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ISBN: 978-2-764-035-05-4
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Tél.: 450 640-1237
Télécopieur: 450 674-6237
* une division du Groupe Sogides inc.,
filiale du Groupe Livre Québecor Média inc.
Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres –
Gestion SODEC.
2e édition
Table des matières
Avant-propos
PREMIÈRE PARTIE
Mentalisme et psychologie
1. Le mentaliste psychologique
2. La matière première du mentaliste
3. De quelles techniques parle-t-on?
DEUXIÈME PARTIE
Le mentalisme de scène
4. Généralités
5. Les atouts du mentaliste de scène
6. Le b.a.-ba du mentalisme de scène
TROISIÈME PARTIE
Mentalisme et paranormal
7. Quelle est la véritable expertiste du mentaliste?
Conclusion
Bibliographie
Avant-propos
• prédire une phrase qui sera prononcée par une personne, même
étrangère?
Enfin, le mentalisme psychologique est celui que l’on voit dans les
séries télévisées, c’est-à-dire un art multiple qui s’intéresse à la gestuelle et
à tous les signes corporels, mais qui use également de perceptions
longtemps définies comme paranormales ou «limites», telles que la
voyance, une part de télépathie ou une empathie extrême.
Nous aurons donc non pas deux, mais trois types de mentalismes à
observer. Cependant, ils se confondent assez vite. Les deux usages, l’un qui
se veut sérieux et d’utilité publique, et l’autre qui ne vise que le
divertissement, fonctionnent exactement à partir des mêmes données et des
mêmes techniques d’approche. Ce qui sera défini pour l’un servira donc à
l’autre. Seule la finalité change.
Avouons-le, une certaine confusion est entretenue sur le Web à des fins
commerciales.
1. http://fr.wikipedia.org/wiki/Mentalisme_(prestidigitation).
Introduction
L’influence au quotidien
Mais c’est sur une autre œuvre de Dalí que j’aimerais attirer l’attention.
Il s’agit de Voluptas Mors, datant de 1951, un tableau étrange et chargé
d’une dose de sensualité morbide. Eh bien, cette toile sera reprise et utilisée
comme un insert subliminal dans l’affiche d’un film qui fera recette: Le
silence des agneaux. Usage subliminal, en effet, car au premier abord
personne ne le remarque.
Ailleurs, d’autres se sont plutôt amusés ou ont voulu saboter les œuvres
sur lesquelles ils travaillaient. C’est ainsi que dans Bernard et Bianca,
dessin animé destiné aux enfants, alors que les héros foncent à bord d’une
boîte de sardines au milieu d’une ville, ils passent devant une fenêtre à
laquelle une femme apparaît entièrement nue. Nous sommes en 1977 et il
est fort probable que cette «blague» a été très mal reçue.
si vuos pvueoz lrie ccei, vuos aevz asusi nu dôrle de cvreeau. Soeln
une rcheerche fiat à l’Unievristé de Cmabridge, il n’y a pas
d’iromtpance sur l’odrre dnas luqeel les lerttes snot, la suele cohse
imotprante est que la priremère et la derènire letrte du mot siot à la
bnone palce. La raoisn est que le ceverau hmauin ne lit pas les mtos
par letrte mias ptuôlt cmome un tuot.
***
Nous avons donc, en résumé, un grand public sur lequel on expérimente
des techniques de plus en plus élaborées et discrètes qui amènent la grande
majorité d’entre nous à se comporter d’une façon prédéterminée.
Mentalisme et psychologie
Le mentaliste psychologique
Ce que l’on apprend d’essentiel, c’est que, sans qu’il ait créé le
néologisme, la paternité du mot revient au philosophe anglais Henry
Sidgwick (1838-1900), qui le définit comme une antithèse du matérialisme.
À l’origine, donc, le mentalisme s’apparente plus à une philosophie ou à un
mode de pensée. Ce à quoi Wikipédia ajoute:
Watson est alors fortement influencé par les travaux d’Ivan Pavlov et de
Vladimir Bekhterev portant sur le conditionnement des animaux. Watson
voit là des phénomènes observables, tandis que les états intérieurs,
invisibles, ne le sont pas par définition. Pour lui, une démarche telle que le
mentalisme, qui oblige à se con centrer sur des émotions et des impressions
non quantifiables, n’aboutissait à rien. Mieux valait entrer au laboratoire et
mettre en place des tests menant à des résultats exploitables statistiquement.
Avec ses recherches sur les animaux axées sur le type d’apprentissage
dit «conditionnement opérant», qui apparaît comme la conséquence des
stimuli, Skinner montre enfin la possibilité d’étudier scientifiquement des
comportements aussi complexes que le langage et la résolution de
problèmes. Il nomme son approche de conditionnement psychologique le
renforcement.
***
Comme on le voit, le béhaviorisme et le mentalisme ne se sont pas si
éloignés l’un de l’autre et chacun accepte à la base qu’un comportement Y
soit lié à des antécédents X, que ces antécédents aient été vécus,
autoconstruits ou le fruit d’un conditionnement. Cet ensemble d’éléments
provoque une suite probable, prévisible ou programmable. Le mentalisme
moderne va récupérer l’ensemble des théories pour se construire. Les effets
premiers du béhaviorisme sur la psychologie furent les suivants.
Bien entendu, cet aspect spectacle ne plaît pas à tout le monde. «Le
mentaliste ne doit pas être confondu avec un psycho-illusionniste ou un
magicien. Ce sont des disciplines to-ta lement différentes», disent-ils. Eux
sont sérieux! Ce qui ne les empêche pas de glisser dans l’amalgame avec le
monde de la magie parce qu’ils se réfèrent à un univers plus directement lié
à celui de la voyance au sens large et non péjoratif.
Les mentalistes modernes sont les héritiers de ces mouvements. Mais ils
en ont éclaté les limites à un point où l’on se pose des questions. Ils offrent
une foule de services bizarrement amalgamés, comme l’énumère l’un des
multiples sites qui leur sont consacrés:
• Conférences-démonstrations;
• Recherche de disparus;
• Consultations privées.
On navigue ainsi dans une mer étrange située entre la psychologie
appliquée et le paranormal à l’ancienne, c’est-à-dire largement dépassée.
Tous les regroupements revendiquent un nombre restreint de professionnels
experts, sans doute pour donner un caractère hautement élitiste à leur
profession. Malheureusement, ces personnes, qui se réfèrent officiellement
davantage à l’aspect psychologique du mentalisme, mélangent elles-mêmes
les définitions sur leurs propres sites. Mais pourquoi exactement fait-on
appel à ces personnes?
