thérapeutique
l'équipe et les patients
Chez le même éditeur
Autres ouvrages :
Guide pratique du diabète, par A. Grimaldi. 4e édition, collection Médiguides. 2009, 312 pages.
Pharmacie clinique et thérapeutique, par l'Association nationale des enseignants de pharmacie
clinique et F. Gimenez. 2008, 1344 pages.
Endocrinologie, diabétologie et maladies métaboliques, par le Collège des enseignants
d'endocrinologie, diabète et maladies métaboliques. Collection Abrégés connaissances et pratique,
2007, 512 pages.
Guide pratique de l'asthme, par B. Dautzenberg, 3e édition. Collection Médiguides, 2006, 184 pages.
La Réhabilitation du malade respiratoire chronique, par C. Préfaut et G. Ninot, 2009, 528 pages.
Pratiquer l'éducation
thérapeutique
l'équipe et les patients
Sous la coordination du Docteur Xavier
de la Tribonnière
Ce logo a pour objet d'alerter le lecteur sur la menace que représente pour l'avenir de l'écrit, tout
DANGER particulièrement dans le domaine universitaire, le développement massif du « photo-copillage ».
Cette pratique qui s'est généralisée, notamment dans les établissements d'enseignement,
provoque une baisse brutale des achats de livres, au point que la possibilité même pour les
auteurs de créer des œuvres nouvelles et de les faire éditer correctement est aujourd'hui menacée.
Nous rappelons donc que la reproduction et la vente sans autorisation, ainsi que le recel, sont pas-
sibles de poursuites. Les demandes d'autorisation de photocopier doivent être adressées à l'éditeur
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TUE LE LIVRE
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l'œuvre dans laquelle elles sont incorporées (art. L. 122-4, L. 122-5 et L. 335-2 du Code de la propriété intellectuelle).
V
Avant-propos
VI
Liste des auteurs et relecteurs
VII
Liste des auteurs et relecteurs
VIII
Remerciements
Cet ouvrage est le fruit d'un travail collectif de longue haleine. Il prend sa
source dans le "Guide de mise en œuvre de la démarche d'éducation du
patient", auquel ont contribué les membres de l'unité transversale d'éducation
du patient du CHU de Montpellier entre 2010 et 2012, aidés de correspondants
en ETP. Que tous ces auteurs soient sincèrement remerciés de ce texte fonda-
teur, à partir duquel il a été possible d'élaborer cet ouvrage.
Particulièrement, nous remercions le Dr Claude Terral, responsable de
l'UCAPES jusqu'en 2011, qui a œuvré pendant 20 ans, au développement de
l'éducation à la santé et à l'éducation du patient. Précurseur, il a posé les jalons
nécessaires à l'implantation au sein de notre établissement, d'une culture
solide en éducation du patient. Ces fondations nous portent et nous encou-
ragent à toujours innover.
Également, nous sommes redevables à Claudine Zaffran, cadre supérieur de
santé à l'UCAPES, qui a grandement aidé les équipes entre 2008 et 2012, à
construire et mettre en œuvre de nombreux programmes d'ETP. Elle est à
l'initiative du Guide sus nommé, et donc à l'origine de ce livre.
Nos remerciements vont aussi aux nombreuses personnes qui nous ont aidé et
soutenu dans ce défi de rédiger un ouvrage de synthèse sur l'ETP : le groupe des
correspondants en santé du CHU, qui a participé activement depuis plusieurs
années à ce projet ; les 19 relecteurs, qui ont contribué à améliorer la qualité des
textes présentés ; la présidence de la CME, la coordination générale des soins et
l'administration du CHU, qui ont toujours soutenu nos initiatives et favoriser
la culture de l'ETP dans l'établissement ; les équipes médicales et de soins, qui
savent trouver en leur sein la cohésion nécessaire et l'envie de faire, autour et
avec le patient et son entourage ; les coordonateurs des programmes du CHU,
qui forment un groupe de personnes engagées dans la pratique éducative et
qui font preuve de tant d'énergie et d'enthousiasme ; qu'ils soient d'autant plus
remerciés qu'ils ont accepté de partager leurs expériences au travers des nom-
breux exemples pratiques présentés dans ce livre.
Enfin, cette liste ne serait pas exhaustive sans les patients et aidants, patients
experts, ressources ou co-intervenant, et patients bénéficiaires d'ETP, pour
qui cet ouvrage a aussi été écrit, afin qu'ils puissent davantage accéder au rôle
d'acteur auquel ils aspirent face à leur maladie chronique, pour vivre mieux
tout simplement. Car c'est bien grâce à leurs témoignages, sources d'inspira-
tions précieuses, que les professionnels de santé inventent, innovent et se réin-
ventent dans leur pratique professionnelle, basée sur une posture humaniste,
relationnelle, pédagogique et créative.
IX
Préface
Cet ouvrage n'est pas le premier, ni sans doute le dernier, à traiter d'éducation
thérapeutique du patient. Quel est donc son apport spécifique ?
Le premier mot du titre – pratiquer – montre que les auteurs ont le souci de
répondre à la question : « Comment faire concrètement ? » Le profil et l'expé-
rience des rédacteurs, les nombreux exemples qui émaillent les différents cha-
pitres et les 43 fiches qui composent la dernière partie du livre témoignent
effectivement d'un fort ancrage dans la pratique.
Quant au premier mot du sous-titre – équipe – il interpelle.
On peut l'entendre comme une restriction : « Si vous pratiquez l'éducation thé-
rapeutique seul, ce livre n'est pas fait pour vous. »
On peut l'entendre comme un constat : « L'éducation thérapeutique se pratique
toujours en équipe. »
On peut aussi l'entendre comme une injonction : « L'éducation thérapeutique
ne doit se pratiquer qu'en équipe. » Cela fait alors écho aux textes institution-
nels. En effet, selon la Haute Autorité de santé, une éducation thérapeutique
de qualité doit « être réalisée par des professionnels de santé (…) engagés dans
un travail en équipe dans la coordination des actions (…), être multiprofes-
sionnelle, interdisciplinaire et intersectorielle, intégrer le travail en réseau ».
Pluri-, inter- ou transdisciplinarité ? Le choix du préfixe n'est bien sûr pas ano-
din. « Le premier constate, le deuxième met en relation, le troisième tisse entre
les personnes quelque chose de nouveau. »1 Le travail en pluridisciplinarité,
c'est la juxtaposition d'interventions dans un même but : chacun intervient
avec sa propre analyse de la situation, ses propres méthodes et, dans le meilleur
des cas, (re)connaît l'existence des autres. Les soignants et les patients per-
çoivent bien les limites de cette approche trop cloisonnée. L'interdisciplinarité
repose sur le dialogue, les échanges, la réflexion commune, la collaboration :
chacun connaît et reconnaît les apports spécifiques et complémentaires des autres,
on s'échange des informations et on peut faire appel les uns aux autres. La transdisci-
plinarité est plus ambitieuse, elle vise une construction originale grâce à la synergie des
interventions : la coopération permet de faire face à des situations complexes en créant
des réponses innovantes. Les équipes qui s'engagent dans l'éducation thérapeutique,
ont-elles un autre choix que celui, difficile et exaltant, de la transdisciplinarité ?
Quoi qu'il en soit, le titre de ce livre amène à se demander en quoi l'existence
d'une équipe facilite la pratique de l'éducation thérapeutique du patient… et en
quoi elle la rend plus complexe. « Une équipe de travail est la difficile résultante
d'un objectif commun, d'une volonté commune ainsi que d 'efforts c ommuns
et constants de tous les membres qui la composent. »2 À en croire cette défini-
1
Ladsous J. Multi, intertrans. Vie Sociale et Traitements 2005 ; no 86 : 7–9.
2
Bertrand D, Azrour H. Réapprendre à apprendre au collège, à l'université et en milieu de
travail. Montréal : Guérin Universitaire ; 2000, 212 p.
XI
Préface
tion, le travail d'équipe n'est pas une sinécure… D'ailleurs, quelques commen-
taires de professionnels entendus dans le cadre de formations témoignent des
difficultés qu'ils rencontrent lorsqu'ils veulent pratiquer l'éducation thérapeu-
tique en équipe :
« Quand je vois le patient pour la première fois, je me demande toujours ce que
le médecin lui a dit à propos de la maladie et de son évolution, quand il lui en
a fait l'annonce. J'ai toujours peur d'en dire trop, d'effrayer le patient et qu'il ne
revienne plus. J'ai aussi peur de ne pas en dire assez, que le patient prenne ça à
la légère et qu'il ne revienne plus… »
« Quand les jeunes patients arrivent dans notre service d'adultes, on se
demande toujours où ils en sont avec leur traitement, s'ils sont autonomes ou
pas… Comme on ne sait pas ce qui se passe en pédiatrie en matière d'édu-
cation thérapeutique, on reprend tout à zéro… Parfois les adolescents dispa-
raissent dans la nature, on ne les voit plus pendant plusieurs mois ou plusieurs
années, ni pour l'éducation thérapeutique, ni pour le reste… »
« Quand les patients sortent de l'hôpital, nous en tant qu'infirmières libérales, on
n'est au courant de rien. On doit faire les pansements sans même savoir de quoi
ils ont été opérés. Quant à savoir ce qu'on leur a expliqué ou conseillé de faire… »
« Parfois je me rends compte que les conseils que je donne sont tout à fait en
décalage avec la réalité du patient. S'il vit dans la rue ou dans un squat, lui
conseiller de faire de l'activité physique, de manger des fruits et légumes ou
de contrôler sa glycémie, ça n'a aucun sens. Il faudrait être en relation avec les
services sociaux… »
« Quand les patients ont plusieurs pathologies, ils sont soignés dans d ifférents
services : c'est encore plus difficile d'organiser et de coordonner l'éducation thé-
rapeutique. Et puis il faut se mettre à leur place : avec tous les médicaments qu'ils
doivent avaler, toutes les choses qu'ils doivent surveiller, tous les rendez-vous qu'ils
doivent prendre…, forcément ils font le tri… ou alors ils abandonnent tout. »
Le fait de s'engager, en équipe, dans une réflexion et une démarche structurée
d'éducation thérapeutique vient souvent révéler des dysfonctionnements en
matière de coordination des soins, de cohérence et de complémentarité des
interventions. Pour développer et améliorer l'éducation thérapeutique, il faut
donc apprendre à mieux travailler ensemble. Quand on s'applique à le faire, il
n'y a pas que l'éducation thérapeutique qui progresse : c'est toute la pratique
soignante qui gagne en qualité et en efficacité.
Dans cette perspective, les formations d'équipe, brièvement évoquées dans ce
livre, constituent un levier efficace. Dans un premier temps, les participants
expriment et entendent les représentations que chacun a de son propre métier
et de celui des autres. Ils découvrent la façon dont chacun contribue aux soins,
à l'éducation thérapeutique et à l'accompagnement des patients. Ils repèrent des
articulations possibles avec leur propre travail. Ils expérimentent, dans le cadre
même de la formation, la réflexion et le travail en équipe pluridisciplinaire.
Cela conduit le groupe à reconnaître les différents domaines d'expertise pro-
fessionnelle et permet ensuite d'engager la réflexion sur l'expertise des patients.
Dans un second temps, la formation – à condition d'être centrée sur les parti-
cipants et non sur des objectifs et des contenus d'apprentissage – soutient une
démarche réflexive : les échanges s'ancrent dans la réalité, l'expérience et les
XII
Préface
XIII
Préface
Une évolution, une révolution1 dirons certains, des soins et des services de santé
destinés aux patients atteints de maladies chroniques est en pleine progression en
Amérique du Nord, et plus particulièrement au Québec2. En effet, il s'agit pour tous,
patients, professionnels et gestionnaires de la santé, d'évoluer d'une relation « cen-
trée sur le patient ou pour le patient » vers une relation « égalitaire avec le patient »,
dans laquelle le patient est actif et considéré membre à part entière de l'équipe de
soins. Une transformation s'opère d'une relation d'autorité et d'expertise profes-
sionnelle vers une relation de partenariat3. Cette relation s'appuie sur la reconnais-
sance mutuelle des savoirs expérientiels des patients du « vivre avec la maladie » et
des savoirs scientifiques des professionnels « sur la maladie » elle-même.
L'ouvrage « Pratiquer l'éducation thérapeutique l'équipe et les patients », sous la
coordination du Docteur Xavier de la Tribonnière, s'inscrit dans ce paradigme
relationnel, qui nécessite une transformation des pratiques professionnelles de
façon à aider les patients à acquérir ou maintenir les compétences dont ils ont
besoin pour gérer au mieux leur vie avec une maladie chronique. Après avoir
discuté des fondements théoriques de l'éducation thérapeutique, les auteurs
présentent une approche structurée et systémique des interventions qui sera
des plus utiles aux gestionnaires des programmes. Ils proposent également des
fiches pratiques aux professionnels qui désirent intégrer des activités d'édu-
cation thérapeutiques dans le quotidien des soins aux patients. Par exemple :
comment élaborer un bilan éducatif partagé ; comment évaluer la qualité d'une
activité de groupe en éducation thérapeutique ?
1
Tessa Richards, Victor M Montori, Fiona Godlee, Peter Lapsley, Dave Paul. Let the
patient revolution begin. Patients can improve healthcare : it's time to take partnership
seriously. BMJ 2013 ; 346 : f2614 doi : 10.1136/bmj.f2614 (Published 14 may 2013).
2
Pomey M.-P., Flora L., Karazivan P., Dumez V., Lebel P., Vanier M.-C., Débarge B.,
Clavel N., Jouet E. (2015), « Le « Montreal model » : enjeux du partenariat relationnel
entre patients et professionnels de santé », Santé publique, France, Vol. 27, N°1
Supplément, Janvier-février, pp.41–50.
3
Le partenariat de soins et de services se définit comme une relation de collaboration éga-
litaire entre les partenaires que sont le patient, ses proches aidants et les intervenants,
gestionnaires et décideurs de la santé. Cette relation s'inscrit dans un processus dyna-
mique d'interactions et d'apprentissages mutuels qui favorise l'auto-détermination du
patient, ses choix de santé libres et éclairés et l'atteinte de résultats optimaux en fonction
du contexte spécifique du patient. Fondée sur la complémentarité des savoirs de toutes les
parties, cette relation consiste pour les partenaires à planifier, à coordonner leurs actions
et à intervenir de façon concertée, personnalisée, intégrée et continue autour des besoins
et du projet de vie du patient. Définition tirée de : RUISUM, (2013), Guide d'implanta-
tion du partenariat de soins et de service : Vers une pratique collaborative optimale entre
intervenants et AVEC le patient, Réseau Universitaire intégré de santé de l'université de
Montréal. Accessible sur Internet à l'adresse :http://ena.ruis.umontreal.ca/pluginfile.
php/256/coursecat/description/Guide_implantation1.1.pdf, (Dernière consultation le
05/05/2015).
XV
Préface
4
DCPP, 2015, Référentiel de compétences des patients, Direction collaboration et parte-
nariat patient, Faculté de médecine, Université de Montréal.
XVI
Préface
émotions parce qu'il a vécu quelque chose de semblable. Plus près encore du
patient dans son quotidien : ses proches, avec qui il est aussi profitable d'inter-
venir en concertation, de telle sorte que le patient se sent appuyé par tous.
Le succès de la démarche d'éducation thérapeutique repose sur la capacité du
patient et des intervenants de poser un regard critique sur le bilan des acquis du
patient : les interventions ont-elles porté fruit ? Si non, où ont été les écueils et
comment peut-on ajuster le tir ? En plus d'inclure cette étape dans la démarche
d'éducation thérapeutique, les auteurs consacrent une section complète du
livre à l'évaluation du programme éducatif avec, là encore, la proposition de
plusieurs fiches techniques qui inspireront les gestionnaires de programme.
Enfin, le succès de la démarche d'éducation thérapeutique est aussi indisso-
ciable de la capacité à mieux préparer les futurs professionnels de la santé à
agir en partenariat avec les patients et à l'instar de l'Université de Montréal, de
développer leurs habiletés par diverses approches :
développer le curriculum de formation en éducation thérapeutique en s'ap-
puyant sur un référentiel de compétences du partenariat patient ;
renforcer leurs compétences de communication, de collaboration et d'éthique
tout au long de leur parcours, particulièrement en médecine ;
exposer les étudiants à des tandems de formateurs Patient-Professionnel de la
santé ainsi que du mentorat par des patients afin qu'ils comprennent mieux la
perspective des patients ;
faire réfléchir les étudiants à partir d'outils éducatifs sur le projet de vie et sur
le plan d'intervention interdisciplinaire réalisé avec et pour le patient
recruter, former et coacher des patients formateurs, en se basant sur un réfé-
rentiel de compétences du patient.
L'éducation thérapeutique permet aux patients de reprendre le contrôle sur
leur vie, en leur offrant la possibilité de développer leurs capacités d'auto-
soins. Ainsi la maladie prend du sens dans leur vie mais n'envahit plus leur vie.
Plus le patient, ses proches et les intervenants conjuguent leurs efforts en mode
partenariat patient, plus les chances de succès sont grandes. C'est pourquoi,
l'avenir de l'éducation thérapeutique dépendra beaucoup de la capacité de tous
les partenaires à co-construire et déployer les dispositifs éducatifs ensemble
car, si tel n'est pas le cas, un des partenaires risque fort bien d'être instrumen-
talisé par l'autre et enlever alors à la démarche tout son intérêt.
XVII
Abréviations
ACOD anticoagulants oraux directs EBM evidence based medicine (médecine basée
ACT appartement de coordination sur les preuves)
thérapeutique EPP évaluation des pratiques professionnelles
ACT thérapie d'acceptation et d'engagement ETP éducation thérapeutique du patient
AFDET Association française pour le EVA échelle visuelle et analogique
développement de l'éducation FAQSV fonds d'aide à la qualité des soins de ville
thérapeutique FIQCS fonds d'intervention pour la qualité et la
ALD affection de longue durée coordination des soins
ANDAR Association nationale de lutte contre FIR fonds d'intervention régional
l'arthrite rhumatoïde GEASE groupe d'entraînement à l'analyse
ANR Agence nationale pour la recherche de situations éducatives
ANSM Agence nationale de sécurité du GETAID Groupe d'étude thérapeutique des
médicament et des produits de santé affections inflammatoires du tube digestif
ARC attaché de recherche clinique GHS groupe homogène de séjour
ARS agence régionale de santé HAD hospital anxiety and depression scale
AVK antivitamines K (échelle pour l'anxiété et la dépression à
BDSP banque de données en santé publique l'hôpital)
BEP bilan éducatif partagé HAS Haute Autorité de santé
CCTIRS Comité consultatif sur le traitement HCSP Haut Comité de la santé publique
de l'information en matière de recherche HDJ hôpital de jour
dans le domaine de la santé HON (label) Health on Net
CDS cadre de santé HPST (loi) Hôpital patient santé territoire
CSDS cadre supérieur de santé IDE infirmière diplômée d'État
CHU centre hospitalo-universitaire IF impact factor (facteur d'impact)
CME commission médicale d'établissement IMRAD introduction, methods, results, and
CNAM Caisse nationale d'assurance maladie discussion
CNAMTS Caisse nationale de l'assurance maladie INCa Institut national du cancer
des travailleurs salariés INPES Institut national de prévention et
CNIL Commission nationale de l'informatique d'éducation pour la santé
et des libertés INR international normalised ratio
CNOM Conseil national de l'Ordre des médecins (test de coagulation du sang)
COPIL comité de pilotage IRC insuffisance rénale chronique
CPOM contrat pluriannuel d'objectifs et IREPS Instance régionale d'éducation et de
de moyens promotion de la santé
CPP comité de protection des personnes IRESP Institut de recherche en santé publique
CRES comité régional d'éducation pour la santé MBCT mindfulness-based cognitive therapy
DAM dispositif médical d'automesure MBSR mindfulness-based stress reduction
DCGS Direction de la coordination générale des MEC moniteur d'étude clinique
soins MICI maladies inflammatoires chroniques
DGOS Direction générale de l'offre de soins de l'intestin
DOS Direction de l'offre de soins MIGAC mission d'intérêt général et d'aide
DPC développement professionnel continu à la contractualisation
DRDR dotation régionale de développement des MSA Mutualité sociale agricole
réseaux MSP maison de santé pluridisciplinaire
DRDR document régional de développement rural NTIC nouvelles technologies de l'information
DSI direction des systèmes d'information et de la communication
DU diplôme universitaire OGDPC organisme gestionnaire du DPC
XIX
Abréviations
XX
Liste des fiches pratiques
XXV
Liste des fiches pratiques
XXVI
Introduction
Au cours des 40 dernières années, l'éducation du sentants, nous abordons les principes fondamen-
patient a pris une place grandissante dans la prise en taux de la relation singulière soignant–soigné.
charge des patients atteints de maladie chronique : Nous rappelons également les règles éthiques
d'une démarche éducative souvent centrée sur le qui président à toute relation de soin. Enfin, la
soignant, nous sommes passés à une démarche démarche de recherche en ce domaine est expli-
structurée et coordonnée dans le parcours de santé quée, assurant des développements futurs.
du patient, ceci sous l'impulsion des différents Les concepteurs de cet ouvrage se veulent « pas-
textes réglementaires et recommandations. seurs » et sont guidés par une éthique du prendre
L'objectif de ce livre est de permettre à des soin. Ils se placent dans le droit fil de l'éducation
soignants désireux de créer ou d'optimiser des à la santé. L'activité d'éducation du patient favo-
activités d'éducation du patient de suivre une rise la prise de conscience des professionnels de
méthodologie précise et complète dans le cadre santé de la place du patient dans son autodétermi-
d'un programme éducatif ou hors programme. nation et de leur rôle de « soignants-éducateurs ».
Il offre l'opportunité de réfléchir sur le sens et la Ces compétences alimentent une posture éduca-
finalité de l'éducation du patient et sur la place de tive emprunte d'empathie et d'écoute. Ce para-
chacun dans cette démarche. Il apporte également digme nouveau pour certains, conscientisé pour
des informations d'ordre théorique permettant d'autres, s'associe à une collaboration accrue entre
de comprendre dans quoi s'insère l'éducation du soignants. De pluridisciplinaire, leur organisa-
patient dans le paysage de la santé publique, de tion tend maintenant vers l'interdisciplinarité qui
l'éthique, de la psychologie et de la pédagogie. implique une égalité des positions et un franchis-
Notre ouvrage se veut complémentaire des sement des barrières professionnelles, grâce à une
livres de référence déjà publiés. Nous avons tenté reconnaissance mutuelle et une communication
une synthèse, certes non exhaustive, issue de l'ex- améliorée.
périence et de la pratique de terrain. L'enjeu de tout cela est donc un changement
Au travers de la co-construction du programme culturel dans la pratique du soin. Elle s'en trouve
impliquant tous les professionnels de santé de interrogée et ouvre vers un xxie siècle prometteur
l'équipe ainsi que des patients, aidants ou repré- de perspectives nouvelles.
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Pratiquer l’éducation thérapeutique
1
Contexte de la Chapitre 1
maladie chronique
et prévention
L'éducation du patient est le plus souvent asso- « observants ». Les statistiques montrent que
ciée à la maladie chronique dont l'essor est très seulement 50 % des patients atteints de patholo-
important : 20 % de la population française en gie chronique prennent leur traitement correc-
serait atteinte, et ce pourcentage a tendance à tement (voir chap. 11, Adhésion au traitement) ;
augmenter avec le temps. En 1994, le Haut Comité • enfin, et ce n'est pas le moindre élément, on sait
de la santé publique (HCSP) mentionne au sujet le rôle important des déterminants de santé
des maladies chroniques que « la spécialisation et dans l'apparition ou l'entretien de la maladie
la technique ne permettront ni de les réduire de chronique, qu'ils soient comportementaux
manière significative, ni de les prendre en charge sociaux ou environnementaux (voir plus loin,
correctement. C'est dans le mode d'organisation Déterminants de santé). Cela n'est pas toujours
des soins, dans le rôle des médecins généralistes, pris en compte dans l'« ordonnance » tradition-
et dans la place faite à l'usager partenaire, que nelle.
l'on trouvera les réponses » [1]. L'Organisation À ce contexte, s'ajoutent les inégalités de santé
mondiale de la santé (OMS) émet en 1996 un sur le territoire, une baisse de la démographie de
rapport sur cette nouvelle activité d'éducation santé et des difficultés budgétaires.
thérapeutique du patient (ETP), relayé en 1998 Parallèlement à cela, les usagers du système de
par son bureau européen [2]. Il la définit comme soins réclament de la part des soignants davan-
un processus d'apprentissage centré sur le patient tage de transparence, de coordination, d'écoute,
et adapté à ses besoins, intégré aux traitements d'explications, de prise en compte de la personne
et aux soins, dont le but est de lui permettre de dans sa globalité.
gérer sa maladie et de maintenir, voire d'améliorer Une réponse possible pour le professionnel
sa qualité de vie. de santé est d'intégrer, dans sa pratique de soin,
Les spécificités liées à la prise en charge des une posture éducative qui le met en position de
patients chroniques sont de plusieurs ordres : «
soignant-éducateur ». Dans ces conditions,
• par définition, la maladie chronique ne se gué- comme le suggère B. Sandrin-Berthon [3] : « L'édu-
© 2016, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
rit pas. Tout au plus peut-on en ralentir voire cation thérapeutique semble offrir aux profession-
bloquer l'évolution, et réduire certains symp- nels la perspective d'une plus grande efficacité, aux
tômes pendant un certain temps ; associations de patients l'opportunité d'une meil-
• pour le patient, la maladie est présente au leure reconnaissance et à l'assurance maladie, l'es-
Pratiquer l’éducation thérapeutique
quotidien et l'horizon est bien souvent celui poir d'une meilleure gestion de ses fonds. »
de l'attente de la crise suivante ou des signes
de l'aggravation. Vivre avec une maladie chro-
nique, ou la subir, modifie profondément la per-
ception du temps, de la vie familiale, sociale et Définition de la santé
professionnelle ;
• les soignants constatent que les traitements Avant 1948, on considérait la santé comme le
prescrits ne sont pas toujours suivis et disent « silence des organes » : pas de symptôme, pas de
des patients qu'ils ne sont pas « compliants » ou maladie.
5
Partie I. Principes de l'éducation thérapeutique du patient
En 1948, l'OMS donne une définition plus large Deux modèles d'éducation à la santé se
et positive de la santé: c'est un « état de complet côtoient : le modèle biomédical et le modèle global
bien-être physique, mental et social ». Ce n'est plus (tableau 1.1). Nous nous référerons bien entendu
seulement l'absence de maladie. au modèle global.
L'OMS en 1986 fait évoluer cette définition La figure 1.1 représente graphiquement l'éten-
comme suit [4] : « La santé se définit par la mesure due des champs d'action de : la promotion de
dans laquelle un groupe ou un individu peut la santé, l'éducation à la santé, l'éducation à la
d'une part, réaliser ses ambitions et satisfaire ses santé du patient et l'éducation thérapeutique du
besoins, et d'autre part, évoluer avec le milieu patient [5].
ou s'adapter à celui-ci. La santé est donc p erçue
comme une ressource de la vie quotidienne,
et non plus comme le but de la vie. »
Tableau 1.1 Différences entre le modèle
biomédical et global en éducation à la santé
Modèle biomédical Modèle global
Promotion de la santé – Modèle fermé – Modèle ouvert
– La maladie est – La maladie résulte de
Cette démarche vise à aider les populations à organique facteurs complexes
mieux maîtriser leur santé et à l'améliorer. – Elle affecte seulement – Elle affecte l'individu,
La Charte d'Ottawa, portée par l'OMS en l'individu la famille et
1986, est le texte fondateur de la promotion de – Approche curative : l'environnement
• par des médecins – Approche continue avec
la santé [4]. Elle énonce le postulat que la santé • dans un système centré prévention, soins, et
est une ressource de la vie quotidienne et que ses autour des hôpitaux réadaptation :
conditions sont la paix, un abri, de la nourriture • par une équipe multidisci-
et un revenu. plinaire
La promotion de la santé vise à réduire les • dans un système ouvert
écarts entre les citoyens en matière de santé, dans sur la communauté
un souci d'égalité en : Source : Bury JA. Éducation pour la santé. Concepts, enjeux, planifications.
• renforçant les aptitudes personnelles à la santé ; Bruxelles : De Boeck Université ; 1992, 236 p.
• faisant participer le citoyen aux décisions de sa
santé ;
• agissant sur les environnements favorables à la
santé ; Promotion de la santé
• élaborant une politique cohérente de santé Éducation à la santé
6
Chapitre 1. Contexte de la maladie chronique et prévention
Les préventions, exemple une population saine, les facteurs de risque connus
de Danielle des maladies. Elle vise ainsi l'arrêt de la consomma-
À l'âge de 38 ans, un diabète de type 2 s'ins- tion de drogues dures, d'alcool, de tabac…
talle progressivement chez Danielle qui ne
le sait pas encore. Sa mère et sa grand-mère
sont décédées des conséquences de cette
affection. Étant donné ses antécédents, la
prévention primaire consisterait à arrêter
Déterminants de santé
le tabac, éviter l'installation d'un surpoids,
pratiquer de l'exercice physique, manger
Définitions et caractéristiques
équilibré et peu sucré. La détection du Les déterminants de santé correspondent à des
diabète naissant relève de la prévention
secondaire. Une fois le diagnostic établi, la facteurs individuels et collectifs, psychosociaux,
prévention tertiaire s'attacherait à préve- économiques et environnementaux, que l'on peut
nir l'apparition des conséquences néfastes associer à un problème de santé particulier ou
du diabète (athéromatose, complications encore à un état de santé global. Ils influencent l'état
oculaires, rénales…). Si 50 ans plus tard, la de santé sans forcément engendrer directement une
maladie se développait et que des compli-
cations graves apparaissaient avec un état maladie. C'est la combinaison des effets de plusieurs
morbide avancé, faute de traitement et déterminants qui influe sur l'état de santé.
de prévention, un accompagnement de fin Il existe plusieurs descriptions et classifications
de vie serait mis en place, correspondant à des déterminants de santé. Nous présentons ici
de la prévention quaternaire. La prévention celle émanant d'un rapport canadien sur l'état de
primordiale chez Danielle serait l'adoption
de règles d'hygiène de vie qui se confon-
santé de la population en 2008 [6], repris d'ailleurs
draient volontiers avec celles proposées par l'Institut national de prévention et d'éduca-
en prévention primaire, mais qui rédui- tion pour la santé (INPES) [7] :
raient aussi l'émergence d'autres patho- • développement de la petite enfance : les expériences
logies comme une addiction à l'alcool ou vécues durant la période prénatale et la petite
un risque de contamination par le virus de
l'immunodéficience humaine (VIH)…
enfance ont d'importants effets sur la santé et la
capacité d'adaptation pendant tout le reste de la vie ;
7
Partie I. Principes de l'éducation thérapeutique du patient
• niveau d'instruction : plus on est instruit, plus l'activité physique ont une incidence sur la
on a de chances d'avoir un emploi et de le gar- santé et le bien-être ;
der, et plus on a l'impression d'avoir un contrôle • patrimoine génétique et biologique : l'héré-
sur sa vie, autant d'éléments clés d'une bonne dité, le bon fonctionnement physiologique et
santé ; la dynamique du vieillissement influent sur la
• emploi et conditions de travail : le chômage, le santé ;
sous-emploi et le stress lié au travail sont des • sexe : la place de l'homme ou celle de la femme
facteurs qui minent la santé ; sont différentes dans la société et influent sur
• revenu et situation sociale : l'état de santé s'amé- l'état de santé. Ainsi, dans beaucoup de collec-
liore à mesure que l'on s'élève dans l'échelle des tivités, les femmes sont davantage assujetties,
revenus et dans la hiérarchie sociale ; ont des revenus moindres, une plus grande pré-
• environnements sociaux : la stabilité sociale, carité et risquent davantage des problèmes de
l'ouverture à la diversité, la sécurité ainsi que la santé ;
cohésion et le soutien de la collectivité contri- • culture : l'ethnie et le milieu culturel ont une
buent chacun à la bonne santé ; incidence sur la santé, du fait des risques d'ac-
• environnement physique : la qualité de l'air, de croissement de la vulnérabilité ;
l'eau et du sol ont une incidence importante • services de santé : ils contribuent logiquement
sur la santé de la population. De même, le loge- à la santé, qu'ils soient soins de première ou de
ment adéquat, le milieu de travail, la sûreté en deuxième ligne, ou liés à la prévention. L'ETP
collectivité, les villes bien aménagées, les bons est incluse dans cet item.
réseaux routiers, etc. ; Il existe divers modèles explicatifs de ces déter-
• réseaux de soutien social : des familles, des amis minants de santé. Nous présentons ici l'un d'eux, le
et des collectivités sur lesquels on peut compter, modèle proposé par M. Whitehead et G. Dahlgren
contribuent au maintien d'une bonne santé ; (figure 1.2) [8]. Ces auteurs regroupent ces déter-
• habitudes de vie et capacité d'adaptation : minants en quatre niveaux qui interagissent les
les habitudes de vie comme le tabagisme, la uns sur les autres :
consommation de drogues, l'alimentation et • facteurs liés au style de vie personnel ;
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Services
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Agriculture de santé
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et pro-
duction
de
nourriture Logement
8
Chapitre 1. Contexte de la maladie chronique et prévention
9
Partie I. Principes de l'éducation thérapeutique du patient
10
Éducation thérapeutique Chapitre 2
du patient : définition
et généralités
11
Partie I. Principes de l'éducation thérapeutique du patient
12
Chapitre 2. Éducation thérapeutique du patient : définition et généralités
Dans la même direction, la Haute Autorité de en est d'accord, à parvenir à une autonomie et
santé (HAS) fait paraître en 2007 un guide métho- une aisance qui le satisfassent, dans le cadre de sa
dologique pour la structuration des programmes maladie chronique.
d'éducation thérapeutique dans le champ des Le mot « éducation » suppose un apprentissage
maladies chroniques dont certaines parties servent qu'il soit de l'ordre du savoir, du savoir-faire ou du
de recommandations professionnelles [14]. Puis, la savoir-être. Le mot thérapeutique indique que l'ETP
loi « Hôpital patient santé territoire » (HPST) est est inscrite dans le soin. L'éducation thérapeutique
votée en 2009 et un décret d'application est publié du patient inclut donc la notion d'apprentissage mais
le 2 août 2010, relatif à la mise en place de ces aussi d'accompagnement psychosocial aboutissant à
programmes éducatifs [15, 16]. En 2011, l'INPES l'autonomie et au « bien vivre » avec la maladie.
publie trois documents, respectivement un réfé- L'éducation ne se limite donc pas à l'informa-
rentiel de compétences en ETP pour les praticiens, tion. Cette dernière est centrée sur le contenu, le
la coordination des programmes d'ETP ainsi que conseil est centré sur celui qui le délivre, alors que
le pilotage et la promotion des politiques et des l'éducation est centrée sur la personne.
programmes d'ETP [17, 18]. Le décret du 31 mai Le processus éducatif se situe entre l'informa-
2013 en est directement inspiré, établissant une tion simple qui est diffusée indifféremment à tout
liste de compétences requises pour pratiquer l'ETP le monde, et la persuasion de l'individu qui, de ce
et pour coordonner un programme éducatif [19]. fait, n'est pas respecté (figure 2.1).
La HAS émet en avril 2012 des recommandations Les représentations de tout un chacun vis-à-vis
sur l'autoévaluation annuelle de ces programmes, du mot « éducation » et du mot « thérapeutique »
et en 2014 sur l'évaluation quadriennale [20, 21]. ne sont pas uniformes, aussi bien pour les soi-
Un arrêté régissant l'application de cette dernière gnants que les patients [24]. Le mot éducation
est publié le 14 janvier 2015 [22]. Un rapport inti- peut résonner positivement auprès de certaines
tulé Pour l'an II de la démocratie sanitaire, paru en personnes qui trouvent valorisant cette possibi-
février 2014, fait le point sur l'application de la loi lité de maîtrise plus grande de leur vie. D'autres se
de mars 2002 sur les droits des malades et propose sentent renvoyées par ce mot à la notion de scola-
des recommandations pour l'avenir [23]. rité, parfois d'échec scolaire, de norme plaquée, de
cadrage, de prise de pouvoir voire de rééducation.
Ces représentations peuvent donc être négatives.
C'est pourquoi certains auteurs préfèrent rem-
Choix des mots « éducation » placer le mot éducation par celui de formation,
et « thérapeutique » d'accompagnement ou d'alliance thérapeutique.
Aucun mot n'apparaît parfait pour désigner
L'éducation thérapeutique du patient est donc ce processus. Il s'agit de prendre conscience des
une démarche qui consiste à aider le patient, s'il représentations du patient, de son entourage, mais
Degré de Degré
respect de la d’accessiblilité/
liberté pénétration de
l’information
13
Partie I. Principes de l'éducation thérapeutique du patient
aussi des siennes propres en tant que soignant et Construire une démarche éducative suppose
celles de ses collègues dans l'équipe. Une expli- une réflexion éthique et déontologique sur les
citation sur les intentions est souvent nécessaire choix qui vont la fonder. « C'est dans la recon-
et permet de trouver un terrain d'entente sur les naissance du sujet comme auteur de sa vie qu'une
finalités et les objectifs de l'action [24]. action en santé publique peut être construite »,
comme le rappelle P. Lecorps [25] (voir chap. 3,
Éléments d'éthiques).
Ces choix affirment les droits du patient à une
Champs d'application de l'ETP : prise en charge et à une protection de son état de
maladie chronique, traitements santé, à l'information, à des soins de qualité, à leur
accessibilité, à la dignité et au respect de la liberté
complexes, handicaps individuelle.
