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Revue Marocaine de Contrôle de Gestion

ISSN : 2028-4098
Volume : No 9 (2021)

Quel choix épistémologique pour une recherche en sciences économiques et


de gestion ?

Salma BOUKAIRA
Doctorante, FSJES Ain Chock – Casablanca

Mohamed DAAMOUCH
Professeur FSJES Ain Chock – Casablanca

Résumé

« La réflexion épistémologique s’impose à tout chercheur soucieux d’effectuer une recherche


sérieuse car elle permet d’asseoir la validité et la légitimité d’une recherche ». Perret & Séville,
2003.

Le choix de la posture épistémologique influence le chemin emprunté par le chercheur pour


produire de la connaissance scientifiquement valide. Il oriente l’objet de la recherche, la
stratégie de celle-ci, le choix de la méthode scientifique, les formes logiques, et les théories
mobilisées.

Cet article éclaircit la notion d’épistémologie, de paradigmes épistémologiques, ainsi que les
méthodologies de recherches qui se présentent aux chercheurs en sciences économiques et de
gestion.

Mots clés : Positivisme, interprétativisme, constructivisme, modes de raisonnement,


quantitatif, qualitatif.

Abstract

"Epistemological reflection is essential for any researcher wishing to carry out serious research
because it helps to establish the validity and legitimacy of a research". Perret & Séville, 2003.

The choice of epistemological posture influences the path taken by the researcher to produce
scientifically valid knowledge. It guides the object of research, the strategy of research, the
choice of scientific method, the logical forms, and the theories mobilized.

This article clarifies the notion of epistemology, epistemological paradigms, and the different
research methodologies available to economic researchers.

Key-words: Positivism, interpretivism, constructivism, reasoning methods, quantitative,


qualitative.

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Introduction

La recherche est «une action organisée, systématique, critique qui prend naissance par un
questionnement scientifique concernant un problème sous investigation dans un objectif de
trouver des réponses et de trouver des solutions ou bien de développer des nouvelles théories
et connaissances à partir de l’analyse d’un objet de recherche. » (Ben Aissa 2001).

Celle-ci pour être qualifiée de scientifique, doit s’inscrire dans une posture épistémologique.

L’épistémologie, ou «la Théorie de la connaissance», est la discipline qui oriente toute


production des connaissances scientifiques. Et donc tout travail de recherche pertinent et de
qualité doit s’inscrire dans une posture épistémologique.

La posture épistémologique d’un chercheur influence le chemin «stratégique» et


«tactique»qu’il va devoir emprunter pour produire de la connaissance fiable et valide sur le plan
scientifique. D’où l’importance de se positionner épistémologiquement avant d’entamer sa
recherche « scientifique ».

Un objet de recherche quel qu’il soit, ne peut être propre à un paradigme épistémologique :
c’est le mode d’accès à l’objet qui caractérise un positionnement épistémologique et non l’objet
de recherche lui-même.

Parfois, les notions de « méthodologie » et d’«épistémologie » représentent une source de


confusion. En effet, l’épistémologie ne peut être réduite à un simple positionnement
méthodologique : la méthodologie ne représente qu’un aspect de l’épistémologie.

En sciences économiques et de gestion, nous distinguons trois grands paradigmes: le


positivisme, le constructivisme et l’interprétativisme : le chercheur doit choisir le paradigme
épistémologique et la méthodologie susceptible d’apporter des réponses pertinentes à sa
question de recherche.

Ainsi notre question de recherche est comment identifier le positionnement épistémologique


pertinent pour mon projet de recherche ?

L’objet de cet article est de faciliter aux chercheurs débutants le choix de la posture
épistémologique et de la méthodologie appropriées en éclaircissant l’ensemble des termes et

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liaisons existantes entre ces derniers ainsi que les fondements qui influencent et guident le choix
du positionnement épistémologique du chercheur.

1. Revue de littérature
1.1. Définition de l’épistémologie de recherche

Le mot épistémologie vient du mot grec épistémê1, il revient au début du 20ème siècle. Il est
défini comme étant le "discours sur la connaissance", c’est une discipline qui guide la
production des connaissances scientifiques. Et qui « étudie la constitution des connaissances
valables » (Piaget 1967)2. Elle désigne aussi, «une branche de la philosophie spécialisée dans
l’étude des fondements de la connaissance et des théorie, puisqu’elle s’interroge sur ce qui est
la réalité, la vérité, la connaissance, la cause, la loi…» (Gavard-Perret et al 2012).

L’épistémologie est définie comme étant la philosophie de la connaissance, ou encore comme


la théorie de la connaissance (Cohen, 1996). Il s’agit d’un simple retour critique de la
connaissance sur elle-même, sur son objet, sur ses conditions de formation et de légitimité.

Elle se définit aussi comme «l’étude des méthodes employées pour produire les connaissances»
(Avenier & Gavard-Perret, 2012). Elle concerne la pertinence et la validité du processus de
production des connaissances par rapport à l’objectif de recherche poursuivi (Piaget, 1967).

