Vous êtes sur la page 1sur 106

Les techniques du mentaliste

ISBN: 978-2-764-035-05-4

© 2016, Les Éditions Québec-Livres


Groupe Librex inc.
Une société de Québecor Média
955, rue Amherst
Montréal (Québec) H2L 3K4
Tél.: 514 270-1746

Tous droits réservés

Dépôt légal: 2016


Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Pour en savoir davantage sur nos publications, visitez notre site: www.quebec-livres.com

Éditeur: Jacques Simard

Imprimé au Canada

DISTRIBUTEURS EXCLUSIFS:
• Pour le Canada et les États-Unis:
MESSAGERIES ADP*
2315, rue de la Province
Longueuil (Québec) J4G 1G4
Tél.: 450 640-1237
Télécopieur: 450 674-6237
* une division du Groupe Sogides inc.,
filiale du Groupe Livre Québecor Média inc.
Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres –
Gestion SODEC.

L’Éditeur bénéficie du soutien de la Société de développement des entreprises culturelles


du Québec pour son programme d’édition.

Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du


Fonds du livre du Canada pour nos activités d’édition.
Patrick Ellis

2e édition
Table des matières

Avant-propos

Introduction: L’influence au quotidien

PREMIÈRE PARTIE
Mentalisme et psychologie
1. Le mentaliste psychologique
2. La matière première du mentaliste
3. De quelles techniques parle-t-on?

DEUXIÈME PARTIE
Le mentalisme de scène
4. Généralités
5. Les atouts du mentaliste de scène
6. Le b.a.-ba du mentalisme de scène

TROISIÈME PARTIE
Mentalisme et paranormal
7. Quelle est la véritable expertiste du mentaliste?

Conclusion
Bibliographie
Avant-propos

Tout d’abord, établissons que le terme mentaliste désigne deux approches


radicalement différentes: l’une se veut sérieuse, investigatrice, d’assistance
ou thérapeutique; l’autre est simplement ludique. Tout au long de cet
ouvrage, il sera donc question, pour faciliter la distinction, d’une part de
mentalisme psychologique, et d’autre part, de mentalisme de scène.

Quitte à en décevoir plusieurs, le mentaliste n’a aucun pouvoir; il


possède seulement à fond des techniques qui semblent lui accorder un don
au-delà du naturel.

Le mentalisme de scène, le plus connu, est une discipline proche de la


magie, de l’illusionnisme, qui dispose de trucs, de matériel préparé et qui
nécessite surtout une grande maîtrise de la psychologie. Notamment, que
diriez-vous si, dès demain, vous étiez capable de:

• forcer un choix à coup sûr sans que personne s’en aperçoive?

• persuader un client, un ami, un voisin que vous avez raison?

• prédire une phrase qui sera prononcée par une personne, même
étrangère?

• deviner un mot qui sera choisi par quelqu’un dans un magazine


(n’importe quel magazine)?

• provoquer une coïncidence qui fera parler de vous durant plusieurs


jours?
L’idée du mentalisme, c’est de troubler, de créer des émotions fortes à
partir de techniques psychologiques très poussées. Des techniques qui vous
serviront dans la vie de tous les jours.

Wikipédia est d’ailleurs fort clair à ce sujet:

Mentalisme: courant de l’illusionnisme dont les thèmes de prédilection


sont le paranormal et le potentiel humain1.

Cependant, il existe une troisième forme de mentalisme qui s’apparente


beaucoup plus à ce que les Américains désignent par le terme un peu creux
de psychic. Sous ce vocable, on trouve à peu près tout ce que l’on veut.

Un dictionnaire anglais en donne une définition intéressante:

Mentaliste: spécialiste de la gestion du mental humain dans ses di verses


possibilités et ressources (sensorielles et extrasensorielles).

Enfin, le mentalisme psychologique est celui que l’on voit dans les
séries télévisées, c’est-à-dire un art multiple qui s’intéresse à la gestuelle et
à tous les signes corporels, mais qui use également de perceptions
longtemps définies comme paranormales ou «limites», telles que la
voyance, une part de télépathie ou une empathie extrême.

Nous aurons donc non pas deux, mais trois types de mentalismes à
observer. Cependant, ils se confondent assez vite. Les deux usages, l’un qui
se veut sérieux et d’utilité publique, et l’autre qui ne vise que le
divertissement, fonctionnent exactement à partir des mêmes données et des
mêmes techniques d’approche. Ce qui sera défini pour l’un servira donc à
l’autre. Seule la finalité change.

Le premier (le mentaliste psychologique) utilise les capacités de son


esprit, de son mental, et consacre une partie de sa vie (si ce n’est la totalité)
à développer ses «pouvoirs» et à les commercialiser au moyen de diverses
activités publiques.
Le second (le magicien, le psycho-illusionniste) se sert de trucages et
d’astuces pour donner l’illusion qu’il est un véritable mentaliste. Il se
produit sur scène en annonçant clairement qu’il s’agit d’un spectacle.

Avouons-le, une certaine confusion est entretenue sur le Web à des fins
commerciales.

1. http://fr.wikipedia.org/wiki/Mentalisme_(prestidigitation).
Introduction
L’influence au quotidien

Pour bien comprendre de quoi il est question quand on parle de


mentalisme et de mentalistes, il s’agit de connaître le cadre et l’évolution de
certains aspects de la société qui nous ont conduits vers ces métiers
surprenants.

On sait depuis longtemps que la publicité recrute des spécialistes du


comportement humain avant d’investir de fortes sommes d’argent dans des
campagnes de promotion. Les politiciens font aussi appel au même type de
spécialistes pour améliorer leur image, trouver le ton juste, porter la bonne
cravate ou découvrir le geste ou la formule qui portera.

Peu à peu, ces spécialistes de l’influence et de l’image ont étendu leur


champ d’action et aujourd’hui, même le commun des mortels ou tout
travailleur indépendant peut faire affaire avec eux. Pourquoi est-ce
intéressant? Simplement parce que plus on est connu, mieux l’on parle aux
gens, plus on a de chances de vendre ou d’avoir du pouvoir.

Ce qui plaît dans le mentalisme, c’est l’absence apparente d’éléments


extérieurs. Or, il est important que l’on prenne conscience qu’il n’en est
rien. Bien entendu, on usera de plus de supports, de véhicules en politique
et en marketing que pour un spectacle. Pourtant, les moyens mis en œuvre
s’appuient strictement sur les mêmes principes de manipulation, quelle que
soit la scène sur laquelle on se produit. Voyons quelques exemples
classiques.

En publicité, tout réside dans le fait d’attirer l’attention, consciente ou


inconsciente, du consommateur, de manière qu’il remarque un produit puis
l’achète. Durant les années 1980 principalement, on a lancé une mode qui a
généré de nombreuses légendes urbaines: le subliminal. Il s’agit en fait de la
récupération de plusieurs principes. Tout d’abord, au cours de l’histoire de
la peinture notamment, on note de nombreux peintres qui s’amusent à
placer dans leurs toiles des formes ou des clins d’œil en allusion à eux ou à
leurs relations. On peut les observer tant chez da Vinci, El Greco ou
Vermeer que chez Picasso ou Dalí. Ainsi, Johannes Vermeer laissera son
profil stylisé dans le ciel de son tableau La petite rue, alors que Dalí rendra
hommage à Voltaire dans son œuvre Le marché d’esclaves en jouant
simplement sur les vêtements des personnages et leur position dans le
cadre.

Mais c’est sur une autre œuvre de Dalí que j’aimerais attirer l’attention.
Il s’agit de Voluptas Mors, datant de 1951, un tableau étrange et chargé
d’une dose de sensualité morbide. Eh bien, cette toile sera reprise et utilisée
comme un insert subliminal dans l’affiche d’un film qui fera recette: Le
silence des agneaux. Usage subliminal, en effet, car au premier abord
personne ne le remarque.

Il faut s’approcher de l’affiche et la détailler, entrer dans le symbolisme


de l’anthropophagie exploité dans le film et examiner le papillon à tête de
mort; c’est de là que l’on voit surgir l’œuvre de Salvador Dalí.

Il est probable que cette insertion a contribué à faire du film un succès


parce qu’elle fait référence à diverses pulsions instinctives: la mort, le sexe,
le voyeurisme, le silence convenu, l’animalité, etc.

Ailleurs, d’autres se sont plutôt amusés ou ont voulu saboter les œuvres
sur lesquelles ils travaillaient. C’est ainsi que dans Bernard et Bianca,
dessin animé destiné aux enfants, alors que les héros foncent à bord d’une
boîte de sardines au milieu d’une ville, ils passent devant une fenêtre à
laquelle une femme apparaît entièrement nue. Nous sommes en 1977 et il
est fort probable que cette «blague» a été très mal reçue.

Autre technique largement en usage dans la publicité: la simplification,


avec la découverte d’un symbole ou d’un dessin qui devient l’essence d’une
marque. Plus besoin de montrer le produit ou même d’écrire son nom. Dans
l’inconscient de chacun, le symbole devient tout cela. Il suffit une fois de
temps en temps de réactualiser en fonction des nouvelles générations. Deux
exemples évidents: la vague rouge et blanche de Coke et la virgule noire de
Nike.
Nous sommes ici dans le monde de la sémiologie (du grec sêmeion, le
signe, et logia, discours rationnel), une science ou un art qui étudie le
processus de signification, c’est-à-dire la production, la codification et la
communication de signes qui influencent notre quotidien.

La sémiologie concerne tous les types de signes ou de symboles; pas


seulement les mots, comme pour la sémantique, mais aussi les gestes et les
sons. En fait, des concepts, des idées ou des pensées peuvent être associés à
un souvenir ou devenir un mode d’implantation d’un réflexe conditionné.
Car il s’agit de cela. On veut que, dès que vous percevez le signe, le désir
d’acquérir le produit se manifeste.

L’ensemble de ces diverses techniques devient objet de pouvoir et de


manipulation. D’ailleurs, on ne parle plus guère aujourd’hui de techniques
publicitaires, mais plutôt de brain branding, ou, si l’on veut, de bourrage de
cerveau à des fins de marketing.

Aujourd’hui, ce sont des psychologues, des neurologues, des


radiologues et des informaticiens qui viennent grossir les rangs de la
publicité. Le neuromarketing concentre désormais 90% des es efforts sur la
recherche des techniques qui permettent de pénétrer dans notre cerveau et
de stimuler nos zones affectives et émotionnelles.

On utilisera également des musiques choisies exprès pour vendre les


vins de tel ou tel pays dans une succursale. Certaines chansons ou musiques
à la mode sont reprises par des produits à tel point qu’après plusieurs
années on se souvient davantage du produit lui-même que de l’interprète ou
du contexte de lancement de la musique.

On jouera aussi sur les couleurs pour associer un produit à une


ambiance ou à une palette bien précise. Ou encore, on misera sur les
capacités spéciales de nos perceptions, notamment par l’entremise de la
lecture. Par exemple, pouvez-vous lire facilement ce qui est inscrit dans le
cadre ci-dessous? Il est étonnant de constater les performances de notre
cerveau.

si vuos pvueoz lrie ccei, vuos aevz asusi nu dôrle de cvreeau. Soeln
une rcheerche fiat à l’Unievristé de Cmabridge, il n’y a pas
d’iromtpance sur l’odrre dnas luqeel les lerttes snot, la suele cohse
imotprante est que la priremère et la derènire letrte du mot siot à la
bnone palce. La raoisn est que le ceverau hmauin ne lit pas les mtos
par letrte mias ptuôlt cmome un tuot.

Néanmoins, l’influence de certaines techniques relève plus de la


légende que de l’impact démontré. C’est le cas notamment du langage
inversé. On a parlé voilà longtemps de messages sataniques audibles en
écoutant des enregistrements à l’envers. À l’usage, cependant, l’exercice se
révèle plutôt complexe et fait vraiment appel à la bonne volonté et à un
désir profond d’entendre des phrases. Au hasard, il est bien possible de
capter un mot audible, mais il s’agit là plutôt d’un concours de
circonstances que d’une volonté véritablement manifeste.

Le chercheur indépendant australien David John Oates en a fait une


véritable passion. À partir de 1969, il a passé des années à explorer cet
univers de l’enregistrement inversé censé révéler des secrets inconscients.

Pour lui, il existe donc deux niveaux de langage: un niveau social et un


niveau intime. La première strate est la plus apparente, c’est le langage tel
qu’on l’entend consciemment; il consiste à exprimer ce qu’il convient de
dire dans une situation donnée. Les phrases, leur structure, le vocabulaire
sont produits par une réflexion consciente, une volonté de transmission
d’une information. Mais pour Oates, le second niveau, celui du langage
inversé, exprime la part cachée de l’individu. Décelable par les techniques
de la psychologie moderne, l’intime, le refoulé apparaît parfois très
clairement à l’écoute du discours à l’envers.

Selon Oates, le processus se met en place dès la petite enfance.


L’émotion, le ressenti, qui forment l’essentiel de la vie du nourrisson,
transparaissent très tôt dans ses essais vocaux. Des mots porteurs de sens
sont dits selon un cycle de 15 à 20 secondes. C’est ainsi qu’un enfant
babillant peut dire un «je t’aime», ou affirmer un «non».

Chez l’adulte, le phénomène est identique. Le cycle d’apparition du


message dans le langage inversé est seulement plus long si le contexte
laisse peu de place à l’improvisation: prise de parole en public, discours,
situations contraignantes diverses. Le cycle est alors d’environ 60 à 90
secondes; il ne s’agit de toute façon que de quelques mots.

Oates a également montré que plus le langage est conventionnel


(discours politique, allocutions, etc.), moins le langage inversé est
révélateur. En fait, la raison en est logique: il est rare que le texte d’un
discours officiel émane de la personne qui le livre. De plus, en politique, ces
techniques sont connues et les responsables apprennent très rapidement à se
protéger. Ils gardent les yeux fixés devant eux, souvent sur un télésouffleur,
ils évitent tous les gestes machinaux et conservent un ton monocorde; ou
bien ils se livrent à une prestation soigneusement répétée pour situer les
accentuations aux endroits voulus. En sens inverse, il sera alors très difficile
de trouver quelque trace que ce soit d’un élan spontané.

Référence historique oblige, il est difficile de ne pas penser à Hitler et


aux multiples répétitions auxquelles il se prêtait devant un miroir, cherchant
le geste qui allait convaincre, l’expression susceptible d’apaiser ou de
déclencher l’ovation. Il prenait aussi beaucoup de temps à placer ses
intonations au fil de ses discours. Sous cet angle, il est un exemple
remarquable de quelqu’un qui a su user du langage corporel et verbal pour
passer ses idées. N’ou blions pas non plus le sens de la mise en scène qui le
caractérisait, avec les costumes, la croix gammée soigneusement mise en
évidence et inversée pour que, sur un plan symbolique, soient récupérées
toutes les énergies noires liées à ce genre de représentation – c’est un aspect
ésotérique que l’on retrouve avec l’index et le petit doigt pointés des
rockeurs, un vieux signe maléfique. Nous reviendrons sur certains de ces
usages.

***
Nous avons donc, en résumé, un grand public sur lequel on expérimente
des techniques de plus en plus élaborées et discrètes qui amènent la grande
majorité d’entre nous à se comporter d’une façon prédéterminée.

De l’autre côté du miroir, il y a des expérimentateurs qui ont bien


changé depuis Pavlov et son chien, et qui désormais ne cessent d’explorer
des approches multiples pour obtenir une obéissance parfaite à long terme.
D’un certain côté, on replonge dans la guerre froide et son obsession du
contrôle de l’esprit de l’ennemi. Tout le monde a entendu un jour ou l’autre
parler de ces espions russes mis en dormance aux États-Unis et que l’on
pourrait réactiver sur un simple mot ou autre déclencheur. Combien de
films ont vu le jour sur ce thème?

Sur un mode moins romantique, d’autres chercheurs ont exploré la voie


des drogues diverses afin d’y découvrir peut-être un indice pour la
fabrication de la liqueur d’obéissance. Plusieurs, notamment à Montréal, se
sont penchés avec soin sur les zombies. On sait en effet aujourd’hui que les
zombies ont existé et existent encore, mais n’ont rien à voir avec des morts
vivants. Il s’agissait plus simplement et plus tragiquement d’une forme de
trafic humain. Une personne était droguée et passait pour morte. Elle était
enterrée, selon un processus bien mis au point, et aussitôt récupérée par une
équipe qui la livrait à ses propriétaires, c’est-à-dire des employeurs qui la
maintiendraient désormais dans un état second l’empêchant de réfléchir et
lui donnant des allures de somnambule, état qui a débouché sur la légende
des morts vivants.

Et puis, sur la tranche du miroir pourrait-on dire, se trouvent ceux qui


observent les deux côtés: les sujets, clients ou victimes, et les
expérimentateurs. Ce troisième groupe est celui qui nous intéresse ici: les
mentalistes psychologiques. Ils savent déjà tout ce que nous venons de voir
et possèdent de plus quelques outils en réserve.

Tous, nous baignons dans un univers de signes destinés à nous faciliter


la vie ou à l’influencer. Nous ne sommes nulle part à l’abri et, pire, on
cherche à nous trouver même dans nos lieux de repli pour continuer à nous
orienter… de force. Pourquoi ces foules qui campent devant des magasins
d’appareils informatiques pour se procurer le iPad 3250-V6? Elles le
veulent tout de suite, immédiatement, c’est important! C’est vital! C’est
top!

Si l’on y regarde de plus près, pas un de ces individus n’a véritablement


besoin d’un ordinateur aussi vite. Ils auraient sûrement pu patienter un
mois. L’envie a été construite de toutes pièces. C’est un des effets des
diverses recherches qui aujourd’hui s’affichent sous le nom de mentalisme,
qui hier se nommaient autrement et qui demain porteront encore un autre
vocable. Le seul élément qui demeure constant, c’est que l’on veut vous
faire faire ce que l’on veut.

Il faudra donc aussi se poser la question de la résistance à ces influences


puisque la réaction la plus évidente est: «Si je n’ai pas besoin de quelque
chose, je ne l’achète pas.» Mais combien de ces objets inutiles s’entassent-
ils dans nos placards?

C’est de nos réflexes de comportement que nous devons nous méfier.


Diverses recherches ont démontré que l’être humain en groupe est
malheureusement semblable aux moutons de Panurge.

Par exemple, on rassemble un gros groupe de personnes dans un lieu


comme une gare. Chacun sait qu’à tel signal il devra bouger à sa guise.
Quatre personnes seulement ont une directive précise, un objectif. Lorsque
le signal retentit, les quatre partent immédiatement et 98% des autres
suivent l’un ou l’autre de ces quatre, sans même savoir où ils vont. C’est le
seul fait de voir quelqu’un être décidé qui pousse les autres à lui emboîter le
pas. Un maigre 2% reste sur place en ne sachant quoi faire, ou bien se dirige
selon sa propre orientation. Disons qu’il n’y a que 1% de ces personnes qui
soit capable de résister à une influence programmée.
PREMIÈRE PARTIE

Mentalisme et psychologie
Le mentaliste psychologique

Voici ce que Wikipédia dit sur le mentalisme psychologique:

En psychologie, le mentalisme (du latin mens, esprit) est une approche


qui vise à comprendre le fonctionnement de l’esprit humain, et plus
particulièrement de la conscience en utilisant largement l’introspection.
C’est en réaction à cette tradition que naîtront aussi bien le
béhaviorisme que le courant psychanalytique.

