contre un avion qui avait explosé au Niger et
contenait des ressortissants français).
 Cass. crim, 19 janvier 2010 (Bull. crim. n°9) : un naufrage est survenu au large des côtes africaines,
d'un navire battant pavillon sénégalais et qui avait fait 1 863 victimes parmi lesquelles plusieurs
ressortissants français. Plusieurs familles des victimes et des rescapés portent plainte pour
homicide, blessures involontaires, et défaut d'assistance de personnes en péril, contre le premier
ministre et le ministre des forces armées. La chambre de l'instruction annule les mandats d'arrêt, et
la Cour de cassation confirme : « La coutume internationale qui s'oppose à la poursuite des États
devant des juridictions pénales d'un État étranger, s'étend aux organes et entités qui constituent
l'émanation de l’État, ainsi qu'à leurs agents, en raison d'actes qui relèvent de la souveraineté de
l’État condamné. »
Il ressort de ces deux décisions que l'immunité de juridiction ne concerne que les actes qui relèvent
de la souveraineté étrangère. On pourrait donc se poser la question de savoir si l'immunité de juridiction ne
couvre pas que les actes qui sont liés aux fonctions étatiques ; mais il n'y a pas assez d'éléments en droit
français pour le dire. Quoi qu'il en soit, le sens de l'histoire du droit va plutôt vers une restriction des
immunités de juridiction : preuve en est dans le statut de la Cour pénale internationale qui prévoit
qu'aucune immunité ne saurait écarter la responsabilité des chefs d’État pour les grands crimes
internationaux (art. 27).

2. L'immunité des agents diplomatiques


L'immunité bénéficie aussi aux agents diplomatiques, qui ne peuvent pas être poursuivis en France
pour les infractions qu'ils auraient commises, selon la Convention de Vienne de 1961. Cependant, il est
possible que cette immunité soit levée, la loi française redevient alors compétente.

Si ces chefs d’État, gouvernements et agents diplomatiques bénéficient d'une immunité, ils peuvent
toutefois être entendus comme témoins : art. 656 du Code de procédure pénale.

3. Les militaires étrangers présents en France


Les militaires étrangers présents en France qui commettraient une infraction dans le cadre de leurs
fonctions bénéficient également d'une immunité.

§2: Les limites timides liées à une décision étrangère

Le principe est celui en vertu duquel la loi pénale française (et donc le juge français) est indifférente
au jugement étranger, et donc a fortiori aux poursuites qui ont lieu à l'étranger. En effet, reconnaître le
jugement étranger reviendrait à intégrer en droit pénal français une norme étrangère, et serait donc
contraire à la souveraineté nationale. La Cour de cassation a posé depuis très longtemps ce refus de prendre
en compte les décisions étrangères :
 Cass. crim, 14 avril 1868 : « La règle selon laquelle les jugements rendus par les tribunaux étrangers
ne peuvent produire d'effets en France n'est que la conséquence du principe de souveraineté de
chaque État sur le territoire. »
Par ailleurs, au soutien de ce refus, certains auteurs ont avancé l'idée que les États sont les seuls à

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même de répondre à une atteinte à l'ordre public qui ont pu être causées sur leur propre territoire. En
conséquence, la loi pénale française autorise à ce que l'on rejuge un individu déjà condamné à l'étranger,
pour une infraction commise en France (il en va autrement pour les infractions commises à l'étranger mais
soumis à la compétence française) : le principe de territorialité prévaut. Ce principe sévère est démontré
par l'idée que lorsqu'une infraction a été commise en France par un individu étranger dont le pays demande
une extradition, la France refusera.
 Cass. crim, 23 octobre 2013 (Bull. crim. n°201, RSC 2014 p. 857) : cette affaire met en cause l'auteur
soupçonné d'un meurtre commis en France, qui après les faits s'est réfugié à l'étranger (franco-
algérien qui s'enfuit en Algérie). La France ne peut pas extrader ses nationaux, la France n'a donc
pas eu d'autre possibilité que de dénoncer les faits aux autorités algériennes : l'individu a été
poursuivi et condamné en Algérie pour coups mortels à 5 ans d'emprisonnement, qu'il a purgés en
Algérie. Une fois libéré, l'individu souhaite revenir en France et s'y établir ; son avocat apprend par
le juge d'instruction qu'une information judiciaire est toujours ouverte pour meurtre, et que son
client est toujours sous le coup d'un mandat d'arrêt international. Il dépose en France une requête
tendant à faire constater que l'action publique est éteinte, du fait d'une condamnation définitive
prononcée à l'étranger et exécutée. Le juge d'instruction ordonne donc un non-lieu, mais la partie
civile fait appel de cette décision ; la chambre de l'instruction n'a pas d'autre choix que d'appliquer
les principes en la matière, à savoir qu'une décision prononcée par un tribunal étranger n'a pas
autorité de chose jugée à l'égard de faits commis en France. Cet individu a soutenu devant la
chambre de l'instruction que cette décision avait été prononcée en contradiction avec le principe
non bis in idem. La Cour de cassation rejette son pourvoi : « La dénonciation faite à un État
étrangers aux fins de poursuites n'emporte pas renonciation de la part de l’État requérant à
l'exercice de son droit de poursuite. […] En dehors des cas où un texte spécial en dispose autrement,
et sous réserve de la déduction lors de l'exécution de la peine, de la détention subie à l'étranger, les
décisions rendues par les juridictions pénales étrangères n'ont pas en France l'autorité de la chose
jugée lorsqu'elles concernent des faits commis sur le territoire de la République. »
Cette possibilité de juger deux fois est effectivement contraire au principe non bis in idem, mais
pour autant ne contrevient pas aux exigences internationales.
La CESDH quant à elle pose le principe non bis in idem à l'article 4 du Protocole n°7, mais le limite au
niveau national, à l'intérieur d'un même État. Cependant, de façon exceptionnelle, il est possible de prendre
en compte une décision étrangère quand il y a un accord en ce sens entre États, accord qui repose sur une
idée de confiance : la Convention d'application de l'accord de Schengen de 1990 prévoit à l'article 54 qu'au
sein de Schengen, une personne définitivement jugée par un État ne peut pas l'être une seconde fois par un
autre État. Mais l'article 55 prévoit une limite : une partie contractante peut, au moment de la ratification
de la Convention, déclarer qu'elle n'est pas liée par le principe non bis in idem lorsque les faits ont eu lieu
en tout ou partie sur son territoire. Ainsi, tous les États membres ont posé cette réserve.
Ce principe sévère exprime l'attachement de la loi pénale comme expression de la souveraineté
nationale. Pour autant, si la compétence territoriale est la première des compétences, elle ne laisse pas
forcément sa compétence, dès lors que l'infraction a été commise à l'étranger.

Chapitre 2 : Les infractions commises à l'étranger :


les compétences extraterritoriales de la loi pénale française

A priori, on pourrait penser que la loi pénale française n'a pas compétence pour réprimer les
infractions commises à l'étranger, dans la mesure où son ordre public n'est pas atteint : principe de
territorialité de la loi pénale étrangère. Cependant, on considère que si l'auteur est français, si la victime est
française, si les intérêts de la France sont en jeu, ou si les valeurs de la France sont en jeu, alors la loi

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française peut parfois s'appliquer. Dans tous les cas, il faut un élément de rattachement à la loi française.

SECTION 1 : LES INFRACTIONS COMMISES À L'ÉTRANGER ET IMPLIQUANT UN FRANÇAIS :


LA COMPÉTENCE PERSONNELLE DE LA LOI PÉNALE FRANÇAISE

La compétence est personnelle lorsqu'elle est liée à la nationalité française de l'auteur ou de la


victime. Sous le code d'instruction criminelle (ancien CPP), cette compétence personnelle existait déjà mais
elle devait être double : l'auteur et la victime devaient être français.
Les choses ont changé à partir d'une loi du 27 juin 1866 qui crée la compétence personnelle active
(la loi pénale française peut s'appliquer pour des infractions commises à l'étranger par des Français) ; puis la
loi du 11 juillet 1975 autorise la compétence personnelle passive (dans le cas où l'infraction est commise
sur des Français). Depuis ces deux lois et à certaines conditions, la loi française s'applique quand l'auteur est
français (CPA) et quand la victime est française (CPP).

§1: Les infractions commises à l'étranger par un Français  : la compétence personnelle active

Le principe de compétence personnelle active repose d'abord sur le refus d'extrader ses
nationaux : c'est parce qu'on refuse d'extrader ses nationaux qu'on prévoit de pouvoir les juger en France
dès lors qu'ils ont commis l'infraction.
En outre, ce principe repose aussi sur le fait que certains comportements considérés chez nous
comme étant des infractions ne le sont pas ailleurs, ou sont moins sévèrement punies. Aujourd'hui, cette
règle figure à l'article 113-6 du Code pénal : « La loi pénale française est applicable à tout crime commis par
un Français hors du territoire de la République. Elle est applicable aux délits commis par des Français hors du
territoire de la République si les faits sont punis par la législation du pays où ils ont été commis. »

A. Considérations relatives aux infractions commises à l'étranger

1. Les crimes
Concernant le champ d'application de ce texte, pour les crimes la question est résolue très
simplement : l'article 113-6 prévoit que la loi française s'applique à tout crime commis par un Français à
l'étranger.

2. Les délits
Pour les délits, la loi française est clairement compétente, mais il faut pour cela que deux conditions soient
réunies :
 D'abord, il faut que les faits soient punis par la législation du pays où ils ont été commis : cette
condition est la double-incrimination, en vertu de laquelle le juge devra vérifier que les faits sont
incriminés non seulement en France, mais aussi à l'étranger. C'est ce qui explique que certains délits
punissables en France ne peuvent pourtant pas être jugés en France : c'est aux juges du fond de
déterminer la qualification des faits, et de savoir s'ils sont incriminés à l'étranger. Étant une question
de fait et non de droit, la Cour de cassation ne contrôle pas cette question.
▪ Arrêt Cass. crim, 12 novembre 1997 (Bull. crim, n°383) : une femme franco-suisse est
poursuivie en France pour non représentation d'enfants en Suisse. En l'espèce, selon cette
femme les faits incriminés en France ne sont pas punis par la loi suisse (il n'y a qu'un texte
portant sur l'insoumission à une décision d'autorité, et qui est une contravention) : en vertu
du principe de l'application stricte de la loi pénale, elle ne peut donc pas être poursuivie en
France. La Cour de cassation répète que les juges du fond ont dû prendre en compte la loi
étrangère ; en tout état de cause, ils ont considéré que les faits étaient punissables en

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Suisse, mais l'interprétation d'une loi étrangère est une compétence qui échappe à la Cour
de cassation (elle s'en réfère donc à la qualification donnée par les juges du fond).
▪ Ordonnance TGI de Créteil, 30 septembre 2004 (commentaire Dalloz 2005, p. 276) : un couple
français avait effectué des démarches amenant en Californie à la conclusion d'un accord de
procréation pour autrui. La cocontractante des époux a mis au monde des jumelles, qui ont
été considérées par un jugement américain comme étant au couple français. À l'époque,
l'état civil français refuse de transmettre de tels actes, le dossier est transmis au parquet de
Créteil qui ouvre une enquête pour délit d'entremise en vue de la gestation pour le compte
d'autrui (6 mois d'emprisonnement + 7 500 € d'amende). Mais ce délit apparaît
inapplicable en l'espèce, car toutes les démarches ont été faites aux États-Unis, pays dans
lequel ces faits ne sont pas constitutifs d'une infraction.
 En outre, il faut que la poursuite soit exercée à la requête du ministère public, après une plainte de
la victime ou de ses ayants-droit, ou après dénonciation officielle des autorités du pays dans lequel
le fait a été commis. On ne peut donc pas recevoir directement les plaintes avec constitution de
partie civile. En revanche, peu importe l'endroit où la plainte est déposée (pas nécessairement en
France). Ainsi, dans une décision Cass. crim, 24 novembre 1998, une Allemande avait porté plainte
auprès des services locaux en Allemagne pour agression sexuelle sous la menace d'une arme, par
un ressortissant français. Le tribunal allemand transmet la plainte au parquet d'un tribunal français
pour ouverture d'une information. L'individu mis en cause demande une annulation du réquisitoire
introductif car selon lui la plainte ayant été déposée en Allemagne, la France n'a pas à juger de cette
plainte ; la Cour de cassation lui répond que la France est tout de même compétente, car « il
importe peu que la plainte ait été déposée en France ou à l'étranger, dès lors que la plainte a été
transmise aux autorités françaises. »
Toutefois, ces deux conditions de requête du ministère public, et de nationalité de l'auteur pour
pouvoir juger d'un délit commis à l'étranger par un Français, ne sont plus exigées pour certains délits
spécifiques qui donnent compétence à la loi pénale française : abstraction faite d'une plainte ou d'une
dénonciation, et abstraction faite aussi de la nationalité de l'auteur, à partir du moment où il s'agit d'une
personne résidant habituellement en France. Aujourd'hui, on peut relever trois hypothèses dans lesquelles
l'auteur ne peut être que résidant en France et pas forcément de nationalité française :
 La lutte contre le tourisme sexuel, puisque dans toutes les hypothèses d'infraction sexuelle sur
mineur, il n'est plus nécessaire que l'auteur soit français dès lors qu'il vit sur le territoire français, ni
qu'il y ait une plainte qui soit transmise au parquet par les autorités étrangères ;
 La lutte contre le clonage : le fait de se prêter à un prélèvement de cellules de gamètes, tout en
sachant que ces gamètes serviront au clonage, est puni en France de 10 ans d'emprisonnement et
150 000 euros d'amende.
 Le terrorisme : l'article 113-13 du Code pénal (introduite par une loi du 21 décembre 2012) prévoit
que « la loi française s'applique aux crimes et délits qualifiés d'actes de terrorisme commis à
l'étranger par un Français ou par une personne résidant habituellement sur le territoire français. »

3. Les contraventions
Pour les contraventions, il n'en est pas fait mention dans l'article 113-6 qui ne parle que des
« crimes et des délits » : on peut en déduire que l'atteinte à l'ordre public n'est pas suffisante pour punir des
contraventions commises à l'étranger par un Français. Il existe une exception concernant les contraventions
relatives aux transports de la route : c'est alors les juridictions françaises qui sont compétentes pour juger
de telles contraventions commises à l'étranger par un Français.

B. Considérations relatives à la nationalité

Le principe de personnalité active s'applique alors même que le prévenu aurait acquis la nationalité
française postérieurement aux faits commis. Ainsi, l'auteur de l'infraction doit être de nationalité française
au moment des faits ou après les faits : on souhaite en effet éviter que les prévenus, pour échapper à la
compétence française, changent de nationalité.

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C'est au parquet de prouver que l'individu poursuivi est français. La question de la nationalité relève
du tribunal de grande instance (donc juridictions civiles), sauf s'il s'agit d'une affaire en assises car la Cour
d'assises possède une plénitude de compétence (art. 29 du Code civil).

