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Revue Langues, cultures et sociétés, Volume 6, n° 2, décembre 2020

Enseignement/apprentissage du français face à l'influence de l'arabe marocain : enjeux


linguistiques et perspectives didactiques.

Badr EL HOUDNA
Laboratoire Langage et société
Université Ibn Tofail - Kénitra

Résumé - Cet article se veut la quintessence d'une recherche-action, à dominante quantitative


et à visée prescriptive, menée à Kénitra auprès du corps enseignant de français affecté au
cycle secondaire qualifiant. L'enquête privilégiant le terrain a dès lors pour finalité de situer
les élèves, par l'intermédiaire desdits enseignants, par rapport à leur niveau de dépendance à
leur langue maternelle et/ou usuelle, de percevoir, en d'autres termes, leurs comportements
linguistiques en français face à l'influence de l'arabe marocain en contexte scolaire.
Mots clés - Enseignement/apprentissage, contact de langues, arabe marocain, français,
transferts négatifs.

Title - French teaching/learning faced with the influence of Moroccan Arabic : language
issues and didactic perspectives.
Abstract - This article constitutes the quintessence of an action-research, that is mainly
quantitative and which is meant to be prescriptive, conducted in Kenitra on the French
teaching staff employed in high secondary schools. Via these teachers, the field survey aims
to locate the students according to the degree of dependence on their mother tongue and/or
their common language. In other words, the inquiry is intended to perceive students' linguistic
behaviours in French in view of the influence of Moroccan Arabic in the school context.
Keywords - Teaching/learning, language contact, Moroccan Arabic, French, negative
transfers.

Introduction
Cette recherche s'inscrit dans le sillage des travaux consacrés à la problématique de contact de
langues dans un cadre institutionnel qu'est la classe. Force est de constater que les textes
produits par le public-apprenant cible de cette investigation regorgent d'erreurs dont la
majeure partie se situe au niveau interlingual et s'opère donc, dans une forme de bilinguisme
individuel, de la langue source (LS), ici l'arabe marocain (AM), à la langue cible (LC), le
français dans ce cas. Evoquer l'intérêt accordé à ce sujet implique la mise en exergue de sa
portée scientifique et de sa pertinence sociale. L’attention accordée à cette réflexion peut être
clairement perçue sous les dimensions académique et scientifique. Ainsi, le présent travail,
qui est d'ailleurs le prolongement d'une étude menée auprès de lycéens appartenant à la
commune urbaine de Kénitra (El Houdna, 2015), consiste à interroger, via un questionnaire
destiné aux enseignants de français retenus pour ce sondage, les comportements linguistiques
en français du public-élève, évoluant effectivement dans le même contexte, face à l'influence
de l'AM. Les déclarations du personnel enseignant quant au contact des deux langues
précitées dans l'espace-classe et aux erreurs d'ordre interférentiel qui s'ensuivent en matière de
rédaction constituent alors la base de cette enquête. Pour sa part, l'orientation socio-
institutionnelle entre en ligne de compte, puisque l'individu, la société et les langues entrent
en jeu dans une relation de communication humaine. Auquel cas, il n'est guère surprenant que
cette recherche revête une telle configuration. Il serait même lacunaire d'en entreprendre une
dénuée de cet aspect indéniable.