Ce que l’on apprend d’essentiel, c’est que, sans qu’il ait créé le
néologisme, la paternité du mot revient au philosophe anglais Henry
Sidgwick (1838-1900), qui le définit comme une antithèse du matérialisme.
À l’origine, donc, le mentalisme s’apparente plus à une philosophie ou à un
mode de pensée. Ce à quoi Wikipédia ajoute:

La version psychologique de la tradition mentaliste est apparue au XIXe


siècle, dans l’héritage des philosophies spiritualistes et positivistes. De
la première, elle a gardé l’intérêt pour les grandes questions concernant
l’esprit humain, et notamment l’étude de la conscience. Et c’est en
réaction à la psychologie philosophique d’un Maine de Biran (1766-
1824) que ces psychologues défendent la méthode scientifique qui a fait
faire des progrès majeurs aux sciences naturelles au cours du siècle.
Informés des méthodes qui ont été développées pour la psychologie
physiologique, les psychologues mentalistes cherchent donc à se
préserver des illusions et des erreurs de la «psychologie populaire»,
mais sans perdre de vue ces grandes questions.

Dans la première décennie du XXe siècle, en Allemagne, l’«École de


Würzbourg» d’Oswald Külpe et de Karl Bühler développe la technique
d’introspection provoquée, qui exige des sujets qu’ils détaillent aussi
précisément que possible ce qui se passe en eux au cours des
expériences. Cas exemplaire en France, Alfred Binet (1857-1911),
pourtant appelé au poste du directeur du Laboratoire de psychologie de
la Sorbonne, délaisse ce champ de recherche pour s’intéresser à
l’introspection provoquée. Il formera ses propres enfants à la technique
et, sensibilisé aux cas des enfants anormaux par Théodore Simon, il
investira le champ jusqu’alors délaissé de l’étude expérimentale de
l’intelligence, ce qui aboutira à la mise au point du célèbre test de QI
qui porte son nom.

Henri Bergson est l’un des plus vifs critiques du mentalisme, et il ne


sera pas le seul. Il répète à qui veut l’entendre que: l’«introspection» est en
fait une «rétrospection»: le sujet, même entraîné, doit reconstruire les
événements mentaux et, qui plus est, il doit en plus les formuler
verbalement. Ces multiples étapes invitent donc à questionner
l’introspection comme outil.

Parallèlement, d’autres chercheurs manifestent d’autres idées; ce sera


notamment le cas du psychologue américain John Watson, qui donnera
naissance au béhaviorisme. Watson emploiera ce terme dans un article
considéré aujourd’hui comme le manifeste du béhaviorisme, Psychology as
the Behaviorist Views It (1913).

Watson est alors fortement influencé par les travaux d’Ivan Pavlov et de
Vladimir Bekhterev portant sur le conditionnement des animaux. Watson
voit là des phénomènes observables, tandis que les états intérieurs,
invisibles, ne le sont pas par définition. Pour lui, une démarche telle que le
mentalisme, qui oblige à se con centrer sur des émotions et des impressions
non quantifiables, n’aboutissait à rien. Mieux valait entrer au laboratoire et
mettre en place des tests menant à des résultats exploitables statistiquement.

Cela va l’amener à formuler la théorie psychologique du stimulus-


réponse, selon laquelle toutes les formes complexes de comportement –
émotions, habitudes, etc. – sont composées d’éléments musculaires et
glandulaires simples, qui peuvent être observés et mesurés. Pour Watson,
les réactions émotionnelles sont le résultat d’un apprentissage au même titre
que les autres aptitudes. Ce concept suscita une envolée de recherches les
plus diverses, notamment sur l’apprentissage des bêtes et des hommes de la
prime enfance à l’âge adulte.

À partir de 1920 et durant plus d’une trentaine d’années, le


béhaviorisme aura le vent en poupe et les données nouvelles s’empileront
avec entrain. Des psychologues comme Edward C. Tolman, Clark L. Hull et
Burrhus F. Skinner y allèrent de leur formule personnelle de l’apprentissage
et du comportement, en se fondant sur le laboratoire et non sur
l’introspection.

Skinner considère la psychologie comme l’étude du comportement


observable des individus avec leur milieu environnant. Cependant, il
n’écarte pas les états de conscience comme les sentiments, soutenant qu’il
est possible de les décoder par les méthodes scientifiques habituelles.

Avec ses recherches sur les animaux axées sur le type d’apprentissage
dit «conditionnement opérant», qui apparaît comme la conséquence des
stimuli, Skinner montre enfin la possibilité d’étudier scientifiquement des
comportements aussi complexes que le langage et la résolution de
problèmes. Il nomme son approche de conditionnement psychologique le
renforcement.

Pour lui, le comportement est fonction de ses conséquences. La plupart


des théories de l’apprentissage reconnaissent trois grandes variables dans le
processus: l’environnement qui stimule, l’organisme qui est stimulé et le
comportement ou la réponse de l’organisme par suite de la stimulation. Le
schéma classique est donc:
S: le stimulus provenant de l’environnement (des stimuli);
I: l’individu;
R: le comportement ou la réponse de l’individu par suite de la
stimulation.

Au final, depuis 1950, les psychologues béhavioristes ont exploré les


diverses formes d’apparition et de maintien des comportements. Ces
recherches pratiquées en milieu fermé ou dans des contextes de vie normale
couvrent une multitude de champs, tels que:

• Le rôle des interactions précédant le comportement, comme la


concentration et les processus perceptifs;

• Les changements de comportement, comme la formation d’aptitudes;

• Les interactions succédant au comportement, comme les effets des


récompenses ou des punitions;

• Les conditions entourant tous ces événements, comme le stress


émotionnel prolongé ou la privation d’éléments vitaux essentiels.

Parallèlement, les psychologues ont fait des études en appliquant les


principes béhavioristes à des problèmes pratiques. Ces travaux ont donné
naissance à une série de thérapies appelées thérapies comportementales ou
analyses béhavioristes appliquées. Ces recherches se sont appliquées à trois
domaines principaux.

• Les techniques de traitement psychologique

• Les méthodes d’amélioration de la formation

• Les effets des drogues sur le comportement

Le premier domaine est celui de la thérapie comportementale. Le


deuxième est axé sur les méthodes d’amélioration de l’enseignement de
manière large. Certains chercheurs ont exploré l’enseignement du
préscolaire au collège, d’autres la formation dans l’entreprise, l’industrie et
l’armée. On visait aussi l’amélioration des méthodes de formation et
d’enseignement des enfants handicapés à la maison, à l’école ou dans des
institutions spécialisées.

Le troisième domaine concerne les effets à court et à long termes des


drogues sur le comportement. Différents dosages et mélanges de drogues
sont administrés à des animaux afin d’observer les changements de
comportement apparaissant dans l’exécution de tâches répétitives, comme
le fait d’actionner un levier.

***
Comme on le voit, le béhaviorisme et le mentalisme ne se sont pas si
éloignés l’un de l’autre et chacun accepte à la base qu’un comportement Y
soit lié à des antécédents X, que ces antécédents aient été vécus,
autoconstruits ou le fruit d’un conditionnement. Cet ensemble d’éléments
provoque une suite probable, prévisible ou programmable. Le mentalisme
moderne va récupérer l’ensemble des théories pour se construire. Les effets
premiers du béhaviorisme sur la psychologie furent les suivants.

• Déclin de l’approche introspective des processus mentaux, des émotions


et des sentiments, et sa substitution par l’étude du comportement objectif
des individus dans leur rapport à l’environnement. On a ainsi couplé
l’observation humaine et animale;

• Substitution au schéma mécanique stimulus-réponse par une conception


fonctionnaliste;

• Introduction d’une méthode de recherche pour l’étude expérimentale de


l’individu;

• Démonstration du fait que les concepts et principes du béhaviorisme


sont applicables à quantité de problèmes pratiques.

Le champ d’action du mentaliste actuel


Toutes ces études visant à ausculter attentivement ce qui se passe dans
l’humain au fil de diverses expériences ont permis d’un autre côté de faire
ressortir des comportements types liés à des émotions ou à des ressentis
types. Il est ainsi possible de deviner ce qu’une personne éprouve à partir de
quelques indices minimes. C’est de ces principes dont, plus tard, les artistes
notamment s’empareront.

Bien entendu, cet aspect spectacle ne plaît pas à tout le monde. «Le
mentaliste ne doit pas être confondu avec un psycho-illusionniste ou un
magicien. Ce sont des disciplines to-ta lement différentes», disent-ils. Eux
sont sérieux! Ce qui ne les empêche pas de glisser dans l’amalgame avec le
monde de la magie parce qu’ils se réfèrent à un univers plus directement lié
à celui de la voyance au sens large et non péjoratif.

Les mentalistes psychologiques


Que vendent-ils, ceux-là? Eh bien, comme on l’a vu précédemment, le
béhaviorisme débouchait sur de nombreuses applications concrètes, mais on
avait établi une distance avec l’ancien mentalisme. Seulement voilà, avec
les années 1960 vont se présenter de nouvelles démarches concernant les
drogues et les divers effets sur l’être humain. Et, surtout, une vague de
recherches portant sur la capacité de chacun à penser autrement pour se
transformer lui-même va survenir. Entre autres, Richard Bandler et John
Grinder observeront les multiples pratiques en cours et en feront un
amalgame sous le terme générique de PNL, soit: programmation
neurolinguistique. Cela signifie:

• Neuro: capacité de nous programmer qui repose sur nos capacités


neurologiques. Notre cerveau et notre système nerveux nous permettent
de faire face au monde extérieur, de percevoir, de stocker et d’organiser
l’information, et de mettre en place telle ou telle réponse.

• Linguistique: les langages verbal et non verbal reflètent cette manière de


se représenter et de faire face au monde.

En quelque sorte, la PNL reprend l’idée mentaliste de l’introspection et


y accole en gros toutes les techniques méthodiques du béhaviorisme. Ainsi,
la PNL se fonde sur ces phénomènes en explorant les comportements de
façon précise: schémas de pensée et états internes, analyse des stratégies
utilisées ou recadrage du contenu ou du sens du vécu pour aider le sujet à
modifier sa palette de réponses, à évoluer ou à changer sa perception.

Les techniques mises au point dans ce cadre visent à changer une


programmation désuète dans notre vie actuelle et à nous permettre
d’évoluer pleinement. Ces techniques aident notre cerveau à mieux émettre
et notre corps ainsi que nos états internes à mieux recevoir. Ces intentions
ont vite débouché sur des formations de groupes et des apprentissages
importants. Mais la PNL ouvrait surtout sur la création du coaching et la
possibilité de recevoir un entraînement et un suivi spécifiques. Il faut aussi
tenir compte de tous ceux qui sont formés et qui travaillent pour la
Scientologie. Ils utilisent les mêmes techniques de manipulation pour
convaincre leurs clients. Plusieurs d’entre eux possèdent des entreprises
aujourd’hui et tentent d’y appliquer les enseignements reçus.

Les mentalistes modernes sont les héritiers de ces mouvements. Mais ils
en ont éclaté les limites à un point où l’on se pose des questions. Ils offrent
une foule de services bizarrement amalgamés, comme l’énumère l’un des
multiples sites qui leur sont consacrés:

• Conférences-démonstrations;

• Formations, recrutement, renforcement des potentiels humains,


négociations;

• Expertise de phénomènes considérés comme paranormaux, influences,


expérimentations scientifiques (comme expérimentateur et comme
sujet);

• Recherche de disparus;

• Déconditionnement d’ex-adeptes de sectes;

• Consultations privées.
On navigue ainsi dans une mer étrange située entre la psychologie
appliquée et le paranormal à l’ancienne, c’est-à-dire largement dépassée.
Tous les regroupements revendiquent un nombre restreint de professionnels
experts, sans doute pour donner un caractère hautement élitiste à leur
profession. Malheureusement, ces personnes, qui se réfèrent officiellement
davantage à l’aspect psychologique du mentalisme, mélangent elles-mêmes
les définitions sur leurs propres sites. Mais pourquoi exactement fait-on
appel à ces personnes?

La réponse est à mon sens fort simple: la PNL a eu le dessus sur les
autres mouvements durant presque 35 ans, mais s’est malheureusement peu
renouvelée. Aujourd’hui, le grand public cherche autre chose et voit les
exploits des personnages à la télé; qu’il s’agisse de mentalistes de scène ou
de héros de série, c’est à la mode, donc c’est bon et efficace. Avec ce
raisonnement simpliste, nous sommes justement en plein cœur des
manipulations de masse selon un vieux principe de psychologie: l’effet de
mode. En conclusion, il y a actuellement une demande pour les mentalistes
psychologiques et les mentalistes psychiques.

Mais si le mentalisme psychologique antérieur, plus proche du


béhaviorisme, semblait structuré et cohérent, il semble désormais qu’il
faille être prudent lorsque l’on demande une intervention ciblée. Le
mentalisme s’est emparé de plusieurs domaines d’intervention, comme nous
allons maintenant le voir.

Dans les entreprises


Lors de leurs interventions en entreprise, ces spécialistes revendiquent une
capacité à décoder les personnalités réelles, à flairer ce qui est caché ou ce
qui n’a pas encore éclos. On les sollicite alors pour la sélection du
personnel. C’est à eux que revient la tâche de déterminer qui est le meilleur
candidat à un poste ou à un autre. Ils doivent réaliser l’union parfaite entre
la fonction et la personne.

Mais ça ne s’arrête pas là. Plusieurs sont embauchés ensuite pour faire
ressortir le meilleur de chacun. C’est-à-dire optimaliser la capacité de
travail de chaque employé, ce qui jusque-là était plutôt le lot des
spécialistes en programmation neurolinguistique et autres disciplines
apparentées. Comme nous l’indique un autre site Web (Mental Training),
voici ce qu’on nous offre:

Un ensemble de programmes de recrutement et d’optimalisation du


personnel, des cadres et des dirigeants, de formation, de séminaires,
d’hypnoses (orientées par exemple vers la négociation), de psychologie
cognitive, de communication sensorielle ou extrasensorielle, de gestion
du stress, d’optimalisation physique ou mentale, de travail du subliminal
et de projections mentales (adaptées par exemple à la vente ou à la
négociation).

Bref, tout et n’importe quoi. Si l’on trouve un spécialiste français dans


le lot, comme Pascal de Clermont, la plupart sont Américains puisque ce
genre de mixité iconoclaste correspond plus à la mentalité nord-américaine.
On y propose plus facilement des ateliers de formation qui lient la
psychologie, la thérapie et le supranormal en se servant de la médiumnité et
de la voyance. La présence de dizaines de groupes pentecôtistes et autres
assemblées religieuses qui misent sur la prière et le pouvoir de Dieu tout en
étant pour la possession d’armes à feu facilite l’usage d’un discours
contradictoire, du moment qu’il semble évident et terre à terre.

En coaching
De plus en plus, ces techniques multiples sont aussi offertes dans des
séances de coaching individuel, de mise en forme, de développement des
capacités personnelles ou sportives, à une clientèle allant du simple individu
à la star, en passant par le chef d’entreprise. C’est ainsi que, depuis
plusieurs années, on les voit apparaître dans les séminaires de
développement personnel, de coaching, de mental coaching, d’hypno-
coaching, d’accompagnement de personnalités publiques et en consultation
privée (sportifs, artistes, diplomates, chefs d’entreprise, politiciens,
étudiants, thérapeutes…).

Là aussi, le mentalisme gruge la place de la programmation


neurolinguistique qui avait une approche plus méthodique et moins
ésotérique. La différence se trouve dans des termes comme le mental
coaching dans lequel on va loger des apprentissages du magnétisme
personnel, du pouvoir sur les autres et de l’art de la manipulation qui étaient
plutôt, ceux-là, l’apanage de groupes comme les scientologues. Bref, là
aussi on répond à toutes les demandes, quelles qu’elles soient.

Dans d’autres domaines


Ce n’est pas fini. Voguant sur les séries télévisées et la promotion qu’ils
font de leurs pseudo-dons multiples, les mentalistes offrent leurs services
pour élucider des énigmes policières. Ils prennent la place des médiums et
de voyants dont c’était l’exclusivité jusque-là d’aider les enquêteurs grâce à
leurs capacités extrasensorielles.

Ce qui est étrange, ce sont les désignations employées avec le


développement d’un «mental inférieur» (peurs, phobies, angoisses, troubles
obsessionnels compulsifs) et d’un «mental supérieur» (lié aux perceptions
extrasensorielles). Nous sommes ici dans des zones beaucoup plus
mouvantes où l’on frise le comportement sectaire et l’improvisation.

Pis encore, dirais-je, ce sont eux que l’on fait venir dans les universités
pour expérimenter le paranormal et ses facettes. Pascal de Clermont,
considéré comme l’un des meilleurs mentalistes du monde, confie sur un
site:

L’expertise d’une consultation ou d’un acte présenté comme théorique


est un travail très ingrat, relativement frustrant. Autant est-il possible
d’avoir l’assurance qu’une personne triche, autant, dans le cas contraire,
on ne peut jamais être certain de la réalité de ce que l’on observe. Au
fond, ici notre seul travail consiste à dire si on a repéré un subterfuge ou
non. De plus, il y a tricherie et tricherie. Certains trucs sont évidents et
totalement condamnables.

Je pense, par exemple, à un cas récent en Italie où je suis intervenu pour


des séances de channeling honteusement truquées. Les manifestations
dites «spirites» étaient le fruit d’une machinerie complexe déclenchée
électroniquement.
Par contre, certaines consultations sont nettement plus difficiles à
jauger. Où s’arrête la psychologie et où commence la perception
extrasensorielle? Jusque dans quelles proportions peut-on considérer
comme normale la quantité de psychologie employée pour rassurer le
consulté (et parfois aussi le consultant lui-même…)?

À la lecture d’une telle déclaration, il y a tout de même des questions à


se poser. D’une part, on y retrouve posées toutes les contradictions du
béhaviorisme face au mentalisme première mouture, et d’autre part, on n’y
relève aucune référence au travail des parapsychologues qui ont œuvré des
dizaines d’années pour élucider 99% des phénomènes paranormaux et des
tricheries médiumniques. Références qui ne devraient plus poser problème
au jourd’hui puisqu’il existe de nombreux précédents.

Il n’y a pas si longtemps, dans tout cas de channeling, de médium ou


qui que ce soit manifestant des capacités dites paranormales demandant des
expertises particulières, on voyait un groupe de personnes se déplacer; par
exemple: un magicien, un para psychologue, un psychologue et dans
certains cas un spécialiste lié au domaine de la manifestation (géologue,
physicien, chimiste…).

Il semble donc qu’aujourd’hui un seul mentaliste soit capable de tout


détecter. Je suis sceptique. Ça ressemble trop à la télé.

Vrai, pas vrai, à la télé?


La réunion des capacités les plus variées a été largement récupérée dans
plusieurs séries télévisées qui contribuent un peu plus largement à
confondre les limites des capacités réelles des praticiens. Soyons réalistes; il
n’y a pas que la télé qui a recours au principe du «Je sais tout sur toi en un
seul coup d’œil». Le cinéma aussi s’amuse avec ce principe. Un des
exemples les plus amusants se trouve dans Casino Royale où Daniel Craig
enfile pour la première fois le costume de James Bond. Il y a une scène
savoureuse entre Bond et Vesper dans un train vers le Monténégro durant
laquelle tour à tour chacun décortique la personnalité de l’autre. On y
retrouve tous les ingrédients de la compréhension psychologique,
vestimentaire, gestuelle et autre.
En télévision, le personnage central du Mentaliste est défini dès
l’apparition du titre alors qu’on donne la définition du mot mentalisme
retenue par la production, soit: «Acuité mentale, hypnose ou suggestion,
maîtrise de l’art de la manipulation.»

En quelques mots, voilà le protagoniste campé. Les épisodes jouent


ensuite aux limites de cette mise en place puisque ce dernier est tout aussi
bien mentaliste que magicien ou hypnotiseur, et même carrément médium à
d’autres moments. On a une indication sur sa motivation personnelle qui
consiste en une nécessité de comprendre les autres.

On place aussi le protagoniste au sein d’un service de police, le Bureau


californien d’investigation, et le voici capable de vérifier toutes ses
intuitions ou ses déductions. Par contre, il est assez facile de constater que
dans ce cas le mentaliste utilise ses propres données: observation,
déduction, prise en considération de tous les types de perception (vue,
odorat, écoute et goût).

