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Transport d’énergie en courant

continu à haute tension

par Eric JONCQUEL


Ingénieur ENSEEIHT
Ingénieur-Chercheur au département Technologies et Économie des Systèmes
Électriques – EDF Recherche et Développement.

1. Domaine d’application du transport en courant continu............. D 4 761 – 2


2. Conception des stations de conversion à thyristors ..................... — 3
2.1 Schéma général ........................................................................................... — 3
2.2 Unités de conversion .................................................................................. — 3
2.3 Association d’unités de conversion ........................................................... — 4
2.4 Valves à thyristors ....................................................................................... — 5
2.5 Contrôle-commande des unités de conversion ........................................ — 7
2.6 Autres matériels .......................................................................................... — 7
3. Conception des stations de conversion source de tension ......... — 9
3.1 Schéma général ........................................................................................... — 9
3.2 Unité de conversion .................................................................................... — 9
3.3 Disjoncteur principal ................................................................................... — 10
3.4 Transformateur d’interface et réactance de phase ................................... — 10
3.5 Capacité continue ........................................................................................ — 11
3.6 Filtres ............................................................................................................ — 11
3.7 Mise à la terre du point neutre ................................................................... — 11
3.8 Disjoncteur continu rapide ......................................................................... — 11
3.9 Câbles ou lignes .......................................................................................... — 11
4. Conclusion ................................................................................................. — 11
Unités de conversion et liaisons à courant continu ............................... D 4 762
Pour en savoir plus........................................................................................... Doc. D 4 763

ne liaison à courant continu est constituée d’une ligne à courant continu


U reliant au moins deux réseaux alternatifs par l’intermédiaire de stations de
conversion.
L’énergie électrique est aujourd’hui produite, transportée et distribuée en cou-
rant alternatif. Ce choix tient à quelques raisons majeures : simplicité de produc-
tion (les alternateurs sont plus simples et plus fiables que les génératrices à
courant continu), facilité de changer de niveau de tension à l’aide de transforma-
teurs, facilité de couper le courant car il s’annule naturellement deux fois par
période.
Cependant, la maîtrise des transferts d’énergie en courant alternatif pose, dans
les réseaux denses, des problèmes de plus en plus ardus à résoudre :
— la répartition des transits d’énergie dans les diverses branches des réseaux
maillés se fait suivant des lois physiques et ne peuvent pas être maîtrisés
facilement ;
— la puissance réactive doit être compensée au plus près de sa consomma-
tion afin de limiter les pertes et les chutes de tension ;
— les réglages de la fréquence et de la phase des alternateurs interconnectés
doivent être coordonnés.

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Le courant continu pose d’autres problèmes : sa production nécessite le


redressement des ondes de courant alternatif et le changement de tension ne
peut se concevoir qu’au moyen de dispositifs complexes. Dans l’un et l’autre
cas, le recours à une électronique de puissance très coûteuse s’avère nécessaire.
Le problème de la coupure du courant continu est techniquement résolu mais au
prix de procédés sophistiqués et chers.
Il y a toutefois des situations dans lesquelles le courant continu est plus inté-
ressant que le courant alternatif, voire obligatoire.
(0)

Mise à jour de l’article de Alain LE DU, Ingénieur de l’École Supérieure d’Électricité, et


Philippe ADAM, Ingénieur de l’École Centrale de Paris, paru en mars 1992 dans ce traité.

1. Domaine d’application réserve primaire, le foisonnement en cas de décalage des pointes de


consommation, les échanges commerciaux fondés sur des
du transport en courant différences tarifaires.