Elle oriente l’objet de la recherche, la stratégie de celle-ci, le choix de la méthode scientifique,


les formes logiques, et théories mobilisées en science, et ce afin de déterminer leur origine, leur
valeur et leur portée objective. Elle permet ainsi au chercheur de se rejoindre aux principes et
valeurs d’une communauté scientifique bien définie : « le chercheur ne construit pas sa propre
conception de la connaissance isolément ni ex nihilo » (Gavard-Perret et al 2012).

Pour déterminer son positionnement épistémologique, un chercheur doit se poser des questions
par rapport à la connaissance (J.-L. Le Moigne) à savoir :

Qu’est ce que la connaissance? : répondre à la question « quoi ? » qui conduit soit à considérer
l’organisation comme une « chose » d’ordre ontologique, ou la considérer comme un processus
d’ordre phénoménologique.

1
Connaissance, science.
2
Cité par (Gavard-Perret et al 2012)

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Comment s’est-elle constituée? : répondre à la question « comment ? » dont la réponse va


différer selon l’attitude adoptée dans la réponse à la question de recherche, qui conduit à
justifier la méthode adoptée: inductive, abductive ou hypothético-déductive.

Comment juger sa validité? : répondre à la question « pourquoi ? », qui permet de juger la


validité du processus suivi dans la réponse à la problématique.

Ces questions permettent d'enregistrer les travaux de recherche dans un cadre épistémologique
approprié et de collecter les informations nécessaires pour augmenter l'efficacité de la
recherche.

En sciences économiques et de gestion, tout travail scientifique de recherche doit s’inscrire dans
l’un de ces paradigmes : positivisme, constructivisme ou interprétativisme.

Le premier paradigme épistémologique est le Positivisme qui a été adopté en premier pour les
recherches en sciences exactes, et par la suite pour les études en sciences Humaines,
économique et sociales. Le deuxième est le courant inter-prétativiste, qui se voulait substituer
le positivisme dans les sciences sociales. Puis le troisième paradigme est « le
constructivisme »qui domine ces dernières années le champ des sciences sociales et
principalement celles de gestion en Europe occidentale (Velmuradova, 2004).

1.2. Paradigmes épistémologiques


1.2.1. Paradigme positiviste

Le positivisme vise à expliquer la réalité en lui donnant une essence propre. Celle-ci est conçue
différemment par les prôneurs du positivisme : la réalité représente parfois les lois de la nature
qui régissent le monde : «elle reflète la structure des choses, l’ensemble des lois immuables qui
régissent le monde, alors que le réel, c’est ce qu’on ne peut pas changer, qu’il faut constater,
même s’il heurte nos désirs… (Brachet, 1998 : 41-42). Alors que dans d’autres travaux la réalité
désigne le monde qui nous entoure, qui parfois est nommé « le réel ».C’est cette double
utilisation des termes qui provoque une certaine ambigüité chez les chercheurs débutants, et
déclenche des oppositions quelques fois fallacieuses entre les ‘partisans’ de ce paradigme.

Les positivistes tentent d'expliquer ces lois et de comprendre les relations sous-jacentes. Par
conséquent, l'objet de recherche est « indépendant du processus ayant conduit le chercheur à
son élaboration» (Ben Aissa 2001).

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Le positivisme est associé à l’objectivité (l’observation de l’objet réel), il explore la réalité, et


se préoccupe de comprendre et expliquer la vérité à travers des moyens empiriques (Henning,
Van Rensburg et Smit, 2004, p. 17), en s’appuyant sur la déduction (valider et tester des
hypothèses).Les faits observés répondent ainsi aux lois universelles et invariantes que les
chercheurs tentent de découvrir ou de s’y approcher. En d’autres termes, la réalité existe en soi,
elle est indépendante et extérieure du chercheur, qui ne cherche que de l’appréhender de
manière empirique et l’expliquer à travers une analyse logique.

Les trois hypothèses de base du paradigme positiviste3 se présentent ainsi :

-Principe ontologique (hypothèse Réaliste) “la réalité essentielle de la réalité existentielle”. La


connaissance progressivement formée par la science n’est autre que la compréhension de la
réalité, cette dernière est indépendante des observateurs qui la décrivent.

-Principe de l’univers câblé (hypothèse déterministe) : le déterminisme est un causalisme :


chaque réalité est un résultat de quelques causes.

Descartes a déclaré que grâce à l'étude de la loi de cause à effet, l'homme deviendra le maître
et le propriétaire de la nature.

-Principe d’objectivité : la réalité doit être dépourvue de tout lien avec le sujet qui cherche à
l’appréhender (l’objet de recherche est indépendant du chercheur).

-Principe de la logique naturelle : dans sa recherche des lois des phénomènes naturels, cette
logique s’appuie sur des axiomes mathématiques 4(Compte, cité par Le Moigne, 1990).

Ainsi, les positivistes estiment que toute proposition de loi naturelle qui ne se fie pas à cette
logique naturelle, ne pourra pas être envisagée comme purement scientifique (Le Moigne,
1990).