Le protagoniste se livre aussi à quelques exercices simples avec ses


suspects, les amenant à réagir par réflexe, ce qui est une option très réaliste;
il use également des émotions provenant d’un contexte similaire ou du
détournement d’attention, ce qui est conforme à la pratique générale. Mais
pour le reste, c’est de la télévision et on s’arrange. Les personnages sont
faciles à hypnotiser et n’opposent de la résistance que si cela arrange le
scénario.

Dans la série Lie to Me, le docteur Ligthman dirige un groupe de


mentalistes et en est un lui-même. Cependant, sauf quelques images
stéréotypées dans le générique: peur, douleur, mensonge, etc., les épisodes
ne montrent pas grand-chose. Les spécialistes décident rapidement si une
personne ment ou non et leur intervention se borne plus ou moins à cela. On
réutilise fréquemment les mêmes gestuelles. Et surtout, quand on a
quelques connaissances en la matière, on se demande bien pourquoi de
simples policiers ne parviennent pas aux mêmes résultats, puisqu’ils
reçoivent une formation d’observation des suspects lors des interrogatoires.
Bien sûr, de temps à autre, un spécialiste va plus loin.
Naturellement, si les scénarios sont inspirés de techniques
potentiellement fiables, les situations sont souvent tirées par les cheveux et
ne pourraient pas vraiment se régler ainsi dans la vie réelle. La télévision
demeure la télévision.

Le principal problème de ces émissions, c’est qu’elles laissent croire au


grand public que tout ce qui est inventé est possible. L’effet perfide est que
des artistes qui montent sur scène ensuite, avec des numéros fabuleux qu’il
leur a fallu longtemps à régler, sont jugés à l’aune de ces séries. Difficile de
lutter contre des trucages de caméra.

Heureusement, la majorité du public parvient à faire la part des choses.


Par contre, il semble que les employeurs, dirigeants d’entreprises ou
chercheurs soient un peu moins capables de se faire une opinion réaliste.

En fait, au petit écran, le mentaliste est venu remplacer le personnage de


la série Profiler qui a été un temps à la mode. Il est cependant possible de
comprendre que le penchant trop psychologique et analytique du profileur
soit sans doute moins attirant que l’espèce de divination professionnelle qui
anime le mentaliste. De plus, les scénarios s’accommodent plus facilement
des capacités d’un mentaliste. Et attention, des films comme Inception
viennent d’ouvrir la porte des rêves, préparez-vous!

Toutefois, à mes yeux, la meilleure série télévisée démontrant les


capacités du mentaliste psychologique au service d’une enquête n’est
absolument pas présentée comme telle. Il s’agit d’une version moderne de
Sherlock Holmes misant sur les outils de notre monde moderne, avec deux
jeunes hommes un peu perdus joués par Benedict Cumberbatch et Martin
Freeman.

Dans cette nouvelle mouture, Holmes est sociopathe et Watson est un


ancien militaire en Afghanistan affligé d’un syndrome de stress post-
traumatique résultant du manque d’action. Le traitement dynamique de la
série et surtout le fait de voir se décoder à l’écran les observations et les
analyses de Holmes en font un petit bijou des transcriptions de la réalité du
mentaliste. C’est l’occasion de constater que ce sont en fait les bonnes
vieilles méthodes d’analyse et d’observation qui n’ont fait que changer de
nom. On retrouve là la panoplie complète du mentaliste avec en plus
l’intelligence de son utilisation: synergologie, décryptage des odeurs, usage
de l’influence de la parole et du raisonnement, manipulation, analyse des
comportements, etc.

Les véritables techniques de manipulation ayant des résultats, les séries


télévisées amplifiant ces résultats et les spectacles nous donnant
l’impression que, finalement, tout cela peut être possible pour certains, nous
retrouvons toutes nos données de base: plus il y a de gens qui pensent qu’ils
peuvent être soumis à l’influence d’autrui, plus ils accepteront de l’être en
prétextant qu’ils ne peuvent pas faire autrement. Donc, on peut supposer
qu’environ 98% des individus acceptent d’être menés en bateau.
La matière première du mentaliste

Nous avons vu comment les spécialistes du marketing utilisent tous les


moyens pour nous faire acheter des produits ou, dans certains cas, nous
faire voter pour l’un ou l’autre. Nous avons également vu sur quels types
d’expériences s’appuie le mentalisme psychologique. Il est évident que ce
sont les mêmes moyens destinés à un même usage: décoder et manipuler.

Je sais que résumer de la sorte la chose fait un peu peur, mais c’est
pourtant la réalité. On pourra l’entourer de tous les euphémismes que l’on
veut. À la base, il s’agit de cela: je décode le comportement et les réponses
d’un individu pour savoir s’il convient à un poste ou à une position dans un
club sportif. Je modifie des références et des comportements chez un autre
individu pour qu’il devienne le reflet exact de ce que j’ai en tête et de ce
que j’attends d’un assistant, d’un champion ou de toute autre fonction.

Cependant, il manque encore un élément à notre casse-tête; pour que les


musiques, les symboles, les répétitions s’inscrivent dans une modification
du comportement, il est nécessaire que tout soit mémorisé
physiologiquement et mentalement. La mémoire est donc notre cheval de
Troie à long terme. Seulement voilà, nous possédons plusieurs types de
mémoires et il s’agit de savoir lesquelles afin de bien travailler.

A priori, notre mémoire moderne est moins sollicitée que celle de nos
ancêtres; ou plutôt, elle l’est, mais pas de la même manière et pas dans le
même but. Jadis, il s’agissait de se souvenir des itinéraires empruntés ou
des bons territoires de cueillette, de chasse et de pêche. Au fil des siècles,
les traditions orales, les rituels, les chants, l’usage de divers outils et armes
sont venus augmenter encore le bagage mémoriel, à tel point que certaines
cultures, sinon toutes, conservaient leur mémoire vivante en la personne de
plusieurs anciens capables de réciter l’histoire du clan ou du peuple, ou
encore le mode d’emploi d’un engin quelconque; traditionnellement, les
femmes mémorisaient le savoir-faire culinaire, le rôle des plantes
alimentaires ou médicinales.

Malheureusement, c’est aussi ce qui a causé la perte de plusieurs


cultures. Lors de la colonisation en Amérique du Nord, les Anglais
particulièrement ont pris soin d’éliminer les anciens de manière à provoquer
la disparition complète des nations amérindiennes à long terme. Sans
culture et sans mémoire, un peuple n’existe plus.

Heureusement, il demeure toujours quelques personnes qui font la


collecte des morceaux restants pour recomposer l’essentiel. L’éducation
pour tous a eu ce bienfait extraordinaire de partager la culture et les
traditions entre tous. Les gens sont devenus plus instruits, et donc, ce sont
toutes les communautés qui ont grandi. Cependant, tout le monde n’apprend
pas au même rythme et la mémoire demeure imparfaite. À notre insu,
souvent nous effectuons des tris qui réduisent l’ensemble de l’information
recueillie.

Depuis longtemps la mémoire est associative, c’est-à-dire qu’elle


fonctionne par ajout à une chose déjà connue. Par exemple: je puise de
l’eau avec un seau à la rivière, et lorsqu’un jour on me présente une cuillère
pour manger ma soupe, elle devient l’espace d’un instant le seau; j’ai fait
une association et j’ai compris une fonction, et désormais chaque fois que je
vois une cuillère, je sais qu’il m’est possible de l’utiliser pour manger ma
soupe. Le tout n’a pris qu’un instant, mais mon cerveau a fait son travail
d’identification, de classement et de mémorisation. Le phénomène de
mémorisation est, on le sait, affecté par les facteurs suivants.

• Diverses substances (alcool, tranquillisants, drogues);


• Des traumatismes physiques ou psychologiques;

• L’hypoxémie (diminution de la pression partielle d’oxygène dans le


sang).

D’autre part, pour bien mémoriser, il faut être motivé; si j’ai les idées
claires et une vision précise de ce que je veux apprendre, la chose sera
facile. Une motivation chancelante est souvent à la source de sélections et
de tris que nous effectuons sans nous en apercevoir. Nous allons vers ce qui
nous plaît. Les neurologues distinguent pour leur part des structures
cérébrales plus ou moins précises pour des fonctions ciblées. Dans son
article de 2006, le Dr Denis Vesvard donne le tableau suivant:
Il devient vite évident que, pour détenir une mémoire efficace et
performante à long terme, nous devrons en travailler plusieurs aspects. Il
nous faut donc détailler un peu les fonctions de chacune. Pour bien
comprendre, imaginons la sélection de candidats pour une téléréalité ou un
concours.

La mémoire à court terme


La mémoire à court terme, ou mémoire immédiate, équivaut dans notre
concours fictif à l’arrivée de tous les participants. Tous les niveaux sont
mélangés pour une durée relativement courte. Rapidement, un tri sera fait
au cours d’une première sélection.

La mémoire immédiate possède une capacité limitée de concepts


(empan), soit de cinq à neuf concepts ou catégories, selon les personnes et
les circonstances. On cherche un numéro de téléphone dans l’ordinateur, on
le compose et déjà on l’a oublié, car sa mémorisation n’est pas essentielle.
Si elle avait été vitale, notre attention aurait pris le relais et l’aurait stockée.

De même, à la fin de la journée, dans notre salle de sélection de


participants plus de la moitié auront disparu. La mémoire immédiate est
comme une mémoire de travail qui permet de penser, de prévoir, de se
souvenir, de résoudre des problèmes, de s’orienter. C’est une mémoire
active aux capacités limitées, mais tout de même performante dans la vie
quotidienne. La mémoire immédiate a deux fonctions principales:

• le calcul mental,
• l’énoncé d’une phrase, c’est-à-dire la recherche active de souvenirs et la
sauvegarde de ce que l’on juge digne de l’être.

Ces fonctions sont en partie automatiques et en partie volontaires. Dans


le cas des études, c’est la sauvegarde volontaire qui est la plus importante.
Dans notre exemple, on se souviendra des quelques personnes auxquelles
on aura parlé et, plus encore, de celles que l’on prévoit revoir. La mémoire à
court terme est du pain béni pour un mentaliste, car il travaille souvent sur
une période longue. Le public ou les personnes rencontrées oublient
certains éléments dont il se souvient fort bien.

La mémoire à long terme


Passer de la mémoire immédiate (à court terme) à la mémoire permanente
(à long terme) demande un certain travail. Dans notre exemple de sélection
de candidats, les auditions auraient lieu de manière à ne conserver que les
meilleurs, ceux qui à long terme auraient une chance d’occuper l’avant-
scène et de performer véritablement.

Il nous faut tout d’abord encoder l’information, la classer avec soin


suivant son utilité éventuelle. Parfois, il nous faudra chercher des éléments
complémentaires aptes à renforcer ou à confirmer un élément avant qu’il
soit définitivement accepté.

En fait, la durée de la mémoire permanente est variable (une demi-


journée, quelques jours, quelques mois, et, occasionnellement, toute une
vie). Le hasard, les circonstances ou une stratégie personnelle (par exemple,
dans le cas d’informations requises pour un voyage, de codes d’accès pour
un travail) peuvent déterminer la conservation d’un souvenir. L’utilisation,
le succès ou les circonstances renforcent les souvenirs (renforcement); leur
non-utilisation ou leur échec les éteignent. Par contre, certaines méthodes
mnémotechniques pourront faire ressurgir une information des années
après. La mémoire à long terme s’exprime sur trois plans distincts.

• Sur le plan sensori-moteur: représentations imagées


auditif/vocal
• Sur le plan symbolique: mémoire imagée
mémoire lexicale
• Sur le plan conceptuel: mémoire sémantique

Mémoire épisodique
C’est une mémoire personnelle, une mémoire de faits vécus,
autobiographique. Elle est en phase directe avec la mémoire reptilienne,
celle de la petite enfance et de l’éducation. C’est elle que le mentaliste va
solliciter pour des réactions instinctives. C’est aussi une zone dangereuse où
peut se dissimuler une foule de craintes inconscientes susceptibles de
ressurgir tout à coup sous l’effet d’une stimulation impromptue.

Mémoire sémantique
La mémoire sémantique représente, de façon schématique, ce qui demeure
après plusieurs épisodes, soit les connaissances apprises ou acquises. Elle se
détache progressivement du contexte initial afin d’aboutir à des notions
générales ou à des schémas abstraits. Pour le mentaliste, elle est le lien idéal
pour toucher la mémoire constructive; on pourra, grâce à des métaphores, ré
organiser des éléments mémoriels approximatifs et les utiliser dans un but
spécifique. C’est une mémoire qui peut aussi causer des surprises et
déboucher sur des interprétations erronées. Par exemple, lors d’une
régression psychologique sous hypnose, une personne retourne dans sa
petite enfance et se met soudain à parler l’allemand. D’aucuns risquent de
voir là la trace d’une vie antérieure alors qu’il s’agit tout simplement du
souvenir d’une nounou allemande qui s’est occupée du bébé pendant
plusieurs mois. En bas âge, l’enfant s’est imprégné des mots et des phrases
entendus et les restitue dans un contexte favorable à cette remémoration.

La mémoire sensori-motrice
La mémoire sensori-motrice (ou implicite, ou procédurale) comporte des
aptitudes perceptives, motrices, cognitives et des savoir-faire. Les
informations conservées sont généralement accessibles dans la performance
seulement, et non pas en tant que réminiscence (rappel d’un souvenir)
consciente; par exemple, faire de la musique, conduire, parler, aller à
bicyclette).

Ces mémoires musculaires et mécaniques ont été acquises par


l’habitude – l’expérience et la répétition – ou l’exercice, et elles sont liées à
divers sens ou perceptions (vue, ouïe, odorat, sensations kinesthésiques).
Par exemple, dentistes, coiffeurs, pilotes d’avion ont acquis leur savoir par
des connaissances pratiques jumelées à un entraînement pratique.

Le mentaliste qui connaît les acquis d’une personne les utilisera pour
amener celle-ci à faire des gestes similaires à son entraînement – ou à son
métier –, mais dans un autre but. Dans le cadre d’un coaching sportif par
exemple, on insistera beaucoup sur la stimulation de cette mémoire,
notamment avec la visualisation.

La mémoire prospective
La mémoire prospective est celle qui nous permet de nous rappeler un
rendez-vous, un achat à effectuer, un événement auquel nous voulons
assister. Pour le mentaliste, cette mémoire va devenir le nouveau lieu
d’implantation de directives précises, réelles ou fabriquées.

La mémoire imaginative
Des souvenirs indépendants les uns des autres peuvent être reliés pour créer
des situations nouvelles purement imaginaires (c’est le cas pour la
littérature, les inventions, les découvertes scientifiques). Cette mémoire,
détachée de la vie réelle, est très influencée par les sentiments et est capable
d’un travail inconscient. Libérée des contraintes courantes, la mémoire
imaginative, parce que créative, engendre la richesse des souvenirs venant
au hasard.

C’est une mémoire bénie pour le mentaliste puisqu’elle sera le mode


d’implantation du contenu, notamment des métaphores ou de certaines
associations. En créant de nouvelles options dans l’imaginaire de la
personne, ces dernières seront acceptées comme possibles et réalisables.
***
Pourquoi toutes ces mémoires sont-elles si importantes pour un
mentaliste? Parce qu’elles renferment la totalité des informations:
émotionnelles, réflexes, acquises, animales. Quel que soit le domaine
abordé, professionnel ou personnel, il y a une zone mémorielle qui renferme
des données précises, mais aussi la piste des ressources qui ont permis de
passer au travers des problèmes ou de les transformer pour qu’ils
deviennent acceptables.

Ève, qui a perdu ses parents dans un accident de voiture alors qu’elle
avait cinq ans, a eu la chance de s’en sortir avec juste une jambe cassée.
Seulement, depuis il lui a fallu vivre le deuil, accepter la perte et accepter
un foyer de remplacement. Il lui a fallu combattre sa crainte de
l’automobile, et chaque fois qu’elle a mal à la jambe ou qu’elle se la heurte,
les souvenirs et les émotions affluent. Elle jongle avec une mémoire
émotionnelle, une mémoire physiologique et une mémoire sociale avec
lesquelles elle doit recomposer une nouvelle structure capable d’incarner la
réussite d’une jeune femme. Même si elle parvient tout à fait à exister,
comme pour tout un chacun, son langage inconscient traduit encore des
douleurs vieilles de 25 ans.

Dans un travail de coaching, par exemple, un mentaliste va saisir tous


les indices inscrits dans le corps d’aujourd’hui par rapport aux faiblesses
acquises. Il est possible, par exemple, d’après la manière dont une personne
se tient, de savoir qu’elle a des faiblesses dans une jambe, dans le dos,
qu’elle respire mal ou encore qu’elle manque d’assurance. La chose est
particulièrement fascinante avec les chanteurs classiques; pour bien projeter
la voix, ils doivent posséder une assise physique solide. Or, une grande
majorité n’apprend pas à acquérir une bonne posture et on les voit qui
compensent avec de faux appuis en joignant les mains, en pliant les genoux
ou en se livrant à des mouvements disgracieux.

Lorsqu’on examine sérieusement ces chanteurs, on constate que 99%


d’entre eux ont étudié et poursuivi leur formation avec des techniques de
gorge ou de bouche. Ceux qui ont appris le chant avec un travail de mise en
place de la colonne d’air en appui sur le bassin ont par contre une excellente
position et projettent non pas avec la gorge ou la bouche, mais avec une
position vocale – symbolique, bien sûr, mais ressentie physiquement – qui
se situe en bas du front à la base du nez. Ceux-là font beaucoup moins
d’efforts, se tiennent mieux et se font entendre plusieurs années de plus que
les autres.

Le fait de parvenir à deviner tout cela peut faire un peu peur, avouons-
le, à certains, surtout parce que, particulièrement au cours des années 1980
et 1990, des entreprises ont abusé de ces possibilités. On a vu en effet
émerger un peu partout des ateliers de groupe offerts aux dirigeants visant à
évaluer les limites de leur résistance physique et mentale. Des coachs
spécialisés les poussaient et les provoquaient de manière à ne conserver que
les meilleurs, les plus performants et donc, croyait-on, les plus efficaces
pour l’entreprise.

À la longue, on s’est rendu compte qu’il y a des bornes à ne pas


dépasser et qu’un directeur du marketing, par exemple, ne subirait jamais
autant de stress. Par contre, certaines entreprises continuent de penser que
l’absence permanente de sécurité et la remise en question fréquente
permettent de maintenir un bon niveau de performance; alors, on change
régulièrement les employés de service ou de ville, on ne les laisse jamais
s’habituer à un confort quelconque. Résultat, dans plusieurs compagnies, on
a observé un taux de suicide assez important.

La gestion du personnel, sa sélection et son amélioration fonctionnelle


ne doivent jamais faire oublier que l’on a affaire à des êtres humains qui
font du mieux qu’ils peuvent avec les connaissances qu’ils ont.
Aujourd’hui, le problème provient souvent davantage de la pression des
actionnaires que d’une nécessité.

Il y a bien entendu des exceptions, mais elles sont consenties. On peut


penser notamment à divers groupes militaires des forces spéciales comme le
Seal Team, cette unité d’élite de l’armée américaine dont les membres
subissent un entraînement complet, y compris dans la torture, et qui en fait
des êtres d’exception. Mais ces individus sont des militaires professionnels,
cet entraînement fait partie intégrante de leurs fonctions et de leur
existence. Tout ce qu’ils apprennent vise à les rendre efficaces, certes, mais
aussi à les garder en vie. Si ce schéma est valable pour eux, je doute qu’il le
soit pour les employés d’une entreprise de téléphonie. Il faut savoir
s’harmoniser avec son milieu d’intervention. Mais toutes les ressources
mémorielles d’un individu seront toujours sollicitées dès que l’on tentera de
le pousser un poil plus loin; elles seront sa première référence.
De quelles techniques parle-t-on?

