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Ditié de Jehanne d'Arc

de
Christine de Pisan
( Bibliothèque du Moyen Age de Jeanne-d’Arc de Montaigu )

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Je, Christine, qui ay plouré Si est bien le vers retourné
Unze ans en abbaye close De grant duel en joie nouvelle,
Où j'ay toujours puis demeuré Depuis le temps qu'ay séjourné
Que Charles (c'est estrange chose !), Là où je suis ; et la très belle
Le filz du roy, se dire l'ose, Saison, que printemps on appelle,
S'en fouy de Paris, de tire, La Dieu merci, qu'ay désirée,
Par la traïson là enclose : Où toute rien se renouvelle
Ore à prime me prens à rire. Et est du sec au vert temps née.
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Moi, Christine, qui ai pleuré C'est que le dégeté enfant
Onze ans en abbaye close, Du roy de France légitime,
Où j'ai toujours demeuré depuis Qui longtemps a esté souffrant
Que Charles (c'est chose étrange !) Mains grans ennuiz, qui or à prime
Le fils du roi, si j'ose rappeler ce souvenir, Se lieva ainsi que vous, prime
S'enfuit de Paris, tout droit, Venant comme roy coronné,
Par suite de la trahison qui s’y trouvait : En puissance très grande et fine
Maintenant pour la première fois je me prends à rire. Et d'esprons d'or esperonné.
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A rire bonement de joie Or fesons feste à nostre roy ;
Me prens pour le temps, por vernage Que très-bien soit-il revenu !
Qui se départ, où je souloie Resjoïz de son noble arroy
Me tenir tristement en cage Alons trestous, grans et menu,
Mais or changeray mon langages Au devant ; nul ne soit tenu,
De pleur en chant, quant recouvré Menant joie le saluer,
Ay bon temps… Louant Dieu, qui l'a maintenu,
Bien me part avoir enduré. Criant Noël en hault huer.
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L'an mil quatre cens vingt et neuf, Mais or veuil raconter comment
Reprint à luire li soleil Dieu a tout ce fait de sa grâce,
Il ramene le bon temps neuf A qui je pri qu'avisement
Que on [n'] avoit veu du droit œil Medoint que rien je n'y trespasse.
Puis longtemps ; dont plusieurs en deuil Raconte soit en toute place,
Orent vesqui. J'en suis de ceulx Car ce est digne de mémoire
Mais plus de rien je ne me deuil, Et escript, à qui que desplacc,
Quant ores voy [ce] que je veulx. En mainte cronique et histoire.
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L'an mil quatre cent vingt neuf Oyez par tout l'univers monde
Le soleil recommença à luire ; Chose sur toute merveillable ;
Il ramène le temps nouveau Notez se Dieu, en qui habonde
Qu'on n'avait pas vu de nos yeux Toute grace, est point secourable
Depuis longtemps ; dont plusieurs en deuil Au droit enfin. C'est fait notable,
Ont vécu. Je suis de ceux-là ; Considéré le présent cas ;
Mais je ne me chagrine plus de rien, Si soit aux deceùs valable
Puisque maintenant je vois ce que je veux. Que fortune a flati à cas.
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Et note comment esbahir O ! Quel honneur à la couronne
Ne se doit nul pour infortune, De France se voit par divine preuve !
Se voiant à grant tort haïr, C'est par les grâces qu'il lui donne
Et com vint sus par voie comune. Il paraît combien Dieu l'approuve
Votez comment toujours n'est une Et que plus de foi d'autre part il trouve
Fortune, qui à nuit a maint ; En la maison royale, dont je lis
Car Dieu, qui aux torts fait rexune, Que jamais (ce n'est pas une chose nouvelle)
Ceulx relieve en qui espoir maint. En la foi errèrent les fleurs de lis.
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Qui vit doncques chose avenir Et tu, Charles roy des François,
Plus hors de toute opinion, Septiesme d'icellui hault nom,
Qui à noter et souvenir Qui si grant guerre as eue ainçois
Fait bien en toute région, Que bien t'en prensist, se peu non ;
Que France, de qui mention Mais Dieu grâce, or voiz ton renom ;
En faisoit que jus est ruée, Hault eslevé par la Pucelle,
Soit, par divine mission, Que a soubzmis sous ton penon
Du mal en si grant bien muée. Tes ennemis ; chose est nouvelle.