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1. Méthodologie
La démarche de cette investigation s'inspire de la littérature consacrée à la méthodologie de
l'enquête par questionnaire, notamment des travaux de Ratier (1998), complétés par des
renseignements provenant des recherches en la matière, entre autres celles de De Ketele et
Roegiers (1996), et celles de Berthier (1998). Ce travail est traité, d'après les références
consultées, en phases essentielles, des actions préalables à la conception du questionnaire à
l'analyse et à l'interprétation des résultats, en passant par l'élaboration, l'administration, le
codage et le dépouillement de la technique d'enquête en question.
En vue de mener à bien l'investigation, on est conscient du fait que l'organisation en amont de
la mise en œuvre du questionnaire constitue un atout, voire un critère décisif, tendant à inciter
les participants à répondre agréablement aux questions. Dans cet ordre d'idées, les étapes
envisagées, par lesquelles le questionnaire passe, s'inscrivent dans le contexte évoqué. C'est
donc après l'élimination des imperfections du questionnaire, tant au niveau formel que
substantiel, que l'enquête proprement dite est diffusée. Celle-ci est calquée, peu ou prou, sur le
modèle de la précédente parce que l’analyse des données du questionnaire a permis de mieux
définir une enquête d'une envergure plus ample (87 sujets).
Le choix porte sur le mode d'administration directe, c'est-à-dire que les informateurs notent
personnellement leurs réponses sur le questionnaire pendant la période consacrée à la
correction 1 de l'évaluation sommative en français, en notre présence. L'entrevue dans un
contexte scolaire fait en sorte que les enseignants de français réagissent attentivement aux
questions posées, et ce, dans une sorte d'interaction effective. En d'autres termes, on se
considère, d'un point de vue culturel et social, en adéquation avec les enquêtés, ce qui
contribue forcément à garantir un contact efficace.
Après avoir traité les identificateurs individuels de la partie liminaire du questionnaire, en
l'occurrence pour déterminer le profil de chacun des répondants, on s'est penché sur les
réactions de ceux-ci. Une remarque s'impose, toutefois, avant de passer à l'analyse des
données. Compte tenu de l'abondance des résultats, il nous est difficile de les présenter tous
dans cet article. On s'en tient donc à l'examen de la dernière question ayant un caractère
communicatif, c'est-à-dire qui reprend visiblement les quelques interrogations structurant le
questionnaire, et s'intéressant aux perspectives avancées par le corps enseignant concerné par
ce sondage.

2. Analyse des données

Pistes didactiques à préconiser


Cinéma Contextualisation Formation
Lecture Mise à niveau Chanson
Non réponse Pratique Tice

12% 7% 3% 10%
8%
9%
6%
31%
14%

1
La période de diffusion du questionnaire coïncide avec celle où sont rassemblés, dans un même établissement
scolaire, les enseignants de français du cycle en question, censés corriger les copies de l'examen régional
normalisé du baccalauréat (juin 2019).

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2.1. La lecture
Afin d'obvier aux erreurs linguistiques d'ordre interférentiel, la plupart des informateurs, 27
sujets précisément, soit 31% par infime abaissement, préconisent la lecture ne pouvant se
dissocier de l'écriture et permettant d'apprendre à s’exprimer et à penser convenablement à
l'oral, mais à l'écrit principalement. Les contenus des réponses ont en commun de reconsidérer
la lecture au niveau institutionnel en lui accordant toute sa place dans les curricula propres à
la langue française.
2.2. La mise à niveau
Par ailleurs, douze personnes de l'ensemble des interrogés, ce qui fait un taux redressé de
14%, avalisent la conjecture que la mise à niveau linguistique est la méthode applicable à
adopter pour une optimisation réussie de la communication en langue française, à l'oral
comme à l'écrit. En termes plus clairs, revoir l'ensemble des faits de langue étudiés
antérieurement, dans le cadre des programmes réservés à la discipline précitée, est une
stratégie adéquate pour revenir sur les erreurs persistantes, quel que soit le type auquel elles
appartiennent.
2.3. La pratique
Une autre catégorie d'enseignants, s'élevant à dix participants, ce qui revient à 12% par hausse
du taux précis de départ, s'appuie sur l'idée selon laquelle apprendre une langue nouvelle
requiert des efforts considérables et part du fait que le français est une langue vivante qui est
en évolution permanente. Ces personnes sont, dès lors, convaincues qu'il est indispensable de
la pratiquer régulièrement, et ce, au risque de perdre les mots progressivement. En un mot,
être discipliné dans sa pratique du français favoriserait un niveau qui permet de penser en
français.
2.4. La contextualisation
Pour certains, neuf sujets exactement et 10% par baisse du taux premier, la contextualisation
est une condition sine qua none à l'atteinte de l'objectif escompté. Ils sont pour un
enseignement/apprentissage contextualisé, c'est-à-dire ce que l'apprentissage engage, pour
chaque apprenant et dans l'ici et maintenant, plutôt que ce que l'on cherche à enseigner.
Autrement dit, l'enseignant qui s'efforce de tenir compte, selon les réactions de ses apprenants
autant que faire se peut, ce qui lui semble susceptible de permettre à ceux-ci de s'approprier,
dans la mesure du possible, les savoirs pratiques ou plus savants qu'il cherche à leur faire
apprendre.
2.5. Des non-réponses
La présentation des résultats selon un ordre décroissant indique que huit professeurs du cycle
secondaire qualifiant, la fréquence relative qui en est dérivée en est de 9% par diminution du
taux précis, n'apportent, pour ainsi dire, aucune perspective d'ordre didactique pour ce qui a
trait à la stratégie de surpassement ad hoc à même de prévenir les TN. Quoi qu'il en soit, toute
tentative de notre part d'entrer dans les détails relatifs au pourquoi du silence empiètera
infailliblement sur le contenu interprétatif, objet de la section suivante, de la question et, par
extension, de l'investigation par questionnaire.
2.6. La formation bilingue
Toujours en quête de mesures aptes à parer les TN en milieu scolaire, quelques participants,
totalisant le nombre de sept et le taux de 8% par minime abaissement, recommandent de
prévoir une formation bilingue en présentiel dont les deux langues concernées sont l'arabe et
le français. Un tel cursus constitue, pour eux, un moyen principalement efficace pour
développer, si ce n’est pas déjà le cas, les compétences linguistiques et interculturelles comme
participant à l'acquisition de la compétence communicative (CC).