L'ETP s'intéresse particulièrement aux patients
atteints de maladies chroniques. Une maladie chro-
nique est caractérisée par sa longue durée, évolutive, Du soignant au « soignant–
souvent associée à une invalidité et à la menace de
complications graves. Il peut s'agir de maladies cou-
éducateur »
rantes comme le diabète, l'asthme, l'insuffisance Le soignant qui entre dans une démarche édu-
rénale chronique, les maladies cardiovasculaires, cative oscille entre deux postures qui peuvent
etc., mais aussi de maladies rares comme la mucovis- entraîner des tensions [26] :
cidose, la drépanocytose ou les myopathies, comme • en tant que soignant, sa formation et la déon-
il peut s'agir aussi de maladies transmissibles per- tologie de son métier l'ont préparé à donner
sistantes comme l'infection à VIH, de cancers et de des soins de qualité, à proposer des conseils
troubles mentaux de longue durée (dépression, schi- (basés sur le désir de dire ce qui est bien pour le
zophrénie, troubles bipolaires, etc.). La durée mini- patient). C'est l'ordonnance qui renvoie à l'obli-
male d'évolution de la maladie chronique est clas- gation. Cette situation place le soignant dans le
siquement de plusieurs mois (au moins 3 à 6 mois), champ de la morale et de la « conformité bio-
avec un retentissement sur la vie quotidienne. médicale » ;
En sus de ce contexte, l'ETP s'applique aussi • en tant qu'éducateur, le professionnel com-
aux handicaps ainsi qu'aux patients bénéficiant de prend qu'il porte une fonction pédagogique. Il
traitements complexes de longue durée (traitement prend aussi conscience que le patient possède
de l'hépatite C, de la tuberculose, patients stomisés, des savoirs, a des représentations et ses propres
etc.). Certaines situations sont aussi concernées, croyances.
comme le risque de chute chez la personne âgée. Beaucoup d'auteurs utilisent le terme de soignant-
éducateur. Aux compétences de soins s'ajoutent
donc des compétences pédagogiques inscrites dans
Valeurs sous-jacentes à l'ETP une relation saine avec le patient.
14
Tableau 2.1 Cartographies de pratiques relevant de l'ETP
Type d'action Intention dominante Public visé Intervenants Compétences visées
Mieux comprendre la Aider les malades à acquérir des Malades chroniques Soignants formés en ETP, patients Compétences d'autosoins et
maladie, les traitements, connaissances et des compétences (adultes, enfants, ou associations de patients compétences psychosociales
gérer les crises, changer ses pour gérer leur pathologie adolescents)
habitudes de vie, etc.
Groupe de parole, Raconter sa vie, partager des Malades chroniques Soignants, patients expérimentés et Capacité à élaborer à partir
estime de soi, soutien, expériences de patients (adultes, enfants, formés, psychologues et psychiatres, de l'expérience vécue
accompagnement Soutenir et accompagner adolescents) socio-esthéticiennes Mobilisation de ses ressources
personnelles et de son pouvoir d'agir
experts acteurs de santé et comme intervenir en ETP ou malades chercheurs communication interpersonnelle, de la
représentants des usagers dans les associations, Universitaires engagés dans la formation formation et de la communication sociale
Intégrer dans les diplômes en malades chercheurs des malades (France, Québec, Grande- Connaissance élargie de l'organisation
éducation du patient, des patients Bretagne, États-Unis…) du système sanitaire
experts Processus de professionnalisation à partir
de validation des acquis de l'expérience
ETP pour les aidants et les Accompagner et soutenir les Proches, aidants, Soignants formés en ETP, associations Compétences relationnelles
proches proches et les aidants, dans les parents, conjoints de patients, psychologues, psychiatres Accompagnement des proches dans
cas de dépendance, de perte leur vie quotidienne
d'autonomie et de handicap
Apprentissage de procédures à utiliser
en urgence
Formations en ETP en Développer des compétences Intervenants en ETP Organismes de formations agréées, Compétences relationnelles,
formation continue et spécifiques à l'éducation auprès de malades formateurs expérimentés en ETP, pédagogiques, méthodologiques et
initiale des patients chroniques universitaires et patients intervenant organisationnelles en lien avec la
auprès d'étudiants en santé pratique de l'ETP
Sensibilisation à l'ETP Inciter, mobiliser des acteurs de Organisations sanitaires Experts reconnus dans le champ de Connaissance des innovations
santé souhaitant connaître le et acteurs de santé l'ETP et des initiatives en ETP
champ de l'ETP
Source : tableau adapté de Tourette-Turgis C. L'éducation thérapeutique du patient : champ de pratique et champ de recherche. Savoirs 2014 ; 35 : 11–48 © Éditions l'Harmattan.
Partie I. Principes de l'éducation thérapeutique du patient
16
Chapitre 2. Éducation thérapeutique du patient : définition et généralités
17
Partie I. Principes de l'éducation thérapeutique du patient
être m
obilisées pour p allier ponctuellement un pour le patient, une accessibilité et un respect de
déficit de personnel ou le temps éducatif dévolu ses rythmes ainsi qu'une efficience. L'une de ces
à des patients présentant des difficultés de com- normes repose sur l'acquisition par les soignants
préhension peut être écourté. Ces patients vul- de compétences particulières en termes de savoir,
nérables sont alors les premières victimes de savoir-faire et savoir-être qui justifie un processus
cette situation, ce qui contribue à aggraver les de formation continue spécifique.
inégalités de santé [28]. Nous choisissons de détailler les critères qualité
issus des recommandations de l'OMS publiées en
1998 dans sa version française (voir ci-après
De la démarche éducative tableau 2.2) [1]. Ces dernières sont fondatrices des
textes officiels ultérieurs en France et dans
au programme nombre de pays.
Nous présentons également les critères de
La démarche éducative interroge avant tout la la HAS, émis en 2007, qui reposent sur les
relation du soignant avec le patient, ou l'aidant. recommandations de l'OMS, les précisent et
Elle commence par une attitude juste, que l'on les complètent (voir plus loin tableau 2.3) [14].
appelle posture éducative. Acquérir cette atti- Ces critères constituent un point de départ à
tude à l'échelon individuel nécessite une remise toute réflexion d'équipe en matière d'ETP, d'au-
en question et une formation spécifique. tant qu'ils créent entre tous un socle de référence
La démarche éducative peut s'appliquer de deux permettant une réflexion éthique sur le sujet.
façons différentes et complémentaires :
• lors d'activités non structurées, intégrées dans
le soin, appelées aussi activités éducatives iso- Critères qualités de l'OMS pour une
lées ou hors programme. Ces actions font déjà éducation thérapeutique structurée
partie de notre démarche de soins ;
• lors d'activités structurées en équipe, centrées Présentation (tableau 2.2)
sur le patient ou l'aidant. Depuis de nom-
breuses années, des recherches dans les champs
biomédical, psychosocial, pédagogique et phi- Tableau 2.2 Critères de qualité de l'OMS pour
losophique ont en effet permis de dessiner une une éducation thérapeutique structurée
méthodologie apportant une efficience vis- 1 L'éducation thérapeutique du patient doit être un
à-vis du patient tout en garantissant un strict processus systémique d'apprentissage centré sur
respect de sa personne et de ses choix. le patient
Le mot « programme éducatif » a été choisi 2 Elle doit prendre en compte, d'une part, les
en France pour représenter cette structuration processus d'adaptation du patient à la maladie
pédagogique et méthodologique [14]. Il comprend (coping, locus de contrôle, représentations de la
plusieurs activités d'éducation individuelles ou santé et de la maladie, aspects socioculturels,
etc.) et d'autre part, les besoins objectifs et
collectives qui sont animées par des profession- subjectifs, exprimés ou non, des patients
nels de santé travaillant en équipe avec le concours
3 Elle doit être intégrée au traitement et aux soins
d'autres professionnels et de patients. Il est destiné
à des patients et à leur entourage. 4 Elle concerne la vie quotidienne du patient et son
Là aussi, comme pour les mots « éducation » et environnement psychosocial, et doit impliquer
autant que possible la famille et l'entourage proche
« thérapeutique», le mot « programme » peut rebu-
ter certains. La peur du « formatage » peut surgir. 5 C'est un processus continu qui doit être adapté
Il convient de bien expliciter le terme, notamment en permanence à l'évolution de la maladie, de
l'état de santé du patient et de sa vie ; c'est une
avec les patients mais aussi avec ses propres col- partie de la prise en charge au long cours
lègues, et insister sur le caractère ouvert et adap-
table de cette structuration. 6 Elle doit être structurée, organisée et proposée
systématiquement à tous les patients
La construction d'un programme éducatif doit
se référer à des normes de qualité afin de garan- 7 Elle doit utiliser des méthodes et moyens variés
d'éducation et d'apprentissage
tir une éthique, une confidentialité, une sécurité
18
Chapitre 2. Éducation thérapeutique du patient : définition et généralités
19
Partie I. Principes de l'éducation thérapeutique du patient
20
Chapitre 2. Éducation thérapeutique du patient : définition et généralités
21
Partie I. Principes de l'éducation thérapeutique du patient
Tableau 2.3 Suite
Être définie en termes d'activités et de contenus, être organisée dans le temps, réalisée par divers moyens éducatifs :
– utilisation de techniques de communication centrées sur le patient
– séances collectives ou individuelles, ou en alternance, fondées sur les principes de l'apprentissage chez l'adulte (ou
l'enfant)
– accessibilité à une variété de publics, en tenant compte de leurs culture, origine, situation de handicap,
éloignement géographique, ressources locales et du stade d'évolution de la maladie
– utilisation de techniques pédagogiques variées qui engagent les patients dans un processus actif d'apprentissage et
de mise en lien du contenu des programmes, avec l'expérience personnelle de chaque patient
Être multiprofessionnelle, interdisciplinaire et multisectorielle ; intégrer le travail en réseau
Inclure une évaluation individuelle de l'ETP et du déroulement du programme
Source : Haute Autorité de santé (HAS). Structuration d'un programme d'éducation thérapeutique du patient dans le champ des maladies chroniques.
Guide méthodologique. 109 pages [Internet], 2007. Disponible en ligne sur : http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/etp_-_guide_
version_finale_2_pdf.pdf
(tableau 2.2) et propose d'ajouter, notamment, [5] Sandrin B. Éducation thérapeutique du patient,
quelques critères (tableau 2.3) [14] : retour vers le futur. Santé Éducation 2014 ; 20–3.
• la démarche d'éducation du patient doit être [6] Bartlett EE. Historical glimpses of patient education in
scientifiquement fondée en se référant à des the United States. Patient Educ Couns 1986 ; 8 :
135–49.
recommandations professionnelles, une litté-
rature scientifique pertinente ou des consen- [7] Miller LV, Goldstein V. More efficient care of diabe-
tic patients in county-hospital setting. N Engl J Med
sus professionnels. Elle est enrichie par les 1972 ; 286 : 1388–97.
retours d'expérience des patients et de leurs
[8] Lacroix A, Assal JP. L'éducation thérapeutique des
proches ; patients : accompagner les patients avec une maladie
• l'évaluation de l'activité éducative s'applique au chronique : nouvelles approches. Paris : Maloine ;
patient, au soignant et au programme lui-même ; 2011. p. 220.
• l'offre éducative doit s'étendre à une variété [9] Organisation mondiale de la santé (OMS).
de public, en tenant compte de leur culture, 1re Conférence internationale pour la promotion de
origine, situation de handicap, éloignement la santé. Ottawa : OMS ; 1986.
géographique, ressources locales et du stade [10] van Ballekom K. L'éducation du patient en hôpital :
d'évolution de la maladie. Cette notion d'acces- l'autonomie du patient, de l'information à l'éducation :
une étude sur l'éducation du patient en hôpital.
sibilité garantit l'équité de l'offre éducative et
Pratiques et politiques en Belgique, Royaume-Uni,
de soins sur tout le territoire national. France et Pays-Bas. Conclusions et recommandations
pour la Belgique. Godinne : Centre d'éducation du
patient ; 2008.
[11] Loi no 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits
Références des malades et à la qualité du système de santé.
[12] Loi no 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance
[1] Organisation mondiale de la santé (OMS). Éducation maladie.
thérapeutique du patient. Programmes de formation
continue pour professionnels de soins dans le domaine [13] Ministère des affaires sociales, de la santé et des
de la prévention des maladies chroniques. OMS ; 1998. droits des femmes. Plan pour l'amélioration de la
qualité de vie des personnes atteintes de maladies
[2] Boutinet JP. Antropologie du projet. Paris : PUF ; 2012. chroniques 2007–2011.
[3] Chambouleyron M, Lasserre-Moutet A, Lagger G, [14] Haute Autorité de santé (HAS). Structuration d'un
Golay A. L'éducation thérapeutique du patient, programme d'éducation thérapeutique du patient
quelle histoire ! Médecine des Maladies Métaboliques dans le champ des maladies chroniques. Guide
2013 ; 7 : 543–7. méthodologique. 109 pages [Internet]. 2007.
[4] Tourette-Turgis C. L'éducation thérapeutique du Disponible en ligne sur http://www.has-sante.fr/por-
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Savoirs 2014 ; 35 : 11–48. sion_finale_2_pdf.pdf.
22
Chapitre 2. Éducation thérapeutique du patient : définition et généralités
[15] Loi no 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de ETP ? Ampleur du phénomène et implications. In :
l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux 5e Congrès de la Société d'éducation thérapeutique
territoires. européenne (SETE) ; 2014 Paris.
[16] Décret no 2010-904 du 2 août 2010 relatif aux condi- [27] Mutualité française. Les programmes d'éducation
tions d'autorisation des programmes d'éducation thérapeutique du patient près de chez vous [Internet] ;
thérapeutique du patient. 2015. Disponible en ligne sur http://www.priorite-
[17] Institut national de prévention et d'éducation pour la santemutualiste.fr/psm/programmes-etp.
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[18] Institut national de prévention et d'éducation pour la p. 23.
santé (INPES). Référentiel de compétence pour les coor- [29] Gachet A, Rosier F, Waterlot C, Bally S.
donnateurs de programme [Internet] ; 2011. Disponible Représentations des médecins généralistes de l'édu-
en ligne sur http://www.inpes.sante.fr/referentiel- cation thérapeutique du patient : étude qualitative
competences-ETP/pdf/referentiel-coordination.pdf. menée auprès de 31 médecins généralistes de Savoie.
[19] Décret no 2013-449 du 31 mai 2013 relatif aux com- Santé Éducation 2015 ; 10–4.
pétences requises pour dispenser ou coordonner [30] Midy F, Dekussche C. L'éducation thérapeutique du
l'éducation thérapeutique du patient. patient en ambulatoire. ADSP 2009 ; 43–5.
[20] Haute Autorité de santé (HAS). Auto-évaluation [31] Haut Conseil de la santé publique (HCSP).
annuelle d'un programme d'éducation thérapeutique L'éducation thérapeutique intégrée aux soins de pre-
du patient. Guide pour les coordonnateurs et les mier recours ; 2009 novembre.
équipes [Internet] ; Disponible en ligne sur : http:// [32] Allenet B. Pour que l'éducation thérapeutique du
www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/ patient devienne pour le pharmacien une posture de
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[21] Haute Autorité de santé (HAS). Évaluation qua- [33] Buttet P. Les pratiques de l'éducation du patient à
driennale d'un programme d'éducation thérapeu- l'hôpital. ADSP 2009 ; 41–3.
tique du patient : une démarche d'auto-évaluation
[Internet] ; 2014. Disponible en ligne sur : http:// [34] Legrand K, Gendarme S, Coyard H, et al. Activités
w w w.has-sa nte.fr/por tai l/jcms/c _1748115/fr/ d'éducation thérapeutique proposées par les éta-
evaluation-quadriennale-d-un-programme-d- blissements de santé de la région Lorraine -
education-therapeutique-du-patient-une-demarche- Enquête EPATEL. Sante Publique 2012 ; 24 :
d-auto-evaluation. 93–104.
[22] Arrêté du 14 janvier 2015 relatif au cahier des charges [35] Fournier C. Concevoir une maison de santé pluri-
des programmes d'éducation thérapeutique du professionnelle : paradoxes et enseignements d'une
patient et à la composition du dossier de demande de innovation en actes. Sci Soc Santé 2014 ; 32 : 67.
leur autorisation et de leur renouvellement et modi- [36] Bresson R. Organisations et financements. ADSP
fiant l'arrêté du 2 août 2010 modifié relatif aux com- 2009 ; 37–40.
pétences requises pour dispenser ou coordonner [37] De la Tribonnière X. Précarité : trans… former les
l'éducation thérapeutique du patient. pratiques, les équipes, l'éducation thérapeutique ?
[23] Compagnon Rapport. Pour l'an II de la démocratie Partages d'expériences. Compte rendu du déjeuner-
sanitaire [Internet] ; 2014. p.259. Disponible en ligne débat au congrès de l'AFDET. Santé Éducation 2015 ;
sur : http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_ 29–30.
DEF-version17-02-14.pdf. [38] Bourdillon F, Collin JF. Une politique pour l'éduca-
[24] Roussel S, Deccache A. Représentations variées des tion thérapeutique du patient. Presse Med 2009 ; 38 :
concepts en éducation thérapeutique du patient chez 1770–3.
les professionnels de soins de santé. Réflexions et [39] Sanguignol F. Les programmes d'ETP vont-ils pou-
perspectives. Éduc Thérapeutique Patient - Ther voir survivre ? In : 5e Congrès de la société euro-
Patient Educ 2012 ; 4 : S401–8. péenne d'éducation thérapeutique (SETE) : éducation
[25] Lecorps P. Au-delà de la morale, une éthique du thérapeutique, quelles frontières ? ; 2014. Paris.
sujet. Sante Homme 2000 ; 345 : 30–1. [40] Cash R. Les enjeux du financement de l'éducation
[26] Roussel S, Deccache A. Santé psychique subjective, thérapeutique. ADSP 2009 ; 50–1.
identité oscillante. Deux tendances émergentes en
23
Éléments d'éthique Chapitre 3
La pratique de l'ETP, en raison de son sujet, fait recul, voire de l'éradication des maladies infec-
nécessairement surgir un certain nombre de tieuses enregistrée jusque-là.
questionnements d'ordre éthique. Il paraît inté- À partir de là, le malade va revendiquer de plus
ressant d'apporter des éléments de réflexion, sans en plus sa place. Dans notre pays, la loi de 2002
avoir pour autant la prétention d'y répondre de sur le droit des patients inscrit dans le marbre
façon exhaustive. cette évolution sociale et politique. L'ETP émerge
Il ne s'agit pas par ailleurs de remettre en cause dans ce contexte et se réclame d'une conception
les dispositifs décrits dans cet ouvrage. Il nous et d'une pratique fondée sur une prise en soin
importe d'accompagner par ce chapitre chaque holistique de la personne. Mais entre les mots et
professionnel dans une réflexion personnelle par les faits, il peut y avoir dissonance, voire déviance,
rapport à ses pratiques éducatives existantes ou en d'où la nécessité d'une vigilance éthique.
devenir.
Force et poids
Évolution de la relation de la réglementation [2–4]
soignant–patient [1]
Inscrite dans le Code de la santé publique par la
Jusqu'à la fin des Trente Glorieuses, nous avons loi HPST de 2009, l'ETP rentre donc dans l'ordre
appris à guérir les maladies aiguës. De ce fait, social et devient une norme qui va dans le sens de
beaucoup de ces maladies sont devenues chro- l'intérêt collectif. Ce principe vise à favoriser chez
niques, comme dans le cas de l'infection à VIH. le citoyen l'adoption de comportements de santé
Ce changement de paradigme, dans lequel l'ETP adaptés.
s'intègre, constitue une révolution copernicienne. Ces comportements suggérés comme bons sont
En effet, il y a bien longtemps, Gui de Chauliac dotés d'une valeur morale. La recherche d'une
(1298–1368) énonçait que « le médecin attend de bonne santé devient ainsi une valeur civique
son patient qu'il lui obéisse tel un serf à son sei- absolue pour les citoyens. En effet, parce que la loi
gneur ». Au nom de cette soumission, le médecin organise les dépenses de santé de la collectivité,
pouvait prendre des libertés avec la vérité, voire celle-ci se donne un droit de regard moral sur la
mentir au patient « pour son bien ». Quelques gestion des maladies dans le pays.
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siècles plus tard, Louis Pasteur disait aussi : « Je ne À un niveau individuel, la loi met en rapport
te demande pas ta race, ta religion. Tu souffres : tu avec autrui. Toute inscription sociale ne peut se
m'appartiens. » fonder que sur un renoncement partiel de ses
Ces conceptions ont perduré jusque dans les propres envies et pulsions d'individu. Mais, où se
Pratiquer l’éducation thérapeutique
années 1970. Puis la médecine a évolué. D'empi- situent les limites de ce renoncement conscient ? À
rique, elle est devenue scientifique, amenant à l'échelon de l'individu, la réflexion sur les actions
la médecine basée sur les preuves. À partir des relève de l'éthique personnelle, mais l'environ-
années 1980, des avancées médicales considé- nement moral des normes collectives reste tou-
rables, hypersophistiquées et hypertechniques, jours présent en chacun. Ces normes morales en
prennent place. Cependant, des points d'ombre se « rouvrant à elles-mêmes », selon l'expression
persistent ou émergent, comme l'apparition du de J.-M. Mouillié, évitent l'écueil de la sclérose et
Sida qui tient en échec la médecine, en dépit du contribuent à la réflexion éthique [3].
25
Partie I. Principes de l'éducation thérapeutique du patient
26
Chapitre 3. Éléments d'éthique
S'il est vrai que tout est changement, la « vérité Il s'agit donc de garder une souplesse face au
médicale », comme d'autres, évolue et ce qui était patient, afin de rester le plus possible sensible à
vrai hier ne l'est plus nécessairement aujourd'hui. ses particularités et ses besoins. Les programmes
Le rappel de la labilité des connaissances scienti- autorisés par les ARS ne doivent pas non plus
fiques doit nous conduire à davantage d'humilité. devenir des carcans administratifs pour les
Toutefois, une difficulté réside dans le fait que le équipes soignantes, mais rester des soutiens orga-
patient a besoin de percevoir une assurance et une nisationnels.
certitude chez le soignant, afin de pouvoir s'enga- Des recherches sont actuellement en cours sur
ger dans le processus thérapeutique. Là se trouve de nouveaux formats, notamment en soins de
un équilibre subtil qu'il convient d'atteindre. Ainsi, premier recours [15]. L'ETP ponctuelle hors pro-
faire part de doutes en tant que soignant face au gramme, intégrée dans le soin, est également une
patient n'est pas toujours synonyme d'angoisse réponse complémentaire possible [16].
pour ce dernier. Cela peut aussi être porteur d'es-
poir et permettre d'envisager pour demain une
amélioration de la prise en charge d'une maladie Les mots « éducation » et
anciennement incurable, grâce à l'amélioration des « thérapeutique » sont-ils bien
techniques et des traitements. C'est par exemple le cas compris ?
pour l'hépatite C, qui est maintenant guérissable dans
presque la totalité des cas avec les nouveaux antiviraux. Les mots « éducation » et « thérapeutique » ne sont
Enfin, les connaissances médicales s'appuient pas neutres et peuvent être compris différem-
sur des preuves fondées sur des comparaisons sta- ment par tout un chacun. Cela amène à évoquer
tistiques. À l'échelon individuel, la transposition la notion de représentation abordée par ailleurs
de ces vérités collectives n'est parfois plus juste. (voir chap. 2, Le choix des mots « éducation » et
Aussi, convient-il d'accepter de relativiser nos « thérapeutique »).
certitudes. D'autres réalités peuvent exister sans Le mot « éducation » peut rappeler l'enseigne-
qu'une preuve n'en soit encore apportée. ment scolaire ou l'éducation parentale. Or, comme
l'énonce H. Arendt, « on n'éduque pas un adulte
sinon pour le dominer » [17]. Dans l'esprit de cette
philosophe, le mot éducation risque d'infantiliser
Le format de l'ETP en question le patient en présence du soignant. C'est pourquoi
certains auteurs préfèrent le terme d'apprentis-
L'institutionnalisation de l'ETP en France est une sage, car il est concret et investi d'une dimension
grande avancée. La loi garantit une qualité, un artisanale. L'artisan adapte son outil à tout ins-
déploiement sur le territoire, une pérennisation tant, « bricole » avec le réel dans un but déterminé
et, autant que faire se peut, des moyens financiers et harmonieux [7, 18]. D'autres utilisent les termes
spécifiques. de formation [19], accompagnement, entraîne-
ment, développement personnel, etc. Mais tous
Notion de programme d'ETP ces mots ont également leurs limites.
Il en va de même pour le mot « thérapeutique ».
[11–14] Son évocation souligne que l'ETP s'inscrit dans le
L'ETP est organisée dans notre pays sous la forme soin et qu'elle est portée par des soignants. Tou-
de programmes structurés portés par des équipes tefois, il ne faudrait pas donner l'impression que
de soignants, en collaboration avec des patients. l'ETP se limiterait à des aspects purement biomé-
Le contenu est co-construit pour un apprentis- dicaux et thérapeutiques, ayant pour finalité prin-
sage du patient dans un but d'autonomie et d'une cipale « une bonne observance » du patient. L'ETP
meilleure qualité de vie. s'intéresse aussi et, parfois, surtout à la sphère
Si ce cadre d'organisation porte en lui beaucoup psychosociale.
d'avantages en termes d'efficacité et de cohésion Il est donc nécessaire que le soignant soit averti
interdisciplinaire, le format proposé peut présen- de l'ambiguïté de ces notions. L'éducation ici envi-
ter un risque de rigidification des contenus et de sagée n'est pas un formatage, mais un accompa-
stéréotypie des attitudes des soignants. gnement dans un apprentissage co-construit. Face
27
Partie I. Principes de l'éducation thérapeutique du patient
au patient, il convient donc d'éclaircir dès le début de partager leurs intentions et de les confronter à
ce que l'on entend par ces mots, de confronter et celles du patient. Si le patient donne son accord, il
respecter les conceptions de chacun et d'expliquer mobilise son attention et s'ouvre à la nouveauté, ce
ses propres intentions de soignant. qui est un prérequis pour tout apprentissage.
28
Chapitre 3. Éléments d'éthique
Pour ce qui est du pouvoir que les soignants Au final, s'il y a accord du patient, vouloir évo-
auraient de changer le patient, l'évocation luer par l'ETP amène celui-ci, comme d'ailleurs
même de la notion de pouvoir constitue d'em- aussi le soignant, à un changement de posture et
blée une objection. L'essence de l'ETP repose d'identité.
sur une relation partenariale. Par ailleurs, vou-
loir changer l'autre contre son gré n'a aucune
chance d'aboutir. La liberté de ne pas adhérer
Il convient donc de rechercher un accord du
patient de vouloir changer, par exemple, un com-
au traitement ? [11, 20–22]
portement de santé. Pour ce faire, il existe alors L'une des principales normes médicales consiste
des conditions de réussite qu'il convient de visiter à suivre assidûment la prescription médicale. La
avec le patient [6] : vérité médicale qui justifie cette prescription s'ap-
• son niveau d'acceptation de sa maladie (étapes puie sur des preuves cliniques bien établies par
du deuil de Kübler-Ross) et sa disposition au des études scientifiques. Cependant, en réalité,
changement (Prochaska) : voir chap. 5, Tempo- seuls 50 % des patients suivent correctement leurs
ralité et changement de comportement ; prescriptions, pourcentage encore inférieur pour
• son niveau de connaissances sur la maladie et le les règles hygiéno-diététiques et les changements
traitement ; de comportements de santé (voir chap. 11, Adhé-
• ses croyances et ses représentations sur la mala- sion au traitement).
die et le traitement, mais aussi sur le sens qu'il Malgré les conséquences parfois graves pour le
donne à ce qui lui arrive… patient de ne pas adhérer au traitement, sa déci-
Si les deux premiers critères sont d'ordre psy- sion doit toujours être considérée comme respec-
chologique et cognitif, le troisième relève d'un table, et doit être accueillie comme l'expression de
domaine intime qui touche à l'identité du patient, son énergie vitale, investie dans l'effort de main-
à son histoire, à ses conceptions non seulement tenir son identité et sa liberté.
personnelles, mais aussi culturelles, familiales et Il existe toujours des causes à la non-adhésion,
communautaires [4]. Changer un comportement parfois difficiles à déceler, qu'il convient d'explo-
interfère donc avec ces domaines et reste toujours rer avec le patient. Cette situation souvent délicate
difficile. pour le soignant, peut être l'opportunité pour lui
La question du changement de comportement de faire preuve de créativité pour trouver de nou-
amène à interroger le processus même de l'appren- velles options thérapeutiques plus adaptées.
tissage [11]. On sait maintenant qu'apprendre ne Une bonne adhésion à un traitement s'accom-
consiste pas à ajouter des informations à d'autres pagne souvent d'une relation de confiance entre le
informations, mais nécessite une réorganisation patient et le soignant [11, 21, 23]. La confiance crée
cognitive qui conduit à des changements. Pour des intérêts réciproques. Le soin est une conversa-
apprendre de nouvelles choses, il faut abandon- tion, ainsi qu'un regard sur soi-même. « Le patient
ner des conceptions antérieures et réorganiser des se soigne s'il a le souci de lui-même, et s'il s'aime ; le
schémas de pensée plus ou moins conscients. Les soignant le soigne s'il a le souci de lui, s'il l'aime et
modifications de pensées et de comportements s'il s'aime ! » nous dit G. Reach [21]. L'instauration
ressenties par le patient peuvent au bout du compte de la relation de confiance contribuerait à créer et
être importantes, voire modifier sa perception iden- maintenir l'adhésion au traitement [11, 21, 23].
titaire. En miroir de la non-adhésion du patient,
Un changement de comportement demande une non-adhésion du soignant est possible. On
donc obligatoirement l'adhésion et la motivation nomme ce phénomène « l'inertie clinique du
forte du patient. Le recueil préalable du consen- médecin » [22]. La non-adhésion du patient et celle
tement éclairé du patient a ici tout son sens. Par du soignant forment un reflet l'une de l'autre : le
cet accord, le patient accepte de se laisser désta- patient sait qu'il existe un traitement, il a compris
biliser. Au cours du processus, des paradoxes et ce qu'il doit faire pour le prendre, il a les moyens
des incohérences risquent fort de survenir, pou- de le faire et n'a pas oublié qu'il doit le prendre, il
vant entraîner un inconfort, voire des angoisses. est d'accord pour le prendre et pourtant, il ne le
Il conviendra alors de savoir les accompagner. prend pas ! Face à cela, le médecin sait qu'il y a des
29
Partie I. Principes de l'éducation thérapeutique du patient
recommandations de traitement, il pense que cela laissant advenir autrui dans la réalité de son être
s'applique à son patient, il a les ressources pour les propre, paraît juste [2, 4]. Le soignant se trouve
appliquer et pourtant, il ne le fait pas [22] ! alors en position d'appui. Il devient conseiller et
témoin, offrant des questionnements, des ana-
lyses, un dialogue [2]. Dans cette dyade, deux
Vers quel type de relation expertises s'expriment, celle du patient, dont
soignant–soigné tendre ? le savoir est celui d'un « expert » de sa vie avec
la maladie, et celle du soignant, relevant du
Nous ne sommes plus dans le modèle paterna- domaine scientifique et biomédical. Notons que
liste où le médecin décide et le patient exécute certains désignent l'expertise du patient comme
et fait automatiquement confiance. Pour autant, « profane ». Cette acception risque d'induire un
il ne s'agit pas non plus de s'interdire d'influen- « sacré » en miroir qui reviendrait implicitement
cer le patient. Entre une prise de pouvoir et un au monde des soignants. La position du patient
laisser-aller, il est possible et nécessaire d'envi- resterait ainsi par essence subordonnée à celle des
sager une troisième voie, celle de la rencontre soignants.
partenariale et du partage entre les deux parties. Enfin, dans cette relation, le soignant peut se
Dans le cadre d'une relation d'aide, le soignant, considérer aussi comme apprenant. Comme dans
par une posture éducative adaptée, peut susciter tout échange duel, l'enrichissement est mutuel. Au
l'envie chez le patient d'augmenter sa puissance fil du temps, le soignant se trouve modifier dans
et sa capacité à agir sur son état de santé avec sa posture et dans son identité, par l'expérience
la maladie, surtout lorsqu'il est en situation de partagée avec les patients [27]. Il y a réciprocité au
vulnérabilité [11, 24, 25]. sens de P. Ricœur [5].
Dans la relation, le patient n'est pas objet, mais
sujet désirant [26]. Accepter ce fait, c'est lui recon-
naître sa position « d'auteur » de sa vie. Comme Quelle finalité pour l'ETP ?
toute personne, le patient est un sujet libre de La qualité de vie, l'autonomie,
choix. Certes, il peut être pris dans les filets de
l'ambivalence et des contradictions. Ceci s'ap- la responsabilité du patient ?
plique d'ailleurs aussi aux soignants. Tout un cha- [3, 4, 25, 28]
cun ressent l'attirance de la liberté et la difficulté
à l'assumer. D'après la définition de l'OMS, le but de l'ETP
Sans cette liberté, il ne peut y avoir de chan- est d'aider le patient à maintenir et améliorer sa
gement durable et fécond. L'adaptation d'une qualité de vie. Si les soins et l'éducation visent
personne dépend de sa motivation et sa volonté, à augmenter la durée de la vie, ils aspirent aussi
de son environnement et des soignants avec qui à améliorer sa qualité. En d'autres termes, pas
elle est en relation. Cela confère d'ailleurs aux de quantité de vie sans qualité de vie. Précisons
soignants une responsabilité évidente. Comme qu'une bonne qualité de vie ne signifie pas de
dans toute relation, les mécanismes de défense du revenir à l'état antérieur de la maladie, ce qui n'a
soi, chez le patient comme chez le soignant, sont pas de sens pour une maladie chronique. La qua-
présents pour maintenir plus ou moins consciem- lité de vie ne peut être appréciée que par le patient
ment l'intégrité et l'homéostasie de l'individu. lui-même [4, 6].
L'enjeu réside donc dans la capacité du soignant Pour tendre vers une bonne qualité de vie, ou
à créer un espace apte à recueillir la parole du pourrait-on dire, une bonne vie, l'autonomie est
patient et ses réactions émotionnelles. Ce dernier une condition nécessaire. Elle permet au patient
a donc besoin de confiance, de sécurité et d'em- de choisir aussi librement que possible ses orienta-
pathie pour s'exprimer afin de déposer une par- tions de vie et de soins. Précisons qu'il existe deux
tie de sa souffrance et de se sentir reconnu comme types d'autonomie : une autonomie fonctionnelle,
sujet [12]. De la part du soignant, cela demande qui concerne les savoirs et savoir-faire que le
humilité et volonté de ne pas exercer d'emprise sur patient déploie pour gérer sa maladie, et une auto-
l'autre. Dès lors, seule une posture empathique, nomie décisionnelle, qui consiste en sa capacité de
30
Chapitre 3. Éléments d'éthique
poser des choix en matière de santé, de traitement rien l'humanité, qui reste inscrite dans le soin [9].
et de vie [29]. Dans le premier cas, c'est « ce que L'ETP relève de ce même tâtonnement [25].
le patient peut faire », dans le second, « ce que le Autant il peut être nécessaire de changer des
patient veut faire » [30]. comportements individuels de santé, autant il
Si le patient adhère à la norme biomédicale qu'on convient d'agir au mieux sur les conditions de vie
lui propose, il le fait parce qu'il en est convaincu collective et sur l'environnement. On rencontre
et qu'il pense que c'est juste pour lui. Notons que alors les préoccupations directrices des éthiques
la notion d'autonomie reste relative, car le malade du care. Si la logique du choix est une logique de
aura toujours besoin de l'aide de l'équipe soi- responsabilité et de culpabilité, celle du soin relève
gnante dans la gestion de sa maladie [4]. d'une logique de l'adaptabilité, de la ténacité et de
L'autonomie engendre ipso facto une responsa- la persévérance. « La liberté est un dur travail qui
bilité, qui ne signifie pas pour autant culpabilité. relève d'une quantité de petites choses. » [31] Il
Par exemple, il n'est pas responsable de son capi- s'agit donc ici de dépasser les dichotomies libre/
tal génétique ou de l'environnement qui peuvent pas libre, rationnel/affectif, actif/passif et, par
jouer un rôle important dans l'aggravation de la conséquent, paternalisme/autonomie [18].
maladie. La culpabilisation du patient par les soi- Fort de ces principes, il s'agit de développer une
gnants n'est pas justifiée et doit être remplacée par « sagesse pratique », cette phronesis ou « prudence »
un accueil bienveillant [4]. au moyen de laquelle, disait Aristote, il convient d'al-
L'objectif même de développer l'autonomie est ler vers le préférable et d'exclure l'inacceptable [32].
actuellement débattu par certains auteurs. Il en Dans le soin et l'éducation avec le patient, un tel souci
est ainsi d'A.-M. Mol et d'A. Lacroix, qui postulent conduit à mettre en partie de côté l'aspect technique
que le patient serait davantage dans une logique du métier, de passer de la position d'expert à celle de
de soin que de choix [12, 18, 31]. La logique de médiateur afin de prendre réellement en compte la
choix signifie que le patient a pour priorité d'être personne que l'on a en face de soi.
en capacité de choisir. Or, cette capacité a tou-
jours été présente, même si les choix n'étaient pas Références
toujours appropriés. Il a toujours été actif dans [1] Jonquet O. Éthique en recherche. In : Actes de la
ses choix et sa vie, et non passif. C'est pourquoi 1re Journée Recherche en ETP. Montpellier : Compte
la logique de soin paraît plus adaptée. Dans cette rendu par B. Ait El Mahjoub ; novembre 2013.
optique, la première préoccupation du patient [2] Lecorps P. Éducation du patient : penser le patient
comme « sujet » éducable ? Pédagogie Médicale 2004 ;
« n'est pas de savoir qui est celui qui décide, mais 5 : 82–6.
ce qu'il serait bon de faire (…). Comment vivre [3] Collège des enseignants de sciences humaines et
avec un corps qui est à la fois fragile et capable sociales en médecine et santé. Médecine, santé et
de ressentir du plaisir ? » [31]. L'enjeu est ici de sciences humaines : Manuel. 1re éd. Paris : Les Belles
chercher la vie bonne avec la maladie. Dans la Lettres ; 2011. p. 720.
logique du soin, se joue un ajustement constant [4] Gueullette JM. Une approche éthique de l'ETP : des
enjeux multiples. "In : Actes des 12es Journées régionales
et indéfini, effectué ensemble par les soignants d'Échanges en Éducation du patient". Montpellier :
et le patient, entre les désirs et les possibilités, la Compte rendu par X. de la Tribonnière ; 4 avril 2012.
technologie et les habitudes, la maladie et la vie [5] Ricoeur P. Soi-même comme un autre. Paris : Points ;
sociale [18]. Dès lors, le soin « suffisamment bon », 2015.
au sens de D.W. Winnicott, consiste en une mul- [6] Buttet. Le concept d'éducation pour la santé centrée
sur le patient. Rech Soins Infirm 2002 ; 72 : 41–8.
tiplicité d'actes et de relations s'ajustant aux aléas
[7] Barrier P. La blessure et la force. Paris : PUF ; 2010. p. 160.
de la maladie et soutenant, dans la durée, l'indi- [8] Barrier P. L'ETP comme dynamique d'équilibre et de
viduation toujours inachevée du patient [18, 23, bienfaits. « In : Actes des 12es Journées régionales
31]. Ce dernier, aidé des soignants, peut tisser des d'Échanges en Éducation du Patient ». Montpellier :
relations adaptées visant à faire face à la réalité Compte rendu par X. de la Tribonnière ; 4 avril 2012.
de son corps malade. Dans le prolongement de la [9] Canguilhem G. Le normal et le pathologique. 12e éd.