continu
Aperçu historique
■ Liaisons longues souterraines ou sous-marines
Le transport à très haute tension par câbles sous-marins ou sou- Les premières liaisons de transport en courant continu (ex :
terrains constitue une solution toujours très onéreuse à laquelle on Moutiers-Lyon en 1906) ont été réalisées en utilisant des généra-
n’a recours que lorsque le transport par lignes aériennes s’avère trices et moteurs à courant continu connectés en série pour la
impossible. C’est le cas des liaisons sous-marines (alimentation transformation énergie mécanique – énergie électrique.
d’île, raccordement d’une centrale éolienne off-shore, inter- Le courant alternatif a très vite pris l’avantage dans le déve-
connexion de deux réseaux séparés par la mer) et des liaisons sou- loppement des liaisons de transport grâce à l’invention du trans-
terraines dans les zones fortement urbanisées, protégées ou dans formateur, tandis que les recherches se poursuivaient sur des
lesquelles l’opinion publique s’oppose à la construction de nou- moyens statiques de transformation courant alternatif – courant
veaux ouvrages de transport aériens. continu : thyratrons et valves à vapeur de mercure.
Le transport en courant continu permet de réduire notablement le En 1939, une liaison continue de 1 MW est réalisée en Suisse
coût des câbles (il y a un ou deux conducteurs au lieu de trois, la par Brown Bovery utilisant des valves à vapeur de mercure. Vers
tenue de tension est entièrement exploitée, la capacité de transit est 1940, AEG et Siemens réalisent une liaison de 30 MW avec la
exploitée à 100 % grâce à la maîtrise du flux de puissance…). même technologie. Ces réalisations ne convainquent pas en rai-
son de la tension directe supportée par ces valves qui reste trop
Le courant continu permet de s’affranchir des problèmes de faible pour une utilisation pour une liaison de transport.
puissance réactive générée par les câbles en courant alternatif qui En 1954, la technologie des valves à vapeur de mercure a
conduisent à un surdimensionnement, voire à une impossibilité suffisamment mûri pour être utilisée dans la première liaison
technique ; en effet, pour les grandes longueurs, il est nécessaire continue commerciale reliant l’île de Gotland à la Suède. À par-
d’absorber cette puissance parasite dans des postes intermédiaires tir de ce moment, de nombreuses liaisons continues sont réali-
le long du câble, ce qui est fréquemment impossible, en particulier sées, en particulier la première liaison entre France et Grande-
dans les liaisons sous-marines. Bretagne de 160 MW en 1961.
Ainsi, à partir d’une certaine valeur du couple longueur – puissance En 1965, General Electric réalise en laboratoire un thyristor
(ex : 1 000 MW sur 40 km, 200 MW sur 200 km), le transport à cou- (interrupteur statique à fermeture commandable). Cette techno-
rant continu devient compétitif avec le transport en courant alternatif. logie évolue et en 1970, un convertisseur à thyristors est installé
en série avec les convertisseurs de Gotland, en faisant la pre-
■ Lignes aériennes de grande longueur mière installation commerciale utilisant cette technologie. Les
valves à thyristors remplacent alors les valves à vapeur de mer-
L’exploitation de certaines ressources énergétiques naturelles cure dans les nouvelles liaisons ou les rénovations de liaisons
(typiquement l’hydraulique) nécessite un transport d’énergie sur de existantes.
grandes distances vers les centres de consommation. Lorsque la En 1997, la technologie des sources de tension, issue de celle
distance est importante (au-delà d’environ 600 km), le transport à des variateurs de vitesse pour moteurs, évolue vers des ten-
courant continu est souvent la solution la plus économique car le sions plus élevées, la rendant utilisable pour des liaisons de
gain réalisé sur le coût des lignes et des installations de compensa- transport. En 1999, la première liaison commerciale (50 MW) de
tion de puissance réactive dépasse le coût des stations de ce type est réalisée par ABB à Gotland.
conversion aux extrémités. Actuellement, les nouvelles liaisons sont réalisées tant avec la
■ Interconnexions transfrontalières technologie des thyristors qu’avec celle des sources de tension,
souvent en fonction du niveau de puissance.
Lorsque cela est possible (proximité géographique, règles Un tableau du fascicule Doc. D 4 763 donne la liste et les
d’exploitation communes), les réseaux de transports sont inter- caractéristiques principales des liaisons à courant continu dans
connectés en courant alternatif. Ces interconnexions permettent le le Monde.
secours mutuel en cas de perte d’un ouvrage, la mutualisation de la

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Réalisée en courant alternatif, une interconnexion rend les deux défaillante du poste ou du réseau pouvant ainsi être isolée au
réseaux qu’elle relie intimement dépendants, notamment en terme moyen de disjoncteurs (élimination très rapide et automatique
de maintien du synchronisme entre les différentes machines. Le d’une portion en défaut) et de sectionneurs (reconfiguration d’un
transit de puissance sur l’interconnexion est par nature aléatoire et nouveau schéma d’exploitation). Le poste peut aussi comporter
varie autour d’une valeur objectif. Une trop faible capacité d’inter- d’autres transformateurs, s’il assure une fonction annexe de
connexion est techniquement irréaliste, car elle ne peut constituer changement de tension, par exemple, pour alimenter une zone de
un lien synchronisant suffisant, ni supporter des variations aléatoires consommation.
trop importantes. La puissance électrique s’écoule naturellement et
n’est pas contrôlable. Les filtres d’harmonique, les bancs de compensation de
En revanche, le recours au courant continu règle les questions de puissance réactive et les unités de conversion sont raccordés au
stabilité et apporte une dimension de contrôlabilité qui donne beau- même jeu de barres.
coup plus de souplesse à l’exploitation d’une interconnexion inter-
nationale. Le transit de puissance peut, par exemple, être asservi à Des réducteurs de mesure (transformateurs de courant et trans-
un programme d’échange prédéterminé, voire être adapté instanta- formateurs ou réducteurs de tension) délivrent des signaux
nément et automatiquement pour secourir un réseau connaissant nécessaires au comptage de l’énergie, aux protections et aux dispo-
de graves difficultés, sachant que ce secours est limité à la puis- sitifs de contrôle-commande.
sance maximale de la liaison et n’entraînera pas le réseau sain vers
l’instabilité. Un poste à courant continu complète le schéma. Il comporte un
système de lissage du courant continu et de filtrage de la tension
■ Interconnexions entre réseaux asynchrones redressée, et tout l’appareillage nécessaire aux mesures de la ten-
L’interconnexion de deux réseaux asynchrones (fréquences ou sion et du courant ainsi qu’aux connexions des unités de conversion
règles d’exploitation différentes) est impossible en courant alterna- à la ligne à courant continu.
tif. On utilise pour cela des convertisseurs ac/dc/ac dits « dos-à-dos »
(ou back-to-back) qui sont des liaisons continues de longueur négli-
geable (quelques mètres). Ces convertisseurs n’ont pas les mêmes
contraintes que les liaisons, en particulier sur le niveau de tension 2.2 Unités de conversion
continue. Cependant, certaines liaisons continues reliant des
réseaux asynchrones (ex : Itaipu, Troll A) assurent, en plus du trans-
port de puissance, la fonction d’adaptation de fréquence. Le constituant élémentaire d’une station de conversion est l’unité
de conversion, hexaphasée ou dodécaphasée, constituée d’un
■ Augmentation de la capacité de transit
transformateur et d’un ou deux ponts de Graëtz, ainsi que de son
La conversion de lignes de transport existantes en liaisons à cou- équipement de commande et de protection.
rant continu permet d’en augmenter fortement la capacité de transit.
Cela pourrait constituer dans l’avenir, face aux pressions visant à Le transformateur d’une unité de conversion, dont le secondaire
préserver l’environnement, une solution d’ultime recours quand il est raccordé aux bras de convertisseur du pont, assure l’isolement
faut nécessairement augmenter la capacité d’un couloir de lignes galvanique entre le réseau alternatif et la ligne à courant continu. Il
dans une région donnée. réalise également un changement de tension pour fournir au pont
En 2004, environ 70 000 MW sont transportés dans le monde en des tensions alternatives dont l’amplitude permet d’atteindre la ten-
courant continu par une centaine de liaisons. sion continue désirée.

