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Robert Sangué-Fotso
D
epuis que l’affaire Enron a jeté le trouble dans l’univers
nord-américain des affaires, la question de la gouvernance
est au cœur des débats. Dans ce contexte, les acteurs
du système de gouvernance des entreprises sont confrontés
à un dilemme selon leurs missions respectives de conseil,
d’audit et de contrôle ; et face aux dirigeants d’entreprise. Cette
situation a des conséquences directes sur l’éclatement des
scandales financiers. Ainsi, J.K. Galbraith (2004, p49) précise
que « … les mythes de l’autorité de l’investisseur, de l’actionnaire
administrateur, les réunions rituelles du conseil d’administration
et l’assemblée générale annuelle des actionnaires continuent,
mais, pour tout observateur sain d’esprit de la grande société
anonyme moderne, la réalisation est incontournable. Le pouvoir
Robert SANGUÉ-FOTSO dans l’entreprise appartient à l’équipe de direction, bureaucratie
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GE, au-delà de s’intéresser aux problèmes de coordination et des pays africains, certains experts estiment que les problèmes
de contrôle, contribue à analyser l’ensemble des mécanismes économiques que connaissent ces derniers résultent d’un blocage
nécessaires à la résolution des conflits d’intérêts entre les culturel et ils proposent comme remède un changement des
dirigeants et les autres parties prenantes de l’entreprise. mentalités pour se conformer à la modernité occidentale (A.
La propriété est l’un des fondements de la corporate governance Kabou, 1991 ; D. Etounga Manguellé, 1991). Pourtant, il n’en
(T. Pedersen et S. Thomson, 1999 ; R. Whitley, 1992 ; A. Shleifer demeure pas moins que le problème de la GE en Afrique a au
et R.W. Vishny, 1986 ; D.C. North et R.P. Thomas, 1973) dont la moins deux sources principales : la faiblesse des institutions
traduction généralement utilisée en français est la gouvernance caractérisées par des textes inadaptés et l’inobservation des
d’entreprise (G. Charreaux, 1997 ; R. Pérez, 2003). Selon M. lois existantes. L’environnement institutionnel camerounais est
Mendy (2010), pour comprendre les pratiques de GE dans un globalement stable, ce qui pourrait être un facteur facilitateur
pays, il faut analyser l’impact de ses systèmes de propriété de la gouvernance d’entreprise. La vétusté des lois N° 87/1141
comme cadre définissant le pouvoir ; mais aussi comme cadre du 20 août 1987 fixant la rémunération et les avantages des
de performance que se donnent les entreprises. personnels des sociétés d’État, des établissements publics et
L’analyse des pratiques de gouvernance des dirigeants est néces- des sociétés d’économie mixte et N° 99/012 du 22 décembre
saire à la compréhension du fonctionnement des entreprises et à 1999 portant statut général des établissements publics et des
l’amélioration de leurs performances. Les dirigeants sont au cœur entreprises du secteur public et parapublic (toujours d’actualité)
des processus de décision et il est fort possible, comme le relève sont de parfaites illustrations des contraintes environnementales
M. Paquerot (1997), que les stratégies personnelles viennent qui influencent l’avancée de la gouvernance et la restauration
influencer celles de l’entreprise. Justifiées par l’inefficacité des de l’éthique managériale.
mécanismes de contrôle, diverses réflexions ont porté sur le Prolongeant différents travaux sur la GE, il apparaît qu’il n’existe
système de GE à l’échelle mondiale. Concernant l’Afrique, des pas de modèle unique de gouvernance. Mais certains éléments
efforts restent à fournir car la GE constitue l’un des domaines de communs se dégagent pour constituer des « standards internatio-
la recherche encore peu exploré. Pour E. Cohen (2002), malgré naux » auxquels les entreprises africaines doivent se conformer.