La réponse est à mon sens fort simple: la PNL a eu le dessus sur les
autres mouvements durant presque 35 ans, mais s’est malheureusement peu
renouvelée. Aujourd’hui, le grand public cherche autre chose et voit les
exploits des personnages à la télé; qu’il s’agisse de mentalistes de scène ou
de héros de série, c’est à la mode, donc c’est bon et efficace. Avec ce
raisonnement simpliste, nous sommes justement en plein cœur des
manipulations de masse selon un vieux principe de psychologie: l’effet de
mode. En conclusion, il y a actuellement une demande pour les mentalistes
psychologiques et les mentalistes psychiques.
Mais ça ne s’arrête pas là. Plusieurs sont embauchés ensuite pour faire
ressortir le meilleur de chacun. C’est-à-dire optimaliser la capacité de
travail de chaque employé, ce qui jusque-là était plutôt le lot des
spécialistes en programmation neurolinguistique et autres disciplines
apparentées. Comme nous l’indique un autre site Web (Mental Training),
voici ce qu’on nous offre:
En coaching
De plus en plus, ces techniques multiples sont aussi offertes dans des
séances de coaching individuel, de mise en forme, de développement des
capacités personnelles ou sportives, à une clientèle allant du simple individu
à la star, en passant par le chef d’entreprise. C’est ainsi que, depuis
plusieurs années, on les voit apparaître dans les séminaires de
développement personnel, de coaching, de mental coaching, d’hypno-
coaching, d’accompagnement de personnalités publiques et en consultation
privée (sportifs, artistes, diplomates, chefs d’entreprise, politiciens,
étudiants, thérapeutes…).
Pis encore, dirais-je, ce sont eux que l’on fait venir dans les universités
pour expérimenter le paranormal et ses facettes. Pascal de Clermont,
considéré comme l’un des meilleurs mentalistes du monde, confie sur un
site:
Je sais que résumer de la sorte la chose fait un peu peur, mais c’est
pourtant la réalité. On pourra l’entourer de tous les euphémismes que l’on
veut. À la base, il s’agit de cela: je décode le comportement et les réponses
d’un individu pour savoir s’il convient à un poste ou à une position dans un
club sportif. Je modifie des références et des comportements chez un autre
individu pour qu’il devienne le reflet exact de ce que j’ai en tête et de ce
que j’attends d’un assistant, d’un champion ou de toute autre fonction.
A priori, notre mémoire moderne est moins sollicitée que celle de nos
ancêtres; ou plutôt, elle l’est, mais pas de la même manière et pas dans le
même but. Jadis, il s’agissait de se souvenir des itinéraires empruntés ou
des bons territoires de cueillette, de chasse et de pêche. Au fil des siècles,
les traditions orales, les rituels, les chants, l’usage de divers outils et armes
sont venus augmenter encore le bagage mémoriel, à tel point que certaines
cultures, sinon toutes, conservaient leur mémoire vivante en la personne de
plusieurs anciens capables de réciter l’histoire du clan ou du peuple, ou
encore le mode d’emploi d’un engin quelconque; traditionnellement, les
femmes mémorisaient le savoir-faire culinaire, le rôle des plantes
alimentaires ou médicinales.
D’autre part, pour bien mémoriser, il faut être motivé; si j’ai les idées
claires et une vision précise de ce que je veux apprendre, la chose sera
facile. Une motivation chancelante est souvent à la source de sélections et
de tris que nous effectuons sans nous en apercevoir. Nous allons vers ce qui
nous plaît. Les neurologues distinguent pour leur part des structures
cérébrales plus ou moins précises pour des fonctions ciblées. Dans son
article de 2006, le Dr Denis Vesvard donne le tableau suivant:
Il devient vite évident que, pour détenir une mémoire efficace et
performante à long terme, nous devrons en travailler plusieurs aspects. Il
nous faut donc détailler un peu les fonctions de chacune. Pour bien
comprendre, imaginons la sélection de candidats pour une téléréalité ou un
concours.
• le calcul mental,
• l’énoncé d’une phrase, c’est-à-dire la recherche active de souvenirs et la
sauvegarde de ce que l’on juge digne de l’être.
Mémoire épisodique
C’est une mémoire personnelle, une mémoire de faits vécus,
autobiographique. Elle est en phase directe avec la mémoire reptilienne,
celle de la petite enfance et de l’éducation. C’est elle que le mentaliste va
solliciter pour des réactions instinctives. C’est aussi une zone dangereuse où
peut se dissimuler une foule de craintes inconscientes susceptibles de
ressurgir tout à coup sous l’effet d’une stimulation impromptue.
Mémoire sémantique
La mémoire sémantique représente, de façon schématique, ce qui demeure
après plusieurs épisodes, soit les connaissances apprises ou acquises. Elle se
détache progressivement du contexte initial afin d’aboutir à des notions
générales ou à des schémas abstraits. Pour le mentaliste, elle est le lien idéal
pour toucher la mémoire constructive; on pourra, grâce à des métaphores, ré
organiser des éléments mémoriels approximatifs et les utiliser dans un but
spécifique. C’est une mémoire qui peut aussi causer des surprises et
déboucher sur des interprétations erronées. Par exemple, lors d’une
régression psychologique sous hypnose, une personne retourne dans sa
petite enfance et se met soudain à parler l’allemand. D’aucuns risquent de
voir là la trace d’une vie antérieure alors qu’il s’agit tout simplement du
souvenir d’une nounou allemande qui s’est occupée du bébé pendant
plusieurs mois. En bas âge, l’enfant s’est imprégné des mots et des phrases
entendus et les restitue dans un contexte favorable à cette remémoration.
La mémoire sensori-motrice
La mémoire sensori-motrice (ou implicite, ou procédurale) comporte des
aptitudes perceptives, motrices, cognitives et des savoir-faire. Les
informations conservées sont généralement accessibles dans la performance
seulement, et non pas en tant que réminiscence (rappel d’un souvenir)
consciente; par exemple, faire de la musique, conduire, parler, aller à
bicyclette).
Le mentaliste qui connaît les acquis d’une personne les utilisera pour
amener celle-ci à faire des gestes similaires à son entraînement – ou à son
métier –, mais dans un autre but. Dans le cadre d’un coaching sportif par
exemple, on insistera beaucoup sur la stimulation de cette mémoire,
notamment avec la visualisation.