Toutes fois, il ne faut surtout pas penser que la logique naturelle est le seul outil positiviste
permettant d’atteindre un objectif de recherche, le positivisme s’appuie aussi bien sur le
décodage des signes (Velmuradova, 2004), surtout pour le domaine social où les mathématiques
ne permettent d’examiner et d’analyser profondément tous les angles du problème qui doit être

3
D’après Le Moigne (1995)
4
Le plus puissant que l’esprit humain puisse employer

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étudié dans son contexte et compte tenu de son évolution historique. Auguste Comte souligne
dans un « cours de philosophie positive », la certitude de la prééminence philosophique de la
sociologie sur la mathématique, la logique des mathématiciens s’étant montrée, par ailleurs,
impuissante à résoudre les problèmes humains, car elle ignore la filiation historique. », Il
propose à cet égard, dans son système de politique positive« la formation d’unelogique positive
faisant coopérer les trois logiques, celle des sentiments, celle des imageset celle des signes »
(« Positivisme », Encyclopédie Universalis, 1995)5.

À l'intérieur du courant positiviste, on distingue, selon Kremer-Marietti (1993), le


conventionnalisme de Poincarré (1854-1912) qui propose que «les hypothèses n'ont pas
de valeur cognitive en elles-mêmes », le pragmatisme de James (1842-1910)6
affirmant que «le vrai consiste simplement en ce qui est avantageux pour la pensée», et le
positivisme logique de Carnap (1891-1970) qui avance que « les processus cognitifs
d'élaboration des représentations doivent pouvoir être construits ou reconstruits».

Nous distinguons deux sous paradigmes du positivisme à savoir :

 Le positivisme logique7 :

Ce paradigme se base sur trois hypothèses (Gavard-Perret et al 2012) :

- L’existence d’un réel perceptible, unique, et indépendant du chercheur ;

- L'objectif étant de déterminer les lois qui existent déjà et la relation entre les phénomènes,
c'est-à-dire de s’intéresser au "comment" au détriment du « pourquoi ».

-Le chercheur étant séparé et indépendant de l’objet de recherche, il est ainsi neutre et objectif.

Afin de générer des connaissances, les positivistes logiques s’appuient sur un raisonnement
inductif; ils partent de «l’observation des faits particuliers pour remonter à des lois générales
» (Gavard-Perret et al 2012). Aussi, ils recommandent des méthodes expérimentales et des
méthodes de vérification d'hypothèses par des tests statistiques (Gavard-Perret et al., 2012).

5
Cité par Velmuradova, 2004.
6
Cité par Le Moigne (1995).
7
Appelé aussi néo-positivisme ou empirisme logique

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De même, pour les positivistes, le chercheur étant isolé de l'objet de recherche qui de même
doit être isolé de son contexte (Gavard-Perret et al., 2012), ce qui n'est pas toujours possible,
notamment quand l'objet de recherche est « l’être humain » qui doit être étudier dans son
contexte, aussi l’extériorité du chercheur n’est pas toujours possible.

Cette limite a entraîné l’émergence d’un paradigme appelé « post-positivisme».

 Le post-positivisme8 :

Dans le post-positivisme, la réalité n'est pas absolue, ni l'objectivité du chercheur (Cherkaoui


et al 2016). «Les post-positivistes estiment que le chercheur doit tout mettre en œuvre pour
tendre vers une objectivité maximale et, notamment, contrôler le plus précisément possible les
conditions dans lesquelles il réalise sa recherche, et spécialement sa collecte de données, de
manière à assurer le plus possible l’objectivité de son travail. » (Gavard-Perret et al 2012).

Les post-positivistes critiquent le raisonnement inductif qui, selon Popper, peut induire les
chercheurs en erreur et optent pour la méthode hypothético-déductive. En outre, ils se basent
sur la « corroboration » par de multiples tentatives de « réfutation » échouées, pour «vérifier»
les connaissances, plutôt que sur la vérification empirique adoptée par les positivistes.

L’un des piliers du post-positivisme est « la réfutation », « les post-positivistes acceptent


l’existence de l’erreur et considèrent les résultats et conclusions de recherche comme étant
probables tant qu’ils ne sont pas réfutés » (Riccucci, 2010)9

Deux courants se sont développés au sein du post-positivisme.

Le réalisme scientifique: pour ce courant, les connaissances scientifiques peuvent être « vraie »
mais non pas « vraie avec certitude ». Pour Hunt, il s’agit d’une « connaissance digne de
confiance », qui doit ensuite être validé et prouvé par la réfutation mais aussi par les résultats
positifs des tests empiriques.

Dans ce sens les réalistes scientifiques optent pour les méthodes quantitatives et s’appuient
donc sur des outils statistiques et mathématiques.

8
Appelé positivisme aménagé, il s’agit d’une réforme du positivisme logique.
9
Cité par Gavard-Perret et al 2012).

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Le réalisme critique : selon les réalistes critiques, pour chaque connaissance, il existe trois
réels : le réel profond qui correspond aux lois et règlements qui guident le réel actualisé, et le
réel empirique qui correspond à la perception des événements connaissables par les humains.

L’objectif du chercheur étant de trouver et comprendre le réel profond. La boucle induction/


abduction/ déduction est le socle méthodologique de ce courant. Ainsi, les scientifiques de ce
courant préconisent une production de la connaissance par induction suivis de l’abduction
comme mode de raisonnement et suivis par une critique théorique et des tests empiriques,
permettant d’expliquer et prédire le phénomène étudié. Cependant, lorsqu’il s’agit des sciences
sociales, ce sont les méthodes qualitatives qui sont privilégiées qui permettent seulement
d’expliquer et non pas de prédire.