Paris : PUF ; 2013. p. 290.
réflexion de G. Canguilhem, on peut avancer que [10] Organisation mondiale de la santé (OMS). 1re Confé-
la médecine tient de l'art, en sorte que le soin s'ap- rence internationale pour la promotion de la santé.
parente à un bricolage technique qui n'élimine en Ottawa : OMS ; 1986.
31
Partie I. Principes de l'éducation thérapeutique du patient
[11] Lagger G, Chambouleyron M, Lasserre Moutet A, [21] Reach G, Baertschi B. Une théorie du soin : souci et
Golay A. Questions d'éthique soulevées par la pra- amour face à la maladie. Paris : Belles Lettres ; 2010.
tique de l'ETP. Éduc Thérapeutique Patient - Ther p. 178.
Patient Educ 2013 ; 5 : 409–14. [22] Reach G. L'inertie clinique. Paris : Springer ; 2012.
[12] Lacroix A. Peut-on réconcilier logique médicale et p. 161.
logique du patient ? Santé Éduc 2013 ; 22 : 15–6. [23] Benaroyo L, Marin C. À quel soin se fier. Conversa-
[13] d'Ivernois JF, Gagnayre R. Apprendre à éduquer le tions autour de Winnicott. Paris : PUF ; 2015.
patient : approche pédagogique. Paris : Maloine ; [24] Svanda P. L'autonomie comme expression des « capa-
2016. p. 170. bilités ». Éthique & Santé 2007 ; 74–7.
[14] Haute Autorité de santé (HAS). Structuration d'un [25] Sandrin-Berthon B. Pourquoi parler d'éduca-
programme d'éducation thérapeutique du patient dans tion dans le champ de la médecine ? In : Sandrin-
le champ des maladies chroniques. Guide méthodolo- Berthon B, et al., editors. L'éducation du patient au
gique. 109 pages [Internet] ; 2007. Disponible en ligne secours de la médecine. Paris : PUF ; 2000.
sur http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/ [26] Lecorps P. Le patient comme « sujet ». In : Sandrin-
application/pdf/etp_-_guide_version_finale_2_pdf.pdf. Berthon B, et al., editors. L'éducation du patient au
[15] Haut Conseil de la santé publique. L'éducation thérapeu- secours de la médecine. Paris : PUF ; 2000.
tique intégrée aux soins de premier recours ; 2009 nov. [27] Sandrin-Berthon B. Patient et soignant : qui éduque
[16] Guégan C. Enquête sur la pratique de l'éducation l'autre ? Médecine des Maladies Métaboliques 2008 ;
thérapeutique intégrée aux soins auprès de soignants 2 : 520–3.
formés. Santé Éduc 2014 ; 3 : 8612. [28] Certain A. L'éducation thérapeutique du patient dans
[17] Arendt H. La crise de la culture. Paris : Gallimard ; le contexte de la promotion de la santé : son déploie-
1989. ment dans le parcours de soins et aspects éthiques.
[18] Lefève C. Logique du choix ou logique du soin ? Ethics, Medicine and Public Health 2015 ; 393–403.
Réflexions à partir de l'ouvrage Ce que soigner veut [29] Roussel S, Gagnayre R, Deccache A. Difficultés de
dire. Repenser le libre choix du patient, de Anne mise en pratique de l'ETP… Et si les représentations
Marie Mol. Santé Éduc 2014 ; 1 : 30–3. étaient en cause ? Nutritions et Endocrinologie 2013 ;
[19] Lacroix A, Assal JP. L'éducation thérapeutique des 169–72.
patients : accompagner les patients avec une mala- [30] Constans T. Quels objectifs glycémiques chez la per-
die chronique : nouvelles approches. 3e éd. Paris : sonne âgée diabétique ? Y a-t-il un consensus ? Rev
Maloine ; 2011. p. 220. Médecine Interne 2004 ; 25 : 853–5.
[20] Reach G. Pourquoi se soigne-t-on ? Enquête sur la [31] Mol A. Ce que soigner veut dire : repenser le libre
rationalité morale de l'observance. 2e éd. Latresne : choix du patient. Presses des Mines ; 2009. p. 197.
Éditions Le Bord de l'eau ; 2007. p. 304 revue et aug- [32] Aristote. Éthique à Nicomaque. Paris : Flammarion ;
mentée. 2004. p. 560.
32
Partie II
Éléments de
psychologie du patient
L'ETP doit s'inscrire dans une relation soignant– • de plus en plus souvent, le patient exige d'être
patient de qualité. Il ne peut y avoir d'apprentis- considéré comme une personne et un citoyen
sage et d'accompagnement sans ce socle basé sur autonome ou en voie de l'être ;
la confiance. • le développement de la responsabilité et de l'au-
S'il est vrai que la qualité du soin se juge sur tonomie du patient est susceptible de favoriser
la qualité technique associée à la qualité rela- une meilleure prise en charge et une meilleure
tionnelle, nous postulons que la qualité du soin adhésion de celui-ci au plan de soin proposé.
éducatif est liée à celle de l'abord pédagogique et Cette situation contribue à une optimisation de
du soutien psychosocial associé à la qualité de la l'utilisation des moyens mis à disposition par la
relation avec le patient. L'ETP offre donc l'oppor- société pour la santé de la population.
tunité de revisiter la relation que le soignant vit Du modèle paternaliste, on glisse donc vers un
avec le patient. modèle partenarial. À défaut d'égalité, cette rela-
L'ETP est basée sur un modèle de relation par- tion implique une équivalence des prérogatives
tenariale. Le soignant rentre dans une relation des deux parties. Plusieurs éléments la caracté-
d'aide. Il est à l'écoute des besoins du patient et risent :
les fait émerger. Il considère particulièrement l'en- • le patient est au centre. Plus précisément, c'est la
tourage de ce dernier. Afin de gérer au mieux les relation soignant–soigné qui se trouve au centre
situations souvent délicates rencontrées dans la du dispositif. Pour être cohérent avec cette nou-
pratique clinique, il a tout avantage à développer velle vision, il serait sans doute plus judicieux
des compétences de communicant. d'inverser le sens de la proposition et de parler
de la relation « patient–soignant » ;
• la relation repose sur l'empathie : ce terme
désigne l'aptitude à reconnaître la souffrance du
Du modèle paternaliste malade et à le lui signifier. Elle est différente de
au modèle partenarial [1–6] la compassion qui se définit comme une souf-
france partagée, ou de la sympathie où l'iden-
La relation soignant–soigné est une rencontre sin- tification est la règle. Notons tout de même que
gulière, imprévisible, asymétrique et inégale. Elle ces définitions varient selon les auteurs. Nous
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se construit autour d'un double langage particu- prenons donc le partie de ces désignations ainsi
lièrement complexe, celui du corps et de la parole. proposés ;
Dans le « modèle paternaliste » traditionnel, le • un climat de confiance. Celui-ci est basé sur
Pratiquer l’éducation thérapeutique
soignant est censé savoir et être objectif. Prenant une bienveillance et une bonne distance soi-
en charge les intérêts du patient, il décide pour lui. gnant–soigné qui favorisent l'expression libre
Le principe de bienfaisance dont il se prévaut, se du patient ;
décline comme suit : ne pas nuire, prévenir et sup- • l'expertise du patient est reconnue : elle est issue
primer le mal ou la souffrance, faire et promou- de son expérience mais aussi de ses propres
voir le bien. recherches personnelles (l'Internet offre cette
Ce modèle est maintenant obsolète pour plu- possibilité). Il s'instaure entre les deux acteurs
sieurs raisons [1] : une délibération, avec de riches échanges tenant
35
Partie II. Éléments de psychologie du patient
36
Chapitre 4. Être en relation avec le patient
Le soignant est alors ressenti comme digne de sonne à vivre correctement avec sa maladie dans
confiance, dans une relation interpersonnelle son milieu et à se sentir reconnue et acceptée plei-
sécurisante ; nement malgré sa pathologie. Le cinquième niveau
• le non-jugement qui implique d'accepter le relève de la réalisation de soi. L'émergence de la
patient tel qu'il est. C'est un regard positif maladie fait vivre au patient une crise existen-
inconditionnel. tielle profonde, aiguillonnée par une recherche de
Ces principes de communication et d'ajuste- sens. Cette quête est le propre de l'homme. Le sens
ment de la relation sont largement utilisés en ETP. que le patient donne à sa maladie l'aide à se réap-
Ainsi, on définit classiquement la posture éduca- proprier son corps, à apprivoiser la maladie et à
tive en utilisant quasiment les mêmes termes. Elle trouver une certaine paix. L'angoisse de la souf-
est constituée d'empathie, d'écoute active (ques- france et de la mort, bien que toujours présente,
tions ouvertes, attention soutenue, intérêt, expres- est canalisée. Peu à peu, le malade peut intégrer la
sivité, etc.), de reformulation (vérifier que l'on a maladie comme acceptable. Il va apprendre à vivre
compris et donner au patient le sentiment d'avoir avec. Là encore, la pratique de l'ETP prend tout son
été entendu) et de renforcement du sentiment sens dans cet apprentissage. Le patient apprend
d'autoefficacité (voir chap. 5, Sentiment d'effica- seul mais pas tout seul. L'aide des soignants, tout
cité personnelle ou d'autoefficacité). comme celle de son entourage, est déterminante.
37
Partie II. Éléments de psychologie du patient
place. La maladie est en général l'occasion d'un • ne pas parler de choses difficiles, comme la
renforcement des liens préexistants. L'excès sexualité…
résiderait dans une surprotection ressentie L'auteure propose des conduites à tenir [1] :
par le patient et pouvant soit l'exaspérer, soit le • le malade doit rester la personne centrale ;
rendre passif et déléguant ; • voir le malade seul dans un premier temps ;
• à l'inverse, dans des systèmes familiaux rigides • proposer de voir l'accompagnant seul dans cer-
et fermés, l'émergence de la maladie entraîne des tains cas ;
dysfonctionnements : les ruptures sont fréquentes, • aider chacun à s'exprimer et à communiquer ;
tant sur les plans des liens affectifs, que de la com- • évaluer la souffrance de chacun.
munication ou du soutien. La maladie exacerbe
les conflits et les rivalités familiales, amplifie les
sentiments de culpabilité ou de dette, ainsi que les
attitudes de soumission ou d'agressivité. Mécanismes de défense
La communication entre le malade et son
entourage est parfois difficile. Pourtant, chacun a
du patient et du soignant [1, 6]
besoin d'exprimer ses difficultés et sa souffrance.
Défenses du patient
Le malade ne demande pas forcément d'être com-
pris, mais accompagné, accepté, dans l'amour et La rencontre du patient avec la maladie est dou-
le respect de sa personne. loureuse. Pour s'adapter, le patient met en œuvre
Pour répondre au mieux à la situation, le soi- des mécanismes de défense dès l'annonce. En
gnant doit se poser certaines questions face à la restant à l'écoute du patient, le soignant peut les
dyade patient–aidant [1, 12] : repérer et l'aider au mieux.
• concernant le patient : quelle est sa place dans I. Moley-Massol énumère les principaux méca-
la famille ? que représente pour lui la maladie ? nismes de défense du patient [1] :
à quelle place est-il mis depuis qu'il est malade ? • l'annulation : en remaniant les informations qui
est-ce confortable ? y a-t-il rupture avec les lui sont fournies, le patient empêche la réalité
autres ? comment a-t-il déjà fait face à d'autres d'accéder à sa conscience ;
événements difficiles ?… • le déni : c'est un refus de reconnaître une partie
• concernant l'accompagnant : qui est-il ? quelle de la réalité. Le patient intègre la part tolérable
est sa représentation de la situation ? quelle de la vérité et rejette ce qui lui est insupportable,
relation a-t-il avec le patient ? est-il en souf- aboutissant à un clivage intérieur ;
france ?… • la rationalisation : tout en reconnaissant son
• concernant la relation malade–proche : com- état, le patient neutralise le retentissement
ment fonctionne-t-elle ? existe-t-il des modifica- affectif de ce savoir. Il intellectualise froide-
tions depuis l'apparition de la maladie ? existe-t-il ment sa maladie ;
des difficultés relationnelles, sexuelles ?… • le déplacement : l'angoisse liée à la maladie est
D'après I. Moley-Massol, plusieurs pièges sont reportée sur un élément substitutif plus accom-
à éviter [1] : modant, en relation ou pas avec la maladie ;
• infantiliser le patient ou les proches ; • la maîtrise : le patient veut rester maître de la
• favoriser une collusion familiale qui exclurait le situation. Il a besoin de rationaliser, de com-
patient au nom d'une soi-disante protection ; prendre l'origine de son mal pour mieux l'ap-
• imposer aux proches un fardeau trop lourd à préhender et le contrôler ;
porter ; • la régression : elle consiste à retourner à un
• sous-estimer la souffrance des proches ; stade antérieur de son développement. Le
• laisser l'accompagnant prendre toute la place patient devient passif et dépendant ;
pendant la consultation, le laisser parler à la • la projection agressive : le sujet projette sur
place du malade ; l'extérieur la menace qui est en lui, pour mieux
• exclure de toute information utile certains l'anéantir ;
membres de la famille ; • la combativité et la sublimation : ces méca-
• faire la morale ; nismes de défense sont plus positifs et moins
38
Chapitre 4. Être en relation avec le patient
douloureux pour l'entourage. La combativité Le jargon médical est alors utilisé comme une
est une forme de refus de la soumission à la langue étrangère qui rend impossible toute
réalité. Il s'agit de transformer son infortune en communication. Ce langage obscur démunit le
projet de vie et en reconstruction. La sublima- patient mais rassure le soignant en lui conférant
tion, en réponse à l'angoisse et à l'impuissance, un sentiment de puissance ;
est sûrement le mode de défense le plus réussi. • « l'information abandon » : le soignant dit tout
Elle se réalise par exemple, par une création et tout de suite. Il se décharge du fardeau, sans
littéraire, artistique ou intellectuelle, ou une tenir compte de la demande du patient et de ses
démarche associative ou humanitaire. capacités à entendre. C'est une forme de passage
En prenant conscience de ces réactions, le soi- à l'acte verbal, de fuite en avant ;
gnant peut comprendre que celles-ci ne sont pas • l'identification massive au patient et l'apitoie-
dirigées contre lui, mais sont bien l'expression ment : cette attitude efface la distance entre le
d'un profond désarroi. Il est essentiel de recon- soignant et le soigné. Le soignant, incapable de
naître ces comportements réactionnels pour faire front, préfère faire corps avec le patient. Il
mieux aider le patient. L'aide d'un psychologue est n'est plus à l'écoute de l'autre, mais de lui-même.
parfois utile. Face à ces constatations, quelles sont les solu-
tions ? Le premier réflexe pourrait être d'apprendre
Défenses du soignant des techniques relationnelles et de communica-
tion de façon à se mettre à distance pour mieux
Le soignant n'est pas épargné par le bouleversement gérer la situation. Mais le soignant ne peut éviter
émotionnel créé par l'émergence de la maladie. son propre malaise, ses propres angoisses et doit
Lui-même peut être en difficulté face au patient, à de ce fait comprendre ses réactions. En acceptant
son entourage et tout simplement face à sa propre ses peurs, ses faiblesses, ses limites, il peut se libé-
impuissance. Il est alors douloureusement ren- rer petit à petit, pour être davantage présent dans
voyé à ses propres limites, à sa vulnérabilité, à ses sa relation au patient, en toute humilité.
angoisses face à la maladie ou face à sa propre mort.
Dans cette situation, I. Moley-Massol énonce
certains comportements réactionnels de défense
du soignant [1] : Cadre et clés d'une bonne
• le mensonge : il croit ainsi « protéger » le patient. communication
En réalité, il ne fait que se préserver temporaire-
ment de sa propre angoisse. Le mensonge prive Dans la suite des commentaires précédents, un
le patient d'une représentation de sa maladie et travail sur soi de conscientisation et de gestion de
l'empêche de donner du sens à ses symptômes. ses propres émotions n'est pas contradictoire avec
Celui-ci n'est pas en mesure de se préparer à l'acquisition d'une aisance à communiquer. L'un
l'évolution de sa pathologie. De plus, le men- renforce potentiellement l'autre.
songe interdit tout échange authentique et toute Aussi, nous allons explorer brièvement l'espace
véritable confiance ; de communication qui relie le soignant au soigné.
• la banalisation : elle ne tient pas compte de l'im- Au début de la rencontre, il convient d'abord de
portance que revêt la maladie pour le patient. définir un cadre de la relation (lieu de la rencontre,
Ce dernier ne se sent pas reconnu ; horaire, durée, périodicité, secret professionnel,
• la fuite et l'évitement : ils permettent d'éviter sa niveau d'interactivité, etc.). Celui-ci offre une qua-
propre angoisse ; lité d'accueil, de soutien mais aussi de contenant :
• la fausse réassurance : c'est une forme de men- tout en restant solide, il devra être flexible et mal-
songe car elle vise à entretenir, chez le patient léable pour résister à l'afflux des tensions [13].
qui n'y croit plus, un espoir impossible. Parfois, Le cadre est empreint de la figure du soignant
le malade feint de croire les paroles faussement qui requiert certaines qualités [13] :
apaisantes du soignant ; • une solidité et une constance pour accueillir ce
• le refuge dans la science : le soignant se cache que le patient vient déposer, avec toute la charge
derrière un discours médical hermétique. émotionnelle que cela peut supposer ;
39
Partie II. Éléments de psychologie du patient
• un ajustement pour assurer constamment sécu- • prendre le temps. Le temps réel n'est pas le
rité, stabilité et disponibilité ; temps ressenti. Parfois, il vaut mieux prendre
• une attention bienveillante, à maintenir malgré un nouveau rendez-vous pour aller plus loin.
des débordements éventuels ; Différencier le temps de l'examen clinique du
• une disponibilité interne, une écoute, signes temps de l'information, a fortiori de l'éduca-
d'une acceptation du patient tel qu'il est. tion, est important ;
Lorsque le soignant entre en communica- • l'information doit être claire, loyale, sincère,
tion avec le patient, trois grandes stratégies sont compréhensible et adaptée à la demande, aux
opérantes, et souvent s'associent dans la ren- besoins, aux ressources du patient, à ce qu'il est
contre [13] : prêt à entendre au moment donné. Elle doit être
• l'évaluation qui vise à détecter, clarifier ou véri- délivrée graduellement, au rythme du patient et
fier des informations ; répétée ;
• l'éducation qui cherche à répondre aux attentes • vérifier que l'information a été comprise. Pour
du patient et à structurer l'entretien et la rela- cela, la reformuler et/ou faire reformuler ;
tion ; • favoriser l'expression des peurs et des émotions ;
• le soutien qui favorise la confiance et permet au • répondre à toutes les questions embarrassantes
patient de se sentir rassuré, compris et accepté et aborder les sujets sensibles ;
tel qu'il est. • s'il y a saisie d'information sur papier ou sur
Ces trois modes s'entremêlent ou se succèdent ordinateur, l'expliquer et éventuellement dire
au cours d'une consultation d'ETP. Même si le au patient ce que l'on écrit ;
temps éducatif et le soutien sont l'essence même • rester en congruence avec soi-même, c'est-à-
de l'ETP, l'évaluation qui porte non sur le champ dire en adéquation avec ses propres pensées et
médical mais sur les besoins et les acquisitions des ressentis. Cette harmonie et cette cohérence
compétences constitue un enjeu fort. favoriseront la même attitude chez le patient.
Une fois que le cadre est posé, que le soignant- • s'autoévaluer et se remettre en question.
éducateur est conscient de la démarche qu'il entre- Fort de toutes ces notions, le soignant-éducateur
prend, à savoir une évaluation de la situation, une aura ainsi à sa portée des outils de communica-
éducation et/ou un soutien, il est apte à établir de tion qui favoriseront une relation chaleureuse et
bonnes règles de communication [1, 13, 14] : éthique avec le patient.
• l'accueil est un moment important : un mot de
bienvenue, une poignée de main, un sourire sont
signes de bienveillance. S'asseoir face au patient, au
même niveau que lui, le regarder, être ouvert sont
des clés incontournables d'une bonne relation ;
Cas particulier de l'annonce
• vérifier d'emblée ce que souhaite le patient, ce d'une mauvaise nouvelle
qu'il sait déjà, comment il se représente sa mala- [1, 15–17]
die et ses traitements… ;
• rentrer en contact avec lui en repérant son canal S'il est des moments particuliers dans la vie d'un
de communication privilégié. En effet, chacun patient, mais aussi des soignants, où les émotions
communique et donc apprend en utilisant s'entrechoquent, l'annonce d'une mauvaise nou-
préférentiellement un canal visuel, auditif ou velle, comme une maladie grave en fait large-
kinesthésique qu'il sera utile de détecter afin de ment partie. En raison des émotions fortes qui y
se synchroniser avec lui ; sont attachées, les conditions de l'annonce seront
• être attentif à ce que dit le patient, en parole et fortement mémorisées et auront une répercus-
avec son corps (la communication non verbale sion marquée sur l'avenir. Il s'agit donc d'éviter
représente 70 % de la communication globale la double peine pour le patient d'une maladie et
entre êtres humains) ; d'une annonce blessante. Il convient d'apporter
• poser des questions ouvertes, permettant au réconfort, réassurance et soutien. En outre, l'ac-
patient d'exprimer son point de vue, ses inter- ceptation future de la maladie par le patient est
rogations et ses besoins ; conditionnée par cette annonce.
40
Chapitre 4. Être en relation avec le patient
Précisons tout de suite que le temps de l'annonce thérapeutiques possibles, proposer des objectifs
n'est pas un moment propice à une quelconque édu- atteignables ;
cation. L'ETP doit débuter à distance, une fois que le • le suivi de l'annonce : celle-ci doit être reprise à
patient a « repris pied » dans sa réalité. Cependant, distance, en s'appuyant sur ce qui a été entendu
connaître les aspérités de cette situation délicate est et compris. Un relais doit être fait avec l'équipe
fondamental pour le soignant-éducateur, au moins pluridisciplinaire (soignants, psychologue).
pour comprendre les répercussions après coup Il est fréquent que l'on doive dans une démarche
d'une annonce mal faite ou mal vécue. De plus, éducative, revenir sur le moment de l'annonce. Le
l'annonce d'une mauvaise nouvelle n'est jamais for- faire en groupe avec d'autres patients peut être
cément derrière soi, et d'autres pourraient surve- très réconfortant et contribuer à guérir cette bles-
nir. Aussi, aider le patient à apprendre à anticiper, sure ancienne, mais toujours aussi présente.
autant que faire se peut, ces moments de stress peut
être très salutaire.
La dynamique de l'annonce obéit à quelques Références
règles [1, 15, 16] : [1] Moley-Massol I. Relation médecin-malade : enjeux,
• le cadre : l'annonce se prépare à l'avance. Pour pièges et opportunités – Situations pratiques.
cela, on prévoira un entretien en tête à tête, Courbevoie : DaTeBe Éditions ; 2007. p. 131.
[2] Lacroix A, Assal JP. L'éducation thérapeutique des
dans un lieu calme et adapté, sur un temps suf- patients : accompagner les patients avec une maladie
fisant (3/4 h–1 h), sans être dérangé. La présence chronique : nouvelles approches. 3e éd. Paris :
d'un proche est possible, avec l'assentiment du Maloine ; 2011. p. 220.
patient. L'attente entre le diagnostic et l'annonce [3] Barrier P. La blessure et la force. Paris : PUF ; 2010.
doit être courte ; p. 160.
• le rythme : elle se fait progressivement, de façon [4] Kempf MO. Réflexions sur la distance profession-
nelle dans le soin. Santé Éducation 2015 ; 20–5.
hiérarchisée et adaptée aux caractéristiques [5] Bachelard M. L'alliance thérapeutique. In : Bioy A,
socioculturelles du patient ; editor. L'aide-mémoire de psychologie médicale et
• l'écoute : privilégier l'écoute active, inciter le psychologie du soin en 58 notions. Paris : Dunod ;
patient à poser des questions ; 2012. p. 372.
• les attentes du patient : vérifier par quelques [6] Sandrin-Berthon B. Pourquoi parler d'éducation
questions préalables, ce que le patient sait déjà dans le champ de la médecine ? In : Sandrin-
Berthon B, et al., editors. L'éducation du patient au
et ce qu'il souhaite savoir et ne pas savoir. En secours de la médecine. Paris : PUF ; 2000.
d'autres termes, il convient de s'aligner sur son [7] Rogers C. La relation d'aide et la psychothérapie. In :
point de vue. Pour savoir jusqu'où aller dans la 14e éd Issy-les-Moulineaux : ESF Éditeur ; 2005.
révélation et à quel rythme, le patient montre p. 235.
souvent le chemin ; [8] Dieu E. Les attitudes relationnelles. In : Bioy A, edi-
tor. L'aide-mémoire de psychologie médicale et psy-
• être vrai et sincère : éviter le mensonge, la bana- chologie du soin en 58 notions. Paris : Dunod ; 2012.
lisation, la dénégation, l'esquive, la dérobade. p. 372.
Instaurer une communication sincère et vraie : [9] Maslow AH. A theory of human motivation. Psychol
ne rien dire qui ne soit vrai ; Rev 1943 ; 50 : 370. 96.
• le choix des mots : nommer la maladie, connaître [10] Vatageot S. Les besoins fondamentaux. In : Bioy A,
le nom d'une chose permet de mieux la maîtri- editor. L'aide-mémoire de psychologie médicale et
psychologie du soin en 58 notions. Paris : Dunod ;
ser. Choisir ses mots, le dire simplement, faire 2012. p. 372.
attention à la phonétique, source d'ambiguïté. [11] Hazif-Thomas C, Tritschler-LeMaître MH, Thomas P.
Éviter les termes techniques sans explication ; Les aidants familiaux, le chronic care model et
• expression du patient : laisser s'exprimer le la dignité de la dépendance. NPG Neurologie –
patient, notamment sur le plan émotionnel. Psychiatrie – Gériatrie 2012 ; 12 : 182–5.
Respecter les réactions de défense ; [12] Poivret D, Gossec L, Delannoy C, et al. Place des
« proches » dans les programmes d'éducation théra-
• le silence : accepter les temps de silence, ne pas peutique des patients en rhumatologie : état des lieux
vouloir les remplir à tout prix ; et perspectives. Rev Rhum Monogr 2013 ; 80 : 193–6.
• rassurer, dire la vérité en ménageant de l'espoir, [13] Bissler L. Penser et construire un cadre d'accueil et
laisser une porte ouverte. Révéler les solutions communicationnel. In : Bioy A, editor. L'aide-mémoire
41
Partie II. Éléments de psychologie du patient
de psychologie médicale et psychologie du soin en [16] Bissler L. Dire et annoncer. In : Bioy A, editor.
58 notions. Paris : Dunod ; 2012. p. 372. L'aide-mémoire de psychologie médicale et psy-
[14] Mucchielli R. L'entretien de face à face dans la relation chologie du soin en 58 notions. Paris : Dunod ;
d'aide. In : Issy-les-Moulineaux : ESF Éditeur ; 2011. 2012. p. 372.
p. 172. [17] Haute Autorité de santé (HAS). Annoncer une mau-
[15] Giraudet-Le Quintrec JS. L'annonce diagnostique vaise nouvelle [Internet]. 2008. Disponible en ligne
dans la maladie chronique. Educ Thérapeutique sur http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_698028/
Patient - Ther Patient Educ 2010 ; 2 : S223–7. fr/annoncer-une-mauvaise-nouvelle.
42
Situation psychologique Chapitre 5
du patient [1–6]
Être en relation avec le patient demande de l'écou- de représentations chez le patient : dans certains
ter, l'entendre et le comprendre. Mais si l'empathie cas, la maladie est vécue comme destructrice,
est nécessaire, elle n'est pas suffisante. aboutissant à la souffrance et l'isolement, ou au
Dans le cadre de l'ETP, avoir l'ambition d'aider contraire libératrice, par le fait même qu'elle incite
le patient à passer d'un point A à un point B exige le patient à s'émanciper de son environnement.
de bien connaître, notamment, son état d'esprit et Parfois, la maladie représente un « métier », en
ses capacités à se mobiliser. Entre d'autres termes, raison de la lutte quotidienne du patient contre
cela revient à interroger ses savoirs, son pouvoir et elle [7].
son vouloir agir. Dans le cadre d'un apprentissage, il convient
Dans cette optique, nous allons examiner donc de toujours prendre en compte les repré-
quelques notions en psychologie de la santé affé- sentations préexistantes du patient afin de pou-
rentes d'une part, aux représentations et aux voir s'accorder et interférer consciemment avec
croyances du patient et d'autre part, à la dyna- elles. Mais autant que le patient, le soignant a
mique de changement. ses propres représentations. La communication
passe donc à travers un double filtre de ces deux
mondes subjectifs.
Il en va ainsi des intentions initiales de cha-
Représentations et croyances cun des partenaires : le patient souhaite guérir,
bien vivre, reprendre une vie la plus normale
Représentations ou possible, concrétiser ses projets, tandis que le
conceptions [1, 3, 5, 6] soignant compte prendre soin du patient pour le
La représentation est l'idée que l'on se fait de guérir, obtenir une rémission, une cicatrisation,
quelque chose. Ce concept issu de la psychologie le soutenir. Le soignant considère naturellement
sociale désigne une interprétation plutôt collec- les conditions biomédicales de la maladie, tandis
tive d'un phénomène. Mais elle est tout aussi indi- que le patient est dans une demande d'aide pour
viduelle. Certains auteurs préfèrent le terme de moins souffrir, s'adapter et vivre le mieux possible
conception qui correspond à un état de connais- (figure 5.1) [8]. Le soignant offre une expertise
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sance imaginée et antérieure à un apprentissage scientifique, tandis que le patient fait part de son
systématique. La conception peut être de l'ordre expertise profane. Dans cette relation, un enrichis-
du réel ou du fictif. Elle est basée sur le croire plu- sement et un apprentissage mutuels s'établissent.
tôt que sur le savoir. Elle est souvent consciente,
Pratiquer l’éducation thérapeutique
43
Partie II. Éléments de psychologie du patient
la plus utilisée pour expliquer les comporte- de celui de l'efficacité personnelle, car le premier
ments de santé et prendre en compte le rôle que est lié à une notion de valeur et le second, à une
la connaissance et les perceptions jouent dans la notion d'action.
responsabilité personnelle. L'estime de soi est :
Transposé à la question de l'adhésion au traite- • renforcée par la confiance en soi, la capacité
ment, il aide à mieux comprendre pourquoi une à faire des choix sans culpabilité, à aller de
personne se soigne ou pas. Ainsi, un patient se l'avant, à se sentir à l'égal des autres, à collabo-
traitera avec le traitement qu'on lui propose, selon rer avec les autres, à accepter la différence chez
qu'il est convaincu : les autres, en restant ouvert, etc. ;
• d'être atteint de la maladie en question ; • diminuée en cas de culpabilité excessive et d'au-
• que cette maladie peut avoir des conséquences tocritique, de perfectionnisme, de rumination
graves pour sa santé, son intégrité ou la pour- des erreurs du passé, de position défensive, de
suite de sa vie ; pessimisme, de jalousie, etc.
• que le traitement proposé peut lui être béné- Dans le cadre de la relation de soin, renforcer l'es-
fique ; time que peut avoir le patient de lui-même est essen-
• que les bienfaits qu'il peut en attendre contreba- tiel, afin qu'il puisse affirmer ses sentiments positifs
lancent les désagréments et les efforts deman- ainsi que sa capacité à agir et à collaborer. Cette atti-
dés par le traitement. tude du soignant est d'autant plus primordiale face
Les deux premiers items concernent la maladie à un patient vivant en situation de précarité sociale.
et les deux suivants, le traitement. De même, elle est aussi très utile face à un adolescent.
Pour qu'un comportement de santé soit adopté
par le patient, il convient que les quatre conditions
soient toutes validées. Sinon, il y aura négligence,
Lieu (locus) de contrôle
refus ou abandon. Le lieu de contrôle (ou locus de contrôle), proposé
par Julian Rotter en 1954, renseigne sur l'attitude
Estime de soi [9, 10] d'un individu face à des événements de sa vie,
selon qu'il considère que leur cours dépend ou non
L'estime de soi désigne le sentiment de sa propre de lui-même.
valeur. Elle est issue de l'intégration et l'inter- On parle de locus externe ou interne, ou de
prétation des expériences vécues par un individu cadre de référence externe ou interne :
durant sa vie. Avoir une bonne estime de soi favo- • externe : l'individu croit que sa santé ne dépend
rise le fait de se vouloir du bien. Ce concept diffère que d'événements ou d'actions externes qui
44
Chapitre 5. Situation psychologique du patient
échappent à son contrôle (« Dieu », « le destin », « salutogenèse », plutôt que de se concentrer sur ce
« c'est écrit », « les autres », le médecin…). Il a qui produit la maladie, la « pathogenèse », comme
tendance à être passif ; on le fait depuis des siècles. Ce modèle s'inscrit
• interne : l'individu pense qu'il a une capacité dans le courant de la psychologie positive.
propre à agir et à modifier le cours des événe- Le terme de « salutogenèse » se compose du mot
ments. Il a tendance à être actif. latin salus, salutis = santé et du mot grec genesis
Au cours de la maladie chronique, la réussite du = origine. La salutogenèse pose la question de
soin passe par une attitude active du patient qui se l'origine de la santé. Tandis que le terme « patho-
prend en charge. Aussi, s'il est en locus externe, ce genèse » est constitué de deux mots grecs origi-
qui est très souvent le cas au début d'une maladie, nels, pathein = souffrir et genesis = origine : on
il conviendra de l'aider à passer progressivement interroge ici l'origine de la souffrance.
d'un état de passivité et de dépendance vis-à-vis Passer de la pathogenèse à la salutogenèse cor-
du monde soignant, à un état plus autonome, indé- respond donc à un changement de paradigme.
pendant et actif. C'est l'objectif même de l'ETP. Dans la pathogenèse, la prévention consiste essen-
Ce concept de santé est complémentaire du modèle tiellement à exclure les facteurs pathogènes. Tan-
de croyance de santé vu plus haut. Car, pour qu'un dis que la salutogenèse pose la question de ce qui
patient se soigne, il faut qu'il remplisse les quatre peut renforcer la santé ou les conditions de son
conditions vues ci-dessus, et qu'il ait la conviction maintien. Elle interprète la santé comme un pro-
qu'il peut agir, c'est-à-dire qu'il soit en locus interne. cessus, non comme un état.
Le locus de contrôle interne ou externe se dis- L'ETP s'inspire volontiers du concept de salu-
tingue du sentiment d'estime de soi. Dans le pre- togenèse, en mettant l'accent sur la prise de
mier concept, on considère la tendance qu'a un conscience du patient de son état de santé, la prise
sujet à s'attribuer à lui-même ou à son environne- en compte de ses ressources, de sa capacité à agir
ment la cause des événements de sa vie. Tandis que et du développement de son bien-être.
le second porte sur la représentation positive ou
pas de sa propre personne. On peut tout de même
avancer que les personnes en locus interne ont Optimisme
probablement une meilleure estime d'elles-mêmes. L'optimisme a été démontré comme favorisant
la bonne santé. Ce sentiment positif est moteur
d'initiatives et de confiance en soi et en la vie.
Attribution causale Tout comme la salutogenèse, l'optimisme s'inscrit
L'attribution causale, proposée par F. Heider, est dans le courant de la pensée positive.
un processus consistant à rechercher des causes à Le sujet optimiste aura tendance à voir « le bon
un événement que l'on vit. côté des choses », à penser du bien des autres, à
Appliqué à la maladie et au stress engendré par considérer que des événements même fâcheux,
elle, l'individu cherche à expliquer sa survenue de prendront finalement une tournure positive dans
façon à pouvoir mieux la maîtriser et à lui donner la mesure où l'on trouve toujours une solution aux
du sens. Il tente alors de comprendre, de prédire problèmes. Au contraire, le pessimiste, empreint
et de contrôler son environnement en isolant les d'expériences douloureuses à répétition, nourrit
causes potentielles sur lesquelles il pourrait agir. un sentiment d'impuissance.
Ces causes peuvent être internes ou externes, Autant l'optimisme est un facteur de bonne
biologiques, psychologiques ou environnemen- santé, autant il peut devenir dangereux s'il s'avère
tales. La question qui fait suite est : « Puis-je agir excessif ou déplacé. Des comportements inadap-
sur cette cause ? » On voit ici le lien de ce concept tés de santé sont alors possibles.
avec celui du lieu de contrôle, interne ou externe.
Processus de changements
Salutogenèse
L'ETP s'inscrit dans un processus de changement.
Au milieu des années 1970, A. Antonovsky pro- Si le patient le souhaite, le soignant-éducateur lui
pose de comprendre ce qui génère la santé, la propose un cadre d'apprentissage et de soutien
45
Partie II. Éléments de psychologie du patient
46
Chapitre 5. Situation psychologique du patient
47
Partie II. Éléments de psychologie du patient
Annonce du diagnostic
Choc
(Stupeur)
Stratégies
confrontation évitement
Révolte
(Accusation)
Processus de distanciation
Processus d’intégration
Déni/refus
(banalisation) (honte)
Capacité dépressive
(tristesse)
Acceptation Résignation
(coping +) (dépression)
la situation du patient et de la prise en charge est expérimenté et validé dans d'autres situations de
toujours nécessaire. changement de comportements en santé et s'avère
bien utile dans la pratique de l'ETP.
Les stades de changement sont les sui-
Temporalité et changement vants (figure 5.3) [14] :
de comportement [1, 3] • précontemplation : le patient ne pense pas avoir
Chez tout un chacun, un changement de compor- de problème avec le comportement nocif de
tement de santé est difficile à opérer. Il demande santé en question. Il l'envisage pour les autres,
des prises de conscience de la réalité du problème, mais pas pour lui. Il ne souhaite donc pas chan-
un effort d'autopersuasion, souvent des aides et ger car il n'est pas concerné par le sujet ;
des impulsions extérieures, et surtout du temps. • contemplation : à ce stade, le patient com-
Le rythme de chacun en la matière est spécifique. mence à manifester une ambivalence. Il se sent
À la fin des années 1970, deux psychologues, concerné par le problème, mais pas encore prêt
James O. Prochaska et Carlo C. DiClemente, ont à agir. Il envisage un changement de comporte-
construit un modèle permettant de mieux com- ment mais il hésite à renoncer aux bénéfices de
prendre les étapes du changement chez l'individu. la situation actuelle ;
Il s'agit du modèle transthéorique du changement. • détermination, décision, préparation : à ce stade,
Ils ont d'abord appliqué leur modèle à des per- le patient est convaincu et décidé à opérer un
sonnes souffrant de dépendance. Ils ont alors changement. Il se sent prêt à démarrer la phase
montré que pour s'en sortir, celles-ci traversaient d'action dans un futur proche. Cette phase est
sept stades de changement. Ce modèle a été depuis très labile ;
48
Chapitre 5. Situation psychologique du patient
• préparation : pseudo-acceptation ;
• action et maintien : acceptation.