§2: Les infractions commises à l'étranger sur un Français : la compétence personnelle passive

Avant la loi du 11 juillet 1975, la compétence personnelle passive n'existait pas. La question est
arrivée à l'occasion d'une prise d'otage par un groupement terroriste japonais, intervenue à l'ambassade de
France à La Haye, qu'on ne pouvait pas juger.
Cette question a été davantage discutée que la compétence personnelle active, car pour les
infractions commises par un Français, l'idée est qu'on doit surveiller les nationaux à leur retour en France  ;
en revanche, pour les victimes françaises, la logique n'est pas la même. Beaucoup d’États ne connaissent
pas ce système de la compétence personnelle passive, et ne prévoient pas ainsi de punir les infractions
commises contre leurs ressortissants à l'étranger (exceptées pour des infractions très graves telle que le
terrorisme).
En 1975, l'idée qui l'a emportée était que l’État se devait de protéger ses nationaux, et que donc la
compétence personnelle passive prévalait. L'article 113-7 du Code pénal dispose que « la loi pénale
française est applicable à tout crime ainsi que tout délit puni d'emprisonnement commis par un Français ou
par un étranger hors du territoire de la République lorsque la victime est de nationalité française au moment
de l'infraction. » Ce principe est valable aussi bien si l'auteur est français que si l'auteur est étranger, dès
lors que la victime est française : ce régime de la compétence personnelle passive prévaut donc sur celui de
la compétence personnelle active (car plus large).

A. Considérations concernant les infractions

1. Les crimes
Il n'existe pas de condition pour réprimer les crimes commis sur un Français : il n'est pas nécessaire
que le crime soit punissable dans le pays où il a été commis, et on ne peut pas écarter a priori la
compétence française dès lors que des victimes sont françaises. Exemple :
 Cass. crim, 4 janvier 2005 (Bull. crim. n°1) : plainte déposée par deux Français emprisonnés à
Guantánamo : la Cour de cassation considère qu'à partir du moment où une juridiction d'instruction
est régulièrement saisie d'une plainte avec constitution de partie civile, elle a le devoir d'instruire
même si le ministère public tient des réquisitions contraires.

2. Les délits
Deux conditions doivent être réunies pour que le délit soit sanctionné en France :
 Le délit doit être puni d'emprisonnement en France : pas de condition de double-incrimination, car
on veut protéger les citoyens français quelle que soit la politique d'incrimination de l’État étranger,
et ce au seul motif que la victime est française. On peut y voir ici une restriction du principe de
souveraineté des États.
 La poursuite doit être exercée à la requête du ministère public, faisant suite à une plainte de la
victime ou de ses ayants-droit, ou à une plainte officielle. Des dérogations existent :
◦ les violences commises contre des mineurs français ou résidant habituellement en France : on
n'exige plus une plainte ou dénonciation officielle (volonté de lutter contre l'excision) ;
◦ les crimes de meurtre ou délits de violence commises contre une personne afin de la
contraindre à contracter un mariage ou une union, ou pour avoir refusé cette union (lutte
contre les mariages forcés).

3. Les contraventions
Comme pour la compétence personnelle active, s'agissant des contraventions elles ne sont pas
évoquées dans le texte ; la loi pénale française n'est pas compétente.

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B. Considérations tenant à la nationalité

C'est la victime directe de l'infraction qui doit être française : dans l'arrêt Cass. Crim, 31 janvier
2001, le président Nigérien assassiné au Niger (vraisemblablement par des Nigériens) avait une femme et
des enfants ayant la nationalité française. Mais la victime directe n'étant pas française (seulement ses
ayants-droit), la loi française n'était pas compétente.
Enfin, la victime doit être de nationalité française au moment de l'infraction : si la victime devient
française après l'infraction, la loi française ne sera pas compétente. En effet, on souhaite à éviter que les
victimes d'infraction choisissent le droit qui leur sert le mieux.
La compétence de la loi pénale française est possible à ces conditions, sauf si les faits ont déjà été
jugés à l'étranger. Même si les conditions de la compétence personnelle sont réunies, ce principe de
compétence ne pourra pas être mis en œuvre si l'individu a déjà été définitivement jugé à l'étranger pour
les mêmes faits : l'article 113-9 du Code pénal dispose que « dans les cas prévus aux articles 113-6 et 113-7,
aucune poursuite ne peut être exercée par une personne justifiant qu'elle a été jugée définitivement à
l'étranger pour les mêmes faits et, en cas de condamnation, que la peine a été subie ou prescrite ». Il faut
donc prendre en compte l'autorité de la chose jugée à l'étranger (uniquement pour la compétence
personnelle, et pas la compétence territoriale).
Cette application du principe non bis in idem ne vaut que pour les faits commis à l'étranger (et non
pas pour les faits commis en France, puisque le principe de territorialité ne souffre aucune limite), et ne
vaut que pour les jugements définitifs.
Cette question a été jugée à l'occasion de l'arrêt Krombach, Cass. crim, 2 avril 2014 : cette décision
est venue mettre un terme à l'affaire Krombach 32 ans après les faits (qui avaient vu des décisions
allemandes, françaises, autrichiennes) : décès d'une jeune fille française en Allemagne (Kalinka Banderski),
au domicile de son beau-père (le médecin Dieter Krombach de nationalité allemande). L'enquête établit
qu'il lui avait injecté différents produits ; il est poursuivi en Allemagne par le père de la victime qui était
persuadé que le médecin avait violé sa fille puis qu'il l'avait tuée pour dissimuler son crime. Décision de
non-lieu en 1987, mais procédure pendante en France (constitution de partie civile en 1984). Dans
l'intervalle, Krombach était parti en Autriche, les autorités françaises avaient demandé l'extradition qui a
été refusée par les autorités autrichiennes. Banderski, devant le refus de remettre Krombach aux autorités
françaises, a employé des hommes de main qui ont enlevé le médecin qui a été retrouvé bâillonné et ligoté
dans une rue de Mulhouse. La loi française était applicable en vertu de la compétence personnelle passive
(victime directe française) ; peut-on juger Krombach alors qu'il a été capturé illégalement ? Application de
l'adage male captus, bene detentus (mal capturé, bien détenu), donc possibilité de le juger. Krombach avait
déjà été condamné à 15 ans de réclusion criminelle par contumace (absent au procès), pour violence sur
mineure de moins de 15 ans ayant entraîné la mort sans intention de la donner  ; la procédure n'étant pas
valable, il est renvoyé devant une nouvelle cour d'assises.
Krombach s'est pourvu en cassation sur le fondement de non bis in idem ; ayant bénéficié d'une
décision de classement de l'affaire en Allemagne, peut-on considérer qu'il s'agit d'un jugement définitif  ? (si
oui, il ne peut pas être rejugé en France) L'Autriche avait considéré que le classement en Allemagne
empêchait l'extradition. Mais la Ccass estime que la décision rendue par les Allemands ne peut pas
s'analyser en une décision définitive : « La décision prise par une juridiction étrangère ne peut être vue
comme un jugement définitif que si à la date où elle a été rendue, des poursuites avaient été engagées.  » Or
le classement sans suite pris par le ministère public a été certes confirmé par une juridiction en Allemagne,
mais cette décision n'a pas valeur de jugement définitif. Autrement dit, le classement sans suite rendu en
Allemagne ne peut pas être un obstacle aux poursuites en France sur le fondement de non bis in idem.
L'article 113-9 pose une dernière condition : s'il y a eu un dernier jugement définitif aboutissant à
une condamnation, il faut que la peine ait été subie ou prescrite pour ne pas pouvoir le rejuger en France.
Cette idée s'explique par le fait qu'on ne veut pas que le principe non bis in idem protège l'individu
condamné à l'étranger qui n'a pas purgé sa peine à l'étranger (ex: s'il s'est échappé). Mais comment
prendre en compte l'idée de peine prescrite ?
Dans un arrêt Cass. crim du 16 octobre 2001, un Français avait été définitivement jugé et

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condamné aux États-Unis (Ohio) pour viol. La décision était devenue définitive en 1980, mais l'individu
condamné a réussi à prendre la fuite et à regagner la France. Les États-Unis ne peuvent pas demander
l'extradition (s'agissant d'un national) : ils vont donc dénoncer les faits aux autorités françaises. L'individu
est retrouvé en 1999 (soit 19 ans après les faits), il estime que les faits sont prescrits. Mais les juges vont
préciser que si les faits sont prescrits, en revanche la peine ne l'est pas  ; si la prescription de l'action
publique pour un crime est de 10 ans, la prescription de la peine est de 20 ans.

SECTION 2 : LES INFRACTIONS COMMISES À L'ÉTRANGER SANS IMPLIQUER DE FRANÇAIS

Logiquement, la loi pénale française n'est pas compétente. Mais dans les cas où l'ordre public
français est en cause, ou lorsque des valeurs universelles (donc partagées par la France) sont en jeu, la loi
pénale française peut être compétente. Il faut distinguer le cas où une infraction porte atteinte à l'intérêt de
la France (§1), et les infractions où l'auteur étranger se trouve en France après les faits (§2).

§1: Les infractions portant atteinte aux intérêts de la France

Il s'agit de la compétence réelle de la loi pénale française : dès lors qu'une infraction porte atteinte
aux intérêts fondamentaux de la France, la loi française est applicable même si l'infraction a été commise en
intégralité à l'étranger. Au XXe siècle, Henri Donnedieu de Vabres parlait d'un « droit naturel de légitime
défense des États ». Cette règle de compétence réelle est un principe ancien, puisqu'elle était déjà prévue
dans notre code d'instruction criminelle de 1808. Aujourd'hui, cette règle a son siège à l'article 113-10 du
Code pénal français : « La loi pénale française s'applique aux crimes et délits qualifiés d'atteinte aux intérêts
fondamentaux de la nation. » On ne prend pas ici en compte le lieu de commission de l'infraction, ni la
nationalité de l'auteur de l'infraction, mais les intérêts qui sont en jeu. Lorsque les intérêts français sont
menacés, la loi pénale française est donc compétente. Derrière cette compétence, sont visés ici « les
crimes et délits de trahison et d'espionnage, d'attentat, de complot, les atteintes au secret de la défense
nationale, la falsification et la contrefaçon du Sceau de l’État, la contrefaçon et falsification des pièces de
monnaie et billets de banque, et tous les crimes et délits commis contre les locaux diplomatiques et
consulaires français ».
Ce principe est très important : en démontre le fait que le principe non bis in idem ne s'applique pas
ici à propos de faits déjà jugés à l'étranger. D'ailleurs, à propos du principe de compétence réelle, certains
auteurs parlent de « principe de quasi-territorialité ». Bien que ce principe soit très important, il y a très peu
de jurisprudence sur cette question et il est donc très peu mobilisé.

§2: Les infractions portant atteinte aux valeurs universelles et dont l'auteur se trouve en
France après les faits

Il s'agit là du principe de compétence universelle de la loi pénale française. S'il n'y aucun lien de
rattachement avec un État, il est assez naturel que cet État ne soit pas pénalement compétent  ; cela
explique que traditionnellement, les États aient rejeté l'idée d'universalité. Au XVIIe siècle, dans son Droit
de la guerre et de la paix, Grotius avait plaidé pour la mise en œuvre de cette compétence universelle :
« Certaines infractions peuvent être universellement poursuivies, parce qu'elles violent à l'excès le droit de
nature ou droit des gens à l'égard de qui que ce soit ». Beccaria rejetait lui-même l'idée de la compétence
universelle (chapitre 29 du traité Des délits et des peines).
Au XIXe siècle, on considérait que les États n'étaient pas les représentants des intérêts généraux de
l'humanité. La seule entorse concernait le cas de la piraterie, où déjà au XIXe siècle on admettait la
compétence universelle. Cela s'expliquait par la nécessité de contrer l'extra-territorialité de la haute mer  : la
haute mer ne relevant d'aucune souveraineté, il fallait pourtant punir cette infraction. En outre, bien

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souvent les pirates étaient sans nationalité. C'est pourquoi à cette époque, les États ont fondé leur
compétence sur le seul arraisonnement d'un navire pirate.
En France, la piraterie a été réglementée par une loi du 10 avril 1825, qui donnait compétence aux
juridictions françaises pour punir les faits de piraterie commis hors des eaux françaises, pour des navires
sans pavillon ou battant pavillon étranger, et sans lettre de marque régulière. Cette loi a été abrogée par
une loi de 2007 car on la considérait désuète ; cependant, juste après l'abrogation, on a été confronté à une
recrudescence des faits de piraterie, qui a poussé le législateur français à adopter une nouvelle loi du 5
janvier 2011 relative à la lutte contre la piraterie. Cette loi donne compétence aux juridictions pénales
françaises pour poursuivre et juger les actes de piraterie commis en haute mer, dans les espaces maritimes
ne relevant de la juridiction d'aucun État, et dans les eaux territoriales d'un État quand le droit international
l'autorise.
Les conditions spécifiques et la définition du crime de piraterie de 2011 renvoie à la convention de
Montego Bay (article 101). En droit français, cela correspond aux articles 224-6 et s. du Code pénal : « Le
fait de s'emparer ou de prendre le contrôle par violence ou menace d'un navire ou d'un aéronef (…) est puni
de 20 ans de réclusion criminelle. » L'article 224-6-1 du Code pénal a créé une circonstance aggravante de
bande organisée, qui augmente à 30 ans la réclusion criminelle.
 Affaire du Ponant : un voilier français avait été abordé en avril 2008 par des pirates somaliens, alors
qu'il se trouvait dans les eaux internationales du Golfe d'Aden (entre Djibouti et une île du Yémen).
Une douzaine d'hommes armés avaient pris le contrôle du voilier français, et pris en otage
l'équipage parmi lesquels 20 ressortissants français, avant d'être amarré dans un port de pêche en
Somalie. Une rançon avait été payée pour libérer les otages, puis les pirates ont pris la fuite en
voiture. Les commandos français survolent la zone en hélicoptère, capturent six des pirates et
récupèrent 10 % de la rançon, puis les ramènent en France sur une base militaire. Placés en garde à
vue à Paris, une instruction est ouverte et ils sont placés en détention provisoire. Ces individus ont
contesté le fait de ne pas avoir été présentés rapidement à un juge (autorité judiciaire devant
contrôler leur privation de liberté). La cour d'assises de Paris a condamné en juin 2012 quatre sur
les six individus, allant jusqu'à 6 ans d'emprisonnement. Entre temps, ils saisissent la CEDH qui rend
un arrêt CEDH, 4 décembre 2014, Ali Samatar et autres c. France : la CEDH condamne l’État
français car il y a eu trop de temps écoulé entre l'arrestation par les commandos et la présentation
à un juge d'instruction sur le sol français.
C'est au XXe siècle que la compétence universelle terrestre se développe, afin de lutter contre
l'impunité fréquente de nouvelles infractions. C'est ainsi qu'ont été signée les Conventions sur le faux
monnayage (1929), sur le trafic de stupéfiants, sur les captures et détournements d'aéronefs... La
multiplication de ces conventions a nourri l'idée qu'il existe certains actes d'une gravité telle ou impliquant
de tels intérêts communs, qu'ils portent atteinte à la communauté internationale, au delà du territoire où ils
ont été commis. Dans tous ces cas de conventions, la compétence universelle n'était pas prévue de manière
obligatoire mais subordonnée à une extradition refusée.
Aujourd'hui, l'article 689 du CPP prévoit que la compétence universelle est donc subordonnée à
l'existence d'un texte de loi, ou d'une convention internationale que la France a ratifiée. À partir de là, on
peut distinguer deux idées de compétence universelle :
 une hypothèse liée au refus d'extradition : dès lors que la France refuse d'extrader, elle doit le juger
(même si l'individu n'a rien fait en France) ;
 une hypothèse liée à de grandes infractions qui lèsent la communauté internationale et qui
constituent le cœur de ce qu'est la compétence universelle.

