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LE MONOPOLE DISCRIMINANT

Le monopole pur est supposé vendre son produit à un prix unique : le prix d’équilibre.
Cette situation permet à certains acheteurs de bénéficier d’un surplus ou rente du
consommateur, puisqu’ils auraient accepté de payer un prix supérieur au prix d’équilibre.
Mais, pour d’autres catégories de consommateurs, le prix du monopole peut s’avérer plus
élevé que leur pouvoir d’achat, en conséquence, ils n’achèteront pas le produit à ce prix.

Le monopoleur peut alors exploiter cette situation pour pratiquer une politique de
discrimination par les prix, qui consiste à vendre à des prix différents sans que cela soit
justifié par une différence de coût de production , selon les catégories de consommateurs, un
bien fondamentalement identique mais présenté sous des formes diverses, ce qui assure un
profit global plus grand. A titre d’exemple, on peut citer les professions libérales, les
compagnies de transport aérien et ferroviaire, les cinémas, … qui peuvent vendre des services
à des prix différents en se basant uniquement sur le degré de richesse de leurs clients.

§1. Les conditions et les méthodes de discrimination par les prix

La stratégie de discrimination traduit la volonté du monopoleur de couvrir toutes les


demandes de son produit exprimées par les différentes couches sociales de consommateurs.
Dans ce cas, il joue sur les différences d’élasticité de la demande de chacune de ces couches
sociales. Il peut, par exemple, augmenter son profit en confisquant le surplus de certains
consommateurs.

Une telle stratégie nécessite que les produits soient vendus sur des marchés séparés et
non communicants. Elle est également subordonnée à différentes conditions de discrimination
par les prix, permettant au même fabricant de fixer des prix de vente différents.

La distinction entre les consommateurs est une première condition qui varie en
fonction des consommateurs ou de leurs propensions à payer. Les consommateurs connaissent
approximativement leurs propensions à payer et font leurs choix en fonction de celles-ci. Un
usager de la téléphonie mobile ne peut pas déterminer exactement la durée de ses appels, mais
définit à l’avance sa propension à payer. Ainsi, son choix porte en premier lieu sur le tarif en
fonction de son anticipation de sa consommation future.

Le pouvoir monopolistique du vendeur, qui lui permet de fixer un prix au-dessus du


coût marginal, est une deuxième condition de discrimination par les prix, rendue aussi
possible par l’importance du degré de substitution entre les biens d’exportation et les biens
des concurrents sur les marchés étrangers.

Une autre condition permettant la discrimination par les prix est la perception
temporaire ou permanente qu’ont les acheteurs du taux de change.

L’histoire passée des achats des consommateurs incite à son tour les vendeurs dans leur
démarche de discrimination commerciale. Les clients anciens et fidèles sont moins sensibles
aux variations de prix et à la concurrence que les nouveaux arrivants.
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Les coûts de mobilité qu’encourt le consommateur en changeant de vendeur sont une
autre condition de discrimination de prix. Les entreprises fixent dans ce cas des prix différents
pour les nouveaux clients, sous forme de rabais ou de remise, pour leur permettre de couvrir
ces coûts et changer ainsi de vendeur.

La capacité de l’entreprise à empêcher ou limiter la revente des unités achetées par


certains acheteurs est aussi un facteur important pour réussir la discrimination de prix. Dans le
cas contraire, l’entreprise devra faire face à des pratiques de revente de la part de clients, qui
ont acheté le produit moins cher en gros et qui procèdent à la revente en détail en vue de
réaliser des bénéfices. Cette tentative de la part de ces clients affaiblit le monopole des
entreprises monopolistes. Cependant, ces dernières peuvent empêcher de telles pratiques en
offrant des services annexes à la vente, comme les garanties, la livraison gratuite, etc.

§2. Les différents types de discrimination

La discrimination par les prix désigne la modulation par agent des prix de son offre en


fonction des caractéristiques connues ou supposées de la demande.

Les méthodes de discrimination par les prix les plus courantes sont la discrimination
parfaite ou de 1er degré, la discrimination de 2ème degré et la discrimination imparfaite ou de
3ème degré. Classiquement, on distingue ces trois types de discriminations par les prix en
fonction de l'information dont dispose l'agent discriminateur. 

1. Discrimination de 1er degré ou discrimination parfaite

Le vendeur peut disposer d’informations suffisantes sur les clients, et peut appliquer le
prix le plus élevé que chaque client est prêt à payer. Il vend la première unité au demandeur
avec le plus haut consentement à payer, la deuxième unité au demandeur avec le deuxième
plus haut consentement, etc... Dans le cas parfait, le monopoleur obtient tous les gains à
l’échange, et les consommateurs aucun.