Lorsqu'il y a rechute, la durée et l'intensité de
chaque stade sont souvent réduites.
En fonction du stade où se trouve le patient, le
thérapeute doit donc adapter son discours aux
représentations du patient sur son comportement
problématique, de façon à l'aider à passer au stade
suivant [1, 12] :
• précontemplation : il convient de faire prendre
conscience au patient qu'il présente un compor-
tement de santé inadapté, qu'il est concerné et
qu'il peut agir. Lors de cette phase, un travail
sur les représentations est nécessaire ;
• contemplation : la prise de conscience est
acquise, et le thérapeute va aider le patient
Figure 5.3 Stades du changement selon à prendre confiance en lui, à lui indiquer la
le modèle de Prochaska et DiClemente. marche à suivre, à recueillir ses ressentis, ses
Source : Les étapes changement de comportement. La
théorie de Prochaska et DiClemente. Le Médical Education doutes, ses peurs et ses espoirs. Le thérapeute
sur Mesure. [Internet]. Help médicale, Paris. Disponible en utilise ici la technique de la balance décision-
ligne sur : http://www.editionshelpmedical.com/web/ nelle, qui amène à comparer les pour et les
conseils-sante/les-etapes-de-changement-de-
comportement contre d'un changement ;
• détermination, décision, préparation : le soi-
gnant aide le patient à établir son plan d'action, à
rechercher des aides extérieures, à choisir le bon
• action : le changement est engagé vers des moment. Il montre aussi les risques de rechutes
modifications du style de vie. Les difficultés à et les façons de les prévenir et de s'en prémunir ;
traverser sont importantes ; • action : il s'agit ici d'accompagner le patient et
• maintien : à cette phase de consolidation, il de l'encourager ;
convient de rester prudent car les tentations • maintien : tout en valorisant le patient pour
sont nombreuses de retourner au comporte- l'effort accompli, en l'encourageant à maintenir
ment problématique antérieur ; le changement et en lui faisant rechercher les
• rechute : la rechute est possible et fait partie du aides extérieures, le soignant rappelle les situa-
processus normal de changement. Ce n'est pas tions à risque de rechute et aide à y remédier
une manifestation pathologique mais un temps aussi précocement que possible ;
nécessaire à la réussite finale du processus ; • rechute : si elle a lieu, il convient de déculpabiliser
• accomplissement, guérison définitive : ce stade le patient, en montrant que la rechute fait partie
marque la réussite finale du processus dans du processus du changement. Elle ne doit pas
lequel la personne consolide le stade de main- réduire la confiance en soi. Le nouveau point de
tien. départ n'est pas le même qu'auparavant, le patient
La prise de conscience par le patient de son ayant la preuve même qu'il peut y arriver.
fonctionnement, inhérent d'ailleurs à tout être Évidemment, les choses sont en réalité plus com-
humain, lui permet de mieux se repérer dans sa plexes que dans cette description somme toute assez
propre évolution et de comprendre que la rechute schématique. Il existe plusieurs stades de « sous-
fait partie de la normalité. changements » dans un changement ; les prises de
Une transposition au modèle du deuil de conscience sont graduelles ; il existe des va-et-vient
Kübler-Ross vu ci-dessus est possible : dans les décisions. Mais ce modèle a le mérite de
• précontemplation : déni ; donner des repères au patient et au soignant, et donc
• contemplation : révolte, marchandage ou de rassurer et de convaincre qu'un changement de
dépression ; comportement durable est bien possible.
49
Partie II. Éléments de psychologie du patient
50
Chapitre 5. Situation psychologique du patient
Explorations des concepts de santé chez Sandrine qui souffre d'un diabète
évoluant depuis l'enfance
Sandrine a maintenant 27 ans. Elle connaît (modèle des croyances de santé). Sa volonté
bien sa maladie, un diabète de type 1 qui a et sa motivation sont faibles (conativité).
marqué sa jeunesse. Très tôt, ses parents ont Le médecin lui propose alors de bénéficier
tout fait pour qu'elle apprenne à se traiter d'un programme d'ETP. Lors du bilan éduca-
par insuline et qu'elle « suive son régime ». tif partagé (BEP), Sandrine peut s'exprimer
Adolescente, elle a eu une période difficile, pleinement, se sent écoutée, peut pleurer.
faite de révoltes et de déprimes (corres- Elle comprend les objectifs de la démarche et
pondant aux différents stades du processus y adhère. Des objectifs éducatifs sont conve-
de deuil de la vie sans maladie). Parfois, elle nus avec elle. Elle a confiance dans l'équipe
stoppait tout traitement pour oublier et être soignante et accepte la main tendue (relation
« comme les autres » (phase de déni). Parve- d'aide, posture éducative, alliance thérapeu-
nue à l'âge de 18 ans, elle entame des études tique). Sandrine bénéficie de séances indivi-
de comptabilité. Elle se traite irrégulière- duelles avec une psychologue pour qu'elle
ment. Elle ne se sent pas bien dans sa peau et puisse mieux se connaître, dépasser ses résis-
a une faible estime d'elle-même. Elle se voit tances et s'ouvrir au changement (psychothé-
sans défense face au diabète qu'elle imagine rapie, entretien motivationnel). Elle participe,
comme une pieuvre qui va la dévorer petit avec une grande satisfaction, à plusieurs ate-
à petit (représentations négatives). Face à la liers collectifs. Enfin, elle se sent beaucoup
maladie, elle se sent démunie et sans pouvoir moins isolée et démunie. Elle comprend mieux
(locus externe). Elle attribue sa malchance à la maladie et les traitements. Elle modifie pro-
ses parents et à Dieu, vis-à-vis desquels elle gressivement ses représentations. Elle reprend
nourrit de forts ressentiments (attributions du pouvoir sur sa maladie et sur sa vie et sait
causales). qu'elle va pouvoir techniquement gérer ses
Un nouveau traitement lui est proposé par injections quotidiennes (empowerment, sen-
son diabétologue mais bien qu'elle en voie timent d'efficacité personnelle, locus interne,
l'intérêt, Sandrine ne se sent pas prête à phase de préparation au changement, cona-
reprendre ses injections quotidiennes (stade tivité). Au bout de 3 mois, elle se sent prête,
de contemplation, stade de la révolte). Elle et elle débute avec succès son nouveau trai-
se sait malade, elle connaît les graves consé- tement (stade d'acceptation de la maladie
quences à long terme du diabète, elle sait que et du traitement, passage à l'action – Pro-
l'insuline est efficace mais elle n'est pas prête chaska, croyances de santé validées). Elle gère
à dépasser les contraintes liées à ce traitement mieux son problème de santé et ses émotions
51
Partie II. Éléments de psychologie du patient
(coping). Après plusieurs mois, elle maintient ces expériences et grâce à l'aide apportée par
son traitement et en est fière (estime de soi). les soignants (accompagnement et soutien)
Son attitude positive et responsable se renforce mais aussi par sa famille et ses amis toujours
petit à petit au fil des années (empowerment) présents à ses côtés ( aidants), elle décide
et elle adopte un style de vie axé davantage d'écrire un livre et expose son expérience,
sur la santé que sur la maladie (salutogenèse, qu'elle considère maintenant comme positive
optimisme). Dix ans plus tard, transformée par et constructive (résilience).
52
Différentes approches Chapitre 6
psychothérapeutiques
au service de l'éducation
thérapeutique du patient
Il est utile pour un soignant de se repérer dans les cela, notamment, les rêves, les lapsus, les actes
différentes approches de relation d'aide et psycho- manqués… Bien que ces processus restent
thérapeutiques. essentiellement inconscients, la psychana-
La relation d'aide désigne l'accompagnement lyse dispose d'une théorie et d'une technique
le plus souvent sous forme d'entretiens en tête- à même de comprendre ces logiques incons-
à-tête, d'une personne vivant des difficultés cientes et d'aider éventuellement le sujet qui
d'ordre médical, psychologique ou social. Cette en souffre à résoudre ses problèmes.
relation est classiquement assumée par un psy- Atteint d'une maladie chronique, le patient fait
chologue ou un psychiatre, mais un profession- part non seulement des souffrances liées à ses
nel de santé ou un acteur social peut s'impliquer symptômes mais aussi de la façon dont il vit sa
naturellement dans ce cadre tout en détermi- maladie, du sens qu'il lui donne, de ses interroga-
nant ses limites et son niveau de compétence tions, de ses croyances…
(voir chap. 4, De la relation d'aide à la posture La maladie ne sépare pas le corps de l'esprit.
éducative). Tout symptôme peut être accompagné d'un
La relation psychothérapeutique consiste sentiment ou d'une émotion qui envahit tout
à aider une personne souffrante par un pro- le champ de la pensée, réduisant le patient à la
fessionnel formé spécifiquement pour cela. seule expression de sa maladie. Face à cela, il ne
Elle s'inscrit dans un contrat de soin établi au peut que montrer sa souffrance et son impuis-
départ. Différentes formes de psychothérapie sance. Il doit réorganiser sa vie, tant physique
existent, reposant chacune sur des bases théo- que psychique. Le vécu émotionnel de la mala-
riques spécifiques. die chronique et celui de sa douleur physique ne
font plus qu'un.
La question de l'origine psychologique d'une
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53
Partie II. Éléments de psychologie du patient
54
Chapitre 6. Différentes approches psychothérapeutiques …
ENCADRÉ 6.1
est faible. Dans les situations où le comporte- Exemple d'un programme
ment d'un sujet est un élément déterminant du d'ETP intégrant une démarche
pronostic, comme dans la prise en charge de la de psychoéducation
maladie chronique ou la gestion individuelle des Un programme d'ETP au CHU de Montpel-
facteurs de risque (diabète, obésité, sédentarité, lier intègre une démarche de psychoédu-
hypercholestérolémie), l'approche motivation- cation nommée « Profamille ». Il s'adresse
nelle augmente l'efficacité de l'accompagnement à des familles dont un membre (enfant,
conjoint…) souffre de schizophrénie. Le ca-
thérapeutique. nevas psychoéducatif a été créé à Montréal
en 1987 par H. Cormier. Le modèle a ensuite
Psychoéducation [2, 7] été repris en Europe et actualisé. Le but
est d'aider l'entourage familial d'une per-
La psychoéducation est née au Québec au sonne schizophrène à réduire la souffrance
milieu des années 1950. Elle est adaptée pour psychique, physique et sociale de cette
des personnes souffrant d'inadaptation psy- personne, de réduire les perturbations du
chosociale. fonctionnement familial et de diminuer
Elle est utilisée dans les domaines des patho- les rechutes. L'efficacité du processus a
été prouvée (outre la satisfaction des par-
logies mentales et comportementales. L'objectif ticipants, division par quatre du nombre
pour le patient est d'acquérir des compétences de rechute à 1 an et par deux les années
pour mieux connaître la maladie et les traite- suivantes). Le programme comprend
ments, ainsi que les signes d'alerte. En connaissant 14 séances hebdomadaires sur 4 mois, et
mieux sa maladie, celui-ci pourra la gérer plus aborde les thèmes suivants : connaissance
sur la maladie et les traitements, développe-
efficacement et prévenir les risques de rechute ou ment des habiletés relationnelles, gestion
d'aggravation. Il sera également à même de mieux des émotions, développement de cogni-
l'accepter et l'assumer. tions adaptées (gérer ses pensées parasites,
Cette démarche est voisine de celle de l'ETP. avoir des attentes réalistes…) et développe-
Les différences tiennent au fait qu'en psychoé- ment des ressources (aides, réseaux). Pour
convenir au canevas de l'ETP, plusieurs élé-
ducation, il n'y a pas d'étude de besoins du ments ont été travaillés, ajoutés et mis en
patient et que la norme est extérieure. Cepen- place : un bilan éducatif partagé (BEP), un
dant, intégrer une démarche de psychoéduca- suivi et une évaluation davantage person-
tion dans un programme d'ETP est possible nalisée, un partage en équipe des données
(encadré 6.1). éducatives.
Source : Programme d'ETP Profamille. Équipes
du pôle de psychiatrie, hôpital La Colombière,
Technique de la « pleine CHU Montpellier. Coordonnateurs : Docteurs
J. Attal, A. Carré et P. Clément, et R. Petit, cadre
conscience » ou mindfulness [8] de santé.
Issue de la psychologie positive, cette tech-
nique émane dans les années 1990 de la ren-
contre de méthodes ancestrales de méditation Les ruminations mentales qui sont au cœur de la
bouddhistes avec des recherches récentes en névrose cessent progressivement.
neuroscience. La méthode, extraite de toute La « pleine conscience » est appliquée à diffé-
conception religieuse, consiste à observer acti- rentes formes de psychothérapie, comme cer-
vement les pensées et les émotions au moment taines thérapies cognitives – mindfulness-based
présent, sans juger, en acceptant pleinement congintive therapy (MBCT) ou mindfulness-based
l'expérience qui se déroule. stress reduction (MBSR) – ou la thérapie « d'accep-
Au lieu de fuir continuellement des conditions tation et d'engagement » (ACT).
psychologiques douloureuses, cette approche fait L'effet positif, sur la santé tant psychique que
considérer les situations inconfortables comme physique, a été démontré. Aussi, ces techniques
des expériences à vivre. Porter intentionnelle- commencent à être de plus en plus utilisées dans
ment son attention sur ce qui est dans l'instant, le cadre de séances d'ETP pour réduire le stress
offre une ouverture au monde, aux autres, à soi. (encadré 6.2).
55
Partie II. Éléments de psychologie du patient
ENCADRÉ 6.2
Des ateliers de pleine conscience pour des patients insuffisants rénaux
Le Professeur C. Isnard, néphrologue, a mis sont nombreuses dans un parcours d'insuffi-
en place des ateliers collectifs de pleine sant rénal (toutes les étapes de changements
Conscience (mindfulness) dans le cadre d'un de traitement, la préparation à la greffe, le
programme d'éducation thérapeutique pour début de la dialyse, la réalisation d'examens
des personnes qui vivent avec une maladie médicaux et même parfois chaque visite chez le
rénale, la dialyse ou la greffe (extrait synthé- néphrologue…). Pratiquer la pleine conscience
tisé de [9]). mène également à mieux gérer les ressentis
Dans un format de 8 semaines, des séances douloureux en permettant un vécu très amé-
de 2 à 3 heures par semaine et une journée lioré des situations de douleur. C'est enfin un
entière après la 6e séance (en général un moyen puissant de se reconnecter avec les
samedi) sont dispensées. Cette participation sensations du corps, ce corps qui est si souvent
demande un fort engagement personnel. Les mis de côté lorsqu'il est porteur d'une maladie.
participants doivent en effet s'entraîner en Pouvoir ressentir à nouveau des sensations cor-
réalisant à la maison 45 minutes d'exercices porelles permet de se réapproprier son corps,
par jour. Une fois le stage réalisé, ils peuvent et d'être davantage présent aux signaux qu'il
continuer à mettre en place une pratique nous donne, qui sont parfois si importants
méditative quotidienne et se retrouver en lorsque l'on a une maladie chronique.
groupe de temps en temps pour partager Aux États-Unis, depuis 30 ans, des stages de
leurs expériences et se remotiver ensemble, pleine conscience sont dispensés dans les
car le maintien de la pratique quotidienne est hôpitaux pour les malades chroniques. Mais
évidemment difficile. cette pratique est débutante en France et s'in-
Les avantages de cette technique sont de trois tègre souvent dans le cadre d'une recherche.
ordres. D'abord, elle aide la personne à mieux Elle est possible dans les établissements de
gérer son stress. Or, les situations stressantes santé ou en ville.
56
Chapitre 6. Différentes approches psychothérapeutiques …
57
Partie II. Éléments de psychologie du patient
p sychologiques et sociales qui sont nécessaires pour il convient d'orienter vers un psychologue ou au
répondre aux besoins du patient. L'interdisciplina- psychiatre lorsqu'émergent des ressentis tels qu'un
rité qui prévaut alors dans l'équipe, qui se définit par sentiment d'impuissance face au patient, l'impres-
le fait de travailler ensemble en échangeant de façon sion de ne plus être assez compétent, le manque de
intense dans un but commun, devient un principe disponibilité, une distance qui ne paraît plus adé-
fondateur de l'équipe. Dans ce cadre, on perçoit la quate ou, chez le patient, un deuil pathologique,
complémentarité entre tous les professionnels de une pathologie psychiatrique, un besoin d'accom-
santé, intégrant le psychiatre et/ou le psychologue. pagnement approfondi… (encadré 6.3).
Le psychiatre et le psychologue ont acquis des
compétences pour manier des outils et des tech-
niques thérapeutiques permettant de prendre
ENCADRÉ 6.3
soin du psychisme. Ils s'inscrivent dans un cadre Rôles du psychologue en ETP
thérapeutique. Dans ce cadre, ils accueillent À l'issue d'une étude qualitative sur la
l'expression du patient, sa souffrance, ses repré- place du psychologue en éducation théra-
peutique, Léger et al. ont synthétisé sous
sentations… Ils tentent de lui offrir un étayage
la forme de métaphores les différents rôles
relationnel servant d'assise à l'expression de son possibles du psychologue vus par des soi-
vécu et de ses difficultés. Une attitude bienveil- gnants [11] :
lante et soignante permet de renforcer l'alliance le psychologue comme éponge, un absor-
thérapeutique et offre au patient une contenance beur d'émotions ;
rassurante, sur laquelle il prend appui. le psychologue comme métier à tisser :
Ces deux professionnels participent au travail de il accompagne le sujet vers le « retissage de
l'équipe, par la mise en commun de leur éclairage soi », en lien avec la résilience ;
le psychologue comme traducteur : il per-
sur les aspects psychologiques. Ils ont aussi parfois
met de rendre « intelligibles » les discours,
pour mission de soutenir et de prendre en compte par exemple, du médecin au patient ou du
la parole de chacun dans l'équipe. Ils peuvent assu- patient au médecin ;
rer ainsi un rôle de supervision qui consiste en une le psychologue comme accordeur : il fait
analyse des pratiques et un soutien de l'équipe afin, partie de l'équipe, il est en interaction avec
le système. Il donne le « la » ;
notamment, de repérer un risque de burnout.
le psychologue comme fenêtre : il apporte
L'abord psychologique du patient relève égale- un vent frais, de la créativité à l'équipe ;
ment des autres professionnels de l'équipe. Dans le psychologue comme bateau : c'est un
l'ETP, les intervenants sont majoritairement des passeur.
paramédicaux (infirmier, aide-soignant, dié- Ces métaphores indiquent que ces s oignants,
téticien, masseur-kinésithérapeute, etc.). Leurs dans leur majorité, ont une vision positive
compétences professionnelles, issues de leur for- des fonctions du psychologue dans un
programme d'ETP.
mation (professions réglementées), leur donnent
une légitimité pour participer à la prise en charge
psychologique du patient. À des degrés divers,
tous ont des compétences en soin et/ou en accom- Références
pagnement psychosocial.
L'accompagnement réalisé par les associations [1] Lacroix A, Assal JP. L'éducation thérapeutique des
patients : accompagner les patients avec une maladie
de patients est un complément important à cette chronique : nouvelles approches. In : 3e éd Paris :
prise en soins psychologique du patient. Il aide Maloine ; 2011. p. 220.
aussi à faire le lien entre l'hôpital et la ville. [2] Pancrazi MP, Ortuno E, Delbosc C, et al. Écho des
Même si les professionnels de santé et les acteurs 12es Journées régionales d'échanges sur l'éducation du
sociaux ont de réelles compétences en psycholo- patient, Montpellier, 29 et 30 novembre 2012. Éducation
gie, ceux-ci doivent pour autant connaître leurs thérapeutique du patient, psychothérapie, thérapie
cognitivo-comportementale et psychoéducation : quels
limites. Ils gagnent à cultiver une position d'humi- équilibres ? In : Santé Éducation. 2013. p. 32–5.
lité : ne pas trop en faire et ne pas faire trop vite. Il [3] Tourette-Turgis C. L'éducation thérapeutique du
s'agit d'écouter l'autre de sa place et de ne pas trai- patient : champ de pratique et champ de recherche.
ter autre chose que ce pourquoi on est là. Parfois, Savoirs 2014 ; 11–48.
58
Chapitre 6. Différentes approches psychothérapeutiques …
[4] Golay A, Lagger G, Giordan A. Comment moti- [9] Méditation : du nouveau dans l'accompagnement des
ver le patient à changer ? In Paris : Maloine ; malades en néphrologie. Entretien avec C. Isnard
2010. p. 247. Bagnis. Renaloo [Internet], avril 2013. Disponible en
[5] Cottraux J. Les thérapies comportementales et ligne sur http://www.renaloo.com/actualites2/
cognitives. 4e éd Paris : Elsevier Masson ; 2004. les-dernieres-actualites-liste/1139-meditation-du-
[6] Rollnick S. Pratique de l'entretien motivationnel. nouveau-dans-l-accompagnement-des-malades-en-
InterEditions ; 2009. nephrologie ?showall=1&limitstart=.
[7] Bonsack C, Rexhaj S, Favrod J. Psychoéducation : [10] Ducasse D, Fond G. La thérapie d'acceptation et
définition, historique, intérêt et limites. Ann Méd- d'engagement. Encéphale 2015 ; 41 : 1–9.
Psychol Rev Psychiatr 2015 ; 173 : 79–84. [11] Léger P, Garnier PH, Bauer D, et al. Expériences de
[8] Csillik A, Tafticht N. Les effets de la mindfulness et psychologues cliniciens en éducation thérapeutique.
des interventions psychologiques basées sur la pleine Éduc Thérapeutique Patient - Ther Patient Educ
conscience. Prat Psychol 2012 ; 18 : 147–59. 2012 ; 4 : 23–8.
59
Partie III
Éléments de pédagogie
aussi lui faisait réciter ses leçons et faire ses devoirs. longtemps inspiré le monde de l'instruction ou de
On distingue pédagogie et didactique. La péda- l'enseignement scolaire.
gogie est généraliste, tandis que la didactique est L'enseignement inspiré du béhaviorisme tend à
Pratiquer l’éducation thérapeutique
63
Partie III. Éléments de pédagogie
64
Chapitre 7. Les grands modèles explicatifs de l'apprentissage
Je prends conscience
Je mobilise mon savoir
du savoir
(intérêt, structure, processus)
65
Partie III. Éléments de pédagogie
66
Principales méthodes Chapitre 8
pédagogiques [1–8]
Les méthodes pédagogiques émanent des modèles De cette conception, sont issues la pédagogie
vus dans le chapitre 7. Elles doivent être choisies à par projet, la pédagogie différenciée ou la péda-
bon escient en fonction de l'objectif de l'entretien gogie de groupe. Comme on le verra, ces trois
éducatif. approches ont des points communs et sont com-
plémentaires. Elles sont particulièrement utilisées
en ETP.
Pédagogie traditionnelle Pédagogie par projet
ou frontale
Elle propose la transmission d'apprentissages à
Elle est issue du modèle transmissif (voir chap. 7, travers la réalisation d'une production concrète.
Le modèle transmissif). L'enseignant est en posi- Celle-ci peut être individuelle (maquette, œuvre
tion dominante, face au groupe. Il transmet un artistique, exposé, etc.) ou collective (organisa-
savoir et suppose que les bénéficiaires en sont tion d'un événement, spectacle, week-end, voyage,
d'accord, qu'ils comprennent le langage et les etc.).
concepts utilisés et qu'ils sont en capacité d'inté- Cette approche permet de mobiliser des
grer les nouvelles informations dans ce qu'ils connaissances déjà acquises et d'en rechercher de
connaissent déjà. nouvelles en vue d'une réalisation concrète. Cette
activité soutient la motivation à apprendre.
Lorsque le projet est réalisé en groupe, des liens
se créent entre les acteurs. Les connaissances de
Pédagogies actives tous, incluant l'animateur, sont mobilisées.
La vertu du projet est de concilier le besoin
Elles sont centrées sur l'apprenant. Elles sont d'activité et la persévérance. La satisfaction n'est
sous-jacentes au mouvement pédagogique de pas immédiate mais différée, et donne à l'appre-
l'éducation nouvelle, incarné notamment par nant l'opportunité de se projeter dans le temps et
M. Montessori (1900), O. Decroly (1921), C. Freinet d'anticiper.
(1924) ou R. Cousinet (1959). Ces pédagogies sont
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Elles sont basées sur le principe que l'appren- le sujet est unique. Il a des caractéristiques, des
tissage ne relève pas d'une absorption passive connaissances antérieures, des expériences et des
mais d'une construction. C'est par la construction motivations différentes de tout un chacun. L'en-
des activités mentales en interaction avec l'envi- seignant prend donc conscience de l'univers de
ronnement, la sensorialité et les émotions, que se l'apprenant et s'y adapte.
construisent les apprentissages. Cette pédagogie prend tout son sens face à un
Ce type de pédagogie nécessite du formateur groupe. L'éducateur s'adresse alors collectivement
une bonne connaissance de l'apprenant, de ses à tous et successivement à chacune des personnes
connaissances et de ses expériences antérieures. présentes. Il prend soin de vérifier régulièrement
67
Partie III. Éléments de pédagogie
que chacun est pris en compte et suit le processus objectif est dénommé précisément et partagé
d'apprentissage proposé. entre l'enseignant et l'apprenant. L'objectif étant
homogène et concret, son acquisition est facile-
Pédagogie de groupe ment observable et évaluable.
L'avantage de cette méthode est de faciliter
Dans cette pédagogie, le groupe est utilisé comme l'évaluation de ce qui est acquis. La limite est liée
moteur et acteur de résolution de problèmes. L'in- à ce que certains nomment « un saucissonnage du
tervention pédagogique vise moins le contenu de savoir ». Le lien entre les différents objectifs peut
la formation que les mécanismes et les compor- faire défaut et le sens général de l'apprentissage
tements de chacun. La dynamique de groupe est peut en être altéré.
ici fondamentale, nécessitant une participation Toujours est-il que cette méthode est largement
homogène de chaque participant. Elle permet reprise en ETP.
des liens, des mobilisations de savoirs collectifs
et créé du plaisir d'être ensemble. Elle stimule la Références
motivation. Le vécu des participants est interrogé.
[1] Raynal F, Rieunier A, Postic M. Pédagogie, diction-
Les techniques d'apprentissage sont diverses : naire des concepts clés : Apprentissage, formation,
brainstorming (remue-méninges), panel de dis- psychologie cognitive. 10e édi. Issy-les-Moulineaux :
cussion, jeux de rôle, etc. ESF Editeur ; 2014. p. 542.
La pédagogie de groupe constitue la base de la [2] d'Ivernois JF, Gagnayre R. Apprendre à éduquer le
formation continue, et prend une place grandis- patient : Approche pédagogique. 5e éd. Paris :
sante en formation initiale. Maloine ; 2016. p. 170.
[3] Beauté J. Courants de la pédagogie contemporaine.
5e édition. Namur : Érasme ; 2004. p. 184. Lyon :
Chronique Sociale .
Pédagogie par objectifs [4] Giordan A. Éducation thérapeutique du patient : les
grands modèles pédagogiques qui les sous-tendent.
Cette pédagogie, centrée sur l'apprenant, est reliée Médecine des Maladies Métaboliques 2010 ; 4 : 305–11.
au modèle béhavioriste (voir chap. 7, Le modèle [5] Tourette-Turgis C. L'éducation thérapeutique du
patient : champ de pratique et champ de recherche.
comportementaliste ou béhavioriste). Elle pré- Savoirs 2014 ; 11–48.
conise la définition d'objectifs généraux en lien [6] Lagger G, Golay A. A 5 dimension therapeutic
avec des activités précises. Ceux-ci sont décli- patient education for type 1 diabetic patients. Éduc
nés en objectifs pédagogiques qui permettent de Thérapeutique Patient - Ther Patient Educ 2010 ; 2 :
développer ou d'acquérir des connaissances et des S117–24.
[7] Giordan A. Apprendre ! . Paris : Belin ; 1998. p. 254.
compétences pendant le processus de formation.
[8] Lacroix A, Assal JP. L'éducation thérapeutique des
Le principe de base consiste à acquérir progres- patients : accompagner les patients avec une maladie
sivement des connaissances ou des compétences chronique : nouvelles approches. 3e éd. Paris :
faisant partie d'un programme structuré. Chaque Maloine ; 2011. p. 220.
68
Transposition Chapitre 9
pédagogique à l'éducation
thérapeutique
du patient [1–3]
Mémorisation et intégration
Accord du patient
Une nouvelle information s'insère toujours dans
L'accord du patient est fondamental, dans la un ensemble de connaissances déjà acquises,
mesure où il est le seul auteur de son apprentis- constituant un réseau cognitif (voir chap. 7,
sage et de son évolution. Le soignant doit l'aider Modèles cognitivistes et allostériques). Ce subs-
à prendre conscience du processus d'apprentissage tratum constitue un maillage complexe de
dans lequel il s'engage. C'est l'un des apports de conceptions mentales. Ces dernières forment
l'ETP que de formaliser ce cadre, qui était souvent le socle de la personnalité de l'individu, et sont
implicite et flou auparavant. Ainsi, la personne sous-tendues par une tension émotionnelle. La
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s'ouvre et se mobilise davantage. Elle s'implique mémoire émotionnelle permet, de ce fait, un arri-
d'autant plus que l'apprentissage proposé et les mage très efficace dans la mémoire à long terme.
changements induits ont un sens pour elle, dans sa Pour trouver sa place, l'information nouvelle
vie et son parcours de soins.
Pratiquer l’éducation thérapeutique
69
Partie III. Éléments de pédagogie
fortement ancrées et constituent des croyances, apprend toujours dans un environnement par-
nécessitant du temps et de l'énergie pour être remo- ticulier. Il convient donc d'extraire les informa-
delées. tions de ce contexte, de dé-contextualiser, pour
Ainsi, si un traitement quotidien par corti- appliquer ensuite la chose apprise à une autre cir-
coïdes inhalés est prévu pour un patient asthma- constance, constituant la re-contextualisation. Ce
tique, il faut repérer les connaissances et surtout phénomène s'appelle transfert. Cette phase déli-
les croyances qui s'attachent aux représentations cate gagne à être appréhendée pour aider à une
sur les corticoïdes, qui sont parfois négatives. Les meilleure utilisation ultérieure de l'apprentissage.
ignorer expose à un mauvais suivi du traitement
et représente un non-sens pédagogique de la part
du soignant-éducateur.
Il convient donc que l'éducateur prenne en
Modèle systémique
compte les connaissances et les croyances anté- adopté en ETP [1]
rieures de l'individu. Apprendre est donc un pro-
cessus paradoxal, voire conflictuel, où l'ancien La pédagogie de l'ETP proposée par R. Gagnayre
et le nouveau se confrontent. Dans ce processus, et J.-F. d'Ivernois relève d'une approche systé-
l'apprenant est seul, mais il n'apprend pas tout seul. mique [1]. Issues des années 1950, ce modèle est
L'éducateur a un rôle fondamental dans ce chemi- particulièrement adapté aux éducations finali-
nement. Il fait face à une résistance naturelle du sées, aboutissant à des compétences objectivables
sujet et doit faire avec. Cette situation est fréquem- chez les apprenants.
ment rencontrée dans la relation de soin, et nombre Ce modèle suit quatre étapes (voir figure 9.1) :
de patients ayant des difficultés à suivre un traite- • l'identification des besoins du patient sur les
ment au long court, résistent du fait de conceptions plans médical, psychologique, social ou péda-
qui n'ont pas été assez considérées au préalable. gogique ;
• l'identification des objectifs du patient, qui
peuvent être traduits en compétences. On
Ressources convient avec lui de ces compétences à acqué-
En apprenant, le sujet va utiliser et développer ses rir. Celles-ci s'insèrent dans un contrat d'édu-
capacités et ses ressources déjà existantes, dont il cation personnalisé. Elles se déclinent en
n'avait peut-être pas vraiment conscience ou qu'il compétences d'autosoins et d'adaptation (voir
n'avait pas forcément mobilisées auparavant. chap. 11, Convenir des objectifs avec le patient
pour l'acquisition de compétences). Elles seront
nécessaires pour que le patient puisse vivre au
Temporalité mieux avec sa maladie dans sa vie quotidienne.
Chaque patient apprend à son propre rythme et L'utilisation du concept de compétences appli-
au moment où il est prêt. Une convergence des qué au patient permet une définition précise
temporalités du patient et du soignant-éducateur des éléments à apprendre, de favoriser le trans-
doit s'opérer. fert en situation et de les évaluer ;
• la détermination du contenu et des méthodes
pédagogiques, définis en fonction du choix
Droit à l'erreur des compétences à acquérir. Il conviendra
Le droit à l'erreur est incontournable. L'erreur ici de limiter le contenu au strict nécessaire,
est un support pour revoir la situation et ancrer car le patient risque d'être vite submergé par
davantage les éléments profitables pour le patient. l'ensemble des connaissances nouvelles à
La culpabilisation n'est jamais une bonne apprendre. Certaines méthodes pédagogiques
méthode. sont particulières à certaines compétences,
comme l'analyse de situation, de résolution
de problèmes. Devant convenir au patient, ces
Transfert à une situation nouvelle méthodes doivent également avoir été com-
L'application d'une chose apprise à un nouveau prises et intégrées par les soignants qui les uti-
contexte est le but de l'apprentissage. Or, on lisent ;
70
Chapitre 9. Transposition pédagogique à l'éducation thérapeutique du patient
Évaluer le processus,
Convenir des objectifs
l’atteinte des objectifs et Démarche d’éducation
éducatifs et
l’acquisition des thérapeutique du patient
d’accompagnement
compétences
avec le patient
Prévoir un suivi éducatif
Choisir et mettre
en œuvre
des activités éducatives
71
Partie III. Éléments de pédagogie
besoins ou les mêmes pôles d'intérêt. Les sage, difficultés de compréhension de la langue,
échanges entre pairs sont favorisés et facilitent situation de handicap sensoriel, etc. ;
les changements. L'identification à l'autre aide • la durée de la séance.
à relativiser sa propre situation. Dans ce cadre, Différentes techniques pédagogiques sont
l'animateur doit prendre en compte les carac- utilisables en entretien individuel ou collectif
téristiques et les besoins différents de chacun. (tableaux 9.1 et 9.2).
C'est pourquoi l'accompagnement individuel
est complémentaire. Il favorise la différencia-
tion et la personnalisation des contenus ;
• les méthodes et les techniques pédagogiques sont Supports et outils pédagogiques
choisies en fonction du type d'apprentissage ; en ETP [6, 7]
• l'éducation est continue. Elle s'inscrit dans un
continuum dans lequel prend place une pre- Outils d'information et outils
mière éducation, des éducations de suivi, de
renforcement ou de reprise ;
d'animation
• l'équipe qui assure l'éducation est multiprofes- Comme l'indiquent Y. Magar et S. Jacquemet, il
sionnelle. L'éducation est portée par différents pro- existe deux types d'outils pédagogiques [7] : les
fessionnels au sein d'une équipe, mais également outils d'information et les outils d'animation.
en dehors, comme dans les soins ambulatoires.
Des patients peuvent collaborer et co-animer des
entretiens éducatifs. Chaque acteur dans l'équipe a
Tableau 9.1 Techniques pédagogiques
sa spécificité, et tous sont concernés à titre divers.
utilisables en entretien individuel d'ETP
Il revient à l'équipe de veiller à la répartition des au regard des objectifs poursuivis
tâches et des rôles de chacun de ses membres.
Catégorie Noms des techniques
d'objectifs
Savoir Entretien
Techniques pédagogiques en ETP Étude de cas
Simulation
Les techniques pédagogiques sont des procédés
utilisés par le formateur au service d'une démarche Pilulier
pédagogique : exposé, tour de table, étude de cas, Classeur-imagier
mise en situation, etc. (fiche pratique 1) [5]. Planning thérapeutique
Elles visent à favoriser les apprentissages. Elles Conseil téléphonique,
permettent de gérer, expliquer, découvrir et éva- aide à la décision
luer les objectifs pédagogiques. Elles peuvent Échanges par courriels
concerner le savoir, le savoir-faire ou le savoir-être. Savoir-faire Pilulier
Les critères de choix d'une technique pédago- Travaux pratiques
gique sont les suivants [6] :
Simulation de gestes techniques
• la mise en lien avec le contenu à traiter ;
Apprentissage gestuel, activité
• la pertinence, au regard de la compétence à physique
acquérir et des objectifs de la séance d'ETP ;
• le respect des principes d'apprentissage : parti- Savoir-être Entretien centré sur l'émotion
cipation active, interactivité, progression à un Jeu de rôle*
rythme individuel ; Entretien à partir d'une lecture,
• la commodité de la technique : facilité d'appli- d'un film
cation et emploi régulier dans le contexte où se * Voir fiche pratique 1.
déroulent les séances, préférences de l'anima- Source : d'Ivernois JF, Gagnayre R. Apprendre à éduquer le patient :
Approche pédagogique. 5e éd. Paris : Maloine ; 2016, 170 p. et Comité
teur ; régional d'éducation pour la santé Languedoc-Roussillon et IREPS
• l'adaptation au public : âge, niveau de lecture Languedoc-Roussillon. Techniques d'animation en éducation pour la
et de compréhension, difficultés d'apprentis- santé. Fiches synthétiques 2009.
72
Chapitre 9. Transposition pédagogique à l'éducation thérapeutique du patient
73
Partie III. Éléments de pédagogie
74
Chapitre 9. Transposition pédagogique à l'éducation thérapeutique du patient
75
Partie III. Éléments de pédagogie
• outils vidéo : ils sont aussi de plus en plus uti- particulièrement vrai depuis que de multiples
lisés. Des situations complexes peuvent être informations sur la santé sont disponibles.
exposées, intégrant parfois des témoignages
L'accompagnement du patient dans cet auto-
d'autres patients ; apprentissage peut s'avérer utile, notamment
• outils fondés sur des mises en situation : le dans la gestion des informations disponibles sur
principe consiste à soumettre au patient des l'Internet. En effet, les nouvelles technologies de
cas-problèmes qui l'entraînent à analyser des l'information et de la communication (NTIC)
situations relativement complexes inspirées de sont en plein essor (voir ci-dessous).
situations réelles, puis à décider.
