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UNIVERSITE DE MONASTIR

FACULTE DE MEDECINE DE MONASTIR

Année Universitaire : 2019-2020

MMAA : Sémiologie rhinologique destinée aux


étudiants du PCEM2

Dr. Mehdi Hasnaoui


AHU au Service ORL et CCF,
CHU Taher Sfar, Mahdia
Préambule :

La sémiologie ORL est riche. On la divise en fonction des différentes régions anatomiques de
la sphère ORL en sémiologie rhinologique, otologique, cervicale, pharyngo-laryngée, de
l’oropharynx et de la cavité buccale. Dans ce module, nous allons traiter la sémiologie
rhinologique.

La sémiologie rhinologique est l’ensemble des signes fonctionnels et physiques qui sont en
rapport avec les cavités naso-sinusiennes.

Un signe fonctionnel correspond à un symptôme exprimé et ressenti par un patient. Il est


recherché par l’interrogatoire.

Un signe physique est un signe découvert par le médecin en examinant le patient.

Une maitrise parfaite de la sémiologie est nécessaire pour une bonne démarche diagnostique.

Concepts-clés :

- L’interrogatoire doit être méthodique


- Un bon interrogatoire est dit « policier » ; il doit faire dégager et détailler tous les
signes fonctionnels rhinologiques sans oublier les autres signes fonctionnels
- Un examen physique doit être complet (rhinologique, le reste de l’examen ORL et
somatique) et méthodique
- L’examen physique doit comporter une nasofibroscopie pour un examen complet des
deux fosses nasales et surtout du cavum

Objectifs éducationnels :

1/ Conduire un interrogatoire structuré et méthodique

2/ Définir chaque signe fonctionnel

3/ Etablir le lien entre un signe fonctionnel et une localisation anatomique et une pathologie
donnée

4/ Distinguer les différentes étapes de l’examen rhinologique

5/ Etablir le lien entre un signe physique et une localisation anatomique et une pathologie
donnée
Pré-requis :

- Anatomie des cavités naso-sinusiennes


- Histologie de la muqueuse naso-sinusienne
- Physiologie de l’olfaction et de la respiration

Vignette clinique :

Un patient âgé de 35 ans consulte pour des douleurs sous-orbitaires gauches aggravées par la
position penchée en avant et associés à une rhinorrhée qui était séreuse au début puis devenue
purulente. Le patient présente aussi une obstruction nasale bilatérale plus marquée à gauche.
Le tous évolue depuis 3 jours. Le patient ne rapporte pas d’épistaxis ni d’anosmie ou
hyposmie.

A l’examen : température : 39°

La rhinoscopie antérieure révèle une muqueuse nasale congestive avec des secrétions
purulentes dans le méat moyen gauche.

Le diagnostic retenu est une sinusite maxillaire aigue.

Pré-test :

1/ réaliser un interrogatoire structuré chez ce patient

2/ définir les termes : rhinorrhée, épistaxis, anosmie, hyposmie

3/ quels sont les signes fonctionnels qui ont orienté le diagnostic de sinusite aigue

4/ énumérer les différentes étapes de l’examen rhinologique

5/ quel est le signe physique qui confirme le diagnostic de sinusite aigue


Document de base :

I. Rappel anatomique :

Les fosses nasales constituent la structure la plus haute des voies respiratoires situées entre le
milieu extérieur et le cavum (ou rhinopharynx)

Les fosses nasales peuvent être comparées à un parallélépipède ayant :

Une paroi médiale : appelée cloison nasale ou septum nasal. Elle est cartilagineuse en avant et
osseuse en arrière

Une paroi inférieure : ou plancher. Elle répond à la voute palatine. Elle sépare la cavité nasale
de la cavité buccale.

Une paroi supérieure : toit ou plafond. Faite essentiellement par l’os nasal et la lame criblée
de l’éthmoïde. Cette dernière joue un rôle important dans la physiologie nasale parcequ’elle
supporte la muqueuse olfactive.