A. Le refus d'extradition

Les juridictions françaises sont compétentes pour les crimes ou délits punis d'au moins 5 ans
d'emprisonnement, commis à l'étranger par un étranger qui, après les faits, se trouve sur le territoire
français et que la France refuse d'extrader vers l’État requérant. Cette compétence quasi-universelle est
prévue par l'article 113-8-1 (introduite en 2004) du Code pénal. Dans ce cas, le refus d'extradition donne
compétence à l’État français pour juger cet individu : il s'agit d'une compétence subsidiaire, mise en œuvre

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de l'adage latin aut dedere, aut punire (ou traduire à l'étranger, ou punir). Dans quel cas la France peut-elle
refuser l'extradition ? Il existe quatre hypothèses :
 D'abord, l'extradition est refusée lorsque le fait pour lequel elle est demandée est puni dans le pays
requérant d'une peine contraire à l'ordre public français (ex: peine de mort, travaux forcés).
 Ensuite, quand la personne réclamée risque d'être jugée dans l’État requérant par un tribunal
n'assurant pas les garanties fondamentales de procédure et de protection des droits de la défense
(ex: pas de droit à un avocat).
 En outre, quand le fait considéré revêt le caractère d'infraction politique.
 Enfin, depuis 2013, lorsque l'extradition serait susceptible d'avoir pour la personne réclamée des
conséquences d'une gravité exceptionnelle, notamment en raison de son âge ou de son état de
santé.
Au départ, la mise en œuvre de cette compétence universelle requérait la dénonciation officielle
des autorités de l’État qui demandait l'extradition. Mais l'on s'est rendu compte qu'il s'agissait d'un frein
pour la procédure ; c'est pourquoi cette condition de dénonciation officielle a disparu avec la loi de 2013.
Désormais, la seule condition restante est que la poursuite de l'infraction ne peut être exercée qu'à la
requête du ministère public.

B. Les infractions lésant la communauté internationale

Selon l'article 689-1 du CPP, « en application des conventions internationales visées, peut être
poursuivie et jugée par les juridictions françaises si elle se trouve en France toute personne qui s'est rendue
coupable hors du territoire de la République de l'une des infractions énumérées ». On parle ici du principe
de compétence universelle. On peut les ranger en cinq thèmes (art. 689-2 et s. CPP) :
 La convention contre la torture et autres peines ou traitements inhumains ou dégradants
(Convention des Nations Unies de 1984) : Cass. crim, 3 mai 1995, Mac Ruby : un porte-conteneur
battant pavillon des Bahamas, effectuait un transport de marchandises entre un port ghanéen et Le
Havre, avec des marins Ukrainiens. 9 passagers clandestins ghanéens ont été emprisonnés pendant
plusieurs jours dans des conditions dégradantes, et fusillés. L'un d'entre eux s'est échappé et a
donné l'alerte aux autorités françaises. La Cour de cassation confirme ce que disent les juges du
fond : il y a là deux motifs de compétence de la loi française :
▪ d'abord, infractions commises par ou contre une personne ne faisant pas partie de
l'équipage, dans les eaux territoriales ;
▪ en outre, l'article 689-2 du CPP et la convention contre la torture donnent compétence aux
juridictions pénales françaises pour poursuivre ou juger en France quiconque s'est rendu
coupable de traitements inhumains ou dégradants.
Arrêt Cass. Crim, 21 janvier 2009, Billon : faits déroulés au Cambodge, certes la France pouvait ne pas être
compétente sur le fondement de la compétence personnelle passive, mais pour autant on pouvait retenir la
compétence sur le fondement de la compétence universelle.
 Les conventions en matière de terrorisme de 1977, 1998 et 2000 donnent compétence à la France.
 La convention sur la protection physique des matières nucléaires (infractions commises au moyen
d'une matière nucléaire) de 1980.
 Les conventions qui touchent aux moyens de transport (principalement navires et aéronefs)
 Les conventions sur la corruption au sein de l'Union européenne de 1996 et 1997.
Dans tous ces cas, la compétence universelle est subordonnée à la présence en France après les faits de la
personne mise en cause. Cette condition sine qua non s'explique par des considérations pragmatiques : la
compétence universelle serait complètement théorique si la personne se trouvait à l'étranger. D'ailleurs, la
Belgique qui avait adopté une compétence universelle totale par deux lois de 1993 et de 1999 (ne
nécessitant pas la présence du mis en cause sur le sol belge) a dû faire marche arrière, non seulement du
fait que cette loi a indisposé certains États, mais aussi du fait d'une avalanche de plaintes en Belgique. Trois
précisions :
 C'est la présence de la personne mise en cause qui est requise (et non pas celle des victimes) ;

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 La compétence universelle s'applique aux auteurs ou aux complices présents en France. Certains
auteurs disent que comme en France, la poursuite du complice repose sur le mécanisme de
criminalité d'emprunt, on ne pourrait pas poursuivre le complice sans l'auteur ; mais le texte dit
« auteurs ou complices », donc on peut poursuivre les complices mêmes sans les auteurs.
 La chose jugée à l'étranger fait obstacle à la compétence universelle.
Il reste une interrogation sur un point : la question des immunités de juridiction. => Si l'on poursuit
en France un chef d’État pour un crime international, est ce que l'immunité de juridiction vaut ? La
compétence universelle qui est mise en œuvre en France donne lieu à l'application de la loi française, or la
loi française prévoit les immunités de juridiction ; mais en même temps, en matière de grands crimes
internationaux, les statuts des juridictions pénales internationales (notamment la CPI) excluent de telles
immunités pour les crimes internationaux par nature.

Le cas particulier de la CPI : l'article 689-11 du CPP introduit dans le code en 2010 étend la
compétence universelle française aux crimes relevant de la compétence internationale. Cet article 689-11
CPP jusqu'à aujourd'hui n'a donné lieu à aucune application : jamais le juge français n'a considéré que la loi
française était compétente sur ce fondement. Concernant cet article, la compétence française est
subordonnée à quatre conditions (le Cconstit a déclaré cet article conforme à la Constitution dans une
décision DC du 5 août 2010) pour que la loi française puisse s'appliquer à un individu ayant commis à
l'étranger l'un des crimes relevant de la compétence de la CPI :
 L'individu mis en cause doit avoir sa résidence habituelle en France  : ainsi, cette condition peut
apparaître à la fois moins exigeante et plus exigeante que la condition classique de présence sur le
territoire français :
◦ moins sévère en ce que si l'on peut considérer qu'une personne qui a sa résidence habituelle en
France peut être poursuivie même si au moment où les poursuites sont déclenchées, l'individu
s'est enfui à l'étranger ;
◦ plus exigeante car il ne suffit pas qu'une personne se trouve sur le sol français après avoir
commis un de ces crimes pour qu'elle puisse être inquiétée : il faudra également que la
personne ait sa résidence habituelle en France (= volonté d'éviter qu'on puisse poursuivre une
personnalité étrangère de passage sur le territoire français).
 Il faut que ces faits soient punis par la législation de l’État où ils ont été commis ou l’État dont
l'individu est ressortissant, ou bien que cet État soit partie au Statut de Rome. Dans le cas de faits
commis dans un État qui n'avait pas ratifié le Statut de Rome, on ne peut pas poursuivre l'individu.
 Cette compétence de la juridiction française n'est possible qu'à la requête du ministère public  : il n'y
a donc pas de possibilité de plainte avec constitution de partie civile. Cela s'explique par le souci
d'éviter que la justice pénale française puisse être saisie de façon trop intempestive. Certains
critiquent cette condition en considérant que cela considérait une rupture d'égalité entre victimes
de crimes commis à l'étranger : selon que ces victimes sont françaises ou non, les conditions pour
saisir les juridictions françaises sont différentes. En effet, en vertu de la compétence personnelle
passive, les victimes françaises de crimes commis à l'étranger pourront saisir le juge français avec
constitution de partie civile (art. 113-8 CP) ; au contraire, une victime étrangère ne pourra pas
porter plainte car il faut une requête du ministère public. Toutefois, le Conseil constitutionnel a
considéré qu'il n'y avait pas de rupture d'égalité car il s'agissait de situations différentes.
 Pour que la juridiction française puisse juger, il faut qu'aucune juridiction nationale ou
internationale n'ait demandé la remise ou l'extradition de la personne poursuivie. Ainsi, le parquet
doit vérifier que la CPI décline expressément sa compétence, et qu'aucun État ne demande
l'extradition de la personne mise en cause. On est donc dans le cas d'une compétence universelle
subsidiaire, dans la mesure où il ne faut pas qu'il y ait de poursuites internationales ou étrangères.
L'article 689-11 exige que la CPI décline sa compétence, ce qui suppose une saisine de la CPI (alors
qu'on aurait pu simplement vérifier que la CPI n'était pas déjà saisie).

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24
SECONDE PARTIE : L'ENTRAIDE PÉNALE INTERNATIONALE

L'entraide pénale internationale peut être définie selon les mots de Claude Lombois comme étant
« l'ensemble des moyens par lesquels un État prête le concours de sa force publique ou de ses institutions
judiciaires à l'instruction, au jugement ou à la répression d'une infraction par un autre État ».
Lorsque l'infraction (ou le délinquant) échappe aux frontières nationales, le droit pénal ne peut pas
s'appliquer naturellement et facilement. Si la poursuite ou le jugement est compliqué, si le procureur décide
de poursuivre il ne le fera pas seul : le cas de la compétence extra-territoriale est le cas où l'on doit
« décider qu'une loi portera son ombre plus loin que les frontières » (Claude Lombois). Dès lors qu'il y a un
élément d'extra-territorialité, il ne suffit pas de dire que la loi française s'applique, il faut en outre
demander l'aide d'une autorité étrangère. Mais cette aide n'est possible en DPI qu'à charge de revanche :
c'est l'idée d'entraide.
Les officiers de police judiciaire français n'ont pas de compétence à l'étranger et ne peuvent
procéder à aucune arrestation à l'étranger. De la même manière, un juge français ne peut pas prononcer en
France une peine avec des effets extra-territoriaux. Par exemple, la Cour de cassation a censuré une
juridiction française qui avait prononcé à l'encontre d'un individu une peine d'interdiction de se rendre sur
le territoire d'Andorre.
On comprend donc bien que pour que les délinquants ne puissent pas jouer des frontières
procédurales qui existent en droit, les États doivent s'entraider. Cette entraide se fait dès lors que les États
poursuivent un objectif commun de lutte contre la criminalité : la criminalité donnant lieu à une entraide
doit donc être partagée, en ce sens que l'entraide pénale internationale repose sur une double idée que
l'aide apportée est faite à charge de revanche (idée de réciprocité) et que cette entraide n'est possible qu'à
propos d'intérêts communs.
Cela explique que les infractions politiques (par opposition aux infractions de droit commun)
échappent à toute entraide internationale, puisque par définition ces infractions se définissent de manière
subjective ; de même qu'échappent à l'entraide internationale les comportements non incriminés dans
l’État requis. Il faut donc là aussi vérifier une condition de double-incrimination, sur le fond puisqu'elle va
conditionner la compétence de la loi française, mais aussi sur la forme puisqu'elle ne sera possible que pour
des infractions partagées.
Quels sont les acteurs de l'entraide pénale internationale ? Quels sont les actes possibles dans le
cadre de l'entraide pénale internationale ? Il s'agit de tous les actes nécessaires pour mener à bien une
affaire, depuis le début de l'affaire jusqu'à l'exécution de la peine (= commission rogatoire internationale,
surveillance, remise d'acte ou de décision de justice étrangère, auditions et confrontations à l'étranger). Au
delà de ces actes matériels, d'autres actes sont personnels : extradition et mandat d'arrêt européen.

Chapitre 1 : Les organes ou acteurs

La question de l'entraide pénale internationale est difficile à résoudre sur le plan des acteurs
compétents. En effet, il faut ménager la souveraineté et la susceptibilité à cet égard des États ; on comprend
donc que beaucoup de procédures internationales ou actes judiciaires internationaux restent tributaires des
pouvoirs exécutifs des États (requérant et requis). Il y a donc peu de demandes d'entraide qui se traitent
directement entre un policier ou un juge français, et son homologue étranger.
Mais précisément parce que ces procédures à suivre au niveau international sont des freins, se sont

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développés différents organes entièrement dédiés à l'entraide ou à la coopération, et déliés de tout ou
presque tout contrôle politique. Il convient ici de distinguer entre les organes de nature policière qui
mettent en œuvre une coopération policière (section 1), et ceux de nature judiciaire qui mettent en œuvre
une véritable entraide judiciaire (section 2). [On a conservé l'expression « coopération policière » pour
souligner que les coopérations policières internationales interviennent souvent dans un cadre de
coopération, qui concerne les États, tandis que lorsqu'on parle d'entraide les actes se font l'un après l'autre
(et non pas en même temps).]

SECTION 1 : LES ORGANES DE LA COOPÉRATION POLICIÈRE

Il existe principalement deux organes policiers internationaux qui ont vocation à faciliter les
échanges d'informations entre les forces de police nationale :
 l'Organisation Internationale de Police Criminelle (OIPC), plus généralement appelée Interpol ;
 plus récemment au niveau européen, Europol.
À ces deux organes, il faut ajouter un lieu temporaire de rencontre des forces de police que sont les équipes
communes d'enquête (uniquement en Europe).

§1: Interpol

La création d'Interpol remonte au Congrès international de police criminelle qui s'est tenu à Vienne
en 1923, où a été créée la Commission internationale de police criminelle à l'initiative du chef de la police
viennoise. Cette commission était composée de policiers désignés par les États et dont la mission principale
était de répertorier les crimes et les criminels internationaux, et de publier des fiches relatives aux
personnes recherchées par l'intermédiaire de la revue « Sûreté publique internationale ».
Cette première forme d'Interpol a rencontré un certain succès : assez rapidement, 38 États ont été
présentés. Mais cette commission a cessé de fonctionner pendant la Seconde Guerre Mondiale ; les nazis
s'étaient d'ailleurs empressés de transférer son siège à Berlin, et ont fait disparaître les archives à la fin de la
guerre. Cette commission a été reconstituée au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale à Bruxelles en
1946, dans le cadre d'une Conférence de police à laquelle participaient 19 États ; son siège a été fixé à Paris.
C'est à cette époque qu'a été créé le système de notices, par lequel Interpol diffuse encore aujourd'hui au
niveau international des fiches dont les couleurs varient en fonction de l'objet.
Le nom d'Interpol (ou officiellement Organisation Internationale de Police Criminelle) lui a été
donné en 1956. Le siège a été transféré à Lyon en 1989. Aujourd'hui, sur le site internet d'Interpol, on peut
lire que « Interpol est l'organisation de police la plus importante au monde, avec 190 États membres ». En
effet, Interpol est une organisation intergouvernementale, dont les adhérents sont désignés par les États.

