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Serge Martin
© Armand Colin | Téléchargé le 25/04/2022 sur www.cairn.info via Université de Lausanne (IP: 130.223.6.95)
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compagnent engagent donc une réflexion sur le sens du sens dans le rap-
port lecture-écriture : il semble alors que dans les stratégies du sens et des
lectures-écritures en présence, la conceptualisation de la voix soit un révé-
lateur précieux. Entre les voix de l’interprétation et les voix du texte, les
voix autorisées et les voix inexpérimentées, les voix bruyantes et les voix si-
lencieuses, les voix conversantes et les voix de la sous-conversation… bref,
entre les voix il y a les voix entre, les voix de passage, les voix-relations. Cel-
les qui à la fois rappellent que « dans le langage, c’est toujours la guerre »
(O. Mandelstam) et que « le langage sert à vivre » (É. Benveniste). C’est à
quelques activités qui font de la voix un problème critique que cette ré-
flexion voudrait ouvrir pour que s’entendent au mieux les enjeux du
« débat interprétatif » à l’école.
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travaillé » (p. 168), puis apparemment élargie : « en situations d’exercice
[…] lire à voix haute tout texte utile à l’avancée du travail » (p. 171) et
« en toute situation […] oraliser des textes (connus, sus par cœur ou lus)
devant la classe pour en partager collectivement le plaisir et l’intérêt »
(ibid.). Conceptualisation triple qui distingue lecture à voix haute, orali-
sation et diction : s’agit-il d’un continuum ou d’une organisation hiérar-
chisée qui va de la restitution à l’interprétation en passant par la
compréhension rendue audible (« lecture expressive », disaient les anciens
programmes de l’école) ? Deux compétences relevant du « parler » en
littérature précisent cette dernière étape : « être capable de restituer au
moins dix textes (de prose, de vers ou de théâtre) parmi ceux qui ont été
mémorisés ; dire quelques-uns de ces textes en en proposant une interpré-
tation (et en étant susceptible d’expliciter cette dernière) » (p. 173). Où
la typologie textuelle mêle les genres (roman, poésie, théâtre) aux formes
(les proses, les vers, les dialogues2) occultant le fait que genres et
« formes » ne sont pas assimilables puisqu’elles ne se recouvrent jamais
terme à terme !
Les « lectures à haute voix (du maitre ou des élèves) » (p. 185) accompa-
gnent les « lectures silencieuses » et constituent un moment essentiel des
« rencontres avec les œuvres » en permettant « d’affermir la compréhen-
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« Donner la parole aux sans-voix »
sion de textes complexes, sans pour autant s’enfermer dans des explications
formelles difficilement accessibles à cet âge » (ibid.). Est réaffirmé à cette
occasion le statut privilégié des « œuvres poétiques et théâtrales » pour les
« transmettre au public de leurs camarades ou à un public plus large » en
vue d’une « mise en voix » et « en scène des textes » (ibid.). Mais on a
oublié entretemps que la voix haute a ses silences et que la silencieuse est
pleine de voix qui doivent s’entendre (pas seulement dans la subvocalisa-
tion…). Quand aux mises en voix, si elles oublient la voix, elles oublient
le poème, le texte et font entendre au mieux des clones télévisuels, des
échos culturels trop bien identifiés et au pouvoir identifiant redoutable (du
cabotinage enfantin aux singeries fabuleuses d’une Star Academy… adap-
tées au show-biz scolaire de fin d’année…).
Si l’on passe sur la confusion apparente de ces programmes, il semble bien
qu’il y ait au fond deux « voix » qui soient conceptualisées ou que la voix le
soit doublement : la voix y est un instrument de transmission et d’interpré-
tation du sens. De transmission quand le sens est monosémique et d’inter-
prétation quand il est polysémique… Ce qui repose donc sur un fonction-
nalisme double : communication s’agissant de textes à visée informative et
interprétation s’agissant de textes à visée esthétique. On pourrait déjà s’inter-
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roger sur cette dichotomie qui ignore les affects là pour les promouvoir ici.