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Qui vit donc chose advenir En peu de temps, que l'en cuidoit
Plus hors de toute atteinte, Que ce feust com chose impossible
Laquelle à noter et de laquelle se souvenir Que ton pays, qui se perdoit,
Est bon en toute région : Reusses jamais : or est visible
C'est à savoir que France, de qui discours, Menction, qui que nuisible
On faisait qu'à terre était renversée, T'ait esté, tu l'as recouvré.
Soit par divine mission, C'est par la Pucelle sensible,
Du mal en si grand bien changée ? Dieu mercy qui y a ouvré.
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Par tel miracle vrayement Si croy fermement que tel grâce
Que, se la chose n'est notoire Ne te soit de Dieu donnée,
Et évident quoy et comment, Se à toy, en temps et espace,
Il n'est homs qui le peust croire ? Il n'estoit de lui ordonnée
Chose est bien digne de mémoire Quelque grant chose solempnée
Que Dieu, par une vierge tendre, A terminer et mettre à chief ;
Ait adès voulu (chose est voire) Et qu'il t'ait donné destinée
Sur France si grant grace estendre. D'estre de très grans faiz le chief.
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Et cela par tel miracle vraiment Car ung roi de France doit estre,
Que, si la chose n'était notoire Charles fils de Charles nommé,
Et évidents le fait et la manière, Qui sur tous rois sera grant maistre ;
Il n'est homme qui pût le croire : Prophéciez l'ont surnommé
C'est une chose bien digne de mémoire Le cerf-volant ; et consomé
Que Dieu par une vierge tendre Sera par cellui conquéreur
Ait précisément voulu (c'est une chose vraie) Maint fait ; Dieu l'a à ce somé,
Sur la France si grande grâce étendre. Et enfin doit estre empereur.
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O ! quel honneur à la couronne Tout ce est le prouffit de l'âme.
De France par divine preuve ! Je prie à Dieu que cellui soies,
Car par les graces qu'il lui donne Et qu'il te doint, sans le grief d'âme,
Il appert comment il l'apreuve, Tant vivre qu'encoures tu voyes
Et que plus foy qu'autre part treuve Tes enfants grans ; et toutes joyes
En l'estat royal, dont je lix Par toy et eulz soient en France ;
Que oncques (ce n'est pas chose neuve) Mais en servant Dieu toutes voies,
En foy n'errèrent fleurs de lys. Ne guerre n'y face oultreuance.
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Et j'ay espoir que bon seras, Que peut-il d'autre estre dit plus
Droiturier et amant justice Ne des grans faiz du temps passez ?
Et tous [les] autres passeras ; Moyses, en qui Dieu afflus
Mais que orgueil ton fait ne honnisse ; Mist grâces et vertus assez,
A ton peuple doulz et propice Il tira sans estre lassez
Et craignant Dieu qui t'a esleu Le peuple Israel hors d'Egipte.
Pour son servant, si com prémisse Par miracle ainsi repassez
En as ; mais que-faces ton deu. Nous a de mal, Pucelle eslite.
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Et comment pourras-tu jamais Considérée ta personne,
Dieu mercier à souffîsance, Qui est une joenne pucelle
Servir, doubler en tous tes fais, A qui Dieu force et povoir donne
Que de si grant contrariance D'entre le champion, et celle
T'a mis à paix, et toute France Qui donne à France la mamelle
Relevée de tel ruyne, De paix et doutce nourriture ;
Quant sa très grant saint providence A ruer jus la gent rebelle :
T'a fait de si grant honneur digne ? Veci bien chose oultre nature.
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Tu en soyes loué, hault Dieu Car se Dieu fist par Josué
A toy gracier tous tenus Des miracles à si grant somme,
Sommes, que donné temps et lieu Conquérant lieux, et jus rué
As, où ces biens sont avenus. Y furent maints il estoit homme
[A] jointes mains, grans et menus, Fort et puissant. Mais tout en somme
Grâces te rendons, Dieu céleste, Veci femme, simple bergière,
Par qui nous sommes parvenus Plus preux qu'onc homsne fut à Romme.
A paix, et hors de grant tempeste. Quant à Dieu, c'est chose légère ;
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Et toy, Pucelle beneurée, Mais quant à nous, oncques parler
N'y dois-tu [mie] estre obliée, N'oymes de si grant merveille ;
Puisque Dieu t'a tant honnourée, Car tous les preux au long aler,
Qui as la corde desliée, Qui ont esté, ne s'appareille
Qui tenoit France estroit liée. Leur proesse à ceste qui veille
Te pourroit-on assez louer A bouter horz noz ennemis.