la lourdeur et l’opacité des modes de contrôle interne des entre- L’importation en Afrique des modèles occidentaux a connu des
prises, la faible financiarisation de l’activité économique matéria- échecs. Ceci en raison de leur transposition par des dirigeants
lisée par la quasi-absence d’un marché boursier, l’Afrique mérite africains formés en Occident, dans un environnement diffé-
pourtant une attention particulière compte tenu des singularités rent. Les traditions locales influent sur le fonctionnement des
que les entités qui y sont concernées font apparaître aussi bien organisations africaines, en termes de réponse à donner aux
par leurs caractéristiques stratégiques et organisationnelles que demandes familiales et communautaires, ainsi que de modalités
par leurs caractères financiers. de répartition équitable de la richesse. Les logiques sociales,
Les pratiques africaines de GE ne peuvent être étudiées qu’à la principalement caractérisées par la circulation des personnes et
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1. L’environnement institutionnel
comme facteur de compréhension des affaires. La plupart de ces textes datent des années 1990,
années principalement caractérisées par la persistance de la
des pratiques de gouvernance crise socio-économique dans le pays et par la recherche des
solutions pour le renforcement des capacités managériales
Cette partie a pour but de décrire le cadre institutionnel, en afin de renforcer la performance des entreprises, de susciter la
mettant en exergue la spécificité institutionnelle qui oriente les croissance et de réduire la pauvreté.
pratiques de gouvernance au Cameroun. Ces dispositions juridiques ont principalement pour objectif
d’assurer la modernisation de la gestion des entreprises, ainsi
que la transparence accrue des pratiques de gestion. Ces
1.1. Analyse critique du cadre légal lois (principalement la loi n° 99/012 du 22 décembre 1999)
de la gouvernance d’entreprise ont permis des avancées importantes dans le domaine de la
gouvernance d’entreprise : la limitation des mandats à six ans
La GE est devenue un enjeu majeur dans le quotidien des pour les administrateurs et les commissaires aux comptes (un
entreprises camerounaises, au niveau du fonctionnement et mandat de trois ans renouvelable une fois) ; la limitation à neuf
de l’organisation interne de ces dernières ; ainsi que de leur ans maximum pour les directeurs généraux (un mandat de trois
valorisation sur les marchés financiers. Le financement des ans renouvelable deux fois). Par contre, le droit OHADA ne fixe
entreprises est généralement l’œuvre des familles, d’un groupe pas de plafond et laisse libre cours aux statuts de la société.
de personnes ou de l’État. Ce qui conduit généralement à une Les mesures prônant l’exécutif dual ou bicéphale (Président et
situation de monopole du financement et d’influence déterminante Directeur Général) sont implicitement soulignées dans la loi de
des actionnaires dominants. Cette situation pourrait s’expliquer 1999 à son chapitre II. Pour ce qui est de l’OHADA, la loi donne
par la faible croissance de l’économie qui a un impact sur la le choix aux sociétés d’adopter le mode de gestion qui leur
survie des entreprises, d’une part ; et par la faible ouverture du convient (structure monale ou structure duale). Ces mesures
capital, d’autre part. doivent permettre de clarifier le rôle de chaque partie dans
De manière générale, la population est divisée en deux princi- l’entreprise et de rendre plus compréhensible le fonctionnement
pales catégories : celle qui contrôle les richesses et en profite des instances dirigeantes.
abondamment et celle qui vit dans la pauvreté et subit la margi- Concernant ces mesures et au regard des observations faites,
nalisation économique et sociale. La classe moyenne susceptible la majorité des sociétés adopte la structure duale. La structure
d’apporter sa contribution au développement des entreprises et monale est plus observée dans les entreprises familiales et
d’améliorer la qualité de la GE est peu développée. La pauvreté parfois cette situation est de fait. La séparation des fonctions,
demeure cruciale au Cameroun et le ratio se situe autour de au sens de M. Jensen et W.M. Meckling (1976), qui apparaît
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3. ECAM est une enquête conduite par l’Institut National de la Statistique (INS) résident dans le fait qu’il n’intègre pas les considérations sociologiques et
pour le compte du Gouvernement camerounais. occulte le poids de la tradition qui oriente fortement le management des entre-
4. Soit 410,74 €. 1 € = 656 957 Fcfa. prises africaines car constituant une copie du droit français ; l’insuffisance des
5. OHADA : Organisation pour l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique. mécanismes protégeant au maximum les actionnaires minoritaires ; la faible
Cet arsenal juridique a le mérite d’améliorer l’organisation et le fonctionnement implication des parties prenantes et les imprécisions quant à l’étendue des
des sociétés en termes de bonne gouvernance. Les principales faiblesses responsabilités des mandataires sociaux.