Pour pouvoir pratiquer la discrimination, trois conditions sont nécessaires:


- la capacité à choisir son prix de vente ;
- l’information sur ses clients potentiels ;
- la possibilité de revente.

Ces conditions expliquent pourquoi la discrimination est plus fréquente dans les
services individualisables (médecine, cinémas, etc.) et dans les secteurs où le produit est
difficilement revendable (gaz, électricité, etc.).

La courbe de demande D étant celle du marché d'un produit quelconque, le monopoleur


fixe pour chaque client le prix maximum que celui-ci est prêt à payer, ce prix est appelé prix
de réservation. De ce fait, la fonction de demande (RM) à la firme devient la recette
marginale Rm puisque, dans ce cas, la recette tirée d'une unité supplémentaire est égale au
prix. Le monopoleur qui pratique une discrimination parfaite ne laisse subsister aucun

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surplus du consommateur. Celui-ci, est entièrement approprié par le monopoleur qui réalise
un profit supplémentaire.

Dans la discrimination parfaite, les consommateurs perdent tout le surplus,


correspondant à la différence entre le prix qu’ils sont disposés à payer pour le produit en
question et le prix qu’ils paient effectivement. Le monopole est en mesure de faire payer à
chaque acheteur le prix maximum que celui-ci est disposé à payer. Alors qu’en situation de
concurrence pure et parfaite le surplus du consommateur est maximisé, il est entièrement
absorbé par le monopole discriminant en discrimination parfaite.

2. Discrimination de 2ème degré

Le prix payé par le consommateur varie selon les quantités achetées. Cette pratique
touche les entreprises pratiquant une politique de prix non linéaire, qui fait varier le prix par
unité en fonction du nombre d’unités que le client achète. La réussite de cette pratique est
conditionnée par la capacité de l’entreprise à empêcher la revente de ses produits par les
consommateurs. Les entreprises peuvent dans ces conditions proposer différents prix de vente
à des consommateurs différents, même si elles ne disposent pas d’informations sur la
demande individuelle de chacun d’eux.

Cette stratégie diffère de la discrimination de 1er degré par le fait qu’elle ne permet pas
de s’emparer de la totalité du surplus du consommateur. Parmi les pratiques de discrimination
de 2ème degré, il y a le tarif unique en deux parties, où les entreprises font payer aux
consommateurs une somme forfaitaire pour l’utilisation du bien ou service et une autre
somme relative à la consommation. C’est le cas des tarifs différenciés jour/nuit pour
l’électricité ou le téléphone, des tarifs basse saison pour les vacances et loisirs, des séances
spéciales de cinéma,… 

3. Discrimination de 3ème degré ou discrimination imparfaite

Le monopoleur peut segmenter la clientèle selon les conditions socio-économiques ou


personnelles : c’est le cas des différentes catégories d’acheteurs qui se présentent sur le
marché avec des revenus différents, des comportements différents et des élasticités-prix de la
demande différentes (1ère et 2ème classes dans les trains ou dans l’avion, par exemple). Le
prix payé par les consommateurs diffère donc selon le “groupe” auquel ils appartiennent
(filles/garçons dans les clubs, Personnes âgées, ...).

L’entreprise qui ne dispose pas d’informations suffisantes sur les clients, et qui se
trouve dans l’incertitude quant au prix que chaque client est prêt à payer, ne peut pas pratiquer
la discrimination de 1er degré. Mais si elle ne peut pas disposer de la totalité du surplus du
consommateur, elle peut cependant pratiquer une discrimination imparfaite de 3ème degré.
Cette pratique est possible lorsque les coûts de transaction sont élevés de manière à
empêcher les reventes d’un groupe de consommateurs à un autre. Cette forme de
discrimination prend souvent la forme de vente à des prix différents pour des groupes

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d’acheteurs caractérisés par des élasticités-prix particulières et situés dans des zones
géographiques différentes.

Les études empiriques montrent que la marge de profit obtenue pour chaque groupe est
inversement proportionnelle à l’élasticité de la demande. Plus celle-ci est élevée, plus le prix
pratiqué par le monopole discriminant est bas et proche du coût marginal. Le groupe
caractérisé par une demande plus sensible au prix paie le prix le plus bas. Les entreprises
accordent en général des remises à ces groupes d’acheteurs.