À cette étape, nous sommes en mesure de mieux comprendre divers


fonctionnements cérébraux et la façon de les changer. Nous savons aussi
que des variations peuvent être interprétées.

S’il y a autant d’études et de simples constats qui vont dans le même


sens, direz-vous, c’est qu’il y a tout de même quelque chose qui fonctionne
dans tout cela! C’est exact! Mais c’est justement le collage de plusieurs
techniques venues d’horizons variés qui forme le mentalisme.

Et, comme il faut bien commencer quelque part, pour bien comprendre
cette capacité à décoder les autres, le mieux est peut-être d’examiner le
comportement d’un type de personnes détestables: les manipulateurs,
harceleurs et «contrôlants». Pourquoi eux? Simplement parce qu’il est
facile de décortiquer leur fonctionnement, et que si ces gens-là connaissent
une manière de faire qui leur convient, ils ne l’ont ni étudiée ni développée.
Il est donc aisé de lire en eux et de les déjouer.

Pour plus de facilité, notre manipulateur sera désigné tout au long sous
le nom de Manip – nom générique pour plusieurs personnages types –, et la
victime sous le nom de Fleur puisque chaque fois elle se fait cueillir.

Manipulateurs: mode d’emploi


Exemple 1
Manip, la mère de Fleur, lui demande, le vendredi après-midi, de venir
passer la fin de semaine chez elle parce qu’elle se sent seule et fragile.
Manip sait pertinemment que samedi, Fleur se rend chez des amis, une
soirée qu’elle attend depuis longtemps et où elle va s’amuser et avoir du
plaisir. Cela dérange sa mère possessive.

Fleur ramasse tout son courage et rappelle à sa mère que cette soirée est
prévue depuis longtemps et qu’elle doit y rencontrer des gens importants.

Grognements au bout du fil; la voix tout à coup fatiguée de la mère


prend congé. Fleur est soulagée. Quelques minutes plus tard, le cellulaire se
manifeste encore, et c’est de nouveau Manip; Fleur se sent soudainement
fragile, ne sachant d’où va venir le coup. Manip, qui a conservé sa voix
traînante de victime, lui affirme qu’elle comprend l’importance de cette
soirée et toute la préparation qu’elle demande, alors… serait-ce possible
que Fleur vienne la voir ce soir?

Maintenant, analysons cela un peu.

Le principe. Manip sait que Fleur ne peut accepter sa première


demande, mais elle la fait tout de même parce qu’elle sait qu’il s’agit d’une
immense faveur. Elle sait aussi que Fleur a du mal à lui résister et que son
refus va l’épuiser. Elle se rend à l’avis de Fleur, ce qui amène allégement,
joie, légèreté et… une forme de compassion naturelle – ma pauvre mère!
Fleur est donc mûre pour le second appel. Cette fois, pas question de
demander la lune, seulement une visite, mais maintenant, tout de suite.

Fleur est déstabilisée, elle a pitié; cette fois, la demande la gêne, mais
reste acceptable à ses yeux pour avoir la fin de semaine tranquille. La
culpabilité a été mise en jeu ainsi qu’un marché à la baisse.

Dans les familles, ce principe est largement utilisé et souvent entre amis
aussi: «Tu me refuses gros, d’accord, alors donne-moi plus petit!» Mais
pour Manip, cela signifie en réalité: «J’ai encore obtenu ce que je voulais.»
La bonne réaction. Il n’y a qu’une manière de réagir: rester sur ses
positions. Dire: «J’y pense, je te rappelle», c’est déjà ouvrir la porte.

Exemple 2
Voici une situation qui met plutôt la famille en scène, mais qui pourrait se
transposer aussi dans le monde du travail, les ma ni-pu lateurs étant partout.
Il s’agit ici, une fois encore, du besoin d’accaparer l’attention et de rester le
centre de l’Univers. Vous devez organiser l’anniversaire d’un de vos frères
et, bien entendu, vous en parlez autour de vous, y compris à votre autre
frère, Manip, qui adore les festivités… du moment qu’elles tournent autour
de lui. Il va donc accepter de vous seconder et même de prendre en charge
certaines responsabilités. Mais systématiquement, il va avoir besoin de
votre aide et de celle des autres, il va se fouler une cheville, sa voiture va
tomber en panne, il a oublié son portefeuille pour payer les fleurs, etc. Bref,
il devient très vite la préoccupation de chacun et un boulet pour tous.

Le principe. Il est banal; c’est une fois encore la culpabilisation des


autres. Mais Manip a pris soin de s’occuper de plusieurs démarches
importantes, ce qui empêche en quelque sorte la famille et les amis d’être
trop radicaux avec lui. Il joue sur les sentiments, sur son bon vouloir, et il
reste charmant dans ses petites erreurs. Comprenez ici que le bien-être des
autres n’existe pas pour Manip; il n’y a que son intérêt personnel qui
importe.

La bonne réaction. S’il fait partie de votre famille ou que vous le


connaissez depuis longtemps, ne faites pas appel à lui. Envoyez-lui
simplement une invitation au dernier moment. Vexé, il cherchera à vous
rendre coupable de quelque façon et refusera de venir en espérant que vous
le supplierez. Répondez-lui simplement que c’est son choix et terminez là.
Pensez d’abord à vous et à la personne fêtée.

Exemple 3
Il s’agit de l’art d’utiliser le désir de plaire de l’autre. On trouve ce travers
au bureau entre un patron et son assistant par exemple, ou encore à la
maison entre conjoints ou entre un parent manipulateur et son enfant.
Le principe. Ici, Manip occupe une position de pouvoir – parent ou
patron – et Fleur, la victime, n’aura jamais vraiment le droit d’exprimer son
point de vue. Le pire, c’est que les sous-entendus et les reproches ne seront
jamais directement adressés à la personne, mais la critique sera facilement
comprise.

Plutôt que de dire: «Je n’aime pas votre façon de travailler», Manip
dira: «Ah! vous faites ça comme ça? Vous savez que les vrais
professionnels ont des techniques plus performantes.» Et les remarques du
même genre vont s’additionner rapidement, car l’une des façons de faire de
Manip est de ne pas laisser de temps pour la réplique. On ne peut répondre
au premier reproche que déjà le cinquième est lancé et il s’agit d’un autre
domaine. Ça, c’est l’autre principe: Manip ne cible pas un problème, mais
les multiplie à volonté de manière à disperser l’autre. Il devient alors
impossible de répondre.

Une mère dira à son fils, à propos de sa jeune épouse: «Je t’avais dit
qu’elle ne saurait pas tenir une maison, et puis encore, ce n’est pas
tellement ranger qui est le problème; au moins, si elle savait faire la cuisine
– ce qu’elle a servi l’autre jour, franchement! Je n’aime pas trop les cailles
déjà, mais là, avec tous ces os, j’ai cru qu’elle voulait que je m’étouffe – toi,
tu n’as rien vu, bien sûr. Ah! Christine, c’était autre chose, elle s’occupait
bien de moi, elle…» Et il y en a pour des heures.

La bonne réaction. Si vous avez entendu parler du comportement de


cette personne et que vous êtes obligé de travailler avec elle, c’est au
moment de la première rencontre qu’il vous faut agir en bloquant les
reproches futurs. Tâchez d’apprendre tout ce que vous pouvez de ses
exigences: présentation de document, type de références, etc. Préparez-vous
mentalement au fait que, quoi que vous fassiez, elle fera des insinuations et
construisez-vous une armure mentale. Ensuite, prenez chaque fois les
devants en rappelant que le travail est fait suivant ses exigences, en tenant
compte de ses directives. Toute critique de sa part sera donc dirigée aussi
contre lui. Prenez des notes de ses revendications et datez-les. Et surtout, si
la chose est possible, portez plainte auprès de la direction pour harcèlement.
Mais il vous faut survivre tant bien que mal avant d’obtenir une réponse.
S’il s’agit de la personne avec laquelle vous vivez, utilisez plutôt ce
système: «J’ai toujours fait comme ça. Je fais les choses à mon idée. C’est
efficace et tu le savais dès le départ.»

Exemple 4
Manip insiste chaque jour au téléphone, par courriel ou en personne; vous
avez un projet très important en cours et tout repose sur vos épaules. Si
vous n’agissez pas tout de suite, ce sera la ruine, l’échec du projet, la fin de
votre mariage, etc., selon le contexte.

Le principe. C’est la pression, la responsabilisation à outrance et la


culpabilisation. Quoi qu’il puisse advenir, vous serez responsable. Manip
vous aura simplement averti et prévenu, mais vous ne l’aurez pas écouté.
C’est tout. C’est un des grands principes utilisés par les harceleurs au
bureau. Tant que vous êtes seul en leur présence ou au téléphone, ils
insistent, mais si un tiers arrive, le soleil revient et la pression s’envole.

La bonne réaction. Si possible, soyez toujours accompagné, ou


demandez à un tiers de vous rejoindre lorsqu’il s’agit d’obtenir une décision
cohérente. Si votre travail n’est pas en jeu et que c’est une simple relation
qui vous traite de la sorte, ramassez votre courage et mettez-y un terme, ou
encore si vous avez la force de supporter cela et de vous en amuser, alors
traitez l’autre avec désinvolture en amplifiant ses traits de caractère devant
lui, par exemple: «Magnifique! Tu ne me l’avais jamais sortie, celle-là! Très
belle envolée!» À la longue, le manipulateur, n’ayant plus de prise,
cherchera une autre victime. Si vous vous en rendez compte, soyez
charitable et prévenez ce nouveau souffre-douleur.

***
Les manipulateurs ont pratiquement tous les mêmes modes d’action et
ils peuvent être n’importe qui. Plusieurs ne se révéleront qu’avec les
années. Ainsi, une mère ou un père peut tout à coup vouloir vous manipuler
le jour où vous décidez de quitter la maison. Cela provient peut-être de leur
insécurité, mais le plus souvent c’est l’explosion soudaine d’un
comportement qui jusque-là s’était exprimé avec modération.

Cela signifie, pour un mentaliste, que même si un manipulateur n’est


pas encore sorti du placard, il manifeste quantité de signes qui permettent
de le repérer et peu à peu de le rentrer dans une catégorie précise
représentant plus ou moins de danger pour les autres. Car certains peuvent
devenir violents et dangereux. On remarque par exemple:

• Un côté mielleux qui dépasse la gentillesse par son empressement. C’est


un des premiers signes les plus courants. En effet, cette servitude
apparente entraîne un retour d’ascenseur, et donc ouvre une porte et un
pouvoir potentiel.

• Un trait de caractère qui découle du premier, mais qui peut déjà être actif
au moment où le mentaliste intervient, est ce que j’appelle la «phase de
l’aspirateur». C’est-à-dire que le manipulateur isole sa victime le plus
possible. C’est une technique utilisée également par les sectes ou par
tout groupe qui cherche à prendre le contrôle. Plus une personne est
isolée, plus elle devient dépendante. Ce jeu de l’isolement s’obtient par
la valorisation et la flatterie: «Comment se fait-il que quelqu’un d’aussi
intelligent que toi ne soit pas plus reconnu?» ou encore «Tu es tellement
belle, tu as droit à ce qu’il y a de meilleur!» etc.

• La phase suivante est celle des promesses et de l’avalanche de coups de


main. Le manipulateur sait à présent ce qui fait plaisir à sa victime et
fera en sorte de le lui offrir. Il va même lui donner de vrais cadeaux,
l’inviter à des sorties. Il efface ainsi tous les doutes et aide la victime à
mieux digérer l’éloignement de ses anciens amis et de ses relations.

Seulement voilà, le manipulateur ne tient pas ses promesses et ne suit


que son objectif personnel. Tout dépend de ce qu’il veut: promotion, argent,
service sexuel ou autre. Vient ensuite la période où il devient demandeur.
Comme jusque-là tout a bien été, ses victimes acceptent facilement au
début. Content de son pouvoir, il en demandera toujours plus. Là, les modes
opératoires dépendent encore une fois des enjeux et des personnalités.
• Le manipulateur peut se montrer odieux, possessif, dévalorisant,
angoissé… S’il craint soudain qu’on échappe à son emprise, il pourra
aller jusqu’à simuler un suicide ou n’importe quoi lui passant par la tête,
à condition que sa victime ressente une obligation envers lui.

• La majorité des manipulateurs veulent tout immédiatement. Ils peinent à


étaler leurs désirs dans le temps. Leur discours ressemble à celui des
vendeurs sous pression: «Décidez-vous maintenant» ou «C’est mon
produit le plus vendu et voici le dernier exemplaire qu’il me reste»,
cherchant à déclencher un besoin, une fièvre du manque. Si la victime
cède, le manipulateur n’arrêtera plus d’extorquer accords et signatures.

• Il existe une catégorie de manipulateurs pervers qui se plaisent dans la


douleur de l’autre. Leur plaisir ne cessera que si leur victime parvient
enfin à leur échapper. Ceux-là, après vous avoir encensé et écouté en
confession, n’hésiteront pas à parler en public de vos travers, de vos
défauts, de vos maladresses. Ils feront en sorte de vous rendre ridicule,
de jouer avec vous et seront éventuellement violents en privé. Toute
vétille deviendra un moyen de faire durer la souffrance.

Les outils de base des manipulateurs sont donc, en résumé:

• La culpabilisation;

• La direction, l’ordre;

• La pression;

• La dévalorisation;

• L’intimidation;

• L’emprise et la séduction;

• L’abus des biens.

Or, et c’est là que la chose devient fascinante, à un niveau moindre ou


même inconscient, la majorité des employés vont avouer ressentir les effets
de l’une ou l’autre de ces actions au travail. Combien se sentent pressurisés
et mal considérés – culpabilité, pression, ordre, dévalorisation? Dès que
l’on franchit la limite du harcèlement, même léger, les autres points
s’ajoutent et la liste est complète. En regardant vite, il est donc possible de
conclure que tout employé est manipulé. Si un mentaliste se présente pour
résoudre la problématique, il sera aussitôt engagé.

Connaître certains principes et comportements types comme ceux que


nous venons de voir permet au mentaliste, en tenant compte aussi de la
gestuelle et d’autres signes, de se faire en un instant une idée précise de qui
est qui. Et comprendre un mécanisme, c’est aussi savoir l’utiliser. Ceux qui
mènent le personnel des entreprises au bout de ses capacités utilisent en
grande partie les principes du manipulateur. Mais dans le contexte
particulier d’un stage, ce comportement sera accepté par tous.

D’autres approches sont fort efficaces aussi; en voici quelques-unes.

Les mouvements oculaires


L’un des moyens le plus au point est directement issu de la programmation
neurolinguistique, et est aujourd’hui largement utilisé par la police lors des
interrogatoires: il s’agit de la direction du regard au cours d’une
conversation. Francine Shapiro en fera une technique thérapeutique.

Pour la petite histoire, voici comment elle fit sa découverte: Francine


Shapiro est psychologue en Californie depuis quelques années. Un jour, en
1987, en se promenant dans un parc, alors qu’elle réfléchissait sur ses
pensées négatives, elle remarque que tout à coup elles avaient disparu. Elle
analyse ce qui a bien pu arriver; elle se rappelle avoir fait avec ses yeux un
mouvement de balayage rapide de gauche à droite et que ce mouvement
avait été inconscient. Il se trouve qu’après cette expérience, elle se sentit
beaucoup mieux, comme si elle avait résolu un conflit intérieur. Elle venait
de jeter les bases de l’EMDR (Eye M ovement Desensitization and
Reprocessing), en français «mouvements oculaires de désensibilisation et
de retraitement des informations négatives».
Lors de cette même expérience, elle constata que lorsqu’elle revisita des
pensées dérangeantes, la charge émotionnelle avait diminué de beaucoup.
Elle reprit cette expérience avec d’autres pensées négatives, en bougeant ses
yeux de gauche à droite, de haut en bas et même en diagonale, pour en
arriver aux mêmes résultats.

Shapiro peaufina sa technique sur des cas d’anciens combattants du


Vietnam et sur d’autres cas de traumatismes pour constater l’efficacité de sa
démarche oculaire. Elle créa officiellement l’EMDR en 1990. Sa technique
lui valut le prix Sigmund Freud en juillet 2002 au Congrès mondial de
psychothérapie de Vienne.

Les mouvements oculaires ont un rapport avec le sommeil paradoxal.


En effet, lorsque nous rêvons, nous faisons des mouvements oculaires, un
peu comme si nous suivions un film. Ces mouvements rappellent l’état
hypnotique. Un laboratoire d’étude du sommeil paradoxal à Harvard a émis
l’hypothèse que l’EMDR induirait le même type de réorganisation de la
mémoire que celui des phases du sommeil paradoxal.

Les émotions négatives (peur, chagrin, douleur) sont traitées par le


cerveau droit, les émotions positives (joie, plaisir) par le cerveau gauche.
C’est en rééquilibrant les deux côtés que l’on règle les problèmes.

Il n’est pas question ici de détailler la thérapie, mais plutôt de bien


comprendre que les mouvements oculaires ont un sens.
C’est à partir d’un schéma comme celui-ci que l’on s’entraîne à décoder
les vérités cachées d’un interlocuteur. Un des bons moyens de s’exercer à le
faire est la télévision. On sélectionne des émissions où des invités sont
interviewés et on observe leurs yeux. Très vite, on remarquera que les
hommes politiques ont un entraînement particulier: celui de fixer toujours
droit devant eux en essayant de ne rien laisser paraître. Mais ils n’y
parviennent pas toujours.

Un schéma comme celui qui précède symbolise le visage de la personne


qui vous fait face et donc les directions que pourraient prendre ses yeux. De
manière simple:

• En haut à gauche: images construites;

• En haut à droite: images mémoire;

• Au milieu à gauche: mode auditif construit;

• Au milieu à droite: mode auditif mémorisé;

• En bas à gauche: kinesthésique (mouvements, souvenirs physiques);

• En bas à droite: auditif (dialogue interne);


• En bas: une zone que j’ajoute et qui rejoint les gens totalement dans leur
corps.

Cela représente le mode d’expression le plus couramment rencontré.


Cependant, certaines personnes sont complètement inversées. Pour
commencer une entrevue par exemple, afin de déterminer comment
fonctionne notre interlocuteur, on pose donc des questions banales du genre:
«Quelle est la couleur de votre voiture?» «Vous souvenez-vous de ce qu’on
vous a dit à propos de cette rencontre?» «Quelles sensations physiques
avez-vous lorsque vous êtes stressé?»

Ces questions simples vous permettront de vérifier où se dirigent les


yeux pour tous les modes: visuel, auditif et kinesthésique. Le nombre de
questions variera selon la précision que l’on désire obtenir. Ensuite
commencera la véritable entrevue d’embauche, ou l’interrogatoire dans un
contexte policier. À force de questions et de recoupements, on pourra
déterminer si la personne ment, invente ou se souvient vraiment. Plus on est
fatigué, plus il devient difficile d’effectuer un contrôle cohérent sur ses
réactions instinctives. Un bon mentaliste déterminera ainsi la qualité d’un
postulant, tandis qu’un mentaliste de scène pourra suivre les informations
inconscientes pour, par exemple, trouver la bonne boîte parmi plusieurs.

Un mentaliste qui utilise adéquatement la science de la synergologie –


la gestuelle – et des mouvements oculaires aura un avantage très marqué sur
les personnes qu’il rencontrera. On sait que c’est souvent une capacité
acquise «sur le tas» que possèdent tous les voyants: sachant bien interpréter
les moindres indications fournies par le client lui-même, ils peuvent dire
exactement ce que la personne veut entendre. C’est sans doute pour cela
que quelques mentalistes ajoutent la voyance à leur CV.

Dans le cadre d’un coaching


Lorsque l’on se présente comme coach, non seulement on utilise les
techniques de lecture gestuelle, mais en rencontrant souvent la personne on
ajoute des éléments d’interprétation qui ne peuvent venir que lors d’une
fréquentation plus longue.
En effet, lorsque l’on a la possibilité de discuter et d’observer un
individu, on peut déterminer plusieurs moments clés dans son existence,
moments que le neuroscientifique Antonio Damasio nomme des marqueurs
somatiques. Il s’agit en quelque sorte de réflexes conditionnés qui se
mettent en action chaque fois qu’une situation donnée surgit. Par exemple,
chaque fois que je vois un panneau «Stop», mon pied appuie sur la pédale
des freins. Mais il peut s’agir de données beaucoup plus complexes.