La mémoire prospective
La mémoire prospective est celle qui nous permet de nous rappeler un
rendez-vous, un achat à effectuer, un événement auquel nous voulons
assister. Pour le mentaliste, cette mémoire va devenir le nouveau lieu
d’implantation de directives précises, réelles ou fabriquées.
La mémoire imaginative
Des souvenirs indépendants les uns des autres peuvent être reliés pour créer
des situations nouvelles purement imaginaires (c’est le cas pour la
littérature, les inventions, les découvertes scientifiques). Cette mémoire,
détachée de la vie réelle, est très influencée par les sentiments et est capable
d’un travail inconscient. Libérée des contraintes courantes, la mémoire
imaginative, parce que créative, engendre la richesse des souvenirs venant
au hasard.
Ève, qui a perdu ses parents dans un accident de voiture alors qu’elle
avait cinq ans, a eu la chance de s’en sortir avec juste une jambe cassée.
Seulement, depuis il lui a fallu vivre le deuil, accepter la perte et accepter
un foyer de remplacement. Il lui a fallu combattre sa crainte de
l’automobile, et chaque fois qu’elle a mal à la jambe ou qu’elle se la heurte,
les souvenirs et les émotions affluent. Elle jongle avec une mémoire
émotionnelle, une mémoire physiologique et une mémoire sociale avec
lesquelles elle doit recomposer une nouvelle structure capable d’incarner la
réussite d’une jeune femme. Même si elle parvient tout à fait à exister,
comme pour tout un chacun, son langage inconscient traduit encore des
douleurs vieilles de 25 ans.
Le fait de parvenir à deviner tout cela peut faire un peu peur, avouons-
le, à certains, surtout parce que, particulièrement au cours des années 1980
et 1990, des entreprises ont abusé de ces possibilités. On a vu en effet
émerger un peu partout des ateliers de groupe offerts aux dirigeants visant à
évaluer les limites de leur résistance physique et mentale. Des coachs
spécialisés les poussaient et les provoquaient de manière à ne conserver que
les meilleurs, les plus performants et donc, croyait-on, les plus efficaces
pour l’entreprise.
Et, comme il faut bien commencer quelque part, pour bien comprendre
cette capacité à décoder les autres, le mieux est peut-être d’examiner le
comportement d’un type de personnes détestables: les manipulateurs,
harceleurs et «contrôlants». Pourquoi eux? Simplement parce qu’il est
facile de décortiquer leur fonctionnement, et que si ces gens-là connaissent
une manière de faire qui leur convient, ils ne l’ont ni étudiée ni développée.
Il est donc aisé de lire en eux et de les déjouer.
Pour plus de facilité, notre manipulateur sera désigné tout au long sous
le nom de Manip – nom générique pour plusieurs personnages types –, et la
victime sous le nom de Fleur puisque chaque fois elle se fait cueillir.
Fleur ramasse tout son courage et rappelle à sa mère que cette soirée est
prévue depuis longtemps et qu’elle doit y rencontrer des gens importants.
Fleur est déstabilisée, elle a pitié; cette fois, la demande la gêne, mais
reste acceptable à ses yeux pour avoir la fin de semaine tranquille. La
culpabilité a été mise en jeu ainsi qu’un marché à la baisse.
Dans les familles, ce principe est largement utilisé et souvent entre amis
aussi: «Tu me refuses gros, d’accord, alors donne-moi plus petit!» Mais
pour Manip, cela signifie en réalité: «J’ai encore obtenu ce que je voulais.»
La bonne réaction. Il n’y a qu’une manière de réagir: rester sur ses
positions. Dire: «J’y pense, je te rappelle», c’est déjà ouvrir la porte.
Exemple 2
Voici une situation qui met plutôt la famille en scène, mais qui pourrait se
transposer aussi dans le monde du travail, les ma ni-pu lateurs étant partout.
Il s’agit ici, une fois encore, du besoin d’accaparer l’attention et de rester le
centre de l’Univers. Vous devez organiser l’anniversaire d’un de vos frères
et, bien entendu, vous en parlez autour de vous, y compris à votre autre
frère, Manip, qui adore les festivités… du moment qu’elles tournent autour
de lui. Il va donc accepter de vous seconder et même de prendre en charge
certaines responsabilités. Mais systématiquement, il va avoir besoin de
votre aide et de celle des autres, il va se fouler une cheville, sa voiture va
tomber en panne, il a oublié son portefeuille pour payer les fleurs, etc. Bref,
il devient très vite la préoccupation de chacun et un boulet pour tous.
Exemple 3
Il s’agit de l’art d’utiliser le désir de plaire de l’autre. On trouve ce travers
au bureau entre un patron et son assistant par exemple, ou encore à la
maison entre conjoints ou entre un parent manipulateur et son enfant.
Le principe. Ici, Manip occupe une position de pouvoir – parent ou
patron – et Fleur, la victime, n’aura jamais vraiment le droit d’exprimer son
point de vue. Le pire, c’est que les sous-entendus et les reproches ne seront
jamais directement adressés à la personne, mais la critique sera facilement
comprise.
Plutôt que de dire: «Je n’aime pas votre façon de travailler», Manip
dira: «Ah! vous faites ça comme ça? Vous savez que les vrais
professionnels ont des techniques plus performantes.» Et les remarques du
même genre vont s’additionner rapidement, car l’une des façons de faire de
Manip est de ne pas laisser de temps pour la réplique. On ne peut répondre
au premier reproche que déjà le cinquième est lancé et il s’agit d’un autre
domaine. Ça, c’est l’autre principe: Manip ne cible pas un problème, mais
les multiplie à volonté de manière à disperser l’autre. Il devient alors
impossible de répondre.
Une mère dira à son fils, à propos de sa jeune épouse: «Je t’avais dit
qu’elle ne saurait pas tenir une maison, et puis encore, ce n’est pas
tellement ranger qui est le problème; au moins, si elle savait faire la cuisine
– ce qu’elle a servi l’autre jour, franchement! Je n’aime pas trop les cailles
déjà, mais là, avec tous ces os, j’ai cru qu’elle voulait que je m’étouffe – toi,
tu n’as rien vu, bien sûr. Ah! Christine, c’était autre chose, elle s’occupait
bien de moi, elle…» Et il y en a pour des heures.
Exemple 4
Manip insiste chaque jour au téléphone, par courriel ou en personne; vous
avez un projet très important en cours et tout repose sur vos épaules. Si
vous n’agissez pas tout de suite, ce sera la ruine, l’échec du projet, la fin de
votre mariage, etc., selon le contexte.
