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INTRODUCTION
Le concept de "bounded rationality" ou "rationalité limitée" a été théorisé par Herbert
Simon, chercheur américain (1916-2001) qui s’est intéressé à l'analyse des problèmes
de la décision et leurs conséquences. Ce concept lui a valu le Prix Nobel d’économie
en 1978 et est aujourd'hui utilisé en sociologie, psychologie, microéconomie et
philosophie politique. Ses travaux sur la prise de décision préconisent l’abandon des
postulats classiques d’optimisation et de maximisation au profit de l’idée de
satisfaction. De la conceptualisation de Herbert Simon sur la notion de rationalité
limitée (I), les limites sont apparues et ont ouverts d’autres perspectives (II)
I-2 Le processus rationnel de décision est alors itératif : les boucles du modèle I/M/C
En théorie des organisations tout d’abord, d’une certaine façon, certaines limites de la
théorie ont été abordées par Simon lui-même avec les analyses originales et
provocantes de la décision qu’apportera l’école de Carnegie, et notamment de la
décision collective. C’est en effet sur la base de la rationalité limitée que les
constructions sophistiquées des modèles du ‘slack’ organisationnel, de la mémoire
organisationnelle, de la coalition dominante. Ces modèles traduisent une certaine
distance par rapport à la perspective décisionnelle mettant en cause l’idée d’une
succession nécessaire entre décision et action et la primauté du deciding sur le doing,
telle que l’avait initialement envisagée Simon. C’est la pertinence même de la notion
de décision qui sera contestée avec les travaux de Brunsson (1982, 1985) sur
l’organisation irrationnelle. A la rationalité de la décision, l’auteur oppose la rationalité
de l’action. Deux conséquences principales en découlent :
c’est d’abord l’idée même d’un « moment décisionnel » qui est mise en cause,
la décision ne pouvant être isolée artificiellement du cours de l’action
(Mintzberg et al., 1995). Mintzberg en conclut alors qu’il faut inventer les
instruments intellectuels susceptibles de saisir le contexte confus dont les
décisions ne peuvent pas être dissociées (1998). Il préfère d’ailleurs évoquer
l’engagement à agir plutôt que la décision ;
la décision est aussi de plus en plus disjointe de l’action : les décisions
n’aboutissent pas toujours à des actions et les actions ne sont pas toujours
précédées de décision. March avait déjà souligné l’ambiguïté des liens entre
comportement et situation de choix. Brunsson va encore plus loin : la quête
appliquée de solutions rationnelles peut selon lui augmenter l’incertitude,
réduire la motivation et susciter des résistances à l’engagement. La recherche de
rationalité se trouve alors en contradiction avec les exigences fondamentales de
l’action efficace (attentes, motivations, engagements). Il s’ensuit que
l’organisation est envisagée comme génératrice d’actions (plus que de
décisions).