Les unités de conversion hexaphasées ont été d’une utilisation


courante du temps des valves à vapeur de mercure. Depuis
l’avènement du thyristor, on leur préfère les unités dodécaphasées,
2. Conception des stations alimentées par deux systèmes triphasés de tensions déphasés de
30 degrés électriques, ce qui permet de doubler naturellement le
de conversion à thyristors rang des premiers harmoniques produits. Le filtrage des harmoni-
ques produits par la conversion est ainsi simplifié.

Augmenter davantage le rang des premiers harmoniques générés


2.1 Schéma général présente peu d’intérêt dans la mesure où les gains réalisés sur le
coût du filtrage ne compensent pas le surcoût de transformateurs
Schématiquement, l’énergie, sous forme de tensions et de cou- spéciaux conçus pour délivrer des systèmes triphasés de tensions
rants alternatifs à fréquence industrielle, est convertie dans les uni- déphasés de 15 degrés électriques, voire 7,5 ou 3,75…
tés de conversion en énergie sous forme de tension(s) et de courant
redressés. Ce processus s’effectue avec un rendement très proche Indépendamment des transformateurs, une unité de conversion
de l’unité, au prix toutefois de la génération de deux sous-produits dodécaphasée est constituée de deux ponts hexaphasés et se pré-
gênants : sente, dans les installations récentes, sous la forme de trois quadri-
valves enfermées dans un bâtiment dont la qualité de l’atmosphère
— la puissance réactive absorbée par les unités de conversion est surveillée (humidité, poussières). Chaque quadrivalve est consti-
doit être compensée sur place ; tuée de quatre valves à thyristors physiquement superposées et
— les harmoniques générés par les commutations internes aux connectées électriquement en série. Le convertisseur dodécaphasé
unités doivent être filtrés pour ne pas pénétrer dans le réseau alter- présente huit bornes de raccordement. Les bornes d’extrémités des
natif avec une amplitude intolérable. trois quadrivalves d’un même pont sont reliées ensemble et
La figure 1 présente le schéma général d’une station de conver- raccordées à la ligne continue et à la terre, alors que les bornes inter-
sion. Elle comporte un poste à courant alternatif tout à fait conven- médiaires sont connectées aux enroulements secondaires des
tionnel dont la fonction est de raccorder les unités de conversion au transformateurs de conversion.
réseau alternatif. Le poste est organisé en jeux de barres et en tra-
vées ou cellules, de façon à pouvoir effectuer différentes combinai- Une structure quadrivalve peut être posée sur le plancher du bâti-
sons de connexions entre les lignes et les unités de conversion. Cela ment (figure 2) ou encore suspendue au plafond (figure 3) pour
a pour but d’augmenter la fiabilité de l’alimentation, une portion mieux résister aux secousses sismiques, le cas échéant.

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BL LC

V DT

SSh

LA

UCD

PH

LA

SSh

DT
Filtrage et compensation
de puissance réactive
BL LC
Transformateurs T Valves en bâtiment
Poste à courant alternatif Poste à courant continu

BL bobines de lissage LC ligne à courant continu SSh sectionneur de shuntage des ponts
DT diviseur de tension continu PH pont hexaphasé UCD unité de conversion dodécaphasée
LA ligne à courant alternatif Q quadrivalve à thyristors V valve à thyristor (bras de convertisseur)

sectionneur disjoncteur

Figure 1 – Station de conversion à thyristors : schéma général

2.3 Association d’unités de conversion — une conception en plusieurs unités permet de faire fonctionner
la liaison (à puissance réduite) malgré la défaillance d’un élément,
même si elle n’évite pas certaines défaillances communes à toutes
On adopte souvent un schéma de station associant plusieurs uni- les unités ;
tés de conversion pour les raisons suivantes : — une conception en plusieurs unités permet une construction de
la liaison par étapes successives et ainsi d’étaler dans le temps
— deux unités de part et d’autres d’un point mis à la terre permet- l’investissement en fonction de besoins croissants.
tent de transporter l’énergie sous deux tensions continues symétri-
ques par rapport au potentiel nul et un même courant ; cette Deux solutions répondent à un tel besoin de modularité des unités
association est appelée un bipôle ; de conversion : la mise en série d’unités ou leur mise en parallèle.

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Le dispositif destiné à mettre automatiquement hors circuit une


unité de conversion défaillante est plus simple dans le cas de la
solution série. En effet, pour ce type de schéma, la fermeture d’un
disjoncteur de court-circuit de l’unité de conversion du côté continu
suffit à son élimination rapide. Dans le cas d’unités en parallèle, il
est nécessaire qu’elles soient raccordées à la ligne à courant continu
au moyen de disjoncteurs très rapides pour pouvoir éliminer l’unité
en défaut, et une séquence de commande appropriée des convertis-
seurs est nécessaire pour alléger la tâche des disjoncteurs.
Une liaison bipolaire constitue un exemple de mise en série d’uni-
tés de conversion, dans lequel les points de connexion du circuit
B
continu entre deux unités consécutives sont mis à la terre aux deux
extrémités de la liaison.
La station de conversion française de l’interconnexion par câbles
sous-marins de 2 000 MW entre la France et l’Angleterre comporte, par
exemple, deux bipôles avec chacun deux unités de conversion de
500 MW sous + et –270 kV associées en série.
C
Par exemple, la liaison Pacific Intertie (figure 4), initialement à base
de convertisseurs à valves à mercure, a été étendue par l’ajout en série
et en parallèle de convertisseurs à thyristors : la puissance est passée
de 1 600 à 2 000 MW (±400 à ±500 kV) par l’ajout en 1985 de conver-
tisseurs en série puis à 3 100 MW par l’ajout en 1989 de convertisseurs
en parallèle.
A