Une personne qui a été battue dans son enfance par un type de personne
X ne pourra s’empêcher de ressentir de la crainte et d’adopter un langage
corporel de peur et de soumission face à quiconque ressemblerait à
l’agresseur. Il faudra donc entamer un programme de réadaptation et
d’effacement de la crainte pour éliminer ce marqueur néfaste à
l’épanouissement. Nous en avons des dizaines comme ça. Plusieurs sont
faciles à reconnaître, d’autres sont beaucoup plus compliqués.

Mais le travail du coach sera bien plus large; celui-ci devra jouer avec la
motivation et l’entretien de la volonté de gagner. En sports d’équipe, plus
l’expérience personnelle du coach est vaste, plus il aura assimilé de
schémas défensifs et de stratégies d’attaque qu’il pourra discuter et
appliquer, plus le bagage qu’il pourra léguer sera important, plus il sera apte
à accomplir la tâche ardue qui lui incombe: créer de nouveaux modèles
destinés à surprendre les adversaires et mener son équipe à la victoire. Il est
important de comprendre et d’accumuler les stratégies de base en fonction
de la position occupée dans une équipe, et c’est souvent là que le bât blesse.
Un individu peut mémoriser toutes les positions possibles, toutes les actions
envisageables, encore lui faut-il les appliquer sur le terrain, c’est-à-dire
réussir la combinaison gagnante: connaître, comprendre, reproduire,
s’approprier et améliorer. Dans son ouvrage de mémoire, riche en
témoignages, Tony Proudfoot donne la parole au demi-défensif Marvin C
oleman:

À mes débuts dans la LCF, à Calgary, j’ai vite compris qu’Allen Pitts et
Travis Moore étaient des footballeurs exceptionnels. Ils ont été mes
modèles. Grâce à eux, j’ai appris toutes les particularités de ma position
de demi-défensif. Je n’arrêtais pas d’analyser leurs techniques et leurs
méthodes: leurs mouvements avant la mise en jeu, leur angle de
dégagement par rapport à la position du demi-défensif, les types de
changements de direction qu’ils utilisent en défensive homme pour
homme et en défensive de zone, et un tas d’autres choses.

En graphologie
Souvent négligée comme approche de cadrage psychologique, la
graphologie, même pour quelqu’un qui n’est pas un expert, peut apporter
des précisions extrêmement valables. Restons dans quelques généralités
puisqu’une étude véritable de l’écriture demande des années.

Pour commencer, on constate par exemple que la disposition de


l’adresse, sa situation sur l’enveloppe, est en accord avec les données que
voici.

Plus l’adresse est placée vers le haut, plus elle démontre une tendance
idéaliste.

À droite, elle révèle un côté fonceur, naïf, avec une pureté sous-jacente.

À gauche, elle révèle une nature inquiète et hésitante, incertaine.

En bas, elle indique une attirance envers le matérialisme.

C’est la même chose pour l’écriture et la signature.


Signature et lignes d’écriture orientées vers le haut: indice d’ardeur.

***

Lignes orientées vers le bas, mais signature vers le haut: la


personne tente de réagir à une dépression.

***

Lignes orientées vers le haut, mais signature vers le bas: la


personne se donne une apparence solide, mais au fond ses soucis
l’affectent.

***

Lignes et signature orientées vers le bas: tendance à la dépression et au


pessimisme.

Concernant les marges, on détermine les indications suivantes:


Marge de gauche très serrée: signe d’avarice, de parcimonie. Avec une
écriture aérée: indépendance, dédain du conventionnalisme.

***

Marges de droite et de gauche figurant une réduction: difficulté à suivre des


directives, fatigue, dépression, timidité; indécision, manque d’initiative,
goût artistique incertain.

***

Marges de droite et de gauche s’élargissant: nervosité, activité éparse,


manque de réflexion; un certain sans-gêne.

***

Marge de droite très serrée: économie, prudence, méfiance.

Au-delà de ces généralités, il demeure nécessaire de procéder à l’étude


exhaustive d’une écriture pour en tirer des conclusions probantes. On notera
encore que l’adresse écrite bien au centre d’une enveloppe dénote un
équilibre certain, une sorte d’harmonie des qualités.

La synergologie, ou lecture de la gestuelle


C’est là un des outils les plus utilisés par les mentalistes de toutes sortes.
Chacun d’entre nous exprime inconsciemment par ses gestes une part de ses
émotions. Un bon observateur devient alors capable de les décoder. Tout un
chacun possède ses références personnelles en ce qui concerne le ballet
amoureux et les jeux de regards, les avances et les pas de côté, les
hésitations calculées, etc. Nous savons tous instinctivement comment
répondre ou manifester un sentiment par notre attitude ou nos gestes. Nous
savons aussi les lire, seulement nous ne le faisons pas volontairement. Aussi
est-il bon de s’y attarder. J’emprunte ce qui suit au livre d’Alain J. Marillac
(Communiquer sa colère sans perdre le con trôle, aux Éditions Quebecor),
ce qui nous donne un aperçu fort intéressant de ce que l’on peut déduire de
prime abord.

En se rapprochant et en discutant, d’autres informations apparaissent:


les rides du visage; rides d’effort entre les yeux, rides autour de la
bouche dénotant la réserve ou le dubitatif; ridules autour des yeux
marquant la propension à rire et puis les diverses expressions du visage.
À cela s’ajoutent le rythme respiratoire, la couleur de la peau, la
transpiration, etc., un ensemble d’éléments qui nous informent des
réactions émotionnelles. Viennent aussi les odeurs, les postures, les
mouvements oculaires, qui mettent en évidence les états d’esprit.

La colère, comme toutes les autres émotions, s’annonce par un ballet de


gestes inconscients dont certains sont faciles à reconnaître. En ce qui
concerne cette gestuelle de la colère, il est important de comprendre
qu’il s’agit d’un dialogue inconscient dans lequel vous êtes engagé avec
votre vis-à-vis.

Votre attitude influence celle de l’autre tout comme la sienne agit sur
vous.
Soyons très terre à terre en ce domaine. Tout d’abord, il n’y a pas qu’un
seul dominant auquel nous avons affaire. Dans le travail, il peut y en
avoir plusieurs, selon le modèle hiérarchique. Il y en aura un autre au
foyer et d’autres dans les familles. L’humain doit donc composer avec
un ensemble de stratégies personnelles dans divers secteurs de son
existence. Dans chaque cercle, il occupera une position qui va varier:
chef de meute dans un secteur, il sera soumis dans un autre.

L’attitude à adopter face à une personne en colère dépend du contexte


de l’affrontement: est-ce au bureau, à la maison, dans un restaurant,
dans la rue, etc.? Êtes-vous dans un rapport hiérarchique, familial ou
interpersonnel?

Maintenant, sans qu’il y ait esclandre, cris et vociférations, vous pouvez


vous trouver en face d’une personne en colère, mais qui tente de ne pas
le montrer. C’est une situation très courante et beaucoup ne se rendent
pas compte que leur interlocuteur est vraiment furieux. Voyons donc ces
signes physiques qui nous informent de la chose. L’ensemble de ces
signaux est inconscient, mais précis. Bien entendu, ces signes
n’interviennent pas tous en même temps et dépendent du caractère de la
personne et du contexte.

• Lèvres pincées liées à un léger recul du corps;

• Regard méprisant;

• Sourcils haussés;

• Respiration plus profonde par le nez et expiration plus sonore;

• Rictus désagréable découvrant les dents;

• Plissement du nez;

• Plissement des yeux;

• La tête se baisse pour dissimuler le regard;

• La tête se redresse et le regard fusille;


• Les narines de dilatent;

• La peau devient plus pâle.

Le rictus est en général un des signaux les plus révélateurs; il peut être
très discret ou au contraire flagrant, mais il transforme suffisamment le
visage pour que l’on puisse capter le message.

Le sourire forcé qui découvre les dents est une version humaine de
l’animal qui grogne et menace. Un rictus coléreux fait écarquiller les
yeux et amène le visage vers l’avant, prêt à l’affrontement. Dans le
même temps, on percevra une tension des épaules et une dilatation des
narines. Si la colère qui gronde est encore plus profonde, alors le visage
devient presque blanc. Les lèvres, en s’avançant aussi, traduisent
souvent une envie de crier. Les femmes, elles, vont pincer les lèvres qui
deviennent blanches.

Chez quelques personnes, l’état de colère prend une apparence


trompeuse; le visage devient plus pâle et les yeux humides donnent
l’impression que des larmes approchent. Or, la réalité est fort différente:
la personne est à ce moment en parfait contrôle et a atteint le niveau
d’une colère froide et lucide qui pourrait l’amener à une violence
méthodique et détachée. C’est sans doute un des signes de colère les
plus dangereux.

Plus haut, je parlais de dialogue gestuel inconscient et c’est ce qui se


passe. La personne en colère face à vous enregistre, elle aussi, vos
signaux. S’ils manifestent de la crainte, de la soumission, de la peur,
alors l’attitude de prédateur du colérique va s’amplifier.

Quels sont vos gestes qui peuvent accentuer la colère de l’autre?

• Vos épaules se contractent et se relèvent un peu;

• Votre tête rentre un peu entre les épaules;

• Votre regard est inquiet et cherche une sortie;


• Votre regard vague ajoute à un sentiment d’inquiétude;

• Vos bras couvrent votre corps sans être croisés;

• Votre corps recule.

En fait, on remarquera que ce sont des gestes inconscients qui traduisent


une manière d’éviter des coups physiques. Même s’il n’y en a pas, la
colère fait office de violence et l’on se protège instinctivement de la
même façon.

On comprend bien qu’au travers de ce ballet de perceptions


inconscientes, l’affrontement a bel et bien lieu, même si la personne en
colère ne prononce pas un mot.

Un mentaliste bien formé saura, sans aucune difficulté, comment


interpréter les réactions des individus, et donc déterminer, ou au moins
déduire, si quelqu’un ment, imagine ou dit la vérité.

Le bluff au poker
Lorsque l’on parle de décodage de l’autre, de manipulation, de tricherie du
geste ou de faire semblant, l’inconscient collectif évoque rapidement le
poker. En effet, traditionnellement, ce jeu de cartes est associé à la capacité
de dissimuler ses émotions. Mais le bluff est aussi un choix risqué. Il y a
beaucoup de situations où le bluff est inefficace et peut se retourner contre
soi. Il est ainsi recommandé aux joueurs d’être prudents dans la pratique du
bluff et de prendre en compte les risques auxquels ils s’exposent en utilisant
cette stratégie.

Le bluff est une des stratégies de jeu les plus célèbres du poker. Le
principe du bluff est très simple: le bluffeur est un joueur qui veut tromper
ses adversaires sur le jeu qu’il possède. S’il a une forte main et beaucoup de
chances de gagner, il peut bluffer et faire semblant d’avoir une main faible
pour que les autres continuent de miser et de lui permettre d’empocher des
gains plus importants.
S’il a au contraire une main faible, il peut bluffer pour essayer de gagner
la partie. C’est la forme la plus connue du bluff. Il s’agit d’obliger
l’adversaire à se retirer du jeu sans que l’on ait théoriquement des chances
de battre la combinaison de cartes dont il dispose.

Les bons joueurs restent stoïques, le visage fermé, ou bien ils expriment
volontairement des émotions qu’ils ne ressentent pas afin d’aiguiller les
adversaires vers une fausse déduction. Mais soyons précis: un bon bluffeur
doit suivre des règles élémentaires.

• Ne jamais bluffer trop souvent: si un bon bluff génère parfois des gains
importants, il vient aussi de trahir votre capacité à dissimuler et vos
partenaires deviennent méfiants. La chance de faire le coup une seconde
fois est fort mince autour de la même table;

• Trop bluffer ne génère que des pertes à moyen ou à long terme;

• Un bon bluff est lié à la hauteur du gain. Bluffer pour des pots peu
importants ne rapporte rien et éveille la méfiance des adversaires. Il vaut
mieux rapidement se ranger à un jeu normal et attendre le bon moment;

• Connaître le style des autres, c’est sans doute une des clefs principales.
Certains joueurs n’aiment pas se coucher lorsqu’ils ont déjà beaucoup
misé et préfèrent aller jusqu’au bout du jeu. Face à ces derniers, le
bluffeur est sûr de perdre. Aussi, il faut les démasquer dès le début de la
partie et ne pas s’aventurer à les bluffer.

S’il existe un mode de reconnaissance des manipulateurs, il existe au


poker un langage particulier pour repérer quelques personnages clés. Je les
emprunte au site Pokerligne:

• Le poisson. Il fait attention à ses mains plutôt qu’à vous. Il se couche


souvent, réagit mal à l’agression à moins qu’il n’ait un bon jeu. En gros,
s’il a une bonne main, il joue, et dans le cas contraire, il se couche.

• Le faible serré. C’est un joueur très peureux, comme le poisson, mais en


pire! Il ne joue que les bonnes mains, c’est la cible idéale à bluffer.
• Le serré agressif. Ce joueur fait partie des meilleurs, il emploie une très
bonne stratégie. Il sait généralement bien lire ses adversaires et arrive à
adapter son jeu. Il sélectionne ses mains avec soin et n’hésite pas à vous
relancer et à tenter des coups de bluffs s’il pense que vous êtes en
position de faiblesse.

• Le shérif. Il est un peu comme le poisson, mais en plus compétent. S’il


sent que vous le bluffez, il vous contre-attaquera ou suivra. Il pense que
vous bluffez souvent.

• L’hyper agressif. Ce joueur aime les rapports de force, il vous pense


toujours en train de bluffer et n’aime pas se faire avoir. Il est assez
simple à battre, attendez les bonnes mains et piégez-le. Par contre, ne
tentez surtout pas de le bluffer.

• Le joueur large. Ce joueur mise en permanence afin d’aller voir le flop.


Il veut aller voir un maximum de mains. C’est en général un joueur
débutant.

Bluffer ses adversaires au poker aide souvent un joueur à faire un gain


plus important avec une forte main. Dans le cas où il veut faire croire que
son jeu est plus faible, le risque à prendre est minime puisque ses cartes
vont lui faire gagner la partie. Le bluff n’est alors qu’une stratégie pour
augmenter ses gains en incitant les autres joueurs à miser plus. Ce type de
bluff ne présente pas de risques et il peut être utilisé dès que l’occasion se
présente.

Un second type de bluff est celui où le joueur fait semblant d’avoir une
main gagnante pour forcer ses adversaires à abandonner et à le laisser
gagner. Il présente deux variations, selon les spécialistes: le semi-bluff et le
bluff total.

Le semi-bluff est une stratégie qui consiste à miser et à suivre les


enchères avec une main qui peut encore s’améliorer. Dans ce cas, le
bluffeur, même s’il mise par rapport à sa main qui est faible, peut toujours
avoir, grâce aux nouvelles cartes, une main plus forte et même gagnante. Il
combine alors le bluff avec le jeu normal qui est en attente de la nouvelle
carte qui va permettre d’améliorer son jeu. Le semi-bluff est moins risqué
pour le joueur que le bluff total.

Le bluff total, de son côté, est le plus connu. Le bluffeur ne possède


qu’une main médiocre ou qui n’a aucune chance de gagner, mais il se
comporte comme s’il avait une combinaison très forte. Il prend alors de très
gros risques, mais le gain qu’il pourra en tirer peut aussi être conséquent.
Sur le site YouTube, on peut voir un face-à-face fascinant entre Phil Ivey et
Paul Jackson au Monte Carlo Millions. Alors qu’ils n’ont rien entre les
mains, les deux joueurs relancent plusieurs fois. Finalement, c’est Phil Ivey
qui montrera sans doute la meilleure capacité de lecture de l’autre. Il s’agit
là cependant d’un duel extrêmement rare durant lequel les deux hommes
restent persuadés que l’autre n’a pas réellement touché un bon jeu.

Pour l’anecdote, il est amusant de constater que dans la série Le


mentaliste, plutôt que de traiter l’aspect déduction, compréhension des
comportements, les scénaristes ou producteurs ont décidé d’exploiter un
aspect plus visuel, quoique plus tiré par les cheveux, en ce qui concerne
cette profession. Ils ont en effet joué la mémorisation des cartes et des
coups joués qui est plutôt l’apanage des mentalistes de scène et non de ceux
qui travaillent avec la police. Sans compter l’ajout de petites tricheries,
d’échanges de cartes et autres manipulations directement issues du monde
de la magie et non du mentalisme.

C’est ce genre d’erreurs qui, même si elles n’ont que peu d’importance
parce que liées à un produit de grande diffusion que tout le monde aura
oublié rapidement, imprègnent l’inconscient et créent de fausses
représentations. Le grand public en témoigne d’ailleurs régulièrement en ne
sachant absolument pas comment distinguer certains métiers de la scène.
Or, un magicien, un hypnotiseur et un mentaliste représentent trois métiers
différents.

***
Le mentaliste connaît le fonctionnement de la construction mémorielle à
différents âges, il connaît l’impact des mots, des symboles, des gestes ou
des sons sur les gens. Il sait parfaitement qu’une personne habituée à réagir
à un certain type de stimulus y réagira pratiquement toute sa vie.

Le mentaliste se sert de tellement d’indications visuelles, musculaires,


comportementales, auditives – les variations d’intonation dans la voix – que
le terme de mentaliste devient presque étrange à employer sinon dans son
sens d’introspection volontaire. Il n’y a rien en effet de perceptuel ou de
magique dans l’art du mentaliste. Il est en fait plus proche du détective qui
recueille des indices que d’un quelconque voyant étrange.

Le mentaliste sait aussi que les gens qui s’entraînent à ne pas être
classés sont extrêmement rares et qu’ils font souvent partie de la même
profession que lui, ou bien ils appartiennent à des univers qui exigent de la
maîtrise des signes extérieurs comme les joueurs de poker, les praticiens
d’arts martiaux de haut niveau et ceux qui exercent des métiers liés à la
sécurité ou au renseignement.

En effet, s’arranger pour ne pas être décodé ou donner l’impression de


penser autre chose que ce que l’on pense demande beaucoup d’effort et
d’énergie. Il faut donc avoir un métier qui nécessite cela ou être totalement
déterminé à faire bande à part. De plus, et c’est ainsi que bien des gens
échouent dans leurs démarches, des individus connaissent un peu les
techniques de direction du regard; ils seront très attentifs à ne rien laisser
paraître sur ce plan, mais ils vont oublier les petits nerfs qui agitent une
lèvre, le réflexe d’un doigt ou d’une main, le tressaillement léger d’un
muscle, une sueur qui apparaît soudainement, etc. Autant d’indices
révélateurs que tout bon mentaliste saura lire.

Et pour répondre directement à la question suivante: comment


contrecarrer un mentaliste doué? Il n’y a qu’une réponse et elle s’adresse à
quelqu’un dont la motivation serait très grande: il faut échapper à ses
propres mémoires.

Pour cela, il faudrait, chaque mois au moins, modifier sa manière de


vivre. Ne jamais avoir d’habitudes, aucune routine, pas de plat préféré qui
revient systématiquement, pas de partenaire amoureux. En fait, rien qui
puisse permettre de nous classer immédiatement. Devant une personne de
ce type, le mentaliste n’aurait devant lui que la dernière personnalité
exprimée. Il lui faudrait décoder les infimes sursauts des mémoires
anciennes qui pourraient laisser entendre que cet individu n’est pas ce qu’il
affirme être. Et il est toujours possible de trouver en cherchant.