Le paradigme positiviste s’appuie sur l’idée que les faits réels peuvent être observés de manière
empirique et expliqués avec une analyse logique. C’est donc plutôt le raisonnement déductif
qui est adopté, le principe de validation empirique des hypothèses, pour qu’ils puissent être
acceptés ou réfutés.

Le positivisme permet d’expliquer et prédire le comportement d’un phénomène relevant de la


réalité et de découvrir l’essence des choses à travers une méthode principalement déductive.

En revanche, de nombreux travaux avancent que ce positionnement est loin d’être adapté et
pertinent pour une recherche dans le domaine des sciences sociales, économiques et de gestion.
Ces constats sont ainsi résumé par Le Moigne (1990 : 98-99) : «… peut-on sérieusement tenir
pour une discipline positive une science qui se définit par un objet chimérique, la gestion, qui
n’a aucune réalité tangible, qui ne présente guère de régularités stables (les mêmes causes ne
produisant pas toujours les mêmes effets!); un objet dont la description se modifie au fur et à
mesure que l’observateur le décrit(l’observateur assurant lui-même qu’il se transforme au fil de
sa propre observation) ; un objet qu’il n’est jamais possible d’analyser sans le transformer… ;
un objet qui ne se prête guère à une manière uniforme de raisonnement, en particulier, lorsqu’on
souhaite le traiter par logique disjonctive…. »10.

1.2.2. Paradigme interprétativiste

10
Cité par Velmuradova, 2004.

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Dans ce paradigme, la réalité n’est plus considérée comme objective (puisqu’elle reste
inatteignable), mais interprétative (conçue à travers nos représentations ou interprétations).

Les prôneurs de ce paradigme estiment que « la réalité reste inconnaissable dans son essence
puisque on n’a pas la possibilité de l’atteindre directement » (Perret, Séville in Thiétart et coll.,
2003).

Appelé « interprétativisme » parce que l’information produite est une interprétation, et


description d’une situation donnée à travers les expériences du chercheur et les représentations
du monde : « nous pouvons étudier les facteurs favorisant la constitution de notre expérience
du monde sans être contraints depostuler la réalité ontologique de ce monde auquel nous
n’avons accès qu’à travers notre expérience du monde ».

Pour l’interprétativisme comme pour le constructivisme «la connaissance n’est plus considérée
comme la représentation iconique d’une réalité ontologique, mais plutôt comme la recherche
de manière de se comporter » (Le Moigne, 1990, cité par Velmuradova, 2004).

Plus précisément, similaire au paradigme constructiviste radical, le paradigme interprétativiste


repose sur les hypothèses fondatrices suivantes:

– Ce qui est connaissable est le vécu de la personne et donc l’expérience (Husserl, 1970)11.

– La connaissance produite est liée à son contexte et au chercheur, et ainsi on ne peut faire
que des représentations.

Les interprétativistes prônent des processus de recherches plus flexibles et relatives aux
expériences des chercheurs (Carson, Gilmore, Perry, &Gronhaug, 2001). Ils cherchent à
comprendre et interpréter un comportement humain plutôt que de prédire des causes et des
effets (Hudson & Ozanne, 1988).

Ce paradigme opte pour une approche compréhensive et non explicative. Il cherche en effet à
interpréter les significations d’un comportement, ses raisons et les autres expériences
subjectives liées au temps et au contexte (Neuman, 2007).

11
Cité par (Al. 2012)

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1.2.3. Paradigme constructiviste

Le paradigme constructiviste est un prolongement du paradigme interprétativiste. Il est désigné


par Gavard-Perret, conceptualisé par Guba et Lincoln et formalisé par Jean Piaget appelé père
du paradigme constructiviste. Pour ce paradigme, la réalité résulte des intentions, des valeurs,
des expériences et des perceptions humaines, et non pas des lois de la nature, d’où la réalité est
«construite». “Un objet existe si on est capable de le construire, d’en exhiber un exemplaire ou
de le calculer explicitement” (Largeault, 1993).

La recherche constructiviste « n’est plus définie par son objet, mais par son projet » (Le
Moigne, 1995), nécessitant ainsi des méthodes d’évaluation non pas de son objectivité, mais de
sa projectivité (Velmuradova, 2004).

«La réalité constructiviste reste inconnaissable dans son essence puisque l’on n’a pas la
possibilité de l’atteindre directement » (Perret, Séville, 2003)12. Et ils soutiennent ainsi que
la réalité résulte de l'intelligence humaine et des expériences du monde réel.

En outre, le chercheur et l’objet de recherche sont inséparables et leur interaction génère des
connaissances. Aussi, la réalité produite n’est pas absolue, mais plutôt relative à l’expérience
du chercheur : d’où l’inexistence d’une seule réalité mais une multitude de réalités construites
par le mentale individuelle ou collective qui est susceptible de changer au fil du temps.