Quant, ceste terre humiliée Mais ce fait Dieu, qui la conseille,
Par guerre, as fait de paix douer ? En qui cuer plus que d'omme a mis.
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Tu, Johanne, de bonne heure née, De Gédéon en fait grant compte,
Benoist soit cil qui te créa ! Qui simple laboureur estoit,
Pucelle de Dieu ordonnée, Et Dieu le fist (se dit le conte),
En qui le Saint-Esprit réa Combattre, ne nul n'arrestoit
Sa grant grâce et qui ot et a Contre lui, et tout conquestoit.
Toute largesse de hault don, Mais onc miracle si appert
N'onc requeste ne te véa Ne fist, quoyqu'il ammonestoit,
Que te rendront assez guerdon ? Com pour ceste fait il appert.
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Toi, Jeanne, à une bonne heure née, Hester, Judith et Delbora
Béni soit celui qui te créa ! Qui furent dames de grant pris,
Pucelle de Dieu envoyée Par lesqueles Dieu restaura
En qui le Saint Esprit fit rayonner Son pueple qui fort estoit pris,
Sa grande grâce ; et qui eus et as Et d'autres plusieurs qu’ay appris
Toute largesse en son haut don, Qui furent preuses, n'y ot celle ;
Jamais il ne te refusa ta requête Maismiracles en a porpris
Et il te donnera assez grande récompense... Plus a fait par ceste Pucelle.
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Par miracle fut envoiée Oh ! comme alors cela bien parut
Et divine amonition Quand le siège était à Orléans,
De l'ange de Dieu convoiée Où en premier lieu sa force apparut !
Au roy, pour sa provision. Jamais miracle, ainsi que je pense,
Son fait n'est pas illusion, Ne fut plus clair ; car Dieu aux siens
Car bien a esté esprouvëe Vint tellement en aide, que les ennemis
Par conseil, en conclusion: Ne se défendirent pas plus que chiens morts.
A l'effect la chose est prouvée Là furent pris ou à mort mis.
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Et bien esté examinée. Hée ! quel honneur au féminin
Et ains que l'en l'ait voulu croire, Sexe ! Que [Dieu] l'ayme, il appert.
Devant clers et sages menée, Quant tout ce grant peuple chenin
Pour ensercher se chose voire Par qui tout le règne ert désert,
Disoit, ainçois qu'il fust notoire Par femme est sours et recouvert,
Que Dieu l'eust vers le roy tramise ; Ce que pas hommes fait n'eüssent,
Mais on a trouvé en histoire Et les traittres mis à désert
Qu'à ce faire elle estoit commise. A peine devant ne crussent.
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Car MerliHn, et Sébile et Bede, Hé ! quel honneur au féminin
Plus de cinq 'cens a la veïrent Sexe ! Que Dieu l'aime il paraît bien,
En esperit, et pour remède Quand tout ce grand peuple misérable comme chiens
A France en leurs escriptz la mirent ; Par qui tout le royaume était déserté
Et leurs prophécies en firent, Par une femme est ressuscité et a recouvré ses forces,
Disans qu'el pourterait bannicre Ce que pas hommes n'eussent fait,
Es guerres françoises ; et dirent Et les traîtres ont été traités selon leur mérite,
De son fait toute la manière. A peine auparavant l'auraient-ils cru.
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Et sa belle vie, par foy ! Une fillete de seize ans
Monstre qu'elle est de Dieu en grâce, (N'est-ce pas chose fors nature ?)
Par quoy on adjouste.plus foy A qui armes ne sont pesans,
A son fait car quoy qu'elle face, Ains semble que sa norriture
Toujours a Dieu devant la face, Y soit, tant y est fort et dure ;
Qu'elle appelle, sert et deprye Et devant elle vont fuyant
En fait, en dit ; ne va en place Les ennemis, ne nul n'y dure.
On sa dévocion détric. Elle fait ce, mains yeulx voiant.

Et sa belle vie, par ma foi ! Une fillette de seize ans


Montre qu'elle est en la grâce de Dieu, (N'est-ce pas une chose au-dessus de la nature ?)