Une paroi latérale : elle est marquée par 3 reliefs importants : cornet inférieur, cornet moyen
et cornet supérieur. Les cornets sont des minces lames osseuses enroulées sur elles-mêmes.
Chaque cornet délimite avec la paroi latérale un méat (orifice). On distingue 3 méats :

- Méat supérieur : dans lequel s’ouvrent les cellules ethmoïdales postérieures et le sinus
sphénoïdal
- Méat moyen : dans lequel s’ouvrent les cellules ethmoïdales antérieures, le sinus
maxillaire et le sinus frontal
- Méat inférieur : dans lequel s’ouvrent les voies lacrymales (canal lacrymo-nasal)

Les sinus para-nasaux : sont des cavités aériennes creusées dans les différents os de la face
et du crâne. On distingue 4 paires de sinus :

- Le sinus maxillaire : sa paroi antérieure correspond à la joue. Sa face supérieure rentre


dans la constitution du plancher de l’orbite. Son plancher est en rapport avec les
alvéoles dentaires.
- Le sinus ethmoïdale : la zone de projection antérieure des sinus ethmoïdales se situe
entre les deux orbites à la racine du nez. Il est formé de cellules polygonales. Les
rapports essentiels sont l’orbite latéralement et l’endocrâne en haut.
- Le sinus frontal : il est situé au dessus du rebord orbitaire supérieur. Ses rapports sont
l’orbite en bas et la fosse crânienne en haut.
- Le sinus sphénoïdal : il est creusé dans l’os sphénoïdal. Il est en rapport avec
l’hypophyse en haut et l’endocrâne en dehors.

II. Interrogatoire :
On doit recueillir les données suivantes :
- Age, sexe
- Origine géographique (pollution, exposition aux pollens)
- Profession (exposition aux bois)
- Habitudes de vie : tabagisme quantifié en PA, consommation d’alcool à quantifier
- Antécédents :
Familiaux
Personnels :
- médicaux : tares, allergie connue respiratoire, cutanée ou digestive, irradiation
- chirurgicaux : chirurgie rhino-sinusienne antérieure, traumatisme nasal, soins dentaires

On doit préciser pour chaque signe fonctionnel rhinologique :


- Le mode d’apparition brutal ou progressif
- Le caractère aigu ou chronique
- Le caractère permanent ou intermittent, les intervalles libres,
- La chronologie et l’évolution des symptômes depuis leur apparition, les variations dans la
journée, la semaine, le mois, l’année, en fonction des saisons, des lieux de vie et de travail.
- Le côté uni ou bilatéral
- L’intensité
- Le retentissement sur la vie quotidienne, physique, sociale, professionnelle
- le retentissement sur le sommeil
- Les facteurs déclenchants / aggravants
- Les facteurs améliorant les symptômes
- Les signes associés : ophtalmologiques, neurologiques, bucco-dentaires
- Les traitements déjà pris et leur efficacité.
1. L’obstruction nasale :
Elle correspond à la sensation de nez bouché, bloqué, de nez plein... Cette sensation peut être
uni ou bilatérale, parfois à bascule (un côté puis l’autre). On notera sa durée, les intervalles
libres, son intensité, sa répercussion sur la qualité du sommeil. Une obstruction nasale
importante aura une répercussion sur le sommeil qui deviendra peu ou pas réparateur. Elle
peut s’accompagner d’un ronflement nocturne.

Par ailleurs on retiendra qu’une obstruction nasale unilatérale est suspecte de tumeur des
fosses nasales jusqu’à preuve du contraire.

2. La rhinorrhée :

Elle correspond à un écoulement en provenance des fosses nasales.

Devant une rhinorrhée, on doit préciser :

- son siège : antérieure, par les orifices narinaires, ou postérieure, par les choanes vers le
rhinopharynx. La rhinorrhée postérieure est aussi appelée jetage postérieur, et peut
s’accompagner de hemmage (raclement pharyngé réflexe).

- son aspect : aqueux, séreux (transparente), muqueuse (blanchâtre), purulente (jaune-verte).

- son abondance est difficilement quantifiable. Elle peut être appréciée par le besoin de se
moucher et sa fréquence.

- son odeur : une rhinorrhée unilatérale fétide chez un enfant doit faire éliminer un corps
étranger de la fosse nasale.

La rhinoliquorrhée est un écoulement de LCR au niveau des fosses nasales. Elle apparait sous
la forme d’une rhinorrhée eau de roche, unilatérale, toujours du même côté, parfois spontanée,
le plus souvent déclenchée lorsque le malade penche la tête en avant ou se retrouve en
position déclive. Cet écoulement est la conséquence d’une brèche ostéoméningée de la base
du crâne. Ces brèches sont majoritairement post-traumatiques ou post-opératoires.