Lorsque la discrimination de 3ème degré n’est pas très subtile, comme par exemple
lorsqu’un certain nombre d’acheteurs sont mieux informés que d’autres sur le prix du marché,
les entreprises fixent un prix « général » pour les consommateurs n’ayant pas remarqué que le
produit est proposé à un prix plus cher qu’ailleurs, et alignent le prix de leur produit sur le
prix du marché pour les clients informés.
En conséquence, les consommateurs mal informés paient un prix plus élevé que les
autres. La réussite de la discrimination de 3ème degré est conditionnée par l’importance
relative que les groupes d’acheteurs accordent au temps. Les acheteurs à haut revenu
accordent en général une grande importance à la répartition de leur temps, et leur demande est
plus inélastique que les acheteurs à revenu modeste. C’est pourquoi les offres promotionnelles
touchent le plus souvent cette dernière catégorie de consommateurs, qui passent plus de temps
à comparer les prix dans les rayons.

Récapitulation :

Le monopole peut segmenter le marché


Oui Non
Discrimination parfaite Discrimination de 2ème degré
un tarif binôme par tarif binôme avec ou sans
Le monopole connaît Oui consommateur exclusion
les fonctions de tarifs binômes optionnels
demande
individuelles Discrimination de 3ème degré Monopole classique
Non un prix (uniforme) par segment

§3. La maximisation du profit

Si une firme vend des quantités différentes d’un bien identique sur des marchés séparés
où elle jouit d’un monopole, il est tout à fait logique qu’elle doit déterminer les quantités à
vendre sur chaque marché.

Si l’on considère n marchés sur lesquels des quantités Qi sont vendues, les recettes
respectives du monopoleur seront : Ri (Qi).

Sa recette totale (RT) est égale à la somme de toutes les recettes réalisées sur les
différents marchés, soit :

4
n
RT =  Ri (Qi)
i=1

Son coût total (CT) est fonction du volume de l’offre totale, soit :
n
CT = C ( Qi)
i=1
n n
Son profit total est : π = RT – CT =  Ri (Qi) - C ( Qi)
i=1 i=1
Ce profit est maximum si la dérivée première de cette fonction, par rapport à Qi est nulle
(on suppose pour simplifier, que les conditions de 2ème ordre sont vérifiées).

 π /Qi = 0  ( Ri/Qi) – (C /Qi) = 0  ( Ri/Qi) = (C /Qi)


Puisque la production est fournie par une seule firme, la fonction de coût est unique et en
conséquence, le coût marginal l’est aussi.
 C /Qi = Cm
En application de la règle de maximisation du profit, en situation de monopole, dans le cas du
monopole discriminant, le profit est maximum si : Rmi = Cm

En règle générale, pour que le profit du monopoleur discriminant soit maximum, il


faut que la recette marginale sur chaque marché (Rmi) soit la même et égale au coût
marginal (Cm). Ce qui n’implique évidemment pas l’égalité des prix, mais au contraire,
la différenciation et la discrimination par les prix.

§4. La relation entre la recette marginale et l’élasticité de la demande

On peut démontrer que dans le cas du monopole discriminant, ce sont les différences
d’élasticité de la demande d’un marché à un autre qui déterminent les différences des prix. En
particulier le prix sera plus faible sur le marché dont l’élasticité sera la plus forte. Ceci
s’explique aisément car lorsque l’élasticité est forte, la réponse de la demande se fait de façon
très vive à la suite de la variation des prix.

Posons la relation de la recette totale : RT = P(Q) .Q


La recette marginale est :
Rm = ∂RT / ∂Q = (∂P(Q) / ∂Q).Q + P(Q) (1)

La définition de l’élasticité est : ɛ = (∂Q / ∂P(Q)).P(Q) / Q (2)


La relation (2) peut s’écrire également :

∂P(Q) / ∂Q = P(Q) / ( ɛ . Q) (3)

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En substituant la relation (3) à la relation (1), on a :

Rm = (P(Q) / ɛ. Q). Q + P(Q) = (P(Q) / ɛ) + P(Q) => Rm = P(Q) (1 + 1 / ɛ) (4)

Nous savons que le monopole à deux établissements établit l’égalité Rm1 = Rm2 = Cm.
On peut donc écrire d’après la relation que :

Rm1 = P1 (1 + 1 / ɛ1) et Rm2 = P2 (1 + 1 / ɛ2) ;

et par conséquent : P1 (1 + 1 / ɛ1) = P2 (1 + 1 / ɛ2) (5)

En conclusion, on peut résumer les conséquences « positives » de la discrimination par les prix
en disant que pour n’importe quel niveau de production, le système des prix discriminatoires
apportera une recette totale plus importante à l’entreprise et donc une recette moyenne et un
profit plus important.

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