Ce paradigme se base sur l’hypothèse de faisabilité cognitive 13 pour la production de la


connaissance. Alors en optant au constructivisme, on s’intéresse à l'explication du phénomène
et non sa prédiction.

Le Moigne propose un principe de l’action intelligente, dans ce sens l’objectif du chercheur


sera de prescrire le mode ‘optimal’ par rapport aux finalités de son sujet : « le concept d’action
intelligente décrit, l’invention ou l’élaboration, par toute forme de raisonnement d’une action
proposant une correspondance « adéquate » ou « convenable » entre une situation perçue et
un projet conçu par le système, au comportement duquel on s’intéresse »14.

12
In Thiétart et coll
13
Raisonnabilité
14
Cité parVelmuradova, 2004

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Le paradigme épistémologique constructiviste se divise en deux sous paradigme :

 Le constructivisme pragmatique : appelé aussi radical ou téléologique,

Selon les constructivistes pragmatiques, la connaissance relève de l’expérience des personnes,


et chaque personne a sa propre connaissance du réel et sa propre expérience, ce qui fait que «
la véracité de toute hypothèse fondatrice sur l’existence et la nature d’un réel en soi ne pourra
jamais être prouvée » (Al 2012).

La connaissance produite dépend donc du chercheur, de son expérience et de son projet de


recherche. Elle ne prend pas en considération toutes les facettes du phénomène étudié.

L’objectif de ce paradigme est de « développer de l’intelligibilité dans les flux d’expériences


humaines » (Gavard-Perret et al 2012), cette connaissance peut être exprimée sous forme de «
modélisation ». La réalité est donc perçue par les constructivistes comme subjective.

En ce qui concerne la méthodologie, la connaissance peut être créée suite à l’interprétation et


le traitement des informations collectées à travers n’importe quelle méthode, même si ce sont
les méthodes qualitatives qui sont le plus préconisées dans ce paradigme, en parallèle à un
raisonnement inductif.

 Le constructivisme radical (ou pragmatique)

Le constructivisme radical15 vient compléter les travaux de Piaget (1967).

Dans ce modèle, la production de la connaissance ne s’appuiera pas sur l’authenticité, mais sur
lafaisabilité. Dans ce sens, «un objet existe si on peut le construire, d’en exhiber un exemplaire
ou de le calculer explicitement» (Largeault, 1993).

Le paradigme constructiviste radical se base sur trois hypothèses fondamentales, soulevées des
travaux de Glasersfeld (2001), Le Moigne (1995-2007) &Riegler (2001) :

- La première hypothèse s’intéresse au statut de la connaissance et indique que la réalité


connaissable est «perçue ou définie par l'expérience que s'en construit chaque sujet
prenant conscience ou connaissant» (Le Moigne, 1995). De ce fait, la connaissance d’un

15
Il est conceptualisé par Glasersfeld (1988 ; 2001) et théorisé par Le Moigne (1995 ; 2001 ; 2007).

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phénomène dépend de l’existence d’un sujet qui le décrit et qui l’expérimente


(Glasersfeld, 1994 ; Fourez, 1996).

A partir de cela, on constate que le constructivisme radical indique que le chercheur ne peut
explorer parfaitement la réalité au-delà de l’expérience qu’il en a (Glasersfeld, 2001).

- L’hypothèse phénoménologique : le sujet connaissant joue un rôle déterminant dans la


construction de la connaissance. Nous ne savons que la représentation du phénomène :
le monde est construit, et nous ne pouvons que représenter la réalité ou la construire
(Martinet, 1990).

- L’hypothèse téléologique : pour Piaget (1967), la génération de la connaissance


scientifique suit un processus avant d’atteindre le résultat, et dans ce processus la
personne ne distingue pas aisément le connaissant du connu. La connaissance dans
l’épistémologie constructiviste se réfère à l’hypothèse de faisabilité cognitive, d’où
l’existence d’une interaction entre l’objet étudié et le sujet connaissant.

On peut ainsi dire que le constructivisme se fonde sur l’interaction sujet-objet. Il s’appuie sur
l’idée que la réalité est produite par l'intelligence humaine en interaction avec l'expérience du
monde réel. Nous ne connaissons donc que la « réalité subjective », une représentation 16
de la réalité dans notre conscience.

Et donc «dès que vous avez inclus l'activité mentale humaine dans le processus de connaissance
de la réalité, vous avez accepté le constructivisme», (David, 2000).

Le paradigme constructiviste permet au chercheur de comprendre et d’agir sur le comportement


social, autrement dit de faire une construction de la réalité à partir de ses observations et
expériences en suivant une méthode principalement inductive.

La différence fondamentale entre le constructivisme radical et l’interprétativisme réside au


niveau de l’hypothèse ontologique. Comme l’éclaircit Gavard-Pereet (2012), les
interprétativistes « rejettent à la fois l’hypothèse qu’il existe un réel objectif indépendant du
chercheur; alors que le constructivisme radical ne nie pas l’existence possible d’un réel

16
Interprétation

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extérieur au chercheur, indépendant de lui. Il conteste seulement la possibilité de connaitre ce


réel indépendamment des perceptions qu’il induit ».