Tous, nous sommes attachés à quelque chose qui peut sembler si


dérisoire que nous allons négliger de nous en débarrasser. Et ce n’est pas
forcément du matériel. Un grand amateur de musique classique le restera,
malgré lui. Il y aura toujours un compositeur préféré, un air
particulièrement chéri. Ce pourrait être aussi la passion du hockey ou du
football. Il y a tellement de gens dans le monde qui aiment ces sports qu’on
ne verra pas vraiment l’importance de mettre cet intérêt de côté, et c’est
peut-être ce qui pourrait trahir celui qui est assez motivé pour renoncer au
reste. Plusieurs grands délinquants ont été retrouvés à partir d’indices aussi
légers que ceux-là: leurs passions. Alors, disons-le, il faut avoir des raisons
vraiment graves et impératives pour accepter de renoncer à tout et de
modifier même sa mémoire personnelle. Le dégât psychologique qui en
découle peut être intense.

Même les espions qui, durant parfois de longues périodes, adoptent ce


que l’on nomme des «légendes», c’est-à-dire des personnalités fictives
complètement crédibles, doivent nécessairement avoir de longues vacances
ensuite pour retrouver leur propre personnalité. Si les missions s’enchaînent
avec des légendes multiples, il devient de plus en plus difficile de revenir à
soi en totalité.
DEUXIÈME PARTIE

Le mentalisme de scène
Généralités

Normalement, un mentaliste de scène qui a fait ses devoirs est au courant de


tout ce qui précède et a suivi des formations diverses soit en magie, en
synergologie – lecture de la gestuelle –, en hypnose, parfois en PNL; bref, il
possède déjà un fort bagage technique sur l’art de la manipulation de masse
ou de groupe. L’un des plus adaptés à cet amalgame et des plus performants
à mes yeux est Derren Brown.

Car si cet art est ancien, sa pratique et surtout la notoriété qui l’entoure
sont relativement récentes. De 30 à 40 années environ. Au Québec, on
connaît surtout Gary Kurtz, mais il y a aussi le très inventif Vincent
Godbout, mieux connu sous le pseudonyme de Mentalo, ou encore Haim au
Canada anglais. Des Américains, tels Edward Hutchison, Eugene Burger,
ou l’Anglais Derren Brown se sont largement illustrés dans cette discipline
qui demande de l’aplomb, mais surtout une totale maîtrise des numéros
présentés.

Par contre, le paradoxe veut que ce soit la télévision qui crée les
mentalistes de scène. Haim a animé une série qui manquait
malheureusement de moyens, mais dans laquelle il parvenait à jouer
aisément dans le contexte du quotidien. Kurtz, de son côté, a participé
surtout à des émissions spéciales à NBC, dans The World Most Dangerous
Magic, et il est également récipiendaire du prestigieux Dunninger Award
pour son excellence et son innovation dans le domaine du divertissement
psychique. Mais pour moi, celui qui a le mieux joué avec la caméra, c’est
Brown avec plusieurs séries telles que Trick of the Mind ou Mind Control
dans lesquelles il explore à peu près toutes les facettes possibles de la
manipulation. Toutefois, avouons-le, il y a parfois beaucoup de préparation
en amont. En quelque sorte, Brown était dans ses séries plus proche des
héros mentalistes des dramatiques actuelles.

Sur les planches, c’est autre chose. La grande variation ici est que le
mentaliste de scène annonce qu’il s’agit d’un spectacle. Cette simple
évidence amène vers lui des gens intéressés à ce type de divertissements,
mais intrigués aussi par la manière dont ils vont, en quelque sorte, se faire
avoir pour le plaisir. Dès le début, cela met de la pression sur le mentaliste
de scène, car ici il est responsable si les numéros ne fonctionnent pas. Le
mentaliste psychologique, lui, dispose d’une foule d’arguments pour
reporter les torts ailleurs, sans compter que ce n’est pas lui qui est au centre
du sujet, mais l’autre, le patient, le suspect, le coaché.

Comme je l’ai mentionné déjà, la perfection pour le mentaliste de scène


serait de n’avoir aucun accessoire. Mais, à moins de se livrer à des
divinations fabuleuses – ce qui peut intervenir pour un événement spécial –,
son spectacle deviendrait fastidieux. C’est pourquoi la majorité conserve
des éléments fort simples la plupart du temps: livre, papier, enveloppe,
mallette, stylo, tableau. Gary Kurtz, par exemple, a fait ses débuts assez
modestement avec des éléments de décor baroque ou kitsch, et aujourd’hui
il n’hésite pas à utiliser des accessoires et des effets mécaniques pour
renforcer son spectacle. C’est une obligation à la longue, même si le
principe demeure le même. Car il n’existe pas de différence fondamentale
entre deviner un mot inscrit sur une feuille brûlée par le mentaliste et trois
cents billets qui tombent d’un mur parfaitement éclairé en mimant un geste
magique. Un seul restera en place, celui du spectateur choisi. Ici, c’est le
côté cabotin que l’on met en avant. On offre au spectateur un élément qui
paraît grandiose, mais qui pratiquement est presque plus simple à exécuter
qu’un autre, moins spectaculaire.

Le paradoxe est ici le même qu’en magie. Ce qui est difficile, ce qui
demande des heures de pratique, de répétition, ce sont les manipulations,
c’est la prestidigitation. Dès que l’on pénètre dans le monde de la moyenne
illusion – apparition de colombes, disparition de lapin –, cela demande
encore du travail, mais on s’attarde plus au timing et à la mise en scène.
Lorsqu’enfin on arrive à la grande illusion, il n’y a pratiquement plus que
les moyens financiers qui comptent. Le tour en lui-même devient simple, et
ce qui fera la différence et qui distinguera un magicien d’un autre, ce sera
l’originalité de la présentation et sa rapidité d’exécution. David Copperfield
excellait sur ce plan.

La difficulté majeure du mentaliste de scène sera ainsi la constitution de


son spectacle. Avec si peu d’accessoires, il lui faut être extraordinaire. De
sa besace il sortira parfois des systèmes réflexes qui deviennent amusants.

Mais laissons donc de côté la manipulation et le grand déploiement pour


en revenir à des principes plus subtils. Pour le mentaliste, il ne s’agit pas de
pousser et de provoquer, mais de suggérer en finesse tout en lisant le
langage corporel.

Débutons avec un principe que tout le monde reconnaîtra, mais qui se


présente un peu pompeusement sous le vocable de «psychologie inversée».
Il s’agit tout bonnement de dire ou de faire à quelqu’un l’inverse de ce
qu’on voudrait qu’il fasse, de manière que lui-même change d’avis.

Un exemple simple: votre enfant ne cesse de dire non à ce que vous lui
demandez et vous en êtes à votre sixième oui. Du genre:

«Mets ton chandail pour sortir!

— Non.

— Oui.

— Non.

— Oui.

— Non.
— Non.

— Oui.»

Si vos répliques sont très rapides, l’enfant suit votre rythme pour vous
contrarier. Il suffira alors tout à coup de dire non. Et c’est lui qui dira oui,
parce qu’instinctivement il dira le contraire de ce que vous dites. Ayant
obtenu la réponse souhaitée, vous terminez là. De la même manière, il
suffira que l’on dise à une personne de l’entourage: «Mais non! Toi tu
n’aimeras pas ça!» pour qu’aussitôt votre vis-à-vis proteste. Des principes
simples, effectivement, mais qui marchent. La plupart d’entre eux, comme
tous ceux que l’on a vus en première partie, sont utilisés sur scène.

À quoi ça sert en spectacle? me direz-vous. Eh bien, prenons un autre


exemple, tout aussi absurde apparemment. Le mentaliste présente un
tableau recouvert d’un voile. Il explique qu’il a inscrit dessus divers mots
qu’il va tenter de faire dire au public en jouant avec lui. Il demande à une
spectatrice de prendre en note les mots qui seront dits afin de pouvoir
vérifier. Il existe des dizaines de méthodes pour y parvenir, mais pour notre
exemple, je reviens à la psychologie inversée. Le mentaliste pose des
questions rapides à un volontaire, par exemple des opérations
mathématiques: «Combien font 15 + 6, 4 + 53, 11 + 11, 35 + 45», et
soudain il demande: «Pensez à un outil et à une couleur. Dites-moi, quel
outil, quelle couleur? Neuf fois sur dix, les gens répondront: «Un marteau
rouge.»

Il s’agit d’un réflexe basé sur une forme d’évidence: le marteau est,
semble-t-il, l’outil le plus familier, c’est donc à lui qu’on songe en premier.
Même chose pour la couleur rouge: son aspect intense en fait la première
couleur qui vient à la mémoire. Il ne s’agit que d’un automatisme.

Si, par le plus grand des hasards, un des deux éléments était faux, on ne
garderait que le bon en jouant avec la formulation. Par exemple: «Je ne sais
pas pourquoi votre marteau à vous était bleu, les gens associent la couleur
et la fonction d’habitude, mais peu importe, l’important c’est d’avoir trouvé
le bon outil.» Voilà le mentaliste tiré d’affaire. Il doit posséder une immense
facilité à parler et à improviser. Après tout, c’est lui, le spécialiste du
mensonge. Encore une fois, un spectacle de mentaliste doit être une
machine parfaitement huilée. Avec d’autres spectateurs, il utilisera d’autres
principes et, à la fin, tous les mots notés par l’assistante se retrouveront
effectivement sur le tableau.

Que sont justement ces numéros qui composent une démonstration de


mentalisme? Ils sont tous issus de la même base: deviner ce qui semble
impossible à deviner. Par exemple:

• Une phrase écrite sur un papier qui sera plié en quatre avant d’être brûlé;

• Un itinéraire choisi au hasard sur une carte;

• Le numéro du passeport d’une personne;

• Celui qui va s’installer sur la chaise numéro X parmi 50;

• Les titres d’un journal à paraître une semaine à l’avance.

Pour le spectacle, on étirera un peu la sauce magique en conduisant un


véhicule les yeux bandés ou, comme le fait Kurtz, en écrasant du plat de la
main des tubes de papier dont l’un cache un couteau.

En fait, c’est la mise en scène qui reste l’ingrédient le plus fin d’un
excellent numéro. Pour en avoir inventé certaines et avoir travaillé avec des
professionnels, je peux vous dire que la difficulté première et constante est
de réussir un tour de force de mentalisme avec le minimum d’accessoires,
idéalement aucun, en créant un effet final le plus gigantesque possible.
Inutile de dire que cela prend beaucoup de temps, de travail et de multiples
répétitions.

Mais voilà que je vous parle de gens qui ont misé leur vie sur ce métier
et qui ont tout naturellement développé des techniques extrêmement
complexes pour se distinguer les uns des autres. Cependant, là encore, c’est
un peu la même chose qu’avec la magie, des petits numéros tout simples
permettent d’illustrer un principe et de mettre le spectateur en appétit. On
retrouvera là tant les anciens numéros de calculateurs prodiges – les
premiers mentalistes – que des tours usant d’un peu de magie.
Toute la complexité du mentaliste de scène consiste à se renouveler. En
effet, si la magie permet de multiplier les appareils et leurs formes, le
mentalisme joue toujours avec la même idée: la divination. Créer du
nouveau n’est donc pas simple. C’est pourquoi la majorité des grands
mentalistes possèdent au moins trois gros tours qui leur appartiennent et
avec lesquels ils vont voyager autour du monde. Mais, outre les numéros,
comme je l’ai dit, il demeure un autre atout qui lui aussi doit être travaillé
avec précision et sans relâche: l’attitude.

Avec comparse ou pas


Tout dépend des numéros. Pour la majorité des spectacles courants, le
mentaliste est seul sur scène, il n’y a aucun comparse. Les numéros sont
parfaitement rodés et s’il fait appel parfois à du matériel truqué, ce dernier
se maîtrise facilement.

Par contre, lorsqu’il s’agit d’une présentation spéciale où le


déroulement exige un peu plus d’espace, ou encore lorsqu’il s’agit d’une
spéciale télévisée, il est possible de faire appel de temps à autre à un ou
deux comparses afin de simplifier la mise en place et le déroulement du
numéro. En salle, souvent le même numéro pourrait se faire tout
naturellement; c’est l’exigence de la distance ou des plans de caméra qui
nécessite l’utilisation du comparse. Un tournage coûte cher et on ne peut
pas exécuter deux fois certains trucs sans les révéler. Brown y a souvent
recours pour cette raison, mais pour une autre aussi: il est aujourd’hui
mentaliste, mais il a été durant une période hypnotiseur de scène; alors, il
fait régulièrement appel à son ancienne pratique pour conditionner un sujet
à l’avance et donner ainsi le sentiment aux téléspectateurs qu’il possède de
grands pouvoirs.

Mais pour la majorité des cas, il faut comprendre qu’en temps normal le
comparse n’est habituellement pas utile et que, à moins d’exception, il n’y
en a pas. Un bon mentaliste de scène connaît parfaitement ses numéros.
Avec les exemples qui suivent un peu plus loin, on verra à quel point des
choses simples procurent des effets majeurs.
Les atouts du mentaliste de scène

Une grande partie du travail consiste à développer un comportement, une


manière d’interagir de manière à obtenir une information cachée. Mais
avant même d’agir sur les autres, il faut agir sur soi.

Un mentaliste doit tout d’abord décider de son allure physique et jouer


sur ses atouts ou ses caractéristiques sans concession. Il peut être beau,
grand, gros, laid, mince, mal habillé, une carte de mode, décontracté, etc.,
bref, selon ce que chacun est, il s’agit de l’assumer et de l’utiliser. Ainsi, un
grand moche mal habillé pourra avoir autant de succès qu’un individu beau,
mince et très stylé. Ce qui compte, c’est l’usage qu’il fait de son apparence
et le type de numéros qu’il présente. Ainsi, si l’on regarde les stéréotypes,
le beau sera romantique et charmeur, et le laid plutôt drôle et exagéré. Mais
ils pourraient parfaitement inverser les choses et devenir crédibles s’ils
savent y faire. Par exemple, Kurtz est grand et mince, Haim est plutôt bien
portant, Mentalo a le crâne rasé, Brown ressemble à n’importe qui.

Une fois son apparence établie et sa garde-robe décidée, le plus facile


est réglé. Il restera à se construire un spectacle en phase avec son apparence
et sa manière d’être. Pour y parvenir, il s’agira de tester des dizaines de
numéros et de principes pour trouver ceux qui nous ressemblent.

Et puis, il s’agit d’apprendre et d’apprendre encore, de développer la


lecture des gens. C’est-à-dire l’art de la synergologie, ou interprétation de la
gestuelle. Tout le monde, toutes les personnes normales vont se trahir par de
petits gestes, des réactions instinctives, des réflexes qui vont permettre à un
individu entraîné de les décoder. Ainsi, un mentaliste pourra, en tenant le
bras d’un volontaire, découvrir où ce dernier a caché un objet.

On demande à une personne de dissimuler un objet à l’endroit qu’elle


veut. Puis, le mentaliste la tenant par le bras retrouve l’objet. Croyez-le ou
non, il n’y a, la grande majorité du temps, aucun trucage ni complice. Par
contre, pour réussir ce numéro, le mentaliste de scène aura beaucoup
d’heures de pratique derrière lui. En effet, les perfectionnistes utilisent une
véritable lecture des mouvements musculaires inconscients. En tenant le
poignet de la personne, cette dernière fournit malgré elle des indications sur
la direction à prendre. Il y aura de légères contractions en cas d’erreur.
Aussi le mentaliste jouera-t-il avec des hésitations volontaires de manière
que la personne lui confirme la bonne voie à adopter. Une résistance plus
importante apparaît une fois le but atteint. C’est alors que l’artiste utilisera
les autres indications: direction des yeux, attitude générale, etc., pour
découvrir la cache elle-même.

Il est donc essentiel que le mentaliste connaisse son affaire et soit


parvenu à dégager un style de personnage qui évolue entre naturel et
humour, en plus d’avoir une part de mystère insondable. C’est ce mélange
parfait qui lui donne ce côté médium fascinant.

La plupart des mentalistes sont passés par le monde de la magie avant


d’aborder la scène. Cela leur permet de connaître suffisamment de
manipulations simples qui leur sont très utiles. De plus, le fait qu’il s’agisse
souvent d’individus férus de mathématiques et ayant une grande mémoire
est significatif. En effet, plusieurs techniques de mentalisme requièrent des
calculs mentaux assez rapides et la connaissance de suites logiques. C’est
sans doute pour cela que l’on considère les calculateurs pro diges comme
les premiers mentalistes.

Ces derniers n’utilisent aucun trucage; ils sont simplement dotés d’une
capacité fantastique de calcul. En fait, ils font usage de petits trucs
mathématiques qui leur facilitent la vie, mais qui paraissent souvent
complexes aux yeux du commun des mortels. Par exemple, savez-vous
extraire la racine cubique d’un nombre en une seconde? Non? Eh bien eux,
oui.

Laissez-moi vous donner un exemple avec un nombre de deux chiffres –


ils peuvent le faire avec plus, mais deux, c’est plus simple… si l’on peut
dire. Imaginez que vous ayez affaire à un calculateur prodige ou à un
mentaliste qui vous demande de penser mentalement à un nombre de deux
chiffres et de le multiplier par lui-même. Ensuite, multipliez une fois encore
ce résultat par le nombre choisi au début.

Supposons que vous pensiez au nombre 47. Vous multipliez donc 47 ×


47 = 2 209, et une fois encore par 47 soit: 2 209 × 47 = 103 823. C’est ce
grand nombre que vous annoncez au mentaliste. Comment va-t-il s’y
prendre pour retrouver votre premier nombre? Eh bien, notre mentaliste
connaît par cœur une petite liste que quiconque a la bosse des maths peut
mémoriser aisément. Il s’agit de la liste des cubes des neuf premiers
chiffres. C’est-à-dire:

Racines Cubes
1 1
2 8
3 27
4 64
5 125
6 216
7 343
8 512
9 729

Lorsque vous annoncez votre énorme résultat, 103 823, et que vous
vous demandez bien comment il va s’y prendre, notre mentaliste
sélectionne tout d’abord la première partie du nombre, soit 103, et
recherche dans sa liste des cubes mémorisés le nombre immédiatement
inférieur, ici ce sera 64, dont la racine est 4.
Il s’occupe ensuite tout aussi vite de la seconde moitié du nombre, soit
823, et cette fois il joue à l’envers si l’on peut dire en sélectionnant
seulement l’unité de ce nombre, soit 3. En cherchant dans la colonne de
droite où se trouve cette unité, on tombe sur 343. Et en face de 343, dans la
colonne de gauche se trouve le 7. Le mentaliste possède donc les deux
chiffres qui composent la racine que vous avez choisie, c’est-à-dire 47. Pour
une personne habituée, ce que je viens d’écrire ici ne prend qu’une seconde.
La réponse est donc pratiquement instantanée. C’est cela qui fait croire au
miracle.
Le b.a.-ba du mentalisme de scène

Comme futur mentaliste, peut-être avez-vous déjà décidé de v otre look


personnel. Vous avez une base comme magicien? C’est parfait! Sinon,
prenez le temps de vous initier particulièrement aux manipulations pures
avec des pièces, des cartes et autres petits objets. Cela vous donnera une
très bonne dextérité, ce qui est essentiel. N’oublions pas que le mentaliste
de scène utilise régulièrement des trucages de magie. Cultivez aussi votre
mémoire et approfondissez vos mathématiques. À partir de là, et seulement
à partir de là, vous pourrez espérer avancer dans le domaine du mentalisme
scénique. Dans les boutiques de matériel de magie ou sur Internet, vous
trouverez d’innombrables livres, numéros et vidéos de professionnels.
Lisez, regardez, apprenez! Développez aussi votre bagout; la parole est un
outil fort utile pour parfois noyer le poisson. Ensuite, voici le temps de
constituer votre propre show.