D'autres supports de ce type existent : le jeu
de l'oie, le chevalet–imagier déjà cité plus haut
qui peut aussi symboliser une mise en situation. Nouvelles technologies
La reproduction d'un geste ou d'une technique de l'information
peut aussi être soutenue par des images descrip-
tives des différentes étapes nécessaires.
et de la communication (NTIC)
Les nouvelles technologies de l'information et de
Outils d'aide à la prise régulière la communication (NTIC) sont les techniques
des traitements utilisées pour le traitement et la transmission de
Le pilulier favorise les prises des traitements en les l'information : l'informatique, Internet et les télé-
structurant dans la journée (pilulier journalier) communications.
ou sur la semaine (semainier). Il existe aussi des
piluliers électroniques d'usage plus limité, sou- Multimédias [2, 12]
vent circonscrit au domaine de la recherche. Le
planning thérapeutique aide également à l'organi- De nombreux supports ont été créés afin de four-
sation des prises dans la vie quotidienne. nir des données complètes sur les maladies et les
traitements, sous des formes imagées, ludiques et
visuelles. La valeur pédagogique de ces outils est
Développer des compétences
parfois inégale, et donc à vérifier.
d'adaptation et de communication La projection de vidéos ou de films est forte utile
Les compétences d'adaptation visent chez le patient lors de séances éducatives, surtout collectives, en
une implication active dans sa maladie, grâce à une apportant de façon ludique ou émouvante des infor-
meilleure confiance en soi, une bonne image de soi, mations complexes. Ainsi, un film sur la technique
un sentiment d'autoefficacité, une capacité à gérer d'inhalation de corticoïdes chez un patient asthma-
son stress ou à prendre des décisions. tique remplace parfois de longs discours. De même,
Pour ce faire, des jeux de rôle ou des mises en situa- le témoignage filmé d'un récit de vie avec la maladie
tion sont très aidantes. Ces méthodes permettent peut être aidant pour mieux vivre avec.
de travailler des attitudes et des comportements dans Rappelons que la limite d'utilisation de ces
des situations de la vie courante. Les supports peuvent supports multimédias tient à la nécessité pour le
être des témoignages, des reportages filmés ou une patient de pouvoir parler avec les soignants de ce
série de photos. Les expériences vécues dans un cadre qu'il a découvert ou ressenti. Une discussion doit
sécurisant, seul ou en groupe, sont aidantes pour avoir lieu après visualisation, autour des compré-
une transposition future dans la vie réelle. hensions réelles nécessitant des reformulations, et
afin de permettre l'expression des ressentis.
Auto-apprentissage Internet [12]
Même si dans son principe, l'apprentissage L'Internet 2.0 fait partie de notre quotidien. Les
dans le cadre de l'ETP s'entend au sein d'une courriels sont apparus en 1990, les discussions
relation
soignant–patient, le patient peut vou- à distance par les chats en 1997, puis les forums
loir apprendre seul de façon autonome. Ceci est avec échanges de pair à pair par le Web 2.0 en
76
Chapitre 9. Transposition pédagogique à l'éducation thérapeutique du patient
2005. Une sociabilité virtuelle se développe. Cha- conscients des risques et modulent d'eux-mêmes
cun peut, de façon individuelle ou collective, en recherchant des confirmations. Parallèlement,
contribuer, échanger et collaborer sur un sujet il existe plusieurs outils de régulation à faire
donné. De ce fait, on constate deux grands chan- connaître aux patients :
gements dans notre société : la rapidité de la cir- • proposer de se fier aux seuls sites institution-
culation de l'information et le développement de nels : Haute Autorité de santé (www.has-sante.
l'intelligence et d'un savoir collectif. fr), Institut national de prévention et d'éducation
L'utilisation de l'Internet en santé est impor- pour la santé (www.inpes.sante.fr), Ministère de
tante. La moitié des personnes vont sur l'Internet la Santé (www.sante.gouv.fr), etc. mais les infor-
effectuer un autodiagnostic, un quart pour com- mations disponibles sont souvent réglementaires
prendre la cause d'un mal et un quart pour avoir et organisationnelles, et peu pratiques ;
des informations supplémentaires. • utiliser des moteurs de recherche médicaux
Une fracture numérique est crainte par beau- (comme PubMed, doc'CISMef, MedlinePlus,
coup. En effet, les personnes âgées, handicapées ou etc.), mais les données sont scientifiques et
isolées socialement, ainsi que les personnes à reve- souvent en langue anglaise et très techniques.
nus limités sont plus éloignées de l'usage de l'Inter- Notons tout de même l'existence d'un moteur de
net que la moyenne de la population. Cependant, recherche médicale d'utilisation intuitive comme
cette situation tend à se réduire avec le temps et la www.moteur-de-recherche-medical.org ;
véritable fracture numérique pourrait finalement • consulter les sites ayant reçu le label HON
concerner davantage les individus qui négligent (Health on Net). HON est une organisation
l'importance ou l'existence des NTIC plutôt que non gouvernementale basée à Genève. Sa mis-
ceux, de moins en moins nombreux, qui n'y ont pas sion est d'aider les patients, les professionnels
accès. et les établissements de santé en certifiant les
Une autre limite serait la faible compréhen- sites.
sion, par certains, des informations de santé Finalement, le plus important consiste, pour
décrites sur l'Internet (voir plus loin, Littératie tout soignant, de proposer au patient de parler
en santé). librement de ce qu'il a glané sur l'Internet, afin
L'attitude des soignants, et des médecins en par- de vérifier si ce qu'il a compris est correct, vrai et
ticulier, est parfois rétive par rapport aux NTIC et utile dans sa situation.
à la médiatisation de ces apprentissages via l'ordi- Nous présentons dans le tableau 9.4, les NTIC
nateur. Ils reprochent souvent à l'écran de consti- utilisables en ETP, avec leurs potentialités et leurs
tuer un obstacle à la relation de proximité avec limites.
les patients. Pour certains, cela traduit plutôt un
désarroi devant ce qu'ils ressentent comme une
perte de maîtrise dans la relation soignante. Jeux sérieux (serious games) [13]
Or, on constate qu'après une consultation, les Le jeu sérieux est une application informatique
patients ont bien souvent le sentiment de n'avoir pas dont l'objectif est de combiner des intentions
obtenu une réponse satisfaisante à leur demande, sérieuses à des ressorts ludiques issus du jeu
voire de ne pas avoir été entendus. Ils recourent vidéo. Ce face à face interactif avec l'utilisateur
alors à l'Internet pour obtenir des réponses. Cela fait appel à un espace virtuel. Les avancées tech-
vise à : nologiques fulgurantes de ces dernières années
• mieux comprendre les explications données par s'accompagnent d'une offre de plus en plus large,
le médecin ; concernant tant l'enseignement, l'apprentissage
• confirmer l'information reçue ; que la communication.
• trouver d'autres informations que celles four- Le jeu sérieux est maintenant détourné vers la
nies par les médecins ; santé. Il favorise l'interaction entre les patients,
• obtenir un second avis. leurs proches, et les professionnels du soin. Son
L'une des limites de l'Internet dans le domaine utilisation en ETP est prometteuse. L'adhésion à
de la santé réside dans la validité des données. un processus d'apprentissage et de rééducation
Face à cela, les utilisateurs sont de plus en plus peut en être facilitée.
77
Partie III. Éléments de pédagogie
Tableau 9.4 Description des NTIC qui peuvent être utiles aux patients et/ou aux soignants
Nouvelles technologies disponibles Intérêts et limites pour l'éducation thérapeutique
Courriels Contact des plus simples, mais pas de changement décisif dans la
conversation avec le patient
Sites non interactifs, où l'on va chercher Aide informative ponctuelle analogue à celle que l'on trouve dans une
une simple information revue ou une encyclopédie
Les vidéos (Youtube, Dailymotion, etc.) permettent la visualisation de
certains gestes techniques (débitmètre de pointe, contrôle de glycémie, etc.)
Les blogues tenus par des médecins aident le patient à aller plus loin
Certains blogues tenus par des patients rapportent une expérience de vie
avec la maladie qui peut intéresser d'autres personnes
Dropbox ou autre espace de stockage Permet de partager des fichiers avec les patients, en particulier des fiches-
de données conseil que le soignant aura rédigées
Forums-santé Même si la qualité des échanges semble à première vue médiocre, il existe
souvent une autorégulation par la communauté : correction des erreurs,
repérage des réflexions les plus pertinentes
Réseaux sociaux (Facebook, Google +, Frontière pouvant paraître floue entre vie publique et vie privée, risque
Linkedin, etc.) pour la confidentialité
Communication de proche en proche, fédérant autour d'un intérêt
commun des personnes éloignées, abolissant les distances physiques,
générationnelles ou temporelles
Microblogging comme Twitter Grande réactivité, acquisition rapide de connaissances opératoires sur une
(140 signes) maladie ou un traitement
Plates-formes collaboratives, Connaissance sur le vécu de la maladie
sites communautaires de patients Efficacité et réactivité en rapport avec la « force du nombre » de patients
(Patientslikeme, Carinity, Inspire,
Entrepatients, etc.)
Agrégateurs de liens (Pearltreees, Sélection des informations pertinentes parmi les millions de pages traitant
Scoop.it, etc.) : indexation des d'un thème, gain de temps, réactivité, adaptation immédiate aux nouvelles
recherches sur un même thème connaissances
effectuées par différents contributeurs
Rappels par système de relance Techniques qui se développent à travers les applications téléchargeables
interactif sur les téléphones mobiles des patients
Source : Mazuez M. Internet, éducation thérapeutique et soins de premiers recours. Santé Éducation 2014 ; 15-9 © Edimark SAS.
78
Chapitre 9. Transposition pédagogique à l'éducation thérapeutique du patient
ENCADRÉ 9.1
Expérience du théâtre
thérapeutique [15–17] du vécu [18]
Créé en 2000 par J.-P. Assal, médecin diabé-
Les aspects psychosociaux du patient sont essen- tologue bien connu à Genève, et M. Malavia,
tiels et devraient être largement pris en compte metteur en scène, le théâtre du vécu offre une
en ETP. Laisser un espace d'expression verbale et ressource originale aux soignants et à leurs
émotionnelle au sujet est essentiel. Or, certaines patients autour de la mise en scène d'un texte
libre écrit par la personne. Celle-ci (patient ou
personnes s'expriment plus facilement à partir
soignant) écrit un texte de deux pages et par-
d'un support. Ce support peut être de nature esthé- ticipe activement à sa mise en scène dans un
tique. L'idée d'utiliser une œuvre d'art comme sup- théâtre. La sensation de se découvrir « créa-
port d'expression et de ressenti pour les patients teur » de soi-même a un effet très impor-
a été expérimentée dans maints endroits. Cette tant pour reprendre un élan personnel. De
démarche s'appuie, d'une part, sur une réflexion telles expériences créatrices existent depuis
une quinzaine d'années et plus de 500 per-
théorique de l'impact de l'art sur l'état psycho- sonnes en Suisse, Italie, France, Guadeloupe,
émotionnel des personnes et, d'autre part, sur les Madagascar et Bolivie en ont déjà bénéficié.
nombreuses expériences dans le domaine de l'art- Un quart était des soignants ou des huma-
thérapie. Précisons que la différence majeure entre nitaires, trois quarts, des patients ou des vic-
l'art en ETP et l'art-thérapie tient à ce que cette times. L'étonnement devant la découverte de
ses propres ressources créatives a été majeur
dernière propose aux patients une expérience de pour tous. Dans cet environnement psycho-
création matérielle plutôt que de contemplation. logique, la créativité soutenue par des pro-
De nombreuses expériences d'utilisation de fessionnels naît presque spontanément chez
l'art dans des programmes d'ETP (dessin, pein- chacun. Le médecin n'a pas à jouer son rôle de
ture, danse, écriture, musique, etc.) se sont thérapeute et les patients n'ont pas nécessai-
rement à se plaindre de leur maladie. Après
révélées intéressantes [17] et ont même permis ces séances, tous se sentent allégés, libérés.
l'acquisition de compétences psychosociales de Chacun est entendu, les échanges naissent
l'ordre de : la réflexivité, la créativité, la capacité dans la tranquillité et le respect.
d'adaptation, la prise d'initiatives et la conception
de projets [15, 16]. De ce fait, la qualité de vie per-
çue du patient peut s'en trouver améliorée et sa À l'inverse, un faible niveau de littératie en santé
motivation renforcée (encadré 9.1). constitue un obstacle à l'intégration par le patient
Ces nouvelles méthodes demandent également de l'apprentissage dans le cadre de l'ETP. D'une
de la part des soignants, une ouverture, voire façon générale, on considère que la moitié des
une formation spécifique. L'apport d'un artiste patients ont une littératie en santé insuffisante.
dans l'équipe éducative est particulièrement De fait, le soignant-éducateur doit s'intéresser à
riche (encadré 9.2). cette aptitude chez chaque patient et en fonction,
l'accompagner dans le développement de sa littératie
en santé. Parfois, des partenariats entre des équipes
Littératie en santé portant un programme d'ETP et des organismes
(health Literacy) [19] qui luttent contre l'illettrisme et l'analphabétisme
s'avèrent judicieux pour certaines populations,
La littératie en santé se définit comme l'aptitude ceci concourant à réduire les inégalités de santé.
à comprendre et à utiliser l'information écrite en
matière de santé et à l'utiliser dans la vie courante,
en vue d'atteindre ses buts personnels. Elle relève Un exemple de situations
donc d'une compétence informationnelle. À l'ère d'apprentissage
de l'Internet, il est essentiel de savoir trouver, cri-
tiquer et utiliser l'information. Nous proposons, dans le récit développé dans
Depuis plus de 10 ans, de nombreuses études l'encadré 9.3, d'illustrer les modèles, les méthodes
montrent que le niveau en littératie en santé a et les outils pédagogiques auxquels se réfèrent les
un impact fort sur l'état de santé de l'individu. professionnels.
79
Partie III. Éléments de pédagogie
ENCADRÉ 9.2
Témoignage d'un artiste intervenant
Éric Senen, chorégraphe et plasticien, est insisté sur ce fait : y a-t-il un espace, un ailleurs,
intervenu dans le programme « art et ETP ». une autre réalité, des moments de rêves ou
Il commente ainsi son implication : « On m'a d'éblouissement ? La réponse était “oui”, mais
demandé d'intervenir mais je ne voyais pas
ces moments restent brefs, furtifs à cause de la
très bien à quoi je pouvais être utile. (…) Fi- réalité de la maladie. La chorégraphie Handen
nalement j'ai accepté en me disant : “Qu'est- a déclenché des discussions autour de l'état
ce que je peux apprendre d'eux ?” (…) et du corps : le corps qui change, le corps abîmé,
aussi que j'étais un artiste au service des le corps subi comme un poids. Les Encres ont
patients. Après plusieurs séances, le contact provoqué chez certains patients une envie de
avec les malades devient simple et amical. Ils faire, de développer leur propre créativité.
montrent une grande concentration pendant Chez d'autres, elles ont ouvert les portes de
mes interventions, qui suscitent réactions l'imaginaire ou du souvenir. En conclusion, le
et commentaires. Au début, ils ont eu plu- rapport avec l'art semble permettre une rup-
tôt une approche intellectuelle, mais en leur ture de l'isolement, semble créer une disponi-
expliquant qu'il n'y avait rien à comprendre bilité à un ailleurs, autoriser des possibles ou
et tout à ressentir, ils se sont livrés avec beau- plus simplement adoucir le quotidien. »
coup plus d'émotions. Le débat s'est ouvert sur Source : Pellecchia A, Gagnayre R. L'art comme sup-
leurs propres expériences, leurs souffrances, la port dans l'éducation thérapeutique des personnes
solitude, mais a
ussi le plaisir. Notre échange a atteintes de cancer : résultats d'une étude explora-
toire. Pédagogie Médicale 2010 ; 11 : 57–66.
ENCADRÉ 9.3
80
Chapitre 9. Transposition pédagogique à l'éducation thérapeutique du patient
81
Partie IV
En s'appuyant sur la méthodologie de projet, il cites, mis spontanément en avant, il s'agit notam-
conviendra de s'interroger sur [1] : ment de repérer les enjeux implicites, plus cachés,
• la composition de l'équipe projet ; qui ont leur importance dans la dynamique et
• la nature du problème, ce qui permettra de l'orientation globale. Par exemple, il peut s'agir
mettre en évidence la problématique de santé et d'un enjeu de travail universitaire et scientifique
d'établir la finalité du projet ; pour un médecin, en dehors d'une demande
• les causes inhérentes à cette problématique à d'équipe.L'enjeu le plus solide est bien entendu
partir de l'expérience des professionnels, de la celui qui repose sur l'intérêt des patients. Mais il
recherche bibliographique ; doit être en relation avec les intérêts de l'équipe ;
• la définition des objectifs du projet à atteindre. • le questionnement et le ressenti des patients.
Ceux-ci prennent en considération les causes
sur lesquelles on peut et souhaite agir ;
• les ressources et les moyens dont on dispose et
dont on a besoin ; Mise en place d'une équipe projet
• les activités éducatives que l'on veut mettre en place ;
• la déclinaison d'objectifs opérationnels pour Elle se met en place le plus tôt possible car une
ces activités ; de ses premières missions est de réaliser le bilan
• l'évaluation. de l'existant et d'identifier les ressources dispo-
nibles (en moyens humains, matériels et com-
pétences).
L'équipe projet est représentative du ou des uni-
Identification des conditions tés concernées.
d'émergence du projet Elle doit être pluriprofessionnelle et pluridisci-
plinaire : le choix des membres de cette équipe est
Avant de s'engager dans la mise en œuvre d'un fondé sur l'étude de la filière de prise en charge
programme éducatif, on s'interroge sur ses condi- du patient. Elle peut faire appel à des personnes
tions d'émergence. Différents points devront être dédiées (membres de l'unité transversale d'éduca-
questionnés : tion du patient ou UTEP, correspondants en édu-
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l'établissement hospitalier… Quelle que soit la être connu et reconnu des autres membres de
personne à l'origine de l'intention, un travail l'équipe et mieux encore, de la hiérarchie médi-
d'appropriation par le plus grand nombre sera cale et paramédicale du pôle hospitalier (voir
nécessaire à l'ancrage du projet ; chap. 12, Leadership et programme d'ETP).
• la volonté de partage du projet dans l'équipe Elle donne une place à un(des) représentant(s)
soignante. Le projet ne peut se concevoir qu'au d'association ou à un(des) patient(s) ou aidant(s) au
sein d'une équipe pluriprofessionnelle ; sein de ses réunions et de sa réflexion. Les moda-
• les enjeux de ce projet pour le pilote, l'équipe, lités de participation sont à négocier avec la(les)
l'institution, le patient. À côté des enjeux expli- personne(s) retenue(s).
85
Partie IV. Mise en œuvre d'un programme éducatif : un projet en soi
ENCADRÉ 10.1
• cerner la problématique de santé qui va sous- Exemples de problématique de
tendre le projet, puis définir la finalité et les santé pour un programme d'ETP
grands axes du programme envisagé ;
Les patients adultes atteints de lombalgie
• prendre en compte les éléments du contexte chronique d'origine mécanique, âgés entre
et de l'environnement, ainsi que les aspects 18 et 63 ans, présentent des répercussions à
méthodologiques et organisationnels ; fort impact sur leur vie personnelle, profes-
• s'enquérir de la faisabilité des propositions sionnelle et sociale.
émises dans le cadre du projet et des ressources La mauvaise compréhension des patients
nécessaires, notamment en termes de compé- adultes sur leur traitement antivitamine K
ou antiagrégants plaquettaires entraîne
tences des « futurs éducateurs » ; un risque iatrogène majeur avec des consé-
• organiser le déroulement du processus, établir quences lourdes, morbides ou mortelles.
un calendrier de mise en œuvre et gérer les réu-
nions de travail ;
• assurer des retours réguliers vers l'équipe sur • Le programme envisagé permettra-t-il d'agir
un état de l'avancement du projet et rechercher sur un(des) déterminant(s) de santé (accessi-
l'adhésion de l'équipe sur la réalisation progres- bilité aux soins, facteurs comportementaux,
sive et concrète du projet ; facteurs environnementaux, facteurs géné-
• rédiger les documents nécessaires et établir les tiques) ?
contacts avec l'extérieur ;
• chercher des relais possibles au sein de l'équipe
afin que ceux-ci soit gardiens du sens du projet. Finalité
La finalité d'un programme d'ETP est d'offrir au
patient la possibilité d'un apprentissage et d'un
accompagnement afin de mieux vivre avec sa
Problématique, finalité maladie (encadré 10.2).
et objectifs du programme Elle évoque de façon peu détaillée le type de
patients concernés par le programme au regard de
Problématique la pathologie ciblée.
Elle émane d'une problématique de santé éta-
La problématique de santé est la constatation
blie à partir d'un constat. Elle précède le libellé
de la difficulté que vit le patient au quotidien. Il
des objectifs du programme que l'on souhaite
s'agit ici de formuler en quelques mots la patho-
mettre en place.
logie concernée, le type de patients pressentis, les
conditions particulières associées que l'on jugera
utiles de définir. Elle s'énonce à plusieurs, après Objectifs du programme
concertation en équipe. Ils représentent les buts que l'équipe souhaite
La problématique de santé constitue le socle de atteindre au terme du programme éducatif pro-
la construction du programme (encadré 10.1). posé aux patients. Ils sont globaux et décrivent les
Sur un plan de santé publique, il est inté- intentions de l'équipe adressées à l'ensemble des
ressant de repérer si la problématique définie patients. Pour exemple :
relève d'un problème concernant le territoire de
santé. Dans ce cas, il convient de s'appuyer sur
les préconisations du plan stratégique régional
ENCADRÉ 10.2
86
Chapitre 10. Cadrage du projet
87
Partie IV. Mise en œuvre d'un programme éducatif : un projet en soi
ENCADRÉ 10.3
Expériences extérieures aidant à la construction d'un programme
pour des personnes vivant avec une sclérodermie
Pour créer un programme d'ETP multisecto- Un abstract de congrès intitulé : « Qu'attendent
riel pour des patients atteints de sclérodermie les sclérodermiques d'une éducation thérapeu-
systémique, les équipes de soins ont fait une tique ? Enquête monocentrique dans une cohorte
revue de la bibliographie sur « sclérodermie de patients ».
et ETP » en français (du fait du format franco- Par ailleurs, un rapprochement avec l'équipe
phone de l'ETP), et ont retrouvé trois articles : de médecine interne du CHU de Lille, auteure
« Analyse croisée des besoins d'éduca- des deux premiers articles a permis des
tion thérapeutique exprimés par les patients échanges lors de réunions, avec récits d'expé-
atteints de sclérodermie systémique et par leurs riences, échanges d'outils pédagogiques et
soignants d'un service hospitalier référent » formation d'équipe à l'animation de certains
dans Éducation thérapeutique du patient– ateliers.
Therapeutic Patient Education en 2008 ; Source : Programme d'ETP multi-équipes en cours de
« Plaintes et besoins des patients atteints construction pour des patients atteints de scléroder-
mie systémique (médecine interne, rhumatologie,
de sclérodermie systémique : une meilleure
médecine vasculaire). Coordonnateurs :
connaissance afin d'améliorer le suivi », paru Professeurs A. Lequellec et J. Morel, CHU Montpellier.
dans la Revue de Médecine Interne en 2011 ;
L'adéquation entre les besoins identifiés et la se situer les temps éducatifs comme l'accueil avec
possibilité d'y répondre en termes de moyens doit présentation du programme éducatif, l'obtention
être interrogée. Il est en effet possible de prévoir, du consentement, le bilan éducatif partagé (BEP),
dès cette étape, des relais avec d'autres établisse- les entretiens individuels et/ou collectifs, ou l'éva-
ments de santé ou en ville. luation de fin de programme (ou fin de cycle). On
La démarche sert aussi à vérifier que la construc- envisagera aussi d'emblée le suivi éducatif ultérieur.
tion d'un programme se justifie, au vu du nombre Cette description permettra d'avoir une vision
annuel espéré de bénéficiaires dans cette patho- précise des organisations, des acteurs à impliquer
logie. Ce nombre est habituellement considéré et des adaptations à prévoir (figure 10.1).
autour de 50 patients par an, mais un chiffre plus
petit est envisageable en fonction de la patholo- Recueil et analyse des besoins
gie, notamment s'il s'agit d'un enjeu prioritaire de
santé publique ou d'une pathologie rare. des patients et de leur entourage
Recueil des besoins des patients
Parcours de soins et parcours et de leur entourage
éducatif du patient Dans le cadre du programme, des activités édu-
Cette étape consiste à décrire le parcours de soins catives vont être proposées. Pour les construire,
du patient atteint de la pathologie donnée, c'est- il convient d'abord de repérer les besoins de
à-dire sa filière de prise en charge intra- et extra- cette population les plus fréquemment rencon-
hospitalière : trés à partir de publications et de l'expression
• intra-hospitalière : les unités de soins ou les de patients. Les besoins des patients seront aussi
professionnels de santé qui interviennent sur ce investigués à partir du point de vue des soignants.
parcours ; Ces besoins sont de différents ordres : médi-
• extra-hospitalière : les professionnels de santé, caux, psychologiques ou sociaux (fiche pratique 4).
les structures en amont et en aval de la prise en
charge hospitalière ainsi que les associations de Existence de publication
malades, en lien avec cette thématique sur le Dans un premier temps, on vérifiera si ceux-ci ont
territoire de santé. déjà été explorés et publiés. Si c'est le cas, il faudra
Le parcours éducatif s'insère dans le parcours voir si une transposition des résultats au contexte
de soins. Il s'agit de repérer assez tôt où pourront local est possible. Pour cela, il conviendra de :
88
Chapitre 10. Cadrage du projet
• vérifier si les patients concernés dans les publi- Ce terme est aussi utilisé en rapport avec les
cations ressemblent bien à ceux impliqués dans besoins du patient les plus fréquemment ren-
le programme en question ; contrés et les plus importants sur les plans sécu-
• évaluer la qualité scientifique et l'actualité de ritaire, mais aussi psychologique et social. Par
l'article, qui s'apprécient notamment par l'an- extension, un référentiel de besoins aboutit à un
cienneté de l'étude, la méthodologie choisie, référentiel de compétences à acquérir : ce dernier
l'envergure nationale voire internationale de la se traduit par les compétences de base, biomédi-
revue et la réputation des auteurs. cales et psychosociales, qui seront nécessaires au
Il existe parfois des référentiels de besoins éta- patient pour qu'il puisse combler ses besoins seul
blis dans le cadre d'une société savante, situation ou avec d'autres personnes ressources afin de
particulièrement appréciable. bien gérer sa maladie et vivre avec. C'est à partir
Le référentiel est un document énonçant des de ces besoins et compétences repérés que seront
exigences de qualité relatives à une pratique pro- définis les objectifs du patient convenus avec lui
fessionnelle ou à un mode de fonctionnement. (encadré 10.4).
ENCADRÉ 10.4
89
▲ Partie IV. Mise en œuvre d'un programme éducatif : un projet en soi
2. Reconnaître sur la peau : une sécheresse 3. Adapter le traitement aux conditions par-
cutanée, une lésion inflammatoire, une lésion ticulières (piscine, mer, soleil, voiture, séjour
suintante, une lésion inhabituelle (herpès, court en dehors de l'habitation habituelle,
infection bactérienne). vacances, etc.).
3. Identifier une lésion d'urticaire. 4. Utiliser une méthode d'évaluation du prurit
4. Appliquer les conseils de toilette, d'habil- et de la qualité du sommeil.
lage, d'environnement.
5. Reconnaître les différents traitements et Savoir-être
leurs modes d'action, leurs effets secondaires, 1. Expliquer la maladie à son entourage
la stratégie thérapeutique. (famille, école).
6. Appliquer des alternatives au grattage. 2. Savoir négocier l'implication des parents
7. Repérer les situations dangereuses (aller- dans les soins
gies alimentaires, herpès). 3. Exprimer ses émotions à un adulte, parta-
ger son(ses) expérience(s) de la maladie avec
Savoir-faire quelqu'un.
1. Adapter les traitements en fonction de l'état 4. Évoquer ses difficultés.
de la peau ; choisir le traitement adéquat Source : Programme d'ETP pour les patients atteints
et indiquer : endroit, quantité, application, de dermatite atopique : Educ@top. Équipe de der-
rythme, durée, aides. matologie, CH St-Eloi, CHU Montpellier. Coordonna-
2. Savoir que faire en cas de poussée, de prurit teur : C. Séguret, cadre de santé.
aigu, de réveil nocturne, de lésion inhabituelle.
90
Chapitre 10. Cadrage du projet
91
Partie IV. Mise en œuvre d'un programme éducatif : un projet en soi
En interne
ENCADRÉ 10.6
Listes d'objectifs les plus
fréquents et les plus importants • L'encadrement médical et paramédical, dont il
faudra vérifier la position et l'engagement vis-à-
Dans la suite de l'exemple précédant (voir vis du projet. Notamment, il s'agit de s'enquérir
plus haut, Recueil des besoins des patients
de l'appui ou pas du ou des médecins respon-
et de leur entourage), voici la liste des
12 objectifs les plus fréquents et les plus sables des unités concernées, du chef de dépar-
importants établis au décours de l'ana- tement et du chef de pôle. Parallèlement, cette
lyse bibliographique, de la rencontre avec même démarche sera faite auprès des cadres de
l'équipe lilloise et des résultats de l'enquête santé des unités concernées et du cadre supé-
locale sur 45 patients atteints de scléroder-
rieur de santé du pôle.
mie systémique :
• L'unité transversale d'éducation du patient
comprendre sa maladie, les facteurs
environnementaux influents et son deve-
(UTEP) nommée aussi unité transversale
nir ; d'éducation thérapeutique (UTET), s'il en
comprendre et suivre ses traitements existe une dans l'établissement. Ce sont des
médicamenteux ; unités de coordination des activités éducatives.
prévenir et gérer les complications pul- Il en existait probablement autour de 100 en
monaires ; France en 2015 ; leur nombre est en constante
s'adapter à la gêne fonctionnelle liée à la augmentation. Leurs missions consistent,
maladie ;
gérer les problèmes digestifs et adapter notamment, à coordonner les activités et les
son alimentation ; programmes éducatifs, à les accompagner, à les
prendre soin de ses mains ; soutenir dans leur construction et leur évalua-
gérer sa fatigue : vivre avec, lutter contre ; tion. Elles aident la direction de l'institution à
évaluer et gérer sa douleur ; définir une politique vis-à-vis de l'ETP au sein
préserver une activité physique ;
connaître et utiliser le système de soins de l'établissement. Elles favorisent les liens
et d'aide sociale, comprendre les courriers entre les équipes, les programmes et les établis-
médicaux ; sements de santé dans la région, ainsi qu'avec la
parler de sa maladie et trouver un sou- médecine de ville afin de soutenir la continuité
tien parmi l'entourage ; de l'éducation du patient dans son parcours de
maintenir une bonne qualité de vie psy-
chologique et sociale. soins. Elles soutiennent enfin la diffusion de la
pratique de l'ETP dans l'établissement (enca-
Source : Programme d'ETP multi-équipes en
cours de construction pour des patients atteints
dré 10.7) [9].
de sclérodermie systémique (médecine interne, • Un réseau de professionnels impliqués en ETP
rhumatologie, médecine vasculaire). Coordonna- avec :
teurs : Professeurs A. Lequellec et J. Morel, CHU
Montpellier. – un réseau formalisé et dévolu au développe-
ment de l'ETP (encadré 10.8) ;
– un réseau informel des coordonnateurs
des programmes déjà autorisés. Ces pro-
À la suite de quoi, les interventions éducatives fessionnels peuvent être des personnes res-
pourront être envisagées et construites en fonction sources, du fait de leur expérience en ETP
des objectifs définis. Les formes individuelles et/ et de l'équipe d'ETP qu'ils coordonnent. Ils
ou collectives seront décidées. sont des acteurs précieux pour la diffusion
de la culture éducative dans l'établisse-
ment.
Équipe soignante portant • L'institution : ce projet est-il reconnu par l'ins-
titution comme un axe ou une priorité à déve-
le programme lopper ? L'engagement de cette dernière dans
la création d'une UTEP/UTET ou la mise en
Repérer les alliés au projet
œuvre d'un plan de formation propre à l'ETP
Il s'agit de s'enquérir des appuis en interne et en peut en être une preuve (voir chap. 13, Les for-
externe à l'établissement de santé. mations continues en ETP).
92
Chapitre 10. Cadrage du projet
ENCADRÉ 10.7
ENCADRÉ 10.9
Historique de l'organisation Un réseau de soins thématique,
de structures gérant l'éducation intégrant l'ETP pour des
thérapeutique du patient personnes souffrant d'hépatite C
dans un CHU [10] Dans le Languedoc-Roussillon, un réseau
Au CHU de Montpellier, la démarche insti- formalisé sur le thème de l'hépatite C a été
tutionnelle envers l'éducation à la santé et créé il y a quelques années, associant des
l'éducation du patient a débuté en 1994, professionnels de la région travaillant sur
avec la création du comité hospitalier le sujet, à savoir dans des services d'hépa-
d'éducation pour la santé et de prévention tologie, de gastroentérologie, de maladies
(CHESP). En 2000 est créée, par le Dr Claude infectieuses et de médecine interne, des
Terral, une unité fonctionnelle dévolue réseaux ambulatoires locaux, des associa-
à l'éducation à la santé, prenant rapide- tions de patients et des associations de pro-
ment le nom d'unité de coordination des fessionnels de santé.
actions de prévention et d'éducation pour Parmi eux, sept équipes et deux associa-
la santé (UCAPES), en faisant l'une des deux tions de patients portent un programme
ou trois premières unités traversables en d'ETP pour ces patients.
France. En 2001, un diplôme universitaire Dans le cadre de ce réseau, un référentiel régio-
sur l'éducation du patient est mis en place. nal sur l'ETP pour les patients souffrant d'hé-
Des journées régionales sont instituées éga- patite C a été élaboré de 2013 à 2015. Une en-
lement au tout début des années 2000. En quête régionale de besoins auprès de patients
2012, l'UCAPES devient UTEP pour marquer et de soignants a été menée. Le document
l'émergence de nouvelles missions et d'une final établi en 2015 comprend une charte des
nouvelle équipe. L'UTEP est en lien avec patients, une liste d'objectifs les plus fréquents
la Direction de l'offre de soins (DOS) ainsi et les plus importants, un guide d'entretien
qu'avec la Commission médicale d'établis- du BEP, des fiches pédagogiques pour des
sement (CME) et la Direction coordination entretiens éducatifs, des outils pédagogiques
générale des soins (DCGS). Parallèlement, et d'évaluation ainsi que des possibilités de
un comité interdisciplinaire d'éducation du formations d'équipe.
patient (CIDEP) est mis en place, en rempla- Source : Réseau hépatite C Languedoc-Roussillon.
cement de l'ancien CHESP, précédemment L'éducation thérapeutique du patient. Le référen-
décrit, pour définir la stratégie et le déve- tiel régional partagé sur l'éducation thérapeutique
des patients atteints d'hépatite virale chronique C
loppement de l'éducation du patient au
[Internet]. 2015. Disponible en ligne sur :
CHU, dans le respect des valeurs et des cri- http://www.chu-montpellier.fr/fileadmin/
tères de qualité reconnus et partagés. user_upload/Pole_Digestif/ReseauHepatitesLR/
ETP_VHC/2015_Referentiel_Regional_ETP_VHC_
SITE_INTERNET.pdf
ENCADRÉ 10.8
93
Partie IV. Mise en œuvre d'un programme éducatif : un projet en soi
ENCADRÉ 10.10
ENCADRÉ 10.11
Un réseau de coordination Exemple d'une association
de soins et d'ETP ambulatoire [12] initiatrice avec un médecin
La région de Nancy et certains bassins de d'un programme d'ETP
population proches de Nancy dans le dépar- L'association ENDOFRANCE, regroupant des
tement de Meurthe et Moselle disposent, femmes souffrant d'endométriose, a été
depuis 2005, d'un réseau de coordination l'instigatrice, avec un médecin de l'équipe
à la fois de soins et surtout d'éducation d'un service de gynécologie-obstétrique/
thérapeutique pour des personnes souf- médecine de la reproduction, d'un pro-
frant de diabète et/ou en surpoids, enfants, gramme d'ETP sur cette thématique. En
adolescents et adultes. Le réseau Maison effet, l'endométriose est une pathologie
du diabète et de la nutrition de Nancy et fréquente, qui touche une femme sur dix
54 (MDN54) a pour vocation d'être un ou- en âge de procréer. Elle est assez mécon-
til pour la médecine libérale. L'adhésion à nue et beaucoup de femmes s'en trouvent
cette structure est proposée aux patients très affectées en raison, notamment, des
récemment diagnostiqués et peu compli- douleurs fréquentes et des projets de vie
qués, habituellement non suivis par le ser- impactés, comme la grossesse. La respon-
vice de diabétologie du CHU. Cette struc- sable scientifique de l'association fait partie
ture de premier recours à l'ETP, copilotée du comité de pilotage et assure la gestion
par le médecin et des professionnels de san- des réunions. L'enquête de besoins auprès
té libéraux, est opérationnelle en médecine des patients a été réalisée par elle. Une
de ville et capable d'améliorer le contrôle co-animation avec les professionnels de santé
métabolique des patients à court terme et la co-évaluation du programme est prévue.
voire à moyen terme (données non pu-
Source : Programme d'ETP en cours de construc-
bliées). Des liens peuvent être établis entre tion sur l'endométriose. Équipe de gynécolo-
le programme éducatif du réseau et ceux gie-obstétrique, CH Arnaud-de-Villeneuve, CHU
des autres structures territoriales hospita- Montpellier. Coordonnateur : Docteur C. Vincens.
lières ou non (programme d'ETP du réseau
pour l'insuffisance rénale par exemple).
94
Chapitre 10. Cadrage du projet
95
Partie IV. Mise en œuvre d'un programme éducatif : un projet en soi
Si des aides financière ou matérielle, comme éducative requiert une compétence particulière et
un outil ou un support pédagogique, sont pro- ne peut se confondre avec une évaluation biomédi-
posées par un intervenant extérieur (laboratoire cale classique. (voir partie VII, Recherche en ETP).
pharmaceutique par exemple), l'équipe devra Cela dit, si toutes les conditions sont réunies,
garder la maîtrise des conditions matérielles et cette source de financement peut être très appré-
éthiques de ce partenariat (choix des objectifs et ciable (supports, paiement de salaire d'attachés de
finalités). recherche, etc.).