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2.7. Les Tice


D'autres, ayant part à l'enquête et affichant 7% par faible surestimation, se fient à la
technopédagogie 2 , aux Tice 3 plus exactement. Celles-ci englobent les outils conçus et les
produits numériques dont on se sert, allant du simple didacticiel, pour les uns, à titre indicatif
les sites spécialisés dans le FLE et apportant les bases linguistiques nécessaires, à la
plateforme d'apprentissage 4 à distance, pour d'autres. Ces enseignants estiment que ces
technologies constituent un important potentiel substantiel d'innovations pédagogiques avec
une quasi infinité de nouvelles pratiques d'apprentissage, s'intéressant notamment à la
composante linguistique, et, donc, un apport au processus d'enseignement/apprentissage du
français au cycle qualifiant.
2.8. La chanson
Une autre catégorie de sondés, dont le taux se limite à 6% par rehaussement, adhère au
principe consistant à joindre l'utile à l'agréable. Certains professeurs sont d'avis que
l'apprentissage du français, langue d'enseignement, par le biais de la chanson, en tant qu'outil
didactique, est à portée pour corriger les acquis linguistiques erronés à tous les niveaux, c'est-
à-dire que la grammaire s'en trouve examinée et de la façon la plus ludique qui soit. A ceux-là
s'ajoutent d'autres qui sont favorables à l'idée que la chanson française est un support
pédagogique permettant au corps enseignant de français d'accéder aux objectifs linguistiques
et culturels auxquels celui-ci aspire tant.
2.9. Le cinéma
Quoiqu’il n’y ait que peu de raccourcis pour apprendre le français ou pour l'optimiser, l'art
médiatique, le cinéma dans ce cas, a sa part parmi les pistes didactiques à exploiter pour
quelques-uns communiquant ainsi 3% par sous-estimation. Cette catégorie d'enquêtés, qui
sont pour une didactique du français par le cinéma, évoque, d'une manière ou d'une autre, la
question des dispositifs pédagogiques focalisés sur le septième art. Sa présence dans le cours
de langue est envisagée dans une réception linguistique et/ou culturelle permettant de
déployer des activités langagières.

3. Discussion des résultats


Après examen des résultats chiffrés du tableau en-deçà, il appert que la quasi-totalité des
catégories thématiques convergent notamment vers l'immersion dans son aspect linguistique.

Catégorie/Thème Code Effectif Taux (%)


Lecture Lect. 27 31
Mise à niveau M. Niv. 12 14
Pratique Prat. 10 12
Contextualisation Context. 9 10
Non réponse N. Rép. 8 9
Formation Form. 7 8
Tice Tice 6 7
Chanson Chans. 5 6
Cinéma Ciném. 3 3

Au vu des données supra, la lecture l'emporte en tant que remédiation, du moins comme
palliatif, attendu ses vertus innombrables. La catégorie d'enseignants dont la fréquence
2
Il s'agit de l'étude des méthodes d'enseignement intégrant les TICE.
3
C'est l'acronyme des technologies de l'information et de la communication pour l'enseignement.
4
Une plateforme pédagogique en ligne, appelée aussi plateforme de travail ou d'enseignement à distance, est un
logiciel qui offre la possibilité de créer et de partager des documents d'enseignement et d'apprentissage via
Internet.