Mais plus globalement, c’est toujours à une fonction de vérification-adéqua-
tion à ce qui précède ou à ce qui suit l’activité que la voix est convoquée signi-
ficativement et non à ce que seule elle invente potentiellement voire très
pragmatiquement et donc singulièrement. L’expression de « mise en voix »
(p. 189) indique la sortie du langage et de l’activité langagière triplement : si
« l’expérimentation active de la voix » est sollicitée, c’est d’abord pour en
apercevoir « ses effets (pauses, rythme, inflexions, intonations, intensité,
etc.) » en alléguant des fonctionnements coupés du sémantique et jamais
conçus comme système prosodique-rythmique, ensuite pour mieux articuler
« l’effort de compréhension et celui de diction » en validant le mystère d’une
compréhension dicible-audible réduite à quelques critères culturels qui bien
souvent font fi de l’œuvre, et enfin pour mesurer « l’épreuve du travail fait,
face à des auditoires variés » (ibid.) dans une sémiotique spectaculaire qui ne
construira jamais une critique de ce que le spectacle fait aux œuvres. Ce
qu’on fait à la voix dans une telle conception c’est de la mettre en conforma-
tion aux « intentions » de l’auteur et aux « attentes » du public…, au lieu de
trouver le poème-relation de sa lecture, d’inventer dans le même mouvement
la voix, le lecteur et l’auditeur comme « auteur » (dans le sens de créateur et
non d’autorité) ou sujet du poème. La dernière remarque des programmes
sur ce problème de la voix est significative :
« La lecture à haute voix joue un rôle important lors de la rédaction d’un
texte ou à un moment de sa révision. Dire son texte ou le texte d’un cama-
rade, c’est en expérimenter la cohésion et les effets. » (p. 189)
Si cette remarque apparait de bon sens en invoquant un savoir-faire
pratique des maitres et des élèves, elle reste néanmoins faible du point de
vue de la conceptualisation de la voix s’agissant de l’écriture comme de la
lecture alors même qu’elle tente de rendre la voix à l’écriture : limiter
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Le Français aujourd’hui n° 150, Voix. Oralité de l’écriture
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de points de vue qui souvent viennent confirmer des identités préétablies
(« horizon d’attente » et autres politiques de la réception des textes qui
nient les processus relationnels et donc dialogiques que seules les œuvres
de langage peuvent enclencher), mais d’abord le principe d’une relation
dans et par le langage qui pose au principe de tout discours ouvert par la
lecture des œuvres un dialogisme fondamental ;
– que le débat vise autant, sinon plus, à écouter et à vivre des manières
de dire qu’à défendre des idées ou à contester des représentations ou des
points de vue.
Poser de tels enjeux, c’est le seul moyen d’éviter les écueils traditionnels :
1) la réduction du débat interprétatif à l’opposition des individualismes
lectoraux qui conduit soit à plébisciter les « bons textes » et pourquoi pas à
éliminer majoritairement les « mauvais » et donc à réduire la littérature à
ce qu’elle dit correctement ou à réduire le rapport aux textes à un rapport
de consommateur aux objets (mode, choix, sondage, etc.) ;
2) la clôture du débat interprétatif par l’imposition d’une autorité inter-
prétative par la voix magistrale – qu’elle fasse appel aux « grands
interprétants » (version de l’enseignement secondaire qui maintient, sous
deux modes, religieux ou sécularisé, le rapport aux œuvres dans le rapport
aux absolus représentés par des « savants » : le « littéraire » dans et par ses
catégories de prédilection telles que la « littérarité », l’« esthétique », le
« thématisme », le « sociologique », etc. et leurs disciplines constituées) ou
à la séduction affective (versions de l’école maternelle ou de la transmission
familiale qui subordonnent le rapport aux œuvres au rapport aux média-
teurs – mais on pourrait retrouver cette modalité dans certaines « lectures
théâtrales »).
C’est alors l’ouvrir à l’aventure du rapport aux œuvres qui est l’inconnu
de la relation dans et par le langage : cet inconnu est la condition de cons-
truction conjointe de la démocratie et de la lecture (e-lectio) dans les insti-
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« Donner la parole aux sans-voix »
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de défis discursifs plus que sportifs, et que l’insulte est un fait de discours
qui lie une poétique et une éthique bien plus qu’une rhétorique et une
pragmatique. L’instantané dramatique qui permet, de la répétition-appro-
priation à l’improvisation, d’incorporer une scène avec ses mouvements
intersubjectifs tente également de faire jouer l’oralisation beaucoup plus
par le théâtre dans la voix que par la ou les voix sur une scène : ce sont les
déplacements et les transformations qui importent plus que les représenta-
tions. Enfin, le « documenteur », s’il vise à lier écriture définitionnelle
paraphrastique et écriture fictionnelle, ouvre surtout à la construction d’un
univers référentiel que seul le langage non instrumentalisé permet de cons-
truire. C’est donc parallèlement à ces activités que les élèves sont sollicités
pour « donner la parole aux sans-voix », en l’occurrence aux témoins que
malicieusement Bonniol et Corentin ont disposés tout au long de leurs
récits : un escargot puis « Nours » chez Bonniol et, chez Corentin, deux
souris qui in fine concluent l’album en bas à droite de la dernière planche
sur laquelle les protagonistes principaux dorment après avoir épuisé leurs
arguments… et qui tout au long de l’album semblent commenter pour
elles-mêmes les évènements. L’activité comporte deux moments princi-
paux, lesquels permettent de « monter » en écriture sa propre lecture et,
plus précisément, l’histoire de sa lecture :
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1) « Écris ce que pense l’escargot (p. 9, 13-15) de l’album de Bonniol. »
2) « Écris ce que rêvent Nours et l’enfant-narrateur… sur la dernière
planche de l’album (p. 35).