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des conventions entre les dirigeants et l’entreprise. La GE est est d’autant plus vrai que M. Bauer (1993) souligne que les
modelée par l’ensemble des règles législatives et réglementaires, raisonnements et les actes des dirigeants d’entreprises ne sont
jurisprudentielles et contractuelles, qui définissent les modalités pas souvent conformes à la réalité économique.
de gestion de l’entreprise. Ainsi, les propositions heuristiques à L’approche institutionnelle permet de comprendre que la GE est
vérifier au regard des arguments développés sont : dépendante de l’environnement de l’entreprise. Le cadre institu-
Proposition 1 : Les commissaires aux comptes (désormais CAC) tionnel évolue et subit des changements dans le temps. C’est
sont en place et ne connaissent pas de rotation. ainsi qu’apparaît l’importance des institutions dans l’analyse de
Proposition 2 : Il existe des pratiques acceptées de gouvernance la GE, suivant la théorie du changement institutionnel développée
mais qui ne sont pas justifiées suivant la réglementation en par D.C. North (1990). Les relations que l’entreprise entretient
vigueur. avec son environnement ont permis de développer la théorie
des parties prenantes (E.R. Freeman, 1984). Les dimensions
institutionnelles sont supposées orienter les pratiques, comme
1.2. Les spécificités institutionnelles le précise W.R. Scott (2001). Le tableau ci-dessous présente
camerounaises accordent une importance à une synthèse des analyses précédentes.
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ment de l’entreprise et auprès de certaines institutions en qui siègent en AG, instaurant de ce fait un courant de pensée
charge du contrôle des entreprises (R. Sangué-Fotso, 2011), unique qui annihile tout contre-pouvoir. L’AG est alors perçue
principalement la Chambre Des Comptes (désormais CDC) et comme une simple formalité juridique. Il n’est pas mentionné
Contrôle Supérieur de l’État (désormais CONSUPE). Au total neuf dans le rapport la contribution de chaque actionnaire au débat,
entretiens ont été enregistrés et retranscrits pour une durée ce qui ne permet pas de faire ressortir le point de vue exprimé
totale d’environ 5 heures. Ces données sont également issues par chaque actionnaire. À titre d’illustration, l’une des résolutions
de l’exploitation des coupures de journaux et de magazines. Le de l’AG adoptée à l’unanimité des voix donne quitus au DG pour
choix de ces différentes sources complémentaires a permis une sa gestion au titre de l’exercice clos au 31 décembre 2009. Ce
couverture relativement importante des évènements concernant DG a été limogé deux mois plus tard par un décret du Président
les pratiques de gouvernance au sein de l’entreprise ETIP. Les de la République, remettant ainsi sur la sellette la question de
entretiens informels ont été également effectués. La démarche la pertinence et de la compétence des administrateurs d’une
d’entretien a consisté à poser une question générale sur les part, ainsi que celle de la conscience et de l’éthique dans la
pratiques de gouvernance et à laisser l’interlocuteur livrer toutes prise des décisions par l’AG, d’autre part.