L’interprétativisme permet donc au chercheur de comprendre le comportement social en


interprétant la réalité observée à travers une méthode principalement inductive.

Chaque paradigme diffère des autres, de par sa vision des connaissances, du processus de sa
production et de la finalité du travail de recherche : le positiviste cherche d’expliquer la réalité
à travers les lois naturelles, l’interprétativiste a l’intention de la comprendre à travers
l’interprétation de la « réalité perçue », alors que le constructiviste va encore plus loin et opte
pour la construction de la réalité (Girod-Séville et Perret, 2003).

Tableau 1 : Positions épistémologiques des paradigmes positiviste, interprétativiste et


constructiviste

Le positivisme L’interprétativismeLe constructivisme


Quel est le statut de Hypothèse réaliste Hypothèse Hypothèse relativiste
la connaissance ? Il existe une essence relativiste L’essence
L’essence de l’objet
propre à l’objet de de l’objet ne peut ne peut être atteinte
connaissance être atteinte (constructivisme
modéré) ou n’existe
pas (constructivisme
radical)
La nature de la « Indépendance du Dépendance du Dépendance du sujet
réalité » sujet et de l’objet sujet et de l’objet et de l’objet
Hypothèse Hypothèse Hypothèse
déterministe. intentionnaliste intentionnaliste
Le monde est fait de Le monde est fait de Le monde est fait de
nécessités possibilités possibilités
Comment la La découverte L’interprétation La construction
connaissance est- Recherche formulée Recherche formulée Recherche formulée
elle engendrée? en termes de « pour en termes de « pour en termes de « pour
Le chemin de la quelles causes… » quelles motivations quelles finalités…»
connaissance Statut privilégié de des acteurs…» Statut privilégié de la
scientifique l’explication. Statut privilégié de la construction
compréhension
Quelle est la valeur Vérifiabilité Idiographie Adéquation
de la connaissance ? Confirmabilité Empathie (révélatrice Enseignabilité
de l’expérience vécue
Les critères de Réfutabilité par les acteurs)
validité

Girod-Séville et Perret, 1999

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1.3. Méthodologie de recherche

Une fois la posture épistémologique déterminée, il convient de préciser son choix


méthodologique. Dans le sens le chercheur en sciences économiques et de gestion se trouve
face à trois choix : la méthode quantitative, qualitative ou mixte.

L’approche quantitative vise la confirmation d’un fait ou d’une relation entre faits, puisqu’elle
s’appuie sur les tests d’hypothèse et des théories. Le chercheur ainsi formule en premier ses
hypothèses, puis les teste avec des données empiriques pour les confirmées ou infirmées.

Alors que la recherche qualitative est une méthode exploratoire, qui se base sur l’observation
afin de produire de nouvelles hypothèses et théories. Elle est utilisée lorsqu’on veut approfondir
nos connaissances sur un sujet sur lequel on ne sait que peu.

Ainsi, le chercheur à le choix soit de mener son étude sur peu de cas mais en profondeur
(approche qualitative, plongement dans le contexte), ou bien de s’appuyer sur beaucoup des
cas mais plutôt sur la surface (approche quantitative, argumentation ou démonstration par
dénombrement) (Velmuradova, 2015). Dans ce sens, on ne peut nier l’importance de l’approche
qualitative et la nécessité d’y opter pour parfaire sa collecte de données quelques soit la méthode
choisie (quantitative ou qualitative). Mais lorsque la population générale étudiée est assez large
(tels par exemple l’étude du comportement des citoyens) ce sont les démarches quantitatives
qui permettent de s’accaparer de plus d’informations à travers des outils tels le questionnaire,
et des modes d’analyse tels les tests d’hypothèse pour déceler les différents faits qui impactent
le comportement des citoyens. Et ainsi pour cet exemple c’est plutôt la démarche quantitative
qui permet d’étudiée en profondeur un tel sujet de recherche.

Le choix de la posture épistémologique et de la méthodologie ne relève surtout pas de la simple


volonté du chercheur, mais dépend de l’angle d’étude du sujet, de sa typologie, du contexte
dans lequel se déroule la recherche et de la population étudiée.

2. Enquête auprès des doctorants en science économique et de gestion des écoles


doctorales de l’université Hassan II
2.1. Approche méthodologique

Cette enquête réalisée par le biais de deux entretiens collectifs a été menée du 1 Septembre
2020 au 1 Octobre 2020 au Maroc. Le premier entretien s’adressait à 50 doctorants en sciences

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économiques de l’université Hassan II de Casablanca : 10 doctorants en deuxième année, 10


doctorants en troisième année, 10 doctorants relevant de la quatrième année, 10 doctorants en
cinquième année et 10 doctorants inscrits en sixième année. Alors que le deuxième entretien
collectif s’est porté auprès de 50 doctorants en sciences de gestion réparti de la même manière
que le premier échantillon. Les doctorants en première année ont été exclus du périmètre de
notre étude en raison qu’ils sont en phase initiale de leurs processus de recherche et donc n’ont
dans la plupart des cas toujours pas déterminé leur positionnement épistémologique.