***
Les manipulateurs ont pratiquement tous les mêmes modes d’action et
ils peuvent être n’importe qui. Plusieurs ne se révéleront qu’avec les
années. Ainsi, une mère ou un père peut tout à coup vouloir vous manipuler
le jour où vous décidez de quitter la maison. Cela provient peut-être de leur
insécurité, mais le plus souvent c’est l’explosion soudaine d’un
comportement qui jusque-là s’était exprimé avec modération.
• Un trait de caractère qui découle du premier, mais qui peut déjà être actif
au moment où le mentaliste intervient, est ce que j’appelle la «phase de
l’aspirateur». C’est-à-dire que le manipulateur isole sa victime le plus
possible. C’est une technique utilisée également par les sectes ou par
tout groupe qui cherche à prendre le contrôle. Plus une personne est
isolée, plus elle devient dépendante. Ce jeu de l’isolement s’obtient par
la valorisation et la flatterie: «Comment se fait-il que quelqu’un d’aussi
intelligent que toi ne soit pas plus reconnu?» ou encore «Tu es tellement
belle, tu as droit à ce qu’il y a de meilleur!» etc.
• La culpabilisation;
• La direction, l’ordre;
• La pression;
• La dévalorisation;
• L’intimidation;
• L’emprise et la séduction;
Une personne qui a été battue dans son enfance par un type de personne
X ne pourra s’empêcher de ressentir de la crainte et d’adopter un langage
corporel de peur et de soumission face à quiconque ressemblerait à
l’agresseur. Il faudra donc entamer un programme de réadaptation et
d’effacement de la crainte pour éliminer ce marqueur néfaste à
l’épanouissement. Nous en avons des dizaines comme ça. Plusieurs sont
faciles à reconnaître, d’autres sont beaucoup plus compliqués.
Mais le travail du coach sera bien plus large; celui-ci devra jouer avec la
motivation et l’entretien de la volonté de gagner. En sports d’équipe, plus
l’expérience personnelle du coach est vaste, plus il aura assimilé de
schémas défensifs et de stratégies d’attaque qu’il pourra discuter et
appliquer, plus le bagage qu’il pourra léguer sera important, plus il sera apte
à accomplir la tâche ardue qui lui incombe: créer de nouveaux modèles
destinés à surprendre les adversaires et mener son équipe à la victoire. Il est
important de comprendre et d’accumuler les stratégies de base en fonction
de la position occupée dans une équipe, et c’est souvent là que le bât blesse.
Un individu peut mémoriser toutes les positions possibles, toutes les actions
envisageables, encore lui faut-il les appliquer sur le terrain, c’est-à-dire
réussir la combinaison gagnante: connaître, comprendre, reproduire,
s’approprier et améliorer. Dans son ouvrage de mémoire, riche en
témoignages, Tony Proudfoot donne la parole au demi-défensif Marvin C
oleman:
À mes débuts dans la LCF, à Calgary, j’ai vite compris qu’Allen Pitts et
Travis Moore étaient des footballeurs exceptionnels. Ils ont été mes
modèles. Grâce à eux, j’ai appris toutes les particularités de ma position
de demi-défensif. Je n’arrêtais pas d’analyser leurs techniques et leurs
méthodes: leurs mouvements avant la mise en jeu, leur angle de
dégagement par rapport à la position du demi-défensif, les types de
changements de direction qu’ils utilisent en défensive homme pour
homme et en défensive de zone, et un tas d’autres choses.
En graphologie
Souvent négligée comme approche de cadrage psychologique, la
graphologie, même pour quelqu’un qui n’est pas un expert, peut apporter
des précisions extrêmement valables. Restons dans quelques généralités
puisqu’une étude véritable de l’écriture demande des années.
Plus l’adresse est placée vers le haut, plus elle démontre une tendance
idéaliste.
À droite, elle révèle un côté fonceur, naïf, avec une pureté sous-jacente.
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Votre attitude influence celle de l’autre tout comme la sienne agit sur
vous.
Soyons très terre à terre en ce domaine. Tout d’abord, il n’y a pas qu’un
seul dominant auquel nous avons affaire. Dans le travail, il peut y en
avoir plusieurs, selon le modèle hiérarchique. Il y en aura un autre au
foyer et d’autres dans les familles. L’humain doit donc composer avec
un ensemble de stratégies personnelles dans divers secteurs de son
existence. Dans chaque cercle, il occupera une position qui va varier:
chef de meute dans un secteur, il sera soumis dans un autre.
• Regard méprisant;
• Sourcils haussés;
• Plissement du nez;
Le rictus est en général un des signaux les plus révélateurs; il peut être
très discret ou au contraire flagrant, mais il transforme suffisamment le
visage pour que l’on puisse capter le message.
Le sourire forcé qui découvre les dents est une version humaine de
l’animal qui grogne et menace. Un rictus coléreux fait écarquiller les
yeux et amène le visage vers l’avant, prêt à l’affrontement. Dans le
même temps, on percevra une tension des épaules et une dilatation des
narines. Si la colère qui gronde est encore plus profonde, alors le visage
devient presque blanc. Les lèvres, en s’avançant aussi, traduisent
souvent une envie de crier. Les femmes, elles, vont pincer les lèvres qui
deviennent blanches.
Le bluff au poker
Lorsque l’on parle de décodage de l’autre, de manipulation, de tricherie du
geste ou de faire semblant, l’inconscient collectif évoque rapidement le
poker. En effet, traditionnellement, ce jeu de cartes est associé à la capacité
de dissimuler ses émotions. Mais le bluff est aussi un choix risqué. Il y a
beaucoup de situations où le bluff est inefficace et peut se retourner contre
soi. Il est ainsi recommandé aux joueurs d’être prudents dans la pratique du
bluff et de prendre en compte les risques auxquels ils s’exposent en utilisant
cette stratégie.
Le bluff est une des stratégies de jeu les plus célèbres du poker. Le
principe du bluff est très simple: le bluffeur est un joueur qui veut tromper
ses adversaires sur le jeu qu’il possède. S’il a une forte main et beaucoup de
chances de gagner, il peut bluffer et faire semblant d’avoir une main faible
pour que les autres continuent de miser et de lui permettre d’empocher des
gains plus importants.
S’il a au contraire une main faible, il peut bluffer pour essayer de gagner
la partie. C’est la forme la plus connue du bluff. Il s’agit d’obliger
l’adversaire à se retirer du jeu sans que l’on ait théoriquement des chances
de battre la combinaison de cartes dont il dispose.