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« Donner la parole aux sans-voix »
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2) « Écris ce que disent et ce que pensent les souris sur la dernière planche
(planche 22). »
D’une part, la liberté est de mise au sens où chaque élève peut à sa guise
dans son histoire de lecteur-scripteur reprendre des passages du texte des
ouvrages en question, poursuivre les suggestions de ce texte – et des images –
ou encore le porter ailleurs. Ce qui compte c’est que chacun s’engage dans
le mouvement de l’œuvre et plus précisément par la multiplicité des occa-
sions offertes, par leur reprise ; c’est que chacun réponde l’œuvre, comme
Claudel disait qu’il répondait les Psaumes : répondre l’œuvre c’est
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Le Français aujourd’hui n° 150, Voix. Oralité de l’écriture
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tion d’un sujet qui porte le sens à la hauteur de la voix, de la voix-
relation.
Que Bonniol conclue sur « En tout cas, pour ne rien faire, on est doués
tous les deux ! » en montrant l’enfant allongé avec son Nours sur le ventre
une jambe levée légèrement vers un à-venir du livre, c’est certainement
parce que ce livre, s’il a interrogé l’activité multiforme et inventive d’un
« ne rien faire » et donc engagé la critique des dispositifs sociaux-familiaux
de l’occupation des enfants qui s’ennuient…, a surtout inventé un singu-
lier pluriel ou un pluriel singulier à la fois linguistique et culturel (« on est
doués tous les deux »), où la grammaire et le jeu sont des faits de discours
et donc de sujets dans et par le langage : sujet-relation.
Que Corentin arrive à suggérer que le racisme est une construction
discursive qui étend l’insulte à tout le langage (dénomination autant
qu’interpellation) en partant de situations banales (« chercher le sel » et
« occuper le fauteuil vert du salon »), ce n’est pas pour ouvrir les vannes
d’un moralisme consensuel mais bien pour augmenter l’attention au
langage. Alors la plupart des voix que les silences bruissants des illustrations
ne manquent pas d’introduire, autant que le rire que chacun entend sous
la voix raciste du chat, contribuent au débat qui fait rage dans l’album
avant qu’il ne trouve ses multiples résonances dans les activités de lecture-
écriture des élèves. Ces résonances sont des reformulations de problèmes et
non des solutions toutes faites aux situations que peut évoquer l’album. Par
exemple : « Je n’ai rien dit non plus lorsque, plein de pattes sales, il s’est
installé, le rustre, dans le fauteuil vert du salon… MON FAUTEUIL »
(planche 6) ; la prétérition montre sa violence en alternant staccato la
double caractérisation outrancière qui démultiplie un fragment corporel
puis qui rejette hors civilisation avant de réduire celle-ci à la propriété privée.
Bref, Corentin montre bien que le langage est langage-relation ouvrant ou
barrant les processus de subjectivation : l’interrogation porte clairement
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« Donner la parole aux sans-voix »
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dramatique et l’écriture elle-même dans une alternance judicieuse en
n’oubliant pas que la voix de tel personnage est enlacée à celle des autres et
donc en faisant écrire de préférence les paroles des autres pour mieux
entendre la voix de celui qu’on cherche. Consignes d’écriture réalisée paral-
lèlement au jeu dramatique en reprenant l’écriture au fur et à mesure du
développement du jeu :
Qui sommes-nous ? : « Écrire ce que pensent les personnages ».
Absence : « Le mari et sa femme n’en pensent pas moins… Écrire ce qu’ils
pensent chacun de leur côté… ».
Qui sommes-nous ?
Personnages
DEUX HOMMES TRISTES
DEUX FEMMES TRISTES
N’importe où. Les personnages sont assis.
Les deux Hommes tristes et les deux Femmes tristes prennent place à l’avant-
scène, assis tristement, les jambes ballantes.
Ils fixent devant eux un point vague.
L’un d’eux tire de sa poche un paquet de chewing-gum, l’ouvre lentement, dé-
plie la tablette, la fourre dans sa poche, jette le papier par terre, et mâche
nonchalamment.
Il est aussitôt imité par les trois autres.
Ils mâchent longuement, avec application, le regard dans le vide.
© L. Calaferte, Pièces baroques III, Saint-Claude-de-Diray,
éditions Hesse, 1996, p. 106.