2.4 Valves à thyristors

2.4.1 Technologie

La faisabilité des valves à haute tension à thyristors repose sur les


progrès considérables réalisés dans la technologie des semi-
conducteurs de puissance au silicium (dans ce traité, article Compo-
sants semi-conducteurs de puissance : caractères propres [D 3 100]).
Le gain spectaculaire obtenu dans la puissance réglée tient à l’aug-
mentation de la surface des pastilles de silicium et à l’accroissement
de la tension de blocage en direct et en inverse, rendus possibles
notamment par l’amélioration de l’homogénéité du matériau sili-
cium dopé et par la maîtrise technologique des procédés permettant
de limiter les effets de bord pour augmenter la tension et d’améliorer
l’efficacité du refroidissement.
A parafoudre de protection des valves Le diamètre de la partie active des thyristors s’est stabilisé à
B structure quadrivalve posée sur le sol 150 mm depuis le début des années 1990 car une augmentation de
C traversée murale (venant des secondaires des transformateurs) ce diamètre fait apparaître des problèmes de temps de propagation
de l’impulsion de gâchette et augmente de façon rédhibitoire la
© Médiathèque RTE / David Sauveur durée de la commutation.
Figure 2 – Vue des valves à thyristors de la station des Mandarins En dépit de ces performances, les possibilités offertes par le thy-
de la liaison IFA2000 (France — Grande-Bretagne) ristor sont encore très inférieures aux besoins des convertisseurs
fonctionnant sous très haute tension. L’association de plusieurs thy-
ristors élémentaires s’avère ainsi nécessaire et soulève de multiples
problèmes dont quelques solutions retenues par les constructeurs
Le choix de l’une ou l’autre solution résulte de la contrainte de sont présentées ci-après.
transporter la puissance sous la tension continue la plus élevée pos-
sible pour réduire les pertes, mais aussi de l’intérêt économique de
concevoir des convertisseurs tirant le meilleur profit des capacités 2.4.2 Association en série/parallèle
en courant des thyristors disponibles.
L’assemblage en parallèle de deux thyristors n’est plus justifié
Pour une puissance d’unité de conversion donnée, le choix d’une aujourd’hui, vu les très fortes intensités de courant possibles. Cela
tension continue élevée peut rendre la mise en série plus attractive peut toutefois être fait pour d’autres raisons comme celle de dimi-
que la solution en parallèle, si elle utilise la pleine capacité des thyristors. nuer les pertes par conduction. Dans ce cas, les thyristors associés
en parallèle doivent être appairés.
A contrario, la connexion en parallèle de plusieurs unités de L’assemblage en série de plusieurs thyristors est nécessaire pour
conversion permet de mieux s’adapter aux étapes successives de atteindre les tensions élevées adaptées au transport de grande puis-
construction d’un ouvrage de transport dont la capacité doit aug- sance. La maîtrise de la répartition de tension entre tous les thyris-
menter au cours du temps. On peut ainsi exploiter l’ouvrage à la ten- tors en série est assurée par un réseau diviseur de tension branché
sion nominale dès la mise en service de la première unité de en parallèle sur chaque niveau de thyristor. La tension continue doit
conversion dans chaque station de la liaison. en particulier être répartie uniformément. Comme une très grande

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C
LC

BL BL BL BL
A

B B

B A C C A

A A

A A

A A

A A

A C C A

B B

BL BL BL BL

A parafoudre de protection des valves LC


B structure quadrivalve suspendue
C connexion des secondaires des transformateurs A unités de conversion hexaphasées de 133 kV et 2 000 A,
installées en 1970 (valves à vapeur de mercure)
© Siemens press picture B unités de conversion hexaphasées de 100 kV et 2 000 A,
installées en 1985 (valves à thyristors)
Figure 3 – Vue de valves à thyristors de type suspendu de la station
C unités de conversion dodécaphasées de 500 kV et 1 100 A,
de Ballycronan More de la liaison Moyle (Irlande — Écosse)
installées en 1989 (valves à thyristors)
BL bobines de lissage du courant
LC ligne aérienne à courant continu
dispersion résulterait des disparités inévitables des courants de
fuite des thyristors, un réseau de résistances, donc dissipatif, est
nécessaire pour obtenir une répartition acceptable. Par ailleurs, les Figure 4 – Association d’unités de conversion : schéma unifilaire
surtensions transitoires doivent aussi être équiréparties. Une chaîne de la liaison Pacific Intertie (États-Unis)
de condensateurs s’avère être la meilleure solution pour contreba-
lancer l’effet des capacités parasites, d’autant que chaque condensa-
teur constitue un des éléments d’un classique circuit RC visant à constructeurs, très diversifiées dans les premières valves à thyristors,
limiter les surtensions appliquées à chaque thyristor individuel ont convergé après quelques années, grâce notamment à l’appari-
durant son blocage. tion sur le marché de fibres optiques monobrins à faibles pertes de
transmission.