Les bons joueurs restent stoïques, le visage fermé, ou bien ils expriment
volontairement des émotions qu’ils ne ressentent pas afin d’aiguiller les
adversaires vers une fausse déduction. Mais soyons précis: un bon bluffeur
doit suivre des règles élémentaires.
• Ne jamais bluffer trop souvent: si un bon bluff génère parfois des gains
importants, il vient aussi de trahir votre capacité à dissimuler et vos
partenaires deviennent méfiants. La chance de faire le coup une seconde
fois est fort mince autour de la même table;
• Un bon bluff est lié à la hauteur du gain. Bluffer pour des pots peu
importants ne rapporte rien et éveille la méfiance des adversaires. Il vaut
mieux rapidement se ranger à un jeu normal et attendre le bon moment;
• Connaître le style des autres, c’est sans doute une des clefs principales.
Certains joueurs n’aiment pas se coucher lorsqu’ils ont déjà beaucoup
misé et préfèrent aller jusqu’au bout du jeu. Face à ces derniers, le
bluffeur est sûr de perdre. Aussi, il faut les démasquer dès le début de la
partie et ne pas s’aventurer à les bluffer.
Un second type de bluff est celui où le joueur fait semblant d’avoir une
main gagnante pour forcer ses adversaires à abandonner et à le laisser
gagner. Il présente deux variations, selon les spécialistes: le semi-bluff et le
bluff total.
C’est ce genre d’erreurs qui, même si elles n’ont que peu d’importance
parce que liées à un produit de grande diffusion que tout le monde aura
oublié rapidement, imprègnent l’inconscient et créent de fausses
représentations. Le grand public en témoigne d’ailleurs régulièrement en ne
sachant absolument pas comment distinguer certains métiers de la scène.
Or, un magicien, un hypnotiseur et un mentaliste représentent trois métiers
différents.
***
Le mentaliste connaît le fonctionnement de la construction mémorielle à
différents âges, il connaît l’impact des mots, des symboles, des gestes ou
des sons sur les gens. Il sait parfaitement qu’une personne habituée à réagir
à un certain type de stimulus y réagira pratiquement toute sa vie.
Le mentaliste sait aussi que les gens qui s’entraînent à ne pas être
classés sont extrêmement rares et qu’ils font souvent partie de la même
profession que lui, ou bien ils appartiennent à des univers qui exigent de la
maîtrise des signes extérieurs comme les joueurs de poker, les praticiens
d’arts martiaux de haut niveau et ceux qui exercent des métiers liés à la
sécurité ou au renseignement.
Le mentalisme de scène
Généralités
Car si cet art est ancien, sa pratique et surtout la notoriété qui l’entoure
sont relativement récentes. De 30 à 40 années environ. Au Québec, on
connaît surtout Gary Kurtz, mais il y a aussi le très inventif Vincent
Godbout, mieux connu sous le pseudonyme de Mentalo, ou encore Haim au
Canada anglais. Des Américains, tels Edward Hutchison, Eugene Burger,
ou l’Anglais Derren Brown se sont largement illustrés dans cette discipline
qui demande de l’aplomb, mais surtout une totale maîtrise des numéros
présentés.
Par contre, le paradoxe veut que ce soit la télévision qui crée les
mentalistes de scène. Haim a animé une série qui manquait
malheureusement de moyens, mais dans laquelle il parvenait à jouer
aisément dans le contexte du quotidien. Kurtz, de son côté, a participé
surtout à des émissions spéciales à NBC, dans The World Most Dangerous
Magic, et il est également récipiendaire du prestigieux Dunninger Award
pour son excellence et son innovation dans le domaine du divertissement
psychique. Mais pour moi, celui qui a le mieux joué avec la caméra, c’est
Brown avec plusieurs séries telles que Trick of the Mind ou Mind Control
dans lesquelles il explore à peu près toutes les facettes possibles de la
manipulation. Toutefois, avouons-le, il y a parfois beaucoup de préparation
en amont. En quelque sorte, Brown était dans ses séries plus proche des
héros mentalistes des dramatiques actuelles.
Sur les planches, c’est autre chose. La grande variation ici est que le
mentaliste de scène annonce qu’il s’agit d’un spectacle. Cette simple
évidence amène vers lui des gens intéressés à ce type de divertissements,
mais intrigués aussi par la manière dont ils vont, en quelque sorte, se faire
avoir pour le plaisir. Dès le début, cela met de la pression sur le mentaliste
de scène, car ici il est responsable si les numéros ne fonctionnent pas. Le
mentaliste psychologique, lui, dispose d’une foule d’arguments pour
reporter les torts ailleurs, sans compter que ce n’est pas lui qui est au centre
du sujet, mais l’autre, le patient, le suspect, le coaché.
Le paradoxe est ici le même qu’en magie. Ce qui est difficile, ce qui
demande des heures de pratique, de répétition, ce sont les manipulations,
c’est la prestidigitation. Dès que l’on pénètre dans le monde de la moyenne
illusion – apparition de colombes, disparition de lapin –, cela demande
encore du travail, mais on s’attarde plus au timing et à la mise en scène.
Lorsqu’enfin on arrive à la grande illusion, il n’y a pratiquement plus que
les moyens financiers qui comptent. Le tour en lui-même devient simple, et
ce qui fera la différence et qui distinguera un magicien d’un autre, ce sera
l’originalité de la présentation et sa rapidité d’exécution. David Copperfield
excellait sur ce plan.
Un exemple simple: votre enfant ne cesse de dire non à ce que vous lui
demandez et vous en êtes à votre sixième oui. Du genre:
— Non.
— Oui.
— Non.
— Oui.
— Non.
— Non.
— Oui.»
Si vos répliques sont très rapides, l’enfant suit votre rythme pour vous
contrarier. Il suffira alors tout à coup de dire non. Et c’est lui qui dira oui,
parce qu’instinctivement il dira le contraire de ce que vous dites. Ayant
obtenu la réponse souhaitée, vous terminez là. De la même manière, il
suffira que l’on dise à une personne de l’entourage: «Mais non! Toi tu
n’aimeras pas ça!» pour qu’aussitôt votre vis-à-vis proteste. Des principes
simples, effectivement, mais qui marchent. La plupart d’entre eux, comme
tous ceux que l’on a vus en première partie, sont utilisés sur scène.
Il s’agit d’un réflexe basé sur une forme d’évidence: le marteau est,
semble-t-il, l’outil le plus familier, c’est donc à lui qu’on songe en premier.