L'industrie pharmaceutique peut également
aider au financement. Il est alors essentiel de bien
Moyens financiers prévoir une indépendance totale vis-à-vis de la
firme et une transparence comme le demande la
Il convient de lister les éventuelles sources de loi. L'apport de supports éducatifs non estampil-
financement du programme en précisant, pour lés est possible de même que, dans certains cas,
chacune d'entre elles, le montant du financement la prise en charge d'un salaire de soignant.
(voir chap. 2, Financement de l'ETP en France).
Les crédits des fonds d'intervention régionaux Moyens d'échanges d'informations
ou FIR (anciennement missions d'intérêt géné-
éducatives entre soignants
ral et à l'aide à la contractualisation ou MIGAC),
spécifiques à l'éducation thérapeutique, sont ver- Il s'agit de recenser :
sés chaque année pour compenser les frais hos- • les supports de transmission, notamment infor-
pitaliers dévolus à cette pratique, notamment matiques :
en termes de charges salariales. Ils sont parfois – ces supports sont habituellement les recueils
octroyés à l'établissement hospitalier sous la de données d'entrée, les courriers et les trans-
forme d'une enveloppe reconductible en fonc- missions de sortie. Ils doivent inclure les don-
tion d'une évaluation annuelle. Ils ne prennent nées éducatives,
en compte que les activités ambulatoires (c'est-à- – parmi les outils de transmission adaptés et
dire hors hospitalisation de jour, de semaine ou de accessibles à tous, l'outil informatique aide à
court séjour). Cela ne concerne pas la psychiatrie l'échange en interne d'informations en temps
qui est financée par des crédits spécifiques. réel entre les professionnels hospitaliers, et
Dans certaines pathologies, la prise en compte vers l'extérieur par l'émission de courriers
d'un programme éducatif par d'autres crédits de synthèse. Disposer d'un logiciel dans
MIGAC/FIR spécifiques est possible (exemples : lequel un dossier éducatif complet est intégré,
mucoviscidose, douleur). amène une aide importante pour l'équipe
Au départ du projet, il est préférable de raisonner (encadré 10.13). L'interdisciplinarité autour
en termes de moyens constants, car rien ne garantit du patient en est alors grandement facilitée ;
qu'une dotation supplémentaire ne soit octroyée au • les temps de travail en commun de l'équipe :
pôle lorsque le programme deviendra effectif. – l'organisation de staffs pluriprofessionnels
Des sources spécifiques de financement peuvent permet la mise en commun des informations
également être trouvées pour des structures non propres à un patient. Un fonctionnement
hospitalières, comme des réseaux ou des services interdisciplinaire apporte une plus-value
de soins de suite, via l'ARS, la Caisse nationale importante pour l'élaboration des objectifs
d'assurance maladie (CNAM), etc. éducatifs dans le cadre du BEP,
Une autre source de financement est possible – de même, ces temps d'échange aident les pro-
en s'inscrivant dans une recherche médicale. La fessionnels à mieux connaître le patient et à
tentation est grande pour certains de construire mieux se positionner lors des prochaines ren-
un programme d'ETP conjointement à une étude contres avec lui.
scientifique évaluative. Bien que possible, ce pro-
jet conjoint ne doit pas, à notre sens, être la règle.
De graves confusions peuvent en découler. La co-
Temporalité de l'ETP [1, 16, 17]
construction du projet risque d'en être biaisée. Pour la mise en œuvre d'une démarche d'ETP, la
De plus, l'évaluation scientifique de la démarche notion du temps se décline de deux façons :
96
Chapitre 10. Cadrage du projet
97
Partie IV. Mise en œuvre d'un programme éducatif : un projet en soi
Il convient de faire connaître en interne le fruit de [7] Barbarot S, Gagnayre R, Bernier C, et al. Dermatite
cette rédaction et de la rendre disponible à tous ; atopique : un référentiel d'éducation du malade. Ann
Dermatol Vénéréologie 2007 ; 134 : 121–7.
• la traçabilité des actions éducatives dans le dossier
patient et dans tout document de transmission à [8] d'Ivernois JF, Gagnayre R. Propositions pour l'éva-
luation de l'éducation thérapeutique du patient.
l'intention du patient et des autres s oignants : ADSP 2007 ; 57–61 : .
– dossier éducatif informatisé (au mieux),
[9] Chauvin F. Unités transversales d'éducation théra-
– dossier éducatif sous forme papier, peutique à l'hôpital. Résultats de l'enquête menée par
– dossier de soins, à défaut de dossier spéci- l'AFDET. In : Santé Éducation. 2013. p. 16–20.
fique ETP, [10] Zaffran C, Terral C. L'éducation du patient au CHU
– courrier de sortie… de Montpellier : de l'émergence d'une politique de
Dans ce cadre, l'informatisation est un élé- promotion de la santé à la structuration d'un disposi-
ment de pérennité dans la mesure où les ren- tif de soutien à l'éducation. Educ Patient Enjeux
dus des actions éducatives sont facilement Santé 2011 ; 29 : 36–41.
consultables par tous ; [11] Réseau hépatite C Languedoc-Roussillon. L'éducation
• l'évaluation, qui est un outil de pilotage indis- thérapeutique du patient. Le référentiel régional par-
tagé sur l'éducation thérapeutique des patients
pensable. Les ajustements qui en découlent atteints d'hépatite virale chronique C [Internet].
font vivre et grandir le projet. Seul un projet en 2015. Disponible en ligne sur : http://www.chu-
évolution est susceptible de correspondre à une montpellier.fr/fileadmin/user_upload/Pole_Digestif/
réalité changeante par nature ; ReseauHepatitesLR/ETP_VHC/2015_Referentiel_
• la possible recherche médicale et paramédicale Regional_ETP_VHC_SITE_INTERNET.pdf.
sur la thématique éducative ; [12] Böhme P, Durain-Siefert D, Contal I, et al. Éducation
• la valorisation du projet, qui pourra se faire à thérapeutique et suivi du patient diabétique de type 2
par un réseau de ville : comparaison avec un service
travers : de diabétologie. Éduc Thérapeutique Patient - Ther
– le recueil des activités éducatives en termes Patient Educ 2010 ; 2 : 7–14.
de suivi d'activité. L'informatisation est ici [13] Roussel S, Deccache A. Représentations variées des
aidante pour gérer ce recueil en flux continu, concepts en éducation thérapeutique du patient chez
– la communication sur le projet en interne, au les professionnels de soins de santé : réflexions et
sein de l'équipe, du pôle et de l'établissement, perspectives. Éduc Thérapeutique Patient - Ther
et en externe. Patient Educ 2012 ; 4 : S401–8.
[14] Haute Autorité de santé (HAS). Éducation thérapeu-
Références tique de l'enfant asthmatique et de sa famille en
pédiatrie. Référentiel d'auto-évaluation des pratiques
[1] Boutinet JP. Enjeux et perspectives autour de l'édu- en pédiatrie. HAS ; juin 2005. p. 11.
cation thérapeutique du patient. Savoirs 2013 ; 33 : [15] De la Tribonnière X, Ait El Mahjoub B, Fabre S, et al.
83–94. Favoriser l'interdisciplinarité dans l'équipe par le par-
[2] Haute Autorité de santé (HAS). Structuration d'un pro- tage des données éducatives à l'aide d'un dossier éducatif
gramme d'éducation thérapeutique du patient dans le transversal informatisé en éducation thérapeutique du
champ des maladies chroniques. Guide méthodologique. patient. In : 5e Congrès international de la Société euro-
HAS ; 2007. p. 109. [Internet]. Disponible en ligne sur péenne d'éducation thérapeutique (SETE) ; 2014. Paris.
http://w w w.has-sante.fr/portail/upload/docs/ [16] Roquet P, Gonçalves MJ, Roger L, Viana-Caetano AP.
application/pdf/etp_-_guide_version_finale_2_pdf.pdf. Temps, temporalité et complexité dans les activités
[3] d'Ivernois JF, Gagnayre R. Apprendre à éduquer le éducatives et formatives. Paris : L'Harmattan ; 2013.
patient : approche pédagogique. 5e éd Paris : Maloine ; p. 222.
2016. p. 170. [17] Lacroix A, Assal JP. L'éducation thérapeutique des
[4] Sandrin-Berthon B. Recommandations et principes patients : accompagner les patients avec une maladie
de mise en place d'un programme d'éducation théra- chronique : nouvelles approches. 3e éd paris :
peutique. J Mal Vasc 2009 ; 34(supplement : S12). Maloine ; 2011. p. 220.
[5] Mutualité française. Les programmes d'éducation [18] Balcou-Debussche M. L'éducation des malades chro-
thérapeutique du patient près de chez vous [Internet]. niques : une approche ethnosociologique. Archives
2015. Disponible en ligne sur http://www.priorite- Contemporaines Éditions ; 2006. p. 280.
santemutualiste.fr/psm/programmes-etp. [19] Davaut A, Bally A, Gachet X, de la Tribonnière X.
[6] CART'EP Île-de-France [Internet]. Disponible en Pérenniser l'éducation thérapeutique dans un ser-
ligne sur : http://www.educationtherapeutique-idf. vice de néphrologie-dialyse, malgré le turn-over du
org/_front/Pages/page.php. personnel. Santé Éducation 2014 ; 3 : 5–7.
98
Organisation et mise C 11 hapitre
objectifs, l’acquisition
des compétences,
prévoir un suivi. Et son entourage
Pratiquer l’éducation thérapeutique
Figure 11.1 Structuration méthodologique des étapes éducatives dans le cadre d'un programme,
schéma inspiré du modèle systémique.
Source : Inspiré d'Ivernois JF, Gagnayre R. Apprendre à éduquer le patient : approche pédagogique. 5e éd. Paris : Maloine ;
2016, 170 p.
99
Partie IV. Mise en œuvre d'un programme éducatif : un projet en soi
d'éducation qui permet d'appréhender différents et situations de vulnérabilité associée pour lesquels
aspects de la personnalité du patient, d'identifier une prise en charge spécifique sera proposée. Il offre
ses besoins, d'évaluer ses potentialités, de prendre également l'opportunité de repérer des projets qui
en compte ses demandes dans le but de proposer tiennent à cœur au patient, qu'ils soient personnels
un programme d'éducation personnalisé » [6]. ou professionnels, à court, moyen et long terme.
Tout en restant dans cette disposition, nous préfé- Ainsi, le BEP constitue une opportunité :
rons au terme « diagnostic éducatif », celui de « bilan • pour le patient, d'exprimer ses besoins, ses
éducatif partagé » (BEP). B. Sandrin-Berthon l'argu- attentes, ses craintes… ;
mente en soulignant que « le diagnostic renvoie, • pour le soignant :
qu'on le veuille ou non, au diagnostic établi par la – d'expliquer ses intentions éducatives et la
seule équipe médicale : c'est le point de vue que le démarche proposée,
professionnel porte sur l'état de santé du patient » [4]. – de comprendre les différents facteurs chez le
Nous utiliserons ce terme dans le reste de l'ouvrage. patient qui influencent son comportement de
santé,
Réalisation pratique – d'évaluer avec le patient sa situation,
– de convenir avec lui d'un plan d'action per-
Avant de débuter, il convient de présenter l'in- sonnalisé.
tention du programme éducatif et de vérifier que Le BEP peut être réalisé en une ou plusieurs
cela convienne au patient. Un support d'infor- fois, en hospitalisation ou en consultation. Il est
mation le résumant pourra lui être remis. De consigné dans le dossier du patient.
même, un consentement oral ou écrit sera pro- Un guide d'entretien est élaboré préalablement
posé, sachant que le patient aura toute liberté de par l'équipe pour aider les professionnels à sa réa-
se retirer, s'il le souhaite, à tout moment et sans lisation (fiche pratique 10).
justification. Il s'agit de répondre à six questions sur le patient
Un BEP se construit avec le patient. Il va per- concernant les points suivants [2] :
mettre d'appréhender les caractéristiques médico- • ce qu'il a : son état de santé, l'histoire de sa ou
psycho-sociales du patient et ses besoins. Outre ses ses maladies, ses comorbidités, son ou ses traite-
ressources, il permettra aussi de dépister les troubles ments… ;
100
Chapitre 11. Organisation et mise en place d'une démarche éducative personnalisée
• ce qu'il fait : sa situation familiale et profession- • ce dont il a envie : ses centres d'intérêt et ses
nelle, ses activités sociales et de loisirs, son lieu projets grands ou petits. Ils sont sources de
de vie, ses habitudes, son niveau de ressources, motivation. Le projet de soins et d'éducation
ses comportements de santé… ; doit prendre en compte ces projets et s'y insé-
• ce qu'il sait : ses connaissances sur la maladie et rer. Il peut s'agir d'un voyage, d'une rencontre
les traitements, sur le système de soins, sur les en famille ou entre amis, de sortir à nouveau,
associations de patients… ; de retrouver des loisirs, de renforcer des liens
• ce qu'il croit : à qui ou à quoi attribue-t-il un sociaux, mais aussi de trouver un travail, de
contrôle sur sa santé (à lui-même, à la médecine, refaire une pièce de maison, de rencontrer
à Dieu, à la chance… ?) ; ses croyances relatives quelqu'un… ;
aux conséquences de son comportement ou À la suite de ces questions, une synthèse est éta-
de la maladie, aux bienfaits et aux méfaits des blie, ciblant les thèmes suivants (encadré 11.1) :
traitements ; ses conceptions ou représentations • problématiques biomédicale, psychologique,
de la santé, de la maladie, du traitement, autre- sociale et professionnelle ;
ment dit, l'idée qu'il s'en fait ; • expression du patient ;
• ce qu'il ressent : vis-à-vis de sa santé, de sa • ressources du patient : en termes de motiva-
maladie ; quel est son stade d'acceptation de tion, de volonté, de compréhension, de soutien
la maladie (stades du deuil) : est-il révolté, social, de ressources financières, environne-
inquiet, résigné, impuissant, serein… ? ; quelle mentale, professionnelle… ;
est sa temporalité quant à un éventuel change- • difficultés du patient : en termes médi-
ment de comportement de santé (Prochaska et cal, psychologique avec souffrance associée
DiClemente) : est-il prêt pour un traitement, ou (dépression, anxiété, etc.), socioprofessionnel
est-il au stade de « contemplation » ? ; ressent-il (précarité, chômage, problème de logement, etc.)
de l'estime pour lui-même, a-t-il un sentiment et familial/amical (isolement, rupture affective,
d'autoefficacité ?… ; etc.). Des addictions associées sont à noter ici ;
ENCADRÉ 11.1
101
Partie IV. Mise en œuvre d'un programme éducatif : un projet en soi
102
Chapitre 11. Organisation et mise en place d'une démarche éducative personnalisée
Pratiquer, faire • Pratiquer les techniques (injection d'insuline, autocontrôle glycémique, spray, chambre
d'inhalation, débitmètre de pointe)
• Pratiquer les gestes (autoexamen des œdèmes, prise de pouls, etc.)
• Pratiquer des gestes d'urgence
Adapter, réajuster • Adapter sa thérapeutique à un autre contexte de vie (voyage, sport, grossesse)
• Réajuster un traitement ou une diététique
• Intégrer les nouvelles technologies médicales dans la gestion de sa maladie et de son
traitement
Utiliser les ressources du • Savoir où et quand consulter, qui appeler : rechercher l'information utile
système de soins, faire • Faire valoir des droits (travail, école, assurances, etc.)
valoir ses droits
• Participer à la vie des associations de patients…
Source : d'Ivernois JF, Gagnayre R. Apprendre à éduquer le patient : approche pédagogique. 5e éd. Paris : Maloine ; 2016, 170 p. et d'Ivernois JF,
Gagnayre R. Mettre en œuvre l'éducation thérapeutique. ADSP 2001 ; 36 : 11-3.
correspondent à celles que les soignants jugent et de le modifier. Elles peuvent se décliner ainsi :
nécessaires que le patient acquiert afin de gérer se connaître soi-même et avoir confiance en soi ;
au mieux sa maladie en toute sécurité [2, 6] ; savoir gérer ses émotions et maîtriser son stress ;
• les compétences d'adaptation sont essentielle- développer des compétences en matière de com-
ment d'ordre psychosocial, c'est-à-dire reliées au munication et de relations interpersonnelles ;
champ du « vivre avec ». Ces compétences sont prendre des décisions et résoudre des pro-
personnelles et interpersonnelles, cognitives et blèmes ; se fixer des buts à atteindre et faire des
psychiques. Elles permettent aux personnes de choix ; s'observer, s'évaluer et se renforcer [2, 7].
maîtriser et de diriger leur existence, et d'acqué- J.-F. d'Ivernois et R. Gagnayre proposent une
rir la capacité de vivre dans leur environnement classification présentée dans le tableau 11.3.
103
Partie IV. Mise en œuvre d'un programme éducatif : un projet en soi
Pour chaque patient, on choisira avec lui dans définis en fonction de ses besoins et désirs, de sa
la liste des objectifs référents du programme édu- situation propre, de son vécu de la maladie et de
catif, ceux qui lui conviennent (voir chap. 10, Éta- ses projets (fiche pratique 12).
blissement d'un référentiel d'objectifs pour le pro- Notons ici que les projets de vie sont particu-
gramme). On ajoutera des objectifs spécifiques lièrement importants à considérer. Ils peuvent
qui ne sont pas considérés dans le référentiel, correspondre à de grands projets existentiels, ou
104
Chapitre 11. Organisation et mise en place d'une démarche éducative personnalisée
à des petits projets dans la vie de tous les jours. repérage des signes d'alerte, gestion adaptée
L'avantage de ces derniers est leur proximité et d'un traitement, etc.) ;
leur réalisation plus aisée. • l'intégration de la maladie dans la vie du patient
Les projets de vie sont l'expression de la pro- au quotidien.
jection dans l'avenir de la personne malade, ainsi Ces objectifs tiennent compte des ressources du
que l'expression de ses aspirations et de ses choix. patient, de ses envies, du stade d'acceptation de la
Ils donnent du sens à ce qu'elle vit. Ils sont singu- maladie, de ses projets de vie.
liers et évolutifs. Le projet thérapeutique élaboré
ensemble entre soignants et patient doit s'intégrer
dans les projets de vie et les permettre. Choisir et mettre en œuvre
Outre le sens de la vie et son plaisir, les projets les activités éducatives
soutiennent la motivation à se soigner, à prendre
soin de soi et à apprendre ce qui doit l'être. Ils Élaborer les contenus dans les
pourront aussi être des objets d'évaluation témoi- différents domaines des savoirs
gnant de l'efficacité des démarches éducatives et
de soins. On peut regrouper les contenus des activités édu-
Parfois, il y a dissonance entre le projet thé- catives en savoirs, savoir-faire et savoir-être. Cela
rapeutique des soignants et les projets de vie du dit, une activité éducative correspond toujours
patient : un va-et-vient s'instaure alors afin de à une situation complexe d'apprentissage, où
concilier les deux aspirations. La concertation ces trois champs sont présents et intriqués à des
avec le patient est ici primordiale pour débuter degrés divers.
une relation de soin juste, éthique et efficace. Les « savoirs » (biomédicaux, psychosociaux)
Dans cette négociation, le patient garde toujours sont les connaissances sur la maladie, les traite-
le dernier mot (encadré 11.2). ments, le suivi et l'évolution, la reconnaissance
Au final, nous pouvons considérer que l'en- des signes d'alerte, les droits par rapport à cette
semble de ces objectifs répondent à : maladie… Ces contenus font appel à un consen-
• l'acquisition des compétences dites d'autosoins sus d'équipe. Ils sont scientifiquement fondés et
et de sécurité (maîtrise de gestes techniques, approuvés par elle.
Les « savoir-faire » comprennent :
• des gestes techniques (injections, inhalation,
ENCADRÉ 11.2
105
Partie IV. Mise en œuvre d'un programme éducatif : un projet en soi
106
Chapitre 11. Organisation et mise en place d'une démarche éducative personnalisée
107
Partie IV. Mise en œuvre d'un programme éducatif : un projet en soi
ayant pour finalité de décrire précisément les Dans la fiche pratique 15, nous présentons des
séquences éducatives. éléments permettant de mieux prendre en compte
Le temps consacré à cette écriture est particu- les compétences psychosociales.
lièrement utile pour formaliser la pensée et diffu-
ser le savoir-faire au sein d'une équipe. Animation de la séance collective
La fiche pédagogique contient généralement les Quelques conseils sont utiles pour animer une
éléments suivants : séance éducative :
• un titre ; • concernant les patients :
• le public cible avec le nombre minimal et maxi- – demander à chacun dès le début de la séance,
mal de personnes ; une confidentialité absolue,
• l'objectif principal et les objectifs opératoires ; – proposer éventuellement d'inclure à la séance
• le contenu en fonction de ces objectifs, seg- éducative l'entourage du patient (famille,
menté en différents temps ; aidant, etc.),
• les intervenants, le public et le moment de leur – laisser une large place aux témoignages
implication ; (patients, soignants),
• les conditions matérielles de réalisation ; – susciter et favoriser la reformulation par les
• les méthodes pédagogiques ; patients,
• les outils d'évaluation prévus ; – reconnaître un droit à l'erreur au patient et
• une date de rédaction avec numérotation de la permettre des ajustements possibles ; décul-
version. pabiliser,
L'intérêt de la réalisation de cette fiche (fiche – susciter la contribution de certains patients,
pratique 14) réside en : en leur proposant d'intervenir auprès d'autres
• un guide pour l'animation de chaque séance ; participants pour résoudre certaines situa-
• une optimisation de la qualité, par le fait que tions problèmes ou pour compléter, à partir
toute l'équipe a pris le temps de formaliser par de leurs connaissances et leur vécu, les mes-
écrit et de valider la mise en place de cette séance ; sages délivrés par les soignants ;
• une visibilité par tous les membres de l'équipe • concernant les co-animateurs (soignants et
du contenu de la séance, y compris pour ceux éventuellement patients-intervenants) :
qui n'y assistent pas ; – exiger de tous les règles de confidentialité, notam-
• la possibilité à un soignant non habitué de ment aux éventuels co-intervenants patients ou
s'impliquer et de s'intégrer plus facilement dans représentant d'association de patients,
cette activité ; – exprimer des messages simples et compré-
• une réponse au turn-over important des per- hensibles par tous, formulés avec un vocabu-
sonnels de soins dans une équipe qui peuvent laire accessible aux patients,
ainsi s'enquérir de la démarche dès leur arrivée – accorder à cette activité toute son attention
dans celle-ci ; en tant qu'animateur (éviter tout dérange-
• une visualisation des ajustements au cours du ment), laisser la blouse à l'entrée…,
temps, et donc une meilleure évaluation du pro- – renforcer éventuellement les compétences
cessus éducatif ; d'animation des soignants ou des patients
• un élément en faveur de la pérennisation du intervenants (formation complémentaire,
programme. volontariat des soignants plutôt qu'activité
Concernant l'organisation de ce temps éducatif, imposée par la hiérarchie, etc.),
il faudra s'assurer de la disponibilité des : – réaliser un véritable partenariat entre les ani-
• patients concernés ; mateurs pour la gestion du groupe (messages
• personnels formés à l'éducation et aptes à ani- éducatifs complétés ou renforcés par chacun
mer l'atelier ; des partenaires, reformulation de la part d'un
• locaux adaptés à l'activité envisagée (matériel, soignant du discours de son binôme, passage
espace, lieu, ergonomie, accès, etc.) ; de la parole de l'un à l'autre, relais dans l'ani-
• outils pédagogiques devant être utilisés lors de mation, encadrement du groupe, etc.),
la séance, ainsi que les supports comme paper- – veiller à l'existence d'une interactivité entre les
board ou vidéoprojecteur… participants (dynamique de groupe, a ttention
108
Chapitre 11. Organisation et mise en place d'une démarche éducative personnalisée
soutenue) tout en assurant un l'équilibre dans BEP avec la détermination d'objectifs non encore
l'expression de chacun, abordés.
– éviter de « faire un cours » en utilisant des Le suivi éducatif du patient peut se faire au
techniques pédagogiques scolaires comme décours en établissement de santé ou en relais en
un PowerPoint, ville. Dans les deux cas, une bonne coordination
– prévoir la présence d'un observateur, même est nécessaire, avec tracé écrit des données édu-
occasionnel, pour contribuer à l'amélioration catives.
de la qualité de celles-ci ; La situation actuelle des programmes nous
• concernant la séance éducative elle-même : amène à reconnaître que cette étape est souvent
– organiser une alternance de moments infor- peu appréhendée par les équipes. Autant les soi-
matifs avec des périodes d'apprentissages, gnants savent maintenant construire et animer un
de mises en situation, d'exercices à réaliser, programme initial pour le patient, autant le suivi
etc., éducatif pose problème. Des efforts de structura-
– appuyer les activités proposées sur le vécu, tion sont à soutenir, de façon à ce que le processus
l'expérience, les compétences du public pré- éducatif devienne partie intégrante de l'ensemble
sent lors de la séance, du parcours de soin.
– concevoir des exercices programmés dans le
temps (prévoir une certaine durée adaptée
à la nécessité de l'activité envisagée, ni trop
courte, ni trop longue…), Évaluation concernant
– délivrer des documents reprenant ou illus- le patient [2, 3, 9–11]
trant la séance éducative (servant de support
à la réflexion, ou de rappel ou encore de réfé- Finalité de l'évaluation
rence pour les patients),
– noter dans le dossier éducatif une synthèse L'évaluation du patient met en valeur ses transfor-
brève par patient, mations, le chemin parcouru et mesure l'atteinte
– prévoir en fin de séance, un temps de débrie- des objectifs éducatifs. Elle favorise la prise de
fing. Il permet de repérer les moments clés conscience et la valorisation des acquis. Ce temps
de la séance, les problèmes éventuels pour est également l'occasion pour le patient de s'expri-
tel ou tel participant, les besoins d'améliora- mer sur son vécu de la maladie chronique.
tion (concernant l'organisation, l'animation, Le partage autour de l'évaluation doit s'exemp-
le contenu, etc.) et le ressenti des animateurs ter de tout discours moralisateur et culpabilisant,
eux-mêmes dans ce travail, y compris vis-à-vis de l'entourage. Il n'a de sens
– exploiter les remarques de l'éventuel observa- que pour chercher à améliorer la situation.
teur pour améliorer la qualité de la séance en
termes d'organisation, de contenu, de déroule-
Moments de l'évaluation
ment, d'outils utilisés, de pertinence de l'anima-
tion…, L'évaluation du patient débute dès lors que l'on
– prévoir une pause si la séance dure plus de tente de mieux le connaître, à l'occasion de la réa-
2 heures, voire une petite restauration. lisation du BEP et lors des temps éducatifs qui sui-
vront, et lors de l'évaluation de fin de programme.
Elle est proposée au patient à tout moment de sa
Entretien d'évaluation de fin prise en charge (voir chap. 10, La temporalité du
de programme patient) :
L'évaluation de fin de programme clôt le cycle • si le professionnel de santé le juge nécessaire ;
éducatif. En fonction de la mise en évidence de • si le patient est en difficulté ou le demande.
nouveaux besoins et de ceux initiaux non satisfaits, Cependant, un temps spécifique en fin de pro-
un nouveau cycle de reprise ou de renforcement gramme doit être envisagé et planifié à l'avance.
pourra être proposé au patient. Les éléments du L'évaluation du patient est en général réalisée en
précédent BEP seront ainsi revisités et actualisés. entretien individuel afin de respecter son aspect
Les éléments relevés alimenteront un nouveau personnalisé. Elle est basée sur un dialogue entre
109
Partie IV. Mise en œuvre d'un programme éducatif : un projet en soi
110
Chapitre 11. Organisation et mise en place d'une démarche éducative personnalisée
nulle, partielle ou totale, ou sur une échelle L'utilisation des degrés de certitude est intéres-
visuelle analogique (EVA) [14]. La présentation sante pour affiner l'évaluation (fiche pratique 19).
peut se faire sur un dossier papier ou un dossier Le principe de base est qu'il n'y a action que si la
informatisé (fiche pratique 16) [15]. personne est sûre de ce qu'elle sait. Il convien-
dra donc de renforcer les connaissances justes
Outils et méthodes d'évaluation mais sans certitude, et corriger les connaissances
fausses, a fortiori si la personne en est sûre. La
des champs biomédicaux
mise en évidence de ces situations par cette
et psychosociaux méthode est rapide et efficace.
Pour aider à cette évaluation complexe, de nom-
breux outils sont disponibles. Ils explorent les Ronde de décisions avec des cartes
champs pédagogiques ou médico-psycho-sociaux de Barrows
et doivent tenir compte du patient pour ne pas se Cet outil permet d'évaluer la compétence de déci-
limiter à des critères standardisés. Ils sont là pour sion d'un patient, de suivre ses acquis, ses diffi-
faciliter les échanges et permettre au patient de cultés en termes d'action à entreprendre. À partir
s'exprimer dans un cadre qui ne lui rappelle pas d'une situation décrite, plusieurs réponses sont
un contexte scolaire ou professionnel. proposées. Le patient fait un choix de réponse(s).
Notons que certains outils pédagogiques pré- Sont alors évoquées avec lui les conséquences de
sentés avant (voir chap. 9, Supports et outils ses choix (fiche pratique 20).
pédagogiques en ETP) sont potentiellement aussi Par cet outil, est sollicitée la capacité du patient
des méthodes d'évaluation. Nous présentons ici à entreprendre des actions adaptées à la situation
quelques autres outils. proposée, à les argumenter et à en mesurer les
conséquences.
Échelles visuelles analogiques (EVA)
De nombreux domaines médicaux ou psycho- Analyse de situation
sociaux peuvent être quantifiés par le patient Elle aborde des questions du type : comment s'est
lui-même, en renseignant une échelle visuelle passé le dernier voyage ? la séance de sport ?, etc.
analogique de 0 à 10. Une échelle de Likert avec
quatre possibilités sur la satisfaction (très bonne, Analyse d'un carnet de suivi
moyenne, médiocre, nulle) est aussi possible. Le carnet de suivi est rempli par le patient lui-
Dans la fiche pratique 17, nous présentons plu- même, ce qui favorise son implication et sa capa-
sieurs échelles utiles. cité à s'autoévaluer (fiche pratique 21).
111
Partie IV. Mise en œuvre d'un programme éducatif : un projet en soi
Maîtrise du geste
ou de la technique
Efficacité du geste
Projet de vie
4 ou de la technique
4 3 4
3 3 % de connaissances correctes
2
2 2 avec un degré de certitude
Auto-efficacité 10 1 moyen entre 60 et 100 %
98 1 1
76 75
54 50
32
1 25
Connaissances et degré
10 9 8 7 6 5 4 3 2 1 de certitude
Image de soi
1 75
1 50
2 25 % de connaissances incorrectes
1
3 2 avec un degré de certitude moyen
4 2 3
entre 60 et 100 %
3 4
Adaptation/anticipation
vis-à-vis d’une nouvelle 4 Stratégie de résolution
situation/problème d’un événement/problème
Auto-évaluation
de la stratégie de résolution
d’un événement/problème
Figure 11.2 Outil de représentation graphique des compétences évaluées chez les patients.
Source : Gagnayre R, Marchand C, Pinosa C, et al. Approche conceptuelle d'un dispositif d'évaluation pédagogique du
patient. Pédagogie Médicale 2006 ; 7 : 31–42.
112
Chapitre 11. Organisation et mise en place d'une démarche éducative personnalisée
vers une gestion de sa maladie et de son traite- Grille d'observation d'un geste technique
ment [19] ; (fiche pratique 27)
• une étoile à 5 branches, où l'on interroge Elle permet d'évaluer la dextérité du patient dans
la santé physique, sociale, sexuelle, affec- la réalisation d'un soin technique, ainsi que la
tive, et l'équilibre psychologique (fiche pra- maîtrise des différentes étapes à respecter dans sa
tique 25) ; réalisation.
• une étoile à 8 branches (fiche pratique 25). Les
thèmes sont différents et ont trait à la maladie, Évaluation de la satisfaction
au traitement, à l'organisation des soins, à des La satisfaction du patient peut être évaluée à deux
aspects psychologiques et à l'entourage. niveaux :
• celui d'une séance individuelle ou collec-
Carte conceptuelle tive. Elle est alors recueillie au décours de
(fiche pratique 26) [20, 21] ce temps, par oral ou par écrit (fiches pra-
La carte conceptuelle, ou mind map, permet de tiques 28 et 29) ;
représenter la structure cognitive d'un individu, • celui du programme, où le patient est ques-
et donc l'organisation de ses connaissances. Ses tionné à la fin de son cycle éducatif. Ce recueil
intérêts sont pluriels : elle favorise l'apprentis- peut se faire en individuel ou en collectif. Les
sage en le rendant plus signifiant pour l'appre- résultats compilés permettront aux profession-
nant, et elle permet au formateur d'évaluer la nels de s'améliorer. Et le patient aura le senti-
façon dont l'apprenant intègre et organise ses ment d'avoir été écouté et entendu. Il participe
connaissances. ainsi à la co-évaluation du programme (fiche
Les modalités d'élaboration et d'analyse d'une pratique 30).
carte conceptuelle sont variables, qu'elle soit réa- Notons que la satisfaction peut aussi être mesu-
lisée individuellement ou en groupe. Son utilisa- rée sur une EVA.
tion est possible en ETP et constitue actuellement Pour aller plus loin, nous proposons une liste
un thème de recherche et d'application dans ce non exhaustive d'outils classés par champ exploré
domaine. et par compétences du patient (tableau 11.5).
(Suite)
113
Partie IV. Mise en œuvre d'un programme éducatif : un projet en soi
114
Chapitre 11. Organisation et mise en place d'une démarche éducative personnalisée
115
Partie IV. Mise en œuvre d'un programme éducatif : un projet en soi
découverte médicale. Or, il s'agit de la liberté graves en raison de l'augmentation des dépenses
du patient, les soignants peuvent tout au plus de soins (visites plus fréquentes, hospitalisations
apporter leur aide à ce dernier. Pour ce faire, ils non prévues ou plus longues, etc.), des arrêts de
doivent acquérir une vision large de la situation travail pour raison de santé, voire des années de
du patient, englobant tous les aspects de sa vie, et vie perdues [22]. Ainsi, des auteurs ont chiffré à
pas seulement les aspects biomédicaux. 100 milliards de dollars par an aux États-Unis le
surcoût lié à la non-adhésion aux traitements [29].
Dans un contexte d'infection, des traitements
Choix des mots mal pris conduisent à un risque augmenté de
Le terme « observance » a été longtemps utilisé transmission de souches résistantes ayant des
pour désigner le fait que le patient suit son traite- effets épidémiologiques délétères.
ment. À l'origine, ce mot émane de la sphère reli-
gieuse : on observait la « règle ». Pour les soignants
L'observance relève d'un comportement et rend
Les soignants vivent généralement mal le fait que
peu compte de l'état d'esprit du patient. Aussi,
les patients ne suivent pas leurs prescriptions.
nous préférons utiliser le terme « adhésion », qui
Cela engendre souvent chez eux frustration, hos-
prend davantage en compte l'attitude, le consen-
tilité, sentiments d'impuissance et d'échec. Un
tement à faire. Le patient adhère à l'idée du
état défensif peut s'ensuivre. Dans certains cas,
traitement, en accepte les conditions et s'engage
émerge un état d'inertie médicale (voir chap. 3, Le
vis-à-vis de lui-même à le prendre régulièrement.
format de l'ETP en question).
Le terme « alliance thérapeutique » a davantage
trait à la qualité de la relation du patient et du soi-
gnant. Elle constitue un accord équilibré avec un Effets positifs de la non-adhésion
objectif partagé à partir des propositions du soignant au traitement
et des souhaits de vie du patient. Chacun peut devoir Pour toute chose, existe une intention positive.
renoncer à certaines choses pour parvenir à un Dans notre sujet, le patient peut, par son attitude
objectif partagé et évolutif. Le pouvoir et la liberté de de refus, affirmer sa position et retrouver une
choix n'appartiennent plus au seul soignant [25, 26]. partie de son pouvoir ; il assoit ses choix.
Pour le soignant, c'est l'occasion de se remettre
Conséquences négatives en question dans sa relation au patient, sa façon
de la non-adhésion au traitement de faire et d'être, mais aussi de chercher d'autres
Pour le patient alternatives thérapeutiques plus adaptées.
Un traitement mal pris peut amener à une aggra-
vation de la maladie, à l'apparition de complica- Déterminants de la non-adhésion
tions ou à des hospitalisations non prévues, voire Il existe de nombreuses causes à cette situation.
un risque accru de mortalité. Des auteurs en ont dénombré plus de 150. La
Prendre un traitement témoigne d'un souci du cause la plus fréquente semble être la dépression,
patient de sa propre santé. Une étude a même mon- du fait du manque d'envie, de la mésestime de soi,
tré que le fait de prendre assidûment un placebo des émotions négatives, de l'inertie.
dans un essai clinique réduisait la mortalité, ceci en Une description fine en est proposée (fiche pra-
raison d'autres comportements de santé associés. Il tique 31).
s'agit donc aussi d'un état d'esprit [27, 28]. De plus, la non-adhésion est un processus
Dans le cas de maladies infectieuses comme dynamique et évolutif. À long terme, dans une
l'infection à VIH ou la tuberculose, des oublis de situation de maladie chronique, une diminution
prises d'anti-infectieux favorisent l'émergence de temporaire de la motivation s'avère quasi inéluc-
résistances. table à un moment ou un autre.
Beaucoup d'auteurs ont étudié ce processus
Pour la société qui consiste à ne pas se soigner alors que l'on sait
L'augmentation consécutive de la morbidité et que cela est utile pour soi. Parmi eux, G. Reach a
de la mortalité a des conséquences économiques introduit la notion d'akrasia (en grec) ou faiblesse
116
Chapitre 11. Organisation et mise en place d'une démarche éducative personnalisée
de la volonté [30]. La récompense à prendre soin par : des résultats cliniques et/ou biologiques
de soi est d'une façon générale abstraite et loin- insuffisants, des dosages de médicaments trop
taine. À l'inverse, celle de la non-adhésion est bas, des marqueurs biologiques particuliers, des
concrète et immédiate. Or lorsque nous faisons non-renouvellements d'ordonnances, etc.
un choix, nous le faisons sur la base de la valeur Bien des fois, on constate une perception plus
que nous attribuons aux choses au moment du fine des paramédicaux à voir ces difficultés par
choix. L'homme étant impatient, il aura tendance rapport aux médecins, probablement en raison
à privilégier le gain sur le court terme comparé à d'une plus grande proximité.
celui à plus long terme.