A. L'organisation d'Interpol

Comment s'organise Interpol ? Il est assez difficile de savoir comment Interpol travaille. On trouve trois
organes principaux :
 Une assemblée générale qui réunit les délégations des États membres et qui est chargée de fixer les
principes et d'édicter toutes les mesures générales permettant d'atteindre les objectifs d'Interpol (=
ligne de conduite). L'AG se réunit une fois par an, toujours dans un État membre différent, et
examine le travail présenté par le secrétaire général d'Interpol.
 Un comité exécutif composé de 13 membres dont le président d'Interpol, principalement
compétent pour surveiller l'exécution des décisions de l'assemblée générale.
 Enfin, un secrétariat général est composé des services permanents à Lyon : il s'agit d'un centre
opérationnel, qui assure les liaisons avec les autorités nationales et internationales, et qui s'occupe
de l'administration générale d'Interpol. Ainsi, outre les services administratifs, on y trouve des

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policiers détachés pour des tâches opérationnelles.
Plus précisément, les services du secrétariat général reçoivent et intègrent dans leur base de
donnée les informations que leur communiquent les bureaux centraux nationaux (BCN), = services de police
situés dans chaque État membre et qui sont en charge au niveau national d'effectuer une information à
Interpol. Par exemple en France, le BCN est placé auprès de la direction centrale de la police judiciaire.
Les BCN ont pour mission de contrôler et de valider les informations des services de police de leur
propre État, avant de les envoyer au secrétariat général ; ce dernier n'a aucun pouvoir pour modifier ou
contrôler les informations qu'il réceptionne, il n'a qu'un rôle de centralisation. Ensuite, le secrétariat diffuse
ces informations aux différents BCN du monde. Ces BCN posent des difficultés en termes de données
personnelles : il y a une quinzaine d'années, un différend a été soulevé entre Interpol et la France, car les
autorités françaises soutenaient que les fichiers relevaient du contrôle de la CNIL. Pour mettre fin à ce
différend, un accord a été signé entre la France et les autorités françaises d'Interpol, dans lequel la France
renonce à ce que les fichiers d'Interpol tombent sous le contrôle de la CNIL et reconnaît par là même que
ces fichiers sont inviolables et confidentiels ; en contrepartie, Interpol a accepté d'accéder à un contrôle de
ses fichiers par un organe collégial et indépendant.

B. Les missions d'Interpol

Les missions d'Interpol reposent sur un domaine d'intervention relativement précis : le statut
d'Interpol prévoit qu'Interpol est compétent pour toutes les infractions de droit commun, à l'exclusion des
questions ou affaires présentant un caractère politique, militaire, religieux ou racial. Toutefois, n'existant
pas de réel moyen de contrôle, en réalité les BNC pourraient transmettre ce genre d'informations sans
qu'Interpol ait les moyens de le contrôler véritablement.
Dans ce cadre, Interpol exerce une mission précise de mettre à disposition des informations
(recevoir et diffuser) : Interpol ne constitue pas une police internationale dont les agents pourraient exercer
des pouvoirs d'enquête. Ils n'ont donc aucun pouvoir pour accomplir des actes matériels d'investigation, et
encore moins des arrestations. Ils se contentent donc d'assister les autorités judiciaires.
Les bases de données d'Interpol comportent des données nominatives, des exploitations sexuelles
d'enfants, des documents administratifs qui ont pu être perdus ou volés, des informations relatives à des
véhicules volés, des empreintes digitales et profils génétiques, des fausses cartes bancaires, et une liste
photographique d'œuvres d'art volées. Ces informations vont être rendues publiques sous la forme de
notices ayant pour objet d'attirer l'attention des services de police selon les informations qu'elles
contiennent ; ces notices changent de couleur selon leur objet :
 les notices rouges concernent les personnes recherchées en vue d'une extradition, elles valent donc
demande d'arrestation provisoire en attente d'une demande d'extradition formelle ;
 les notices bleues concernent des personnes présentant un intérêt pour une enquête criminelle
(témoins ou suspects) ;
 les notices vertes ont pour objet d'alerter les États sur la dangerosité d'une personne ;
 les notices oranges visent à alerter de menaces imminentes : ces notices sont utilisées pour les
enlèvements, ou pour signaler un objet ou une personne pouvant constituer une menace pour la
sécurité publique ;
 les notices jaunes signalent les personnes disparues ou incapables de s'identifier eux-mêmes (ex:
enfants) ;
 les notices noires sont relatives à des personnes décédées qu'on n'est pas parvenus à identifier ;
 les notices mauves mentionnent des modes opératoires, des objets, équipements ou caches qui
peuvent être utilisés par des criminels (ex: concernant le trafic d'ivoire).

§2: Europol

C'est le terrorisme européen des années 1970 qui a conduit les États en Europe à renforcer leur
coopération policière. C'est en 1976 à l'occasion d'une conférence à Rome qu'a été mis en place un système

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de coopération. Ce groupe Trevi qui réunissait des responsables des ministères de la Justice et de l'Intérieur
des différents États membres, a fonctionné de manière régulière et informelle jusqu'en 1992.
L'accord de Schengen a eu pour conséquence la nécessité d'accroître la coopération policière, pour
compenser cet espace de libre circulation au sein de l'Union européenne. C'est en 1991 qu'au niveau
européen est approuvée une proposition allemande de créer un office européen de police appelé Europol.
La préoccupation première de la CEE en matière pénale était initialement la lutte contre le trafic de
stupéfiants, Europol fonctionnait donc au départ surtout dans cette perspective, et limité aux 12 États
membres de la CEE. Puis Europol a été consacré dans le Traité de Maastricht de 1992 puis dans le Traité de
Lisbonne de 2009, et entre temps avait fait l'objet d'une Convention Europol de 1995.
Aujourd'hui, dans le TFUE, l'article 88 définit la mission d'Europol comme la mission « d'appuyer et
de renforcer l'action des autorités policières et des autres services répressifs des États membres ainsi que
leur collaboration mutuelle dans la prévention de la criminalité grave affectant deux ou plusieurs États
membres, du terrorisme et des formes de criminalité qui portent atteinte à un intérêt commun qui fait l'objet
d'une politique de l'Union, ainsi que la lutte contre ceux-ci. » Europol est une agence de l'UE, financée par
l'UE et dont le siège se trouve à La Haye.

A. L'organisation d'Europol

L'organisation d'Europol est semblablement la même que celle d'Interpol :


 Europol est composé d'un CA, avec un représentant de chaque État membre et un représentant de
la Commission européenne : ce CA fixe la stratégie d'Europol, supervise l'action et adopte le budget
d'Europol.
 À côté du CA, un directeur d'Europol est nommé pour 4 ans (renouvelable une fois) et un personnel
administratif et agents, dont certains ont exercé des fonctions de police. En 2015, on trouvait 867
personnes travaillant pour Europol.
 À côté de ce personnel, on trouve des officiers de liaison, détachés par les États membres auprès
d'Europol. Ces officiers de liaison sont regroupés au sein de bureaux nationaux de liaison auprès
d'Europol. En 2015, il y a 185 officiers nationaux de liaison détachés auprès d'Europol, dont la
mission est de transmettre les informations que leur envoie leur unité nationale et inversement, de
faire transiter par ces officiers les informations nécessaires pour leur pays.

B. Missions

La compétence d'Europol est liée à des infractions déterminées : la lutte contre le terrorisme et la
criminalité grave qui affecte au moins deux États (trafic de stupéfiants, blanchiment d'argent, traite des
êtres humains...). Dans ce champ, Europol assure une double mission :
 Europol est compétent pour échanger et analyser des informations : structure destinée à collecter
et à analyser des informations relatives à cette criminalité transfrontière. Ce traitement
d'informations se fait par le biais de fichiers.
 Mission d'intervention en matière d'enquête : comme Interpol, il ne s'agit pas d'une police à
proprement parler dont les agents détiendraient des pouvoirs matériels d'enquête (investigation ou
arrestation), cependant on leur reconnaît quelques prérogatives d'enquête, notamment la
possibilité pour les agents d'Europol de participer à des équipes communes d'enquête pour des
infractions entrant dans le champ de compétence d'Europol. Pour cela, il faut un accord entre le
directeur d'Europol et les autorités des États membres qui participent aux équipes communes
d'enquête. En tout état de cause, ils n'ont aucun pouvoir coercitif, mais peuvent par exemple
participer à une perquisition.

§3: Les équipes communes d'enquête

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Les équipes communes d'enquête sont nées de la nécessité de coordonner des enquêtes pour des
faits qui se sont commis sur le territoire de plusieurs États. Pour accélérer les échanges d'information
(traditionnellement assez lents lorsqu'on suit le canal diplomatique), l'UE a préconisé la création d'équipes
communes d'enquête, et a formalisé cette idée dans une Convention du 29 mai 2000 relative à l'entraide
judiciaire en matière pénale entre États membres de l'UE. Par la suite, ces équipes communes d'enquête
ont fait l'objet d'une décision-cadre de 2002 transposée en droit français par la loi Perben II du 9 mars 2004
aux articles 695-2 et -3 du Code de procédure pénale (qui se trouvent dans la section consacrée aux
« équipes communes d'enquête »).
Il s'agit ici de la mobilisation d'enquêteurs, qui caractérise en réalité une véritable entraide judiciaire
puisque ces enquêteurs transnationaux sont placés sous l'autorité judiciaire des États. La création d'équipes
communes d'enquête est laissée à l'appréciation des autorités des États membres. Lorsqu'elle est créée,
l'équipe commune d'enquête doit avoir un objectif précis et une durée limitée dans le temps. La
composition de l'équipe commune d'enquête est décidée par accord entre les États membres concernés  :
chaque agent qui compose l'équipe commune d'enquête dispose de pouvoirs tels qu'ils sont conférés par le
droit national de l’État d'intervention. En d'autres termes, les membres étrangers des équipes communes
d'enquête ne peuvent effectuer sur le territoire français des actes d'enquête conformes à l'ordre public
français. Dans tous les cas, l'exécution de tels actes doit être préalablement acceptée par le responsable de
l'équipe commune d'enquête (responsable de l’État d'intervention) ; en outre, les actes réalisés par les
agents doivent être autorisés par les autorités compétentes de l’État d'origine des agents.
L'article 695-2 CPP liste les actes que peuvent réaliser les agents étrangers sur le territoire français  :
avec l'accord du Ministre de la Justice français et des États membres concernés, l'autorité judiciaire
compétente peut créer une équipe commune d'enquête, qui intervient dans les cas d'une enquête
complexe qui mobilise des moyens importants et concerne plusieurs États membres. Dans la limite de leur
mission, les agents étrangers détachés sur le territoire français peuvent, sur tout le territoire, constater
crimes, délits et contraventions, et en dresser un procès verbal. En outre, ces agents étrangers peuvent
recevoir par procès verbal les déclarations qui leur sont faites, par toute personne susceptible de leur
fournir des renseignements sur l'affaire qui donne lieu à une enquête. Ils peuvent également seconder les
OPJ français dans l'exercice de leurs fonctions (ex: ils ne peuvent pas réaliser directement une perquisition
mais peuvent seconder les OPJ). De même, ils peuvent procéder à des surveillances et à des infiltrations.
Pour toutes les missions, il faut le consentement de l’État membre ayant autorisé le détachement ; il est
prévu que les agents n'interviennent que pour les opérations pour lesquelles ils ont été spécialement
désignés. Le texte ajoute que « il n'est en aucun cas possible de déléguer à ces agents étrangers les pouvoirs
propres aux OPJ français ».
L'hypothèse inverse est prévue à l'article 695-3 CPP (agents français envoyés à l'étranger) : les OPJ
français détachés auprès d'une équipe commune d'enquête peuvent procéder à toutes les opérations que
leur commandent le responsable de l'équipe sur tout le territoire étranger, dans la limite des pouvoirs que
leur confère le Code de procédure pénale français. Ainsi, ils sont contraints par le CPP français.
Un certain nombre d'équipes communes d'enquête ont déjà été mises en place (environ une ou
deux par an depuis leur création), notamment concernant la France en particulier avec l'Espagne (faits de
terrorisme), mais aussi quelques-unes avec l'Allemagne (trafic de stupéfiants). Mais ces mécanismes
demeurent ponctuels, pour une enquête particulière.

SECTION 2 : LES ORGANES DE L'ENTRAIDE JUDICIAIRE

Pour faciliter les échanges entre autorités judiciaires au niveau international, plusieurs initiatives
ont été prises : la structure des magistrats de liaison (§1), le réseau judiciaire européen (§2), et Eurojust
(§3), ces deux derniers mécanismes étant propres à l'Europe tandis que les magistrats de liaison ont
vocation à dépasser le cadre européen.

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§1: Les magistrats de liaison

Le mécanisme des magistrats de liaison a été initié par l'Italie à la fin des années 1990. En 1996,
l'Italie a émis l'idée que l'on pourrait créer au sein de l'UE une action commune qui permettrait l'envoi et
l'accueil de magistrats dits « de liaison » entre États membres de l'UE. Ces magistrats de liaison ont vocation
à être des points de contacts entre les pays ; ils peuvent aider à la rédaction des demandes d'entraide,
peuvent dire précisément quel doit être le destinataire dans leur pays... = Ils ont donc vocation à faciliter et
accélérer les procédures entre les pays. Plus généralement, ils peuvent apporter une assistance en
renseignant l’État qui les accueille sur l'évolution de leur droit, sur ses pouvoirs et la pratiques.
La mise en place de tels magistrats nécessite un accord bilatéral ; aujourd'hui, ce type d'accord peut
intervenir en dehors de l'UE. Cela explique qu'il y ait beaucoup plus de magistrats français en poste à
l'étranger, que de magistrats étrangers en poste en France :
 Le Ministère de la Justice a envoyé 17 magistrats français à l'étranger, répartis comme suit : 8 en
poste dans des pays de l'UE (Allemagne, Croatie, Espagne, Italie, Pays-Bas, Pologne, Roumanie,
Royaume-Uni), 8 en poste en dehors de l'UE (Algérie, Brésil, Canada, Chine, États-Unis, Maroc,
Russie, Tunisie), et un magistrat auprès de la CPI.
 À cela s'ajoute le fait que la France reçoit 8 magistrats étrangers à Paris, principalement des pays
membres de l'UE mais pas seulement.

§2: Le réseau judiciaire européen

Le réseau judiciaire européen a été créé par une action commune du Conseil de l'UE en 1998. Il est
composé d'une succession de points de contact désignés par chaque État membre, et qui ont pour mission
d'être les interlocuteurs directs des autorités judiciaires des autres États membres. Le but est ici d' améliorer
la coopération judiciaire, puisqu'on veut permettre aux autorités des États membres de disposer de points
de contact dans à peu près tous les États membres de l'UE, ces points de contact permettant de faciliter les
demandes d'entraide. Ces magistrats membres du réseau judiciaire européen sont en relation directe entre
eux par un réseau spécial et sécurisé de communication.