C'est pourquoi on ajoute plus de foi A qui les armes ne sont pesantes,
A son fait ; car, quoi qu'elle fasse, Mais il semble que son éducation
Toujours devant la face de Dieu, Ait été faite à cela, tant elle y est forte et dure ;
Qu'elle invoque, sert et prie Et devant elle vont fuyant
En actions, en paroles ; en quelque endroit qu'elle aille, Les ennemis, et nul n'y résiste.
Elle ne retarde pas ses dévotions. Elle fait cela, maints yeux le voyant.
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O ! comment lors bien y paru Et d'eulx va France descombrant,
Quant le siège iert à Orléans, En recouvrant chasteaulx et villes,
Où premier sa force apparu Jamais force ne fu si grant,
Onc miracle, si comme je tiens, Soient à cens, soient à miles.
Ne fut plus cler ; car Dieu aux siens Et de nos gens preuz et abiles
Aida telement, qu'ennemis Elle est principal chevetaine.
Ne s'aidèrent plus que mors chiens. Tel force n'ot Hector, ne Achilles ;
La furent prins ou a mort mis. Mais tout ce fait Dieu qui la menne.
Et elle va d'eux débarrassant la France Destruira car ainsi l'accorde
En recouvrant châteaux et villes, Prophétie qui l'a prédit ;
Jamais force ne fut si grande, Ne point n'aura miséricorde
Qu'ils soient par centaines ou par milliers [...] De li, qui la foy Dieu laidit.
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Et vous, gens d'armes esprouvez, Des Sarrasins fera essart
qui faites l'exécution, En conquérant la Sainte Terre ;
Et bons et loyaulz vous prouvez : Là menra Charles, que Dieu gard
Bien faire on en doit mention. Ains qu'il muire fera tel erre.
Louez en toute nation Cilz est cil qui la doit conquerre :
Vous en serez, et sans faillance Là doit-elle finer sa vie
Parle-en sur toute élection Et l'un et l'autre gloire acquerre
De vous et de vostre vaillance. Là sera la chose assovye.
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Qui vos corps et vie exposez, Donc desur tous les preux passez,
Pour le droit, en peine si dure, Ceste doit porter la couronne,
Et contre tous périls osez Car ses faits jà monstrent assez
Vous aler mettre à l'avanture. Que plus prouesse. Dieu lui donne
Soiés constans. car je vous jure Qu'à tous ceulz de qui l'en raisonne ;
Qu'en aurés gloire ou ciel et los ; Et n'a pas encor tout parfaict.
Car qui se combat pour droitture, Si croy que Dieu ça jus leur donne
Paradis gaingne, dire l'os. Afin que paix soit par son faict.
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Si rabaissez, Anglois, vos cornes, Si est tout le mains qu'affaire ait
Car jamais n'aurez beau gibier Que destruire l'Englescherie,
En France, ne menez vos sornes Car elle a ailleurs plus haut hait :
Matez estes en l'eschiquier, C'est que la foy ne soit périe.
Vous ne pensiez pas l'autrier Quant des Anglois, qui que s'en rye
Où tant vous monstriez perilleux ; Ou pleure, [or] il en est sué ;
Mais n'estiez encour ou sentier Le temps advenir mocquerie
Où Dieu abat les orgueilleux. En sera faict : jus sont rue.
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Jà cuidiés France avoir gaingnée, Et vous, rebelles ruppieux
Et qu'elle vous deust demourer. Qui à eulz vous estes adhers,
Autrement va, faulse mesgniee ! Ne voiez-vous qu'il vous fust mieulx
Vous ires ailleurs tabourer, Estre alez droit que le revers
Se ne voulez assavourer Pour devenir aux Anglois serfs ?
La mort, comme vos compaignons, Gardez que plus ne vous aviengne,
Que loups porroient bien devourer, Car trop avez esté souffers,
Car mors gisent par les sillons. Et de la fin bien vous soviengne.
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Et sachez que, par elle, Anglois N'appercevez-vous gent avugle,
Seront mis jus sans relever, Que Dieu a ici la main mise ?
Car Dieu le veult, qui ot les voix Et qui ne le voit, est bien vugle ;
Des bons qu'ils ont voulu grever. Car comment seroit en tel guise
Le sanc des occis sans lever Geste Pucelle ça tramise,
Crie contre eulz. Dieu ne veult plus Qui tous mors vous fait jus abattre,
Le souffrir ; ains les resprouver Ne force avez [mais] qui souffse ?
Comme mauvais, il est conclus. Voulez-vous contre Dieu combattre ?