Prédiction de l'adhésion
Différentes formes au traitement
de non-adhésion P. Ley a développé un modèle de prédiction de
Concernant le traitement l'adhésion (il utilisait le terme observance) [23, 32].
Elle peut se présenter sous la forme d'un arrêt Il postule que trois conditions cognitives influent
définitif, forme la plus marquée amenant à la particulièrement sur le comportement futur de prise
« perte de vue ». Elle peut aussi se voir sous la régulière du traitement (figure 11.3) : la satisfaction
forme d'arrêts momentanés, ou d'oublis, situa- du patient vis-à-vis de la consultation ; sa compré-
tions fréquentes et peu détectables par le méde- hension du contenu de la consultation, de la maladie
cin, ou de prises groupées, comportements moins et du traitement ; les informations retenues par le
fréquents [31]. patient. Cette dernière est influencée par une multi-
tude de facteurs, comme l'anxiété, les connaissances
Autres formes de non-adhésion médicales préalables, le niveau intellectuel, etc.
Cela peut s'exprimer par une difficulté à assurer Pour intéressant que soit ce modèle, on consi-
un bon suivi de la maladie, à se soumettre à des dère maintenant que d'autres facteurs psychoso-
examens complémentaires, à suivre des règles ciaux non cognitifs ont une importance cruciale
hygiéno-diététiques, à arrêter une addiction, etc. (fiche pratique 31).
Compréhension
Satisfaction Observance
Mémoire
117
Partie IV. Mise en œuvre d'un programme éducatif : un projet en soi
de médicaments, les pompes implantables, cer qu'il est sain qu'un individu prenne de temps
etc. ; en temps de la liberté avec ses traitements : cela
• sanctions réglementaires : par exemple, tenta- témoigne d'une volonté d'autonomie.
tive de refus de prise en charge par l'assurance Partant de là, une posture ouverte, tolérante
maladie, de matériels suppléant à l'apnée du et compréhensive permettra d'offrir au patient
sommeil en cas d'utilisation insuffisante. Cette un espace de parole libre où il pourra exprimer
dernière mesure a été annulée en 2015 ; cette réalité, ses émotions associées, ses désirs,
• incitations financières : augmentation du taux ses revendications, ainsi que les raisons qui le
de remboursement en cas d'observance avérée, poussent à refuser le traitement. Dans le cadre
paiement des frais de participation à des pro- de cet échange, la confiance doit être à tout prix
grammes d'accompagnement, etc. ; préservée.
• apprentissage à se traiter soi-même, correspon- Par la suite, l'exploration des causes est à entre-
dant ici à l'ETP. prendre. Pour suivre le modèle des croyances de
Les trois premières solutions visent à contour- santé (voir chap. 5, Modèle de croyance de santé),
ner le patient et sa volonté de se soigner, ou à il convient de vérifier si le patient se sent vraiment
inciter à un comportement favorable. L'ETP malade, s'il a perçu la gravité de sa maladie, s'il
quant à elle reste un choix. Un choix tant pra- est convaincu de l'efficacité du traitement et si les
tique (efficacité) que social (droit à l'autodéter- bénéfices supplantent les effets indésirables et les
mination) et éthique (respect de l'autonomie des efforts nécessaires pour le prendre.
personnes) [26]. Les conditions de l'engagement du patient à
Avant de rechercher des solutions avec le suivre ce traitement gagnent à être revisitées.
patient, il s'agit comme l'énoncent A. Deccache et Peut-être celui-ci ne convient-il plus, peut-être la
F. Sanguignol, de vérifier deux conditions préa- temporalité du patient n'est-elle plus en phase avec
lables [26] : l'idée de se traiter, le patient a peut-être d'autres
• le patient doit être en position de comprendre priorités, d'autres besoins non assez entendus ?
et de décider. Les difficultés de compréhension (voir chap. 5, Les temporalités du patient). Face
liées au langage doivent être appréhendées. Les à une indécision du patient à s'engager de nou-
temps de compréhension et d'intégration du veau, le soignant peut l'aider en explorant avec
patient sont à respecter ; lui les raisons de ses difficultés, les avantages et
• les comportements thérapeutiques doivent être les inconvénients de la prise et de la non-prise,
réalistes et atteignables. Il y a en effet une gra- les émotions associées, les succès passés liés au
duation dans les difficultés à se soigner : bon suivi du traitement, les moyens de réduire les
– le premier niveau correspond à des compor- inconvénients, les soutiens dans son entourage,
tements simples n'interférant pas avec les ses projets sources de motivation… Il convient de
habitudes de vie (par exemple, médicament « rouler avec la résistance » plutôt que de confron-
avec peu d'effets indésirables), ter le patient à une réalité qu'il ne peut tolérer.
– le deuxième niveau implique des change- Les principes de l'entretien motivationnel sont
ments de vie liés au traitement, ici utilisés (voir chap. 6, Les thérapies cognitivo-
– le troisième niveau a trait à des modifications comportementales).
de comportements addictifs (troubles ali- Par la suite, une fois que les raisons du patient à
mentaires, tabac, alcool, médicaments, etc.), ne pas être adhérant sont décodées, il est possible
beaucoup plus difficiles à changer. de rechercher avec lui des solutions pratiques en
Dans le cadre de la relation avec le patient, si considérant les facteurs modifiables des causes de
l'on s'aperçoit d'une non-adhésion par-devers le sa non-adhésion (fiche pratique 31) :
patient, il convient d'en parler sans le culpabiliser. • concernant le patient :
C'est essentiel. La valorisation de tous les efforts – les connaissances médicales ou leur compré-
déjà entrepris est légitime et nécessaire. La prise hension peuvent être insuffisantes, relatives à
d'un traitement au long cours est difficile, et la maladie ou au traitement. Un apport sur ce
nombre de médecins et de paramédicaux peuvent thème est alors nécessaire,
en témoigner, car ils sont en général eux-mêmes – la situation sociale est difficile. À ce titre,
souvent peu observants. On pourrait même avan- une précarité doit être recherchée en premier.
118
Chapitre 11. Organisation et mise en place d'une démarche éducative personnalisée
L'utilisation du score EPICES peut être utile lier ou un semainier. Il favorise l'intégration du
(fiche pratique 23). L'aide d'une assistante traitement dans une routine quotidienne ;
sociale est alors fondamentale. L'accès aux • concernant la relation avec les soignants : cela
soins est à privilégier, passe pour les soignants par l'adoption d'une
– la vie professionnelle peut être un obstacle. posture éducative, d'une écoute des besoins du
Il peut s'agir d'horaires contraignants : une patient, d'une éthique du soin. L'aider à s'expri-
organisation doit être réfléchie ensemble. mer, à oser dire ses éventuelles difficultés ou
L'aide du médecin du travail est parfois utile, ressentiments, est essentiel.
– des facteurs socioculturels, comme faire le Comme l'écrit G. Reach, restaurer le lien du
ramadan, sont à prendre en compte. Il convient patient avec lui-même paraît fondamental [33].
alors, autant que faire se peut, d'essayer d'insérer C'est proposer au patient de se réunifier par le
la prise en charge dans les habitudes du patient, soin. C'est la meilleure signification que l'on
– l'état psychologique et émotionnel est fonda- puisse donner de l'éducation thérapeutique.
mental à prendre en compte. La dépression est « Comment amener la personne devenue malade
le facteur le plus prégnant et convient d'être à comprendre qu'elle peut, si elle le désire, s'élever
considéré et pris en charge. Une estime de soi au rôle d'arbitre dans cette lutte entre elle et elle-
déficiente doit être recherchée, car elle n'incite même. » L'amour de soi serait alors une solution
pas le patient à prendre soin de lui. Le rôle de à l'ambivalence, et permettrait la reconstruction
l'anxiété est ambigu : elle peut favoriser l'ad- du lien à soi. « En s'aimant elle-même, la personne
hésion au traitement lorsque le patient a peur fait taire ses conflits intérieurs : elle est sans
de la maladie ; au contraire, elle peut être un réserve avec celle dont elle a le souci, c'est-à-dire
obstacle quand elle est dirigée à l'encontre du celle qui met en jeu le futur. Être sans réserve et
traitement. La prise en compte d'éventuelles s'aimer, c'est la même chose. ». L'auteur émet la
addictions, comme un alcoolisme, est essen- proposition suivante : « Soignez-vous, prenez soin
tielle. La représentation de la maladie et des de vous. Aimez dès à présent la personne que vous
traitements doit parfois être investiguée et tra- serez, parce que vous le vaudrez bien ! » [33, 34]
vaillée. Enfin, l'adhésion au traitement est d'au- Le partage en équipe interdisciplinaire des dif-
tant plus facile que le patient accepte sa maladie ficultés vécues par le patient optimisera les pos-
et la thérapeutique. Un travail à ce niveau, pour sibilités de l'aider. L'intervention en synergie de
l'aider à cheminer à travers son deuil de l'état plusieurs professionnels de métiers différents,
avant la maladie, est parfois nécessaire ; agissant sur un même temps, sur plusieurs déter-
• concernant le traitement. Une simplification des minants de non-adhésion, offre l'espoir d'une
traitements est souvent possible (monoprises, issue favorable.
libération prolongée, galénique, associations Au final, l'alliance thérapeutique entre l'équipe
fixes). Il convient de privilégier la forme la mieux soignante et le patient, de nature active, coopé-
tolérée et de prévenir et d'aider le patient à gérer rative et participative, sera la condition sine qua
les éventuels effets indésirables. L'usage du pilu- none du dépassement de cette situation d'échec
lier est très aidant, que ce soit un pilulier journa- thérapeutique (encadré 11.6).
ENCADRÉ 11.6
119
Partie IV. Mise en œuvre d'un programme éducatif : un projet en soi
2011, plusieurs récidives de cette pathologie familiales, sociales et religieuses jouent un
opportuniste se manifestent, avec un suivi très grand rôle pour elle. Heureusement, le lien
chaotique. positif, chaleureux et inconditionnel avec
Face à cette situation dangereuse, l'analyse l'équipe soignante est toujours maintenu.
exhaustive des difficultés et des ressources La situation médicale devient catastrophique.
de la patiente est réalisée à plusieurs reprises Après avoir déjà « tout essayé », l'équipe
et de multiples démarches éducatives et de propose en 2011 plusieurs choses : le chan-
soutien sont entreprises (explication figura- gement de médecin référent, un traitement
tive de l'infection à VIH et des traitements, antidépresseur, la participation à des séances
motivation, travail psychologique approfondi, éducatives en groupe, la poursuivre du tra-
changements de traitements, de posologie et vail psychologique en individuel (travail sur
de galénique, pilulier, travail sur les représen- la honte, jeu de rôle sur la révélation de sa
tations et les fausses croyances, implication séropositivité à une de ses sœurs, travail en
forte de son mari…), mais sans effet à moyen constellation familiale…). On lui suggère éga-
terme. La patiente décide même de divorcer, lement de faire un bilan de compétences pour
mais son attitude vis-à-vis des traitements ne pouvoir reprendre une activité profession-
se modifie pas pour autant. Sur le plan psycho- nelle. La patiente accepte tout, essaye tout
logique, elle est très ambivalente, n'arrive pas mais rien n'y fait. En fin de compte, le nou-
à maintenir une décision ; elle est bloquée au veau médecin référent décide, avec l'accord
stade de la précontemplation (Prochaska), est de la patiente, de dévoiler la séropositivité à la
plutôt en phase de déni partiel, est référencée famille, en sa présence. Le choc est rude, mais
à l'extérieur (locus externe), a un faible res- sa mère et sa sœur la rassurent en lui disant
senti de la gravité de la situation et une très qu'elles l'aimeront toujours. Un changement
faible estime d'elle-même. En toile de fond, on d'attitude s'opère alors. Et Farida reprend son
retrouve constamment une forte culpabilité et traitement antirétroviral avec succès. Mais la
une honte intense vis-à-vis du VIH. Les normes situation reste fragile…
120
Chapitre 11. Organisation et mise en place d'une démarche éducative personnalisée
• liés à la prise du médicament, par des interac- mousse). Toujours mentionner au médecin les
tions médicamenteuses non prévues, une erreur médicaments pris en automédication ;
de posologie, une méconnaissance d'effets indé- • pendant le traitement, respecter la posologie et
sirables rares mais graves, un risque d'allergie ; la durée ;
• liés à la non-prise en charge médicale, par • si pas d'amélioration des symptômes ou aggra-
un autodiagnostic erroné, un mauvais choix vation ou récidive, consulter le médecin généra-
de traitement, un retard au diagnostic, un liste ou le pharmacien ;
masquage de certains symptômes, une inter- • si apparition d'un événement indésirable même
prétation fausse de résultats biologiques, une mineur, le signaler au médecin ou au pharmacien.
aggravation de maux, un risque de dépendance.
Polypathologie et éducation
Possibilités d'améliorer thérapeutique du patient
l'automédication Nombre de patients présentent plusieurs patholo-
Pour améliorer les conditions de l'automédication gies chroniques en même temps. Parmi elles, il y a
par le patient, il convient de : celles correspondant à une pathologie index et aux
• assurer une bonne information du patient, tant comorbidités associées, et celles de nature différente
sanitaire qu'économique ; qui s'additionnent. Quoi qu'il en soit, des situations
• respecter les exigences de sécurité ; simultanées s'imposent (encadré 11.7) [40].
• lui faire prendre conscience des limites de
l'automédication, notamment de bénéficier de
ENCADRÉ 11.7
121
Partie IV. Mise en œuvre d'un programme éducatif : un projet en soi
Les caractéristiques de ces patients méritent pathologies ; la part plus ou moins importante
d'être clairement définies [41]. Sur le plan édu- qu'occupe une pathologie dans l'activité du
catif, il n'existe pas actuellement de modèle opé- patient (qu'est-ce qu'il fait ?) ;
ratoire d'ordre didactique qui propose une forme • les exigences cumulées du traitement (phar-
éducative adaptée à cette situation [42]. Il est dif- macologique, nutritionnelle, activité physique,
ficile d'imaginer un parcours éducatif consistant etc.) des différentes pathologies : charge de tra-
à suivre plusieurs programmes liés à chacune des vail d'autosoins (qu'est-ce qu'il fait ?) ;
pathologies en question, car d'une part, l'offre • les savoirs relatifs aux pathologies et à leur com-
éducative est encore limitée et d'autre part, il est binaison : vision globale de la part du patient,
nécessaire pour le patient de faire des liens entre de sa situation et des traitements associés, per-
ces pathologies et les traitements. ception qu'il a de l'importance relative des dif-
De ce fait, la complexité de la situation amène férentes pathologies (qu'est-ce qu'il sait ?) ;
à revenir à celle du patient, à sa nature et à son • le ressenti des pathologies, le vécu résultant, la
identité [43]. Plusieurs pathologies s'additionnent charge émotionnelle, psychique (qu'est-ce qu'il
et s'intègrent en un être unique. La prise en soins est ? qu'est-ce qu'il vit ?) ;
holistique s'impose ici plus que jamais. • le ressenti social des pathologies, leur impact
En plus des compétences liées à chaque patho- respectif sur la vie sociale et les projets du
logie, d'autres s'imposent que l'on appellera patient (quel est son projet ? qu'est-ce qu'il vit ?).
« compétences transversales". Pour les caractéri- Les compétences des soignants doivent être
ser, J.-F. d'Ivernois et R. Gagnayre en proposent adaptées à cette situation, passant par une forma-
une liste reliée à l'autosoin et à l'adaptation [42] : tion renforcée dans les autres champs que ceux
• la nutrition (différentes recommandations habituels à la pathologie chronique qu'ils ont
nutritionnelles en fonction des pathologies, habituellement en charge [42].
parfois contradictoires) ; Le processus évaluatif du patient en sera aussi
• la reprise et le maintien de l'activité physique ; impacté. Il conviendra de se référer aux compé-
• la compréhension des maladies en présence, de tences ciblées dans chaque pathologie et aux com-
leur évolution et surtout de leur intrication ; pétences transverses.
• la compréhension des traitements (buts, effets La situation complexe du patient nécessite une
indésirables et interactions) et leur gestion quo- adaptation de l'organisation des soins [44]. Le sys-
tidienne ; tème de soins, qui était adapté à la résolution de
• l'utilisation adéquate du système de soins et de problèmes de santé par spécialités et limités dans
ses ressources ; le temps, doit évoluer pour davantage de globa-
• l'éducation et l'implication de l'entourage ; lité, intégrant accessibilité, continuité et coordi-
• le maintien des activités sociales du patient. nation des soins autour du patient. Les soins des
Parmi les compétences à acquérir, une priorisa- premiers recours sont ici au centre [45].
tion devra être conjointement établie par le patient Dans le parcours éducatif du patient polypa-
et le soignant. Les compétences les plus sécuri- thologique, les professionnels en général sont
taires dans chaque pathologie et au sein des aspects nombreux, ne se connaissent pas forcément, sont
transversaux susnommés seront logiquement privi- éloignés géographiquement, a priori sans culture
légiées par les soignants, mais le patient pourra par- commune en ETP, sans coordination claire, sans
faitement prioriser selon ses besoins et son ressenti. réunions physiques et communiquant lentement
Ce nouveau modèle transversal implique de et difficilement. L'équipe requise dans le por-
réfléchir sur un BEP adapté [42]. D'après J.-F. tage d'un programme éducatif n'existe donc pas
d'Ivernois et R. Gagnayre, les thèmes abordés et laisse place à un ensemble dispersé d'acteurs
peuvent être les suivants : sanitaires et sociaux. De ce fait, le fonctionne-
• les différentes pathologies du patient (qu'est-ce ment interdisciplinaire entre ces acteurs devient
qu'il a ?), leur apparition respective et leur degré plus difficile à trouver. Des adaptations de l'orga-
d'intrication ; nisation, passant notamment par une meilleure
• les activités du patient et leur éventuelle réduc- communication entre les acteurs, est nécessaire.
tion/limitation en fonction des différentes L'importance de la traçabilité devient ici centrale,
122
Chapitre 11. Organisation et mise en place d'une démarche éducative personnalisée
123
Partie IV. Mise en œuvre d'un programme éducatif : un projet en soi
124
Chapitre 11. Organisation et mise en place d'une démarche éducative personnalisée
cette évaluation quadriennale [52]. En guise suit dans la mise en œuvre du programme et
d'exemple, l'ARS du Languedoc Roussillon a son évaluation, les modalités de cette participa-
choisi de réunir, en un document unique, le tion seront précisées. Une description de l'éven-
cahier des charges de l'évaluation quadriennale tuelle expérience d'implication dans l'ETP ou
d'un programme et la demande de renouvelle- de formation spécifique des patients sera asso-
ment d'autorisation, afin de faciliter le travail des ciée [49].
équipes [53]. • La prise en compte de l'entourage du patient est
fortement conseillée. Si cela n'est pas envisa-
Quelques clés pour renseigner le geable, il est important d'argumenter.
• Dans la mesure du possible, les programmes
dossier de demande d'autorisation doivent aussi s'adresser aux populations vul-
Nous proposons de souligner les éléments nérables et précaires. Il est donc nécessaire de
indispensables à développer dans le cahier des mettre en évidence les éléments qui répondent
charges. à ces exigences ou argumenter en cas d'impos-
• Il est nécessaire de justifier la création de ce sibilité (ex. : séance collective réalisée unique-
programme éducatif, au regard des caracté- ment en français). Notons que tout établis-
ristiques notamment épidémiologiques ou sement public de santé se doit d'accueillir les
médicales de la pathologie. Celle-ci peut s'im- usagers, quelle que soit leur situation.
poser car la maladie fait partie de la liste des • Il convient que des relais soient prévus et
affections de longue durée exonérant du ticket formalisés entre l'institution et le médecin
modérateur (liste ALD 30), ou bien corres- traitant ou médecin spécialiste, ou tout autre
pond à l'asthme ou à une maladie rare, ou à professionnel de santé, réseau ou association
un ou plusieurs problèmes de santé considérés de malades. Ce lien se traduit en général par
comme prioritaires au niveau régional [49]. En un courrier ou un compte rendu faisant état de
dehors de ce cadre, il convient de justifier le l'avancée du patient dans le programme et de
besoin particulier. ses acquisitions. Un modèle du courrier utilisé
• La description du parcours éducatif du patient est maintenant demandé [49].
intégré dans le soin gagne à être précisée. • Les liens peuvent aussi s'entendre par l'arti-
• L'équipe doit être pluriprofessionnelle, avec la culation avec d'autres programmes éducatifs
présence d'au moins un médecin. Dans cette concernant la même pathologie dans des lieux
équipe dévolue à l'ETP, toutes les personnes différents (ville, hôpital) ou sur d'autres patho-
devront avoir été formées, y compris le coor- logies pour des patients polypathologiques.
donnateur [49]. Le niveau de la formation n'est • Une charte d'engagement de confidentia-
pas précisé dans l'arrêté de janvier 2015, mais lité devra être signée par tous les membres de
on peut penser implicitement qu'une formation l'équipe d'ETP, y compris les patients inter-
de niveau 1 (40 heures) est souhaitable. Si des venants ou les représentants d'association de
professionnels ne sont pas encore formés, ils patients [49]. Un exemplaire de la feuille d'in-
pourront l'être dans les 2 ans à venir à condi- formation remise aux patients devra également
tion de se prévaloir d'une expérience suffisante être transmis (fiche pratique 40).
en ETP. Si des professionnels non formés s'en- • L'évaluation est à décliner selon deux domaines :
gagent dans des activités éducatives, ils devront évaluation du patient et évaluation du pro-
le faire accompagner d'un membre formé de gramme en termes d'autoévaluation et d'éva-
l'équipe. luation quadriennale. L'évaluation de l'équipe
• L'équipe formée porte la co-construction, la s'intègre dans l'évaluation du programme.
mise en œuvre et l'évaluation du programme. • Le dossier de demande d'autorisation est à
• La présence d'un patient ou d'un représentant envoyer à l'ARS avec la triple signature du coor-
d'association de patients (ou aidant si le pro- donnateur du programme, du médecin chef de
gramme s'adresse à des aidants) est nécessaire l'équipe qui porte le programme, des représen-
à l'élaboration du programme et doit être spéci- tants de patients ou des responsables d'associa-
fiée. Dans le cas où cette collaboration se pour- tions de patients associés [49].
125
Partie IV. Mise en œuvre d'un programme éducatif : un projet en soi
126
Chapitre 11. Organisation et mise en place d'une démarche éducative personnalisée
[32] Ley P. Communicating with Patients. London : patient : aspects méthodologiques ». Paris, 29 janvier
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2010. p. 184. interdisciplinaire ? In : XIXe journée de l'IPCEM :
[34] Frankfurt HG. Les Raisons de l'amour. In : Belval : quel ETP pour le patient pluripathologique ? Paris,
CIRCE ; 2006. p. 117. 15 janvier 2015.
[35] Bennadi D. Self-medication : a current challenge. [47] Décret no 2010-904 du 2 août 2010 relatif aux condi-
J Basic Clin Pharm 2013 ; 5 : 19–23. tions d'autorisation des programmes d'éducation
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une classe de médicaments ? Actual Pharm 2009 ; 48 : [48] Décret no 2013-449 du 31 mai 2013 relatif aux com-
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DEF-version17-02-14.pdf. compétences requises pour dispenser ou coordonner
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médication officinale : information du patient 2008. Roussillon. Demande d'autorisation d'un pro-
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en éducation thérapeutique du patient : « De la pra- www.ars.languedocroussillon.sante.fr/Education-
tique à la recherche en éducation thérapeutique du therapeutique-du-pat.
127
Notion d'équipe Chapitre 12
Le patient expert acquiert au fil du temps, de ses Dans le cadre de l'ETP, la collaboration du
expériences, de ses rencontres, de sa formation ou patient expert est envisageable lors de trois temps :
de sa recherche personnelle, une expertise dans la • la co-construction du projet ;
gestion de sa maladie et dans le « vivre avec ». Son • la mise en œuvre des pratiques éducatives de
Pratiquer l’éducation thérapeutique
131
Partie V. Équipe interdisciplinaire et formations en éducation thérapeutique du patient
132
Chapitre 12. Notion d'équipe
133
Partie V. Équipe interdisciplinaire et formations en éducation thérapeutique du patient
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134
Chapitre 12. Notion d'équipe
135
Partie V. Équipe interdisciplinaire et formations en éducation thérapeutique du patient
• l'implication réelle des médecins, ceux-ci étant Assumer cette posture de leader, c'est aussi
souvent un peu en retrait dans le processus ; être en capacité de réguler les conflits potentiels
• l'existence d'un dossier médical informatisé entre les différents membres de l'équipe. Cette
interdisciplinaire ; obligation d'arbitrage est essentielle afin de ne
• un leadership équilibré, c'est-à-dire porteur pas détourner chacun de l'objectif visé, de ne pas
d'énergie, d'enthousiasme et de persévérance, nuire à la performance des uns et des autres dans
avec le souci démocratique de prendre en la concrétisation du projet. Enfin, un leadership
compte l'avis de tous pour des décisions parta- équilibré est facteur de pérennité du programme
gées ; d'ETP.
• une reconnaissance de l'ETP par l'institution Ainsi, le leader mène le projet d'ETP, ancré
et/ou par le pôle ou le département ; dans la réalité des situations vécues par l'équipe.
• des formations individuelles en ETP avec Parallèlement, il fait la part belle aux idées et
un plan prévisionnel de formation pour les impulsions de chacun dans le projet. Il s'agit
membres de l'équipe, et surtout une formation bien là de bâtir ensemble et de contribuer à la
en équipe : c'est un atout majeur pour améliorer construction de compétences collectives propres
l'interdisciplinarité. à l'ETP (voir chap. 13, Compétences et forma-
tions en ETP). L'expérience nous montre que
dans les établissements de santé, le médecin res-
Leadership et programme d'ETP ponsable ou le cadre de santé de l'unité, même
s'ils ne sont pas les coordinateurs du programme,
L'ETP se conçoit en équipe, autour du patient. Il assument cette tâche de mobiliser l'équipe autour
n'en reste pas moins qu'un leadership est néces- du projet d'ETP. Ce choix est le plus souvent
saire. conditionné par leur statut institutionnel qui
La racine étymologique des termes anglo- leur confère une légitimité. Il n'en demeure pas
saxons lead, leader et leadership est lead, qui moins que ces personnes et le coordonnateur du
signifie chemin ou route, le verbe leaden voulant programme doivent questionner leur leadership
dire voyager. Le leader est par conséquent, celui (encadré 12.4).
qui marche en tête et qui indique le chemin [23]. Nous choisissons de résumer ce concept par la
Il s'agit bien de la faculté à pouvoir mener les définition suivante : « Le leadership est un pro-
hommes vers un objectif [24]. cessus d'influence sociale par lequel un individu
D'un point de vue opérationnel, cela revient à amène un groupe à atteindre des objectifs. Il n'im-
répondre à la question : « Y a-t-il un pilote dans plique pas seulement le fait de faire faire quelque
l'avion ? » Si cette sentence peut paraître triviale, elle chose à d'autres individus, mais également (ce
est néanmoins incontournable. En effet, toutes les qui n'est pas le cas pour les relations d'autorité)
fois qu'il est nécessaire de coordonner et de réguler la capacité à changer l'attitude des membres du
des efforts simultanés et convergents, un coordina- groupe, à les mobiliser et à entraîner leur adhé-
teur s'impose. Celui-ci exerce son rôle à l'identique sion à des buts communs. De ce fait, le leader doit
d'un leader à partir du moment où il sait interroger savoir susciter les motivations et entraîner ceux
le « comment faire ensemble ? » et qu'il met son cha- qui le suivent bien plus que les diriger de manière
risme au service du projet d'ETP à construire. autoritaire. » [26]
La notion de charisme est centrée sur la per- Ainsi, le leader est un « chercheur d'équilibre »
sonne du leader et conditionne sa manière d'agir, qui utilise son leadership comme « processus d'in-
sa relation aux autres. Celui-ci se doit d'être doté fluence sociale » pour aider à la pratique de l'ETP
de caractéristiques telles que la détermination par le collectif, au profit du patient.
d'arriver à ses fins, un sens social affirmé, une Le leadership est parfois assumé par un repré-
réceptivité aux idées et expériences nouvelles, une sentant d'association de malades, dans le cadre
fiabilité inconditionnelle. Son leadership dans la d'un programme porté par cette structure. Plus
concrétisation du projet s'exprime par sa capacité rarement, la coordination est portée par un
à créer et partager une vision, à déléguer et mobi- binôme au profil original tel professionnel de
liser chacun dans sa réalisation. santé–représentant associatif (encadré 12.5).
136
Chapitre 12. Notion d'équipe
ENCADRÉ 12.4
ENCADRÉ 12.5
Témoignages de trois cadres de Le binôme partenaire, un
santé exerçant une fonction de modèle de coproduction patient–
leadership au sein de programmes professionnel de santé [27]
d'ETP [25] Un médecin et une dirigeante de l'Asso-
Lors d'une enquête qualitative au CHU de ciation nationale de défense contre l'ar-
Montpellier, la place du cadre en tant que thrite rhumatoïde (ANDAR) coordonnent
leader d'équipe a été interrogée. Nous pré- en duo, depuis 2012, un programme pour
sentons ci-dessous quelques verbatim, en des personnes souffrant de polyarthrite
réponse à la question, « En tant que cadre rhumatoïde. Cette collaboration équili-
de santé, quelle place prenez-vous dans la brée est représentative des nouvelles rela-
construction et dans la mise en œuvre du tions entre les professionnels de santé et le
programme d'ETP autorisé dont vous avez mouvement–patient dont la mutation rend
la charge en tant que coordonnateur ? » : archaïque l'image du soignant tout-puissant.
� « Il s'agit pour moi d'un objectif person- Le binôme a appris à travailler ensemble.
nel. » Le principe de la décision médicale parta-
� « Aller jusqu'au bout, en faire un exemple gée est appliqué, basé sur un respect et une
d'aboutissement du travail aux yeux des reconnaissance des compétences de cha-
soignants. » cun. Le binôme intervient régulièrement
� « Il a fallu que je sois derrière chacun des dans des colloques et mène, notamment,
soignants comme une vendangeuse. (…) Ça des recherches sur la formation des patients
a été mon rôle. » intervenants.
� « En tant que cadre de santé, je suis le Source : Programme d'ETP « Bien vivre avec sa
capitaine du bateau, (…) dans le même polyarthrite rhumatoïde ». Équipe de rhumatolo-
bateau, je vais mener l'équipe à bon port. » gie, CH Lapeyronie, CHU Montpellier. Coordon-
nateurs : Docteur J.-D. Cohen, Madame S. Tropé
� « Je fais le lien dans l'équipe, le soignant
(ANDAR).
est dans le faire, je dois l'amener à l'analyse
du faire ».
Au travers des différents entretiens menés,
le rôle prépondérant du cadre de santé est
mis en exergue dans la construction ou la [7] Gross O, Gagnayre R. What expert patients report that
mise en œuvre sur le long terme d'un tel they do in the French health care system, and the compe-
projet. tencies and personality traits required. Éduc Thérapeutique
Patient - Ther Patient Educ 2014 ; 6 : 20104.
[8] Rapport Compagnon. Pour l'an II de la démocratie
sanitaire [Internet], In : 2014. p. 259 disponible sur
Références internet. http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_
DEF-version17-02-14.pdf. Paris.
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Paris : Table ronde. Congrès de l'AFDET ; 2012. [10] Chauvin F. Entretien avec Raymond Merle, patient
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in the therapeutic education of haemophiliacs in recueillis. In : Santé Éducation ; 2014 ; 3 : 25–9.
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Hemoph 2010 ; 16(3) : 447–54. des équipes soignantes dans le cadre de la loi Hôpital,
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Lettre du Cancérologue. 2014. p. 48–9. du médecin au droit du patient. Éduc Thérapeutique
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1er Colloque international sur la recherche en éduca-
[14] Reach G. Une critique du concept de
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aspects méthodologiques ». 29 janvier 2015. Paris. Maladies Métaboliques 2009 ; 3 : 89–94.
137
Partie V. Équipe interdisciplinaire et formations en éducation thérapeutique du patient
[15] Flora L. Le patient formateur : nouveau métier de soignantes à l'éducation thérapeutique. In : Santé
la santé ? Comment les savoirs expérientiels de l'en- Éducation. 2014 ; 2 : 19–22.
semble des acteurs de santé peuvent relever les défis [22] Moulaire V. Améliorer l'interdisciplinarité au sein
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Francophones, 2015. p. 700. ETP]. Montpellier, 2015.
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Bruxelles : de Boeck ; 2015. [24] Meyfret S. Gagnez en impact – Développez votre
[17] Hervier B, Magar Y, Allab F, et al. Intervention des charisme, votre leadership et votre influence. 2e éd
patients dans l'animation d'un programme d'édu- Paris : Eyrolles ; 2014. p. 182.
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définitions, mise en place et bénéfices. Rev Médecine du cadre de santé et la mise en débat des pratiques
Interne 2015 ; 36 : 645–50. d'éducation thérapeutique [Mémoire de Master 2
[18] Valentine V. L'interdisciplinarité dans le projet Analyse du travail]. CNAM ; 2014.
Mumur in Utero [Internet]. Disponible en ligne sur : [26] Lévy-Leboyer C, Louche C, Rolland JPRH. les
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[19] de la Tribonnière X, Gagnayre R. L'interdiscipli- tion ; 2006. p. 495.
narité en éducation thérapeutique du patient : du [27] Tropé S, Cohen JD. La coproduction patients-
concept à une proposition de critères d'évaluation. professionnels de santé, une autre façon de penser la
Educ Thérapeutique Patient - Ther Patient Educ relation de soins. In : Au-delà de la maladie et des
2013 ; 5 : 163–76. problèmes psychosociaux : co-production, valorisa-
[20] Hebert R. Définition du concept de l'interdiscipli- tion des savoirs expérientiels et évaluation de la dif-
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disciplinarité à l'interdisciplinarité ». 4 avril 1997. rencontres scientifiques universitaires Sherbrooke–
Québec. Montpellier ; 2015.
[21] de la Tribonnière X. Mesurer et améliorer l'inter-
disciplinarité dans le cadre de formations d'équipes
138
Compétences et Chapitre 13
formations en éducation
thérapeutique
du patient
vent par la périphrase : « la personne est capable aboutit soit à définir un besoin de formation
de… » en considérant la situation dans sa globa- complémentaire, soit à chercher, parmi les autres
lité. Du fait de son caractère concret, une compé- membres de l'équipe, une ou des personnes qui
possèdent les compétences en question et peuvent
Pratiquer l’éducation thérapeutique
139
Partie V. Équipe interdisciplinaire et formations en éducation thérapeutique du patient
Situation 1
Créer un climat
favorable
à l’ETP
Situation 6
Coévaluer avec le patient, les Situation 2
pratiques et les résultats de la Les situations Analyser avec le patient sa
démarche d’ETP situation, ses pratiques de santé et
convenir de ses besoins en ETP
Situation 3
Situation 5 S’accorder avec le patient et son
Mettre en œuvre le plan d’action entourage sur les ressources
avec le patient et son entourage nécessaires pour s’engager dans un
Situation 4 projet et construire avec lui un plan
Se coordonner avec les différents d’action
acteurs de la démarche d’ETP pour
déployer les activités
140
Chapitre 13. Compétences et formations en éducation thérapeutique du patient
Situation 1
Constituer une équipe
transversale autour d’une
démarche d’ETP
Situation 6
Communiquer sur l’expérience de Situation 2
l’équipe d’ETP, par oral et par écrit Analyser le contexte et concevoir
une démarche d’ETP
Les situations
Situation 3
Situation 5
Organiser et conduire une démarche
Évaluer et faire évoluer la
d’ETP
démarche et les pratiques d’ETP
Situation 4
Animer et coordonner les acteurs
de l’ETP, suivre le déroulement de
la démarche d’ETP
L'outil s'inspire de la déclinaison très précise des Ainsi cet outil d'autoévaluation se veut une aide
compétences en ETP issue de l'arrêté du 31 mai à l'analyse des pratiques professionnelles en ETP
2013 [3]. Il propose aux professionnels de les interro- (fiche pratique 33).
ger à partir de leur pratique du moment, mais aussi Les réflexions personnelles des professionnels
à partir de leurs différentes expériences antérieures peuvent enrichir l'analyse réalisée par l'équipe
et de leur cursus de formation initiale et continue. à l'occasion des autoévaluations annuelles et de
Par ce passeport, l'autoévaluation constitue une l'évaluation quadriennale du programme.
démarche personnelle que le professionnel peut En dehors de ces aspects réglementaires, le pas-
entreprendre pour mettre en valeur ses savoirs en seport de compétences peut se révéler avant tout un
matière d'ETP. Celle-ci contribue à valoriser ce formidable viatique de reconnaissance d'un savoir-
que sait faire et fait le professionnel dans sa pra- faire : une reconnaissance à différents niveaux,
tique de l'ETP. De même, elle l'aide à repérer ses personnel, collectif et institutionnel dont tout pro-
manques et de faire des choix stratégiques pour fessionnel a besoin. Une validation des acquis en
les combler. Ceux-ci mis en évidence peuvent être ETP par une unité transversale pour l'éducation du
comblés par un relais au sein de l'équipe ou par patient (UTEP) ou une unité transversale d'éduca-
l'amélioration des compétences personnelles par tion thérapeutique (UTET) est ainsi envisageable.
le biais de la formation continue.
Cet outil s'adresse autant aux praticiens en
ETP qu'aux coordonnateurs. Pour ces derniers, il
s'agit bien de s'interroger sur leur savoir-faire en
Formations continues en ETP
matière d'ETP concernant l'animation et la coor-
dination d'une équipe employée à la réalisation
Niveaux des formations
des prises en charges éducatives. Par l'intermé- en ETP [2, 7]
diaire de ce professionnel, ce sont les pratiques Les recommandations de la Haute Autorité de
collectives qui sont interrogées et par là même santé (HAS) classent la formation professionnelle
réajustées si besoin. en ETP en niveaux :
141
Partie V. Équipe interdisciplinaire et formations en éducation thérapeutique du patient
142
Chapitre 13. Compétences et formations en éducation thérapeutique du patient
acquisition / approfondissement
des analyse des pratiques
connaissances / compétences
Développement
Professionnel
Continu
143
Partie V. Équipe interdisciplinaire et formations en éducation thérapeutique du patient
f ormation, un congrès, l'obtention d'un diplôme ces derniers peut, à terme, constituer un cas d'in-
universitaire (DU), etc. ; suffisance professionnelle.