● Dans une installation moderne, le système d’amorçage com-


2.4.3 Amorçage
porte ainsi :

L’amorçage des différents thyristors doit être aussi simultané que — un distributeur d’impulsions lumineuses synchronisées, situé
possible afin que les derniers thyristors à s’amorcer ne soient pas dans une salle de commande bien protégée des perturbations
soumis à des tensions excessives. électromagnétiques ;
De plus, l’amorçage ne doit pas être provoqué intempestivement — des fibres optiques, en nombre au moins égal à celui des thy-
par un parasite et les dispositifs d’amorçage au potentiel HT doivent ristors (elles sont parfois doublées pour augmenter la sûreté
être alimentés en énergie. Pour satisfaire ces impératifs de préci- d’amorçage), acheminant les impulsions entre la salle de
sion, d’immunité aux perturbations électromagnétiques, d’isole- commande et les valves (quelquefois distantes de plusieurs
ment galvanique et d’alimentation, les solutions techniques des centaines de mètres) ;

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— un boîtier électronique par thyristor, convertissant l’impulsion


lumineuse en impulsion électrique injectée dans la gâchette ;
l’alimentation de ce boîtier est assurée par prélèvement de tension
aux bornes du thyristor qui est bloqué environ les 2/3 du temps.
● Depuis 1975 environ, de très nombreux travaux ont été accom- S
plis pour développer des thyristors à amorçage optique (LTT : Light
Triggered Thyristor) présentant des caractéristiques de tenue aux B
R Th
surtensions et aux gradients de tension aussi bonnes que celles des
thyristors à déclenchement électrique (ETT : Electrically Triggered
Thyristor). Après avoir été longtemps décevants (faible durée de vie
d’une source lumineuse énergétique, rendement insuffisant des
fibres optiques, forte sensibilité des photothyristors aux parasites élec- Th thyristor
triques), ces thyristors sont maintenant à un stade industriel puisqu’ils R radiateur
équipent couramment depuis 1997 des liaisons commerciales. S système de serrage
B borne de connexion

© photo ABB
2.4.4 Caractéristiques thermiques
Figure 5 – Vue d’un module à thyristors refroidi par eau
Sur ce plan, les valves à thyristors ont été le champ de progrès
très sensibles depuis 1972. Ces progrès ont visé :
— à réduire la part des pertes de conversion ; elles sont passées 2.5 Contrôle-commande des unités
d’une valeur de l’ordre de 1,3 % à une valeur de presque moitié de conversion
aujourd’hui (0,7 % soit tout de même 7 MW de pertes à évacuer
pour un convertisseur de 1 000 MW) ;
— à simplifier la conception du système de refroidissement et
La fonction essentielle du contrôle-commande est d’élaborer et de
donc le coût d’investissement des convertisseurs.
distribuer aux valves de l’unité de conversion une séquence
Ces progrès ont été rendus possibles par la maîtrise de la techno- d’impulsions, synchrones avec le réseau, mettant successivement
logie des thyristors de puissance : il a ainsi été possible de réduire le ces valves en conduction. La séquence doit présenter la plus grande
nombre de thyristors en série dans un rapport de 3 à 1, pour une régularité possible afin de réduire au minimum un déséquilibre de
même tension redressée, et de réduire la chute de tension à l’état fonctionnement, qui conduit forcément à engendrer des
passant, la chute de tension de chaque composant individuel n’aug- harmoniques non caractéristiques. Un décalage rapide de cette
mentant que légèrement en comparaison de l’augmentation de la séquence doit être possible afin d’augmenter ou de diminuer très
tension de tenue maximale. vite la tension redressée. C’est cette dernière fonctionnalité qui
donne aux unités de conversion la propriété d’une très grande
Plusieurs fluides ont été utilisés pour assurer la dissipation ther- contrôlabilité.
mique des thyristors.
Pour élaborer la séquence d’impulsions, des asservissements
— L’air présente les avantages d’une très grande simplicité de
sont nécessaires et permettent de régler la tension redressée pour
mise en œuvre (moyennant cependant des débits considérables de
maintenir une grandeur réglée égale, en régime permanent, à une
plusieurs m3/s) ainsi que d’excellentes propriétés isolantes. Dans
valeur de consigne ou voisine de celle-ci en régime transitoire.
cette technologie de refroidissement, plusieurs circuits d’évacuation
des pertes sont utilisés en cascade : radiateur thyristor-air, air Par exemple, le courant continu est mesuré et comparé à une
circulant dans un échangeur air-eau, eau circulant dans un échan- consigne de courant ; la différence alimente l’entrée d’un amplificateur
geur eau-air extérieur. à gain élevé et muni de correcteurs et l’amplificateur agit sur le généra-
— Le Fréon a été envisagé du fait de ses excellentes caractéris- teur d’impulsions.
tiques calorifiques et isolantes mais les contraintes environnementales
en empêchent l’utilisation. La bande passante du « très puissant amplificateur » que consti-
— L’eau désionisée, additionnée éventuellement de glycol, pré- tue une unité de conversion est de l’ordre de la vingtaine de hertz, ce
sente parmi tous les fluides utilisés couramment dans l’industrie le qui donne une idée des performances dynamiques que permettent
meilleur compromis de performances, coût, facilité d’utilisation et d’obtenir les liaisons à courant continu.
sécurité environnementale. Le refroidissement par eau a permis de
diminuer notablement la taille des valves à thyristors (figure 5).

2.6 Autres matériels


2.4.5 Conception mécanique

Sur ce plan, les progrès semblent liés à la compacité, donc à la Pour être exploitable, une unité de conversion exige bien entendu
légèreté inhérente, des valves mais aussi à la volonté de concevoir un environnement de bien d’autres matériels qui remplissent les
des valves de façon extrêmement modulaire et d’appliquer des tech- fonctions de transformation, de sectionnement, de coupure, de
niques de fabrication hautement rationalisées. De façon assez géné- mesure de protection que l’on rencontre dans un poste de transfor-
rale aujourd’hui, une valve est constituée d’un empilement mation ordinaire, ainsi que toutes les fonctions entraînées par le
mécanique de modules aisément déplaçables par un seul opérateur, processus de conversion de l’énergie : lissage du courant redressé,
ce qui facilite la maintenance. filtrage des harmoniques, compensation de la puissance réactive
absorbée.
Par ailleurs, les quadrivalves sont souvent suspendues depuis le
plafond du bâtiment, ce qui les rend plus compactes, plus simples à Certains de ces matériels présentent des particularités spécifiques
concevoir et plus résistantes aux contraintes sismiques. dont quelques notions sont abordées dans la suite de ce paragraphe.