L’épistaxis :

Une épistaxis est un saignement provenant des fosses nasales. Comme la rhinorrhée, il faut
preciser si elle est antérieur ou postérieur. Son abondance est difficilement quantifiable
notamment pour tout ce qui s’est passé au domicile du patient. On retiendra la durée du
saignement qui donnera une idée indirecte de l’abondance. Son caractère répétitif. On
recherchera les circonstances de survenue et on évalura les signes de gravité consécutifs à la
perte sanguine (tolérance cardio vasculaire, respiratoire et neurologique).

4. L’éternuement et le prurit :

Ces deux signes témoignent d’une réaction de la muqueuse nasale aux variations souvent
brutales de l’environnement (température, luminosité, odeurs…). Ils peuvent s’inscrire dans
un contexte allergique dont ils sont assez spécifiques lorsqu’ils sont trop fréquents et intenses.

Les éternuements seront alors volontiers fréquents et répétés en salve de 4 ou 5 éternuements,


plusieurs fois par jour, par périodes, parfois la nuit. Il est important de caractériser les facteurs
déclenchants.

Le prurit peut être nasal, vestibulaire, de la pointe du nez, mais aussi oculaire
(rhinoconjonctivite allergique). Il peut s’associer dans un contexte atopique un prurit
auriculaire (conduit auditif externe) ou palatin.

5. Les douleurs faciales et céphalées :

Les douleurs d’origine sinusienne sont localisées en regard du sinus concerné par l’infection :

- sus-orbitaire pour le sinus frontal

- médio-faciale pour l’ethmoïde

- sous orbitaire pour le sinus maxillaire

- rétro orbitaire pour le sinus sphénoïdal.

Les douleurs de sinusite aigue ont pour caractéristiques d’être intenses, insomniantes,
pulsatiles, permanentes, d’aggravation vespérale ou en deuxième partie de nuit, non calmées
par les antalgiques simples, aggravées par la position déclive penchée en avant (signe du
lacet), lors des efforts de toux ou en pression. Elles sont en revanche soulagées lors des
mouchages.

Les céphalées d’origine nasale sont le signe indirect d’une obstruction nasale. Il s’agit d’une
pesanteur faciale sus-orbitaire, en barre frontale, le matin au réveil. Elle est sensible aux
antalgiques et disparait spontanément dans la matinée.
6. Les troubles de l’odorat :
On distingue :
Des anomalies quantitatives :
- Anosmie : perte complète de l’odorat. Elle s’accompagne d’une agueusie.
- Hyposmie : diminution partielle de l’odorat. Elle ne s’accompagne pas d’une agueusie.
Des anomalies qualitatives : les dysosmies :
- Cacosmie : perception d’une odeur désagréable. La cacosmie peut être objective lorsqu’elle
est perçue par le patient et par son entourage correspondant alors à un stimulus malodorant
existant (sinusite dentaire). La cacosmie est dite subjective lorsqu’elle est perçue par le patient
mais pas par son entourage ne correspondant pas à une odeur malodorante réelle.
- Parosmie : Distorsion des odeurs. L’odeur ressentie par le patient ne correspond pas au
stimulus initial. Trouble de l’identification.

III. Examen physique :


1. Examen de la pyramide nasale :

On recherchera une déviation de la pyramide nasale, des séquelles visibles de traumatismes


(enfoncements, cicatrices, déviation). L’examen cutané recherche l’existence de tumeurs
cutanées (carcinomes baso ou spinocellulaires), de signes indirects de mouchages répétés
(inflammation des ailes du nez, du philtrum). On recherche un œdème de la racine du nez qui
peut être le signe d’une Ethmoïdite.

2. Examen des fosses nasales :

La rhinoscopie antérieure :

La rhinoscopie antérieure permet un examen de la partie antérieure de la fosse nasale. Elle est
réalisée grâce à un spéculum nasal et une lumière frontale

On recherchera des anomalies morphologiques, architecturaux comme une déviation de la


cloison nasale ou une augmentation taille des cornets inférieurs.