Monter son propre spectacle


L’avantage du mentalisme sur la magie est qu’il nécessite fort peu de
matériel, pas d’assistant et très peu d’accessoires. En fait, avec une petite
mallette, vous aurez tout sous la main pour vos premières prestations.
Ensuite, si vous désirez vous diriger vers la grande scène et le gros
spectacle, vous ajouterez du décor, des accessoires plus importants et ce que
vous voudrez d’autre, mais fondamentalement vous n’aurez toujours besoin
que de très peu.
Restera à vous orienter dans une direction ou une autre, ou encore à
favoriser le mélange des genres. Plusieurs mentalistes jouent le
minimalisme et travaillent avec quelques enveloppes de papier, des revues
ou des journaux. D’autres, comme Kurtz, utilisent aussi des bandeaux sur
les yeux, des couteaux et d’autres accessoires.

Dans le domaine de la divination, n’oubliez pas qu’il s’agit de cela.


Dans un spectacle de mentalisme, vous aurez surtout le choix de l’ambiance
parce que les numéros se ressemblent d’un artiste à l’autre, qu’on le veuille
ou non. Vous aurez donc plusieurs univers à votre disposition:

• Le paranormal et l’étrange;

• L’humour discret;

• La vraie farce;

• Le spectacle troublant avec du matériel important;

• Le spectacle naturel qui semble presque banal;

• L’exploit unique.

Voilà, je crois avoir couvert tous les univers de base. Il est possible
ensuite de les mélanger en ayant un numéro spécial pour achever un
spectacle sobre par exemple. Les plus délicats de ces choix sont sans nul
doute le spectacle naturel et l’exploit unique, car si l’on recherche les gros
effets de scène, certes on en mettra plein la vue au public, mais ce
déploiement de matériel peut vite respirer le trucage et cela nuit à l’aspect
véridique du mentaliste. Car le jeu le plus subtil est de parvenir à faire
croire que vous avez un don et pas du tout que vous êtes un artiste comme
un autre.

Mais ne vous en faites pas trop. Si vous voulez gagner votre vie dans
cette discipline, vous serez obligé de vous afficher comme artiste et donc de
laisser entendre que ce que vous faites n’est pas totalement vrai. Ce sera
votre manière d’agir qui pourra alors créer le mystère. L’important est que
le public dise: «C’est impossible, comment fait-il?» Oui, j’écris au
masculin, car il n’y a pratiquement aucune femme qui choisisse ce métier. Il
n’y a pourtant aucun empêchement.

Décider de son répertoire


Comme je l’ai mentionné, il existe de nombreuses sources pour glaner des
dizaines de numéros de mentalisme; on en trouve dans les magasins de
magie, sur Internet aussi, ou encore auprès des mentalistes eux-mêmes qui
parfois vendent leurs inventions. Mais je vais vous donner quelques
exemples de numéros simples afin de vous permettre de comprendre de
quoi il retourne vraiment. La moindre formation à la magie vous aidera
favorablement.

Premier numéro
Puisque, plus haut, nous avons commencé avec des chiffres, je propose de
poursuivre ici avec un carré magique particulier. Une personne choisit
quatre cartes à jouer de valeurs consécutives dans une rangée. Le mentaliste
compose alors un carré magique avec les autres cartes, laissant quatre
espaces libres. Dans ces espaces, il dépose ensuite les quatre cartes du
volontaire. Il demande alors à la personne de faire le total des quatre cartes
qu’il a choisies et d’annoncer le total. Or, ce total est celui de toutes les
lignes du carré, et de plus le mentaliste retourne le carré pour montrer que
ce nombre est inscrit au verso.

Préparation. Ici, on va découvrir précisément de quoi je parle quand je


fais allusion à des accessoires qui aident le mentaliste sans qu’il y paraisse.
Le mentaliste dispose d’un sac banal dans lequel il puise de temps à autre
un stylo, des cartes, du papier, etc. Dans ce sac se trouvent aussi neuf
cartons sur lesquels figurent les 16 cases d’un carré magique.
Chacun de ces neuf cartons porte au verso un nombre: 22, 23, 24, 25,
26, 27, 28, 29, 30. Ces cartons sont placés dans l’ordre dans le sac de
manière à pouvoir choisir n’importe lequel sans hésiter.

Les nombres correspondent à neuf séquences bien précises:

1, 2, 3, 4 = 22
2, 3, 4, 5 = 23
3, 4, 5, 6 = 24
4, 5, 6, 7 = 25
5, 6, 7, 8 = 26
6, 7, 8, 9 = 27
7, 8, 9, 10 = 28
8, 9, 10, 11= 29
9, 10, 11, 12 = 30

Il est facile de se souvenir du total puisque le chiffre final correspond au


chiffre occupant la deuxième colonne; 6 correspond à 26, 8 correspond à
28, 10 correspond à 30.

Exécution. Sortez de votre sac deux petits paquets de cartes portant des
numéros – on en trouve facilement dans le commerce, il est possible aussi
d’en fabriquer, sinon on peut utiliser des c artes à jouer. Étalez ces cartes
qui montrent deux rangées de chiffres de 1 à 12, de couleurs différentes
(exemple: une série rouge et une série bleue). Une rangée est pour vous,
l’autre pour votre volontaire, à qui vous demandez de retirer de sa série
quatre cartes qui se suivent obligatoirement. Pendant ce temps, ramassez
votre paquet tout en observant votre vis-à-vis.

Dès qu’il a choisi, penchez-vous vers votre sac et sortez l’un de vos
cartons, mais pas n’importe lequel: vous avez vu que v otre volontaire a
choisi la suite 5, 6, 7, 8. Vous vous souvenez que 6 correspond à 26, vous
sortez donc votre cinquième carton, qui porte au dos l’inscription 26. À
partir de là, tout est simple, mais il vous faut renforcer le mystère.

Vous expliquez donc que madame Unetelle a choisi au hasard une série
de quatre chiffres qui se suivent, et que vous avez ici un quadrillage
magique que vous allez utiliser de manière surprenante. Comme vous
disposez d’un jeu constitué des mêmes cartes, vous allez les utiliser à
présent et déposer sur le carré certaines de vos cartes de la manière
suivante.

En réalité, ce sera toujours la même disposition; donc, ne faites ce


numéro qu’une seule fois devant les mêmes personnes.

Cela terminé, demandez à votre volontaire de vous confier ses quatre


cartes: 5, 6, 7 et 8, que vous disposez posément sur le tableau. La différence
de couleur permet à chacun de bien les distinguer.
À présent, demandez à votre volontaire de se livrer à une opération
rapide: calculer le total de la première ligne horizontale, ce qui fait 26.
Ensuite, demandez-lui de calculer celui de la première ligne verticale, ce
qui fait également 26, puis celui de la diagonale qui fait aussi 26.
Demandez-lui ainsi le total de toutes les lignes, dans tous les sens. Chaque
fois, le nombre 26 apparaît.

Une fois encore, le mentaliste que vous êtes rappelle à son auditoire que
le choix de ces cartes a été fait au hasard, que votre volontaire aurait pu
choisir n’importe lesquelles, donc que le total aurait pu être n’importe
lequel. Pourtant, vous le saviez à l’avance puisque, au verso de ce carton, le
total est déjà inscrit. Vous retournez votre carré pour révéler à tous le
nombre 26. Vous aurez compris que dès que vous connaissez la série
choisie, vous aurez toujours le carton correspondant.

Deuxième numéro
Cette fois, visons plus haut, mais toujours avec une méthode simple de
débutant en mentalisme – ce numéro se fait professionnellement avec une
technique beaucoup plus élaborée, mais c’est un classique qu’il faut
explorer. Il s’agit pour le mentaliste de deviner sur quelle chaise va
s’asseoir un volontaire.

Préparation. On utilise ici cinq chaises pliantes. On pourrait en prendre


plus, mais ce serait compliquer les choses au départ; exercez-vous avec ces
cinq chaises. Elles seront numérotées de 1 à 5 sur leur dossier. Le numéro
de la chaise 2 est entouré d’un cercle.
Il vous faut un espace assez grand, voire une scène, pour que le numéro
ait du panache. À l’avance, dans cette pièce, vous alignez les cinq chaises
contre un mur ou au centre de l’espace, s’il est assez grand. Ces chaises ne
sont pas innocentes, car vous vous êtes livré à une préparation soignée. Il
vous faut au départ six enveloppes opaques, toutes numérotées également.

• Sous chaque chaise, collez une enveloppe qui porte le numéro de la


chaise, sauf sous la chaise 3 qui porte un X. Il faut que cela ressemble à
un marquage plus qu’à une enveloppe collée. Chaque dossier porte aussi
le numéro de sa chaise. Seul le 2 de la chaise 2 est enfermé dans un
cercle.

• Collez une enveloppe à l’arrière du dossier de la chaise 2. À l’intérieur,


un carton annonce: «Le spectateur est assis sur la chaise 4.»

• L’enveloppe collée sous la chaise 3 porte un grand X sur sa face. Elle


contient un carton qui dit: «Le spectateur est assis sur la chaise 1.»

• L’enveloppe 6 se trouve sur une table et renferme un carton qui dit: «Le
spectateur est assis sur la chaise 5.»

Exécution. Tout se joue là, dans la gestion des actions de votre


volontaire. Une fois vos chaises pliantes placées, dans un grand salon par
exemple, vous rencontrez vos spectateurs et vous demandez un volontaire
parmi eux. Vous expliquez alors que le volontaire entrera le premier dans le
salon où il verra cinq chaises alignées, tandis que les autres suivront pour
l’observer. Il devra réfléchir et choisir à sa guise une chaise sur laquelle il
s’assoira. Il le fait au hasard; c’est lui qui décide. Dès que le volontaire est
assis, on lui demande de ne plus bouger. C’est à cet instant qu’il vous faut,
comme mentaliste de scène, posséder parfaitement votre discours. Il s’agit
bien pour vous de deviner le numéro de la chaise choisie par le volontaire.

Si le volontaire est assis sur la chaise 5, vous vous dirigez vers la table
et y prenez l’enveloppe qui s’y trouve. Vous la confiez à un spectateur qui
l’ouvre et qui lit le carton.
Si le volontaire est assis sur la chaise 4, vous retournez les chaises, ce
qui révèle en même temps leur numéro, et derrière le dossier de la chaise 2,
vous montrez du doigt le numéro 2 entouré d’un cercle. Vous pliez alors la
chaise et retirez une enveloppe qui contient un carton que vous faites lire à
haute voix. Ce carton indique: «Le spectateur est assis sur la chaise 4»,
comme il a été convenu dans la préparation.

Si le volontaire est assis sur la chaise 3, vous repliez les chaises une à
une montrant que seule l’enveloppe collée sous la 3 porte un grand X.

Si le volontaire est assis sur la chaise 2, vous retournez toutes les


chaises pour montrer leur numéro, et seul le numéro 2 est entouré d’un
cercle.

Si le volontaire est assis sur la chaise 1, pliez les chaises une à une en
montrant les numéros qui figurent dessous jusqu’à la 3 qui, elle, porte un X.
Prenez l’enveloppe et ouvrez-la pour faire lire à un spectateur que la chaise
choisie est bien la 1.

Un conseil: prenez le temps de bien lire pour bien comprendre. Faites-


vous un bref bricolage avec du carton et des enveloppes et suivez la
démonstration; vous verrez qu’il est très facile de s’y retrouver. L’important
est d’avoir du bagout et de rappeler souvent que la personne a fait son choix
seule, mais que vous le connaissiez à l’avance.

Troisième numéro
Ici, nous sommes dans cette zone grise entre magie et mentalisme, mais
nous sommes aussi au cœur du sujet: nous allons jouer avec la capacité
d’influencer les autres. Du moins, vous allez présenter les choses ainsi.
Attention: pour ce numéro, une bonne pratique sera nécessaire, mais l’effet
en vaudra la peine. Empruntez un billet de banque que vous placez dans une
enveloppe; mélangez ensuite cette enveloppe avec plusieurs autres,
totalement identiques, et lancez-vous dans une sorte de roulette russe avec
votre généreux donateur.
Préparation. Il n’y en a aucune. Par contre, il vous faudra vous entraîner
devant un miroir pour obtenir des gestes naturels lors des deux seules
manipulations fondamentales de ce numéro. Tout le reste réside dans le
stress que vous réussirez à faire monter dans la salle, et surtout chez le
volontaire. Plus la valeur du billet et grande, plus il est facile de jouer avec
cette petite angoisse.

Voici ce que sont ces manipulations. Utilisez de petites enveloppes


brunes. Elles sont à peu près de la grandeur d’une paume et se manipulent
bien. Exercez-vous devant un miroir ou, si possible, devant une caméra
pour revoir ensuite vos gestes. Tout d’abord, pliez un billet en deux, puis
encore en deux, et une troisième fois en deux; vous aurez alors en main un
morceau d’environ trois centimètres sur trois, ouvert d’un côté. À présent se
joue toute l’opération.

Tenez le billet plié entre le petit doigt et l’annulaire de la main droite.


Vous avez l’enveloppe dans la main gauche, le bas repose dans votre paume
et votre pouce gauche est allongé bien droit vers l’ouverture. Ouvrez-la
avec le pouce et l’index de la main droite, rabat vers le public. Passez le
billet entre le pouce et l’index, montrez-le à un public imaginaire et insérez-
le dans l’enveloppe.

Faites ce geste une bonne dizaine de fois de suite pour bien étudier vos
mouvements et votre attitude. La onzième fois, ne glissez pas le billet dans
l’enveloppe, mais entre l’enveloppe et votre pouce gauche. Toutefois, vos
gestes doivent être exactement semblables à ceux que vous faisiez en
plaçant réellement le billet. C’est la seule vraie difficulté, mais elle peut être
majeure. Lorsque vous serez capable de placer le billet à côté de
l’enveloppe de manière aussi détendue que si vous le glissiez à l’intérieur,
vous pourrez passer à la suite.

Une fois le billet entre le pouce et l’enveloppe, portez le rabat à votre


bouche pour le mouiller et collez-le. Ce faisant, votre pouce se plie et
ramène le billet dans votre paume. Vous allez désormais le tenir dans la
fourche du pouce et de l’index. Cette position permet de bouger les doigts
de manière naturelle, mais attention à vos mouvements.
Une fois cette technique parfaitement au point, il vous reste à apprendre
à faire l’inverse. Vous avez une enveloppe fermée dans la main gauche avec
le billet caché derrière. De la main droite, vous prenez un coupe-papier et
vous fendez le rabat. Maintenant, vous enfoncez l’index, le majeur et
l’annulaire droits dans l’enveloppe, le pouce droit descendant tout
naturellement à la rencontre du gauche. Le pouce droit prend le billet en
charge et remonte avec les autres doigts qui se retirent lentement de
l’enveloppe. Le pouce doit alors se coller à eux et monter aussitôt le billet
comme s’il venait effectivement d’être sorti à cet instant précis.

Exécution. Vous avez une petite table sur laquelle se trouvent plusieurs
enveloppes, un coupe-papier, un grand récipient, des allumettes et un
contenant d’essence à briquet. Si vous n’aimez pas le feu ou que la chose
vous dérange, utilisez une déchiqueteuse; l’effet est aussi stressant.

Demandez à vos spectateurs et amis de vous prêter un billet de banque,


le plus gros possible. Priez le donateur de rester près de vous et, tandis que
vous pliez son billet de banque, demandez-lui de mettre de l’essence dans le
bol et de l’allumer, ou encore de vérifier la déchiqueteuse avec une feuille
de papier placée là.

Avec cette simple demande, vous venez de provoquer une attente et un


stress dans le public, et surtout chez le propriétaire du billet. Si vous ajoutez
que c’est la toute première fois que vous essayez ce numéro, à coup sûr la
tension va monter.

Prenez les enveloppes dans la main et, comme vous l’avez pratiqué
maintes fois devant votre miroir, faites semblant de glisser le billet dans la
première des enveloppes. Attention, cependant, à votre position. Si vous
êtes devant un public, il s’agit de ne pas se montrer de côté, mais bien de
face. Si votre volontaire peut vous voir, demandez-lui de tester de nouveau
la déchiqueteuse ou de vérifier la température du feu. Cela détourne son
attention juste le temps de glisser officiellement le billet dans l’enveloppe.

À présent, le billet est à la fourche de votre pouce. Les enveloppes le


cachent. Vous annoncez ce qui va se passer tout en mélangeant les
enveloppes. «Voilà, je viens de mettre votre billet dans une de ces
enveloppes, je les ai mélangées et je vais vous demander de les mélanger
aussi.» Vous passez les enveloppes à votre volontaire. Maintenant, donnez
un stylo-feutre à votre volontaire et demandez-lui de numéroter les
enveloppes de 1 à 8 (ou le nombre d’enveloppes que vous avez). À présent,
invitez le public à choisir un chiffre; vous devrez brûler ou déchiqueter
l’enveloppe correspondante. Mais vous avez toujours la possibilité de
changer le choix au dernier moment. On commence: «Un premier chiffre,
s’il vous plaît!»

Les chiffres seront annoncés un à un jusqu’à ce qu’il ne reste que deux


enveloppes. Prenez ces deux enveloppes dans la main gauche, numéro face
au public et, discrètement, replacez le billet doucement à la bonne position,
c’est-à-dire entre le pouce et l’enveloppe. Adressez-vous maintenant au
donateur. C’est à lui cette fois de choisir le numéro qui sera sacrifié.

Vous lui donnez l’enveloppe qu’il a choisie, il la brûle ou la réduit en


morceaux, selon votre choix. Il ne reste qu’une seule enveloppe. Vous
rappelez ce qui vient de se passer en insistant sur le fait que votre donateur
a sacrifié son argent. Puis, prenez le coupe-papier et agissez comme lors de
l’entraînement, en sortant le billet que vous rendez à votre volontaire
soulagé.

Un conseil: il vaut mieux placer un papier plié de la même taille que le


billet dans chacune des enveloppes. Cela ajoute au stress du donateur qui ne
sait jamais si c’est, oui ou non, son billet.

Lorsque vous sortez le billet à la toute fin, rendez-le à son propriétaire


et, en même temps, jetez discrètement la dernière enveloppe dans le feu ou
la déchiqueteuse, de manière que personne n’y découvre le petit bout de
papier plié qui s’y trouve.

Quatrième numéro
Un petit numéro pour ceux qui ne connaissent pas de manipulations
précises, mais qui aimeraient bien tenter une expérience simple. En voici
une facile qui intrigue tout de même.
Préparation. Prenez dix cartes à jouer à dos bleu et alignez-les, face contre
table, par les petits côtés (largeur). Ensuite, avec du papier collant
transparent, reliez-les entre elles. Vous aurez ainsi une longue bande formée
de dix cartes.

À présent, procurez-vous une pince à linge ou toute autre pince qui fera
l’affaire et collez dessus – à l’intérieur de la pince – une carte de la même
taille ayant un dos rouge. Ce petit montage sera ensuite pincé sur la colonne
de cartes et parfaitement aligné sur l’une d’elles, donnant l’impression que
cette carte-là possède un dos rouge. Assurez-vous que la pince peut se
déplacer facilement le long de la colonne sans que l’on voie qu’elle emporte
avec elle une carte supplémentaire.

Exécution. La manière de procéder est extrêmement simple. Tenez entre le


pouce et l’index gauche la carte du haut de votre colonne; vous montrez
ainsi dix cartes différentes reliées entre elles par leurs petits côtés. Sur la
première carte du haut se trouve une pince.

Demandez alors à une personne de vous arrêter quand elle le veut.


Prenez la pince à linge, desserrez-la légèrement pour la faire coulisser le
long de la colonne de haut en bas, et même de bas en haut si la personne ne
se décide pas tout de suite. Lorsque la personne vous dit «Stop!», assurez-
vous que le dos rouge couvre bien le bleu avant de relâcher la pince.
Demandez à la personne si elle veut changer d’avis ou non. Si oui, reprenez
le mouvement. Lorsqu’elle est bien décidée, laissez la pince en place et
retournez la colonne pour montrer que, malgré toutes ses hésitations, la
personne a choisi malgré elle la seule carte à dos rouge.