§3: Eurojust

Eurojust est une unité composée de procureurs, de magistrats ou d'officiers de police ayant des
compétences équivalentes, et détachés par chaque État. Cette unité a été mise en place au niveau de l'UE
par une décision de 2002, transposée aux articles 695-4 à 695-9 du Code de procédure pénale par la loi
Perben II de 2004. Ces articles portent sur les demandes susceptibles d'être adressées aux autorités
françaises par Eurojust, ainsi que sur les relations que le représentant national français a avec Eurojust.
L'article 695-4 CPP dispose que « l'unité Eurojust, organe de l'Union européenne doté de la
personnalité juridique agissant en tant que collège ou par l'intermédiaire d'un représentant national, est
chargée de promouvoir et d'améliorer la coordination et la coopération entre les autorités compétentes des
États membres de l'Union européenne dans toutes les enquêtes et poursuites relevant de sa compétence. »
L'organe d'Eurojust a également été intégré aux articles 85 et 86 du Traité de Lisbonne : « La mission
d'Eurojust est d'appuyer et de renforcer la coordination et la coopération entre les autorités nationales
chargées des enquêtes et des poursuives relatives à la criminalité grave affectant deux ou plusieurs États
membres ou exigeant une poursuite sur des bases communes, sur la base des opérations effectuées et des
informations fournies par les autorités des États membres et par Europol. »

A. Organisation

Il ressort de ces textes que Eurojust est un véritable organe de l'UE, doté de la personnalité
juridique (personne morale). Le siège d'Eurojust se trouve à La Haye. Il est composé de représentants

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nationaux des États membres, ensemble qui forme le collège d'Eurojust. On trouve un membre national par
État membre ; ce représentant national peut être soit un procureur, soit un juge, soit un officier de police,
dès lors qu'ils ont des prérogatives équivalentes (donc chez nous pas d'officier). Au niveau européen, on a
donné la possibilité à certains États de nommer un policier, lorsque la police exerce des pouvoirs d'enquête
et de poursuites indépendants. La durée de leur mandat est de 4 ans, renouvelables (art. 695-8 CPP).
Dans le cadre de sa mission, le représentant national français peut recevoir des instructions du
Ministre de la Justice. Les représentants nationaux doivent être « hors hiérarchie », il s'agit donc de
magistrats qui disposent d'un certain pouvoir puisqu'ils ont accès par exemple aux informations des casiers
judiciaires et d'autres fichiers nationaux.

B. Missions

Le champ des missions d'Eurojust est le même que pour Europol : il s'agit de lutter contre la
criminalité grave qui implique plusieurs États. Dans ce cadre, Eurojust peut être amené à coordonner des
enquêtes et poursuites menées dans différents États membres, mais aussi à appuyer et faciliter la
coopération entre les autorités nationales, ou encore aider à la bonne exécution des mandats d'arrêt
européens. Précisément, on peut mettre en avant quatre missions principales d'Eurojust :
 L'intervention dans des enquêtes ou dans des poursuites en cours (art. 695-5 à 695-7 CPP) :
Eurojust peut former des requêtes auprès des autorités nationales pour leur demander
d'entreprendre une enquête. Il peut également coordonner l'action de plusieurs enquêtes entre
États membres (relatives à un même objet), ainsi que demander aux États de créer une équipe
commune d'enquête. Eurojust peut également demander à une autorité nationale d'accepter de
laisser telle ou telle enquête, parce que selon lui cette enquête relèverait plutôt de la compétence
d'une autre autorité nationale = il peut donc aider à régler les conflits de compétence. Mais il n'a
pas de pouvoir contraignant, les États peuvent donc refuser ces demandes. Eurojust peut enfin
demander au procureur général de mettre en place une équipe commune d'enquête, ou
communiquer des informations nécessaires sur une enquête.
 L'assistance et la participation aux équipes communes d'enquête  : Eurojust peut apporter une
assistance opérationnelle aux équipes communes d'enquête, en s'associant à leur mise en œuvre
ou à leur action. Concrètement, les membres nationaux détachés auprès d'Eurojust peuvent donc
intégrer une équipe commune d'enquête. En tout état de cause, les membres nationaux d'Eurojust
doivent toujours être informés de la mise en œuvre d'une équipe commune d'enquête dans leur
État d'origine.
 Les liens étroits avec Europol et avec les autorités d’États tiers à l'UE  : pendant très longtemps par
exemple, un procureur américain était détaché auprès d'Eurojust.
 L'exécution des mandats d'arrêt européens  : quelques centaines de dossiers de mandats d'arrêt
européens ont ainsi transité par Eurojust. Il est d'ailleurs arrivé qu'un État reçoive plusieurs mandats
d'arrêt européens à l'encontre d'une même personne ; dans un tel cas, les autorités françaises
peuvent demander conseil à Eurojust pour savoir à qui remettre la personne.

Chapitre 2 : Les actes

Classiquement, lorsqu'on étudie les actes d'entraide judiciaire ou de coopération possible en droit
pénal international, on distingue les actes personnels relatifs à une personne (section 1) et les actes
matériels relatifs à des objets, à des choses, ou plus largement qui peuvent impliquer une personne mais
sans amener à son extradition (section 2). Dans son manuel de Droit pénal international, Didier Rebut
distingue entre l'entraide judiciaire extraditionnelle et l'entraide judiciaire non-extraditionnelle.

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SECTION 1 : LES ACTES PERSONNELS

À l'origine, l'entraide se confondait avec l'extradition, qui constitue le premier et principal acte
d'entraide pénale internationale. À l'extradition au sens strict (A), il faut ajouter aujourd'hui la remise aux
juridictions pénales internationales (B), et le mandat d'arrêt européen, qui est en réalité une extradition
simplifiée, propre à l'Union européenne (C).

§1: L'extradition au sens strict

L'extradition se définit comme la procédure par laquelle un État (qu'on appelle l’État requis)
accepte de livrer une personne qui se trouve sur son territoire à un autre État (l’État requérant) qui avait
réclamé cette personne. L'extradition peut être demandée soit pour juger cette personne (extradition à fin
de jugement), soit pour faire exécuter à cette personne une peine qui a été prononcée contre elle à la suite
de la commission d'un crime ou d'un délit (extradition à fin d'exécution).
En droit français, selon l'article 696 du CPP, « en l'absence de convention internationale en stipulant
autrement, les conditions, la procédure et les effets de l'extradition sont déterminés par les dispositions du
présent Code. » Cela signifie que le Code de procédure pénale ne régit l'extradition que dans le cas où il
n'existe pas de convention bilatérale ou internationale. En réalité, les conventions en matière d'extradition
sont très nombreuses ; la France en particulier est liée par de très nombreuses conventions bilatérales,
notamment avec des pays africains (Afrique francophone), et ces conventions débordent souvent le simple
cadre de l'extradition pour aborder la question de l'entraide répressive internationale. Dans ces conventions
bilatérales, on trouve ainsi par exemple la question du transfèrement du condamné.
À ces nombreuses conventions bilatérales, il faut ajouter les conventions multilatérales, en
particulier la Convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 (ratifiée par la France en 1986).
En outre, dans la foulée du 11 septembre 2001, on a adopté très rapidement le mandat d'arrêt européen.
En France, la question de l'extradition a été longtemps régie par une loi du 10 mars 1927 qui
organisait et autorisait l'extradition en l'absence de convention avec le pays requérant. Cette loi de 1927 a
été abrogée par la loi Perben II du 9 mars 2004 qui l'a en réalité codifiée et intégrée dans le Code de
procédure pénale, aux articles 696 et suivants du CPP. Les seules modifications de cette loi qui ont été
intégrées concernent les conditions permettant l'extradition : on ne peut extrader que si dans le pays
requérant, il existe un respect des garanties fondamentales du procès équitable, et s'il n'y a pas dans le pays
de peine contraire à l'ordre public français.
Le Code de procédure pénale, bien que subsidiaire, reprend très largement ce que disent les
dispositions de chacune des conventions liant la France ; en outre, ces conventions bilatérales ne sont pas
exhaustives et certains points précis ne sont pas toujours réglés par les conventions (il faut alors aller voir le
Code de procédure pénale).

A. Les conditions

Les conditions de l'extradition sont à la fois des conditions positives (relatives à la personne
réclamée, à la compétence de l’État requérant, à l'infraction reprochée), et des conditions négatives
(conditions d'exclusion formelle de l'extradition, même lorsque toutes les conditions positives sont réunies).

1. Les conditions relatives à la personne réclamée


En la matière, il existe un grand principe de non-extradition des nationaux, en vertu duquel on ne
peut extrader qu'un étranger. Les fondements de ce principe tiennent à la fois dans une méfiance quelque
peu franco-centrée vis-à-vis de la justice étrangère, et dans un devoir de protection que tout État doit à ses
citoyens. L'ancienneté de ce principe explique sa généralité dans le Code de procédure pénale, mais aussi

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dans les conventions liant la France (art. 696-2 et 696-4 CPP).
Cependant, ce principe n'est pas partagé par tous les États : ainsi, les pays de Common law
acceptent l'extradition de leurs nationaux. Pour la France en revanche, ce principe est absolu même s'il doit
être modulé désormais par l'adoption du mandat d'arrêt européen (depuis 2004). Pour autant, ce principe
n'a pas de valeur constitutionnelle.
La conséquence de ce principe est donc que l'on refuse de remettre à l'étranger un Français qui y
aurait commis une infraction : on pourrait presque considérer qu'il revient à couvrir la commission d'une
infraction. Cette conséquence néfaste est largement compensée par le principe de personnalité active : on
peut de ce fait juger un Français qui aurait commis un crime ou un délit à l'étranger. À quel moment
apprécie-t-on la nationalité française ? Il faut que l'individu ait eu la nationalité française à l'époque de la
commission des faits. Par opposition, l'extradition des étrangers est possible, mais elle ne vise pas tous les
étrangers (dans certains cas, on ne peut pas extrader les étrangers) :
 Si un étranger est réfugié, alors l'extradition de ce réfugié vers son pays d'origine n'est pas possible
(mais elle sera toutefois possible vers un autre État).
 De la même manière, le Conseil d’État a considéré qu'on pouvait refuser l'extradition en raison de
l'âge ou de l'état de santé de l'individu (arrêt CE, 13 octobre 2000) : « Il résulte des PGD applicables
à l'extradition, que l'extradition d'un étranger peut être refusée si elle est susceptible d'avoir des
conséquences d'une gravité exceptionnelle, notamment en raison de son âge ou de son état de
santé. » Dans cette affaire, le CE avait annulé un décret d'extradition pris contre un citoyen russe
dont l'état de santé nécessitait une surveillance médicale et un traitement constant : en l'espèce,
les autorités françaises n'avaient pas recherché s'il y avait des garanties suffisantes en Russie pour
poursuivre le traitement médical, et ne mettaient pas en péril sa santé.

2. Les conditions relatives à la compétence de l’État requérant


Cette condition peut sembler un peu étrange, mais pourtant est prévue à l'article 696-2 du CPP  : cet
article constitue en réalité la transposition en droit de l'extradition des chefs de compétence de la loi pénale
française. Autrement dit, l'extradition n'est possible vers l’État requérant que si cet État est compétent, au
sens où l'entend la loi pénale française. On admet donc l'extradition s'il s'agit d'une infraction qui a été
commise sur le territoire de l’État requérant (principe de territorialité), mais aussi pour un cas de
compétence extra-territoriale (infraction commise par un auteur ressortissant de l’État requérant, ou sur
une victime ressortissante de l’État requérant).

3. Les conditions relatives à l'infraction reprochée


L'extradition n'est possible que pour des infractions dont la gravité justifie sa mise en œuvre. En
effet, il s'agit d'une procédure lourde, coûteuse, et qui symboliquement ne peut être mise en œuvre qu'à
propos d'infractions d'une certaine importance. En outre, cette procédure met en œuvre à l'égard de
l'individu des moyens de coercition tels que cela nécessite que l'infraction soit lourde. Il existe deux
conditions relatives à l'infraction :
 l'infraction doit être d'une certaine gravité,
 l'infraction doit être doublement incriminée, dans l’État requérant et dans l’État requis.
S'agissant de la gravité de l'infraction, les premières conventions bilatérales énuméraient les
infractions graves pour lesquelles l'extradition était possible. Aujourd'hui on ne procède plus ainsi : on a
préféré le critère moins rigide qu'est celui de la peine encourue au prononcé : l'article 696-3 CPP prévoit
que l'extradition n'est possible que dans les cas où la peine d'emprisonnement encourue est supérieure à
2 ans dans l’État requérant (même si moins punie chez nous). S'il s'agit d'une extradition aux fins
d'exécution, il faut que la peine prononcée soit égale ou supérieure à 2 mois d'emprisonnement. Certaines
conventions bilatérales prévoient d'autres seuils (ex: 6 mois pour la convention bilatérale entre la France et
les États-Unis).
S'agissant de la double-incrimination des faits, cette condition s'explique par la nécessité que
l'extradition présente aussi un intérêt pour l’État requis. Ainsi, il faut que le fait qui fonde la demande
d'extradition soit punie par la loi française d'une peine criminelle ou correctionnelle.
Cette double exigence s'apprécie au moment de la commission des faits. Si les faits doivent être

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doublement incriminés, ils ne le sont pas forcément sous la même incrimination (ex: il peut y avoir
association de malfaiteurs en droit français et tentative d'extorsion en droit étranger). En outre, l’État requis
n'a pas à vérifier la solidité des charges retenues.

4. Les cas d'exclusion de l'extradition


L'article 696-4 CPP liste huit cas d'exclusion de l'extradition (si l'une de ces hypothèses est
constatée, l'extradition ne peut pas se faire) :
 Lorsque la personne est française.
 Lorsqu'il s'agit d'une infraction politique  : « lorsque le crime ou le délit a un caractère politique, ou
lorsqu'il résulte des circonstances que l'extradition est demandée dans un but politique ».
L'infraction politique a un caractère éminemment subjectif ; de ce fait, elle ne permet pas la
coopération et l'extradition. Pour déterminer ce qu'est une infraction politique, on dit
classiquement qu'on peut soit être le plus objectif possible en déclarant qu'est une infraction
politique toute forme d'atteinte aux institutions, soit dire que une infraction politique est une
infraction qui poursuit un mobile politique. Entre ces deux définitions, le droit international
comme le droit national a tranché et a retenu une conception objective (porte atteinte aux
institutions). Il en découle donc qu'une infraction de droit commun (ex: meurtre) animée par un
mobile politique (ex: tuer un chef d’État) ne sera pas considérée comme une infraction politique.
Cette exclusion expresse prend la forme dans les conventions d'extradition de clauses particulières
qu'on appelle classiquement la « clause belge » ou la « clause attentat », signifiant qu'on exclut les
atteintes volontaires à la vie comme infraction politique (donc susceptible d'extradition). De la
même manière, on a toujours considéré que le terrorisme n'est pas une infraction politique.
◦ L'extradition ne sera pas non plus possible lorsqu'elle est demandée dans un but politique (plus
difficile à prouver car le but n'est pas avoué dans la demande d'extradition). Ex: un État
demande à la France de lui remettre l'un de ses ressortissants car il a commis une infraction
d'affaire dans son pays, mais en réalité il s'agit d'un prétexte et l'individu est également un
opposant politique. Cette interdiction d'extrader dans un but politique est un PFRLR ; cette
interdiction a été posée dans l'arrêt CE, 3 juillet 1996, Kone.
◦ De même, sont exclues les infractions militaires , d'ailleurs souvent assimilées aux infractions
politiques. Ainsi, seules les infractions de droit commun permettre l'extradition.
 Lorsque l'infraction a été commise en France , puisqu'on fait alors primer le principe de
territorialité.
 Lorsque l'infraction commise à l'étranger a été poursuivie et jugée définitivement en France , en
vertu du principe non bis in idem. Les textes prévoient qu'on ne peut pas extrader un individu pour
une infraction commise à l'étranger, dès lors que cette infraction a été poursuivie et jugée
définitivement en France : ainsi, par exemple, la France ne pourrait pas s'opposer à l'extradition
d'un individu aux États-Unis déjà jugé en Argentine. Certaines conventions bilatérales prévoient
qu'il est admis qu'un jugement rendu par un État tiers puisse faire obstacle à la demande
d'extradition.
 Lorsque la prescription de l'action publique est acquise d'après la loi de l’État requérant ou d'après
la loi française : la prescription est appréciée à partir du moment de l'arrestation de la personne. La
question se pose en termes différents pour les pays qui ne connaissent pas la prescription (ex:
beaucoup de pays de Common law, États-Unis ou Canada). Selon certains auteurs, il s'agit là d'un
renforcement de la règle de double-incrimination : il faut que les faits soient doublement non-
prescris pour que l'extradition soit possible.
◦ Lorsque la peine est prescrite  : concernant les extraditions pour que la peine soit exécutée, les
autorités françaises doivent vérifier si la peine peut être exécutée ou pas au regard des règles
de la prescription.
◦ Lorsque est constatée toute cause d'extinction de l'action publique .
 Lorsque la peine ou la mesure de sûreté encourue est contraire à l'ordre public français , sauf si l’État
requérant s'engage à ce que cette peine ne soit pas exécutée. Ex: la peine de mort, les châtiments

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corporels (en 2008, les États-Unis avaient refusé d'extrader vers les Émirats arabes unis car
amputation pour vols), les travaux forcés (en 2010, la France a refusé une extradition vers la
Moldavie car une peine d'emprisonnement devait être exécutée dans une « colonie traditionnelle
de travail avec un régime rigoureux »).
 Lorsque la procédure à laquelle serait exposé l'individu dans l’État requérant n'apparaît pas
respectueuse des garanties fondamentales : cette hypothèse est assez large car c'est à l’État français
d'apprécier (ex: pas de droit à un avocat, procédure confidentielle, recours systématique à un
tribunal d'exception pour cette infraction...). Cette condition est assez particulière car difficile à
cerner, et ne figure pas dans la plupart des conventions internationales : en effet, les États ont du
mal à admettre qu'on puisse juger leur propre procédure.