les informations qu’il souhaite communiquer. La réponse de La structure du CA de l’ETIP est quasiment identique sur toute
l’interlocuteur pouvait inspirer d’autres questions ; le but étant la période observée. Les postes d’administrateur sont occupés
de le sortir de son retranchement et de relancer les discussions. par les actionnaires et ne sont pas intuitu personae. Dans la
Pour y parvenir, un guide d’entretien a été préalablement conçu. vision actionnariale, le CA est l’organe de défense des intérêts
Les données issues des journaux, des textes règlementaires des pourvoyeurs de capitaux. De nos jours, son rôle va au-delà
et des rapports ont été résumées de manière à extraire les et porte également, selon la théorie des parties prenantes, sur
éléments relatifs à la gouvernance des entreprises. Pour ce qui la prise en compte des intérêts des divers intervenants à la vie
est du traitement des entretiens semi-directifs, la procédure de l’entreprise. Cette vision rejoint, selon F.G. Trébulle (2006),
globale a conduit d’abord à distinguer le type de support de les approches existantes tant en matière de comptabilité qu’en
collecte. Pour les interviews enregistrées sur support papier, matière de droit des sociétés et de jurisprudence. Une telle
un prétraitement a consisté à saisir les fiches de collecte sous approche exige, selon B. Pigé (2010), une cohérence entre les
un logiciel de traitement de texte ; les données collectées par objectifs assignés au CA et la composition de ce même conseil.
dictaphone ont été exportées sous un fichier texte modifiable sur L’efficacité du CA est garantie par le mode de désignation de ses
lequel nous avons corrigé les erreurs induites par la transmission. administrateurs et de la compétence de ceux-ci.
Ensuite, l’analyse quasi textuelle a permis de repérer des mots Le CA de l’ETIP veille au suivi de l’exécution des résolutions et
et des idées-clés dans les verbatim. Ces idées sont utilisées recommandations décidées lors des précédents conseils. Cette
pour construire des résumés cohérents des faits relatifs aux veille décisionnelle n’est pas mentionnée à la 85e session pour
différents aspects de la gouvernance d’entreprise. appréhender la constance de cet esprit ; ce qui implique qu’au
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Tableau 2. Comparaison entre les indemnités servies et les plafonds requis par le décret de 1987. Source : rapports des conseils d’administration et textes de 1978
corollaire de fragiliser la trésorerie de l’entreprise au profit des des nominations faites au plus haut sommet de l’État. (Cas de
administrateurs et d’affecter la rentabilité ainsi que la pérennité François Pérol, président du directoire du groupe Banque Populaire
de l’entreprise. Il apparaît également un pouvoir fort du DG sur Caisse d’Epargne ; président de la filiale Natixis, ancien secrétaire
les administrateurs, de sorte que ce dernier peut obtenir le renvoi général adjoint de l’Élysée sous la présidence de Nicolas Sarkozy
d’un administrateur ; l’inverse n’étant pas vérifié. Cette situation et également ancien banquier d’affaires et associé-gérant de la
favorise l’adoption des comportements opportunistes. banque Rothschild & Cie). Dans ce dernier pays, ce mode très
Les rémunérations servies ne respectent pas les textes en vigueur. centralisé de désignation est rare et relève de l’exception ; alors
La non-diffusion des rémunérations, au Cameroun comme en qu’au Cameroun, c’est une pratique très courante.
France, est une situation conflictuelle confirmant de ce fait les
conflits d’intérêts entre les bénéficiaires. Le tableau ci-dessous
donne un aperçu des rémunérations servies. 3. Principaux résultats
Les textes de 1978 et 1987 qui encadrent ces rémunérations
sont en déphasage avec l’environnement socio-économique Nos résultats proviennent des analyses détaillées des coupures
du Cameroun et surtout avec la lourdeur des responsabilités de presse et magazines, des entretiens effectués au cours de
qui incombent aux dirigeants et aux administrateurs. La forte la période de septembre 2008 à juillet 2011. S’agissant d’un
incitation financière des administrateurs influencerait positive- seul cas, les conclusions sont de portée limitée. L’étude du cas
ment la probabilité de rotation des postes. Cela signifie que de l’ETIP a permis de relever qu’il existe un clivage entre les
plus l’incitation financière est grande, moins probable est la pratiques de gouvernance et les textes législatifs et règlemen-
rotation au poste ; ce qui est susceptible d’encourager l’exer- taires en vigueur.