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Le Français aujourd’hui n° 150, Voix. Oralité de l’écriture
Absence
Personnages
UN MARI
SA FEMME
Une salle de séjour.
Le Mari et sa Femme sont assis l’un à côté de l’autre sur le canapé. Silence pro-
longé.
LA FEMME
À QUOI TU PENSES ?
LE MARI
À RIEN.
Le silence retombe.
Ils sont assis l’un à côté de l’autre sur le canapé.
© L. Calaferte, Pièces baroques III, Saint-Claude-de-Diray,
éditions Hesse, 1996, p. 149.
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toujours plus ou moins l’amélioration, et donc postulent qu’un « beau »
texte ou qu’un texte « conforme » doit être à l’horizon de l’activité. Si la
consigne semble répétitive, la situation d’écriture est en permanence diffé-
rente, ce qui laisse à chacun le rythme de son engagement et l’ampleur de
son écriture mais également les possibilités de reprise et donc de relance
qu’offrent les modalités de cette écriture subjective : reprises avec transfor-
mations des fragments de l’album (paroles des personnages ou passages du
narrateur), commentaires personnels comme en lecture avec couverture
assurée par le masque de la situation d’énonciation (« C’est la souris qui dit
cela ! Pas moi ! »), énoncés pouvant se contenter de formulations brèves
ou, au contraire, s’engageant dans l’explication, l’argumentation voire
l’imagination. Ces situations d’écriture courte reprises régulièrement dans
l’emploi du temps de la classe parallèlement aux autres activités signalées
ci-dessus, aident l’élève à construire sa lecture dans un parcours qui le
protège d’une part et, d’autre part, dans une implication distanciée qui met
le parlé dans l’écrit, le commentaire dans le prolongement du récit, la
critique dans le mouvement de l’écriture de l’œuvre et le lecteur dans le
sujet de l’œuvre, dans son passage, son écoute qui est aussi l’écoute de ce
qu’on se découvre devenir avec l’œuvre.
Précisons que la montée est bien double : écritures successives de
« paroles » et/ou de « pensées » et écritures dialoguées, ce qui construit
doublement le dialogisme fondamental de cette activité en posant une
parole qui se transforme d’écrit en écrit, de paroles en pensées et d’un inter-
locuteur à l’autre. Les « sans-voix » deviennent pleins de voix faisant ainsi
de l’élève un lecteur-voix, pleins d’échos que seules l’œuvre et sa lecture
dans leurs historicités propres permettent, ici par l’activité d’écriture,
ailleurs par l’activité « dramatique », etc. On comprend alors que chaque
voix compte d’autant plus qu’elle est pleine de toutes les autres… dans leur
infinie résonance. Ce qui d’une certaine façon accomplit dans son accom-
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« Une voix pleine de voix »
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(p. 17) « par bouts » (p. 29) : « ce qu’ils avaient oublié » (p. 33). Alors, « avec
eux on parle tout seul » (p. 37) et on continue certainement « ce cri », celui
de Godeleine, celui que pousse le poème « Godeleine, as-tu crié pour
mourir » (p. 49). Alors on peut essayer d’écrire « ce qu’ils disent on ne le tient
ni d’une oreille ni de l’œil / quelquefois, dans un instant privilégié, on sent
que ça nous traverse » (p. 60). Non d’écrire pour mais d’écrire par… ce qui
pourrait se faire en lisant, relisant à voix haute ou basse longuement ces textes
qui virent de l’italique au romain pour revenir penché : oui d’écrire penché
par ce poème jusqu’à entendre ce qui vit dans et par cette écriture. Il faudrait
alors seulement noter ces expériences de lecture (enregistrements puis
montage6, écoute des variantes des lecteurs, échanges d’expériences de
lectures, notations anthologiques diverses…) :
« j’ai mis mes fleurs, en attendant, sait-on jamais
je me suis mis des fleurs devant
[…]
des morts passent d’abord
et leurs fleurs se tuent en me poussant les pieds. » (p. 83)
Les fleurs ont changé de sujet (de « mes » à « leurs ») : passage qui pousse
« les pieds » d’une parole où s’entendent au présent tous les sans-voix dans
nos voix : ils « passent d’abord » et nous font « vivants » vraiment.
Serge MARTIN
5. L. Degroote, Pensées des morts, Saint-Benoît-du-Sault, Tarabuste, 2002.
6. Il faudrait insister pour que tous les élèves ne cessent de collectionner tout au long de
leur scolarité des enregistrements réguliers de lectures-dictions afin d’en réaliser périodi-
quement le montage pour esquisser une histoire (les histoires) de leur voix, des voix de leur
voix…
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