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2.6.1 Transformateurs
Barrière Ligne de champ
Ils assurent essentiellement deux fonctions : le découplage galva- isolante électrique
nique entre les réseaux à courant alternatif et à courant continu et le
changement de tension.
Leur particularité est que leurs enroulements secondaires sont
soumis à une composante moyenne non nulle de la tension par rap-

Circuit magnétique
magn tique
port à la terre du fait du branchement au circuit continu. Cette com-
posante continue impose aux isolations une contrainte de
répartition interne très différente de celle due à une tension alterna-
tive. La tension alternative se répartit selon les permittivités des dif-
férentes couches isolantes, d’huile, de papier et de carton. La
tension continue, en revanche, se répartit selon la résistivité de ces
mêmes matériaux (figure 6). Les répartitions sont complètement
différentes et imposent en pratique de concevoir des couches d’iso-
lant beaucoup plus épaisses que dans un transformateur de réseau
alternatif. Il en résulte que le volume des appareils est nettement
plus important que celui d’appareils conventionnels, ainsi que leur
masse. a répartition en tension alternative avec ε papier/ε huile = 1,5
L’alimentation d’une unité de conversion dodécaphasée [UCD,
voir figure 1] peut être assurée soit par deux transformateurs tripha- Barrière Ligne de champ
sés distincts, de couplage étoile-étoile et étoile-triangle [T, voir isolante électrique
figure 1], soit par trois transformateurs monophasés comportant
deux secondaires, connectés en étoile pour l’un et en triangle pour
l’autre. Le choix entre ces deux solutions résulte de considérations
sur le coût total des transformateurs, incluant les unités de rechange
le cas échéant, et sur les possibilités de transport sur le site des très
Circuit magnétique
magn tique
lourds colis que représentent les transformateurs (jusqu’à 400 t).
L’extrême sensibilité de ces transformateurs à la pollution de
l’huile exige en outre des opérations de filtrage de l’huile très minu-
tieuses.

2.6.2 Inductances de lissage

Les inductances de lissage ont pour rôle de « lisser » le courant


continu, c’est-à-dire d’en limiter les variations. Ainsi, on s’assure du
fonctionnement en conduction continue des convertisseurs (le cou- b répartition en tension continue avec ␳ papier/␳ huile = 10
rant continu ne s’annule jamais) et de la variation lente (pour laisser
au contrôle-commande le temps de réagir) du courant continu en ε permittivité des matériaux isolants (papier et huile)
cas de court-circuit côté continu. ρ résistivité des matériaux isolants (papier et huile)
La forte valeur d’inductance (ex : 0,3 H pour IFA2000) impose sou-
vent d’utiliser des bobines à noyau magnétique refroidies par huile. La répartition des lignes de champ dans l’huile et les cartons isolants
Des mesures de protection doivent être prises pour éviter l’échauf- diffère notablement selon que la tension appliquée est alternative
ou continue
fement des pièces métalliques du voisinage du fait de l’ondulation
du courant qui induit un champ magnétique variable et des courants
de Foucault dans les pièces métalliques. Figure 6 – Transformateur : répartition des champs électriques
en continu et en alternatif dans les isolants des têtes de bobinage

2.6.3 Bancs de capacités


Jusqu’à aujourd’hui, la solution au problème du filtrage consiste de la fréquence en cas d’interruption brutale du transit de la liaison
à agencer des bobines d’inductance et des condensateurs afin de continue. L’inconvénient majeur est que ces machines sont chères
réaliser des circuits passifs LC, éventuellement amortis par des aussi bien à l’achat qu’en entretien. Elles posent aussi des
résistances auxiliaires. problèmes, difficiles à résoudre, de maintien du synchronisme
durant un court-circuit sur le réseau alternatif.
Les condensateurs contribuent par ailleurs à fournir de la puissance
réactive à la fréquence fondamentale. Le cas échéant, des bancs de
condensateurs complètent les moyens de compensation. Filtres et 2.6.5 Lignes aériennes
bancs de condensateurs sont mis sous ou hors tension par des disjonc-
teurs conventionnels, à air comprimé et, de plus en plus, au SF6. Nota : pour plus d’informations, le lecteur se reportera, dans ce traité, aux articles
Lignes aériennes [D 4 420], [D 4 421].
Le dimensionnement d’une ligne aérienne en CCHT relève des
2.6.4 Compensateurs synchrones mêmes règles que celles utilisées pour une ligne en courant alterna-
tif dont la tension crête entre phase et terre serait sensiblement
Dans certaines stations de conversion, lorsqu’elles sont raccor- égale à la tension continue nominale de la liaison.
dées à des réseaux peu puissants (insulaires, par exemple), des À densité de courant égale dans les deux cas, un même conducteur
machines synchrones fonctionnant en compensateur sont utilisées, peut, ainsi, transporter 1,41 fois plus de puissance en courant continu
non seulement pour fournir de la puissance réactive, mais surtout qu’en courant alternatif. Ce rapport est de 1,5 si l’on prend en compte
pour apporter une inertie suffisante et garantir un certain maintien un facteur de puissance de 0,945 pour la charge de la ligne en alternatif.