cice des fonctions au-delà de la durée légale. Ce cas de figure Ce constat traduit ainsi une entorse à la règle. Il existerait alors
s’observe aussi au niveau du recrutement des administrateurs des facteurs d’inertie favorisant ce dérapage, notamment l’inadé-
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Les résultats sont présentés en faisant référence à chacune de les résultats d’A.M. Pettigrew et T. McNulty (1995) selon lesquels
nos quatre propositions. l’influence des administrateurs est plus forte pour annuler une
décision. Le caractère puissant du DG se concrétise avec son
ancienneté au poste et sa position sur l’échiquier politique
3.1. La longévité des commissaires national. Cette situation favorise l’impunité érigée en norme. C’est
aux comptes ne garantit pas les bonnes le cas par exemple des manœuvres de détournement d’argent.
Le constat fait sur le terrain et l’exploitation des sources documen-
pratiques de gouvernance taires disponibles semblent conforter notre proposition qui stipule
qu’il « existe des pratiques acceptées mais non justifiées. » Les
L’exploitation des documents mis à notre disposition ne permet pratiques sont le plus souvent acceptées parce que les adminis-
pas de nous prononcer sur la durée réelle du mandat exercé trateurs, premiers dénonciateurs, vont au CA pour négocier le
par le CAC de l’ETIP. L’information recoupée auprès d’un cadre recrutement des membres de leurs familles respectives. Par
de cette entreprise, qui requiert l’anonymat, nous indique que conséquent, ils n’ont plus le temps de lire ce que le DG soumet
le CAC est en poste depuis la création de l’entreprise en 1988. à leur attention.
Cette longévité au poste dépasse ainsi largement la durée Cette proposition peut aussi être invalidée si l’on considère
prévue par les textes en vigueur. La CDC a précisé dans son le résultat des contrôles externes ayant mis en évidence des
rapport sur l’application de la loi de 1999, publié en 2010, que pratiques irrégulières courantes dans les entreprises. Ces
l’exercice au-delà de la durée légale des CAC est la règle. Ceci pratiques ont entraîné le limogeage des dirigeants et leur inter-
s’expliquerait selon nous par le mode de recrutement du CAC qui pellation. La principale observation des contrôleurs, ainsi que les
repose notamment sur des liens personnels entretenus entre les réponses aux entretiens, confirment sans ambiguïté le non-respect
dirigeants de l’entreprise et le CAC à travers différents réseaux des normes et de la réglementation de la part des dirigeants.
sociaux (familiaux, amicaux, claniques, etc.). Les auditeurs du CONSUPE relèvent les mêmes défaillances
Ce comportement se vérifie dans la quasi-totalité des entreprises dans leur rapport, notamment « la violation des statuts et du
privées au sein desquelles le recrutement du CAC est guidé par règlement intérieur, la faiblesse du système de contrôle interne,
une relation forte, vécue dans le passé, entre ce dernier et le le non-respect de la règlementation en vigueur, la tenue irrégu-
dirigeant. Celui-ci finit par résister à lui retirer la mission dès lière de la comptabilité ou l’absence de comptabilité etc. » Ces
lors que le CAC travaille sous les ordres de son « ami dirigeant ». manquements sont généralement observés dans les entreprises
Ce constat confirme notre proposition qui souligne que les CAC au sein desquelles les auditeurs ont effectué des contrôles. La
« sont en place et ne connaissent pas de rotation. » D’après nos capacité contributive des mandants est nécessaire pour veiller
observations, la rotation est presque nulle. L’expert comptable au respect des mandats des administrateurs et se doter des
fait également office de CAC dans la même entreprise ; ce qui outils d’alerte en temps opportun, notamment le comité de
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