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relative va au-delà de 31% à côté du taux précis suppose que la lecture est susceptible
d'amener l'élève à rédiger correctement en français, et cela, sans avoir à se référer à l'AM. Ces
enquêtés semblent voir en la lecture une sorte d'activité cognitive (Morais, 1994 : 119)
impliquant certaines transformations de représentations du système cognitif dîtes d'entrée,
disons le mot écrit, en d'autres représentations de sortie qui peuvent être, entre autres, de
l'ordre de la phonologie, de la morphologie, de la syntaxe ou de la sémantique. Il est on ne
peut plus clair que l'identification d'un mot est corrélativement liée à l'activation desdites
représentations. Toujours est-il que l'apprenant devrait apprendre l'oral davantage avant, sinon
en même temps, de se consacrer à la lecture-écriture, en l'occurrence à mesure du rapport
grapho-phonémique où les phonèmes se traduisent en graphèmes.
Rappelons que le nombre des sujets avalisant la mise à niveau linguistique pour une stratégie
de remédiation est de douze, duquel se déduit le taux rehaussé de 14% par rapport à la
fréquence de référence. A ce sujet, ces professeurs présument que plus l'élève rétablit et tient
sous contrôle les règles et les propriétés phonologiques, morphologiques, syntaxiques et
autres, appartenant bien entendu à la LC, qu'il a acquises au cours de ses cursus d'études, plus
il serait en mesure d'écrire correctement en français et moins il serait exposé à des erreurs
d'ordre linguistique, de type interférentiel plus particulièrement. Encore faut-il préciser qu'il
n'est pas toujours évident de contourner la représentation linguistique en AM.
Une autre rubrique de questionnés, partisane de l'adage reposant sur le principe que l'on
devient forgeron en forgeant, se remet effectivement à la conjecture que pour consolider sa
compétence linguistique (CL), étant une composante de la CC, il faudrait passer outre les
bases théoriques et s'exercer à communiquer oralement et par écrit en français, mais en
s'arrangeant pour progresser au fur et à mesure sur le modèle de l'esprit Kaizen 5. Lesquels
informateurs admettent que l'apprentissage s'effectue à longue portée et que seule la pratique
permanente de la LC permettrait de sauvegarder les connaissances relatives aux phénomènes
linguistiques étudiés auparavant et, par conséquent, de s'exprimer congrûment en français
sans s'appuyer sur l'AM. Reste que le français est utilisé dans un milieu exolingue et n'est
globalement pratiqué que dans le cadre institutionnel, de façon partielle de surcroît, c'est-à-
dire en classe de français et enfin dans les matières scientifiques comme langue
d'enseignement6.
A 4% de moins que la catégorie qui précède se situe la rubrique dont les neuf participants
concernés donnent leur aval pour retenir la contextualisation comme variable décisive dans
l'accès aux objectifs tracés et le contexte comme outil d'E/A des usages effectifs dans des
situations de communication dîtes authentiques transposables en situations pédagogiques
(Blanchet, 2009 : 01). Dans cette optique, le contexte prétend être l'outil congruent pour l'agir
de l'enseignant quant aux interactions en classe. C'est justement une sorte de repère (Porquier,
1994 :159-169) ou d'arrière-plan (Gajo, 2001 : 98) de nature à donner du sens aux activités,
dont celles relevant de l'écrit, s'inscrivant dans un projet pédagogique donné, mais à faire
l'exercice d'une certaine coercition sur celles-là. Pour faire court, la position des professeurs
en question renvoie au fait que les gestes de contextualisation de l'enseignant autour du « ici
et maintenant » 7 (Pégourié-Khellef, 2016 : 61) s'ancrent dans un contexte pour apporter du

5
Emprunté au monde de l'entreprise et associé à l'univers de production, le Kaizen s'applique à d'autres
domaines et se veut une philosophie de développement d'origine japonaise, une approche foncièrement
coopérative, s'exprimant dans la durée et s'appuyant sur le sens commun, consistant en un processus
d'amélioration continue.
6
Au Maroc, la nouvelle politique linguistique apportée par la loi-cadre est mise à exécution à partir de 2019
entérine d'ores et déjà la francisation des matières scientifiques, bouleversant conséquemment trois décennies
d'arabisation pratiquement. Lire Leïla Messaoudi (2016) pour plus d'informations sur la question de fracture
linguistique dans l’enseignement scientifique.
7
L'auteur communique un schéma décrivant trois catégories de gestes de contextualisation, de la part de
l'enseignant, autour du paramètre « ici et maintenant » de la classe. Lesquels gestes s'articulent autour de la