Le guide d’entretien est composé de six questions et vise à :

– Identifier les choix épistémologiques des doctorants en science économique et en


science de gestion ;
– Identifier les raisons des choix épistémologiques des doctorants et identifier les
approches méthodologiques privilégiées par les chercheurs Marocains.

Nous jugeons que notre échantillon sélectionné selon la méthode des quotas reflète largement
la réalité des choix épistémologiques des thésards Marocains, ce qui valide la bonne
représentativité de la population cible et donc la pertinence de cette étude.

2.2. Résultats

En ce qui concerne le positionnement épistémologique, les chercheurs Marocains privilégient


le positivisme (26% pour les répondants en science économiques et 25% pour les doctorants en
sciences de gestion) ainsi que l’interprétativisme (25% pour les doctorants en sciences
économiques et 24% pour les chercheurs en science de gestion), suivi du post-positivisme (22%
pour les doctorants en sciences économiques et 23% pour les doctorants en sciences de gestion)
qui est le plus adopté par les chercheurs anglo-saxon, puis du constructivisme (18% pour les
chercheurs en sciences économiques et 23% pour les doctorants en sciences de gestion) qui
contrairement chez les chercheurs en sciences économiques et de gestion de l’Europe
occidentale vient en premier. Alors que le néo-positivisme arrive à la fin avec 9% pour les
chercheurs en sciences économiques et à peine 5% pour les doctorants en sciences de gestion
(Voir graphe 2).

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Graphe 1 : Positionnements épistémologiques des répondants

Sciences de
Sciences de
gestion;
gestion; 24%
25%
Sciences
économiques Sciences Positivisme
économiques; 26% Post-positivisme
25%
Sciences Néo-positivisme
Sciences
économiques; Constructivisme
Sciences de économiques;
gestion; 23% 18% 22% Interprétativisme
Sciences
Sciences de
économiques;
gestion;
9% 23%
Sciences de
gestion; 5%

Ces choix épistémologiques des répondants se justifient pour les deux filières par en premier
l’objectif et la finalité du travail : les chercheurs déterminent les objectifs principaux de leur
recherche (28% pour les sciences économiques, 24% pour les sciences de gestion). Puis en
fonction de leur choix méthodologique (quantitatif ou qualitatif) (25% pour les sciences
économiques et 23% pour les sciences de gestion). Suivi du mode de raisonnement (inductif,
abductif, déductif ou hypothético-déductive) adopté par le chercheur pour l’étude de sa
problématique (21% pour les sciences économique ainsi que pour les sciences de gestion). La
spécificité et la nature des théories mobilisées se présentent aussi comme l’une des raisons qui
influencent le choix de la posture épistémologique (17% pour les sciences économiques et 20%
pour les sciences de gestion). Puis, on trouve la maîtrise des outils et la compétence du
chercheur en la matière qui oriente faiblement ces choix épistémologique (5% pour les sciences
économiques, et 8% pour les sciences de gestion. Et le champ de recherche vient à la fin avec
à peine 4% pour chacune des filières. Cependant l’influence des directeurs de thèse et des
structures de recherche n’ont aucun impact sur le positionnement épistémologique des
répondants (Voir graphe 3).

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Graphe 2 : Justification des choix épistémologiques par les répondants

Mode de raisonnement 21%


21%

Positionnement méthodologique 23%


25%
Orientation du directeur de thèse 0%
ou votre structure de recherche 0%

Vos maîtrises et compétences 8% Sciences de gestion


5%
Sciences économiques
Champs de votre recherche 4%
4%

Théories mobilisées 20%


17%

Objectif dela recherche 24%


28%

0% 5% 10% 15% 20% 25% 30%

La méthodologie de recherche préférée par les chercheurs en science économique est la


méthode qualitative (42%), alors que les chercheurs en science de gestion privilégient la
méthodologie quantitative (48%). Mais généralement les choix méthodologiques des
répondants restent équilibré dans la mesure où il y a une partie des répondants qui privilégient
le qualitatifs, d’autres qui préfèrent le quantitatif. Alors que peu de thésards optent pour une
méthode mixte (Voir graphe 5).

2.3. Discussion

En approfondissant notre discussion avec les doctorants, nous trouvons que pour la plupart
d’entre eux le choix du positionnement épistémologique, du mode de raisonnement (déduction,
abduction, induction) et de la méthodologie reste étroitement lié et donc adoptent une idée pour
laquelle l’induction est réservé aux recherches qualitatives ; alors que la déduction est utilisé
uniquement dans le cas des études quantitatives.Cette affirmation est loin d’être en cohérence
avec le contexte actuel de la recherche qui a tant progressé et donc nécessite des progrès en
termes de méthodologie et de raisonnement à suivre. Cette idée a été critiqué par plusieurs

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travaux antérieurs (Thiétart et coll., 2003 ; Becker, 200417 et autres), qui invitent à dépasser
cette ‘conjoncture obligatoire’.

Ils s’appuient ainsi sur des exemples intéressants afin de prouver qu’il est quasiment possible
de se baser sur l’induction dans une étude quantitative ; et vise versa, il est tout à fait possible
de s’inscrire dans une logique déductive pour une étude qualitative afin de valider une
affirmation conceptuelle déduite sur le terrain qualitatif (à travers une étude de cas par
exemple).