B. La procédure d'extradition

Il faut distinguer deux hypothèses :


 l'hypothèse dans laquelle la France est l’État requis : on demande l'extradition à la France ;
 l'hypothèse dans laquelle la France est l’État requérant, le demandeur de l'extradition.

1. L'extradition demandée à la France


La procédure d'extradition suit en général quatre temps.

a) La demande d'arrestation provisoire par l’État requérant


La demande d'extradition prend du temps : pour éviter que l'individu passe entre les mailles du
filet, l’État requérant peut demander à l’État requis (la France) d'arrêter immédiatement l'individu. Cette
étape de l'arrestation provisoire est prévue à l'article 696-23 du CPP, qui pose des conditions.
 Cette demande d'arrestation provisoire n'est possible qu'en cas d'urgence. En réalité, cette
condition n'est pas vérifiée par les autorités françaises.
 Cette demande est transmise directement aux autorités judiciaires françaises, donc sans passer par
le canal diplomatique habituel.
 Cette demande d'arrestation provisoire peut prendre n'importe quelle forme, et elle est permise
« par tout moyen permettant d'en conserver une trace écrite » (ex: un mail suffit).
 Afin de préserver un contrôle politique, l’État requérant doit également adresser une copie de la
demande au Ministère des affaires étrangères français.
Toute notice rouge d'Interpol vaut demande d'arrestation provisoire. Aucune pièce particulière ne
doit accompagner cette demande, si ce n'est qu'on vérifie que la demande soit susceptible d'aboutir
(= demande sérieuse) : ainsi, il faut un « bref exposé des faits mis à la charge de la personne réclamée »,
mais aussi mentionner l'identité et la nationalité de la personne réclamée, ainsi que l'infraction pour
laquelle l'extradition sera demandée, la date et le lieu présumés de la commission de l'infraction, « et le cas
échéant mentionner le quantum de la peine encourue ou de la peine prononcée, ou de la peine restant à
purger ».
En France, le destinataire de cette demande est le procureur général du ressort de la Cour d'appel
auprès de laquelle la personne semble avoir été repérée. Une fois la personne arrêtée, elle peut être
maintenue en détention pendant 30 jours maximum, pendant lesquels elle échappe à tout le droit commun
applicable en matière d'extradition (pas de notification de droit à l'avocat, pas d'interprète, pas de
présentation sous 48h au parquet...) ; seulement, l'individu arrêté doit être informé dans le plus court délai
et dans une langue qu'il comprend des raisons de son arrestation. Ce délai de 30 jours doit permettre de
présenter la demande d'extradition en bonne et due forme ; à l'issue des 30 jours, si rien n'a été fait, la
personne doit être remise en liberté. En revanche, si elle arrive avant le délai de 30  jours, la personne peut
être maintenue en détention le temps d'examiner la demande.

b) La demande formelle d'extradition par la voie diplomatique


Cette exigence ressort de l'article 696-8 du Code de procédure pénale, qui dispose que « toute
demande d'extradition est adressée au gouvernement français par voie diplomatique ». Ce caractère

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diplomatique de l'extradition s'explique par le fait que l'extradition est un acte de souveraineté : la voie
diplomatique étant le mode de communication commun entre gouvernements, il est donc normal que
l'extradition passe par cette voie diplomatique. Pour que cette demande d'extradition soit recevable, elle
doit comporter différentes pièces :
 Le texte prévoit qu'elle soit accompagnée d'un arrêt ou d'un jugement de condamnation (même
par défaut), soit d'un acte ordonnant le renvoi devant la juridiction répressive... = soit une décision
de justice, soit un acte de procédure qui renvoie l'individu devant une juridiction, soit un mandat
d'arrêt. Ces pièces doivent être produites en originale ou en copies certifiées conformes.
 Par ailleurs, ces pièces doivent contenir la copie des textes de lois applicables aux faits incriminés.
L’État peut également joindre un exposé des faits de la cause.
Tout cela est fait dans la langue de l’État requérant ; or dans le Code de procédure pénale, rien n'est
dit sur la traduction des pièces. Bien souvent, l’État requis procède donc lui-même à la traduction des
pièces envoyées par l’État requérant.

c) L'examen de la demande par les autorités judiciaires


Une fois que la demande d'extradition parvient en France au Ministère des Affaires étrangères, elle
redescend vers les autorités judiciaires compétentes, qui sont au nombre de deux :
 Le procureur général, qui fait interpeller la personne lorsqu'il reçoit la demande d'extradition. Une
fois interpellé, l'individu est présenté au procureur général dans les 48h ; dans ce délai, il bénéficie
alors des droits du gardé à vue. Le procureur général commence par vérifier l'identité de la
personne, puis fait connaître à la personne sa possibilité de consentir à l'extradition (son accord
accélère la procédure d'extradition, mais ne permet pas une remise directe). Sauf s'il estime que
l'individu ne va pas fuir, le procureur général place la personne en détention dans la maison d'arrêt
du siège de la Cour d'appel, dans le ressort duquel il a été arrêté. Cette décision de placement en
détention peut être contestée devant la chambre de l'instruction.
 La chambre de l'instruction a une double compétence en matière d'extradition :
◦ Elle est d'abord compétente pour tout le contentieux relatif à la mise en liberté de la personne
placée sous écrou extraditionnel. Elle peut décider d'écarter l'incarcération si elle estime que
les garanties de la personne réclamée sont suffisantes.
◦ Elle est compétente ensuite sur le principe même de l'extradition :
▪ Soit l'individu consent à son extradition : avant la loi de 1927, le consentement permettait
une extradition immédiate (aujourd'hui, ce consentement allège la procédure). S'il consent,
il est immédiatement présenté devant la chambre de l'instruction (dans les 5 jours qui
suivent sa présentation au procureur général), qui vérifie l'identité de l'individu et recueille
ses déclarations. L'audience est publique, sauf exceptions : si cela nuit au bon déroulement
de la procédure, aux intérêts d'un tiers, ou « à la dignité de la personne ». La personne
réclamée doit être auditionnée devant la chambre de l'instruction, à peine de nullité de la
procédure ; ainsi, si la personne réclamée ne comparaît pas, alors la chambre de
l'instruction doit surseoir à statuer. La personne est assistée de son avocat si elle en a un
(pas obligatoire), mais en revanche obligatoirement assistée de son interprète si elle ne
parle pas français. Une fois l'individu entendu, en principe la chambre de l'instruction a
7 jours à compter de la comparution pour se prononcer. L'arrêt de la chambre de
l'instruction donne acte à la personne réclamée qu'elle a donné son consentement ; par
ailleurs, la chambre vérifie que les conditions légales de l'extradition sont remplies. Aucun
recours n'est possible devant la Cour de cassation, puisque par définition l'individu était
d'accord.
▪ Soit l'individu ne consent pas à son extradition : la procédure est la même mais les délais
sont plus longs. Ainsi, l'individu est reçu dans les 10 jours devant la chambre de
l'instruction, qui a un mois pour rendre sa décision, qui sera un avis (et non plus un arrêt). Si
l'avis est favorable (= que les conditions d'extradition sont remplies), l'extradition est
possible mais pas acquise ; si l'avis est défavorable (ex: prescription), alors l'extradition ne

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sera pas possible. Dans les deux cas, cet avis peut faire l'objet d'un pourvoi en cassation.

d) L'exécution de l'extradition par le gouvernement


Si la chambre de l'instruction a donné un avis négatif, alors l'extradition ne sera pas possible : dans
ce cas, l’État requis (la France) doit notifier par voie diplomatique à l’État requérant cette décision motivée
de refus d'extradition.
Au contraire, si la chambre de l'instruction a rendu un avis favorable, l'extradition est possible mais
pas acquise, en ce que le gouvernement va pouvoir suivre la chambre de l'instruction (donc accepter
l'extradition) ou ne pas la suivre. L'autorisation d'extradition en elle-même résulte d'un décret du Premier
ministre sur le rapport du Ministre de la Justice.
Les textes ne fixent aucun délai pour rendre un tel décret. Ce délai doit être motivé en droit et en
fait, et notifié par la voie diplomatique aux autorités de l’État requérant. Une fois que le décret a été pris
par le Premier ministre, ce dernier peut cependant décider à tout moment de retirer le décret. Le Conseil
d’État peut être amené à contrôler aussi bien le décret d'extradition que son refus :
 Concernant le décret d'extradition, le Conseil d’État en vérifie la légalité.
 Quant au refus d'extradition, il ne contrôle que la motivation juridique du refus : s'il n'est pas
motivé, il va renvoyer au gouvernement afin que celui-ci motive.
Lorsque le décret a été adopté, alors la personne doit être extradée dans le mois qui suit  ; si dans ce
délai la personne n'est pas extradée, elle est remise en liberté (sauf dispositions relatives à l'ajournement
d'extradition). En même temps que la personne, on peut aussi procéder à une remise de biens ou d'objets à
l’État requérant.

2. L'extradition demandée par la France


Le Code de procédure pénale ne réglemente pas l'extradition demandée par la France : en effet, la
procédure applicable est la procédure étrangère. Néanmoins, on peut se poser la question de la procédure
à suivre pour présenter en France une demande d'extradition, ainsi que la procédure une fois que la
personne réclamée est remise aux autorités françaises.

a) Comment organiser une extradition depuis la France ?


La préparation de l'extradition est principalement prévue par la voie de circulaires, qui prévoient
que c'est au procureur de la République territorialement compétent de présenter les preuves nécessaires à
la présentation d'une demande d'extradition. En effet, l'extradition relève in fine du pouvoir exécutif, or le
juge d'instruction n'a pas de lien avec le pouvoir exécutif (contrairement au procureur).
Les pièces à rassembler sont à peu près identiques à celles pour l'extradition d'un étranger :
l'original ou une copie certifiée conforme de la décision de condamnation, l'exposé des faits, et une copie
des dispositions légales applicables. Ces exigences basiques peuvent être renforcées selon les conventions.
De la même manière, pas d'obligation de traduire en langue étrangère.
Une fois que le dossier est construit, il est signé par le procureur de la République qui le transmet
au Ministère de la Justice, et plus précisément au Bureau de l'entraide pénale internationale. Une fois que
ce bureau a examiné l'opportunité de l'extradition, il transmet la demande au Ministère des Affaires
étrangères qui l'envoie par voie diplomatique à l’État requis.

b) Quid une fois que l'extradition est obtenue par le gouvernement français ?
L'article 696-36 CPP dispose que « l'extradition obtenue par le gouvernement français est nulle si
elle est intervenue en dehors des conditions prévues par le présent chapitre ». Les juridictions françaises
sont incompétentes pour vérifier la régularité de la procédure étrangère. En revanche, elles peuvent
sanctionner une extradition obtenue en dehors des cas légaux (ex: si elles s'aperçoivent que l'extradition a
été faite pour une infraction politique, si elles se rendent compte de la prescription une fois l'extradition
obtenue...), par la nullité.
Comment traiter les cas de fraude à l'extradition (ou extradition déguisée) ? Male captus, bene
detentus : la Cour de cassation considère qu'il importe peu que la personne soit revenue en France de son
plein gré, par une procédure d'extradition en bonne et due forme ou de toute autre façon. La Cour de

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cassation a posé cette solution dans l'affaire Argoud (durant la guerre d'Algérie, un membre de l'OAS devait
être jugé en France, enlevé en Allemagne et livré en France pour jugement) : dans un arrêt Cass. crim,
1964 : « l'exercice de l'action publique et l'application de la loi pénale à l'égard d'une personne réfugiée à
l'étranger ne sont nullement subordonnés à son retour volontaire en France ou à la mise en œuvre d'une
procédure d'extradition ». La seule condition qui a été posée est que cet enlèvement ne soit pas le fait de
représentants de la force publique française (en l'espèce, il s'agissait de personnes inconnues, bien que
services secrets français).
Si cette nullité est avérée, elle peut être prononcée soit par la chambre de l'instruction, soit par la
juridiction de jugement ; dans les deux cas, la conséquence sera la remise en liberté de la personne.
Cependant, l'article 696-38 CPP dit que « dans le cas où l'extradition est annulée, l'extradé, s'il n'est pas
réclamé par le gouvernement requis, est mis en liberté ». S'il est remis en liberté en France, il ne peut être
repris que si dans les 30 jours qui suivent la mise en liberté, il est retrouvé. => La nullité de l'extradition est
prévue par les textes, mais n'est que relative.

C. Les effets de l'extradition

Si l'extradition est acquise, l’État requérant (qui demande l'extradition et réceptionne la personne
qu'on lui a renvoyée) va poursuivre la personne. Mais il ne pourra le faire que pour les faits, objet de
l'extradition. S'applique ici le principe de spécialité, principe fondamental et très ancien qui signifie que la
personne remise ne peut être remise que sur le(s) fait(s) qui ont donné lieu à l'extradition, sauf si
l'individu, postérieurement à l'extradition, commet une nouvelle infraction.
Ce principe de spécialité doit être nuancé : d'abord, il ne vaut que sur les faits objet de l'extradition
et non pas sur l'infraction objet de l'extradition. Ainsi, dès lors que les faits ont été précisément décrits,
l’État requérant qui a reçu l'individu va pouvoir requalifier les faits. Il est donc possible que la qualification
évolue.
Par ailleurs, ce principe de spécialité ne peut pas protéger indéfiniment la personne extradée contre
des poursuites qu'elle encourt pour des infractions antérieures relevant de la compétence de l’État
requérant. On a ainsi admis que le principe de spécialité cesse de produire des effets si la personne
extradée demeure un certain temps sur le territoire de l’État requérant, alors qu'elle avait la possibilité de
quitter le territoire requérant (article 696-39 du CPP).
En outre, ce principe de spécialité est limité par le fait que l’État requis peut donner son
consentement à l’État requérant pour une extension des poursuites à des faits antérieurs à la demande
d'extradition.