Même chose pour la couleur rouge: son aspect intense en fait la première
couleur qui vient à la mémoire. Il ne s’agit que d’un automatisme.
Si, par le plus grand des hasards, un des deux éléments était faux, on ne
garderait que le bon en jouant avec la formulation. Par exemple: «Je ne sais
pas pourquoi votre marteau à vous était bleu, les gens associent la couleur
et la fonction d’habitude, mais peu importe, l’important c’est d’avoir trouvé
le bon outil.» Voilà le mentaliste tiré d’affaire. Il doit posséder une immense
facilité à parler et à improviser. Après tout, c’est lui, le spécialiste du
mensonge. Encore une fois, un spectacle de mentaliste doit être une
machine parfaitement huilée. Avec d’autres spectateurs, il utilisera d’autres
principes et, à la fin, tous les mots notés par l’assistante se retrouveront
effectivement sur le tableau.
• Une phrase écrite sur un papier qui sera plié en quatre avant d’être brûlé;
En fait, c’est la mise en scène qui reste l’ingrédient le plus fin d’un
excellent numéro. Pour en avoir inventé certaines et avoir travaillé avec des
professionnels, je peux vous dire que la difficulté première et constante est
de réussir un tour de force de mentalisme avec le minimum d’accessoires,
idéalement aucun, en créant un effet final le plus gigantesque possible.
Inutile de dire que cela prend beaucoup de temps, de travail et de multiples
répétitions.
Mais voilà que je vous parle de gens qui ont misé leur vie sur ce métier
et qui ont tout naturellement développé des techniques extrêmement
complexes pour se distinguer les uns des autres. Cependant, là encore, c’est
un peu la même chose qu’avec la magie, des petits numéros tout simples
permettent d’illustrer un principe et de mettre le spectateur en appétit. On
retrouvera là tant les anciens numéros de calculateurs prodiges – les
premiers mentalistes – que des tours usant d’un peu de magie.
Toute la complexité du mentaliste de scène consiste à se renouveler. En
effet, si la magie permet de multiplier les appareils et leurs formes, le
mentalisme joue toujours avec la même idée: la divination. Créer du
nouveau n’est donc pas simple. C’est pourquoi la majorité des grands
mentalistes possèdent au moins trois gros tours qui leur appartiennent et
avec lesquels ils vont voyager autour du monde. Mais, outre les numéros,
comme je l’ai dit, il demeure un autre atout qui lui aussi doit être travaillé
avec précision et sans relâche: l’attitude.
Mais pour la majorité des cas, il faut comprendre qu’en temps normal le
comparse n’est habituellement pas utile et que, à moins d’exception, il n’y
en a pas. Un bon mentaliste de scène connaît parfaitement ses numéros.
Avec les exemples qui suivent un peu plus loin, on verra à quel point des
choses simples procurent des effets majeurs.
Les atouts du mentaliste de scène
Ces derniers n’utilisent aucun trucage; ils sont simplement dotés d’une
capacité fantastique de calcul. En fait, ils font usage de petits trucs
mathématiques qui leur facilitent la vie, mais qui paraissent souvent
complexes aux yeux du commun des mortels. Par exemple, savez-vous
extraire la racine cubique d’un nombre en une seconde? Non? Eh bien eux,
oui.
Racines Cubes
1 1
2 8
3 27
4 64
5 125
6 216
7 343
8 512
9 729
Lorsque vous annoncez votre énorme résultat, 103 823, et que vous
vous demandez bien comment il va s’y prendre, notre mentaliste
sélectionne tout d’abord la première partie du nombre, soit 103, et
recherche dans sa liste des cubes mémorisés le nombre immédiatement
inférieur, ici ce sera 64, dont la racine est 4.
Il s’occupe ensuite tout aussi vite de la seconde moitié du nombre, soit
823, et cette fois il joue à l’envers si l’on peut dire en sélectionnant
seulement l’unité de ce nombre, soit 3. En cherchant dans la colonne de
droite où se trouve cette unité, on tombe sur 343. Et en face de 343, dans la
colonne de gauche se trouve le 7. Le mentaliste possède donc les deux
chiffres qui composent la racine que vous avez choisie, c’est-à-dire 47. Pour
une personne habituée, ce que je viens d’écrire ici ne prend qu’une seconde.
La réponse est donc pratiquement instantanée. C’est cela qui fait croire au
miracle.
Le b.a.-ba du mentalisme de scène
• Le paranormal et l’étrange;
• L’humour discret;
• La vraie farce;
• L’exploit unique.
Voilà, je crois avoir couvert tous les univers de base. Il est possible
ensuite de les mélanger en ayant un numéro spécial pour achever un
spectacle sobre par exemple. Les plus délicats de ces choix sont sans nul
doute le spectacle naturel et l’exploit unique, car si l’on recherche les gros
effets de scène, certes on en mettra plein la vue au public, mais ce
déploiement de matériel peut vite respirer le trucage et cela nuit à l’aspect
véridique du mentaliste. Car le jeu le plus subtil est de parvenir à faire
croire que vous avez un don et pas du tout que vous êtes un artiste comme
un autre.
Mais ne vous en faites pas trop. Si vous voulez gagner votre vie dans
cette discipline, vous serez obligé de vous afficher comme artiste et donc de
laisser entendre que ce que vous faites n’est pas totalement vrai. Ce sera
votre manière d’agir qui pourra alors créer le mystère. L’important est que
le public dise: «C’est impossible, comment fait-il?» Oui, j’écris au
masculin, car il n’y a pratiquement aucune femme qui choisisse ce métier. Il
n’y a pourtant aucun empêchement.
Premier numéro
Puisque, plus haut, nous avons commencé avec des chiffres, je propose de
poursuivre ici avec un carré magique particulier. Une personne choisit
quatre cartes à jouer de valeurs consécutives dans une rangée. Le mentaliste
compose alors un carré magique avec les autres cartes, laissant quatre
espaces libres. Dans ces espaces, il dépose ensuite les quatre cartes du
volontaire. Il demande alors à la personne de faire le total des quatre cartes
qu’il a choisies et d’annoncer le total. Or, ce total est celui de toutes les
lignes du carré, et de plus le mentaliste retourne le carré pour montrer que
ce nombre est inscrit au verso.
