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Annales littéraires de l'Université

de Besançon

Un Phrygien à Dyrrhachion
Pierre Cabanes

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Cabanes Pierre. Un Phrygien à Dyrrhachion. In: Mélanges Étienne Bernand. Besançon : Université de Franche-Comté, 1991.
pp. 55-60. (Annales littéraires de l'Université de Besançon, 444);

https://www.persee.fr/doc/ista_0000-0000_1991_ant_444_1_2793

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UN PHRYGIEN À DYRRHACHION

Pierre CABANES

Il m'est agréable de donner cette contribution aux Mélanges


préparés en l'honneur d'Étienne BERNAND, qui a bien voulu,

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(cf. J. et L. ROBERT, Bull, épigr., 1963, 35 à Aphrodisias,


1964, 596 dans une épitaphe de Lycaonie, 1971, 640 dans une
inscription de Hiérapolis, 1972, 468 et 473, 1976, 492, 1977,
292 et
dans les419
îlesp.(cf.
396)
P.-M.
; le FRASER
nom est aussi
- E. MATTHEWS,
présent en Cyrénaïque
A Lexicon
et
of Greek Personal Names, I, p. 198) ; dans ΜΑΜΑ VII, on
compte quinze Zôtikos et 28 Markos. Le nom est précédé de
l'ethnique qui se lit sur la pierre nPOYMIAcceA que nous
corrigeons en Προυμ(ν)ασσέα, car il s'agit certainement de la cité
de Prymnessos en Phrygie, son pays natal, comme le précise la
ligne 5.
- 1. 3 : la mention de la terre macédonienne, qui, à la ligne
6, est la terre de Dyrrhachion, permet d'affirmer que l'inscription
date de l'époque durant laquelle Dyrrhachion est rattachée à la
province de Macédoine, avant la fondation de la province
dEpirus nova par Dioclétien en 284.
- 1. 5 : faut-il écrire γεννητόν, qui devrait être suivi d'un
génitif (fils de la Phrygie), ce qui n'est pas le cas ici, mais ce sont
bien les lettres que porte la pierre, ou faut-il corriger en γεννηθ '
δν (qu'a engendré la Phrygie) ? Le sens n'est pas douteux et ce
ne serait pas le seul endroit où la lecture de la pierre rend
nécessaire des corrections ou des ajouts (cf. lignes 7, 8, 9).
- 1. 6 : Δυρρακέη au lieu de la forme normale Δυρραχηνος
ou Δυρραχηνός ou Δυρράχιος.
- 1. 7 : le dernier mot paraît amputé de sa première lettre,
qui a été, semble-t-il, rajoutée sous la forme d'un trait entre Ν et
Y ; le sens, là encore, n'est pas douteux. Cette ligne est le début
de la formule de malédiction funéraire, très caractéristique de la
région de Phrygie, et qui est transportée jusqu'aux rives de
l'Adriatique pour la sépulture de ce jeune Zôtikos de Prymnessos
mort à quinze ans, bien loin de sa terre natale (cf. sur ces
malédictions, L. ROBERT, Malédictions funéraires grecques,
Comptes rendus Acad. Inscr., 1978, p. 242-289 repris dans
Opéra Minora selecta, V, p. 697-745) : l'auteur souligne, p.
253 : "En effet la Phrygie est le domaine par excellence des
imprécations funéraires" et il fournit de nombreux exemples de
ces malédictions dont les termes sont souvent plus violents que
ceux que nous rencontrons ici.
- 1. 8 : la pierre porte nettement CIHAAHN qui doit être
corrigé en σ(τ)ήλλην : sont visés dans cette malédiction à la fois
les auteurs de dégâts à la tombe et ceux qui porteraient atteinte au
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monument lui-même, à la stèle. Sur les verbes σκυλδν, σκύλλειν