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Donc, si l’on compare la puissance transmissible par une ligne tri-


phasée à trois conducteurs à celle d’une ligne à courant continu à 3. Conception des stations
deux conducteurs de même type, on constate que les deux ouvrages
peuvent transmettre la même puissance.
de conversion source
La ligne à courant continu est plus simple et moins coûteuse
de tension
puisqu’elle n’a besoin que de deux conducteurs. Le nombre de chaînes
d’isolateurs est réduit d’un tiers par rapport à la ligne en alternatif.
Les pylônes sont également plus légers, moins chers et plus étroits
pour la ligne en continu.
3.1 Schéma général
Le coût de la ligne à courant continu est ainsi réduit d’environ
30 % par rapport à celui d’une ligne en alternatif. Un convertisseur source de tension (ou VSC, Voltage Sourced
Converter) connecté au réseau se comporte comme un alternateur
sans inertie. Il échange avec le réseau alternatif des puissances actives
et réactives en fonction de la phase et de l’amplitude de la tension
2.6.6 Câbles alternative qu’il génère. Tout échange de puissance active du con-
vertisseur avec le réseau alternatif se traduira par un échange équi-
Nota : pour plus d’informations, le lecteur se reportera, dans ce traité, à l’article Câbles
valent du convertisseur avec le réseau continu.
de transport d’énergie. Technologies. Caractéristiques [D 4 520]. La synthèse de la tension alternative par le convertisseur
nécessite des commutations forcées à fréquence élevée (1 à 2 kHz),
Les types de câbles utilisables pour le transport en courant ce qui engendre davantage de pertes que la conversion alternatif/
continu à haute tension sont les suivants. continu dans un convertisseur à thyristors.
— Le câble de type « solid » est le plus économique, aujourd’hui La maîtrise de la puissance réactive échangée avec le réseau per-
encore. Son isolation est assurée par des bandes de papier impré- met non seulement de se passer de bancs de capacités mais aussi
gnées d’huile à haute viscosité. Ce type de câble peut être utilisé de soutenir la tension du réseau au point de connexion.
aujourd’hui pour des tensions continues allant jusqu’à 400 kV. Il n’y Une liaison continue (figure 7) est formée de deux convertisseurs
a pas de limitation de longueur, sauf à considérer les moyens de reliés par un circuit continu. La figure 8 montre le détail des compo-
transport et de pose pour de très longs câbles qui peuvent atteindre sants d’un convertisseur.
des milliers de tonnes.
— Le câble à huile sous pression est complètement rempli d’huile
à basse viscosité maintenue sous pression. La pression d’huile 3.2 Unité de conversion
nécessaire augmentant avec la longueur, de longs câbles sous-
marins demanderaient une pression extrêmement élevée et la lon-
gueur maximale serait approximativement de 60 km. Des câbles de 3.2.1 Bras de convertisseur élémentaire
ce type sont actuellement en service pour des tensions inférieures à
300 kV. Le composant de base d’un convertisseur de tension est un inter-
— Dans l’avenir, on peut s’attendre à ce que le câble à isolation rupteur statique capable d’établir et de couper un courant (contraire-
synthétique (polyéthylène extrudé par exemple), largement utilisé ment au thyristor qui n’est capable que d’établir un courant). On
en courant alternatif et dans les liaisons continues à base de utilise couramment des IGBT (Insulated Gate Bipolar Transistor).
convertisseur source de tension (cf. § 3) devienne un concurrent Une diode de roue libre est connectée en anti-parallèle avec cet
potentiel des câbles que l’on vient de décrire. Plus léger, il présente- interrupteur unidirectionnel en courant pour assurer le passage du
rait l’avantage économique de simplifier considérablement la pose courant dans les deux sens.
en mer. Cependant, d’importants travaux de développement restent La figure 9 montre un bras élémentaire de convertisseur dans
encore à effectuer pour résoudre le difficile problème des charges lequel les deux interrupteurs relient une phase du réseau alternatif
d’espace, nuisibles à la tenue diélectrique en cas d’inversion de ten- soit au pôle positif, soit au pôle négatif du réseau continu. En faisant
sion, phénomène courant dans les liaisons utilisant des convertis- succéder rapidement ces commutations, on génère à partir de la
seurs à thyristors. tension continue une tension alternative (cf. [D 4 762]).

Réseau ac 1 Réseau ac 2

RP1 CC1 LC CC2 RP2

UC UC
RP réactance de phase
UC unité de conversion
CC capacité continue
LC ligne ou câble continu Figure 7 – Schéma général d’une liaison à base
de convertisseurs source de tension

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DJC LC
CC FH

DP TI

IC
FHFR FHFC
UC

MALT PN

FHR FHC

DP disjoncteur principal
FHR filtre harmonique côté réseau
FHFR filtre HF côté réseau
TI transformateur d´interface (formant la réactance de phase)
FHC filtre harmonique côté convertisseur
FHFC filtre HF côté convertisseur
UC université de conversion
CC capacité continue
MALT PN mise à la terre du point neutre
DJC disjoncteur continu rapide
IC inductance continue
FH filtre de la composante homopolaire
LC ligne ou câble continu

Figure 8 – Composants d’un convertisseur source de tension

3.2.2 Unité de conversion


+
Une unité de conversion est composée de trois bras de convertis-
seurs reliant les deux pôles continus aux trois phases du réseau
I D alternatif (figure 10).

3.2.3 Unité de conversion multi-niveau


L’unité de conversion présentée ci-avant est dite « à deux
niveaux » car la tension alternative de sortie ne peut prendre que
deux valeurs distinctes. De nombreuses façons existent de générer
la tension alternative à partir de la tension continue, elles consistent
à augmenter le nombre de niveaux, c’est-à-dire de valeurs distinctes

que peut prendre la tension de sortie côté alternatif ; on parle alors
I interrupteur commandable à l’ouverture et de convertisseurs 3 niveaux, 5 niveaux, n niveaux.
à la fermeture L’augmentation du nombre de niveaux permet d’augmenter le
D diode de roue libre rang des harmoniques générés pour une fréquence de commutation
donnée, au prix d’une complexité supérieure. Le choix du nombre
Figure 9 – Bras de convertisseur élémentaire de niveaux dépend d’un compromis technico-économique et reste
en général limité à 5.