1, 2, 3, 4 = 22
2, 3, 4, 5 = 23
3, 4, 5, 6 = 24
4, 5, 6, 7 = 25
5, 6, 7, 8 = 26
6, 7, 8, 9 = 27
7, 8, 9, 10 = 28
8, 9, 10, 11= 29
9, 10, 11, 12 = 30
Exécution. Sortez de votre sac deux petits paquets de cartes portant des
numéros – on en trouve facilement dans le commerce, il est possible aussi
d’en fabriquer, sinon on peut utiliser des c artes à jouer. Étalez ces cartes
qui montrent deux rangées de chiffres de 1 à 12, de couleurs différentes
(exemple: une série rouge et une série bleue). Une rangée est pour vous,
l’autre pour votre volontaire, à qui vous demandez de retirer de sa série
quatre cartes qui se suivent obligatoirement. Pendant ce temps, ramassez
votre paquet tout en observant votre vis-à-vis.
Dès qu’il a choisi, penchez-vous vers votre sac et sortez l’un de vos
cartons, mais pas n’importe lequel: vous avez vu que v otre volontaire a
choisi la suite 5, 6, 7, 8. Vous vous souvenez que 6 correspond à 26, vous
sortez donc votre cinquième carton, qui porte au dos l’inscription 26. À
partir de là, tout est simple, mais il vous faut renforcer le mystère.
Vous expliquez donc que madame Unetelle a choisi au hasard une série
de quatre chiffres qui se suivent, et que vous avez ici un quadrillage
magique que vous allez utiliser de manière surprenante. Comme vous
disposez d’un jeu constitué des mêmes cartes, vous allez les utiliser à
présent et déposer sur le carré certaines de vos cartes de la manière
suivante.
Une fois encore, le mentaliste que vous êtes rappelle à son auditoire que
le choix de ces cartes a été fait au hasard, que votre volontaire aurait pu
choisir n’importe lesquelles, donc que le total aurait pu être n’importe
lequel. Pourtant, vous le saviez à l’avance puisque, au verso de ce carton, le
total est déjà inscrit. Vous retournez votre carré pour révéler à tous le
nombre 26. Vous aurez compris que dès que vous connaissez la série
choisie, vous aurez toujours le carton correspondant.
Deuxième numéro
Cette fois, visons plus haut, mais toujours avec une méthode simple de
débutant en mentalisme – ce numéro se fait professionnellement avec une
technique beaucoup plus élaborée, mais c’est un classique qu’il faut
explorer. Il s’agit pour le mentaliste de deviner sur quelle chaise va
s’asseoir un volontaire.
• L’enveloppe 6 se trouve sur une table et renferme un carton qui dit: «Le
spectateur est assis sur la chaise 5.»
Si le volontaire est assis sur la chaise 5, vous vous dirigez vers la table
et y prenez l’enveloppe qui s’y trouve. Vous la confiez à un spectateur qui
l’ouvre et qui lit le carton.
Si le volontaire est assis sur la chaise 4, vous retournez les chaises, ce
qui révèle en même temps leur numéro, et derrière le dossier de la chaise 2,
vous montrez du doigt le numéro 2 entouré d’un cercle. Vous pliez alors la
chaise et retirez une enveloppe qui contient un carton que vous faites lire à
haute voix. Ce carton indique: «Le spectateur est assis sur la chaise 4»,
comme il a été convenu dans la préparation.
Si le volontaire est assis sur la chaise 3, vous repliez les chaises une à
une montrant que seule l’enveloppe collée sous la 3 porte un grand X.
Si le volontaire est assis sur la chaise 1, pliez les chaises une à une en
montrant les numéros qui figurent dessous jusqu’à la 3 qui, elle, porte un X.
Prenez l’enveloppe et ouvrez-la pour faire lire à un spectateur que la chaise
choisie est bien la 1.
Troisième numéro
Ici, nous sommes dans cette zone grise entre magie et mentalisme, mais
nous sommes aussi au cœur du sujet: nous allons jouer avec la capacité
d’influencer les autres. Du moins, vous allez présenter les choses ainsi.
Attention: pour ce numéro, une bonne pratique sera nécessaire, mais l’effet
en vaudra la peine. Empruntez un billet de banque que vous placez dans une
enveloppe; mélangez ensuite cette enveloppe avec plusieurs autres,
totalement identiques, et lancez-vous dans une sorte de roulette russe avec
votre généreux donateur.
Préparation. Il n’y en a aucune. Par contre, il vous faudra vous entraîner
devant un miroir pour obtenir des gestes naturels lors des deux seules
manipulations fondamentales de ce numéro. Tout le reste réside dans le
stress que vous réussirez à faire monter dans la salle, et surtout chez le
volontaire. Plus la valeur du billet et grande, plus il est facile de jouer avec
cette petite angoisse.
Faites ce geste une bonne dizaine de fois de suite pour bien étudier vos
mouvements et votre attitude. La onzième fois, ne glissez pas le billet dans
l’enveloppe, mais entre l’enveloppe et votre pouce gauche. Toutefois, vos
gestes doivent être exactement semblables à ceux que vous faisiez en
plaçant réellement le billet. C’est la seule vraie difficulté, mais elle peut être
majeure. Lorsque vous serez capable de placer le billet à côté de
l’enveloppe de manière aussi détendue que si vous le glissiez à l’intérieur,
vous pourrez passer à la suite.
Exécution. Vous avez une petite table sur laquelle se trouvent plusieurs
enveloppes, un coupe-papier, un grand récipient, des allumettes et un
contenant d’essence à briquet. Si vous n’aimez pas le feu ou que la chose
vous dérange, utilisez une déchiqueteuse; l’effet est aussi stressant.
Prenez les enveloppes dans la main et, comme vous l’avez pratiqué
maintes fois devant votre miroir, faites semblant de glisser le billet dans la
première des enveloppes. Attention, cependant, à votre position. Si vous
êtes devant un public, il s’agit de ne pas se montrer de côté, mais bien de
face. Si votre volontaire peut vous voir, demandez-lui de tester de nouveau
la déchiqueteuse ou de vérifier la température du feu. Cela détourne son
attention juste le temps de glisser officiellement le billet dans l’enveloppe.
Quatrième numéro
Un petit numéro pour ceux qui ne connaissent pas de manipulations
précises, mais qui aimeraient bien tenter une expérience simple. En voici
une facile qui intrigue tout de même.
Préparation. Prenez dix cartes à jouer à dos bleu et alignez-les, face contre
table, par les petits côtés (largeur). Ensuite, avec du papier collant
transparent, reliez-les entre elles. Vous aurez ainsi une longue bande formée
de dix cartes.