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sens et diffuser des savoirs disciplinaires dans un espace signifiant pour les apprenants.
Néanmoins, il n'est pas sûr que l'élève compte uniquement sur la LC pour écrire en excluant
ses acquis en AM.
A propos des implications didactiques encore une fois, huit professeurs du cycle secondaire
qualifiant, franchissant légèrement le taux de 9%, ont émis des non-réponses qui, en principe,
ne se prêtent pas à une seule explication. Peu importe la version, la modalité en question n'est
pas, à notre sens, du ressort de l'aléatoire et ne correspond pas à des non-répondants (Winkin,
2000 : 7). Il y a donc de fortes chances qu'il s'agisse d'un feed-back qui ne finit pas par
s’opérer, que les participants précités soient à court d'idées valables en termes de faisabilité,
c'est-à-dire que les pistes potentielles à suggérer sont inexploitables dans le contexte scolaire.
En contrepartie, il est peu probable que le silence soit pris comme le résultat d'une non-
compréhension de la question, la réaction à une intimidation, l'expression d'un
désintéressement ou encore le signe d'un désinvestissement par cela que les non-réponses
proviennent de questionnaires quasi remplis, considérant la question concernée.
En s'en remettant aux données du tableau plus haut, le taux faiblement réduit de 8%, récupéré
par référence au total de sept interrogés, concerne les enseignants qui invoquent une
formation bilingue où la LS et la LC sont en interaction. Il est requis de s'interroger sur la
manière dont une telle disposition pourrait empêcher les TN de l'AM au français en sachant
qu'il est apodictique que l'élève apprenne la L2 après avoir acquis au moins une autre langue,
soit la variété de l'arabe susmentionnée (Besse, 2016 : 2). Peut-être est-il question de
concevoir des cours de langue pour les élèves dans les limites d'un programme seyant dont les
contenus se focaliseraient sur les ressemblances et sur les dissemblances entre le français et
l'arabe, l'AM spécifiquement, en vue de détourner, avec plus ou moins de réussite, les
réalisations linguistiques erronées d'ordre interférentiel dans les rédactions de ceux-là. Reste à
savoir comment s'y prendre en faisant mention des contraintes, entres autres, l'effectif
pléthorique des participants à l'événement, les ressources matérielles allouées à la formation.
Révoquons les Tice comme faisant partie de la liste des thèmes inférés et sélectionnés à partir
de la lecture des réponses. La fréquence relative jouxtant les 7% y est affectée. Malgré qu'elle
se décline en deux sous rubriques suivant l'angle de vue adopté, cette catégorie
d'informateurs fait savoir que ce domaine, en vogue actuellement dans le champ de la
didactique des langues, sert de tremplin à l'E/A du français langue d'enseignement, en ce qu'il
laisse libre cours à la conceptualisation et à la planification de pratiques de classe
conjecturales à agencer dans l'intention d'y assigner des supports opérationnels dont les
apprenants pourraient tirer profit en y accédant (Russo, 2012 : 1). Cela passe par le niveau le
plus élémentaire à celui offrant des préoccupations plus vastes, dit plus simplement, des
leçons de vulgarisation du savoir linguistique à des connaissances langagières plus avancées.
D'une manière ou d'une autre, la CL de ces mêmes élèves se verrait développée. En tout cas,
une telle préconception semble loin d'être suffisante pour répondre aux attentes motivées par
le souci de composer des écrits en français sans s'étançonner sur les propriétés de l'AM.
Il est à repréciser que la chanson est le pénultième thème dégagé, selon la disposition
décroissante des résultats chiffrés, grâce au dépouillement des questionnaires constituant ainsi
le taux surestimé de 6% de la totalité de la population retenue pour l'examen des données. Il
paraît que cette catégorie d'enseignants, encore qu'elle bifurque en ceux qui ne s'en tiennent
qu'à l'aspect linguistique et en ceux associant la langue et la culture qualifiées de corrélées,

triade : macro-contextualisation, méso-contextualisation et micro-contextualisation. L'article est à explorer pour


plus de détails sur la question.