• évaluer ses pratiques professionnelles lors
d'une séquence explicite, par exemple, par la
participation à des réunions de concertations Formation–action d'équipe [17–19]
pluridisciplinaires (RCP), des revues de morta- Il s'agit d'une formation sur site assurée pour tous
lité-morbidité (RMM), des staffs, des EPP, etc. ; les membres d'une équipe travaillant habituelle-
• mettre en place des actions d'amélioration et en ment ensemble, ou d'une partie importante de cette
assurer leurs suivis. équipe, autour du projet commun de co-construc-
Les documents requis pour participer à une tion ou d'optimisation d'un programme éducatif.
démarche de DPC pour l'ETP sont les sui- Elle se déroule en général sur 4 à 6 jours, répar-
vants [16] : tis sur une période de 6 mois à 1 an.
• le programme d'ETP autorisé par l'ARS sous Les professionnels appelés à participer sont
sa forme écrite ; l'existence d'un dossier d'ETP en général entre 8 et 15. Ils représentent tous les
papier ou informatique avec le suivi du BEP ; corps de métier intervenant dans l'équipe, comme
l'écriture de fiches pédagogiques concernant des médecins, infirmiers, aides-soignants, phar-
la réalisation de séances individuelles et collec- maciens et préparateurs en pharmacie, psy-
tives ; chiatres, psychologues, diététiciens, assistants
• le rapport d'autoévaluation annuelle du pro- sociaux, kinésithérapeutes, ergothérapeutes, ani-
gramme d'ETP dans lequel est impliqué le pro- mateurs sportifs, secrétaires… sans oublier un ou
fessionnel de santé ; des patients/aidants ou représentants associatifs
• les attestations de formation ou de perfection- de patients. La présence de ces derniers est essen-
nement relatives à l'ETP et aux thèmes concer- tielle pour vraiment co-construire. Elle constitue
nés par le programme. également un élément parfois modérateur, sou-
En termes de traçabilité, il est demandé de : vent stimulant, pour l'ensemble de l'équipe (enca-
• décrire son implication dans le programme de dré 13.1 ; voir chap. 12, Le patient acteur dans
DPC en renseignant chaque année un bilan l'équipe).
individuel d'activité (intégrant notamment la Cette formation d'équipe présente plusieurs
participation à l'autoévaluation annuelle du avantages :
programme) ; • elle offre un moment privilégié pour l'équipe de
• assurer la traçabilité de ses actions en gardant se retrouver et de prendre le temps d'échanger,
par-devers soi tous les documents justificatifs de créer de nouveaux savoirs et de nouveaux
susceptibles d'être demandés. Par exemple : outils, d'analyser ensemble des situations com-
pratiques de l'ETP auprès de patients, rapport plexes, de décider ensemble et de co-construire.
d'autoévaluation annuelle du programme Ces moments sont très appréciés, car ils sont
d'ETP, comptes rendus de réunion, attesta- rares ;
tions de participation aux réunions, fiche de • elle donne l'occasion d'expérimenter ensemble
suivi d'actions d'amélioration, attestation de des techniques pédagogiques particulières
présence à une formation, résultats d'évalua- (jeux de rôle, etc.) ;
tion, adaptation du programme d'ETP, actua- • elle favorise l'obtention rapide de consensus ;
lisation de son contenu, suivi d'indicateurs, • elle fédère l'équipe autour d'un projet dans
etc. lequel tout le monde va se retrouver et définir sa
Pour les médecins, les pharmaciens ou les place et ses fonctions ;
chirurgiens-dentistes, l'OGDPC responsable du • elle est un formidable activateur d'un fonction-
cursus de formation transmettra une attestation nement en interdisciplinarité, appelé par la pra-
à l'Ordre départemental de la profession concer- tique de l'ETP autour du patient ;
née (responsable du contrôle de cette obligation). • elle permet de diffuser une culture de l'ETP
Pour les établissements de santé, la Direction des dans l'équipe et d'harmoniser le niveau des
affaires médicales trace le suivi du DPC des pro- compétences de chacun. Les compétences
fessionnels. Le manquement à cette obligation de d'équipe telles que définies par l'INPES en
144
Chapitre 13. Compétences et formations en éducation thérapeutique du patient
ENCADRÉ 13.1
145
Partie V. Équipe interdisciplinaire et formations en éducation thérapeutique du patient
146
Chapitre 13. Compétences et formations en éducation thérapeutique du patient
en train de se mettre en place dans plusieurs développement des projets socioéducatifs ». Ces
endroits [27, 28]. professionnels ont des compétences reconnues
En dehors de ces cas, il n'existe pas en 2015 de en termes d'« information et conseil à des tiers
référentiel de compétences en ETP pour les for- dans leur domaine d'activité » renforcées par
mations initiales concernant les psychologues, les des savoir-faire comme « la conduite d'entretien
diététiciens, les aides-soignants. Mais des cours en d'aide » et « le travail en équipe ». Ces pratiques
ETP sont assez souvent délivrés dans ces différents donnent aux assistantes sociales toute légitimité
domaines, sans se référer à un abaque préétabli. dans les prises en charge éducatives en équipe du
Cependant, il est possible d'aborder le sujet par patient.
le biais des compétences métiers qui sont pour Ainsi, l'éducation thérapeutique peut être par-
leur part bien définies. C'est ainsi qu'en se réfé- tagée et travaillée entre professionnels médical,
rant aux répertoires des métiers de la fonction paramédical et social.
publique [29], ergothérapeutes et diététiciens
présentent des compétences en « éducation thé-
rapeutique pour le patient et son entourage dans
le cadre du projet de soin, relatif à leur domaine Enseignement interdisciplinaire
d'activité ». Ces compétences sont étoffées d'un
savoir « travailler en équipe ou en réseau ». Ces Des enseignements interdisciplinaires com-
métiers sont d'ailleurs classés dans la famille des mencent à se développer dans les facultés et les
« soins de rééducation ». écoles de santé, soulignant la nécessité pour les
Pour sa part, le métier d'assistante sociale est futurs professionnels de mieux se connaître et de
classé dans la famille « Social, éducatif et culturel, commencer à travailler ensemble avant même la
sport et loisirs » et plus finement « conception et fin de leurs études (encadré 13.2).
ENCADRÉ 13.2
147
Partie V. Équipe interdisciplinaire et formations en éducation thérapeutique du patient
148
Chapitre 13. Compétences et formations en éducation thérapeutique du patient
149
Principes Chapitre 14
de l'évaluation
L'évaluation consiste à mesurer l'écart qui existe gramme. Des patients ou des associations de
entre une situation concrète et une norme que patients doivent être associés au processus [7].
l'on prend pour référence, afin de pouvoir prendre
une décision et agir.
Avant d'élaborer une évaluation, il s'agit de se
poser les questions suivantes [1–6] : Quels sont les « objets »
ou « sujets » à évaluer ?
L'objet d'évaluation est ce sur quoi porte l'éva-
Pour quoi faire ? luation. Dans le cadre de l'ETP, les « sujets » ou
« objets » de l'évaluation sont triples :
S'agit-il d'une évaluation normative (pour amé- • le patient ;
liorer) ou évaluative (pour prouver) ? Ce dernier • les professionnels et l'équipe ;
champ sera abordé dans le chapitre 18, Évaluation • le programme lui-même.
et recherche en ETP. Le processus évaluatif est multifactoriel et inter-
Suite à une évaluation normative, des ajuste- dépendant. Aussi, il agit en « cascade », l'évalua-
ments seront décidés au décours. Cependant, rap- tion du patient interagissant sur celle de l'équipe
pelons que ce processus reste subjectif et que les qui interagit sur celle du programme. La considé-
améliorations ne seront jamais parfaites. ration de la somme des évaluations des patients
et des soignants renseignera sur la fonctionnalité
du programme et pourra être intégrée dans cette
Quels types d'évaluation ? dernière évaluation. D'un certain point de vue, la
réciproque est vraie (encadré 14.2).
Il existe deux types d'évaluation qui rendent
compte de la différence entre ce qui était prévu au
départ et ce qui est réalisé à la fin (encadré 14.1) :
ENCADRÉ 14.1
153
Partie VI. Évaluation de l'équipe et du programme
ENCADRÉ 14.2
ENCADRÉ 14.3
Exemple d'évaluations en cascade Exemple de critère et
Évaluer la satisfaction d'un patient sur le d'indicateurs d'évaluation
programme éducatif qu'il vient de termi- Dans un programme, la formation en ETP
ner renseigne sur son adhésion au proces- des professionnels investis est un critère
sus éducatif et sa volonté de poursuivre d'évaluation important. Les indicateurs
ses efforts. S'enquérir de la satisfaction des peuvent être le taux de personnes formées
soignants à pratiquer l'ETP dans leur pro- dans l'équipe d'ETP, et le taux de personnes
gramme renseigne sur leur implication dans nouvellement formées dans l'année en
ce projet. L'association de ces deux évalua- cours, ainsi que celles qui devront l'être
tions est un élément intéressant pour l'éva- l'année suivante. Ces trois indicateurs sont
luation de la pertinence du programme. les expressions concrètes choisies du critère
« formation en ETP ».
ENCADRÉ 14.4
Exemple d'un critère valide
d'évaluer ? Le critère de la participation à une séance
éducative collective est pertinent, car il
Un critère est un système de référence à partir renseigne sur son adéquation par rapport
duquel un jugement peut être formulé sur les qua- aux besoins habituels des patients. Il est fai-
sable, car il est facile de compter le nombre
lités ou les caractéristiques que « l'objet » de l'éva- de patients qui s'y inscrivent. Il est cohérent
luation doit idéalement posséder. avec la démarche éducative car le contenu
L'indicateur est la manifestation concrète de la séance amène beaucoup d'informa-
d'une réalité. Il peut être quantitatif ou qualita- tions et de possibilités d'explications et
tif. Il est en principe toujours relié à un critère. d'échanges entre les patients. Les indica-
teurs (nombre de personnes participant sur
Un bon indicateur devrait être simple, facile l'année ou par session, taux de participa-
à repérer ou calculer, reproductible, précis et tion par parcours éducatif, etc.) sont choisis
valide. avec la même exigence.
En somme, il existe entre un et plusieurs indi-
cateurs pour un critère. Dans la pratique, ces deux
termes sont souvent confondus (encadré 14.3). La même démarche doit être réalisée pour les
Le choix des critères et des indicateurs dépend indicateurs.
des « sujets » ou « objets » d'évaluation. Leur Les critères les plus courants pour mesurer
nombre peut être important. Aussi, il convient de un résultat ou un effet sont les suivants (enca-
les choisir avec minutie et parcimonie, afin d'être dré 14.5) :
le plus pertinent possible pour un minimum d'ef- • critère d'efficacité, avec comparaison des
fort et d'énergie dépensés à cette activité. Leur résultats par rapport aux objectifs de départ,
nombre doit être le plus faible possible pour un (évaluation qualitative et quantitative) : taux de
rendu maximal. réalisation du projet ;
Le choix du critère est parfois délicat et doit • critère d'efficience qui compare les résultats
être bien réfléchi (encadré 14.4). D'une manière obtenus par rapport aux ressources allouées
générale, trois caractéristiques doivent être véri- (moyens humains et matériels) : activités par
fiées : rapport aux moyens, étude des coûts ;
• la pertinence du critère qui permet de rendre • critère de cohérence qui rend compte du
compte de la façon la plus large possible de la bien-fondé des activités menées au regard du
réalité du sujet ou de l'objet en question ; contexte interne et externe ;
• la faisabilité, notamment du recueil des infor- • critère de pérennité qui permet de voir si l'ac-
mations ; tion est durable et soutenable (c'est-à-dire si elle
• la cohérence : par exemple, toutes les dimen- se poursuit de manière autonome sans appui
sions – et pas uniquement celles biomédicales – extérieur). C'est aussi la capacité des bénéfi-
du patient doivent être considérées. ciaires de pérenniser les actions menées.
154
Chapitre 14. Principes de l'évaluation
155
Partie VI. Évaluation de l'équipe et du programme
s
effet
des
Zone Impact
Action Résultats
156
Évaluation Chapitre 15
des soignants
et de l'équipe
sans jugement.
� Je considère que le patient est un acteur
Méthodes et outils à part entière de la relation de soins.
� Je favorise l'expression du patient et son
Pratiquer l’éducation thérapeutique
entourage.
En pratique, nous proposons ici une liste non � J'aide le patient à trouver ses propres
exhaustive de méthodes et d'outils d'évalua- solutions.
tion. Leur choix doit faire l'objet d'un consen- � Je laisse un espace pour l'expression des
sus dans l'équipe et tenir compte du temps et émotions du patient.
� Je suscite chez le patient des besoins non
des moyens disponibles. Là aussi, il s'agit de identifiés jusque-là.
limiter l'énergie dévolue à ce processus pour un � Je considère l'entourage du patient.
rendu maximal.
157
Partie VI. Évaluation de l'équipe et du programme
globale, la place de chacun et celle perçue des Analyse des formations en ETP
autres collègues, le sentiment d'appartenance, de l'équipe
des propositions d'optimisation de l'organisa-
tion de l'équipe ou de nouvelles pratiques ou L'analyse des formations en ETP de l'équipe se fait
techniques éducatives, etc. La somme des éva- en précisant leur niveau (sensibilisation sans véri-
luations fera d'ailleurs partie de l'évaluation du table formation ; 1 pour les formations de base d'au
programme lui-même. Nous soulignons ici que moins 40 heures ; 2 pour les formations d'au moins
l'analyse de la satisfaction dépasse largement la 70 heures ou un DU ; 3 pour les masters ou docto-
pratique éducative et touche à la vie dans et de rats en ETP). L'arrêté du 14 janvier 2015 demande
l'équipe. à ce que tous les membres de l'équipe d'ETP soient
formés, y compris le coordonnateur, au moins
dans les 2 ans suite à la demande d'autorisation [1].
Staff interdisciplinaire Par ailleurs, une évaluation individuelle des com-
Le staff interdisciplinaire d'équipe autour de pétences est possible. Nous avons créé à l'UTEP
l'éducation est un moment partagé et régulier, du CHU de Montpellier, en collaboration avec le
dont les dates sont établies à l'avance et connues réseau des correspondants, un passeport de com-
de tous. Il permet de discuter du parcours édu- pétences qui est un support aidant à cette autoéva-
catif de certains patients. Ce moment peut être luation (fiche pratique 33 ; voir chap. 10, Passeport
aussi l'occasion de faire le point sur les activi- de compétences).
tés éducatives et la vie de l'équipe autour du
programme. Ce type de rencontre est essentiel
au bon déroulement de l'activité éducative en
Évaluation du fonctionnement
équipe. interdisciplinaire de l'équipe
Une liste de critères d'interdisciplinarité dans
Supervision de type Balint le champ éducatif est disponible et aide grande-
ment à voir les forces et les points à améliorer de
Elle permet d'exprimer les ressentis dans des l'équipe (fiche pratique 32) [2, 3]. L'hétérogénéité
accompagnements qui ne sont pas toujours des réponses de chaque participant souligne la
simples. Les frontières avec le soin sont ici diversité et la complémentarité des approches
poreuses. La présence du psychologue est alors professionnelles (voir chap. 12, Fonctionnement
précieuse. en interdisciplinarité).
La pratique de l'ETP, surtout dans le cadre d'un
Analyse des pratiques programme structuré, exige de l'équipe une orga-
professionnelles nisation spécifique, des remises en question, une
optimisation de l'efficacité des fonctionnements
C'est une méthode de groupe dont la méthodolo- de chacun dans le groupe, des lieux d'échanges,
gie est bien définie. Elle constitue une très bonne un respect, une éthique et un leadership démocra-
façon d'évaluer des compétences professionnelles tique. Ces conditions définissent l'interdiscipli-
en situation. Dans un groupe, une personne va narité, qui va au-delà de la pluridisciplinarité où
exposer une situation dont elle a été témoin ou chacun agit l'un à côté de l'autre, en juxtaposition.
actrice, et que le groupe s'entraîne à analyser. Cha- L'interdisciplinarité demande des interactions
cun va intervenir pour explorer la situation. Parmi fortes et donc des liens intenses de communi-
les différentes méthodes, la méthode GEASE cation. Un fonctionnement interdisciplinaire,
(groupe d'entraînement à l'analyse de situations notamment dans une pratique d'ETP, favorise
éducatives) a prouvé son efficacité (fiche pra- l'épanouissement dans sa fonction soignante de
tique 36). tout professionnel et réduit le risque de burnout [2].
158
Chapitre 15. Évaluation des soignants et de l'équipe
159
Évaluation du Chapitre 16
programme éducatif
Effets
De même, il est nécessaire de rendre compte à un
moment donné des effets obtenus, au regard des
moyens alloués. On les mesure alors selon un cer Autoévaluation annuelle
Pratiquer l’éducation thérapeutique
161
Partie VI. Évaluation de l'équipe et du programme
Tableau 16.1 Caractéristiques des critères pour eux-mêmes leur programme d'ETP [3]. Ils
d'évaluation d'un programme éducatif émettent leur propre jugement sur l'objet évalué.
Cette autoévaluation est au service de l'améliora
Évaluer On compare… On répond tion des pratiques et de l'organisation de la coor
quoi ? à la question
dination. Elle met en évidence les points positifs,
Évaluation du processus décèle les difficultés, pour permettre à l'équipe qui
La pertinence Les objectifs aux La stratégie met en œuvre le programme d'ETP de l'améliorer
besoins choisie, les et de l'ajuster au cours de son développement.
objectifs fixés sont-
ils adaptés aux
besoins identifiés ?
La cohérence Les moyens aux Le programme
Comment réaliser l'autoévaluation
objectifs proposé, les annuelle ?
moyens humains
et financiers sont- La formalisation de cette autoévaluation s'appuie
ils adaptés aux sur plusieurs rencontres participatives des acteurs
objectifs fixés ? du programme intégrant un ou des patients.
La qualité Le programme Le programme Le produit de ces réunions alimente l'évaluation
mis en place à respecte-t-il les annuelle. Ce temps évaluatif devra être réalisé
un référentiel de critères de qualité pour la date anniversaire de l'autorisation.
qualité d'un programme Un guide émanant de la HAS en 2012 aide les
d'éducation équipes à réaliser ce travail [3]. L'autoévaluation
thérapeutique ?
annuelle se décline en quatre étapes :
Le Ce qu'on a fait Les étapes se sont- • Étape 1, choix des objets et des critères d'évalua-
déroulement à ce qu'on avait elles déroulées
tion. Les objets se réfèrent à l'activité globale du
prévu de faire comme prévu ?
programme, au processus lui-même et à l'at
Évaluation des effets teinte des objectifs prédéfinis du programme
L'efficacité Les objectifs Les objectifs ont-ils (tableau 16.2). Les critères proposés ne sont pas
atteints aux été atteints ? exhaustifs et ne sont pas forcément à prendre
objectifs fixés tous en compte ;
L'efficience Les résultats aux Les moyens • étape 2, recueil de données :
coûts mobilisés sont-ils – pour chaque critère, un recueil d'informa
acceptables tions sera nécessaire. C'est ici que l'on prend
compte tenu des
résultats obtenus ? conscience de l'importance de prévoir à
l'avance l'étape de l'évaluation, car la collecte
L'impact La situation L'impact attendu
des données choisies se fait alors au fur et à
créée à la s'est-il produit ? Un
situation initiale impact non prévu mesure et de façon organisée. Un minimum
(changements est-il apparu ? de temps dédié est nécessaire,
produits)
Autorisation Demande de
du programme renouvellement
Evaluations annuelles Evaluations
du programme quadriennale
Poursuite du
programme
Réalisation et amélioration en continu
Elaboration du Actualisation
programme d’ETP du programme
162
Chapitre 16. Évaluation du programme éducatif
Tableau 16.2 Choix des critères en fonction des objets d'évaluation dans l'étape 1
Objets d'évaluation Exemple de critères (quantitatifs et qualitatifs)
Processus • Co-construction en équipe
• Co-construction avec un ou des patients
• Exploration des besoins des patients en amont de la construction
du programme
• Partage de l'information entre soignants
• Partage de l'information dans le parcours de soins
• Existence d'un dossier ETP par patient (informatisé)
• Existence d'un bilan éducatif partagé (BEP)
• Enchaînement des étapes éducatives
• Description des activités éducatives, fiches pédagogiques
• Prise en compte de l'entourage
• Coordination du programme
• Nombre de réunions pluridisciplinaires
• Intégration de patients dans le processus d'évaluation
• Description du processus d'autoévaluation en équipe
Les effets du En termes d'activité • Type de patients pouvant bénéficier du programme par rapport à la file
programme globale du programme active de patients susceptibles de bénéficier du programme
• File active de patients éduqués
• Caractéristiques démographiques de ces patients
• Nombre d'activités éducatives individuelles ou collectives
• Nombre d'objectifs éducatifs par patient
• Taux d'objectifs éducatifs atteints par patient
• Nombre de patients ayant refusé le programme
• Nombre de sorties prématurées de programme
• Nombre de patients dans la précarité
• Nombre de professionnels impliqués dans les activités éducatives
• Taux de formation à l'ETP des membres de l'équipe
• Connaissance du programme dans l'environnement local
• Courrier au médecin traitant
• Liens avec d'autres services, hôpitaux ou ville
• Prévisions budgétaires
En termes d'effets sur • Atteinte des objectifs éducatifs pour les patients et/ou l'entourage
les patients et l'équipe • Accessibilité du programme
• Satisfaction des patients et/ou de leur entourage, inclus dans le
programme
• Satisfaction des professionnels impliqués dans le parcours éducatif du
patient
Source : Haute Autorité de santé (HAS). Auto-évaluation annuelle d'un programme d'éducation thérapeutique du patient. Guide pour les
coordonnateurs et les équipes [Internet]. Disponible en ligne sur : http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2014-06/evaluation_
annuelle_maj_juin_2014.pdf
–
les données peuvent être quantitatives etc.) ou qualitatives (existence d'un dossier
(nombre de patients engagés, nombre de éducatif, partage des informations, documents
séances éducatives, taux de satisfaction, de synthèses, lien avec le médecin traitant, etc.),
163
Partie VI. Évaluation de l'équipe et du programme
– dans ce cadre, la saisie des données sur un – à la suite de quoi, les membres de l'équipe
support informatisé, au mieux à partir d'un pourront discuter et décider des possibles
dossier éducatif informatisé, aide grandement actions de réajustement, avec une hiérarchi
le travail. Des requêtes spécifiques renseignent sation (encadré 16.1) ;
automatiquement sur l'activité du programme, • étape 4, mise en œuvre des actions d'améliora-
– ce recueil peut aussi impliquer le remplissage tion : à ce stade, il s'agit de s'accorder sur un
d'autoquestionnaires, des entretiens individuels, plan d'actions d'amélioration de la qualité du
des analyses de pratiques, des consultations de programme. Un calendrier des actions est utile.
dossiers sur un échantillon de patients… afin Un suivi régulier de l'avancement des change
d'élargir la vision globale du processus et son ments est nécessaire tout au long de l'année.
examen par chacun, de la place où il se trouve, À l'issue de ce travail, le coordonnateur rédi
– à la suite de ces recueils, la synthèse des gera, en concertation avec les autres membres de
données ouvrira à une discussion collective l'équipe, un rapport final qui sera par la suite lar
pour une analyse pertinente. Cette dernière gement diffusé en interne. Les décisions d'optimi
est renforcée si des patients y participent ; sation prises seront également rendues disponibles
• étape 3, identification des forces et des faiblesses auprès des patients et associations de patients.
du programme et hiérarchisation des choix Nous rapportons dans la fiche pratique 37, une
d'amélioration : aide à la rédaction d'un rapport synthétique d'au
– à partir de l'analyse des données recueil toévaluation annuelle proposée par la HAS. Nous
lies, une liste de points forts et de points à proposons également dans la fiche pratique 38, un
améliorer pourra être établie. Il conviendra exemple de liste de critères demandés par l'ARS
notamment de repérer les critères sur lesquels du Languedoc-Roussillon pour l'autoévaluation
l'équipe peut agir directement, d'un programme autorisé.
ENCADRÉ 16.1
164
Chapitre 16. Évaluation du programme éducatif
Au niveau d'un centre hospitalier, une synthèse Dans de nombreuses régions, ce rapport d'acti
peut être faite par l'UTEP pour estimer les aides vité inclut des éléments de l'autoévaluation, voire
nécessaires à déployer (encadré 16.2). se limite à cette dernière.
Le rapport d'activité est demandé selon l'ARS,
soit sur l'année civile du 1er janvier au 31 décembre,
Rapport annuel d'activité soit de date anniversaire à date anniversaire. Il
contient, notamment, des éléments quantitatifs
En plus de ces autoévaluations annuelles qui
comme la description de la file active des patients
portent sur la période annuelle suivant la date
inclus dans le programme.
anniversaire de la date d'autorisation, la régle
mentation issue du décret du 2 août 2010 demande
à ce qu'un rapport d'activité du programme d'ETP Rapport annuel dans le cadre
soit transmis à l'ARS. du contrat pluriannuel d'objectifs
et de moyens (CPOM)
• Parallèlement au canevas évaluatif présenté
ci-dessus, des demandes d'évaluation de l'ac
tivité en ETP sont faites dans le cadre de la
ENCADRÉ 16.2
165
Partie VI. Évaluation de l'équipe et du programme
Conclusions de l’analyse
Décisions concernant la poursuite du programme
Rapport d’évaluation Quadriennale
166
Chapitre 16. Évaluation du programme éducatif
des patients notamment les médecins généralistes – la continuité de l'ETP : coordination et par
et spécialistes. Pour recueillir leur avis, différentes tage des informations en interne et avec l'ex
méthodes sont utilisables : entretiens collectifs térieur ;
ou groupes de discussion, entretiens individuels, – une vision partagée dans l'équipe des
questionnaires, analyse de documents, etc. ; approches et démarches pour la mise en
• expliquer le lien entre la mise en œuvre du œuvre du programme ;
programme et les effets identifiés. Ce lien peut – l'intégration des objectifs éducatifs dans la stra
concerner : tégie thérapeutique et leur complémentarité ;
– l'accès au programme ; – les changements apportés au programme au
– l'adaptation du programme aux besoins et fil du temps ;
aux attentes des bénéficiaires ; – les évolutions de l'environnement et du
– la mise en œuvre des étapes de l'ETP : la contexte de mise en œuvre du programme.
préparation, la réalisation et l'animation des Plus précisément, les critères à considérer sont
séances ; présentés dans le tableau 16.3.
Tableau 16.3 Exemples d'effets d'un programme d'ETP à recueillir en sollicitant plusieurs points de vue
La mise en œuvre du programme d'ETP a-t-elle abouti aux changements attendus
chez les bénéficiaires ?
Du point de vue de l'équipe Jusqu'à quel point les bénéficiaires dans leur ensemble acquièrent-ils des compétences
à l'issue des séances d'ETP ?
Dans quelle mesure les bénéficiaires dans leur ensemble ont-ils développé un processus
de changement et d'adaptation dans la vie quotidienne ?
Du point de vue des Dans quelle mesure les bénéficiaires estiment-ils que le programme est utile pour :
bénéficiaires (patients, • mettre en œuvre des compétences dans la vie quotidienne ?
entourage)
• accompagner leur développement personnel ?
• accompagner leur capacité d'autodétermination (au sens d'autonomie) ?
• faciliter la communication avec les professionnels de santé ?
Du point de vue du Jusqu'à quel point la participation des bénéficiaires (patients, proches) au programme
médecin généraliste et favorise-t-elle leur adhésion et leur implication dans la gestion de la maladie ?
autre spécialiste et des Dans quelle mesure la relation interpersonnelle entre patients, proches et soignants a-
professionnels de santé du t-elle évolué du fait de la participation des bénéficiaires à une offre d'ETP
parcours de soins personnalisée ?
La mise en œuvre du programme d'ETP a-t-elle eu des conséquences
sur le fonctionnement de l'équipe ?
Du point de vue de l'équipe Dans quelle mesure la mise en œuvre du programme d'ETP a-t-elle :
• entraîné une dynamique au niveau collectif et au niveau individuel ?
• fait évoluer la relation interpersonnelle avec les bénéficiaires ?
• fait évoluer la relation avec les médecins traitants et les professionnels de santé du
parcours de soins ?
La mise en œuvre globale du programme d'ETP a-t-elle permis son intégration dans l'offre
de soins locale ?
Du point de vue de l'équipe Dans quelle mesure :
• les actions de communication sur les objectifs, le contenu du programme et son
déroulement ont-elles rendu le programme visible et attractif au niveau local ou régional ?
• le programme tend-il à réduire, ou à ne pas accroître, les inégalités de santé ?
• la continuité du parcours éducatif est-elle assurée, en lien avec le médecin traitant ?
Source : Haute Autorité de santé (HAS). Évaluation annuelle d'un programme d'éducation thérapeutique du patient : une démarche d'auto-évaluation.
Guide méthodologique pour les coordonnateurs et les équipes [Internet]. Disponible sur : http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/
pdf/2014-06/evaluation_annuelle_maj_juin_2014.pdf
167
Partie VI. Évaluation de l'équipe et du programme
Sur un plan pratique, il convient de recueillir • les effets favorables confortent l'équipe dans ses
des données quantitatives et qualitatives néces bonnes pratiques et son organisation ;
saires pour ce travail (encadré 16.3). Ces données • les effets défavorables, ou l'absence d'effets
peuvent émaner : favorables, peuvent révéler une insatisfaction
• des trois rapports d'autoévaluation annuelle dans la mise en œuvre du programme.
précédents ; De ce fait, des actions seront décidées pour des
• d'entretiens individuels ou collectifs de patients, changements réalistes.
de membres de l'équipe ou de l'équipe entière,
d'associations de patients ou de professionnels
du parcours de soin. La technique du focus Évolutions du programme
group peut ici être utile (fiche pratique 6) ; d'ETP dans son contexte
• d'enquêtes de satisfaction sur le déroulement du de mise en œuvre
programme et ses effets, auprès de patients, de
l'équipe soignante ou de professionnels du par Pour rendre compte de l'évolution du pro
cours de soins ; gramme, c'est-à-dire de sa vitalité, trois questions
• éventuellement, sur des résultats d'évaluation se posent :
de pratiques professionnelles, ou sur l'ana • Comment a évolué la mise en œuvre du pro-
lyse de dossiers d'ETP : synthèses, courriers, gramme ? C'est-à-dire les principaux points forts,
comptes rendus, etc. points faibles, les difficultés résolues, les condi
À la suite de cette analyse, des constats sur les tions de réussite et les freins à la mise en œuvre du
effets favorables ou défavorables du programme programme, les principales améliorations appor
seront avancés : tées à la qualité du processus. Il s'agira d'expliquer
les améliorations apportées ou poursuivies ;
• Comment ont évolué les indicateurs associés au
programme ? Ces indicateurs sont communs
ENCADRÉ 16.3
Exemple de modalités de
réalisation de l'évaluation à tout programme et sont non exhaustifs : ils
quadriennale portent sur le fonctionnement (intervenants, for
mation), la mise en œuvre (programme person
Une équipe en charge d'un programme pour nalisé, offre de suivi) et la coordination (partage
la préparation à la chirurgie bariatrique de
patients obèses décrit son processus d'éva-
d'information sur les étapes clés de la démarche
luation quadriennale de la façon suivante : éducative). Ils sont présentés dans le tableau 16.4.
« L'évaluation quadriennale a permis à De plus, les raisons d'une évolution positive, néga
l'équipe soignante d'échanger sur le fond tive ou d'une stabilité des résultats des indicateurs
et la forme du programme éducatif. Les sont attendues. À ce niveau, se pose la question
membres de l'équipe se sont réunis à plu-
sieurs reprises entre les mois d'avril et juin
des formations en ETP de tous les membres de
2015. Au cours d'une de ces réunions, le l'équipe d'ETP, comme l'exige l'arrêté du 14 jan
coordonnateur a sollicité chacun pour le vier 2015 [1]. Le contenu de cette formation n'est
renseignement d'un questionnaire interro- pas précisé dans l'arrêté, mais implicitement, le
geant chaque professionnel sur sa vision du niveau 1 est requis (formation de 40 heures). On
programme, de sa place. L'exploitation et
peut imaginer des membres associés à l'équipe
la restitution de l'analyse des réponses ont
enrichi le débat. Les trois dernières autoé- qui ne nécessitent pas d'être spécifiquement for
valuations ont été exploitées. Les échanges més en ETP, comme par exemple une assistante
nous ont permis d'identifier les points forts sociale, une psychologue ou une aide-soignante,
et les points faibles du programme, et de intervenant ponctuellement dans le programme ;
prendre ensemble des décisions pour le
un médecin ou une infirmière peuvent aussi être
poursuivre avec des ajustements jugés
mineurs, priorisés sur les 4 années à venir. » concernés par les mêmes conditions. Dans ce cas,
ils doivent être accompagnés dans l'activité édu
Source : Programme d'ETP « Éducation thérapeu-
tique du candidat à la chirurgie de l'obésité ». cative par une personne formée ;
Équipe du département endocrino-diabéto- • Comment a évolué la structuration du programme ?
nutrition, CH Lapeyronie, CHU Montpellier.
Coordonnateur : Docteur P. Lefebvre.
Cela renvoie aux ajustements apportés au pro
gramme dans sa mise en œuvre et son écriture,
168
Chapitre 16. Évaluation du programme éducatif
Tableau 16.4 Fiche descriptive de trois séries d'indicateurs qualité permettant d'évaluer le suivi
du programme par l'équipe
Fonctionnement du programme d'ETP : intervenants directs auprès des patients
Objectif Suivre l'évolution des intervenants au contact du patient au travers de la
multiprofessionnalité et de la formation spécifique à l'ETP
Indicateurs 1 : nombre d'intervenants directs (professionnels et patient intervenant)
auprès des patients et leur profession
2 : nombre d'intervenants directs (professionnels et patient intervenant) formés
spécifiquement à l'ETP
Exemple 6 personnes interviennent directement auprès du patient dans ce programme,
4 de ces intervenants sont formés (F) spécifiquement à l'ETP :
• 1 médecin
• 2 infirmières (F)
• 1 diététicienne (F)
• 1 éducateur sportif
• 1 patient intervenant (F)
Mise en œuvre du programme d'ETP (activité) : patients ayant bénéficié d'un programme
personnalisé d'ETP
Objectif Suivre l'intégration des étapes clés dans la personnalisation du programme quelle que
soit l'offre d'ETP proposée
Indicateurs Pourcentage de patients ayant bénéficié d'un programme personnalisé lors d'une offre
initiale d'ETP contenant les étapes suivantes :
• 3 : BEP ou diagnostic éducatif individuel aboutissant à un programme personnalisé
+ séances collectives/individuelles + évaluation lors d'une séance individuelle des
compétences acquises + proposition d'une modalité de suivi éducatif
• 4 : actualisation du BEP ou diagnostic éducatif + au moins 1 séance collective/
individuelle + évaluation lors d'une séance individuelle des compétences acquises
+ proposition d'une modalité de suivi éducatif
Exemple 34 patients ont participé en 2013 à ce programme (participation à au moins 1 séance)
21 patients ont bénéficié d'un programme personnalisé en offre INITIALE
6 patients ont bénéficié d'un programme personnalisé en offre de SUIVI
21/34 × 100 = 62 %
Parmi l'ensemble des patients venus en 2013 pour suivre le programme :
• 62 % ont bénéficié d'un programme personnalisé en offre INITIALE 6/34 × 100 = 18 %
• 18 % ont bénéficié d'un programme personnalisé en offre de SUIVI 62 + 18 = 80 %
• 80 % ont bénéficié d'un programme personnalisé (offre INITIALE ou de SUIVI)
Coordination du programme personnalisé d'ETP : le partage d'information sur les étapes clés
du programme personnalisé
Objectif Suivre la coordination entre les intervenants du programme et les acteurs de la prise en
charge du patient sur les étapes clés du programme personnalisé, coordination nécessaire
à la cohérence et la continuité du programme personnalisé avec la stratégie thérapeutique
Indicateurs Pourcentage de patients ayant bénéficié d'un programme personnalisé d'ETP pour lesquels
la synthèse a été transmise au minimum à leur médecin traitant, concernant : le BEP ou
diagnostic éducatif individuel accompagné du programme personnalisé et l'évaluation des
compétences acquises accompagnée d'une proposition de modalité de suivi éducatif
Source : Haute Autorité de santé (HAS). Évaluation annuelle d'un programme d'éducation thérapeutique du patient : une démarche d'auto-évaluation.
Guide méthodologique pour les coordonnateurs et les équipes [Internet]. Disponible sur : http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/
pdf/2014-06/evaluation_annuelle_maj_juin_2014.pdf
169
Partie VI. Évaluation de l'équipe et du programme
concernant : les objectifs pédagogiques, le contenu • reprendre les conclusions de l'analyse des effets
du programme, les méthodes pédagogiques et et de celle des évolutions du programme ;
d'évaluation, la complémentarité des compé • identifier les actions à prévoir pour améliorer
tences des intervenants, la place des patients inter le contenu, l'organisation et la mise en œuvre
venants, la continuité de l'éducation et sa coordi du programme commun aux deux analyses et
nation, l'adaptation réelle du programme au profil propre à chaque analyse.
des patients et la prise en compte de nouveaux Les actions à prévoir doivent être réalistes. Pour
besoins et attentes des bénéficiaires. le vérifier, il s'agit d'apprécier les marges de pro
Il conviendra d'expliquer les raisons pour les gression possibles et leur faisabilité en analysant
quelles la mise en œuvre du programme s'est rap les contraintes, en termes de ressources, de délai
prochée ou éloignée de ce qui était prévu dans le de mise en œuvre, de perspective de la levée de
programme autorisé. difficultés locales ou institutionnelles, et les rela
Sur un plan pratique, ce travail sur le processus tions avec les acteurs.
du programme reposera sur l'analyse de données Pour conclure, il convient de s'engager en équipe
issues : sur une décision d'avenir pour le programme :
• des trois autoévaluations annuelles, reprenant : • poursuite à l'identique ;
– les points forts, les points faibles, les diffi • poursuite avec des changements et améliora
cultés et leur résolution, les améliorations tions mineurs, faisables à court terme ;
apportées au processus, • poursuite avec des changements et améliora
– la modification de la structuration du pro tions importants, applicables à moyen ou long
gramme d'ETP au regard des critères de qua terme ;
lité, des attentes du cahier des charges national ; • difficultés à poursuivre le programme sans sou
• du suivi des indicateurs de qualité et de sécurité tien et aide, en précisant les motifs.
des soins ; Le coordonnateur rédigera un court argumen
• de l'évolution du profil des b