À présent, procurez-vous une pince à linge ou toute autre pince qui fera
l’affaire et collez dessus – à l’intérieur de la pince – une carte de la même
taille ayant un dos rouge. Ce petit montage sera ensuite pincé sur la colonne
de cartes et parfaitement aligné sur l’une d’elles, donnant l’impression que
cette carte-là possède un dos rouge. Assurez-vous que la pince peut se
déplacer facilement le long de la colonne sans que l’on voie qu’elle emporte
avec elle une carte supplémentaire.
Bien entendu, votre discours doit être un peu élaboré pour donner du
panache à ce tour très simple. Insistez sur le fait que vous êtes capable
d’influencer les autres et que vous allez le démontrer. Et puis, cela va sans
dire, ne laissez pas traîner vos cartes après le numéro.
Cinquième numéro
Voici un numéro qui, lui aussi, se rapproche davantage de ceux que
présentent les professionnels et qui demande fort peu de matériel. Présentez
cinq petites enveloppes et cinq cartons; remettez un de ces cartons à une
personne de l’auditoire et invitez-la à y inscrire son nom. Dites-lui
qu’ensuite vous mettrez ce carton dans une enveloppe. Pendant ce temps,
son voisin ou sa voisine aura la tâche de mettre les autres cartons dans les
autres enveloppes et de tout mélanger. Si tout est compris, tournez le dos,
ou même sortez de la pièce. Une fois que tout est terminé, reprenez les
enveloppes et retrouvez celle qui contient le nom du spectateur.
Sixième numéro
Un autre numéro pour le plaisir, à faire lorsque vous serez obligé
d’improviser. Il s’agit de deviner le premier mot ou la première phrase
d’une page de livre choisie au hasard.
Préparation. Tout dépend ici de votre mémoire. Si elle est bonne, prenez
plusieurs livres dans une bibliothèque et apprenez la première phrase de la
page 115 de chacun d’eux. Si vous avez peu de mémoire, ne retenez qu’une
seule page d’un livre, cependant il est certain que l’effet sera légèrement
moindre. C’est tout ce qu’il vous faut préparer.
Exécution. Le moment venu, prenez la pile des livres que vous avez
sélectionnés en prétendant que c’est le fait du hasard. Vous pouvez, par
exemple, les tirer d’une bibliothèque en changeant rapidement de tablette.
Vous voilà donc avec tous vos ouvrages devant vous, ceux dont vous
connaissez une phrase par cœur.
Si vous n’avez appris une phrase que d’un seul livre, il vous faudra
jouer d’autorité. Attendez le bon moment et dites que, oui, il est possible de
deviner ce que les autres pensent; laissez les gens insister un peu, puis d’un
coup, comme si vous veniez soudain de vous décider, allez à la bibliothèque
et sortez un livre – celui dont vous connaissez la phrase –, donnez-le à une
des personnes présentes, puis saisissez-en un autre. En jouant sur le
phénomène de la pulsion soudaine, vous écartez de l’esprit de vos
spectateurs que vous avez tout prévu. Ils croient désormais à l’expérience
improvisée. La suite se fera de la même manière et vous réciterez la
première phrase de la page 115.
Septième numéro
Un vrai classique, celui-là, mais qui a beaucoup évolué. En voici une
version simple. Demandez à quelqu’un d’inscrire un mot sur un morceau de
papier que vous pliez et faites brûler ensuite. Vous passez de la cendre sur
votre main et découvrez le mot.
Tout se passe pendant que vous déchirez le billet. Je suppose que vous
êtes droitier, sinon inversez les mouvements. Reprenons le mouvement au
ralenti: tout d’abord, vous pliez la moitié gauche du billet sur la moitié
droite, puis, vous repliez la partie du bas sur la partie du haut. Votre billet
est maintenant plié en quatre. Tenez le billet de la main gauche, la partie
ouverte sur votre droite, le coin dur – le centre du billet – en haut à gauche.
Vous déchirez alors une première fois exactement en deux et vous placez la
partie de droite sous celle de gauche. Faites pivoter les morceaux et
déchirez une fois encore au centre. Passez de nouveau la partie droite sous
la gauche, mais en même temps, votre pouce gauche ouvre la partie qui se
trouve désormais sur le dessus, vers vous. Cette partie est le centre du
papier: l’ovale portant le mot inscrit. Baissez naturellement les yeux comme
pour observer vos papiers avant de les déchirer une fois encore, et lisez
rapidement le mot inscrit tout en déchirant le papier que, du même geste,
vous jetez au feu.
***
Si vraiment vous trouvez du plaisir à pratiquer ces petits numéros et que
vous constatez qu’effectivement il vous est possible de manipuler
l’attention et le bon sens du public, n’oubliez pas que vous faites aussi
œuvre d’artiste et qu’il vous faudra organiser votre présentation avec soin.
Vous pourriez par exemple débuter avec la chaise mystérieuse en faisant
entrer vos spectateurs dans votre salon; ensuite, c’est à vous d’agencer les
autres numéros pour qu’ils s’enchaînent tout naturellement. Vous
terminerez par celui que vous pensez être le plus fort et le plus étonnant.
Mentalisme et paranormal
Quelle est la véritable expertise du
mentaliste?
Que cela soit le cas d’un voyant peu scrupuleux trichant au cours de ses
consultations afin d’épater dès le départ un client et lui soutirer de
rondelettes sommes; le cas d’un prétendu mage usant de subterfuges
divers au cours de ses séances; ou encore le cas d’un gourou utilisant
diverses techniques de manipulation mentale, les mentalistes établissent
dans le cas de plaintes ou d’enquêtes des rapports précis sur la réalité de
l’expérience étudiée. Ils sont d’ailleurs aujourd’hui les seuls à maîtriser
un éventail de connaissances (pratiques, techniques, historiques,
ésotériques et scientifiques) suffisant pour véritablement expertiser ces
phénomènes.
Car ici le mystère ne vient pas de qui provoque les phénomènes, mais
quelles sont les lois de la physique, de la chimie, de la biologie, etc., qui
sont mises en œuvre pour obtenir le déplacement d’objets qui parfois pèsent
bien plus lourd que l’ado en question. C’est la même chose pour quelqu’un
qui déplace ou tord vraiment des objets ou qui en change la masse
moléculaire.
***
Il faut pourtant s’attendre à ce que, dans les années qui viennent, porté
par la mode et sans doute quelques autres séries t élévisées, le mentalisme
borderline se développe encore, particulièrement en Amérique du Nord où,
étrangement, on se vante de la technologie des cerveaux brillants et de la
capacité à tout décortiquer, mais où, paradoxalement, on cultive mordicus
une crédulité sans bornes.
Conclusion