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porte une attention particulière à la chanson française en qualité de « activateur » 8 (Mahajan,


2018 : 203) préférant l'inscrire dans une approche pédagogique qui confère quelque peu au
français son statut de langue vivante ((Boiron, 2001 : 55), Alina, 2014 : 17) et dont la finalité
serait d'aider le public-apprenant à combler son apprentissage linguistique lacunaire, voire
déficitaire, qui fait qu'il dépend de ses acquis en LS. Il convient d'avancer que la chanson
française n'est intégrée aux projets pédagogiques centrés sur l'étude des œuvres intégrales au
programme des lycéens, selon le genre, que comme initiation à la versification ; elle est donc
bien plus accessoire que complémentaire. Il est naturel tout de même d'oser se demander si
dans le cas contraire, où la forme artistique concernée privilégierait d'un rôle péremptoire
dans la planification du curriculum propre à LC, les TN de l'AM au français cessent
concrètement de se produire inégalement dans les écrits des apprenants.
Comme précédemment énoncé dans l'analyse des contenus relatifs à la question ouverte, sur
laquelle s'achève d'ailleurs le questionnaire, une dernière rubrique de participants, réduite à
3% par abaissement du taux de départ, sont favorables à l'idée que le cinéma est une
perspective non négligeable dans l'acte pédagogique. D'autant plus qu'avec la tendance
actuelle vers les supports audiovisuels, cette forme artistique pourrait être productive quant à
la mise à l'examen de la composante linguistique comme élément constitutif de la CC (Velez,
2012 : 9-10), et, donc, qui mérite que l'on s'y attelle subséquemment dans nos propres
recommandations pédagogiques. Peut-être la forme culturelle en question, outres ses aspects
esthétiques et artistiques, est-elle pensée en termes d'initiative didactique à caractère
interculturel visant l'élaboration d'un dispositif d'apprentissage prévoyant des démarches
impliquant l’exploitation des séquences filmiques programmables éventuellement dans des
séances de langue. Dans ce cas, la fonction mnémotechnique du cinéma, par le biais de ces
séquences d'apprentissage, serait d'amener les élèves à assimiler, entre autres, les règles
grammaticales, les structures phrastiques, le vocabulaire, et ce, dans un cadre affectif et
esthétique. Il est du moins nécessaire de soumettre une telle action à entreprendre à
l'expérimentation pour une validation possible ou pour une infirmation potentielle pour ce qui
est des erreurs interlinguales figurant disproportionnément dans les rédactions de ce même
public-cible.

Conclusion
Tout bien considéré, grâce aux addenda ajoutés au questionnaire à l'issue de l'investigation
préliminaire, l'enquête proprement dite a été lancée. C'est en cela que l'on a abordé le
questionnement stricto sensu, du moins la question relative aux perspectives, les stratégies de
surpassement potentielles. Pour toutes les propositions, la finalité a été d'aider le public-élève
à surmonter ses difficultés, ici les TN, imputables au contact entre l'AM et le français dans
l'espace-classe, au niveau de l'écrit justement, et donc d'améliorer sa CL dans la LC.
A posteriori, l'analyse des données a privilégié autant que faire se peut l'objectivité. Pour ce
qui est de la discussion des résultats, les commentaires apportés dans ce sens sont
essentiellement imprégnés d'esprit critique et autonome. N'empêche qu'ils ont été de loin en
loin alimentés de travaux s'inscrivant dans la même veine que la nôtre.
Toute tentative de prétendre que notre investigation échappe aux remarques à vocation
critique, que ce soit au niveau formel et/ou technique ou sur le plan substantiel, serait
vraisemblablement vaine. En partant de ce principe énoncé et envers et contre tout, les limites
qu'il nous est, dans le fond, difficile de souligner pour des raisons de régularité, sont au
demeurant constructives permettant d'aller de l'avant dans la voie de la recherche.

8
La chanson permet de stimuler les activités cérébrales affectées à la cognition, à la perception et à la motricité
susceptibles elles-mêmes de contribuer au développement de maintes compétences dont celle attribuée à la
composante linguistique.

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Nous voilà parvenu à l'aspect prospectif de la recherche, où des suites aux résultats
précédemment présentés seront communiquées dans une publication ultérieure. A ce stade, il
n'est pas seulement question de dessiner quelques avenues à la suite de la présente enquête,
mais d'apporter des recommandations claires, soit les différentes actions à entreprendre que
l'on présume capables d'aider le public-apprenant à corriger ses apprentissages linguistiques
erronés.

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