Bien entendu, votre discours doit être un peu élaboré pour donner du
panache à ce tour très simple. Insistez sur le fait que vous êtes capable
d’influencer les autres et que vous allez le démontrer. Et puis, cela va sans
dire, ne laissez pas traîner vos cartes après le numéro.

Cinquième numéro
Voici un numéro qui, lui aussi, se rapproche davantage de ceux que
présentent les professionnels et qui demande fort peu de matériel. Présentez
cinq petites enveloppes et cinq cartons; remettez un de ces cartons à une
personne de l’auditoire et invitez-la à y inscrire son nom. Dites-lui
qu’ensuite vous mettrez ce carton dans une enveloppe. Pendant ce temps,
son voisin ou sa voisine aura la tâche de mettre les autres cartons dans les
autres enveloppes et de tout mélanger. Si tout est compris, tournez le dos,
ou même sortez de la pièce. Une fois que tout est terminé, reprenez les
enveloppes et retrouvez celle qui contient le nom du spectateur.

Préparation. Toutes les enveloppes sont identiques et sans aucune marque.


Quatre des cartons sont identiques et sans marque, le cinquième est juste un
peu raccourci sur sa largeur pour glisser plus facilement dans l’enveloppe et
y flotter suffisamment pour être détecté au toucher. Les autres cartons
entrent de justesse dans les enveloppes et ne bougeront donc pas. Votre
volontaire remet lui-même son carton dans son enveloppe; ainsi, il ne peut
pas comparer ce geste puisque c’est quelqu’un d’autre qui entre les autres
cartons dans les enveloppes restantes.

Exécution. Assurez-vous seulement que votre volontaire commence à écrire


avant de vous retourner afin d’empêcher un hypothétique échange de
carton. Lorsque vous reprenez les enveloppes, vous appuyez un peu avec
vos doigts sur les côtés de manière à repérer le carton le plus court. Après,
c’est à vous de jouer les devins en mimant l’effort et la difficulté qu’il y a à
voir au travers des enveloppes.

Lorsque vous remettez les autres enveloppes à la seconde personne,


demandez-lui de bien vérifier qu’il n’y a aucune marque ni aucun signe de
reconnaissance dessus. Elle jettera aussi un œil au carton, mais plus vite
parce que, en général, à cet instant le volontaire est prêt.

Voilà de quoi vous amuser un peu, mais aussi de quoi mieux


comprendre de façon divertissante ce qu’est la manipulation volontaire, la
manière d’amener des gens à faire ce que vous voulez, et aussi de leur faire
croire que vous disposez de pouvoirs fictifs. Et puis, si le spectacle ne
fonctionne pas, vos dons vous ou vriront sûrement quelques portes dans les
entreprises comme conseiller ou coach.

Sixième numéro
Un autre numéro pour le plaisir, à faire lorsque vous serez obligé
d’improviser. Il s’agit de deviner le premier mot ou la première phrase
d’une page de livre choisie au hasard.

Préparation. Tout dépend ici de votre mémoire. Si elle est bonne, prenez
plusieurs livres dans une bibliothèque et apprenez la première phrase de la
page 115 de chacun d’eux. Si vous avez peu de mémoire, ne retenez qu’une
seule page d’un livre, cependant il est certain que l’effet sera légèrement
moindre. C’est tout ce qu’il vous faut préparer.

Exécution. Le moment venu, prenez la pile des livres que vous avez
sélectionnés en prétendant que c’est le fait du hasard. Vous pouvez, par
exemple, les tirer d’une bibliothèque en changeant rapidement de tablette.
Vous voilà donc avec tous vos ouvrages devant vous, ceux dont vous
connaissez une phrase par cœur.

Demandez à quelqu’un, appelons-le spectateur 1, de choisir un des


livres au hasard. Prenez vous-même un des autres et commencez à le
feuilleter rapidement avec le pouce. Dites à une autre personne, spectateur 2
(elle aussi choisie au hasard), de vous dire «Stop» quand elle le veut. Au
moment où elle vous dit d’arrêter, ouvrez le livre. Vous aurez pris soin de
vous arrêter à une épaisseur crédible pour ce que vous allez annoncer. Vous
ouvrez le livre d’un coup et annoncez la page 115. Peu importe la page où
vous l’ouvrez en réalité, c’est pourquoi l’épaisseur doit être réaliste. Si vous
prenez un livre de 1000 pages et que vous l’ou vrez vers la fin, personne ne
vous croira, c’est bien évident. Refermez votre livre et demandez alors à
votre spectateur 1 d’ouvrir l’ou vrage qu’il tient à la page 115 et de se
concentrer sur le premier mot et la première phrase de la page. En mimant
la difficulté, vous dites le premier mot, puis la phrase que vous connaissez
par cœur.

Comme vous avez vu le livre choisi par spectateur 1, vous savez de


quelle phrase il s’agit puisque vous avez mémorisé toutes les premières
phrases des pages 115.

Si vous n’avez appris une phrase que d’un seul livre, il vous faudra
jouer d’autorité. Attendez le bon moment et dites que, oui, il est possible de
deviner ce que les autres pensent; laissez les gens insister un peu, puis d’un
coup, comme si vous veniez soudain de vous décider, allez à la bibliothèque
et sortez un livre – celui dont vous connaissez la phrase –, donnez-le à une
des personnes présentes, puis saisissez-en un autre. En jouant sur le
phénomène de la pulsion soudaine, vous écartez de l’esprit de vos
spectateurs que vous avez tout prévu. Ils croient désormais à l’expérience
improvisée. La suite se fera de la même manière et vous réciterez la
première phrase de la page 115.

Bien entendu, la possibilité de faire choisir un livre parmi plusieurs


autres renforce l’impression du choix totalement libre.

Septième numéro
Un vrai classique, celui-là, mais qui a beaucoup évolué. En voici une
version simple. Demandez à quelqu’un d’inscrire un mot sur un morceau de
papier que vous pliez et faites brûler ensuite. Vous passez de la cendre sur
votre main et découvrez le mot.

Préparation. Une fois de plus, il ne vous faut pratiquement rien. Un stylo et


des bouts de papier rectangulaires au centre desquels vous aurez dessiné un
ovale.

Exécution. Donnez à une ou à plusieurs personnes de vos petits papiers et


demandez que l’on inscrive un mot à l’intérieur de l’ovale dessiné. Cela
fait, vos spectateurs sont invités à plier le papier en deux, puis encore en
deux. Ramassez les petits papiers pliés, puis mettez-les dans un sac.
À ce moment, allumez une bougie ou l’essence à briquet d’une petite
coupe. Demandez à quelqu’un de prendre le sac et de bien mélanger les
billets. Pendant ce temps, rappelez à tous que plusieurs personnes ont inscrit
un mot au hasard venu tout droit de leur imaginaire, que les papiers ont
ensuite été pliés et déposés dans ce sac qui a ensuite été secoué et où les
billets sont à présent mélangés.

Demandez à un volontaire de choisir un papier au hasard dans le sac et


de vous le remettre. Prenez-le et, tranquillement, commencez à le déchirer
avant de le brûler. Ensuite, faites mine de frotter votre main avec de la
cendre et annoncez le mot choisi, qui sera bien exact. Vous demanderez à la
personne qui l’a inscrit de se lever.

Tout se passe pendant que vous déchirez le billet. Je suppose que vous
êtes droitier, sinon inversez les mouvements. Reprenons le mouvement au
ralenti: tout d’abord, vous pliez la moitié gauche du billet sur la moitié
droite, puis, vous repliez la partie du bas sur la partie du haut. Votre billet
est maintenant plié en quatre. Tenez le billet de la main gauche, la partie
ouverte sur votre droite, le coin dur – le centre du billet – en haut à gauche.
Vous déchirez alors une première fois exactement en deux et vous placez la
partie de droite sous celle de gauche. Faites pivoter les morceaux et
déchirez une fois encore au centre. Passez de nouveau la partie droite sous
la gauche, mais en même temps, votre pouce gauche ouvre la partie qui se
trouve désormais sur le dessus, vers vous. Cette partie est le centre du
papier: l’ovale portant le mot inscrit. Baissez naturellement les yeux comme
pour observer vos papiers avant de les déchirer une fois encore, et lisez
rapidement le mot inscrit tout en déchirant le papier que, du même geste,
vous jetez au feu.

Cela demande un peu de pratique devant un miroir, mais vous


éprouverez de grandes joies devant l’étonnement que vous allez susciter
avec vos dons.

***
Si vraiment vous trouvez du plaisir à pratiquer ces petits numéros et que
vous constatez qu’effectivement il vous est possible de manipuler
l’attention et le bon sens du public, n’oubliez pas que vous faites aussi
œuvre d’artiste et qu’il vous faudra organiser votre présentation avec soin.
Vous pourriez par exemple débuter avec la chaise mystérieuse en faisant
entrer vos spectateurs dans votre salon; ensuite, c’est à vous d’agencer les
autres numéros pour qu’ils s’enchaînent tout naturellement. Vous
terminerez par celui que vous pensez être le plus fort et le plus étonnant.

Si vous vous dirigez vers d’autres formes de mentalisme, exercez-vous


tout de même à de tels petits tours simplement pour prendre conscience de
la fragilité de nos perceptions.
TROISIÈME PARTIE

Mentalisme et paranormal
Quelle est la véritable expertise du
mentaliste?

Que le mentalisme ait évolué avec la psychologie et les diverses méthodes


expérimentales, il n’y a rien là d’anormal. Par contre, que soudainement des
gens formés à des techniques de décodage des signes physiques provenant
de l’inconscient deviennent des spécialistes de la parapsychologie, il y a un
énorme, un gigantesque pas à franchir. Pourquoi?

Pascal de Clermont, comme on l’a lu dans les premiers chapitres, se


vante d’avoir déjoué un trucage électronique mis en place par un faux
médium. Bravo! Mais quel est le rapport avec le véritable mentalisme
psychologique? Il n’y en a aucun! Et justement, sur un site lié à l’annuaire
de Pascal de Clermont, on peut lire:

De nombreux organismes d’État, laboratoires, et universités (surtout


américaines et japonaises) font appel aux mentalistes afin de mieux
comprendre le pourquoi et le comment de leurs capacités hors du
commun. Il n’est pas rare de voir ces derniers intervenir dans des
disparitions ou des cas non résolus en tant que psychic detectives
(détectives médiums qui enquêtent officiellement à l’aide de leurs
possibilités extrasensorielles).
De plus, face à la recrudescence des sectes, escroqueries, doctrines
farfelues et pseudo-mages, de nombreuses personnes, laboratoires ou
associations font appel à un mentaliste afin que ce dernier expertise un
phénomène.

Que cela soit le cas d’un voyant peu scrupuleux trichant au cours de ses
consultations afin d’épater dès le départ un client et lui soutirer de
rondelettes sommes; le cas d’un prétendu mage usant de subterfuges
divers au cours de ses séances; ou encore le cas d’un gourou utilisant
diverses techniques de manipulation mentale, les mentalistes établissent
dans le cas de plaintes ou d’enquêtes des rapports précis sur la réalité de
l’expérience étudiée. Ils sont d’ailleurs aujourd’hui les seuls à maîtriser
un éventail de connaissances (pratiques, techniques, historiques,
ésotériques et scientifiques) suffisant pour véritablement expertiser ces
phénomènes.

Or, justement, cette expertise m’apparaît franchement douteuse. Il y a


plus compétent que les mentalistes: des groupes multidisciplinaires. La
grande majorité des trucages sont, comme je l’ai déjà dit, habituellement
déjoués par des équipes. Un magicien sera parfaitement habilité à
comprendre des manipulations potentielles, un spécialiste de l’électronique,
lui, trouvera certainement la technique pour obtenir l’effet truqué.

Mais par rapport à l’observation du médium lui-même, sur quoi se base-


t-on? Pour en avoir vu pas mal, je sais qu’un médium, que ce soit un vrai ou
un faux, a tendance à exagérer ses mouvements physiques; la tête peut
tomber sur la poitrine, tourner, partir vers l’arrière, tandis que le visage peut
exprimer diverses choses. Comme les yeux sont le plus souvent fermés,
difficile de suivre la direction du regard. Et puis, il y a des médiums qui ne
bougent pratiquement pas et qui ne font que parler sans vraiment laisser
transparaître des ressentis quelconques.

Et c’est là que le bât blesse: même si l’on a observé des médiums en


action depuis des centaines d’années, personne n’a établi un code gestuel
précis à partir de ces observations. Il est donc impossible a priori pour un
mentaliste de savoir s’il se trouve devant un vrai ou un faux médium si ce
dernier ne fait pas usage de trucages particuliers.
Quant à tous les autres domaines couverts par la parapsychologie, ils ne
sont pas faciles à situer par rapport au mentalisme. Je prends l’exemple
d’un phénomène de poltergeist. On sait aujourd’hui que dans la grande
majorité des cas un adolescent, garçon ou fille, provoque des déplacements
importants d’objets, et que c’est un mal-être du jeune qui déclenche ces
manifestations. Il aura donc plus besoin d’un psychologue qui l’aidera à
franchir sa crise que d’un mentaliste qui dira: «C’est lui qui provoque ça!».

Car ici le mystère ne vient pas de qui provoque les phénomènes, mais
quelles sont les lois de la physique, de la chimie, de la biologie, etc., qui
sont mises en œuvre pour obtenir le déplacement d’objets qui parfois pèsent
bien plus lourd que l’ado en question. C’est la même chose pour quelqu’un
qui déplace ou tord vraiment des objets ou qui en change la masse
moléculaire.

Donc, à mon avis, le mentaliste a déjà bien assez de chats à fouetter


avec le coaching, les embauches, l’entraînement de nouveaux employés et
autres contextes sérieux et payants pour afficher sur son site que l’on est
capable de connaître le caractère d’un fantôme. Il s’agit de conserver une
crédibilité, d’autant que c’est cela qui est revendiqué sur les sites des uns et
des autres. Il y a déjà suffisamment de confusion avec les numéros de scène
sans en rajouter.

Les mentalistes qui offrent de participer aux enquêtes policières pour


deviner, par exemple, où se trouverait un corps se trompent eux aussi de
métier. Ils prennent ainsi la place de ceux qu’ils veulent dénoncer par
ailleurs: les médiums. Bien entendu, ils vont affirmer qu’ils sont bons,
excellents et qu’ils ne trichent aucunement, certes! Qui va le vérifier? Un
autre mentaliste? C’est ici que la dénomination psychic trouve ses limites
quant au mentalisme. Il y a quelques personnes capables de percevoir
l’invisible, dirons-nous, mais cela entre dans le domaine du paranormal, une
fois encore.

La personne qui prétend pouvoir détecter un corps se trouve toujours la


première à être suspecte pour la police. Il faut donc être sûr de soi pour
s’engager dans cette voie. D’autant que l’on fait naître de l’espoir chez les
familles et les gens concernés; c’est une responsabilité à ne pas prendre à la
légère.

Le seul et unique rôle potentiel pour un mentaliste serait d’assister à des


interrogatoires de suspects pour donner son avis sur les réactions des uns et
des autres. Inutile de dire que dans un contexte policier, il faut avoir
beaucoup de métier pour éviter les pièges de la simplification. L’individu le
plus innocent au monde, s’il est interrogé par la police, va exprimer de
l’angoisse, du stress, de l’indécision, des hésitations; il va peut-être
transpirer, s’agiter, avoir le regard dirigé dans tous les sens à la recherche
d’un soutien amical. Un ensemble de réactions qui peuvent être absolument
naturelles et qu’il faut décoder comme telles. Un coupable pourra avoir
exactement le même type de comportement, ou au contraire être très calme.
On sait que certains parviennent à déjouer les détecteurs de mensonges.
Peut-être sont-ils aussi aptes à déjouer les mentalistes?

La seule manière de procéder alors, selon les circonstances, sera de


préparer avec les inspecteurs des questions déstabilisantes, qui souvent
n’ont rien à voir avec l’enquête, mais qui, justement, provoqueront des
réactions vraies. Si, après une vingtaine de questions insistantes sur son
emploi du temps, sur le trajet effectué – des questions auxquelles un suspect
peut être préparé à répondre –, on demande sur le même ton: «Quel est ton
parfum préféré?», on aura un sursaut, un éclair dans l’œil, une réaction
musculaire quelconque qui donnera des indications précises. En répétant
l’expérience à plusieurs reprises, de manière aléatoire et toujours sans avoir
l’air de rien, on obtiendra des indices sur la véritable manière de réagir de
l’individu. À partir de là, un nouveau schéma d’interrogation pourra être
mis en place. Mais cela est réservé à de vrais professionnels. De nombreux
policiers suivent des cours désormais pour parfaire leur écoute et leur sens
de l’observation.

***
Il faut pourtant s’attendre à ce que, dans les années qui viennent, porté
par la mode et sans doute quelques autres séries t élévisées, le mentalisme
borderline se développe encore, particulièrement en Amérique du Nord où,
étrangement, on se vante de la technologie des cerveaux brillants et de la
capacité à tout décortiquer, mais où, paradoxalement, on cultive mordicus
une crédulité sans bornes.
Conclusion

Je souhaite que ce petit tour d’horizon du mentalisme – et de ses zones


d’intervention – ait su trouver un écho chez vous, lecteur, et qu’il ait surtout
pu répondre à des questions globales.

Le métier de mentaliste demeure fascinant; il permet de lire nos


congénères d’une autre manière. Non seulement on capte certains
sentiments et émotions véritables chez quelqu’un qu’on rencontre pour la
première fois, mais de plus on distingue une multitude de petits secrets qui
peuvent être soit des vérités, soit des mensonges voulus pour donner le
change. Le tout est de démêler le vrai du faux. Il est peu probable, par
exemple, de croiser une personne aux ongles manucurés, aux vêtements
parfaitement repassés, mais qui est très mal coiffée.

Avec le temps, il est également possible de connaître avec une marge


d’erreur très faible le prix des vêtements selon leur matière, leur coupe, leur
tenue, etc. Si l’on rencontre une personne qui se déclare pauvre et qui porte
des chaussures à 2000 $ sans usure, on peut s’interroger. Mais là aussi, il
s’agit de demeurer prudent et surtout de ne jamais juger au premier abord.
Construire un vrai portrait demande un peu de temps et quelques réponses.
Ainsi, il est possible de découvrir que cette personne, avec ses riches
souliers, est effectivement pauvre après avoir été riche et qu’elle porte la
garde-robe qui lui reste.

Chacun a une histoire. La première impression n’est qu’un indice


général qu’il s’agit de creuser. Pour un mentaliste, idéalement, sa première
observation se fera à distance, discrètement, de manière à pouvoir prendre
des notes sans attirer la méfiance de l’individu ou le mettre mal à l’aise. Ce
n’est que par la suite, après avoir réuni plusieurs renseignements, que le
mentaliste fera officiellement la connaissance de l’individu.

Le mentaliste qui rejoindra le grand public sera à coup sûr celui du


spectacle, parce que divertissant et tout de même représentatif d’un mode
d’interprétation, même s’il fait appel à des subterfuges.

Au quotidien, la grande majorité des gens continueront à se fier à leur


instinct, c’est-à-dire à un décodage inconscient d’un nouveau venu. Vous
savez, cette impression vague qui fait dire: «Méfie-toi!» ou bien «Je suis sûr
que c’est la femme que j’attendais!». Ces impressions apparemment vagues
sont la première étape du mentalisme pratique. Avec des études et de la
pratique, elles peuvent devenir un métier fascinant.
Bibliographie

MARILLAC, Alain J. Communiquer sa colère sans perdre le contrôle,


Éditions Quebecor, 2008.

PROUDFOOT, Tony. Touché!, Éditions Transcontinental, 2006.

VESVARD, Denis. Trois points de vue sur la mémoire,


http://emergences.blogspirit.com/archive/2006/01/30/dr-denisvesvard-
notions-recentes-sur-la-memoire.html, 2006.

Vous aimerez peut-être aussi