§2: La remise aux juridictions pénales internationales

L'extradition est un mécanisme inter-étatique, entre deux États. Son régime est entièrement
fonction du pouvoir politique. Il ne s'agit donc pas d'un mécanisme qui serait adapté aux demandes
adressées à une juridiction pénale internationale. On ne peut donc pas parler d'extradition lorsqu'on parle
de remise d'une personne à une juridiction pénale internationale, car l'extradition se fait d’État à État. Or le
régime est un peu différent pour la remise : en France, le mécanisme de remise aux juridictions pénales
internationales existait déjà pour les tribunaux pénaux internationaux (lois de 1995 pour le TPIY et de 1996
pour le TPIR), et cette procédure a été intégrée au CPP pour la coopération avec la CPI.
Cette procédure de remise est très différente de celle attachée à l'extradition, car il n'est pas prévu
de refus d'exécution. En effet, par définition les demandes qui émanent de la Cour pénale internationale
porte sur une criminalité que la France entend combattre, il n'y a donc pas de risque que la demande faite
par la CPI heurte les intérêts fondamentaux de la nation ou l'ordre public international.
Par ailleurs, il n'y a pas d'intervention de l'autorité politique pour faire exécuter une telle mesure  : il
n'y a en effet pas d'appréciation juridique autre à apporter. Les demandes transitent donc par le Ministère
des Affaires étrangères ou par le Ministère de la Justice français, qui le transmet au procureur général de
Paris ; une fois l'individu arrêté, la procédure est soumise à la chambre de l'instruction qui décide ou non de

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la remise. Si les conditions juridiques de la remise sont réunies, alors la remise est obligatoire.
 Pour les TPI, la chambre de l'instruction pouvait vérifier que les faits pour lesquels la remise était
demandée, relèvent de la compétence des TPI.
 En revanche, pour la CPI, le contrôle est purement formel, dans le sens où la chambre de
l'instruction doit juste vérifier que la personne arrêtée est bien celle qui est visée par la demande
de la CPI.

§3: Le mandat d'arrêt européen

Le droit pénal de l'Union européenne repose sur le principe de reconnaissance mutuelle, qui a été
posé pour la première fois lors du Conseil européen de Tampere (Finlande) en 1999. Ce principe de
reconnaissance mutuelle modifie complètement la conception traditionnelle des relations entre États :
jusqu'à présent, les relations entre États sur un plan pénal prenaient la forme d'une entraide judiciaire.
L'évolution que caractérise le droit pénal de l'UE est marquée par le fait qu'il ne s'agit plus pour l'UE de
répondre à une demande formulée par un État, mais d'essayer d'œuvrer pour un rapprochement des États
entre eux. Ainsi, les considérations politiques sont donc mises à la marge : on veut créer un véritable droit
de l'UE fondé sur le fait qu'on a des systèmes proches, permettant un échange rapide (voire presque
automatique) entre autorités judiciaires.
Cette conception explique que les cas d'intervention du politique aient été remis en cause et
largement mis à l'écart entre États membres de l'UE. La mise en œuvre de l'accord de Schengen de 1985 a
eu un effet sur l'extradition, pour la faciliter. C'est donc le Conseil européen de Tampere qui a prévu
d'adopter des procédures accélérées d'extradition. Mais étant donné la réticence des États sur la
souveraineté, il faut attendre les attentats du 11 septembre 2001 pour accélérer le processus qui avait été
engagé par Tampere. Dès le 21 septembre 2001, le Conseil européen décide l'instauration d'un mandat
d'arrêt européen, qui est consacré par une décision-cadre du 13 juin 2002. La décision-cadre considère qu'il
convient de substituer un système de libre circulation des décisions judiciaires en matière pénale dans
l'espace de liberté, de sécurité et de justice.
C'est dans cette perspective que le mandat d'arrêt européen est créé, qui constitue le premier
mandat à mettre en œuvre le principe de reconnaissance mutuelle : c'est parce que les États européens se
font mutuellement confiance, qu'ils reconnaissent les décisions de justice qui émanent de leurs partenaires.
Cette décision-cadre a été transposée en France par la loi Perben II du 9 mars 2004 ; entre temps, le Conseil
d’État avait en effet dit qu'on ne pouvait pas la transposer sans modifier notre Constitution, en ce que le
mandat d'arrêt européen permet la remise d'individus y compris pour des infractions politiques.
Cette révision constitutionnelle a été faite par la loi du 25 mars 2003 qui vient intégrer dans la
Constitution un article 88-2 : « La loi fixe les règles relatives au mandat d'arrêt européen, en application des
actes pris sur le fondement du Traité sur l'Union européenne. »
Le mandat d'arrêt européen est prévu dans notre Code de procédure pénale aux articles 695-11 et
suivants : « Le mandat d'arrêt européen est une décision judiciaire émise par un État membre de l'Union
européenne appelé État membre d'émission, en vue de l'arrestation et de la remise à un autre État membre
appelé État membre d'exécution, d'une personne recherchée pour l'exercice de poursuites pénales ou pour
l'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté privative de liberté. »
 Pour l'extradition, on parle d’État requérant tandis que pour le MAE, on parle d’État membre
d'émission.
 Pour l'extradition, on parle d’État requis tandis que pour le MAE, on parle d’État membre
d'exécution.
 Par ailleurs, on ne parle pas d'extradition mais de remise de l'individu. Il s'agit donc d'exécuter une
décision d'un autre État membre, sur la base d'une confiance mutuelle.
 L'accent est mis pour le MAE sur le fait qu'il s'agit d'une décision judiciaire, l'autorité judiciaire est
donc mise au centre du mécanisme du MAE. Cette position centrale est affirmée dès l'alinéa 2 de
l'article 695-11.
De cela, découle une très grande rapidité dans l'exécution du MAE : certaines statistiques montrent

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qu'une extradition s'exécute dans un délai variant de 6 à 18 mois, alors qu'un MAE s'exécute entre 9 et
33 jours. Le mécanisme est donc beaucoup plus facile, ce qui amène d'ailleurs certains États à utiliser un
peu trop rapidement le MAE, pour des faits qui n'auraient jamais fait l'objet d'une extradition.
Cette utilisation décomplexée du MAE a été soulignée par la Commission européenne qui est
intervenue expressément pour rappeler aux États membres qu'il fallait garder une certaine retenue et
veiller à respecter le principe de proportionnalité.

A. Les conditions du mandat d'arrêt européen

1. Les conditions de fond


Comme l'extradition, le MAE ne peut être émis que pour des faits présentant une certaine gravité :
bien que cette procédure soit plus rapide, elle reste coûteuse. Elle est dérogatoire de la séparation
territoriale des États, et enfin elle demeure coercitive. Cette coercition doit donc être proportionnée à la
gravité des infractions.
Cette condition est exprimée à l'article 695-12 CPP qui limite l'émission d'un MAE aux infractions
punies selon la législation de l’État d'émission, d'une peine ou d'une mesure de sûreté privative de peine de
liberté d'au moins un an. En cas de condamnation, il ne peut être prononcé que pour les peines ou mesures
de sûreté égales ou supérieures à 4 mois.

2. Les conditions de forme


Dans le document du MAE, doivent apparaître l'identité de l'individu, sa nationalité, l'autorité
judiciaire qui forme la demande, la décision judiciaire qui fonde cette demande, la nature de l'infraction et
sa qualification juridique, la date, le lieu, les circonstances de l'infraction, le degré de participation de la
personne recherchée à l'infraction, et si une peine a été prononcée quelle est-elle et quelles sont ses
conséquences. Par ailleurs, ce document doit être traduit dans la langue officielle de l’État d'exécution.
Le MAE peut être adressé directement à l'autorité judiciaire d'exécution, et ce par tout moyen dès
lors qu'il laisse une trace écrite permettant de vérifier l'authenticité de la demande.

3. Les cas de refus d'exécution


Ces cas de refus d'exécution ont été limitativement énumérés dans la décision-cadre de 2002, et
s'inspirent de ce que l'on retrouve en matière d'extradition. Cependant, ces cas de refus sont nettement
moins nombreux que pour l'extradition : du fait du rapprochement juridique, certaines causes n'ont plus
lieu d'être. C'est le cas des infractions politiques et militaires, qui n'ont plus lieu d'être une cause de refus
de mandat d'arrêt européen alors qu'elles sont une cause de refus d'extradition.
De la même manière, il est possible de remettre un national à l’État d'émission du MAE. Enfin,
certains cas de refus prévus pour le MAE sont facultatifs, c'est-à-dire qu'ils peuvent emporter le refus
d'exécution du MAE. Ainsi, il ne reste que trois cas obligatoires de refus d'exécution, auxquels il faut ajouter
la faculté qui est laissée aux États de subordonner l'exécution du MAE à certaines conditions :
 Ainsi, les États ont la possibilité de subordonner l'exécution du MAE à la condition que l'individu
qu'ils vont remettre soit rejugé dans l’État qui demande le MAE, dès lorsqu'il avait été jugé en son
absence.
 De plus, ils peuvent exiger que la personne ne soit pas condamnée à une peine perpétuelle.
 Ils peuvent exiger que la personne soit renvoyée dans l’État d'émission pour exécuter sa peine, si
elle en est un ressortissant.
En droit français, les cas limitatifs de refus d'exécuter le MAE sont énumérés aux articles 695-22 à
695-24 du CPP. En dehors de ces cas, la chambre de l'instruction ne peut admettre aucun autre motif de
refus d'exécution. La chambre criminelle a donc approuvé la chambre de l'instruction qui avait dit à un
individu qui contestait qu'on le remette, qu'elle refusait d'examiner le grief opposé (la personne disait
qu'elle avait subi des tortures dans l’État d'émission), dans un arrêt Cass. crim du 5 avril 2006. Dans le
même ordre, la chambre criminelle a confirmé un arrêt de la chambre d'instruction dans lequel celle-ci avait
refusé d'examiner le grief d'une personne qui craignait pour sa vie, dans un arrêt Cass. crim d'avril 2006.
Dans un même temps, on note une jurisprudence plus récente de la chambre criminelle de la Cour

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de cassation qui s'est affranchie du caractère limitatif des cas de refus de MAE en se fondant sur le
préambule de la décision-cadre de 2002, dans laquelle elle affirme qu'elle est « respectueuse des droits
fondamentaux ». C'est au motif de cette référence aux droits fondamentaux que la chambre de l'instruction
a accepté d'examiner une défense qui arguait d'une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la
vie privée et familiale garantie par la CESDH. Dans cet arrêt Cass. crim du 10 novembre 2010, il s'agissait
d'un individu biélorusse pour lequel les autorités polonaises avaient émis un MAE. Cet individu avait été
condamné pour des faits commis en Pologne de vol avec violence, et condamné à une peine de 3  ans
d'emprisonnement : les autorités polonaises demandent donc le MAE en vue d'exécuter la peine
prononcée. Dans cette affaire, la chambre de l'instruction avait dit qu'il n'y avait pas de difficulté à tenir
compte du fait que l'individu avait une vie familiale établie en France, et que l'envoyer en Pologne portait
une atteinte grave à sa vie familiale : ainsi, la Cour de cassation estime que « cet individu a fait valoir devant
la chambre de l'instruction qu'il était réfugié politique en France, qu'il vivait maritalement en France avec
deux enfants scolarisés et qu'il était le seul soutien financier de sa famille en France.  » La Cour de cassation
reproche à la chambre de l'instruction de n'avoir pas vérifié comment régler cette question : « sans vérifier
si la remise de la personne recherchée ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la
vie privée garanti par l'article 8 de la CSDH, la chambre de l'instruction n'a pas motivé sa décision ».
Ainsi, la Cour de cassation en dehors des cas limitativement énumérés par le CPP, considère qu'on
peut procéder à une vérification de la demande de MAE. => Pose problème quant à l'intérêt du MAE.

a) Les cas obligatoires


Dès lors qu'ils sont constatés, ces cas constituent automatiquement un refus d'exécution d'un MAE.
Il existe cinq cas obligatoires.
 Le non-respect du principe de double-incrimination
La décision-cadre avait rangé parmi les cas facultatifs de refus d'exécution le non-respect du
principe de double-incrimination. La France n'a pas suivi cela, puisqu'elle en a fait (comme la décision-cadre
l'autorisait) un cas obligatoire de refus d'exécution : s'il n'y a pas de double-incrimination, on ne peut donc
pas remettre l'individu à l’État demandeur. Ainsi, ce principe de double-incrimination est donc
fondamental en droit pénal français. La chambre de l'instruction doit veiller au respect de ce principe en
contrôlant que les faits visés par le MAE correspondent à une infraction pénale française. Il n'est pas
nécessaire que l'infraction de droit étranger soit connue en tant que telle du droit français (il n'y a pas
forcément nécessité d'une équivalence des infractions). Ex: l'infraction italienne de refus d'exécution d'une
décision civile exécutoire accordant le droit de visite à un parent n'existe pas en France, mais correspond
chez nous au délit de non représentation d'enfant. Inversement, les autorités hongroises avaient destiné un
MAE aux autorités françaises fondées sur le « comportement antisocial » de l'individu ; le MAE a donc été
refusé, car n'ayant pas d'incrimination équivalente en France.
Le non-respect de ce principe empêche l'exécution d'un MAE ; cependant bien qu'exigé, il fait
l'objet d'une mise en œuvre assouplie pour 32 catégories d'infractions, à la condition toutefois que les
agissements objet du MAE soient passibles dans l’État d'émission d'une peine égale ou supérieure à 3  ans
d'emprisonnement. Ces 32 catégories d'infractions graves sont énumérées à l'article 695-23 du CPP. La
chambre criminelle veille alors au non contrôle du principe de double-incrimination. Seulement, elle
autorise un contrôle en cas d'inadéquation manifeste entre les faits et la qualification retenue (= qu'on force
la qualification pour la faire entrer dans l'une des 32 catégories) ; elle n'a cependant jamais utilisé cette
condition d'inadéquation manifeste.

 L'extinction de l'action publique


Lorsque les faits pour lesquels le MAE a été émis pouvaient être poursuivis et jugés en France (ex:
par le biais d'une compétence personnelle active), et que l'action publique en France est éteinte par le fait
d'une amnistie ou d'une prescription, alors le MAE est refusé.

 L'application du principe non bis in idem


Si la personne recherchée a fait l'objet par les autorités judiciaires françaises ou par les autorités
judiciaires d'un autre État, d'une décision définitive pour les mêmes faits que ceux motivant le MAE, alors

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ce MAE ne pourra pas aboutir, dès lors qu'en cas de condamnation de l'individu, la peine a déjà été
exécutée ou est en cours d'exécution, ou ne peut plus être exécutée.
L'application est donc large du principe non bis in idem car il suffit d'une décision définitive (relaxe
ou condamnation) des autorités judiciaires, françaises comme étrangères, dès lors que la peine exécutée s'il
y a eu une peine ne puisse plus être exécutée.

 L'incapacité pénale de l'individu recherché


Cela ne vise que le cas de l'individu, objet du mandat d'arrêt européen, qui avait moins de 13 ans
lors de l'émission du MAE. Cet âge correspond à l'âge de la capacité pénale.