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En chrestienté et en l'Église N'a-elle mené le roy au sacre,
Sera par elle mis concorde. Que tenait adès par la main ?
Les mescréans dont on devise Plus grant chose oncques devant Acre
Et les hérites de vie orde Ne fut faite car pour certain
Des contrediz y ot tout plain ; Non fera, car ses ennemis
Mais maulgré tous, à grant noblesse, Point ne se fait. Nul n'est puissance
Y fut receu et tout à plain Qui l'en gardast, et tu soubmis
Sacré, et là ouy la messe. Seras et ton outrecuidance.
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A très grant triumphe et puissance, O Paris, très mal conseillé !
Fu Charles couronné à Rains, Folz habitans sans confiance !
L'an mil quatre cens, sans doubtance, Ayme-tu mieulz estre essilié
Et vingt et neuf, tout saulf et sains, Qu'à ton prince faire accordance ?
Avecques de ses barons mains, Certes, ta grant contrariance
Droit ou dix septiesme jour Te destruira, se ne t'avises.
De juillet, pour plus et pour mains. Trop mieulz te feust par suppliance
Et là fu cinq jours à séjour. Requerir mercy : mal y vises.
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Avecques lui la Pucellette, Gens a dedans mauvais, car bons
En retournant par son païs, Ya maint, je n'en fais pas doubte ;
Cité, ne chastel, ne villette Maisparler n'osent, j'en respons
Ne remaint. Amez ou hays A qui moult desplaist et sansdoubte
Qu'il soi[en]t, ou soient esbaïs Que leur prince ainsi on deboute.
Ou asseurez, les habitans Si n'auront pas ceulx deservie
Se rendent ; pou sont envahys, La punition où se boute
Tant sont sa puissance doubtans ! Paris, où maint perdront la vie.
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Voir est qu'aucuns de leur folie Et vous toutes, villes rebelles,
Cuident résister ; mais pou vault, Et gens qui avez regnié
Car au derrain, qui que contralie, Vostre seigneur, et ceulx et celles
A Dieu compere le deffault. Qui pour autre l'avez nié :
C'est pour nient ; rendre leur fault Or soit après aplanié
Veuillent ou non ; n'y a si forte Par doulceur, requerant pardon
Résistance, qui à l'assault Car se vous êtes manié
De la Pucelle ne soit morte; A force, à tart vendrez ou don.
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Quoyqu'en ait fait grant assemblée Et que ne soit occision,
Cuidant son retour contredire Charles retarde tant qu'il peut,
Et lui courir sus par emblée. Ne sur char d'omme incision ;
Mais plus ni fault confort de mire : Car de sang espandre se deult.
Car tous mors et pris tire à tire Mais au fort, qui rendre ne veult
Y ont estez les contrediz, Par bel et doulceur ce qu'est sien,
Et envoyés, comme j'oy dire, Se par force en effusion
En enfer ou en paradis. De sang le requerre, il fait bien.
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Ne sçai se Paris se tendra, Hélas il est si débonnaire
Car encoures n'y sont-ilz mie, Qu'à chascun il veult pardonner
Ne se la Pucelle attendra Et la Pucelle lui fait faire,
Mais s'il en fait son ennemie, Qui ensuit Dieu. Or ordonner
Je me doubt que dure escremie Veuillez vos cueurs et vous donner
Lui rende, si qu'ailleurs a fait. Comme loyaulz François à lui,
S'ilz résistent heure, ne demie, Et quand on l'orra sermonner
Mal ira, je croiy, de son fait. N'en serés reprins de nulluy.
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Car ens entrera, qui qu'en groingne : Si pry Dieu qu'il mecte en courage
La Pucelle lui a promis. A vous tous qu'ainsi le fassiez,
Paris, tu cuides que Bourgoigne Afin que le conseil o rage
Defende qu'il ne soit ens mis ? De ces guerres soit effaciez,
Et que vostre vie passiez
En paix sous votre chief greigneur,
Si que jamais ne l'effaciez
Et que vers vous soit bien seigneur.
Amen.
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Donné ce ditié par Christine,
L'an dessusdit mil quatre cens
Et vingt et neuf, le jour où fine
Le mois de juillet. Mais j'entends
Qu'aucuns se tendront mal contens
De ce qu'il contient, car qui chière
A embrunche les yeux pesans,
Ne peut regarder la lumière.

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