et leur emploi en Phrygie voir L. ROBERT, ibid., p. 271-274.
- 1. 9 : elle est sans doute la ligne la plus difficile en raison
d'abréviations utilisées en bout de ligne ; le sens n'est pas
douteux, il s'agit de souhaiter pour le malfaiteur qui porterait
atteinte à la tombe et au monument qu'il voit έν άλλοδαπη, en
terre étrangère, la vengeance des dieux : celle-ci est définie dans
les derniers mots de la ligne qui sont ainsi écrits
ΤΟΙΑΤΕΚΗΚΛΟ, aves ligature entre H et Κ ; il paraît possible
de lire, d'abord, le mot TOIA, qui peut être suivi de l'abréviation
τέκ(νοις) qui vise donc les enfants du malfaiteur, ce qui est
courant dans ces malédictions ; il est vrai qu'une autre coupe
serait imaginable,
terme, courant à Bouthrôtos
en lisant et
TOI
à Dodone,
ATEK,dce
'ateknos,
qui renverrait
c'est-à-dire
au
qu'on souhaiterait au pilleur de tombe de n'avoir aucun enfant,
mais cette solution a l'inconvénient de laisser sans explication les
trois lettres qui suivent. Restent les lettres ΚΛΟ, qui doivent être
une abréviation, probablement d'un mot au neutre pluriel comme
κλο(πεία), qui signifie qu'on souhaite au malfaiteur de voir de
tels vols atteindre la sépulture de ses enfants ; on pourrait aussi
penser au mot κλο(ιά) signifiant carcans, colliers de chiens, mais
cette forme du pluriel n'est pas courante.
D. FEISSEL ajoute les remarques suivantes : "Les lignes
1-10 forment un distique suivi de deux hexamètres" et il propose
la présentation adoptée ci -dessus du texte gravé sur 10 lignes ;
"la métrique n'est pas mauvaise, sauf, 1. 1 Μάρκοιο, il fallait

Μάρκου
prosodie".
"Le mais
vers 3l'auteur
(1. 5-6) aest
préféré
d'une syntaxe
la couleur
difficile
homérique
mais ilà me
la

semble que Φρυγ{η et Δυρρακέη sont deux épithètes au nominatif

(que le premier
construction)
l'antithèse et je traduirais
qualifiant
soit substantive
tantχθών.
bien que
J'indique
ne
malchangerait
: "La
par
terre
une
de
rien
Phrygie
virgule
à la

m'a reçu à la naissance, celle de Dyrrachium à la fin". Mieux


vaudrait peut-être νέκυν £λλαχε, mais ce n'est pas à nous de
récrire l'épigramme".
"Quant au vers 4, je remarque seulement que les syllabes
énigmatiques sont compatibles avec l'hexamètre. Peut-être est-il
permis malgré cela d'y voir un ou deux mots abrégés : τέκ(να)
est tentant, mais faute d'une solution globale je crois préférable
de laisser en majuscules le passage litigieux".
58

"Deux mots de commentaire. L'onomastique est banale,


mais "épichorique". Proumnasseus a un vocalisme intéressant
que je ne puis expliquer mais que la métrique seule n'exigeait
pas. En revanche, l'ethnique insolite de Dyrrachium peut être dû
à la nécessité d'éviter Δυρραχηνός, qui n'est pas dactylique. La
forme de l'épigramme n'a rien d'original, noter Xincipit v Ενθα
με en Phrygie (PEEK 966) mais aussi à Rome (MORETTI,
IGUR
1208, ΠΙ,
10)".1252) ; κλώσμασι μοιριδΐοις également à Rome (ibid.

Cette épitaphe fournit un témoignage remarquable de la


mobilité des habitants de l'Empire qui, dès leur jeune âge,
voyagent du cœur de l'Anatolie jusqu'aux rives de l'Adriatique.
La "taverne de l'Adriatique", selon les termes utilisés par Catulle
36 pour désigner la cité de Dyrrhachium, accueille sur ses quais
des marchands de tout le bassin oriental de la Méditerranée, qui
viennent y échanger leurs produits, avant de passer vers l'Italie et
vers les ports gaulois ou hispaniques. Zôtikos devait
accompagner son père dans une traversée vers Dyrrhachion ; la
maladie, ou l'accident l'a emporté, mais son épitaphe témoigne
du souci du respect de sa sépulture et porte les malédictions si
caractéristiques des tombes de Phrygie, sa terre natale.
Inscription
Musée archéologique
de Zôtikos
de Tirana,
de Prymnessos
inv. 1848.

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