 Le respect des principes guidant le droit d'asile


Quand le MAE est émis dans le but de poursuivre ou de faire exécuter une condamnation à
l'encontre d'une personne, en raison de son sexe, de sa race, de sa religion, de son origine ethnique, de sa
nationalité, de sa langue, de ses opinions politiques ou de son orientation ou identité sexuelle, alors la
remise de l'individu ne sera pas possible.
Ici, ce cas de refus de remise intègre l'hypothèse d'un refus d'extradition dans un but politique
(distinction avec l'infraction politique : ici, il y a bien une infraction, mais un but qu'on découvrirait
postérieurement).

b) Les cas facultatifs de refus d'exécution


Ces cas facultatifs, au nombre de quatre, sont prévus à l'article 695-24 du Code de procédure
pénale, et relèvent de la discrétion du juge :
 La mise en œuvre de poursuites pour des mêmes faits devant les juridictions françaises, ou le choix
des juridictions françaises de ne pas engager les poursuites ou d'y mettre fin.
 Si la personne demandée a la nationalité française, exclusivement dans l'hypothèse où il s'agit d'un
MAE à fin d'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté. Dans ce cas, le juge peut refuser  : en
2013, le CPP a étendu l'hypothèse aux personnes non plus seulement qui ont la nationalité
française, mais aussi à celles qui résident habituellement sur le territoire national depuis au moins
5 ans. Dans ce cas, le CPP prévoit qu'on ne peut refuser de remettre un français ou un résident que
si la peine étrangère est exécutoire sur le territoire français.
 L'application du principe de territorialité en matière de MAE constitue une cause facultative de
refus : si l'infraction pour laquelle la remise est demandée a été commise en tout ou partie en
France, alors la remise peut être refusée.
 Lorsque la France apprécie la compétence de l’État d'émission au regard des règles gouvernant la
compétence extra-territoriale de la France. La demande d'exécution d'un MAE peut être refusée si
l'infraction a été commise en dehors du territoire de l’État d'émission, si dans la même hypothèse la
loi française n'aurait pas autorisé la poursuite de l'infraction commise à l'étranger.

B. La procédure

1. Le mandat d'arrêt européen demandé à la France


Dans cette hypothèse, la France est État d'exécution. La procédure est strictement judiciaire. On
peut distinguer trois phases :
 L'exécution par le procureur général : le MAE est exécuté par le procureur général auquel la
demande peut être directement adressée si l'on sait précisément où l'individu se trouve. Si le
procureur général saisi ne s'estime pas compétent, il transmet la demande au procureur général
territorialement compétent. Si l'on sait que l'individu se trouve en France mais pas précisément où,
alors la demande transite soit par le système d'information Schengen, soit par le réseau judiciaire
européen, soit par Interpol. La personne doit alors être inscrite dans le fichier national des
personnes recherchées. Une fois la personne arrêtée, elle doit être conduite dans les 48h devant le
procureur général territorialement compétent. Pendant ces 48h, l'individu arrêté bénéficie des
droits de la GAV. Mais la rétention judiciaire peut durer plus de 48h. Après vérification de l'identité

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de la personne, on doit informer l'individu qu'un MAE à son encontre a été émis, et lui notifier ses
droits. Sauf s'il existe des gages de représentation suffisants, le procureur général décide de
l'incarcération de la personne demandée.
 La comparution de la personne devant la chambre de l'instruction  : comme en matière
d'extradition, la chambre de l'instruction est compétente pour tout le contentieux relatif à la remise
en liberté, et pour se prononcer sur le MAE. La comparution devant la chambre de l'instruction doit
survenir dans les 5 jours à compter de la présentation au procureur général. Devant la chambre de
l'instruction, l'audience est publique :
◦ Soit la personne consent à être remise à l'autorité étrangère, alors la chambre de l'instruction se
prononce dans les 7 jours.
◦ Soit la personne n'est pas consentante, dans ce cas la chambre de l'instruction se prononce
dans les 20 jours.
 La remise de la personne recherchée  : dès lors que la chambre de l'instruction a donné son aval à la
remise de la personne, cette remise est organisée par le procureur général dans les 10 jours qui
suivent la décision de la chambre de l'instruction. Mais rien ne passe par les ministères,
contrairement à l'extradition.

2. Le mandat d'arrêt européen demandé par la France


Ici, c'est au parquet qu'il incombe d'émettre concrètement un tel mandat. Mais cette émission d'un
MAE par le parquet se fait sur la décision soit d'un juge d'instruction, soit d'une juridiction de jugement, soit
sur demande du juge de l'application des peines (art. 695-16 CPP).

C. Les effets du mandat d'arrêt européen

Concernant les effets du MAE, l'article 695-18 CPP dispose que le principe de spécialité est prévu de
la même manière pour le MAE qu'il l'est pour l'extradition. Ainsi, la personne ne pourra être jugée à
l'étranger que pour les faits qui ont fondé la demande de MAE, et non pour d'autres ; les conditions sont
d'ailleurs les mêmes que pour l'extradition. En outre, comme pour l'extradition, le MAE interdit que l'on
remette ou qu'on extrade l'individu vers un autre État.
Une procédure est particulière : les MAE par voie de transit. Il s'agit de l'hypothèse où l'individu
passe par le territoire durant le vol, l’État doit alors accepter ce MAE (ex: individu portugais remis à la
France et étant passé par l'Espagne).

SECTION 2 : LES ACTES MATÉRIELS

§1: Les actes matériels d'entraide internationaux

A. Les types d'actes

Ces actes très nombreux ont pour point commun l'absence de caractère coercitif à l'égard des
personnes (sauf cas très particulier), ex: on ne peut pas contraindre un témoin à aller témoigner dans un
pays étranger. Globalement, les États doivent apprécier largement les actes matériels possibles : même si un
État étranger demande à la France l'exécution d'un acte matériel qui n'est pas expressément prévu dans la
Convention bilatérale d'entraide pénale internationale, on l'acceptera (= les conventions ne sont donc pas
exhaustives). Par exemple, dans un arrêt Cass. crim de 1999, la chambre criminelle a admis que la Cour
d'appel valide une ordonnance de mise en examen à la demande d'un juge d'instruction de Dakar, alors
même que cet acte n'était pas formellement prévu dans la Convention bilatérale d'entraide judiciaire en
matière pénale liant la France et le Sénégal. On peut distinguer six catégories d'actes demandés :
 Les actes d'enquête et d'instruction : ils sont destinés à rechercher les preuves de l'infraction visée

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par l'enquête ou l'instruction. Ces actes sont des actes de recherche de preuve à proprement parler
(ex: visites de lieux, perquisitions, saisies, demandes en identification de comptes bancaires,
interceptions de télécommunications...), mais aussi les auditions de témoins ou de victimes,
l'interrogatoire d'une personne suspectée, ou encore la remise d'objets ou de documents.
 Les actes de procédure et les décisions de justice  : pour que ces actes produisent effet, il faut qu'ils
soient notifiés à la personne. La notification ne peut se faire que sur le territoire français, il faut
demander le relais des autorités judiciaires étrangères pour notifier à l'étranger.
 Les actes de comparution personnelle  : les autorités françaises transmettent à l'individu à l'étranger
une demande à comparaître sur le sol français. Il faut distinguer :
◦ La comparution d'un témoin ou expert à l'étranger : cette comparution est possible mais il
n'existe pas de contrainte possible. Si l'individu accepte, alors l’État lui paiera les frais de
déplacement. Le témoin ou expert qui accepte de se déplacer à l'étranger bénéficie d'une
immunité, qui interdit à l’État qui demande l'entraide de poursuivre le témoin ou l'expert, ou de
le détenir pour le juger. Certains ont parlé à cet égard de « sauf conduit ». On trouve quelques
spécificités lorsqu'un État étranger demande à la France l'envoi d'un témoin détenu dans nos
prisons : dans ce cas, la procédure est beaucoup plus encadrée et très souvent refusée (on
préférera souvent le mécanisme de visioconférence). De même quand le témoin est le
représentant d'une procédure étrangère : rien ne l'interdit, mais l'article 656 CPP prévoit que la
demande transite par le Ministre des affaires étrangères en personne, qu'elle consiste en une
demande écrite (et non pas à sa venue). Si ce représentant accepte, cette demande écrite sera
reçue par le Premier président de la cour d'appel.
◦ La comparution d'une personne poursuivie : si cette personne accepte, elle n'en sera cependant
pas forcée. En outre, une fois sur place elle bénéficiera également d'une immunité.
 Les communications d'information : elles peuvent être demandées ou transmises spontanément.
Elles consistent en la transmission à l’État qui fait une enquête du casier judiciaire d'une personne
impliquée dans cette enquête. Il peut également être transmis toutes les informations relatives aux
condamnations de ses nationaux. Aujourd'hui, l'article 768 CPP prévoit que parmi les inscriptions au
casier judiciaire, y figurent les condamnations prononcées à l'étranger : ces condamnations sont
inscrites au casier dès lors qu'on en a informé l'autorité française, ou plus simplement lorsqu'on a
demandé aux autorités françaises d'exécuter cette décision sur le territoire français. Pour autant,
ces condamnations sont-elles prises en compte dans la caractérisation de la récidive ? En principe
non, mais il existe une exception s'il s'agit d'une décision prononcée par un État membre de l'UE.
 La dénonciation officielle aux fins de poursuites  : lorsqu'un État veut juger un individu qui ne se
trouve pas sur son territoire et qu'il sait que cet individu se trouve dans un autre État qui lui
refusera probablement l'extradition, alors l’État d'origine peut décider de dénoncer ces faits aux
fins de poursuites. Il peut ainsi réclamer à cet État d'exécuter son obligation de poursuivre en cas de
refus d'extradition. Ex: si l'Algérie cherche un individu qui a commis des faits sur son territoire, et
que cet individu se trouve en France ; si l'Algérie suppose que l'individu ne sera pas extradé, elle
peut dénoncer les faits aux autorités françaises.
 Les mesures destinées à une confiscation  : sur demande d'une autorité étrangère, les États peuvent
mettre en œuvre une saisie de certains bien meubles ou immeubles aux fins de confiscation
(art. 713-38 et s. CPP). Dans ce cas, le principe est que la propriété des biens confisqués est
transférée à l’État français, sauf si les conventions en stipulent autrement.

B. Le régime applicable

Pour que ces types d'actes soit possible, il faut d'abord qu'une procédure pénale soit en cours
(enquête, instruction, jugement qui a commencé ou à exécuter...). A contrario, une enquête ouverte pour
un manquement administratif ne peut pas donner lieu à une entraide au niveau international, sauf au sein
de l'UE où il existe certains dispositifs plus élaborés.
En revanche, l'entraide ne peut pas se faire après qu'une décision définitive a été rendue : il faut
donc que la procédure ait commencé, mais pas qu'elle soit totalement terminée sinon on ne pourra plus

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faire exécuter une décision par dessus les frontières. Peu importe la gravité de l'infraction, on considère que
l'extradition étant coercitive, il faut une certaine gravité ; au contraire, le MAE n'étant pas coercitif, il ne
nécessite pas de gravité. La seule catégorie qui persiste concerne les infractions militaires qui demeurent
non autorisées.
Pour le reste, on peut distinguer quatre phases qui suivent à peu près la procédure applicable en
matière d'extradition :
 La demande d'entraide émane des autorités judiciaires (juges ou parquetiers) : cette demande doit
comporter des informations classiques (identité, faits...). Sur la forme, certains qualifient cette
demande de « commission rogatoire internationale », dans la mesure où il s'agit de faire accomplir
des actes de preuve à l'étranger. On considère qu'au niveau international, il y aurait une sorte de
délégation : un juge français déléguerait à un juge étranger la recherche de preuves qu'il ne pourrait
pas faire lui-même. Il est en fait juridiquement inexact de parler de «  commission rogatoire
internationale » puisque le juge français ne peut pas déléguer à un juge étranger ses actes ;
aujourd'hui, les juristes parlent plus précisément de demande d'entraide.
 La demande est transmise à l'étranger par la voie diplomatique (demande transmise à l'étranger
par le Ministère de la Justice / demande transmise vers la France par l'intermédiaire du Ministère
des affaires étrangères). Cependant, l'article 694 CPP prévoit qu'en cas d'urgence, on peut passer
directement par les autorités judiciaires.
 L'exécution des demandes d'entraide : il n'existe pas vraiment de cas de refus d'exécution, les
demandes d'entraide aboutissent. Le seul vrai cas de refus d'entraide est celui de l'atteinte à l'ordre
public ou aux intérêts essentiels de la nation (art. 694-4 CPP) : ce cas est appelé clause de
sauvegarde. Cette clause de sauvegarde a été invoquée dans l'affaire Borel (juge français retrouvé
mort à Djibouti) : une instruction est d'ailleurs toujours ouverte en France, les autorités
djiboutiennes ont demandé à ce qu'on leur transmette le dossier mais la France a refusé. S'il n'y a
pas de convention bilatérale entre deux États, l'entraide est facultative. Les demandes d'entraide se
réalisent dans les formes prévues par la loi de l’État requis. Mais il faut aussi tenir compte des règles
de l’État requérant (ex. de la France concernant la GAV : pour entendre un individu sans coercition à
la demande d'une autorité étrangère, pour certains pays il fallait notifier à l'individu son droit à
l'avocat alors même que ce n'était pas prévu chez nous => la France devait donc s'adapter). On peut
donc augmenter les standards mais pas les diminuer (ex: on n'autorisera jamais en France le
détecteur de mensonges, mais on peut autoriser de prêter serment). Toutes les demandes
d'entraide s'effectuent par les agents de l’État requis. En France, les demandes sont exécutées par
le procureur de la République et/ou par les OPJ, et éventuellement par le juge d'instruction.
Seulement, on peut autoriser à ce que les agents de l’État étranger soient présents au moment où
les mesures sont réalisées.
 La réponse à la demande d'entraide.

§2: Les actes matériels d'entraide propres à l'Union européenne

Outre le MAE qui est l'acte le plus abouti, il existe à un niveau embryonnaire des actes possibles sur
le plan matériel. Il existe aujourd'hui deux instruments propres à l'UE qui intègrent le principe de
reconnaissance mutuelle :
 Concernant le gel de biens ou d'éléments de preuve , une décision-cadre de 2003 (transposée en
France en 2005) a donné lieu aux articles 695-9-1 et s. CPP. Cette décision de gel de biens ou
d'éléments de preuve résulte d'une décision prise par les autorités judiciaires d'un État membre de
l'UE, qui prononce ces gels situés sur le territoire d'un autre État membre de l'UE. Par ce mécanisme
européen, il y a une procédure beaucoup plus rapide. Mais cette décision-cadre a été remplacée
par une directive du 3 avril 2014 qui s'y est substituée, non encore transposée en droit français (la
France a jusqu'au 4 octobre 2016 pour le faire).
 Une décision-cadre de 2008 a instauré le mandat européen d'obtention de preuves (mais n'a jamais
été transposée en France). Elle a été complétée très largement par une directive du 3 avril 2014

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concernant la décision d'enquête européenne en matière pénale (la France a jusqu'au 22 mai 2017
pour la transposer, il s'agira alors d'un mécanisme qui permettra à toute autorité judiciaire de
demander à toute autre autorité judiciaire de l'UE un élément d'acte d'enquête en matière de
recherche de preuves, d'audition de témoins...).

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