+ 3.3 Disjoncteur principal


Un disjoncteur situé au point de connexion sert à (dé)connecter la
station de conversion et le réseau alternatif. Il peut être équipé de
résistances de pré-insertion pour limiter la pointe de courant
d’enclenchement lors de la charge des capacités continues via les
diodes de roue libre.

3.4 Transformateur d’interface


et réactance de phase
– La réactance de phase peut être soit une inductance, soit l’induc-
tance de fuite du transformateur d’interface, soit une combinaison
Figure 10 – Unité de conversion des deux.

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Cette inductance est nécessaire pour pouvoir connecter l’unité de Une autre fonction de cette inductance est de modifier la fré-
conversion et le réseau alternatif qui sont deux sources de tension. quence de résonance du circuit continu, au cas où celle-ci soit trop
Elle transforme ainsi une différence de tension entre le réseau et le proche d’une fréquence générée par le convertisseur.
convertisseur en courant circulant entre ces derniers.
Un transformateur permet des fonctions supplémentaires comme Il faut noter qu’une inductance série modifie la dynamique du sys-
l’adaptation de la tension, l’association d’unités de conversion ou tème en s’opposant aux variations brutales du courant continu,
l’isolement vis-à-vis de la composante homopolaire. Si le filtrage donc de la puissance active transmise.
des harmoniques générés par l’unité de conversion est suffisant, et
c’est le cas en général, on peut utiliser un transformateur standard.

3.7 Mise à la terre du point neutre


3.5 Capacité continue
Le point neutre, point milieu de la capacité continue, est mis à la
La capacité continue a pour fonction de maintenir une tension terre de façon à imposer deux tensions symétriques par rapport au
continue stable pendant les commutations des interrupteurs de potentiel nul sur les pôles positif et négatif, pour une utilisation opti-
l’unité de conversion. male des câbles (ou conducteurs aériens) connectant les deux sta-
Sa valeur doit être suffisante pour limiter l’ondulation de la ten- tions de conversion. Cela peut être fait par une mise à la terre directe
sion continue mais c’est au détriment du coût, du temps de réponse ou via des éléments passifs (inductance, filtre, résistance, parafoudre).
du système et de l’encombrement qui augmentent en proportion.
Toute inductance parasite entre cette capacité et les interrupteurs
est nocive, particulièrement à cause des surtensions apparaissant
lors de la coupure d’un courant inductif. Cette capacité doit donc 3.8 Disjoncteur continu rapide
être placée au plus près des interrupteurs, même si elle n’est pas
représentée ainsi sur les schémas.
Les convertisseurs source de tension craignent les courts-circuits
sur leur côté continu car le défaut est alimenté par les diodes et ne
3.6 Filtres peut être éliminé que par l’ouverture du disjoncteur principal. Dans
ce cas, les courants de défaut ont le temps d’atteindre des amplitudes
rédhibitoires pour les composants d’électronique de puissance.
3.6.1 Filtres côté réseau alternatif Ces défauts sont extrêmement rares si la liaison est effectuée par
câbles mais fréquents dans le cas de lignes aériennes. Une liaison à
En fonction du réseau alternatif, des filtres peuvent être convertisseur source de tension par ligne aérienne peut nécessiter
nécessaires pour empêcher toute pénétration d’harmoniques vers la l’ajout en série d’un disjoncteur rapide pour la protéger des défauts
station de conversion. Ces filtres sont souvent omis, d’autant plus continus.
qu’aucune compensation de réactif n’est nécessaire.
Vu le temps d’ouverture exigé (de l’ordre de la milliseconde), il
faut utiliser un interrupteur statique, ce qui pose des problèmes de
3.6.2 Filtres côté convertisseur coûts et de pertes Joule dans ce composant supplémentaire.

La fréquence élevée des commutations dans l’unité de conversion


rend les harmoniques qu’elle génère plus nocifs pour le matériel
mais également plus faciles à filtrer. Aussi, ces filtres permettent de
cantonner les harmoniques HF à l’intérieur de la station de conversion.
3.9 Câbles ou lignes

3.6.3 Filtres côté continu De par sa sensibilité aux défauts continus, ce type de liaisons est
effectuée majoritairement par câbles souterrains ou sous-marins.
Des filtres peuvent être installés sur le bus continu pour limiter
l’ondulation de tension continue sans pour autant augmenter la De plus, étant donné que la polarité de la tension continue ne
valeur de la capacité continue, dans les cas où cette dernière est s’inverse jamais, on utilise des câbles à isolation synthétique qui
limitée par d’autres contraintes. sont plus économiques que les câbles traditionnels.

3.6.4 Filtre homopolaire

Certaines liaisons dont les câbles avoisinent des installations sen-


4. Conclusion
sibles doivent être équipées d’un filtre bloquant la composante
homopolaire. Il s’agit d’un transformateur de rapport unité et
d’impédance de court-circuit négligeable. On a décrit dans le présent fascicule les composants élémentaires
des liaisons à courant continu de deux technologies : à thyristors et
à convertisseur source de tension. Le fonctionnement et la régula-
3.6.5 Inductance continue tion de ces liaisons font l’objet du fascicule suivant [D 4 762]. Des
informations bibliographiques ainsi qu’une liste des liaisons
Une inductance peut être ajoutée en série dans le circuit continu continues en service dans le Monde sont présentées dans le
pour atténuer les harmoniques sans augmenter la capacité continue. fascicule [D 4 763].

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