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sous la direction de
M. le professeur Christian Viviani
1994-1995
SOMMAIRE
FICHE TECHNIQUE.............................................................................................................................................3
COLORS..............................................................................................................................................................3
DO THE RIGHT THING.............................................................................................................................................3
INTRODUCTION...................................................................................................................................................4
Colors
La société américaine souffre d’un mal intérieur qui la ronge et que l’on
n’arrive pas encore à combattre sérieusement : c’est la violence urbaine. Ce
grave problème apparaît dans les films sous différentes formes et à différentes
époques1. D’aucuns pourraient se demander si cette société n’est pas après tout
originellement violente et par conséquent son cinéma serait une sorte de thérapie
collective, seul capable d’absoudre tous leurs péchés. La vente d’armes, la
drogue ainsi que la violence psychologique dominent le genre de films consacré
aux bandes. Ces fléaux sont parfois découverts à travers le regard d’un
réalisateur qui a pris le temps de saisir la réalité.
Ainsi, nous avons voulu à partir de deux occurrences cinématographiques
aborder cette question très controversée. En effet, ces deux films présentent deux
situations totalement opposées possédant un point commun : la mort lente et
gratuite d’une partie de la jeunesse de ce pays.
Pour ce faire, nous avons essentiellement utilisé comme source ces deux
films, des reportages français et américains ainsi que d’autres films relatant ce
genre de faits2. Quant aux données chiffrées et aux statistiques, elles proviennent
des cours de géopolitique et d’histoire des Etats Unis dispensés par Madame
Batesti et Monsieur Kaspi à la Sorbonne en 1991. Pourquoi avoir choisi de ces
deux films pour notre étude ?
La criminalité aux Etats Unis est surtout urbaine et présente le long des
côtes. Le choix de ces deux longs métrages correspond à une volonté de montrer
la situation en Californie et à New York. Cependant, il convient de dire que
chaque ville américaine est une sorte de microcosme se suffisant à lui-même et
que les problèmes varient d’un Etat à l’autre. Par exemple, à Chicago ou à
Washington la Police, le D.E.A3 et les associations locales présentent dans les
quartiers difficiles ont permis d’endiguer la progression du crime et de la
drogue. Ce sujet n’est pas encore évoqué...
1. La situation géographique : est et ouest des Etats Unis
Nous pouvons avoir une vision globale de la violence qui sévit aux Etats
Unis car l’une des histoires se déroule à New York et l’autre à Los Angeles dans
certains quartiers délaissés et écartés des bénéfices apportés par la croissance.
1
Cf. Rusty James, Warriors, Boyz in the Hood, New Jack City...
2
En France, les reportages sur la violence aux Etats Unis sont récurrents depuis cinq ans tout comme les
feuilletons (21 Jump street).
3
C’est le Département de lutte contre les stupéfiants et le trafic de dogue.
3. Les réalisateurs
Dennis Hopper
Il a commencé très jeune sa carrière à Hollywood. Adolescent vedette dès
1955 dans la Fureur de vivre, Géant de Georges Stevens, Règlement de compte
à OK corral de John Sturges, La fureur des hommes d’Henry Hathaway. Il est
écarté des studios à cause de son individualisme et de son conformisme forcené.
En 1969, il fait un retour éblouissant en écrivant, réalisant et interprétant Easy
Rider qui est devenu le film d’une génération. Il retombe doucement dans l’oubli
malgré ses apparitions dans plusieurs films dont L’ami américain de Wim
4
Les gang-members appellent ce secteur le turf.
5
Les graffitis délimitant les différentes zones d’influence quittent le turf et apparaissent même dans des
quartiers riches ; c’est le signe de la propagation de ce phénomène.
6
Un technicien a été blessé lors du tournage et à plusieurs reprises des coups de feu ont perturbé la prise de vue
de certaines scènes où des figurants qui portaient les couleurs d’un gang rival ont été aperçus par des ennemis.
Réalité et fiction s’entremêlaient !
B. L’histoire
Les événements qui se succèdent tout au long de ces deux longs métrages
sont des tranches de vie à New York et à Los Angeles. Ainsi, la dureté de la cité
et les crises qui secouent cette partie de la société apparaissent plusieurs fois
sous des angles divers et sous différentes formes.
1. Colors
Deux policiers de Los Angeles, chargés de lutter contre la criminalité, font
équipe. L’un Hodges (Robert Duvall), est un vétéran aspirant à une retraite
tranquille alors que l’autre, Mc Gavin (Sean Pean), est une jeune recrue sans
cœur croyant essentiellement aux méthodes répressives. Fidèle à son
humanisme, Hodges laisse filer un jeune drogué noir qui s’avère être un
dangereux trafiquant. Mc Gavin prend les opérations en mains et traque le
revendeur dans les quartiers pauvres du East Side. Très vite, les deux policiers
se trouvent plongés dans une redoutable Guerre des gangs. Dans cet enfer du
crime, ils vont néanmoins apprendre à se connaître, s’apprécier et collaborer
pour lutter contre ce fléau.