La muqueuse nasale peut être normale (rosée, légèrement humide), inflammatoire


(oedematiée, érythémateuse), sèche, ulcérée ou crouteuse, lilacée (couleur du lilas violet)
notamment chez les patients allergiques.

On notera la qualité et la quantité des sécrétions. Une fosse nasale n’est jamais sèche, la
muqueuse doit toujours être humide, tapissée d’un film parfaitement homogène et transparent.
Chez le tabagique, la qualité des sécrétions se modifie. Elles seront volontiers plus collantes,
visqueuses, translucides tendues entre le septum et les cornets (sécrétions dites « en corde à
linge »).

Les processus pathologiques occupants seront parfois déjà visibles à la rhinoscopie antérieure
en fonction de leur volume : polype inflammatoire (formation translucide en grain de raisin),
tumeur bénigne ou maligne, corps étranger.

La nasofibroscopie :

Elle est indispensable pour un examen complet des deux fosses nasales et du cavum.

Elle utilise une fibre optique souple. On peut faire une endoscopie nasale à l’aide des optiques
rigides.

Elle permet notamment d’accéder au méat moyen non visible en rhinoscopie antérieur qui est
le lieu de drainage des sinus maxillaire et frontal et des cellules ethmoïdales antérieures. Elle
permet d’explorer la fente olfactive, le cavum et d’éliminer un processus tumoral endonasal.

IV. Pathologie :

Rhinopharyngite aigue :

Les symptômes sont :


- Rhinorrhée aqueuse ou muqueuse, antérieure et postérieure.
- Pesanteur faciale
- Fièvre
L’évolution est spontanément favorable en 4 à 7 jours.

Sinusite aiguë bactérienne :

Les signes fonctionnels sont :


- Douleur d’origine sinusienne typique (unilatérale, en regard du sinus concerné, pulsatile,
augmentée en position déclive, en fin d’après-midi ou en deuxième partie de nuit)
- Persistance ou augmentation de la douleur après 48h de traitement symptomatique
- Augmentation de la rhinorrhée, de sa purulence et sa tendance à devenir unilatérale
A l’examen : la présence de pus au niveau du méat moyen est un signe pathognomonique de
sinusite aiguë bactérienne.
Ethmoidite :

un oedeme palpébral erythémateux ou un œdème de la racine du nez doit faire évoquer une
éthmoidite

La rhinite allergique :
Les symptômes sont :
- L’obstruction nasale bilatérale
- La rhinorrhée aqueuse
- Les éternuements en salve et le prurit

Les tumeurs naso-sinusiennes, cancer du cavum :

Toutes symptomatologie unilatérale est une tumeur jusqu'à preuve du contraire.

Une épistaxis unilatérale à répétition doit faire suspecter une tumeur des fosses nasales.

V. Conclusion :

Un interrogatoire et un examen physique complets et méthodiques constituent la clé du


diagnostic et par la suite la prise en charge.
Tests d’auto-évaluation :

1/ Définir une rhinoliquorrhée

2/ Définir une anosmie

3/ Citer 4 signes fonctionnels témoignant d’une rhinite allergique

4/ Quelle est la particularité des signes fonctionnels qui permet de suspecter une tumeur des
fosses nasales

5/ Citer un signe physique témoignant d’une éthmoidite

6/ Quel est le geste à faire pour examiner le cavum

Annexes :

Références bibliographiques

1. Bonfils P, Chevalier J-M. Anatomie ORL. Paris, Edition Flammarion Médecine-


Sciences. 2005, 427 pages.
2. Probst R, Grevers G, Iro H. Basic Otolaryngology. A Step-By-Step Learning
Guide. New-York, Editions Thieme. 2006, 430 pages.

Glossaire :

- Ethmoïdite : infection bactérienne de l’éthmoïde


- Sinusite maxillaire aigue : infection bactérienne du sinus maxillaire. Elle est parfois
consécutive à la surinfection bactérienne d’un sinus à la suite d’une rhinopharyngite
virale.
- Rhinopharyngite aigue :rhume, infection généralement virale des muqueuses nasales
- Rhinite allergique : rhinite secondaire à une hypersensibilisation à une substance
étrangère dénommée allergène
Illustrations :
nasofibroscopie
Œdème palpébral et de la racine du nez : ethmoidite

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