Cependant rare sont les travaux quantitatifs qui s’appuient sur une démarche inductive et vice-
versa très peu d’études qualitatives suivent un raisonnement déductif ou encore hypothético-
déductif, et c’est ce qui est aussi prouvé par l’étude des choix épistémologique et
méthodologique des doctorants de l’Université Hassan II présenté antérieurement : à peine 4%
des répondants suivants une approche qualitative optent pour la déduction et seulement 2% des
répondants s’appuyant sur une méthode quantitative optent pour l’induction.

D’autre part, l’idée selon laquelle « les outils de recherche “ quantitatifs ” sont réservés
uniquement aux “ positivistes ” et le “ qualitatifs ” pour les travaux “ constructivistes ” ou “
interprétativistes ” » est à abandonner. En effet, il n’y a aucune règle qui imposent aux
chercheurs d’utiliser uniquement les outils qualitatifs dans les paradigmes constructiviste et
interprétativiste et des méthodes quantitatives dans le paradigme positiviste, d’où un chercheur
peut se servir dans des recherches constructivistes ou interprétatives des outils quantitatifs, et
inversement des outils qualitatifs dans des recherches positivistes.

En revanche, peu d’études relevant du paradigme constructiviste ou interprétativiste se basent


sur des outils quantitatifs et vice-versa les positivistes préfèrent se référer à des outils
quantitatifs au détriment du qualitatif. Ou parfois des chercheurs préfèrent pour contrecarrer
l’ensemble de ces difficultés d’opter pour une approche mixte et ainsi se référer aux outils des
deux approches pour parfaire la recherche et l’étudier sous différents angles.

De même l’idée pour laquelle les outils quantitatifs (tel le questionnaire,…) sont réservés aux
chercheurs quantitatifs et inversement pour les outils qualitatifs est à abandonner : une étude

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Cité par Velmuradova, 2004

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quantitative peut s’appuyer sur des outils qualitatifs et inversement une étude qualitative peut
s’appuyer sur des méthodes quantitatives.

D’où l’importance de distinguer les méthodes (outils) des méthodologies suivies


(quantitatifs/qualitatifs) : en effet, en réalisant une étude de cas qualitatif sur un seule cas par
exemple d’une entité, on peut se référer à des méthodes quantitatives, comme le questionnaire
distribués aux salariés.

Une méthode ne doit absolument pas être attribuée à une nature d’étude au détriment des autres.
Et donc une méthode qualitative peut être utilisé dans une étude quantitative, ainsi qu’une étude
qualitative peut opter pour des moyens quantitatifs, sans pour autant être obligé de passer par
une approche mixte pour pouvoir en utiliser.

Conclusion

Les développements de cet article mettent en évidence les bases à appréhender avant de
s’engager dans toute recherche ou étude scientifique. Ils mettent en relief les spécificités de
chaque paradigme afin d’éclairer et orienter les chercheurs à faire les choix épistémologique
convenants à l’objectif et à la finalité de leurs travaux de recherche.

Le choix de la posture épistémologique se présente comme une première et principale étape


dans un travail de recherche, qui guidera, orientera et influencera tout le processus de recherche,
d’où, il s’avère essentiel et primordial que les chercheurs expliquent les choix épistémologiques
et méthodologiques sur lesquels leurs recherches sont fondées (Kim, 2003).

Ce choix de la posture épistémologique et de la méthodologie n’est du tout pas hasardeux, il


doit contribuer à mieux assimiler un problème de recherche et permettre le développement ou
la production d’une nouvelle connaissance. D’où ce choix dépend de la question de recherche,
de sa typologie et du contexte dans lequel se déroule la recherche : quelles données sont
disponibles et quel type d’étude le chercheur peut réaliser dans ce contexte ? (Denzin et Lincoln,
1994). Ce questionnement influence par la suite le mode et l’outil de collecte des données, ce
qui impacte ainsi le processus de recherche qui doit conduire à la fin soit à des réponses à un
problème donné ou à la construction et la production d’une nouvelle connaissance.

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ANNEXE : Questionnaire

Informations générales
1. En quelle année du cycle doctoral vous êtes ?
 En troisième année
 En quatrième année
 En cinquième année
 En sixième année
2. Quelle est votre filière de recherche ?
 Sciences économiques
 Sciences de gestion
Positionnement épistémologique
3. Quel est le positionnement épistémologique de votre recherche ?
 Positivisme
 Post-positivisme
 Néo-positivisme
 Interprétativisme
 Constructivisme
4. Quelles sont les principales raisons du choix du positionnement épistémologique de
votre recherche ?
 Objectif de la recherche
 Théories mobilisées
 Champs de votre recherche
 Vos maîtrises et compétences
 Orientation du directeur de thèse ou votre structure de recherche
 Positionnement méthodologique
 Mode de raisonnement
5. Quel raisonnement avez-vous adopté dans votre recherche ?
 Déduction
 Induction
 Abduction
 Hypothético-déductif
6. Quelle est l’approche méthodologique de votre recherche ?
 Les méthodologies qualitatives
 Les méthodologies quantitatives
 Les méthodologies mixtes

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