Nous avons gardé à l’esprit que le cinéma, tel que ces deux réalisateurs le
conçoivent, est avant tout une sorte de miroir et un avertissement pour aborder la
violence dans le ghetto.
1. Quelques données
Ces deux regards sur un même problème de société sont d’autant plus
intéressant qu’il y a une génération qui les sépare et qu’ils appartiennent à deux
communautés différentes.
En outre, la méthode d’approche est différente car l’un s’attaque au
phénomène à l’échelle d’une ville en montrant toutes les sortes d’incidents
qu’elle génère ainsi que la violence dans toutes ses formes. L’autre se focalise
plutôt sur une rue et une forme d’affrontement : l’émeute à caractère racial.
Ces quelques scènes tirées de Colors (C) et de Do The Right Thing (D)
résument à elles seules l’état d’esprit régnant dans ces quartiers au bord de la
révolte contre le système américain :
• scène des Coréens (D),
• scène dans laquelle le petit frère du chef du gang, Félipe, monte
dans l’arbre en présence de la police leur montrant qu’il n’accepte pas cette
autorité car elle est dans son quartier, el barrio (C),
• utilisation abusive d’un surnom même quand il s’adresse à des
policiers (Sean Pean est nommé Pacman) (C et D),
• pas de présence permanente de l’Etat (D),
• émeute (D),
• violence verbale et musicale (C et D),
• armes, drogue et alcool (C et D).
2. Los Angeles
Dans ce secteur de la ville, tout un vocabulaire s’est constitué afin de
répondre aux exigences de la situation de violence qui y règne7 : un fusil à
pompe se dit break-down, un mitraillage nourri depuis une voiture s’appelle un
drive by, et enfin tout un langage de signe leur permet de communiquer à
distance sans se faire remarquer. On se croirait en pleine guerre.
Cet état de guerre urbaine est souvent relaté, depuis, dans des émissions
de télévision mais aussi dans des films et des séries. Colors a le mérite
d’aborder ce fléau bien avant qu’éclate les émeutes et que le nombre de victimes
inquiète les autorités (une victime sur deux est innocente).
Mitraillages, représailles ou drive by font partie du quotidien. Les gangs
qui s’affrontent portent des couleurs différentes8 et des tatouages indiquant le
quartier et le secteur auquel ils appartiennent. Depuis peu, les bandes
s’aventurent dans les beaux quartiers, les zones touristiques et même dans
d’autres villes tel que Las Vegas. Agacé par les critiques, le L.A.P.D.
(département de police de cette ville) a mis en place dès 1987 une brigade
spéciale, le C.R.A.S.H.9, qui est le point de départ du scénario puisque ces
événements sont vécus à travers deux policiers de cette brigade.
Colors n’est pas sorti dans les salles des quartiers concernés10 en
conséquence des risques de dérapages que le film peut engendrer mais a suscité
des manifestations d’hostilité devant certaines salles11.
7
Lors d’un repérage le scénariste de Colors s’est retrouvé sous le feu nourri d’un gang. Bilan : une voiture
criblée de balles.
8
Il y a deux couleurs à Los Angeles qui permettent de reconnaître une appartenance à un gang : le rouge des
Bloods et le bleu des Crips. Celles-ci se livrent une guerre sans merci pour le contrôle du turf.
9
C’est le Community Ressources Against Street Hoodlums.
10
Un bleu, Crip, est exécuté devant une salle de cinéma qui affichait le film alors qu’il était dans la file
d’attente.
11
Les films de bandes détiennent le record absolu de polémiques car leurs attaches trop évidente avec la réalité
sociale traumatisante qui existe dans ce pays, leur pouvoir de fascination - même en France, il suffit de se
reporter aux faits rapporté par le Parisien au cours de cette période pour constater que le phénomène a eu des
incidences dans certaines banlieues ! - ont toujours frappé d’horreur les lignes de morale. Dans les
manifestations de protestation contre ce film on pouvait lire sur des banderoles : « la mort suit Colors.
Souvenez -vous de Warriors (sorti en 1977) ».
CONCLUSION
Il ne suffit pas de dire que la société américaine est malade dans des films
pour l’accepter comme tel, mais il faut plutôt prendre en compte certains
indicateurs. Ainsi, on peut noter que le nombre d’émissions de télévision, de
films ou de reportages traitant de ce sujet s’est accru. En 1989, pour 100 000
habitants il y a eu 38.1 viols, 70 millions possédaient au moins une arme et 90%
des hommes (74 % pour les femmes) à New York seront au moins une fois dans
leur vie concernés par la violence.
La drogue est l’autre fléau qui a poussé le gouvernement à s’attaquer au
problème à la source en Colombie. Quelle est la situation ? Il y a entre 14 et 30
millions de consommateurs dont 7 500 000 qui prennent de l’héroïne. Avec près
de 100 000 morts par an et tous les frais destinés à la lutte, la drogue a coûté au
budget de l’Etat plus de 100 milliards de dollars. La pauvreté et le phénomène
des sans abris12ne font qu’accentuer cette situation de malaise.
A New York, il y a 60000 clochards qui pour la plupart sont d’anciens soldats du Viet Nam ou alors des
12
malades mentaux.